Language of document : ECLI:EU:T:2010:177

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

6 mai 2010 (*)

« FEDER – Réduction d’un concours financier – Projet pilote urbain relatif à la mise en place d’un réseau de sites télématiques pour la ville de Naples – Notion d’irrégularité – Dépenses éligibles »

Dans l’affaire T‑388/07,

Comune di Napoli (Italie), représentée par Mes F. Sciaudone, G. Tarallo, G. Pizza et R. Sciaudone, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. L. Flynn, en qualité d’agent, assisté de MA. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision C (2007) 3893 de la Commission, du 8 août 2007, relative à la réduction du concours du Fonds européen de développement régional (FEDER) accordé, au titre de l’article 10 du règlement (CEE) n° 4254/88, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2083/93, à la ville de Naples (Italie) par la décision PH/1997/2761 de la Commission approuvant un concours du FEDER dans le cadre du projet pilote urbain n° 97.05.29.002, ainsi que, d’autre part, un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par la partie requérante à la suite de l’adoption de la décision attaquée,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : M. F. Dehousse,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 juin 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Les règles applicables aux concours alloués dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER) sont notamment fixées par le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), modifié notamment par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5), et par le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), modifié notamment par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20).

2        L’article 24 du règlement n° 4253/88 prévoit, concernant la « réduction, [la] suspension et [la] suppression du concours » :

« 1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autres autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. [À la] suite [de] cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont majorées d’intérêts de retard en conformité avec les dispositions du règlement financier et selon les modalités à arrêter par la Commission […] »

3        L’article 26, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 est ainsi libellé :

« Afin d’assurer l’efficacité des interventions communautaires, les actions à finalité structurelle font l’objet d’une appréciation, d’un suivi et d’une évaluation après leur réalisation. Cette efficacité est mesurée à trois niveaux :

–        leur impact d’ensemble sur les objectifs visés à l’article 130 A [CEE], et notamment le renforcement de la cohésion économique et sociale de la Communauté,

–        l’impact des actions proposées dans les plans et entreprises dans chaque cadre communautaire d’appui,

–        l’impact des interventions opérationnelles (programmes, etc.).

L’appréciation et l’évaluation sont effectuées, selon les cas, en confrontant, le cas échéant, les objectifs avec les résultats obtenus, par rapport aux objectifs et indicateurs macro-économiques et sectoriels fondés sur des données statistiques régionales et nationales, aux données générées par des études analytiques descriptives ainsi qu’à des analyses de type qualitatif.

L’appréciation et l’évaluation tiennent compte des avantages socio-économiques escomptés ou atteints eu égard aux ressources mobilisées, de la conformité aux politiques et aux dispositions communautaires visées à l’article 7, paragraphe 1, du règlement [n° 2052/88] et des conditions de mise en œuvre des actions. »

4        Par ailleurs, le Conseil a adopté, le 19 décembre 1988, le règlement (CEE) n° 4254/88, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne le FEDER (JO L 374, p. 15). Ce règlement a été modifié par le règlement (CEE) n° 2083/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 34).

5        L’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 4254/88 prévoit le cofinancement par le FEDER de projets pilotes. Cet article dispose :

« Conformément à l’article 3, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement [n° 2052/88], le [FEDER] peut en outre contribuer, dans la limite de 1 % de sa dotation annuelle, au financement, au niveau communautaire :

a)      […]

b)      des projets pilotes qui :

–        constituent des incitations à la réalisation d’infrastructures, d’investissements dans les entreprises et d’autres mesures spécifiques ayant un intérêt communautaire marqué, en particulier dans les régions frontalières internes et externes de la Communauté,

–        favorisent l’échange d’expériences et la coopération en matière de développement entre régions de la Communauté, ainsi que des actions innovatrices. »

6        La Commission des Communautés européennes a publié des lignes directrices relatives à la présentation de propositions de projets pilotes urbains (ci-après les « PPU »), dans le document 95/C 319/06 intitulé « Appel d’offres pour les [PPU] en vertu de l’article 10 du règlement FEDER » (JO 1995, C 319, p. 31).

