Language of document : ECLI:EU:T:2007:261

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 septembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Harcèlement moral – Devoir d’assistance – Rapport d’évolution de carrière pour l’exercice 2001/2002 – Recours en annulation – Absence d’intérêt à agir – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T‑249/04,

Philippe Combescot, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Popayan (Colombie), représenté par Mes A. Maritati et V. Messa, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris et Mme M. Velardo, en qualité d’agents, assistés de MS. Corongiu, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, la reconnaissance de l’illégalité des comportements des supérieurs hiérarchiques du requérant, la reconnaissance du droit de ce dernier à l’assistance et l’annulation du rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 et, d’autre part, le paiement d’une indemnité en réparation des préjudices allégués subis par le requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période 2001-2002

1        Au moment du dépôt du recours, le requérant était fonctionnaire de la Commission. Entre novembre 1999 et l’été 2003, il exerçait la fonction de conseiller résident au Guatemala.

2        Le rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 (ci-après le « REC ») a été établi par deux co-évaluateurs, M. M., alors chef de la délégation de la Commission au Nicaragua et supérieur hiérarchique direct du requérant, et M. D. C., alors directeur de la direction G « Amérique latine » de la direction générale (DG) des relations extérieures de la Commission. Lors de leur réunion du 11 février 2003, les co-évaluateurs sont convenus d’une note globale de 13 points sur 20, à savoir 7 points sur 10 pour la rubrique « Rendement », 4 points sur 6 pour la rubrique « Aptitudes » et 2 points sur 4 pour la rubrique « Conduite dans le service ».

3        Le REC a été validé par le validateur, M. F., alors directeur de la direction K « Service extérieur » de la DG « Relations extérieures », et transmis au requérant qui l’a reçu le 28 avril 2003.

4        Par note envoyée le 29 avril 2003, le requérant a exprimé son désaccord avec le REC et a sollicité un entretien avec le validateur. Cet entretien s’est déroulé le 21 mai 2003.

5        Le 5 juin 2003, le validateur a envoyé au requérant une note dans laquelle il l’informait de sa décision de maintenir les commentaires figurant dans le REC ainsi que la note globale de 13 points sur 20.

6        Le requérant ayant saisi le comité paritaire d’évaluation pour le service extérieur, ce dernier a, par décision du 30 septembre 2003, estimé qu’il n’y avait pas lieu de modifier le REC.

7        En conséquence, le REC a été définitivement confirmé par l’examinateur d’appel le 10 octobre 2003 et a été notifié au requérant le 9 mai 2004.

2.     Procédure précontentieuse

8        Par lettre en date du 12 septembre 2003, intitulée « Réclamation au sens de l’article 90 du statut pour harcèlement » et adressée à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), le requérant a soulevé des griefs liés au fait qu’il aurait fait l’objet d’un harcèlement de la part de ses supérieurs hiérarchiques, notamment M. M., lors de la période d’exercice de ses fonctions au Guatemala. Selon le requérant, ce harcèlement serait lié au fait qu’il avait informé la Commission de certaines irrégularités qu’il aurait constatées dans la gestion de la délégation au Guatemala par M. M., son prédécesseur à ce poste.

9        Le requérant soutenait également que le REC était illégal dans la mesure où M. M. se serait trouvé en situation de conflit d’intérêts en raison de la profonde inimitié existant entre eux. Il a en outre formulé, dans le même document, une demande d’ouverture d’enquête concernant certains comportements de M. M. et d’autres fonctionnaires de la Commission, a réclamé à la Commission le « droit à la protection » et a demandé la réparation de « toutes les conséquences physiques, matérielles, morales et intellectuelles » subies par lui.

10      Après avoir fait l’objet, dans un premier temps, d’une décision de rejet implicite, la lettre du 12 septembre 2003, qui a été qualifiée par l’AIPN de demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), a été rejetée explicitement par décision en date du 25 mars 2004 (ci‑après la « décision de l’AIPN »). L’AIPN a estimé que le REC n’était pas entaché d’illégalité. Ensuite, elle a estimé que les allégations présentées par le requérant ne permettaient pas de donner une suite favorable à sa demande d’assistance. L’AIPN a néanmoins transmis les allégations du requérant à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF)  et à l’Office d’investigation et de discipline en vue de l’ouverture éventuelle d’enquêtes et s’est réservé le droit de modifier ses conclusions dans l’hypothèse où ces enquêtes apporteraient des éléments nouveaux.

3.     Mise à la retraite du requérant

11      Lors de sa réunion qui a eu lieu le 31 janvier 2005, une commission d’invalidité a conclu que le requérant était atteint d’une invalidité permanente totale. La commission d’invalidité n’a pas conclu sur le point de savoir si l’invalidité résultait d’une maladie professionnelle. En se fondant sur les conclusions de la commission d’invalidité, l’AIPN a décidé le 7 février 2005 de mettre le requérant à la retraite et de l’admettre au bénéfice d’une allocation d’invalidité, avec effet au 28 février 2005.

4.     Investigation de l’OLAF

12      Par décision du 20 septembre 2004, l’OLAF a lancé une enquête sur le fondement des allégations présentées par le requérant à l’AIPN. Cette investigation a été close par le rapport final du 30 mai 2006 (ci-après le « rapport de l’OLAF ») sans que des irrégularités aient été détectées ou que des recommandations aient été faites.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2004, le requérant a introduit le présent recours.

14      Le Tribunal (deuxième chambre) a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Le requérant et la Commission ont répondu aux questions et déféré à la demande de production de documents.

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 14 novembre 2006.

