Language of document : ECLI:EU:T:2009:160

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

19 mai 2009 (*)

« Marque communautaire – Demandes de marques communautaires verbales CYBERCREDIT, CYBERGESTION, CYBERGUICHET, CYBERBOURSE et CYBERHOME – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 »

Dans les affaires jointes T‑211/06, T‑213/06, T‑245/06, T‑155/07 et T‑178/07,

Européenne de traitement de l’information (Euro-Information), établie à Strasbourg (France), représentée par Mes P. Greffe, J. Schouman, A. Jacquet et L. Paudrat, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre les décisions de la première chambre de recours de l’OHMI des 24 mai (affaire R 0068/2006‑1), 12 juin (affaire R 0066/2006‑1), 5 juillet 2006 (affaire R 0067/2006‑1), 28 février (affaire R 1046/2006‑1) et 15 mars 2007 (affaire R 0067/2006‑1), concernant l’enregistrement des signes CYBERGESTION (affaire T‑213/06), CYBERCREDIT (affaire T‑211/06), CYBERGUICHET (affaire T‑245/06), CYBERBOURSE (affaire T‑155/07) et CYBERHOME (affaire T‑178/07) comme marques communautaires,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 4 août, 4 septembre 2006, 4 et 21 mai 2007,

vu les mémoires en réponse déposés au greffe du Tribunal les 20 novembre 2006 et 16 juillet 2007,

à la suite de l’audience du 25 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les 29 octobre et 9 novembre 2004, la requérante, l’Européenne de traitement de l’information (Euro-Information), a déposé auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) cinq demandes de marques communautaires, sur la base du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont les signes verbaux CYBERCREDIT, CYBERGESTION, CYBERGUICHET, CYBERBOURSE et CYBERHOME.

3        Les produits et services pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent des classes 9, 36 et 38 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. S’agissant des signes CYBERCREDIT (affaire T-211/06), CYBERGESTION (affaire T-213/06) et CYBERGUICHET (affaire T-245/06), les produits et services visés sont les suivants :

–        classe 9 : « Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images, agendas électroniques, distributeurs automatiques, distributeurs de billets, de tickets, de relevés de comptes, d’extraits de comptes, caméras (appareils cinématographiques), caméras vidéo, cartes à mémoire ou à microprocesseur, cartes magnétiques, cartes magnétiques ou à microprocesseur d’identification, cartes magnétiques ou à microprocesseur de paiement, de crédit ou de débit, cassettes vidéo, cédéroms, lecteurs de codes à barres, disques compacts (audio-vidéo), disques optiques compacts, détecteurs de fausse monnaie, disquettes souples, supports de données magnétiques, support de données optiques, écrans vidéo, appareils pour le traitement de l’information, appareils d’intercommunication, interfaces (informatiques), lecteurs (informatiques), logiciels (programmes enregistrés), logiciels destinés à la gestion comptes, moniteurs (programmes d’ordinateurs), ordinateurs, périphériques d’ordinateurs, programmes d’ordinateurs enregistrés, programmes du système d’exploitation enregistrés (pour ordinateurs), postes radiotéléphoniques, récepteurs (audio, vidéo), appareils téléphoniques, appareils de télévision, mécanismes à prépaiement pour appareils de télévision, appareils pour l’enregistrement de temps, transmetteurs (télécommunication), unités centrales de traitement (processeurs), programmes et matériels informatiques permettant d’offrir des services complets de banque, de société financière et d’assurance à distance, logiciels de paiement sécurisé pour réseau électronique de communication en ligne, appareils et instruments de paiement électronique, matériel informatique de paiement électronique, logiciels de transactions de paiement électronique, cartes de paiement électronique » ;

