Language of document : ECLI:EU:T:2007:262

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 septembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pourvoi du poste de chef de délégation en Colombie – Rejet de candidature – Recours en annulation – Absence d’intérêt à agir – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T‑250/04,

Philippe Combescot, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Popayan (Colombie), représenté par Mes A. Maritati et V. Messa, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris et Mme M. Velardo, en qualité d’agents, assistés de MS. Corongiu, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, la reconnaissance de l’illégalité de la décision qui a exclu le requérant du concours pour l’attribution du poste de chef de délégation en Colombie, l’annulation de la procédure dudit concours et l’annulation de la décision d’attribution du poste concerné et, d’autre part, le paiement d’une indemnité en réparation des préjudices allégués subis par le requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Au moment du dépôt du recours, le requérant était fonctionnaire de grade A 4 de la Commission. Entre novembre 1999 et l’été 2003, il exerçait la fonction de conseiller résident au Guatemala.

2        Le 28 mai 2003, la direction générale (DG) des relations extérieures de la Commission a publié un avis de vacance sous la référence COM/091/03 pour le concours visant à l’attribution du poste de chef de délégation en Colombie (ci-après le « concours COM/091/03 »). Le requérant a présenté sa candidature pour ce concours.

3        Par lettre du 18 juillet 2003, le directeur de la direction K de la DG « Relations extérieures » a informé le requérant de la décision de l’exclure du concours COM/091/03 (ci-après la « décision d’exclusion »).

4        Par note du 4 août 2003, adressée à ce directeur, le requérant a demandé que lui soit communiqué un certain nombre de renseignements et de données relatifs au concours COM/091/03 et à son exclusion de celui-ci.

5        Le 15 septembre 2003, la secrétaire du comité consultatif des nominations a envoyé au requérant une note l’informant que le jury avait estimé que sa candidature ne devait pas être prise en considération. La note indiquait :

« Le comité consultatif des nominations a pris acte que le niveau du pourvoi a été fixé par l’AIPN au moment de la publication en A 3. »

6        Le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN »), le 10 octobre 2003, d’une réclamation dirigée contre la décision d’exclusion (ci-après la « réclamation »).

7        Le 24 octobre 2003, M. K., lauréat du concours COM/091/03, a été nommé au poste de chef de délégation en Colombie.

8        Après avoir fait l’objet, dans un premier temps, d’une décision de rejet implicite, la réclamation a été rejetée explicitement par une décision de l’AIPN en date du 24 mars 2004 (ci-après la « décision de l’AIPN »).

9        Lors de sa réunion qui a eu lieu le 31 janvier 2005, une commission d’invalidité a conclu que le requérant était atteint d’une invalidité permanente totale. La commission d’invalidité n’a pas conclu sur le point de savoir si l’invalidité résultait d’une maladie professionnelle. En se fondant sur les conclusions de la commission d’invalidité, l’AIPN a décidé le 7 février 2005 de mettre le requérant à la retraite et de l’admettre au bénéfice d’une allocation d’invalidité, avec effet au 28 février 2005.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2004, le requérant a introduit le présent recours.

11      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, invité les parties à déposer un document et leur a posé par écrit des questions. En outre, il a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont répondu aux questions et déféré à la demande de production de documents.

12      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 14 novembre 2006.

13      Lors de l’audience, la Commission a été invitée à communiquer par écrit les raisons pour lesquelles elle avait procédé à l’annulation de l’avis de vacance COM/172/02 et à la publication de l’avis de vacance COM/091/03 concernant le même poste. Le requérant a été invité à présenter ses observations sur la réponse de la Commission. Cette dernière et le requérant ont répondu à cette invitation par écrits respectifs du 7 décembre 2006 et du 8 janvier 2007.

14      Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 23 janvier 2007, la procédure orale a été close.

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer illégale la décision d’exclusion ;

–        en conséquence, annuler l’ensemble de la procédure et la décision ultérieure d’attribution du poste concerné ;

–        reconnaître qu’il a subi de graves préjudices en ce qui concerne son image et son professionnalisme, avec d’importantes répercussions sur son équilibre psychologique, dus à l’illégalité de la décision d’exclusion ;

–        lui verser, à titre d’indemnisation du préjudice, la somme de 100 000 euros.

16      À l’audience, le requérant a conclu, en outre, à ce que la Commission soit condamnée aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

1.     Sur le respect des formalités procédurales

18      Chacune des parties a présenté un grief concernant le respect, par la partie adverse, des formalités de représentation devant le Tribunal. Ainsi, la Commission fait valoir que la signature du requérant sur le pouvoir donné aux avocats semble être identique à celle apposée sur le pouvoir dans l’affaire T‑249/04. Le requérant, pour sa part, invoque le fait que le mémoire en défense n’a pas été signé par l’avocat assistant les agents de la Commission.

19      En ce qui concerne l’identité apparente des mandats présentés dans la présente affaire et dans l’affaire T‑249/04, cette circonstance n’est pas de nature à affecter le caractère régulier de la représentation du requérant. En effet, les règles procédurales applicables devant le Tribunal ne s’opposent pas à ce qu’une partie établisse un mandat unique couvrant plusieurs affaires devant lui dans lesquelles elle entend participer et, par conséquent, à ce qu’un même mandat soit produit par le représentant concerné dans le contexte de plusieurs recours.

20      Quant au grief du requérant, l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, dispose que les institutions de la Communauté sont représentées devant la Cour par un agent. Dès lors, la signature du mémoire en défense par les deux agents de la Commission, circonstance non contestée par le requérant, est suffisante, la signature par l’avocat assistant ces agents n’étant pas nécessaire au regard des règles procédurales applicables devant le Tribunal.