17      Lors de l’audience, la Commission a été invitée à communiquer une copie du rapport de l’OLAF, ainsi que du rapport de l’inspection effectuée par les services de la Commission au Guatemala, en date du 12 septembre 2002 (ci-après le « rapport d’inspection »). Une fois ces documents communiqués, le requérant a été invité à présenter ses observations sur ceux-ci. La Commission a communiqué ces documents le 7 décembre 2006 et le requérant, sur l’invitation du Tribunal, a présenté ses observations sur ces derniers le 8 janvier 2007.

18      Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 23 janvier 2007, la procédure orale a été close.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AIPN en ce qu’elle a rejeté sa demande d’assistance en vertu de l’article 24 du statut ;

–        annuler le REC ;

–        reconnaître son droit à être indemnisé pour les préjudices subis en raison de l’illégalité de la décision de l’AIPN, de celle du REC, ainsi que de tous les autres comportements vexatoires de ses supérieurs hiérarchiques ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les demandes en annulation irrecevables ;

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

1.     Sur le respect des formalités procédurales

21      Chacune des parties a présenté un grief concernant le respect, par la partie adverse, des formalités de représentation devant le Tribunal. Ainsi, la Commission fait valoir que la signature du requérant sur le pouvoir donné aux avocats semble être identique à celle apposée sur le pouvoir dans l’affaire T‑250/04. Le requérant, pour sa part, invoque le fait que le mémoire en défense n’a pas été signé par l’avocat assistant les agents de la Commission.

22      En ce qui concerne l’identité apparente des mandats présentés dans la présente affaire et dans l’affaire T‑250/04, cette circonstance n’est pas de nature à affecter le caractère régulier de la représentation du requérant. En effet, les règles procédurales applicables devant le Tribunal ne s’opposent pas à ce qu’une partie établisse un mandat unique couvrant plusieurs affaires devant lui, dans lesquelles elle entend participer et, par conséquent, à ce qu’un même mandat soit produit par le représentant concerné dans le contexte de plusieurs recours.

23      Quant au grief du requérant, l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, dispose que les institutions de la Communauté sont représentées devant la Cour par un agent. Dès lors, la signature du mémoire en défense par les deux agents de la Commission, circonstance non contestée par le requérant, est suffisante, la signature par l’avocat assistant ces agents n’étant pas nécessaire au regard des règles procédurales applicables devant le Tribunal.

24      L’examen de ces griefs n’ayant fait ressortir aucune irrégularité, ceux‑ci doivent être rejetés.

2.     Sur la recevabilité

 Sur le renvoi général aux faits exposés dans la lettre du 12 septembre 2003

25      Dans sa requête, le requérant a renvoyé à tous les faits exposés dans sa lettre du 12 septembre 2003.

26      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et de déterminer, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, points 20 à 22 ; arrêts du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 154, et du 3 mars 2004, Vainker/Parlement, T‑48/01, RecFP p. I‑A‑51 et II‑197, point 151).

27      Il résulte de ce qui précède que, en ce qu’il se réfère à des griefs non explicités dans la requête, le renvoi global aux faits exposés dans la lettre du 12 septembre 2003 doit être déclaré irrecevable.

 Sur le respect de la procédure précontentieuse

28      S’agissant des demandes visant à l’annulation de la décision de l’AIPN et à l’indemnisation du préjudice prétendument subi en raison du comportement des supérieurs hiérarchiques du requérant, il convient de rappeler que les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité du recours contentieux, introduit par un fonctionnaire contre l’institution à laquelle il appartient, à la condition de principe d’un déroulement régulier de la procédure administrative préalable qu’ils instituent. Ces règles sont d’ordre public et les parties ne peuvent s’y soustraire. Selon l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public (voir arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Andrieu/Commission, T‑285/04, non encore publié au Recueil, point 129, et la jurisprudence citée), et, partant, le respect desdites règles procédurales.

29      À cet égard, il convient de préciser que, selon l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours ne peut être introduit devant le Tribunal que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dans le délai qui y est prévu, et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet. L’article 90, paragraphe 2, du statut prévoit que l’AIPN peut être saisie d’une réclamation dirigée contre un acte faisant grief au fonctionnaire, soit que l’AIPN ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. Un acte faisant grief peut consister, notamment, dans le rejet, implicite ou explicite, d’une demande préalable adressée par le fonctionnaire à l’AIPN conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut.

30      Par conséquent, si le fonctionnaire entend contester un acte lui faisant grief, il peut saisir l’AIPN directement d’une réclamation et, ensuite, si sa réclamation est rejetée, introduire un recours devant le Tribunal, dans lequel il demande l’annulation de l’acte faisant grief, le versement d’une indemnité, ou les deux.

31      En revanche, si le fonctionnaire allègue un dommage ne résultant pas d’un acte faisant grief au sens du statut, il ne peut entamer la procédure qu’en introduisant auprès de l’AIPN une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, dont le rejet éventuel constituera une décision lui faisant grief contre laquelle il pourra introduire une réclamation, laquelle pourra, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en annulation et/ou d’un recours en indemnité (voir arrêt Andrieu/Commission, précité, point 133, et la jurisprudence citée).