–        classe 36 : « Affaires immobilières, assurances, assurance contre les accidents, affacturage, affaires bancaires, affaires financières, affaires monétaires, agences de crédit, agences de recouvrement de créances, analyse bancaire, analyse financière, analyse monétaire, crédit-bail, évaluation (estimation) de biens immobiliers, émission de bons de valeur, caisse de prévoyance, constitution, investissement et placement de capitaux, services de cartes de crédits, services de cartes de débit, cautions (garanties), opérations de change, vérification des chèques, émission de chèques de voyage, collecte de valeurs, opérations de compensation (change), consultation en matière d’assurances, consultation en matière bancaire, consultation en matière financière, courtage en assurances, courtage en biens immobiliers, courtage en bourse, crédit, dépôt de valeurs, dépôt en coffres-forts, épargne, estimations et expertises financières (assurance, banques, immobilier), services fiduciaires, services de financement, informations financières, estimations fiscales, expertises fiscales, constitution, investissement et placement de fonds, transfert électronique de fonds, gérance de fortunes, prêt sur gage, gérance de biens immobiliers, informations en matière d’assurances, informations financières et bancaires, recouvrement de loyers, assurance maladie, assurance maritime, prêt sur nantissement, opérations financières, opérations monétaires, parrainage financier, prêt (finances), transactions financières, assurance sur la vie, gestion de comptes de valeurs, gestion de patrimoine, services d’informations financières et bancaires en ligne, services d’informations financières et bancaires interactifs informatiques, services de paiement électronique, services de paiement en ligne sur un réseau électronique de communication, services de transfert électronique de valeurs, de fonds, de capitaux, d’actions, de devises et de tout autre titre financier » ;

–        classe 38 : « Télécommunications, agences d’informations (nouvelles), notamment dans le secteur bancaire, communications par terminaux d’ordinateurs, communications radiophoniques, communications téléphoniques, communications télévisuelles, expédition de dépêches, transmission de dépêches, diffusion de programmes de télévision, émissions radiophoniques, émissions télévisées, informations en matière de télécommunications, location d’appareils de télécommunication, location d’appareils pour la transmission de messages, location de téléphones, messagerie électronique, transmission de messages, transmission de messages et d’images assistée par ordinateur, radiotéléphonie mobile, transmission par satellite, services téléphoniques, transmission d’informations par réseaux Internet, Intranet et Extranet, services de transmission d’informations interactifs informatiques, transmission d’informations provenant d’une banque de données informatique, services internationaux de transmission de données entre systèmes informatiques mis en réseau, transmissions d’informations en ligne, transmission et réception d’informations, de messages, d’images et de sons via téléphones fixes, mobiles, ordinateurs, micro-ordinateurs ou systèmes vidéo, services de télécommunication par courrier électronique et par vidéo texte, services de télécommunication offrant l’accès à des services complets de banque, de société financière et d’assurance à distance ».

4        S’agissant des signes CYBERBOURSE (affaire T-155/07) et CYBERHOME (affaire T-178/07), les produits et services visés sont les suivants :

–        classe 9 : « Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images, agendas électroniques, distributeurs automatiques, distributeurs de billets, de tickets, de relevés de comptes, d’extraits de comptes, cartes à mémoire ou à microprocesseur, cartes magnétiques, cartes magnétiques ou à microprocesseur d’identification, cartes magnétiques ou à microprocesseur de paiement, de crédit ou de débit, cassettes vidéo, cédéroms, disques optiques compacts, disquettes souples, supports de données magnétiques, support de données optiques, appareils pour le traitement de l’information, appareils d’intercommunication, interfaces (informatiques), logiciels (programmes enregistrés), logiciels destinés à la gestion comptes, moniteurs (programmes d’ordinateurs), ordinateurs, périphériques d’ordinateurs, programmes d’ordinateurs enregistrés, programmes du système d’exploitation enregistrés (pour ordinateurs), postes radiotéléphoniques, récepteurs (audio, vidéo), transmetteurs (télécommunication), unités centrales de traitement (processeurs), programmes et matériels informatiques permettant d’offrir des services complets de banque, de société financière et d’assurance à distance, logiciels de paiement sécurisé pour réseau électronique de communication en ligne, appareils et instruments de paiement électronique, matériel informatique de paiement électronique, logiciels de transactions de paiement électronique, cartes de paiement électronique » ;