21      L’examen de ces griefs n’ayant fait ressortir aucune irrégularité, ceux‑ci doivent être rejetés.

2.     Sur la recevabilité de certaines mesures d’instruction et de certaines pièces

22      Dans la réplique, le requérant a demandé que le Tribunal ordonne, le cas échéant, une expertise médicale afin de déterminer si un lien de causalité existe entre les vexations qu’il a prétendument subies et son état de santé. En outre, en annexe à la réplique, il a communiqué un certificat établi par le docteur Rubén Mayorga en juillet 2003, un récapitulatif de son état de santé entre juillet et novembre 2003 et un certificat établi par le docteur Julio César Payan en mai 2004.

23      Or, le requérant n’a pas fait valoir les motifs pour lesquels il n’était pas en mesure de présenter la demande susvisée et de communiquer les annexes concernées au moment de l’introduction du recours, à savoir le 21 juin 2004.

24      Par conséquent, en vertu de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, il y a lieu, d’une part, de rejeter comme irrecevable la demande visant l’établissement d’une expertise médicale et, d’autre part, de ne pas tenir compte des annexes susmentionnées, en raison de leur présentation tardive.

3.     Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

25      La Commission considère que la demande en annulation est devenue irrecevable, puisque le requérant a été mis à la retraite et admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité. En effet, dans la mesure où un fonctionnaire mis à la retraite n’appartient plus à l’institution dans laquelle un poste était vacant, il n’aurait plus aucun intérêt à demander l’annulation d’une décision attribuant ce poste à une autre personne. Ce principe serait applicable aux fonctionnaires qui ont atteint l’âge requis pour percevoir une pension d’ancienneté aussi bien qu’à ceux admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité.

26      Selon la Commission, la demande en indemnité présentée par le requérant est également irrecevable dans la mesure où elle ne figurait pas dans la réclamation adressée par le requérant à l’AIPN et où elle a ainsi été formulée pour la première fois dans la requête. Lors de l’audience, la Commission a estimé que la demande en indemnité était également irrecevable en ce qu’elle était étroitement liée à la demande en annulation, devenue irrecevable.

27      Le requérant soutient que son intérêt à agir persiste. Il fait observer à cet égard que, s’il ne prétend pas pouvoir occuper le poste de chef de délégation en Colombie, une décision sur l’illégalité de la décision d’exclusion aurait néanmoins des conséquences sur sa situation économique. En effet, en tant que chef de délégation, le requérant aurait eu droit, du moins jusqu’à sa mise à la retraite, à un traitement plus élevé que celui qu’il a effectivement perçu. L’examen de la légalité de la décision d’exclusion serait en outre pertinent dans le contexte de la demande en indemnité qu’il a présentée, ainsi que par rapport à la reconnaissance éventuelle, par la commission d’invalidité, de l’origine professionnelle de son invalidité.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la recevabilité de la demande en annulation

28      Selon la jurisprudence, pour qu’un fonctionnaire mis à la retraite puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision de l’AIPN, il faut qu’il conserve un intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 15 février 1995, Moat/Commission, T‑112/94, RecFP p. I‑A‑37 et II‑135, point 26, et arrêt du Tribunal du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 32).

29      En l’espèce, il est constant qu’après le dépôt du recours le requérant a été mis à la retraite et admis au bénéfice d’une pension d’invalidité. En outre, ainsi qu’il ressort des réponses des parties lors de l’audience, la décision de mise à la retraite est devenue définitive, le requérant n’ayant pas présenté de réclamation, et rien n’indique qu’une amélioration de l’état de santé du requérant permettant sa réintégration au service de la Commission soit probable. Dans ces circonstances, le requérant ne peut prétendre à occuper le poste de chef de délégation en Colombie, ce qu’il reconnaît par ailleurs. Dès lors, il n’a plus d’intérêt à demander l’annulation de la décision d’exclusion (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T‑20/89, Rec. p. II‑769, point 16, non annulé sur pourvoi en ce qui concerne l’examen de la recevabilité).

30      Les trois circonstances invoquées par le requérant ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion. En ce qui concerne la première, le requérant n’étaye pas sa thèse selon laquelle l’examen de la légalité de la décision d’exclusion serait de nature à influer sur la reconnaissance éventuelle, par la commission d’invalidité, de l’origine professionnelle de son invalidité, et l’existence d’une telle influence ne ressort pas non plus des faits de l’espèce tels que présentés au Tribunal. Quant aux deuxième et troisième circonstances, celles‑ci concernent les conséquences préjudiciables de la décision d’exclusion, et non pas l’intérêt du requérant à obtenir l’annulation de cette dernière. Par conséquent, elles seront appréciées ci-après dans le cadre de l’examen de la demande en indemnité.

31      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la demande en annulation est irrecevable.

32      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence selon laquelle un fonctionnaire mis à la retraite conserve un intérêt personnel à poursuivre un recours en annulation dans la mesure où, dans l’hypothèse de l’annulation de la décision attaquée, il aurait la possibilité d’introduire postérieurement un recours visant à la réparation du dommage qu’il pourrait avoir subi (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T‑82/89, Rec. p. II‑735, point 54, et Contargyris/Conseil, précité, point 32). En effet, dans le cas d’espèce, le requérant a d’ores et déjà épuisé cette possibilité, en introduisant une demande visant à l’indemnisation du préjudice prétendument subi du fait de la décision d’exclusion en même temps que la demande visant à l’annulation de cette décision.

 Sur la recevabilité de la demande en indemnité

33      En ce qui concerne la demande en indemnité, il convient d’observer que le requérant conserve un intérêt à demander qu’un jugement soit porté sur la légalité de la décision d’exclusion dans le cadre d’une demande visant à obtenir réparation du préjudice professionnel, physique et moral qu’il estime avoir subi en raison du comportement de la Commission (voir, en ce sens, arrêt Moritz/Commission, précité, point 18).