7        Dans ce document, le paragraphe intitulé « Durée du projet » est libellé comme suit :

« En général, la durée des projets doit être de deux à trois ans. Dans des conditions normales, aucune prorogation n’est accordée sauf cas graves, imprévisibles (telles que des catastrophes naturelles, des découvertes archéologiques imprévues, etc.) qui sont à l’origine de retards, et seulement si ces cas sont reconnus par les services compétents de la Commission […] »

8        L’article 39, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1), et abrogeant les règlements nos 2052/88 et 4253/88, dispose, s’agissant des corrections financières :

« À l’expiration du délai fixé par la Commission, en l’absence d’accord et si l’État membre n’a pas effectué les corrections et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission peut décider, dans un délai de trois mois :

a)       de réduire l’acompte visé à l’article 32, paragraphe 2

ou

b)       de procéder aux corrections financières requises en supprimant tout ou partie de la participation des fonds à l’intervention concernée.

Lorsqu’elle établit le montant d’une correction, la Commission tient compte, conformément au principe de proportionnalité, de la nature de l’irrégularité ou de la modification ainsi que de l’étendue et des conséquences financières des défaillances constatées dans les systèmes de gestion ou de contrôle des États membres.

En l’absence de décision d’agir conformément au point a) ou b), la suspension des paiements intermédiaires cesse immédiatement. »

9        Aux termes de l’article 52, paragraphe 5, second alinéa, du règlement n° 1260/1999 :

« Les parties des sommes engagées pour les programmes décidés par la Commission entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1999 et qui n’ont pas fait l’objet d’une demande de paiement définitif à la Commission au plus tard le 31 mars 2003 sont dégagées d’office par celle-ci au plus tard le 30 septembre 2003 et donnent lieu au remboursement des sommes indues, sans préjudice des opérations ou programmes qui font l’objet de suspension pour raison judiciaire. »

 Antécédents du litige

10      En application des lignes directrices mentionnées au point 6 ci-dessus, la Commission a publié un appel d’offres auquel la partie requérante, Comune di Napoli, a répondu.

11      Par décision PH/1997/2761, du 10 juillet 1997, la Commission a accordé un concours financier du FEDER à la partie requérante pour le PPU n° 97.05.29.002 relatif à la réalisation d’un réseau de sites télématiques. La lettre d’approbation du projet, datée du 14 juillet 1997 et à laquelle étaient joints la description du projet, les conditions générales applicables à l’octroi du concours financier communautaire et un formulaire à signer par le responsable du projet et à renvoyer à la Commission (ci-après la « convention de financement »), est parvenue à la partie requérante le 25 juillet 1997.

12      Aux termes de la convention de financement, le projet couvrait la période allant du 1er juillet 1997 au 31 décembre 1999. Le point 3.2 de l’annexe 2 de la convention de financement fixait la date limite pour la comptabilisation des dépenses éligibles au 30 juin 2000, la demande de paiement du solde final devant être introduite auprès de la Commission dans les trois mois à compter du délai indiqué.

13      Par lettre du 25 mai 1998, la partie requérante a demandé à la Commission deux modifications du projet. Elle souhaitait modifier les emplacements des deux sites télématiques, en déplaçant l’un vers le quartier de Scampia et l’autre dans la zone portuaire, et proroger de douze mois les délais de réalisation du projet.

14      Par lettre du 1er décembre 1998, la Commission a accepté ces modifications, y compris la prorogation de douze mois pour la réalisation du projet, repoussant ainsi la date du dernier engagement au 31 décembre 2000 et la date limite de comptabilisation des dépenses effectives au 30 juin 2001.

15      Par lettre du 15 octobre 1999, la partie requérante a demandé à la Commission une nouvelle modification du projet, visant à déplacer le second site télématique dans la zone de la Mostra d’Oltremare. À la suite d’une demande de renseignements de la Commission du 23 février 2000, la partie requérante a fourni, par lettre du 10 juillet 2000, le complément d’informations requis et, parallèlement, a demandé une nouvelle prorogation de douze mois pour la réalisation du projet.