–        classe 36 : « Affaires bancaires, affaires financières, affaires monétaires, analyse bancaire, analyse financière, analyse monétaire, émission de bons de valeur, constitution, investissement et placement de capitaux, services de cartes de crédit, services de cartes de débit, opérations de change, collecte de valeurs, opérations de compensation (change), consultation en matière bancaire, consultation en matière financière, courtage en bourse, crédit, dépôt de valeurs, dépôt en coffres-forts, épargne, estimations et expertises financières (banques), services fiduciaires, services de financement, informations financières, constitution, investissement et placement de fonds, transfert électronique de fonds, gérance de fortunes, informations financières et bancaires, opérations financières, opérations monétaires, transactions financières, assurance sur la vie, gestion de comptes de valeurs, gestion de patrimoine, services d’informations financières et bancaires en ligne, services d’informations financières et bancaires interactifs informatiques, services de paiement électronique, services de paiement en ligne sur un réseau électronique de communication, services de transfert électronique de valeurs, de fonds, de capitaux, d’actions, de devises et de tout autre titre financier » ;

–        classe 38 : « Télécommunications, agences d’informations (nouvelles), notamment dans le secteur bancaire, communications par terminaux d’ordinateurs, communications radiophoniques, communications téléphoniques, communications télévisuelles, expédition de dépêches, transmission de dépêches, diffusion de programmes de télévision, émissions radiophoniques, émissions télévisées, informations en matière de télécommunications, location d’appareils de télécommunication, location d’appareils pour la transmission de messages, location de téléphones, messagerie électronique, transmission de messages, transmission de messages et d’images assistée par ordinateur, radiotéléphonie mobile, transmission par satellite, services téléphoniques, transmission d’informations par réseaux Internet, Intranet et Extranet, services de transmission d’informations interactifs informatiques, transmission d’informations provenant d’une banque de données informatique, services internationaux de transmission de données entre systèmes informatiques mis en réseau, transmissions d’informations en ligne, transmission et réception d’informations, de messages, d’images et de sons via téléphones fixes, mobiles, ordinateurs, micro-ordinateurs ou systèmes vidéo, services de télécommunication par courrier électronique et par vidéo texte, services de télécommunication offrant l’accès à des services complets de banque, de société financière et d’assurance à distance ».

5        Par décisions du 4 novembre 2005 (affaires T-211/06, T-213/06 et T-245/06), du 29 mai 2006 (affaire T-155/07) et du 24 juillet 2006 (T-178/07), l’examinateur a refusé l’enregistrement des cinq signes verbaux sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94. S’agissant du signe CYBERGESTION (affaire T-213/06), l’examinateur a également considéré que l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, n’était pas suffisamment établie.

6        Les 3 janvier, 28 juillet et 22 septembre 2006, la requérante a formé des recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre les décisions de refus d’enregistrement des cinq signes verbaux.

7        Par décisions des 24 mai (affaire T-213/06), 12 juin (affaire T-211/06), 5 juillet 2006 (affaire T-245/06), 28 février (affaire T-155/07) et 15 mars 2007 (affaire T‑178/07) (ci-après les « décisions attaquées »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, concernant la demande pour le signe CYBERGESTION (affaire T-213/06), en outre, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, de ce même règlement.

8        En substance, en premier lieu, la chambre de recours a estimé que les éléments « cyber », « credit », « gestion », « guichet », « bourse » et « home », pris séparément, étaient dépourvus de caractère distinctif en ce qui concerne les produits et services visés par les demandes de marque. En second lieu, elle a estimé que la combinaison des termes « cyber », d’une part, et « credit », « gestion », « guichet », « bourse » ou « home », d’autre part, répondait à une construction lexicale habituelle et ne représentait pas davantage que la somme des éléments dont les signes étaient composés. En troisième lieu, à supposer même que les combinaisons en question n’aient pas de « sens descriptif, exclusif et direct », la chambre de recours a estimé qu’ils seraient facilement compris comme des messages promotionnels par les consommateurs concernés. Elle a donc conclu que les cinq signes, dont l’enregistrement étaient demandé, étaient dépourvus de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Enfin, les termes en question, considérés séparément ou conjointement, seraient susceptibles d’être communément utilisés dans le commerce et devraient donc pouvoir être librement employés par tous les concurrents qui en auraient besoin. Un seul motif de refus absolu étant suffisant, la chambre de recours a estimé qu’elle n’avait pas à se prononcer sur l’éventuelle application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