34      En outre, l’argument de la Commission tiré de ce que la demande en indemnité a été formulée pour la première fois dans la requête ne saurait être retenu. En effet, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité, l’action indemnitaire est recevable, en tant qu’accessoire au recours en annulation, sans devoir être précédée tant d’une demande invitant l’AIPN à réparer les préjudices prétendument subis que d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande (arrêt du Tribunal du 13 juillet 1995, Saby/Commission, T‑44/93, RecFP p. I‑A‑175 et II‑541, point 31).

35      En l’espèce, un tel lien direct existe entre la demande en indemnité, par laquelle le requérant poursuit la réparation du préjudice qu’il aurait subi en raison de la décision d’exclusion, et la demande visant à l’annulation de cette même décision. Par conséquent, la circonstance que l’indemnisation a été demandée pour la première fois dans la requête ne s’oppose pas à ce que cette demande soit déclarée recevable. Il convient d’ajouter que, dans la mesure où le requérant pouvait légitimement considérer au moment du dépôt de la requête qu’il n’avait pas été tenu d’adresser une demande d’indemnisation à l’AIPN et de poursuivre, le cas échéant, la procédure précontentieuse, le fait que la demande en annulation soit devenue irrecevable après le dépôt de la requête est sans pertinence.

36      Enfin, il importe de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, dans les circonstances de l’espèce, l’irrecevabilité de la demande en annulation pour défaut d’intérêt à agir du requérant n’a pas pour conséquence l’irrecevabilité de la demande en indemnité, nonobstant l’existence d’un lien direct entre les deux demandes constatée au point précédent.

37      En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 33 ci‑dessus, l’intérêt du requérant à obtenir la réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi n’a pas disparu avec sa mise à la retraite.

38      Il est vrai que, selon la jurisprudence, un fonctionnaire ne saurait, par le biais d’une demande tendant au paiement de dommages‑intérêts, tourner l’irrecevabilité d’une demande visant l’illégalité du même acte et tendant aux mêmes fins pécuniaires (arrêt de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission, 59/65, Rec. p. 785, 797) et que, par conséquent, l’irrecevabilité d’une demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité, étroitement liée à la demande en annulation (arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, 480).

39      Toutefois, cette jurisprudence a été dégagée dans des affaires dans lesquelles soit les requérants ont omis d’attaquer, par le biais d’un recours en annulation, les actes qui étaient à l’origine du préjudice qu’ils prétendaient avoir subi, soit de tels recours en annulation ont été jugés irrecevables en raison de leur présentation tardive. Ainsi, la règle jurisprudentielle a expressément pour objet d’éviter qu’un fonctionnaire qui n’a pas attaqué en temps utile une décision de l’AIPN lui faisant grief ne contourne cette forclusion en présentant un recours en responsabilité fondé sur l’illégalité prétendue de cette décision (arrêts Schreckenberg/Commission, précité, p. 797, et Bossi/Commission, précité, points 31 et 34 ; arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 76 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, point 11 ; Collignon/Commission, précité, p. 480, et du 7 octobre 1987, Schina/Commission, 401/85, Rec. p. 3911, points 10 et 13).

40      Or, dans la présente affaire, cette règle n’a pas vocation à s’appliquer, les circonstances factuelles étant différentes. En effet, le requérant a attaqué dans les délais, par un recours en annulation, la décision d’exclusion. Ce n’est qu’après le dépôt du recours que la demande en annulation est devenue irrecevable, et ce pour une raison indépendante de sa volonté, à savoir sa mise à la retraite. Ainsi, le fait de déclarer la demande en indemnité recevable n’a pas pour conséquence de permettre au requérant de contourner une forclusion liée à ce qu’il n’aurait pas demandé dans les délais l’annulation de l’acte dont il soutient l’illégalité.

41      Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’égard de la demande en indemnité doit être rejetée.

4.     Sur le bien‑fondé de la demande en indemnité

42      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 72 ; ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, RecFP p. I‑A‑91 et II‑429, point 34, et arrêt du Tribunal du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, RecFP p. I‑A‑339 et II‑1541, point 125). Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas satisfaite, la responsabilité de la Communauté ne peut être engagée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, RecFP p. I‑A‑203 et II‑627, point 57, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 14).

 Sur le comportement illégal

 Observation liminaire sur la motivation de la décision d’exclusion

43      À titre liminaire, il convient d’observer que de nombreux arguments présentés par les parties dans le présent litige concernent deux critères similaires mais distincts susceptibles d’avoir été pris en considération pour exclure le requérant du concours COM/091/03.

44      Le premier critère, non prévu par l’avis de vacance COM/091/03, est celui d’une exigence de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire. Selon la Commission, ce critère était, à l’époque des faits, une condition nécessaire pour accéder à tout poste de grade A 3.

45      Selon le deuxième critère, qui était, quant à lui, indiqué dans l’avis de vacance susmentionné, « [u]ne préférence sera[it] accordée aux candidat(e)s possédant une expérience appropriée acquise en délégation ou en tant que chef d’unité au sein d’une [DG] des relations extérieures ».

46      Il y a lieu de constater que ni la motivation de la décision d’exclusion, ni celle de la décision de l’AIPN, ni les autres éléments du dossier n’exposent de manière suffisamment claire et précise lequel de ces deux critères a effectivement servi de fondement à la décision d’exclusion.

47      En réponse à une question posée par le Tribunal, la Commission a indiqué, sans être explicitement contredite par le requérant, que la décision d’exclusion était fondée sur le fait qu’il ne pouvait pas se prévaloir de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire, et donc sur le premier critère.