16      Par lettre du 18 septembre 2000, la Commission a accepté le nouvel emplacement du second site télématique, demandé par la partie requérante dans sa lettre du 15 octobre 1999, mais a refusé d’accorder une nouvelle prorogation du délai imparti pour réaliser le projet.

17      Dans le cadre de la réalisation du projet et plus précisément des appels d’offres lancés par la partie requérante, une entreprise exclue de la procédure d’attribution du marché de fourniture de matériel informatique a, le 28 juin 2001, introduit devant le Tribunale amministrativo regionale (tribunal administratif régional, ci-après le « TAR ») un recours par lequel elle demandait la suspension provisoire de l’adjudication. Par arrêt du 2 août 2001, le TAR a suspendu l’adjudication du marché. La partie requérante, défenderesse dans cette affaire, ayant fait appel, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a, par ordonnance du 13 novembre 2001, notifiée à la partie requérante le 5 décembre 2001, annulé l’arrêt du TAR du 2 août 2001.

18      Par courrier daté du 27 juin 2002, la partie requérante a adressé à la Commission la demande de paiement du solde et l’attestation finale des dépenses du projet, pour un montant total de 1 623 980,36 euros.

19      Par lettre du 24 août 2004, la Commission, constatant des irrégularités dans la mise en œuvre du projet, a refusé de donner suite à cette demande. Ces irrégularités justifiaient, selon la Commission, de procéder à la liquidation du projet, de désengager la partie restante du concours financier communautaire et de réclamer le remboursement des sommes indûment perçues, à savoir 704 086,80 euros.

20      Par lettre du 27 octobre 2004, la partie requérante a avancé que le retard ayant affecté les paiements litigieux résultait d’une série d’événements inattendus, imprévisibles et, pour certains, constitutifs de force majeure.

21      Par lettre du 13 mai 2005, la Commission a confirmé sa position quant à la clôture du projet, aux sommes à désengager et à la partie du concours financier à récupérer en application de l’article 24 du règlement n° 4253/88.

22      Par lettre du 8 novembre 2005, la partie requérante a répété que le retard ayant affecté certains paiements ne lui était pas imputable et que le projet avait été complètement exécuté.

23      Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 24 du règlement n° 4253/88, une réunion bilatérale a été organisée à Bruxelles (Belgique), le 9 février 2006. La partie requérante y a maintenu que les réponses tardives de la Commission, la découverte d’amiante et le litige devant le TAR justifiaient son retard.

24      Dans sa réponse du 24 octobre 2006, la Commission a admis en partie certains arguments de la partie requérante. Ayant procédé à un nouveau calcul des dépenses éligibles, elle a ramené la somme à rembourser à un montant de 551 928,36 euros.

25      Par différentes lettres, la partie requérante a exprimé son désaccord avec les conclusions exposées par la Commission dans sa lettre du 24 octobre 2006.

 Décision attaquée

26      Par la décision C (2007) 3893, du 8 août 2007, relative à la réduction du concours du FEDER accordé, au titre de l’article 10 du règlement n° 4254/88, tel que modifié par le règlement n° 2083/93, à la ville de Naples (Italie) par la décision PH/1997/2761 de la Commission approuvant un concours du FEDER dans le cadre du projet pilote urbain n° 97.05.29.002 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a réduit le montant total des sommes réclamées à la partie requérante, mais a maintenu sa position quant à l’inéligibilité de certaines dépenses.

27      La Commission se félicite de ce que l’un des deux sites télématiques initialement prévus ait été réalisé et soit opérationnel, mais indique que cela ne peut constituer une justification et entraîner une acceptation automatique des factures payées au-delà de la date d’éligibilité (considérant 21 de la décision attaquée).