32      En l’espèce, s’agissant de la demande en annulation de la décision de l’AIPN, il convient d’observer que, malgré son titre « Réclamation au titre de l’article 90 du statut pour harcèlement », dont le choix par le requérant ne saurait lier le Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 14 février 2005, Ravailhe/Comité des régions, T‑406/03, RecFP p. I‑A‑19 et II‑79, point 41, et la jurisprudence citée), la lettre du 12 septembre 2003 constitue en réalité une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut. En effet, la revendication par le requérant de son droit à l’assistance vise à ce que l’AIPN adopte une décision à son égard et n’est pas dirigée contre un quelconque acte faisant grief. Elle ne peut donc être qualifiée de réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Dès lors, le rejet par l’AIPN de la lettre du 12 septembre 2003 constitue un acte faisant grief au requérant. Or, le requérant n’a pas saisi l’AIPN d’une réclamation contre le rejet de la lettre du 12 septembre 2003. Par conséquent, le requérant n’ayant pas poursuivi la procédure précontentieuse requise par le statut, la demande en annulation de la décision de l’AIPN est irrecevable.

33      La même conclusion s’impose quant à la demande visant l’indemnisation du préjudice subi en raison des comportements prétendument vexatoires des supérieurs hiérarchiques du requérant. En effet, à la différence des demandes en indemnisation du préjudice subi en raison de l’illégalité de la décision de l’AIPN et de celle du REC, le requérant soutient avoir subi un préjudice en l’absence d’actes faisant grief. Dès lors, il était tenu de suivre une procédure précontentieuse en deux étapes, à savoir la présentation d’une demande et, ensuite, le cas échéant, l’introduction d’une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut. Or, si la lettre du 12 septembre 2003 contient un passage qui peut être interprété comme une invitation à réparer les préjudices subis (voir point 9 ci‑dessus in fine), elle a été rejetée intégralement par l’AIPN. Dans ces circonstances, en vertu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, il incombait au requérant de déposer une réclamation contre le rejet de sa demande en indemnité par l’AIPN. Une telle réclamation n’ayant pas été présentée, la demande introduite devant le Tribunal est irrecevable.

 Sur l’intérêt du requérant à obtenir l’annulation du REC

 Arguments des parties

34      La Commission soutient que la demande en annulation du REC est devenue irrecevable, puisque le requérant a été mis à la retraite et admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité. En effet, le fonctionnaire à la retraite n’aurait aucun intérêt à demander l’annulation de décisions qui pourraient avoir des effets négatifs sur sa carrière.

35      Le requérant estime qu’il conserve un intérêt à voir le REC annulé dans la mesure où ce dernier a affecté son image ainsi que son état de santé et a remis en cause son professionnalisme. De même, une décision sur la légalité du REC aurait des conséquences sur la situation économique du requérant étant donné que, d’une part, elle serait prise en compte dans le cadre du recours en indemnité et, d’autre part, elle lui permettrait éventuellement de revendiquer une meilleure reconnaissance de ses qualifications et, de ce fait, un traitement plus élevé. En outre, la constatation de l’illégalité du REC serait importante pour la reconnaissance éventuelle, par la commission d’invalidité, de l’origine professionnelle de son invalidité.

 Appréciation du Tribunal

36      Selon la jurisprudence, pour qu’un fonctionnaire mis à la retraite puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision de l’AIPN, il faut qu’il conserve un intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 15 février 1995, Moat/Commission, T‑112/94, RecFP p. I‑A‑37 et II‑135, point 26, et arrêt du Tribunal du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 32).

37      S’agissant du REC attaqué dans le cadre du présent recours, il est de jurisprudence bien établie qu’un rapport d’évolution de carrière, en tant que document interne, a pour fonction première d’assurer à l’administration une information périodique sur l’accomplissement de leur service par ses fonctionnaires (voir ordonnance du Tribunal du 30 novembre 1998, N/Commission, T‑97/94, RecFP p. I‑A‑621 et II‑1879, point 25, et la jurisprudence citée). À l’égard du fonctionnaire, il joue un rôle important dans le déroulement de sa carrière, essentiellement en matière de mutation et de promotion. Partant, il n’affecte en principe l’intérêt de la personne notée que jusqu’à la cessation définitive de ses fonctions (ordonnance N/Commission, précitée, point 26).

38      En l’espèce, il est constant qu’après le dépôt du recours le requérant a été mis à la retraite et admis au bénéfice d’une pension d’invalidité. En outre, ainsi qu’il ressort des réponses des parties lors de l’audience, la décision de mise à la retraite est devenue définitive, le requérant n’ayant pas présenté de réclamation, et rien n’indique qu’une amélioration de l’état de santé du requérant permettant sa réintégration au service de la Commission soit probable. Dès lors, le requérant n’a plus d’intérêt à demander l’annulation du REC.

39      Les circonstances invoquées par le requérant ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion. En effet, en premier lieu, l’existence d’un rapport d’évolution de carrière, en tant que document interne, ne constitue, en principe, pas une atteinte à l’image et au professionnalisme d’un fonctionnaire retraité, qui n’appartient plus à l’institution auteur du document. En deuxième lieu, la question de l’existence d’éventuels effets préjudiciables du REC sur la santé du requérant se pose uniquement dans le contexte de la demande d’indemnisation du préjudice prétendument subi par le requérant (voir points 42 et suivants ci‑après). En troisième lieu, l’annulation du REC à elle seule, c’est‑à‑dire en l’absence de l’annulation d’une décision de non‑promotion, n’est pas de nature à ouvrir le droit à un traitement plus élevé pour le requérant. Or, le présent recours ne vise pas une décision de non‑promotion, et le requérant n’allègue pas qu’il aurait attaqué une telle décision en dehors du présent recours. En quatrième et dernier lieu, le requérant n’étaye pas sa thèse selon laquelle l’examen de la légalité du REC serait de nature à influer sur la reconnaissance éventuelle, par la commission d’invalidité, de l’origine professionnelle de son invalidité. Il s’agit là d’une pure affirmation, l’existence d’une telle influence ne ressortant pas non plus des faits de l’espèce, tels que présentés au Tribunal.