48      Il convient toutefois de relever que l’affirmation de la Commission n’a pas été étayée par des preuves. Par ailleurs, dans la mesure où les deux critères en cause concernent essentiellement le même domaine, à savoir l’expérience professionnelle antérieure des candidats, il ne saurait être exclu qu’ils aient été appliqués de manière conjointe pour exclure le requérant du concours COM/091/03.

49      Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner l’application à l’égard du requérant des deux critères en cause.

 Sur l’application du critère relatif à l’exigence de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire

–       Arguments des parties

50      Le requérant soutient que la décision d’exclusion est illégale en ce qu’elle était motivée par le fait qu’il ne possédait pas une expérience de deux années dans l’encadrement intermédiaire. En effet, cette exigence ne figurait pas parmi les conditions énoncées dans l’avis de vacance COM/091/03, qui prévoyait au contraire que le concours COM/091/03 était ouvert tant aux fonctionnaires appartenant à la catégorie A 3 qu’à ceux appartenant à la catégorie A 4.

51      Pour s’opposer à l’argumentation de la Commission, le requérant fait valoir, dans la réplique, qu’elle n’a cité aucune source de valeur normative sur laquelle l’exigence en cause serait fondée. Selon lui, les trois communications invoquées par la Commission n’ont pas de force contraignante dans la mesure où elles visent uniquement à réaliser des propositions d’action dans un domaine spécifique. Il s’agirait effectivement d’actes internes qui font partie du processus décisionnel mais qui ne constituent pas des actes réglementaires.

52      Le requérant conclut en observant que, à l’époque de son exclusion du concours COM/091/03, l’exigence de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire n’existait que sous la forme d’une intention exprimée dans des communications internes à la Commission et qu’elle n’a été formellement adoptée qu’en 2004, conjointement avec d’autres modifications de la structure de la carrière des fonctionnaires.

53      La Commission indique que l’exigence de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire était, à l’époque des faits, une condition obligatoire d’accès aux postes de grade A 3. Son caractère obligatoire pour tous les postes de grade A 3 ressortirait de la communication du secrétariat général à la Commission du 22 décembre 2000, intitulée « Évaluation, sélection et nomination du personnel d’encadrement supérieur de la Commission » [SEC (2000) 2305/5], des lignes directrices formant l’annexe VII de la communication du vice-président M. Kinnock à la Commission du 29 octobre 2001, intitulée « La réforme de la politique de personnel : un train global de mesures » [SEC (2001) 1697/6, ci-après la « communication sur les mesures globales »], ainsi que du point 4.1, deuxième alinéa, de la communication du vice-président M. Kinnock à la Commission du 28 février 2001, intitulée « Document consultatif sur l’encadrement intermédiaire » [SEC (2001) 322/4, ci-après la « communication sur l’encadrement intermédiaire »]. Ces trois communications auraient fait l’objet d’une adoption formelle par le collège des membres de la Commission et constitueraient dès lors des directives internes que la Commission a volontairement édictées en matière de recrutement et dont elle ne pourrait s’écarter sans en préciser les raisons, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement.

54      La Commission ajoute que l’extrait pertinent de la communication sur l’encadrement intermédiaire a été envoyé au requérant le 10 mars 2003 en réponse à ses contestations concernant le concours publié par l’avis COM/172/02, qui a été annulé et remplacé par l’avis de vacance COM/091/03. Dès lors, au moment de la présentation de sa candidature pour le concours COM/091/03, le requérant aurait bien eu connaissance de la condition préconisant deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire.

55      Lors de l’audience, la Commission a fait valoir que, même à supposer que l’exigence des deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire n’ait pas encore été prévue par les directives internes applicables au moment des faits, elle était néanmoins tenue de la prendre en considération en vertu des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

–       Appréciation du Tribunal

56      Il y a lieu de souligner que l’exigence de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire pour accéder à un poste de grade A 3 n’est pas prévue par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes. Il convient, dès lors, d’examiner si une règle contraignante imposant cette condition ressort des communications invoquées par la Commission ou encore d’autres éléments pertinents du cadre réglementaire.

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’une mesure communiquée à l’ensemble du personnel peut constituer une directive interne devant être regardée comme une règle de conduite indicative que l’administration s’impose à elle-même et dont elle ne peut s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (arrêts de la Cour du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981, points 16 à 20, et Michael/Commission, 343/82, Rec. p. 4023, points 13 et 14).

58      Ensuite, en premier lieu, il y a lieu d’observer que l’exigence invoquée par la Commission n’était pas prévue dans la décision de la Commission applicable en la matière au moment des faits. En effet, à l’époque de l’exclusion du requérant, l’accès aux postes d’encadrement intermédiaire était régi par la décision de la Commission COM(88)PV 928, du 19 juillet 1988, concernant le pourvoi des emplois d’encadrement intermédiaire, publiée aux Informations administratives n° 578, du 5 décembre 1988, telle que modifiée (ci-après la « décision de 1988 »). Cette décision prévoyait, au point 3.2, que, « [d]ans le cas d’un pourvoi d’un emploi de chef d’unité entraînant une promotion de A 4 en A 3, les candidats retenus [devaient] posséder une expérience de management appropriée ». Ainsi, contrairement à l’exigence invoquée par la Commission, la décision de 1988 ne spécifiait ni la durée de l’expérience requise, ni le fait que celle-ci devait être acquise dans l’encadrement intermédiaire.

59      En deuxième lieu, à la lecture des communications concernées, élaborées soit par le vice-président M. Kinnock, soit par le secrétariat général de la Commission, il n’apparaît pas que, en les adoptant, la Commission ait eu l’intention d’édicter des directives internes qu’elle aurait été tenue de suivre. Au contraire, il s’agit apparemment de documents internes préparatoires, destinés à alimenter le débat sur la réforme de la Commission et à dresser les grandes lignes que celle‑ci devrait suivre.