28      Il ressort des conclusions de la décision attaquée (considérants 24 à 28) que les services de la Commission considèrent, à la suite de l’audit effectué pour leur compte par un cabinet (ci-après le « cabinet d’audit ») et après examen des informations fournies par la suite par la partie requérante, que sont inéligibles les dépenses suivantes : 26 631 euros (frais d’étude et d’expertise), dans la mesure où cette dépense n’est pas étayée par des pièces justificatives ; 1 996 euros (frais généraux) ; 95 847,64 euros (frais d’équipement) et 386 112,09 euros (bâtiments et services), dans la mesure où ces dépenses ont été exposées après la date limite d’éligibilité des dépenses. La dépense totale déclarée par la partie requérante s’élève à un montant de 1 623 980,36 euros, dont la Commission déduit le montant des dépenses inéligibles en cause. La dépense admise en liquidation est donc réduite à un montant de 1 113 393,21 euros. Le concours total du FEDER, soit 74 % de la dépense totale éligible, s’élève dès lors à un montant de 823 910,98 euros (voir également article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée). La Commission ayant déjà versé des avances pour un montant total de 1 186 700 euros, elle considère que la liquidation du projet implique le remboursement de la différence par la partie requérante.

29      L’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, dont la partie requérante est la destinataire, dispose par conséquent :

« La somme de 362 789,02 euros, versée par la Commission au titre de ce concours, a été perçue indûment et doit être recouvrée. »

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2007, la partie requérante a introduit le présent recours.

31      En application de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51, paragraphe 2, de son règlement de procédure, le Tribunal (première chambre), les parties entendues, a décidé d’attribuer la présente affaire à M. F. Dehousse, statuant en qualité de juge unique.

32      La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à la réparation du préjudice causé par ladite décision ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         rejeter le recours ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée

34      La partie requérante présente huit moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Dans les deux premiers moyens, qu’il y a lieu de considérer comme ne formant qu’un seul moyen, elle conteste l’interprétation et l’application que la Commission a faites de l’article 24 du règlement n° 4253/88. Dans les quatre moyens suivants, qu’il convient de traiter comme constituant les quatre branches d’un deuxième moyen, la partie requérante invoque diverses erreurs d’appréciation commises par la Commission dans la détermination de la date d’éligibilité des dépenses. La partie requérante invoque ensuite la violation du principe de proportionnalité et, enfin, un défaut de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées de l’article 24 du règlement n° 4253/88

 Arguments des parties

35      La partie requérante considère que la décision attaquée est entachée d’illégalité parce que la Commission n’a pas tenu compte de tous les critères de forme et de fond qui doivent être examinés pour constater l’existence d’irrégularités au sens de l’article 24 du règlement n° 4253/88.

36      La partie requérante estime que, en application de l’article 26 du règlement n° 4253/88, l’évaluation de la réalisation des actions financées doit tenir compte des objectifs poursuivis et des résultats obtenus. Il ressortirait également de la jurisprudence et de la pratique de la Commission que, pour apprécier l’existence d’irrégularités au sens de l’article 24 dudit règlement, la réalisation effective de l’action financée doit être prise en compte.

37      Or, dans la décision attaquée, la Commission apprécierait l’existence d’irrégularités sur la base d’une présomption de violation des conditions financières, c’est-à-dire exclusivement sur la base d’un critère formel, sans tenir compte de la réalisation du projet dans un délai plus court que celui prévu à l’origine ni de la réalisation effective du site télématique de Scampia. La Commission aurait reconnu les excellents résultats atteints par la partie requérante, notamment lors de la réunion bilatérale du 9 février 2006, et se féliciterait du résultat obtenu dans la décision attaquée, mais ne prendrait pas ces éléments en considération. Dans son appréciation de l’existence des irrégularités reprochées à la partie requérante dans la décision attaquée, la Commission n’aurait donc pas fait une application correcte de l’article 24 du règlement n° 4253/88.