9        La chambre de recours a également estimé que les preuves fournies par la requérante étaient insuffisantes pour démontrer que, à la date du dépôt de la demande de marque, le signe CYBERGESTION (affaire T-213/06) avait acquis un caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94. Concernant le signe CYBERGUICHET (affaire T-245/06), la chambre de recours a renvoyé l’affaire à l’examinateur au motif que les documents étayant la prétendue acquisition du caractère distinctif du signe par l’usage n’avaient été soumis pour la première fois que devant elle.

 Procédure et conclusions des parties

10      La requérante a introduit les présents recours en annulation contre les décisions attaquées par des requêtes déposées au Tribunal les 4 août [affaires T-211/06 (CYBERCREDIT) et T‑213/06 (CYBERGESTION)], 4 septembre 2006 [affaire T-245/06 (CYBERGUICHET)], 4 mai [affaire T-155/07 (CYBERBOURSE)] et 21 mai 2007 [affaire T-178/07 (CYBERHOME)].

11      Les cinq affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt par ordonnance du président de la quatrième chambre le 10 octobre 2008.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        enregistrer les marques demandées pour l’ensemble des produits et des services visés.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le second chef de conclusions irrecevable ;

–        rejeter les recours comme non fondés ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité du second chef de conclusions

14      L’OHMI demande que le second chef de conclusions de la requérante soit déclaré irrecevable en ce qu’il vise à obtenir du Tribunal le prononcé d’une injonction d’enregistrer les marques demandées pour l’ensemble des produits et des services visés.

15      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge communautaire contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un éventuel arrêt d’annulation dudit juge. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI une injonction [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 19, et ordonnance du Tribunal du 9 février 2004, Synopharm/OHMI – Pentafarma (DERMAZYN), T‑120/03, Rec. p. II‑509, point 23]. Cette jurisprudence s’applique, notamment, lorsqu’un chef de conclusions tend à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de faire droit à une demande d’enregistrement [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33, et du 31 mars 2004, Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS… FEELS LIKE GRASS… PLAYS LIKE GRASS), T‑216/02, Rec. p. II‑1023, points 15 et 16].

16      Il convient donc de rejeter comme irrecevable le second chef de conclusions de la requérante.

 Sur le fond

17      À l’appui de ses recours, la requérante invoque deux moyens tirés, d’une part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, d’autre part, s’agissant du signe CYBERGESTION (affaire T-213/06), de la violation de l’article 7, paragraphe 3, de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

18      La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les marques demandées étaient dépourvues de tout caractère distinctif pour les produits et services visés.

19      Premièrement, la requérante estime que la chambre de recours a fondé son analyse sur une acception trop étroite du terme « cyber ». Selon elle, « rien ne permet de conclure que le public pertinent associera ce préfixe à l’internet et à l’activité électronique ». De plus, la signification de ce terme retenue par la chambre de recours s’agissant des signes CYBERCREDIT (affaire T-211/06), CYBERGESTION (affaire T-213/06) et CYBERGUICHET (affaire T-245/06) serait celle proposée par un dictionnaire de français édité au Canada. Or, selon la requérante, « de nombreuses notions possèdent des acceptions pour les consommateurs francophones de la Communauté européenne qui diffèrent sensiblement des acceptions que ces mêmes notions possèdent pour des consommateurs canadiens francophones ». Enfin, s’agissant du signe CYBERHOME (affaire T-178/07), la requérante fait valoir que la chambre de recours s’est erronément fondée sur une définition du terme « cyber » tirée d’un dictionnaire spécialisé dans les nouvelles technologies alors que le public pertinent est constitué des consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.