60      Ainsi, selon le deuxième alinéa de son introduction, la communication sur l’encadrement supérieur « esquisse des propositions ». De même, lorsqu’elle traite, aux pages 15 et 16, de la nomination aux postes de grade A 3, cette communication emploie le conditionnel en observant que « deux années d’expérience d’encadrement seraient obligatoires pour être promu au [grade A 3] », ou encore que « [l’a]ccès au grade [A 3] serait conditionné par […] une expérience de deux années au minimum dans l’encadrement ».

61      La nature non contraignante de la communication sur l’encadrement intermédiaire apparaît dès la lecture de son titre, à savoir « Document consultatif ». Elle est corroborée par l’introduction de cette communication, qui précise : « Les questions liées au personnel d’encadrement intermédiaire font actuellement l’objet d’une décision de la Commission datée de 1988. Compte tenu de la nouvelle approche envisagée […], il est suggéré de remplacer cette décision par une nouvelle décision de la Commission. » En outre, à la page 10, la communication énonce qu’ « [u]ne expérience de deux années dans l’encadrement intermédiaire sera obligatoire pour toute promotion à un poste de chef d’unité, de chef de délégation ou de chef de représentation de grade A 3 ». Enfin, dans la partie finale de la communication :

« La Commission invite M. Kinnock à organiser une concertation avec les organisations syndicales sur le présent document […] La Commission invite ensuite M. Kinnock à parachever le texte et à prendre une décision finale sur la base du projet [de la nouvelle décision sur l’encadrement intermédiaire] décrit à l’annexe 5. »

62      Il en va de même de la communication sur les mesures globales. En effet, dans ce texte, l’encadrement intermédiaire figure, au point 2.8, parmi les « points devant faire l’objet de la décision finale ». Sous l’intitulé « Mise en œuvre », le point 2.8 précise que, « [à] l’issue des négociations sur [la problématique des conseillers], un projet de décision consolidé sur les postes d’encadrement intermédiaire et de conseillers sera soumis à l’approbation du collège vers la fin de l’année [2001] ». En outre, l’annexe VII de la communication sur les mesures globales, intitulée « Projet de document d’orientation sur le personnel d’encadrement intermédiaire », traite plus particulièrement de la problématique de l’encadrement intermédiaire. Selon sa partie introductive, « [a]près l’adoption par la Commission d’une décision destinée à donner effet aux dispositions du présent document, le directeur général du personnel et de l’administration se verra déléguer le pouvoir pour adopter et actualiser des dispositions détaillées d’application contraignantes, liées aux présentes lignes directrices générales ». Quant à l’exigence de deux années d’expérience, l’annexe VII mentionne à la page 27 que « [d]eux années d’expérience au niveau de l’encadrement intermédiaire seront obligatoires pour la promotion au poste de chef d’unité de grade A 3 ».

63      En troisième lieu, il y a lieu d’observer que la décision de 1988 a été remplacée, avec effet au 1er mai 2004, par la décision de la Commission du 28 avril 2004, intitulée « Personnel d’encadrement intermédiaire », publiée aux Informations administratives n° 73-2004, du 23 juin 2004. C’est par le biais de ce document que la Commission a décidé de donner effet aux nouvelles règles proposées dans les trois communications susmentionnées. En effet, la décision prévoit, à son article 9, paragraphe 2, que, « en cas de publication d’un avis de vacance [pour un poste de grade correspondant à l’ancien grade A 3], les candidats doivent […] avoir déjà atteint le grade [correspondant à l’ancien grade A 4] et disposer d’au moins deux ans d’expérience dans une fonction d’encadrement intermédiaire dans les institutions ».

64      Pour l’ensemble de ces raisons, il apparaît que les trois communications en cause ne constituent pas des directives internes que la Commission serait tenue de respecter, mais uniquement des documents préparatoires, consultatifs ou d’orientation, dépourvus de valeur contraignante et rédigés dans le cadre de la réforme de la Commission, réforme qui a abouti, en ce qui concerne le domaine du recrutement du personnel d’encadrement intermédiaire, à l’adoption de la décision de la Commission du 28 avril 2004. Par conséquent, la Commission ne saurait invoquer lesdites communications pour justifier l’application à l’égard du requérant du critère relatif à l’exigence de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire en vue de son exclusion du concours COM/091/03.

65      Si la Commission a encore fait observer, lors de l’audience, qu’elle était tenue d’appliquer ledit critère en vertu des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, elle n’a pas étayé cet argument de quelque manière que ce soit. En tout état de cause, la Commission n’a pas fait valoir le motif pour lequel le principe d’égalité de traitement lui imposerait d’appliquer un critère portant sur une exigence particulière aux candidats du concours. Le principe de bonne administration, quant à lui, devrait amener la Commission à n’appliquer aux candidats que les critères dont ces derniers ont eu l’occasion de prendre connaissance préalablement.

66      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dans la mesure où l’application du critère relatif à l’exigence de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire n’était ni prévue par le cadre réglementaire applicable ou par l’avis de vacance, ni requise en vertu des principes d’égalité de traitement ou de bonne administration, la décision d’exclusion est illégale en ce qu’elle était fondée sur le non-respect de cette exigence.

 Sur l’application du critère relatif à une expérience appropriée acquise en délégation ou en tant que chef d’unité au sein d’une direction générale des relations extérieures

–       Arguments des parties

67      En premier lieu, le requérant fait valoir que les fonctions qu’il a exercées en tant que conseiller résident au Guatemala étaient équivalentes en substance à celles d’un chef d’unité et que, par conséquent, il disposait d’une expérience appropriée acquise en délégation telle que celle mentionnée dans l’avis de vacance.