38      La partie requérante fait par ailleurs valoir que la Commission a appliqué, en l’espèce, une notion d’irrégularité manifestement erronée. Elle rappelle, à cet égard, le cadre légal applicable à cette notion. Elle estime que l’article 1er, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), énonce en la matière des principes généraux qui sont confirmés par la réglementation sectorielle relative au FEDER, et notamment par le règlement (CE) n° 1681/94 de la Commission, du 11 juillet 1994, concernant les irrégularités et le recouvrement des sommes indûment versées dans le cadre du financement des politiques structurelles ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine (JO L 178, p. 43). De l’avis de la partie requérante, il résulte de ce règlement que seule une violation significative de la réglementation communautaire constitue une irrégularité. Cette interprétation serait confirmée par l’article 24 du règlement n° 4253/88.

39      Selon la partie requérante, la jurisprudence communautaire confirme également ce principe en ne constatant l’existence d’irrégularités que dans les cas de violations graves des dispositions applicables. Elle renvoie, à cet égard, notamment à l’arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, Irlande/Commission (C‑199/03, Rec. p. I‑8027, point 12).

40      La partie requérante affirme donc n’avoir commis aucune irrégularité, puisque n’est en cause en l’espèce qu’une simple modification du délai fixé pour les paiements, qui ne lui est pas imputable. Ce changement ne pourrait être qualifié de modification importante et le concours financier octroyé ne pourrait pas être considéré comme une dépense indue. En conséquence, la récupération du concours financier ne serait pas justifiée et l’erreur de droit commise par la Commission rendrait la décision attaquée illégale.

41      La Commission conteste l’argumentation de la partie requérante.

 Appréciation du Tribunal

42      Il ressort du visa de la décision attaquée qu’elle a pour base légale le règlement n° 4253/88, et notamment son article 24, paragraphes 2 et 3. Par ailleurs, la Commission commence son appréciation juridique, au considérant 15 de la décision attaquée, en renvoyant à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 et conclut, au considérant 28 de la décision attaquée, en fondant sa demande de remboursement du montant de 362 789,02 euros sur l’article 24, paragraphe 3, dudit règlement.

43      Il importe de souligner à cet égard que c’est bien le règlement n° 4253/88 qui constitue le fondement juridique pertinent de ladite obligation de récupération, et non le règlement n° 2988/95, lequel se borne à établir les règles générales de contrôles et de sanctions dans un but de protection des intérêts financiers de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mars 2008, Vereniging Nationaal Overlegorgaan Sociale Werkvoorziening, C‑383/06 à C‑385/06, Rec. p. I‑1561, point 39).

44      Il n’y a, dès lors, pas lieu de se prononcer sur les arguments que la partie requérante tire des principes généraux énoncés par le règlement n° 2988/95 et prétendument confirmés par la réglementation sectorielle relative au FEDER, et notamment par le règlement n° 1681/94. Il convient de souligner que ce dernier ne constitue pas non plus le fondement juridique pertinent de l’obligation de récupération en l’espèce (voir point 42 ci-dessus). Par ailleurs, il ne contient pas de restriction de son champ d’application aux irrégularités graves ou d’un certain type.

45      Le débat entre les parties porte sur l’interprétation de la notion d’irrégularité visée à l’article 24 du règlement n° 4253/88, sous l’angle de la nature de celle-ci et de la gravité qu’elle doit revêtir, ainsi que sur l’application en l’espèce de cet article et de la jurisprudence qui y est relative.

46      En premier lieu, s’agissant de l’interprétation de la notion d’irrégularité, force est de constater que l’article 24 du règlement n° 4253/88 ne précise pas de quel type peut ou doit être l’irrégularité constatée pour que la Commission puisse réduire ou suspendre le concours financier. Cet article spécifie simplement que la Commission peut prendre une telle mesure si l’examen confirme, de manière alternative, « l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée ».

47      Il en résulte que si, dans l’alternative citée, la modification doit être importante, il n’est rien dit sur la gravité de l’irrégularité. Or, en l’espèce la Commission n’invoque pas une modification importante apportée au projet, mais le non-respect des conditions fixées dans la convention de financement.