40      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la demande en annulation du REC est irrecevable.

41      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence selon laquelle un fonctionnaire mis à la retraite conserve un intérêt personnel à poursuivre un recours en annulation dans la mesure où, dans l’hypothèse de l’annulation de la décision attaquée, il aurait la possibilité d’introduire postérieurement un recours visant à la réparation du dommage qu’il pourrait avoir subi (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T‑82/89, Rec. p. II‑735, point 54, et Contargyris/Conseil, précité, point 32). En effet, dans le cas d’espèce, le requérant a d’ores et déjà épuisé cette possibilité, en introduisant une demande visant à l’indemnisation du préjudice prétendument subi du fait de l’illégalité du REC en même temps que la demande visant à l’annulation de ce dernier.

 Sur la recevabilité des demandes en indemnité visant le préjudice prétendument subi en raison de l’illégalité de la décision de l’AIPN rejetant la demande d’assistance et de celle du REC

42      La Commission soutient encore que les demandes en indemnité visant le préjudice prétendument subi en raison de l’illégalité de la décision de l’AIPN rejetant la demande d’assistance et de celle du REC sont irrecevables dans la mesure où elles sont étroitement liées à des demandes en annulation irrecevables.

43      Or, il est vrai que, selon la jurisprudence, un fonctionnaire ne saurait, par le biais d’une demande tendant au paiement de dommages-intérêts, tourner l’irrecevabilité d’une demande visant l’illégalité du même acte et tendant aux mêmes fins pécuniaires (arrêt de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission, 59/65, Rec. p. 785, 797), et que, par conséquent, l’irrecevabilité d’une demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité, étroitement liée à la demande en annulation (arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, 480).

44      Toutefois, cette jurisprudence a été dégagée dans des affaires dans lesquelles soit les requérants ont omis d’attaquer, par le biais d’un recours en annulation, les actes qui étaient à l’origine du préjudice qu’ils prétendaient avoir subi, soit de tels recours en annulation ont été jugés irrecevables en raison de leur présentation tardive. Ainsi, la règle jurisprudentielle a expressément pour objet d’éviter qu’un fonctionnaire qui n’a pas attaqué en temps utile une décision de l’AIPN lui faisant grief ne contourne cette forclusion en présentant un recours en responsabilité fondé sur l’illégalité prétendue de cette décision (arrêts Schreckenberg/Commission, précité, p. 797, et Bossi/Commission, précité, points 31 et 34 ; arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 76 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, point 11 ; Collignon/Commission, précité, p. 480, et du 7 octobre 1987, Schina/Commission, 401/85, Rec. p. 3911, points 10 et 13).

45      À la lumière de ces considérations, il apparaît que la demande en indemnité, visant le préjudice prétendument subi en raison de l’illégalité de la décision de l’AIPN rejetant la demande d’assistance, est irrecevable. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 32 ci‑dessus, en omettant de présenter une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant n’a pas respecté l’exigence du déroulement régulier de la procédure précontentieuse. Cette omission étant assimilable aux situations invoquées au point précédent, dans la mesure où elle concerne le non‑respect par le requérant de la procédure prescrite pour demander l’annulation d’un acte faisant grief, l’application de la règle jurisprudentielle susmentionnée est justifiée.

46      En revanche, s’agissant de la demande en indemnisation du préjudice prétendument subi en raison de l’illégalité du REC, il convient d’observer que le requérant a attaqué dans les délais, par un recours en annulation, la légalité du REC, ce dernier recours n’étant pas soumis au respect d’une procédure précontentieuse (voir, en ce sens, arrêt Andrieu/Commission, précité, point 132, et la jurisprudence citée). Ce n’est qu’après le dépôt du recours que la demande en annulation est devenue irrecevable, et ce pour une raison indépendante de la volonté du requérant, à savoir sa mise à la retraite. Dans ces circonstances, le fait de déclarer la demande en indemnité recevable n’a pas pour conséquence de permettre au requérant de contourner une forclusion liée à ce qu’il n’aurait pas respecté la procédure appropriée pour demander l’annulation de l’acte dont il soutient l’illégalité.

47      En outre, il convient d’observer que, bien que le requérant n’ait plus aucun intérêt légitime à obtenir l’annulation du REC, il conserve toutefois un intérêt à demander qu’un jugement soit porté sur la légalité de cet acte dans le cadre d’une demande visant à obtenir la réparation du préjudice professionnel, physique et moral qu’il estime avoir subi en raison du comportement de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T‑20/89, Rec. p. II‑769, point 18, non annulé sur pourvoi en ce qui concerne l’examen de la recevabilité).

48      Il s’ensuit que la demande en indemnité visant les effets préjudiciables de l’illégalité alléguée du REC doit être déclarée recevable. Il y a dès lors lieu d’examiner cette dernière demande quant au fond.

3.     Sur le bien‑fondé de la demande d’indemnisation du préjudice subi en raison de l’illégalité du REC

49      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 72 ; ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, RecFP p. I‑A‑91 et II‑429, point 34, et arrêt du Tribunal du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, RecFP p. I‑A‑339 et II‑1541, point 125). Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas satisfaite, la responsabilité de la Communauté ne peut être engagée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, RecFP p. I‑A‑203 et II‑627, point 57, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 14).