20      Deuxièmement, la requérante estime que le caractère distinctif de ces signes repose sur l’« effet de surprise pour le consommateur de référence » résultant de la contradiction apparente entre le mot « cyber », qui fait référence au monde virtuel, et les termes « credit », « gestion », « guichet », « bourse » et « home », qui renvoient « nécessairement au monde physique, matériel et concret qui s’oppose de manière manifeste au domaine immatériel virtuel ».

21      Troisièmement, la requérante fait valoir que ces dénominations sont « fantaisistes » en raison de la contradiction apparente qu’elles présentent, et qu’elles ne sont de ce fait pas nécessaires aux concurrents pour la désignation de leurs produits et services.

22      Quatrièmement, s’agissant des signes CYBERBOURSE (affaire T‑155/07) et CYBERHOME (affaire T‑178/07), la requérante soutient que la chambre de recours est manifestement allée au-delà de la signification des termes « cyber », « bourse » et « home » et n’a pas appréhendé les marques avec le niveau d’attention du consommateur concerné. Selon elle, la chambre de recours a procédé à « un raisonnement complexe, afin de tenter de proposer plusieurs significations [des combinaisons en question] et de mettre celles-ci en relation avec les produits et services [visés] » alors que le public ne se livre généralement pas à une analyse détaillée du sens de la marque qu’il a sous les yeux.

23      Cinquièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a développé son raisonnement sans égard pour les produits ou services en question. Selon elle, une analyse détaillée démontre que les termes en question, pris isolément ou en combinaison, ne sont ni descriptifs ni évocateurs de tous les produits et services visés. Bien qu’un seul des termes de ces combinaisons ou les combinaisons dans leur ensemble puissent « éventuellement apparaître évocateur[s] » de certains des produits et des services visés, les signes en question rempliraient le minimum de caractère distinctif requis par la jurisprudence. En outre, concernant les signes CYBERBOURSE (affaire T‑155/07) et CYBERHOME (affaire T‑178/07), la chambre de recours se serait fondée sur le domaine d’activités de la requérante alors qu’elle aurait dû se concentrer sur les produits et services visés.

24      Sixièmement, la requérante soutient que rien ne permet d’affirmer que les termes en question sont employés sur Internet en relation avec l’ensemble des produits et des services visés.

25      Enfin, les décisions attaquées seraient contraires à un certain nombre de décisions de l’OHMI ainsi que de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) français, lesquels auraient enregistré des marques similaires.

26      L’OHMI réfute les arguments de la requérante et considère que la chambre de recours n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Appréciation du Tribunal

27      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que le « paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

28      Selon une jurisprudence constante, les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont ceux qui sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou service de ceux d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34). Il s’agit notamment de signes qui ne permettent pas au public concerné de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors de l’acquisition ultérieure des produits ou des services en question [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 37, et Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, point 26]. Tel est également le cas de signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés [arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 65].

29      L’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n’est pas exclu en tant que tel en raison d’une telle utilisation (arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031, point 41, et arrêt LIVE RICHLY, précité, point 66).

30      Toutefois, un signe qui, tel un slogan publicitaire, remplit d’autres fonctions que celle d’une marque au sens classique, n’est distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, que s’il peut être perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits ou les services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale (arrêts LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS, précité, point 25, et LIVE RICHLY, précité, point 66).

31      En outre, le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Neumann/OHMI (Forme d’une tête de microphone), T‑358/04, Rec. p. II‑3329, point 32].

32      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que la chambre de recours a, à juste titre, considéré que, les produits et services visés par les marques demandées étant destinés aussi bien aux professionnels intéressés qu’aux consommateurs moyens, le public pertinent, au regard duquel il convenait d’apprécier le caractère distinctif des signes en cause, est constitué par les consommateurs moyens. Il y a donc lieu d’apprécier le caractère distinctif des marques demandées en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt LIVE RICHLY, précité, point 69).