68      En second lieu, le requérant estime que, dans la mesure où une expérience appropriée constituait un élément « préférentiel », elle aurait dû être appréciée par le jury à un stade postérieur à l’examen de l’admissibilité des candidatures.

69      La Commission fait valoir que, aux termes de l’avis de vacance, il était préférable que les candidats aient acquis une expérience en délégation équivalente ou comparable à celle d’un chef d’unité. Or, selon les lignes directrices annexées à la communication sur les mesures globales, le poste d’un chef de secteur, qui peut être comparé à celui occupé par le requérant au Guatemala, ne fait pas partie de l’encadrement intermédiaire. Dès lors, les fonctions effectivement assumées par le requérant ne pouvaient pas être prises en considération dans l’appréciation de l’élément préférentiel.

70      Quant au moment de cette appréciation, la Commission soutient qu’il y a lieu d’utiliser cet élément comme un paramètre d’évaluation avant même l’admission à un entretien, c’est-à-dire au stade de la présélection.

–       Appréciation du Tribunal

71      Selon la jurisprudence, il appartient à l’AIPN d’apprécier si un candidat remplit les conditions requises par l’avis de vacance et cette appréciation ne saurait être mise en cause qu’en cas d’erreur manifeste. Lorsqu’un avis de vacance exige des candidats une expérience professionnelle supplémentaire dans des domaines en rapport avec l’emploi à pourvoir, il revient à l’AIPN d’apprécier l’adéquation de l’expérience supplémentaire à l’emploi en cause (arrêt de la Cour du 4 juillet 1989, Kerzmann/Cour des comptes, 198/87, Rec. p. 2083).

72      En l’espèce, l’avis de vacance COM/091/03 indiquait comme élément préférentiel « une expérience appropriée acquise en délégation ou en tant que chef d’unité au sein d’une direction générale des relations extérieures ». Ainsi, toute expérience acquise en délégation et appropriée par rapport aux fonctions d’un chef de délégation devait être prise en compte, indépendamment de ce que cette expérience avait été ou non acquise dans un poste de chef d’unité.

73      En vertu de l’avis de vacance COM/091/03, la fonction du chef de délégation en Colombie englobait notamment la représentation des Communautés européennes auprès des autorités nationales et le suivi des relations bilatérales dans les domaines des relations politiques, économiques et commerciales et de la coopération. Selon l’avis précité, l’exercice de ces fonctions exigeait notamment une expérience des relations extérieures, une aptitude à la gestion des dossiers politiques et de coopération, des capacités d’organisation, de direction et d’animation d’une équipe de collaborateurs, ainsi qu’une expérience et des capacités dans le domaine de la gestion administrative et financière. C’est donc par rapport à ces critères qu’il convient d’apprécier le caractère approprié ou non de l’expérience du requérant.

74      Or, il ressort des éléments du dossier que, en tant que conseiller résident au Guatemala, le requérant agissait au nom des Communautés européennes auprès des autorités guatémaltèques, qu’il assurait le suivi des relations bilatérales dans plusieurs domaines et qu’il était responsable de la gestion de certains projets, notamment dans le domaine de la coopération. De même, il était chargé de la gestion administrative, de la gestion des ressources humaines et, dans une certaine mesure, de la gestion financière de la délégation de la Commission au Guatemala.

75      Il s’ensuit que l’expérience acquise par le requérant dans l’exercice des fonctions de conseiller résident au Guatemala correspondait pour l’essentiel à celle requise pour le poste de chef de délégation en Colombie. Par conséquent, cette expérience correspondait à celle qui était souhaitée, en tant qu’élément préférentiel, par l’avis de vacance COM/091/03. Dès lors, l’AIPN a commis une erreur manifeste en excluant le requérant du concours COM/091/03 en se fondant sur le fait que le critère relatif à l’élément préférentiel n’était pas rempli.

76      Au vu de ce qui précède, il n’y a plus lieu d’examiner l’argument relatif au moment de l’appréciation de l’élément préférentiel concerné.

 Sur les autres comportements illégaux allégués

–       Arguments des parties

77      Le requérant estime que la décision d’exclusion est entachée d’une inégalité de traitement injustifiée. Il fait observer à cet égard que le lauréat du concours COM/091/03, M. K., a été admis à participer au concours COM/091/03 alors qu’il était de grade A 4 comme le requérant et malgré le fait qu’il ne remplissait pas les conditions de participation.

78      Le requérant ajoute que son exclusion du concours COM/091/03 ne correspond pas à la progression de carrière de ses prédécesseurs au poste de conseiller résident au Guatemala. En effet, ces derniers auraient progressé du grade A 4 au grade A 3, en obtenant des postes de chefs de délégation.

79      Le requérant conclut en observant que l’attribution du poste de chef de délégation en Colombie aurait entraîné sa promotion. Dans ce contexte, il estime que la décision de l’AIPN n’indique pas les motifs pour lesquels il n’a pas été promu alors même que l’AIPN a reconnu ses mérites professionnels et la nature des fonctions qu’il a exercées au Guatemala.

80      Au sujet de l’inégalité de traitement alléguée par le requérant, la Commission fait valoir que celui‑ci ne se trouvait pas dans les mêmes conditions subjectives que le lauréat du concours COM/091/03, M. K., qui aurait disposé, à la différence du requérant, de deux années d’expérience dans l’encadrement intermédiaire.

81      S’agissant de la référence faite par le requérant à la progression de carrière de ses prédécesseurs au poste de conseiller résident au Guatemala, la Commission fait observer que le fonctionnaire occupant le poste de conseiller résident n’a aucun droit d’accès au poste de chef de délégation, qui doit être attribué dans le respect des conditions indiquées dans l’avis de vacance.