 Sur le comportement illégal

 Arguments des parties

50      Le requérant soutient, en substance, que, en raison d’une inimitié personnelle découlant d’une série de faits antérieurs, M. M. n’était pas impartial lors de la préparation du REC. Cette inimitié personnelle de longue durée serait reflétée par le contenu du REC et serait, en dernier lieu, confirmée par le fait que M. M. a demandé à être exempté de la préparation du rapport d’évolution de carrière du requérant pour l’année 2003.

51      Selon le requérant, dans ces circonstances, M. M. aurait dû s’abstenir de l’établissement du REC, et la Commission, qui était au courant de son manque d’impartialité, aurait dû charger d’autres fonctionnaires de l’évaluation du requérant. Le requérant considère à cet égard que, dans la mesure où la condition de l’impartialité de celui qui porte un jugement n’a pas été respectée, la procédure qui a abouti à l’établissement du REC est entachée d’une grave illégalité.

52      Le requérant estime en outre que, en raison du rôle prépondérant de l’évaluateur qui est censé conduire un dialogue avec l’évalué, les conséquences de ce manque d’impartialité ne pouvaient pas être écartées par l’engagement d’un co‑évaluateur dans la procédure d’évaluation.

53      En ce qui concerne plus particulièrement les événements antérieurs à la rédaction du REC, le requérant expose que M. M. éprouvait une profonde inimitié envers lui. Cette hostilité personnelle, sans rapport avec les relations professionnelles, serait liée au fait que le requérant a attiré l’attention de la Commission sur certaines anomalies et dysfonctionnements de la gestion de la délégation au Guatemala par son prédécesseur, M. M.

54      Le requérant explique à cet égard que, avant d’assumer ses fonctions au Guatemala, il avait déjà été qualifié de sujet « litigieux » par M. M., ce qui a affecté sa réputation professionnelle. Ce jugement personnel et non fondé, qui serait guidé par l’intention de nuire à l’image du requérant, serait contredit par les témoignages d’estime, adressés au requérant par ses amis et collègues au Guatemala.

55      Cette inimitié personnelle serait également illustrée par le fait que, à la fin de sa mission au Guatemala, M. M. a quitté la délégation sans attendre l’arrivée de son successeur, à savoir le requérant, et sans effectuer le passage formel de consignes, une opération indispensable pour la continuité du travail, dictée par la pratique.

56      Le requérant fait observer, en outre, qu’il a informé la Commission de ce que, avant son arrivée, un certain M. A. exerçait une activité pour le compte de la Commission au Guatemala sans aucune autre légitimation que l’autorisation de fait émise par M. M. (ci-après l’« affaire A. »). Selon le requérant, cette circonstance grave, confirmée par le rapport d’inspection, et ses conséquences, au nombre desquelles figure l’inspection elle‑même, suffisent pour établir l’existence d’une antipathie personnelle de M. M. à l’égard du requérant. En effet, à la suite de l’affaire A., M. M. aurait adressé à M. S., alors directeur du personnel de la DG « Relations extérieures », une note pour contester les allégations du requérant. À la suite de la communication de cette note, une rencontre entre le requérant et M. M. aurait été organisée par M. S. à Bruxelles en décembre 2000.

57      Le rapport d’inimitié profonde et le harcèlement en découlant auraient également atteint la sphère privée du requérant. En effet, selon les renseignements obtenus de M. R., chauffeur auprès de la délégation de la Commission au Guatemala, que le requérant a proposé de faire citer comme témoin, M. M. aurait émis des commentaires sur la sexualité du requérant. Or, selon le requérant, cette attitude est révélatrice d’un profond mépris.

58      Quant au contenu du REC, le manque d’objectivité de M. M. ressortirait de ses commentaires en tant qu’évaluateur sur la conduite du requérant dans le service, selon lesquels « M. Combescot [avait] des relations compliquées avec ses collègues, pas toujours agréables et quelquefois en dehors des limites imposées par le principe de collégialité et du respect de la vie privée ». Il s’agirait là d’une conclusion partiale de l’évaluateur, motivée par son antipathie personnelle envers le requérant et dénotant un manque de tolérance. Cette conclusion ne serait étayée par aucun fait spécifique et serait par ailleurs contredite par des témoignages d’estime, adressés au requérant par ses collègues du Guatemala.

59      Les commentaires de l’évaluateur sur les aptitudes du requérant, indiquant que celui-ci est un « bon communicateur, son esprit parfois excessivement critique a[yant] provoqué quelquefois des crispations inutiles dans les relations avec les contreparties locales », seraient affectés par le même manque d’objectivité. En effet, l’évaluateur aurait de nouveau omis de fournir des éléments spécifiques permettant la vérification du bien‑fondé de son appréciation, la rendant ainsi incontrôlable, car dépourvue de motivation.

60      De même, l’autoévaluation du requérant, qui n’a pas suscité de commentaires de la part de l’évaluateur, ainsi que les appréciations contenues dans le rapport d’inspection divergeraient considérablement des conclusions de l’évaluateur en ce qu’elles feraient ressortir les bons résultats du travail du requérant au Guatemala. Le requérant explique à cet égard que, s’il est vrai que l’évaluation n’incombe pas au fonctionnaire évalué, l’évaluateur qui s’écarte radicalement de l’autoévaluation est néanmoins tenu de motiver sa position, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le requérant en conclut que le REC est entaché d’une incohérence substantielle.

61      Le requérant conclut en observant que la partialité de son évaluation ressort des points qui lui ont été attribués dans les différentes rubriques du REC, à savoir 7 points pour le rendement, un critère d’appréciation vérifiable objectivement, 4 points pour les aptitudes, un critère subjectif assorti d’une marge d’appréciation, et 2 points pour la conduite, ce qui est une évaluation sévère non étayée par des faits spécifiques. En effet, selon le requérant, il est incohérent pour l’évaluateur de s’exprimer positivement sur le rendement du fonctionnaire évalué et aussi négativement sur ses aptitudes et sa conduite.