33      Par ailleurs, les marques demandées étant composées de termes utilisés couramment en français ou en anglais, c’est à bon droit que la chambre de recours a décidé de tenir compte de la perception qu’aurait des marques demandées le consommateur moyen francophone et, s’agissant de la demande d’enregistrement du signe CYBERHOME (affaire T‑178/07), le consommateur moyen francophone et anglophone.

34      Il convient de relever, en second lieu, que les marques demandées étant des signes complexes composés d’un préfixe de base (cyber) et d’un substantif (credit, gestion, guichet, bourse et home), il y a dès lors lieu, aux fins de l’appréciation de leur caractère distinctif, de les considérer dans leur ensemble [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 22].

35      À cet égard, il convient de constater que les mots composant les signes en question sont des mots couramment employés en français ou en anglais, qui, pris ensemble, ont exactement le même sens que l’expression composée des mêmes termes non accolés. Ces combinaisons sont construites de façon cohérentes et immédiatement perceptibles par le public pertinent. Contrairement à ce que prétend la requérante, ces combinaisons ne sont ni inhabituelles ni particulièrement surprenantes.

36      En effet, comme la chambre de recours l’a correctement relevé au point 18 des décisions attaquées dans les affaires T-211/06, T-213/06 et T-245/06 et au point 20 des décisions attaquées dans les affaires T-155/07 et T-178/07, le terme « cyber » étant communément utilisé pour indiquer un lien avec le réseau Internet, de nombreux mots sont ainsi composés de nos jours (par exemple, cybercafé, cybertechnologie, cybermagazine, cybergouvernance, cyberespace, etc.). Les arguments de la requérante fondés sur l’utilisation par la chambre de recours d’un dictionnaire de français édité au Canada (affaires T-211/06, T-213/06 et T‑245/06) ou d’un dictionnaire spécialisé (affaire T-178/07) sont donc dépourvus de toute pertinence, puisqu’il est clair que, pour le public pertinent tel que défini en l’espèce, la signification du terme « cyber » retenue dans les décisions attaquées est correcte [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 42]. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu que les combinaisons des éléments des signes verbaux en question ne représentaient pas davantage que la simple somme desdits éléments.

37      Par ailleurs, concernant le prétendu « effet de surprise » qui résulterait de la contradiction apparente que présentent les signes en question ou encore les différentes significations possibles du préfixe « cyber », il convient de relever que le seul fait que certains des mots composant des marques complexes puissent se comprendre de différentes manières ou avoir un sens plus vague, que les signes puissent constituer un jeu de mots ou qu’ils puissent être perçus comme ironiques, surprenants et inattendus, ne les rend pas nécessairement distinctifs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (voir, en ce sens, arrêt LIVE RICHLY, précité, point 84). Les différents éléments d’un signe complexe ne le rendent distinctif que pour autant que le signe lui-même soit perçu d’emblée par le public concerné comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés, et ce afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits et services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec. p. II‑5179, point 20 ; du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec. p. II‑2235, point 21, et du 28 janvier 2004, Deutsche SiSi-Werke/OHMI (Sachet tenant debout), T‑146/02 à T‑153/02, Rec. p. II‑447, point 38].