48      Par ailleurs, la jurisprudence n’a pas énoncé de principe limitant la possibilité de constater l’existence d’irrégularités aux cas de violations graves. Au contraire, la Cour a déjà jugé que l’article 24 du règlement nº 4253/88 n’opère aucune distinction d’ordre quantitatif ou qualitatif en ce qui concerne les irrégularités pouvant donner lieu à la réduction d’un concours et que même des irrégularités qui n’ont pas d’impact financier précis peuvent sérieusement affecter les intérêts financiers de l’Union ainsi que le respect du droit communautaire et justifier, dès lors, l’application de corrections financières par la Commission (arrêt Irlande/Commission, point 39 supra, points 30 et 31).

49      La notion d’irrégularité étant précisée, en second lieu, il convient de vérifier si la Commission a, en l’espèce, fait une application correcte des dispositions applicables.

50      La Commission conclut, au considérant 24 de la décision attaquée, à la présence d’irrégularités et à l’inéligibilité de certaines dépenses, pour les unes, faute de pièces justificatives et, pour les autres, en raison de leur caractère tardif par rapport à la période d’éligibilité.

51      Premièrement, s’agissant, de l’absence de pièces justificatives pour des frais d’étude et d’expertise d’un montant de 26 631 euros, force est de constater que la partie requérante ne la conteste pas et déduit du reste ce montant du damnum emergens dont elle réclame l’indemnisation (voir point 168 ci-après).

52      Deuxièmement, s’agissant des dépenses postérieures à la date limite d’éligibilité, il ressort de la convention de financement que l’octroi du concours financier en cause a été expressément subordonné au respect des dispositions générales visées à l’annexe 2, parties A et B, de ladite convention, que le bénéficiaire s’est engagé à respecter intégralement. Ce dernier a même dû signer et renvoyer à la Commission un formulaire en ce sens. Or, sous l’intitulé « Durée », le point 2 de l’annexe 2 de la convention de financement précise la période couverte par le projet. Le point 3.2 de l’annexe 2 de la convention fixe le dernier délai pour la comptabilisation des dépenses éligibles au 30 juin 2000, délai que la Commission a ensuite prorogé jusqu’au 30 juin 2001 (voir point 14 ci-dessus). Ce même point impose au bénéficiaire d’introduire la demande de paiement final dans les trois mois à compter de l’expiration du délai indiqué. Enfin, le point 14 de l’annexe 2 de la convention de financement spécifie expressément que le non-respect d’une des conditions visées autorise la Commission à réduire ou à annuler le concours octroyé.

53      Or, il est constant que certaines dépenses, incluses par la partie requérante dans sa demande de paiement final, sont postérieures à la date limite d’éligibilité.

54      Sur la base de l’article 24 du règlement n° 4253/88 et de la convention de financement, la Commission pouvait donc, pour réduire le concours au projet en cause, invoquer la méconnaissance des conditions que la partie requérante s’était engagée à respecter.

55      Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante, notamment en invoquant la réalisation du projet, ni l’article 26 du règlement n° 4253/88, ni la jurisprudence ne remettent en cause cette conclusion.

56      En effet, d’une part, l’article 26 du règlement n° 4253/88 prévoit certes que l’appréciation et l’évaluation des actions sont effectuées, selon les cas, en confrontant, le cas échéant, les objectifs avec les résultats obtenus. Toutefois, cette disposition figure sous le titre VII, consacré au suivi et à l’évaluation, alors que l’article 24 du même règlement fait partie du titre VI, relatif aux dispositions financières. Il ne saurait dès lors être déduit ni de l’économie ni des termes du règlement n° 4253/88 que l’application de l’article 24 est subordonnée à l’article 26 du même règlement. Il convient du reste d’observer que l’article 24 du règlement n° 4253/88 prévoit que la réduction ou la suspension du concours financier se fait à la suite d’un examen approprié auquel la Commission procède lorsque la réalisation d’une action ou d’une mesure « semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué ». Cet examen éventuel s’ajoute ainsi, le cas échéant, au suivi, qui est en revanche systématique. De plus, et en tout état de cause, la partie requérante n’a pas démontré que le suivi du projet n’avait pas été effectué en confrontant les objectifs avec les résultats obtenus. Le maintien par la Commission d’une partie importante des fonds versés ne plaide d’ailleurs pas en ce sens.