–       Appréciation du Tribunal

82      En premier lieu, en ce qui concerne l’inégalité de traitement alléguée, il convient d’observer que, la décision d’exclusion étant illégale (voir points 66 et 75 ci-dessus), il n’apparaît pas nécessaire d’examiner davantage si les critères en cause ont été appliqués de façon inégale aux différents candidats. En tout état de cause, en dehors d’allégations générales, le requérant ne présente aucun élément de nature à établir l’existence d’un traitement inégal ou à prouver que le lauréat du concours COM/091/03 ne remplirait pas les conditions de l’avis de vacance.

83      En deuxième lieu, quant à la progression de carrière des prédécesseurs du requérant au poste de conseiller résident au Guatemala, il importe de relever que, dans la mesure où la Commission a décidé de pourvoir le poste de chef de délégation en Colombie par un concours, le requérant ne peut prétendre audit poste sur le fondement d’éléments externes au concours concerné. Par conséquent, le requérant ne peut invoquer la progression de carrière de ses prédécesseurs pour établir l’illégalité de la décision d’exclusion ni pour contester la décision d’attribution du poste au lauréat du concours COM/091/03.

84      En troisième lieu, s’il est vrai que l’attribution du poste de chef de délégation en Colombie aurait entraîné une promotion pour le requérant, il n’expose toutefois pas en quoi cette circonstance est susceptible d’influer sur la nature ou l’étendue de l’examen effectué par le Tribunal ci-dessus.

85      Les griefs relatifs aux autres comportements illégaux de la Commission doivent donc être écartés.

86      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la décision d’exclusion était illégale indépendamment du critère effectivement appliqué par la Commission. Il y a lieu, dès lors, d’examiner l’existence d’un préjudice qu’aurait subi le requérant du fait de cette faute de service commise par la Commission.

 Sur le préjudice et le lien de causalité

 Arguments des parties

87      Le requérant soutient, en substance, que la décision d’exclusion lui a causé un préjudice sur les plans professionnel, moral et physique. Il demande l’indemnisation de ce préjudice à hauteur de 100 000 euros.

88      Ainsi, le requérant estime que la décision d’exclusion lui a causé un préjudice professionnel dans la mesure où elle l’a privé de la possibilité de progresser dans sa carrière et de passer du grade A 4 au grade A 3 à l’instar de ses collègues, dont le lauréat du concours COM/091/03.

89      S’agissant du préjudice physique, le requérant soutient que, en raison des comportements illégaux de la Commission, il est atteint de graves troubles psychologiques qui se seraient traduits par de sérieux problèmes de santé. Il évoque à cet égard ses congés de maladie ainsi que la constitution d’une commission d’invalidité. Il présente également, en annexe à la réplique, une série de certificats médicaux concernant son état de santé et ses antécédents cliniques, qui établissent selon lui l’existence d’un lien de causalité entre les troubles dont il souffre et les illégalités dont il aurait été victime.

90      En ce qui concerne, enfin, le préjudice moral, celui-ci résulterait de ce que le requérant a été victime d’un comportement injuste de la part de l’administration et de ce que la période durant laquelle il a exercé des fonctions d’encadrement n’a pas été évaluée de façon adéquate.

91      La Commission fait observer que, en vue d’établir la responsabilité des institutions, certaines conditions tenant à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité doivent être réunies. Elle estime que le requérant n’a invoqué aucun élément utile pour démontrer que tel était le cas. Elle estime en outre que le montant de l’indemnisation demandé n’est pas justifié, sa détermination n’étant étayée par aucune preuve.

 Appréciation du Tribunal

92      Ainsi qu’il a été rappelé au point 42 ci-dessus, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose, outre l’illégalité du comportement reproché aux institutions, l’existence d’un dommage réel subi par le requérant ainsi que celle d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué.

93      En l’espèce, le requérant fait valoir qu’il a subi un préjudice professionnel, physique et moral. Il y a dès lors lieu d’examiner ces trois catégories de préjudice successivement.

–       Sur la réparation du préjudice professionnel

94      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que le fait de réussir le concours COM/091/03 et d’être nommé par la suite chef de délégation en Colombie aurait entraîné une promotion vers le grade A 3 pour le requérant. Ainsi, la décision d’exclusion est en principe susceptible de causer un préjudice matériel au requérant correspondant à la différence entre, d’une part, les traitements et autres avantages auxquels il aurait droit en tant que chef de délégation de grade A 3 en Colombie et, d’autre part, ceux dont il a effectivement bénéficié. Cela étant, il y a lieu d’examiner l’existence d’un lien de causalité entre la décision d’exclusion et ce préjudice.

95      Pour qu’un tel lien soit admis, il faut en principe que soit apportée la preuve d’une relation directe et certaine de cause à effet entre la faute commise par l’institution communautaire concernée et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 5 octobre 2004, Sanders e.a./Commission, T‑45/01, Rec. p. II‑3315, point 149, et Eagle e.a./Commission T‑144/02, Rec. p. II‑3381, point 148).

96      Dans le contexte particulier d’un concours, le degré de certitude du lien de causalité exigé par la jurisprudence est atteint lorsque la faute commise par une institution communautaire a, de façon certaine, privé une personne non pas nécessairement de l’attribution du poste en cause, auquel l’intéressé ne pourra jamais prouver avoir eu droit, mais d’une chance sérieuse d’y être nommé, avec comme conséquence pour l’intéressé un préjudice matériel consistant en une perte de revenus. Lorsqu’il apparaît éminemment probable, dans les circonstances de l’espèce, que le respect de la légalité aurait conduit l’institution communautaire concernée à attribuer le poste à l’intéressé, l’incertitude théorique qui demeure, quant à l’issue qu’aurait eue une procédure régulièrement conduite, ne saurait faire obstacle à la réparation du préjudice matériel réel que celui‑ci a subi en étant écarté du concours pour le poste qu’il aurait eu toutes les chances de se voir attribuer (arrêts Sanders e.a./Commission, précité, point 150, et Eagle e.a./Commission, précité, point 149).