38      En l’espèce, il convient d’observer que le public concerné percevra effectivement les cinq signes demandés, s’agissant des produits et des services en question, avant toute chose comme des formules promotionnelles et non comme des indications de l’origine commerciale des produits et des services en question. Les signes en cause sont des slogans promotionnels, car ils vantent une qualité des produits et des services concernés, à savoir la modernité et l’adaptation aux nouvelles technologies de l’information [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 avril 2008, Nordmilch/OHMI (Vitality), T‑294/06, non publié au Recueil, point 23, et la jurisprudence citée]. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a estimé que ces signes seraient facilement compris par le public pertinent comme signifiant que les produits et services visés lui permettront d’effectuer des opérations de crédit en ligne (CYBERCREDIT), d’administrer ses biens et affaires en ligne (CYBERGESTION), d’effectuer des opérations bancaires et financières en ligne (CYBERGUICHET), d’effectuer des transactions financières en ligne (CYBERBOURSE) et d’accéder aux réseaux de télécommunications depuis le domicile (CYBERHOME). Les signes demandés ne renferment pas d’éléments qui pourraient, au-delà de leur signification promotionnelle évidente, permettre au public concerné de les mémoriser facilement et immédiatement en tant que marques distinctives pour les produits et services désignés (voir, en ce sens, arrêt LIVE RICHLY, précité, point 85). Même dans l’hypothèse où les signes en cause seraient utilisés seuls, sans autre signe ou marque, le public concerné ne pourrait, sans en avoir été averti préalablement, les percevoir autrement que dans leur sens promotionnel (voir, en ce sens, arrêt REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, précité, point 28).

39      De plus, contrairement à ce qu’affirme la requérante s’agissant des signes CYBERBOURSE (affaire T-155/07) et CYBERHOME (affaire T-178/07), le raisonnement de la chambre de recours n’est pas particulièrement complexe et ne va pas au-delà de la signification des termes en question. Le Tribunal estime que les déductions faites par la chambre de recours ne requièrent aucune « analyse détaillée » de la part des consommateurs concernés.

40      Quant à l’argument selon lequel la chambre de recours, s’agissant des signes CYBERCREDIT (affaire T-211/06), CYBERGESTION (affaire T-213/06) et CYBERGUICHET (affaire T-245/06), n’a pas rattaché son analyse aux produits et aux services visés, il convient de relever que la requérante se contente d’affirmer que les termes composant les signes en question, pris isolément ou en combinaison, ne sont « ni descriptifs, ni évocateurs » d’un certain nombre de produits et de services qu’elle énumère ou ne font qu’évoquer certains de ces produits ou services. Or, la question de savoir si une marque ou un message véhiculé par une marque est ou non directement descriptif ou évocateur des produits et des services visés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, n’est pas, en tant que telle, pertinente dans le contexte de l’examen de l’existence du motif absolu de refus visé au paragraphe 1, sous b), du même article (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, non encore publié au Recueil, points 54 et 55). Le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 porte sur une autre question, celle de savoir si le public concerné verra, dans ce message, une indication de l’origine commerciale des services concernés [arrêt du Tribunal 2 juillet 2008, Ashoka/OHMI (DREAM IT, DO IT!), T‑186/07, non publié au Recueil, point 36]. Il ressort des faits de l’espèce que les consommateurs concernés ne verront pas une telle indication dans les marques demandées.

41      En ce qui concerne, ensuite, l’argument tiré d’un possible usage commun des termes composant les marques demandées par les concurrents de la requérante pour la présentation des produits et des services visés, il convient de rappeler que ce critère est pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, mais n’est pas celui au regard duquel le motif énoncé par cette même disposition, sous b), doit être interprété (arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 36).

42      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu que les marques demandées ne seraient pas perçues, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services concernés. Il s’ensuit que les marques demandées sont dépourvues de caractère distinctif.

43      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante tirés de l’enregistrement de signes prétendument similaires au niveau communautaire par l’OHMI et en France par l’INPI, lesquels doivent être rejetés comme dépourvus de pertinence.

44      En effet, il est de jurisprudence constante que les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 40/94, relèvent de la compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci ou de l’OHMI [voir arrêts du Tribunal STREAMSERVE, précité, point 66, et du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, Rec. p. II‑1113, point 71, et la jurisprudence citée].

45      En outre, il convient également de rappeler que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47]. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge communautaire ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale (arrêt STREAMSERVE, précité, point 47).