57      D’autre part, la Cour a déjà jugé que les mesures de suppression du concours financier et de répétition de l’indu prévues à l’article 24 du règlement n° 4253/88 ne sont pas réservées aux manquements compromettant la réalisation du projet concerné ou comportant une modification importante affectant la nature et l’existence même de ce projet (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 25 novembre 2004, Vela et Tecnagrind/Commission, C‑18/03 P, non publiée au Recueil, points 129 à 134). Dès lors, il ne saurait être soutenu que les sanctions prévues par ladite disposition ne trouveraient à s’appliquer que dans le seul cas où l’action financée n’aurait pas été réalisée en tout ou en partie. Il découle de ce qui précède qu’il ne suffit pas de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 janvier 2006, Comunità montana della Valnerina/Commission, C‑240/03 P, Rec. p. I‑731, points 77 et 78).

58      En outre, l’obligation de respecter les conditions financières stipulées dans une convention de financement constitue, au même titre que l’obligation d’exécution matérielle du projet concerné, l’un des engagements essentiels du bénéficiaire et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier communautaire (voir, en ce sens, arrêt Comunità montana della Valnerina/Commission, point 57 supra, point 86).

59      En tout état de cause, en l’espèce la partie requérante ne saurait tirer argument de la réalisation du projet. En effet, seul un des deux sites télématiques prévus dans la convention de financement a été réalisé.

60      La partie requérante n’a, à cet égard, produit aucun avenant à la convention de financement ni même aucune pièce de nature à établir qu’elle avait obtenu l’accord de la Commission pour ne réaliser qu’un seul des deux sites télématiques. S’il est vrai que, comme l’a fait valoir la partie requérante à l’audience, la Commission n’a pas motivé, dans la décision attaquée, sa demande de remboursement par l’absence de réalisation du second site télématique, il n’en reste pas moins qu’elle mentionne, aux considérants 9 et 21 de la décision attaquée, la réalisation de l’un des deux sites télématiques prévus dans la convention. Par ailleurs, il ressort des annexes jointes à la requête que, dans sa lettre du 10 juillet 2000 adressée à la Commission, la partie requérante a demandé un nouveau report d’un an de la date d’achèvement du projet et donné des précisions sur l’emplacement et la réalisation du second site télématique. Par lettre du 18 septembre 2000, la Commission a refusé le nouveau report du délai demandé par la partie requérante mais a accepté la localisation finale du second site télématique à Mostra d’Oltremare. Ces éléments n’étayent en rien la thèse selon laquelle la Commission aurait donné son accord pour limiter la construction à un seul site télématique. Enfin, le rapport du cabinet d’audit expose, dans la rubrique « état du projet », que, à l’origine, il avait été prévu de créer un réseau de deux sites télématiques, mais qu’un seul a été effectivement construit, même si l’achèvement de celui-ci a été retardé.

61      Ce moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées de l’article 24 du règlement n° 4253/88, n’est donc pas fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de différentes erreurs commises par la Commission dans la détermination de la date d’éligibilité des dépenses

62      La partie requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte, pour déterminer la date limite d’éligibilité des dépenses, de la transmission tardive par celle-ci de la lettre d’approbation du projet, de son retard dans l’approbation d’une modification de celui-ci, du cas de force majeure résultant de la découverte d’amiante et de l’effet suspensif de l’arrêt du TAR.

 Sur l’absence de prise en compte de la transmission tardive par la Commission de la lettre d’approbation du projet

–       Arguments des parties

63      La partie requérante rappelle que la convention de financement fixait le lancement du projet et le début de la période d’éligibilité des dépenses au 1er juillet 1997, alors que la lettre d’approbation du projet est datée du 14 juillet 1997 et ne lui est parvenue que le 25 juillet 1997.