62      La Commission estime que le requérant n’a pas apporté d’éléments étayant sa thèse sur la partialité de M. M. et fait observer, dans ce contexte, que les écritures du requérant ne contiennent pas de description complète et précise des faits.

63      En outre, le fait que M. M., qui était la personne la mieux placée pour évaluer le requérant, a demandé l’organisation d’une rencontre afin d’aplanir les difficultés consécutives à l’affaire A. ainsi que sa demande à être exempté de l’évaluation du requérant pour l’année 2003 témoigneraient de ses efforts pour instaurer des rapports professionnels sereins avec le requérant.

64      La Commission rappelle par ailleurs que le REC résulte d’une co‑évaluation par deux évaluateurs et qu’il a été validé par le validateur.

65      Elle soutient, enfin, que le REC n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, qu’il ne comporte pas de contradiction entre les points attribués et les motivations fournies et qu’il est suffisamment motivé.

 Appréciation du Tribunal

66      À titre liminaire, il convient d’observer que, eu égard au caractère fondamental des objectifs d’indépendance et d’intégrité poursuivis par l’article 14 du statut dans sa rédaction applicable à la présente espèce, il est de jurisprudence bien établie que cette disposition a un champ d’application large. Celui-ci couvre toute circonstance que le fonctionnaire qui est amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux de tiers, comme une source possible d’affectation de son indépendance en la matière (arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Willeme/Commission, T‑89/01, RecFP p. I‑A‑153 et II‑803, point 47). Il y a lieu d’en conclure qu’une décision adoptée en violation de ladite exigence d’impartialité et d’intégrité, telle qu’un REC établi par un évaluateur partial, peut être considérée comme étant entachée d’illégalité.

67      Il convient dès lors d’examiner les éléments présentés par le requérant pour établir le défaut d’impartialité de M. M.

–       Sur les événements antérieurs à la rédaction du REC

68      En ce qui concerne le premier événement antérieur à la rédaction du REC, le requérant ne précise pas les circonstances dans lesquelles M. M. l’aurait qualifié de « sujet litigieux », telles que le lieu, la date exacte ou encore les interlocuteurs à qui M. M. se serait adressé. Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas en mesure de vérifier si l’événement en cause a eu lieu et, par conséquent, ne saurait le prendre en considération.

69      De même, l’affirmation relative au départ prématuré de M. M. du Guatemala n’est pas de nature à établir la partialité de ce dernier. En effet, d’une part, le requérant n’a pas présenté d’élément établissant la véracité de son allégation. D’autre part, même à supposer que ledit épisode ait eu lieu, rien dans le dossier ne permet de considérer que le comportement de M. M. serait dû à une antipathie envers le requérant plutôt qu’à un autre motif.

70      Quant à l’affaire A., il ressort des pièces du dossier que le requérant a transmis à la Commission, peu de temps après son arrivée au Guatemala, des documents évoquant certaines irrégularités de la gestion par M. M. de la délégation au Guatemala et l’appartenance de ce dernier à une « mafia » et dénonçant, en même temps, des rapports qu’aurait entretenus son frère avec des milieux criminels. M. M. s’est élevé contre ces allégations par une note adressée au directeur du personnel de la DG « Relations extérieures », qui a organisé une rencontre entre les deux fonctionnaires afin d’essayer de résoudre leurs différends.

71      Si cette suite d’événements témoigne de l’existence de divergences entre les deux fonctionnaires concernés, il convient néanmoins d’observer, d’une part, que celles‑ci semblent, du moins en partie, dues à la nature des allégations présentées par le requérant et, d’autre part, que M. M. a opté pour une solution de conciliation et n’a pas engagé de mesures disciplinaires ou d’une autre nature à l’encontre du requérant. En outre, si l’on ne peut exclure que des divergences entre un fonctionnaire et son supérieur hiérarchique puissent créer une certaine irritation chez le supérieur hiérarchique, cette éventualité n’implique pas, en tant que telle, que ce dernier ne soit plus en mesure d’apprécier objectivement les mérites de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 188).

72      Enfin, en ce qui concerne les commentaires sur les habitudes sexuelles du requérant, prétendument émis par M. M., il y a lieu d’observer que le requérant n’a pas fourni d’indications suffisamment précises sur la date et la teneur de ces propos. En outre, s’il a proposé de faire citer comme témoin l’interlocuteur de M. M., M. G., alors chauffeur de la délégation au Guatemala, le requérant n’a pas, pour autant, communiqué au Tribunal les données nécessaires à la convocation du témoin, en particulier en ce qui concerne l’identification précise et le domicile de ce dernier. Par conséquent, la demande de mesure d’instruction doit être rejetée, de même que l’allégation du requérant, qui n’est supportée par aucun autre élément.

73      Il importe encore de relever que, si les copies du rapport de l’OLAF et du rapport d’inspection présentées par la Commission font état de l’existence de certaines divergences entre le requérant et M. M. liées à l’affaire A., elles ne permettent cependant pas de conclure que ce dernier n’aurait pas été impartial.

74      Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de conclure que le requérant n’a pas démontré que son évaluateur aurait été partial lors de la rédaction du REC en raison des événements antérieurs. Par conséquent, il n’a pas été établi que M. M. aurait été tenu d’informer l’AIPN de l’existence d’un conflit d’intérêts, en vertu de l’article 14 du statut alors en vigueur, ou encore que la Commission aurait été obligée de remplacer M. M. par un autre évaluateur.