46      En tout état de cause, le Tribunal observe que, s’il est admis que des motifs de fait ou de droit figurant dans une décision communautaire ou nationale antérieure pourraient éventuellement constituer des arguments à l’appui d’un moyen tiré de la violation d’une disposition du règlement n° 40/94, force est de constater que, en l’espèce, la requérante n’a pas invoqué l’existence, dans les décisions nationales ou dans les décisions des chambres de recours qu’elle invoque, de motifs qui seraient susceptibles de mettre en cause l’appréciation donnée ci-dessus, relative au moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (voir, en ce sens, arrêt ECA, précité, point 72).

47      Il ressort de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en refusant l’enregistrement des marques demandées. Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (affaire T-213/06)

 Arguments des parties

48      La requérante soutient que les documents qu’elle a soumis sont de nature à démontrer que, à la date du dépôt de la demande de la marque CYBERGESTION, une partie suffisamment large du public pertinent reconnaissait ce signe comme constituant une marque employée pour un logiciel et renvoyant au groupe bancaire Crédit mutuel auquel elle appartient.

49      L’OHMI estime que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les preuves apportées ne démontraient pas l’acquisition du caractère distinctif par l’usage du signe CYBERGESTION sur l’ensemble du territoire communautaire où ce signe en est dépourvu, à savoir l’ensemble de la zone francophone comprenant la Belgique, la France et le Luxembourg.

 Appréciation du Tribunal

50      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94, le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

51      Selon la jurisprudence, l’acquisition du caractère distinctif par l’usage d’une marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Toutefois, les circonstances dans lesquelles la condition liée à l’acquisition du caractère distinctif par l’usage peut être regardée comme satisfaite ne sauraient être établies seulement sur la base de données générales et abstraites, telles que des pourcentages déterminés [voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 42, et la jurisprudence citée].

52      En effet, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation, dans un cas d’espèce, de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, de facteurs tels que, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque et l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir. Des moyens de preuves appropriés à cet égard sont, notamment, des déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que des sondages d’opinion (voir arrêt Forme d’une bouteille de bière, précité, point 44, et la jurisprudence citée).

53      En outre, l’acquisition du caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande de marque [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, Rec. p. II‑5301, point 36].

54      Enfin, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie substantielle de la Communauté où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement [arrêts du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, Rec. p. II‑1925, point 27 ; Forme d’une bouteille de bière, précité, point 43 ; et du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 62].

55      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 14 de la décision attaquée dans l’affaire T-213/06, que le public pertinent était composé des consommateurs moyens francophones de la Communauté. Cette définition du public pertinent n’a pas été remise en cause par la requérante.

56      Par conséquent, il incombait à celle-ci de démontrer que le signe CYBERGESTION avait acquis un caractère distinctif par l’usage sur l’ensemble du territoire francophone de la Communauté sur lequel elle en était dépourvue, à savoir en Belgique, en France et au Luxembourg.

57      Or, comme l’a correctement relevé la chambre de recours, les documents soumis par la requérante établissent tout au plus que ce signe a acquis une certaine reconnaissance publique en France, mais ne couvrent ni la Belgique ni le Luxembourg. Ainsi, les articles de presse fournis ont tous été tirés de journaux français et toutes les pages Internet proviennent du site Internet français du Crédit mutuel. L’argument de la requérante, soumis lors de l’audience, selon lequel ce site Internet était également accessible de la Belgique et du Luxembourg n’est pas suffisant pour établir que le signe CYBERGESTION a acquis un caractère distinctif sur le territoire d’ensemble concerné. En fait, la requérante a elle-même admis, pendant l’audience, que le signe CYBERGESTION n’était pas utilisé en Belgique et au Luxembourg.

58      En outre, tous les documents soumis sont de nature générale et ne présentent pas d’éléments concrets concernant, par exemple, la part de marché détenue par la marque CYBERGESTION, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de la marque ou l’importance des investissements faits par la requérante pour la promouvoir. La requérante n’a pas non plus soumis de déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou des sondages d’opinion.

59      Dans ces circonstances, le second moyen ne saurait être accueilli.

60      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les présents recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      L’Européenne de traitement de l’information (Euro-Information) est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mai 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.