97      Or, dans le cas d’espèce, il n’apparaît pas éminemment probable que, si le requérant n’avait pas été exclu sur le fondement des critères relatifs à son expérience passée, il aurait été l’unique lauréat du concours COM/091/03. En effet, le seul argument invoqué par le requérant, à savoir le fait d’avoir exercé avec succès les fonctions de conseiller résident au Guatemala, n’est pas suffisant pour conclure qu’il répondait le mieux, parmi les sept candidats, aux critères établis dans l’avis de vacance. Les autres éléments du dossier ne suggèrent pas, eux non plus, que le requérant aurait été particulièrement bien placé pour occuper le poste de chef de délégation en Colombie.

98      Il convient dès lors de conclure que le requérant n’a pas établi à suffisance de droit qu’il avait une chance sérieuse de remporter le concours COM/091/03. La demande de réparation du préjudice professionnel doit par conséquent être rejetée.

–       Sur la réparation du préjudice physique

99      Il convient de rappeler que, d’une part, certains éléments présentés par le requérant pour démontrer l’existence d’un préjudice physique, communiqués en tant qu’annexes à la réplique et, d’autre part, la demande visant l’établissement d’une expertise médicale ont été refusés par le Tribunal en raison de leur présentation tardive (voir points 22 à 24 ci-dessus). Par conséquent, les seuls éléments concernant l’état de santé du requérant qui peuvent être pris en considération sont le compte rendu de la visite du requérant auprès du médecin-conseil de la Commission intervenue le 15 juillet 2004, la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité du 22 septembre 2004, le procès‑verbal de la commission d’invalidité concernant sa décision du 31 janvier 2005 et la décision de l’AIPN par laquelle le requérant a été mis à la retraite.

100    Or, si ces documents permettent de considérer que le requérant connaissait certains troubles de santé en 2004 ainsi que dans les années précédentes, ils ne contiennent aucun élément suggérant que ces troubles seraient liés à la décision d’exclusion. Dès lors, ils ne sont pas susceptibles de démontrer l’existence d’un lien de causalité tel que requis par la jurisprudence, et la demande en réparation du préjudice physique doit donc être rejetée.

–       Sur la réparation du préjudice moral

101    Compte tenu de la constatation ci-dessus quant à la faute de service qu’a commise la Commission en excluant le requérant du concours COM/091/03, le Tribunal considère que le requérant a effectivement subi un préjudice moral lié à l’application erronée à son égard des critères relatifs à son expérience passée, préjudice qu’il appartient à la Commission d’indemniser.

102    À cet égard, il y a lieu d’écarter l’argument de la Commission selon lequel l’annulation de la décision d’exclusion constituerait en soi une réparation adéquate et suffisante du préjudice subi. En effet, la demande en annulation étant devenue irrecevable à la suite de la mise à la retraite du requérant (voir point 31 ci-dessus) et l’annulation de la décision d’exclusion étant dès lors impossible, cet argument est inopérant.

103    En outre, dans l’évaluation du préjudice subi, il y a lieu de prendre en considération le fait que, en raison de l’insuffisance de la motivation avancée par la Commission (voir point 46 ci-dessus), le requérant a été contraint d’introduire une procédure judiciaire pour connaître la raison pour laquelle il a été exclu du concours COM/091/03 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑181/00, RecFP p. I‑A‑293 et II‑1421, point 132, et Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, RecFP p. I‑A‑301 et II‑1457, point 153).

104    Dans ces circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice moral ex aequo et bono, estime que l’allocation d’un montant de 3 000 euros constitue une indemnisation adéquate du préjudice moral subi par le requérant.

5.     Sur les mesures d’instruction

105    Le requérant a demandé que soit ordonné un certain nombre de mesures d’instruction. Sa demande concernait, d’une part, la présentation du rapport d’inspection de la Commission au Guatemala en date du 12 septembre 2002 et du procès‑verbal de la commission d’invalidité concernant sa décision du 31 janvier 2005 et, d’autre part, l’établissement d’une expertise médicale.

106    À cet égard, il convient d’observer que le procès‑verbal susvisé a été communiqué par la Commission en annexe à la duplique. La demande d’expertise médicale, quant à elle, est irrecevable (voir point 24 ci‑dessus). Enfin, dans la mesure où le Tribunal a pu examiner l’ensemble des allégations du requérant sur le fondement des pièces versées dans le dossier, il y a lieu de rejeter la demande en ce qu’elle vise la production du rapport d’inspection.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. En outre, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l’espèce, si le requérant a succombé en ce qui concerne sa demande en annulation, l’examen opéré ci‑dessus par le Tribunal suggère que ce résultat est uniquement dû à une circonstance objective postérieure à l’introduction du recours, à savoir sa mise à la retraite. En revanche, le requérant n’a obtenu qu’un succès partiel en ce qui concerne sa demande en indemnité, la somme que la Commission est condamnée à lui payer étant largement inférieure à ce qu’il réclame dans ses conclusions. Par conséquent, les conclusions visant à la condamnation de la Commission aux dépens, qui sont recevables nonobstant le fait qu’elles n’ont été présentées que lors de l’audience (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 mars 1993, Moat/Commission, T‑13/92, Rec. p. II‑287), ne sauraient être accueillies que partiellement. Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par le requérant et de condamner le requérant à supporter la moitié de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission est condamnée à verser au requérant, M. Philippe Combescot, un montant de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission supportera, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par le requérant.

4)      Le requérant supportera la moitié de ses propres dépens.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung

Table des matières


* Langue de procédure : l’italien.