75      En outre, il convient encore d’observer que le REC a été établi en commun accord par deux co‑évaluateurs, M. M. et M. D. C., directeur de la direction G de la DG « Relations extérieures », et qu’il a été validé par le validateur, M. F., directeur de la direction K de la DG « Relations extérieures ». Dès lors, même à supposer l’existence d’une certaine irritation de la part de M. M., l’intervention de ces deux fonctionnaires est de nature à contrebalancer l’impact de cette circonstance. En effet, le régime prévoyant l’intervention du validateur dans le processus d’évaluation doit être considéré comme une garantie de nature à neutraliser un éventuel risque de conflit d’intérêts en la personne de l’évaluateur (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2005, De Bry/Commission, T‑157/04, RecFP p. I‑A‑199 et II‑901, point 46, non annulé sur pourvoi sur ce point).

76      À cet égard, l’argument du requérant selon lequel la participation du co‑évaluateur et du validateur serait dépourvue de pertinence ne saurait être retenu. En effet, selon les règles applicables, d’une part, le chef de délégation et le directeur responsable de la zone géographique (en l’espèce, M. D. C.) sont tous deux les évaluateurs (article 3, paragraphe 1, de la décision de la Commission du 27 décembre 2002 portant modalités spécifiques concernant l’évaluation et la promotion du personnel travaillant au sein du service extérieur) et, d’autre part, l’évaluateur réalise l’évaluation en étroite association avec le validateur, avec lequel il établit le REC (article 3, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 4, de la décision de la Commission du 26 avril 2002 relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut). En outre, il n’est pas contesté que, en l’espèce, le requérant a effectivement participé à un entretien avec le validateur, M. F.

–       Sur le contenu du REC

77      Le requérant soutient que le défaut d’impartialité de M. M. se manifeste dans le contenu du REC même, qui serait par ailleurs entaché d’autres illégalités.

78      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des personnes chargées d’évaluer le travail de la personne notée. En effet, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer le travail de leurs fonctionnaires. Les jugements de valeur portés sur les fonctionnaires dans les REC sont exclus du contrôle juridictionnel, lequel ne s’exerce que sur les éventuelles irrégularités de forme, les erreurs de fait manifestes entachant les appréciations portées par l’administration, ainsi que sur un éventuel détournement de pouvoir (voir arrêt Andrieu/Commission, précité, point 99, et la jurisprudence citée).

79      En ce qui concerne, en premier lieu, les commentaires contenus sous le point 6.2 du REC, intitulé « Aptitudes », ainsi que sous son point 6.3, intitulé « Conduite dans le service » (voir points 58 et 59 ci‑dessus), il convient d’observer que, si l’évaluateur émet certaines réserves sur l’accomplissement de son service par le requérant, ses observations ne dépassent pas pour autant le cadre d’une évaluation objective d’un fonctionnaire par son supérieur hiérarchique et, par conséquent, ne constituent pas une preuve de ce que ce dernier aurait été partial ou de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

80      Les lettres élogieuses présentées par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause à elles seules les commentaires concernant la conduite dans le service. En effet, si l’une de ces lettres suggère que le requérant était bien apprécié par une partie de ses collaborateurs du bureau du Guatemala, elle ne permet pas pour autant de rapporter la même conclusion à la totalité des collègues de la Commission avec lesquels le requérant était entré en contact, et notamment à ses homologues ou à ses supérieurs hiérarchiques.

81      En deuxième lieu, le fait que l’évaluateur n’a fait référence, dans ses commentaires, ni à l’autoévaluation du requérant ni au rapport d’inspection ne saurait non plus établir le manque d’impartialité de M. M., ou encore constituer une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.

82      En effet, d’une part, les critiques de l’évaluateur se concentraient sur les relations du requérant avec ses collègues ainsi qu’avec les interlocuteurs locaux, alors que l’autoévaluation consistait, en substance, en un exposé des différentes activités exercées et des projets réalisés. Par conséquent, il n’apparaît pas que des références à l’autoévaluation auraient modifié sensiblement la teneur des commentaires de l’évaluateur contenus dans le REC. En outre, la seule circonstance de ne pas avoir fait écho dans ses commentaires à toutes les composantes de l’autoévaluation ne saurait suffire, en tant que telle, à démontrer que la Commission n’a pas pris en considération toutes les données pertinentes du cas d’espèce. En effet, l’exercice d’évaluation lui-même perdrait toute raison d’être si le fonctionnaire évalué y jouait un rôle prépondérant et s’il s’agissait simplement pour l’évaluateur de réfuter les affirmations dudit fonctionnaire (arrêt Andrieu/Commission, précité, point 92). Enfin, le requérant ne présente aucun élément suggérant que le défaut de référence à l’autoévaluation serait dû au manque d’impartialité de son évaluateur.

83      D’autre part, il convient d’observer qu’un rapport, tel que le rapport d’inspection en cause en l’espèce, qui a été rédigé à des fins autres que l’évaluation des fonctionnaires de la Commission n’est pas, en règle générale, un élément qui doit être pris en considération par l’évaluateur lors de la rédaction d’un rapport d’évolution de carrière. En tout état de cause, il n’a pas été établi en l’espèce que, lors de la rédaction du REC litigieux, l’évaluateur avait eu connaissance de l’existence du rapport d’inspection, ou encore qu’il avait été informé de son contenu. Il s’ensuit qu’il n’a pas été démontré que l’évaluateur ait été tenu de prendre ledit rapport en considération.

84      En troisième lieu, quant à la violation de l’obligation de motivation qu’aurait commise l’évaluateur, d’une part, en n’indiquant pas d’exemples concrets pour étayer ses critiques et, d’autre part, en ne motivant pas son choix de s’écarter de l’autoévaluation du requérant et des conclusions du rapport d’inspection, il convient de rappeler que l’administration a l’obligation de motiver les rapports d’évolution de carrière de façon suffisante et circonstanciée. Un soin particulier doit être apporté à la motivation dans certaines situations, notamment lorsque l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations du comité paritaire d’évaluation, lorsque le rapport comporte des appréciations moins favorables que celles figurant dans un rapport précédent ou encore lorsque l’établissement du rapport intervient avec retard et que l’évaluateur n’est plus le supérieur hiérarchique qui était en fonction pendant la période soumise à évaluation (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, RecFP p. I‑A‑261 et II‑1163, points 49, 50, 53 et 54).

85      Or, la motivation du REC, figurant au point 6, répond à ces exigences. En effet, elle explicite, quoique brièvement, dans les trois rubriques relatives respectivement au rendement, aux aptitudes et à la conduite dans le service, la grille d’appréciation analytique du REC, en indiquant les points forts et les points faibles de l’exercice par le requérant de ses fonctions. En outre, le requérant ne fait valoir aucune des circonstances précitées qui obligeraient l’administration à apporter un soin particulier à la motivation du REC.

86      Il s’ensuit que l’évaluateur n’était pas tenu d’apporter une motivation plus détaillée au REC en indiquant des exemples concrets pour étayer ses jugements de valeur. Il n’était pas non plus tenu de motiver son choix de s’écarter de l’autoévaluation et des conclusions du rapport d’inspection dans la mesure où, d’une part, une appréciation de l’évaluateur s’écartant de certains aspects de l’autoévaluation n’a pas à être spécialement motivée (arrêt Andrieu/Commission, précité, point 92) et, d’autre part, il a été conclu au point 83 ci‑dessus que l’évaluateur n’était pas tenu de prendre en considération ce rapport d’inspection.

87      Enfin, en quatrième lieu, dans la mesure où le requérant soutient qu’un rapport d’évolution de carrière qui, comme c’est le cas en l’espèce, comporte une évaluation positive sur une rubrique et des appréciations fortement négatives sur d’autres rubriques est atteint d’une incohérence et constitue dès lors l’expression de la partialité de l’évaluateur, il convient d’admettre que les différentes catégories d’évaluation ne sont pas entièrement indépendantes les unes des autres. En effet, les compétences d’un fonctionnaire ainsi que sa conduite auront normalement une répercussion sur son rendement. Toutefois, dans la mesure où d’autres facteurs peuvent affecter la qualité générale des prestations, il n’est pas exclu qu’un fonctionnaire soit, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, moins bon dans un domaine que dans d’autres. En l’espèce, la note de 4 sur 6 pour les « Aptitudes » du requérant correspond à celle concernant son « Rendement », qui est de 7 sur 10. Si la note pour sa « Conduite dans le service » est relativement moins élevée, n’atteignant que 2 sur 4, l’écart par rapport aux autres rubriques n’apparaît néanmoins pas suffisamment grand pour constater l’existence d’une incohérence manifeste.

88      Il s’ensuit qu’aucun des griefs relatifs au contenu du REC ne saurait être retenu.

–       Sur la demande de M. M. concernant la période d’évaluation 2003

89      Quant au fait que M. M. a demandé à être exempté de la rédaction du rapport d’évolution de carrière du requérant pour l’année 2003, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétend le requérant, cette circonstance n’est pas nécessairement la manifestation d’une antipathie de longue durée vis-à-vis du requérant, mais peut avoir d’autres causes, notamment les événements liés à la rédaction du REC litigieux, la contestation de ce dernier par le requérant et les allégations à l’encontre de M. M. qu’il a adressées à l’AIPN. Or, le requérant n’a pas présenté d’éléments permettant d’apprécier les motifs qui ont effectivement amené M. M. à demander à être remplacé dans sa fonction d’évaluateur du requérant.

90      Ce grief doit donc également être écarté.

91      Il ressort de tout ce qui précède que le requérant n’a pas établi à suffisance de droit que M. M. n’avait pas été impartial lors de la rédaction du REC.

92      L’examen des autres griefs du requérant n’a pas permis de constater que le REC serait entaché d’illégalité pour un autre motif.

93      Il y a donc lieu de conclure que l’existence d’un comportement illégal de la Commission, survenu dans le cadre de la rédaction du REC litigieux, n’a pas été démontrée. L’une des conditions exigées par la jurisprudence citée au point 49 ci‑dessus faisant ainsi défaut, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation du préjudice prétendument subi par le requérant en raison de l’illégalité alléguée du REC, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur l’argumentation concernant le montant de l’indemnisation réclamée.

94      Par conséquent, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

4.     Sur les mesures d’instruction

95      Dans ses écritures, le requérant a demandé que soit ordonné un certain nombre de mesures d’instruction. À la suite de l’invitation du Tribunal, la Commission a produit le rapport d’inspection, ainsi que le rapport de l’OLAF. La demande d’audition d’un témoin, quant à elle, a été rejetée dans la mesure où elle n’était pas suffisamment précise (voir point 72 ci‑dessus).

96      Étant donné que le Tribunal a été en mesure de trancher le litige sur le fondement des pièces versées au dossier, il y a lieu de rejeter les autres demandes de mesures d’instruction présentées par le requérant.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung

Table des matières


* Langue de procédure : l’italien.