64      Pour la partie requérante, ce retard est à l’évidence imputable à la Commission et il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que la Commission ne conteste pas sa responsabilité.

65      La partie requérante estime que, si, comme le prétend la Commission, il lui incombait d’informer cette dernière du retard dans la communication de la convention de financement, cela reviendrait à faire peser sur les cocontractants de la Commission un devoir d’information relatif au comportement de l’institution elle-même.

66      La partie requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle la période d’éligibilité des dépenses commence à courir à partir de la date indiquée dans la convention de financement, et non à partir de la date de notification de cette convention. Cela signifierait qu’elle aurait dû commencer les travaux avant même de connaître la décision relative à son projet, et donc sans savoir si son projet bénéficierait ou non du concours financier communautaire. En outre, cette objection se fonderait sur la date et sur les conditions figurant dans la convention de financement. Or, la lettre d’approbation préciserait à cet égard que l’engagement du bénéficiaire de respecter les dates et conditions se forme par la signature et le renvoi du formulaire annexé à cette lettre. La partie requérante ne comprend donc pas comment cet engagement pourrait rétroagir et déployer ses effets antérieurement à la réception de la convention de financement.

67      La partie requérante considère que les difficultés d’ordre technique et administratif survenues pendant la réalisation du projet ne permettent pas d’annuler ou de compenser le retard initial dû à la négligence de la Commission. En effet, la partie requérante prétend avoir été dans l’impossibilité totale de commencer à réaliser le projet du fait de cette négligence.

68      Pour confirmer cette illégalité, la partie requérante fait valoir que la décision attaquée ne tient pas compte du degré de responsabilité dans l’irrégularité présumée, puisque l’irrégularité est en l’espèce exclusivement imputable à la Commission. La partie requérante souligne la gravité du retard, dans la mesure où il a affecté la phase initiale du projet et produit des retards en chaîne. Ce retard ne pourrait, par conséquent, pas faire l’objet d’une compensation par un simple calcul arithmétique des jours perdus.

69      Enfin, la partie requérante met en avant l’incohérence de la thèse de la Commission, qui différerait selon la personne à laquelle la négligence est imputable. Si, comme la Commission le prétend, le retard qui lui est imputable n’a eu aucune incidence sur la réalisation du projet, il faudrait aussi examiner l’influence du respect des délais sur la bonne réalisation du projet dans le cas de la partie requérante. Cela devrait conduire à la conclusion que l’engagement tardif des dépenses éligibles qui lui est reproché n’a nullement porté atteinte à la réalisation du projet.

70      La Commission conteste les arguments de la partie requérante.

–       Appréciation du Tribunal

71      Au considérant 17 de la décision attaquée, la Commission estime que la partie requérante aurait dû l’informer immédiatement des 25 jours de retard avec lequel la convention de financement lui est parvenue et lui demander un report correspondant de la date limite d’éligibilité des dépenses si elle considérait que ce délai avait retardé le début des travaux. La Commission souligne que les dépenses sont éligibles à partir de la date indiquée dans la convention et non de la date de notification de ladite convention. Elle ajoute que la partie requérante a indiqué dans différents documents que les travaux avaient été entrepris avec quelques mois de retard à cause de problèmes administratifs internes et d’élections municipales.

72      À cet égard, il convient de rappeler (voir point 52 ci-dessus) que la convention de financement, datée du 14 juillet 1997, soulignait que l’octroi du concours financier était subordonné au respect des dispositions générales visées à l’annexe 2, parties A et B de la convention, que le bénéficiaire s’engageait à respecter. En outre, dans le formulaire joint en annexe 3 de la convention de financement, qui devait être renvoyé, après réception, à la Commission par le bénéficiaire du concours financier, ce dernier s’engageait à respecter intégralement les dispositions générales et les dispositions financières visées à l’annexe 2, parties A et B, de la convention de financement, dont il déclarait avoir pris connaissance. La Commission et la partie requérante se sont donc engagées à respecter les dates prévues dans la convention de financement, aux termes de laquelle le projet couvrait la période allant du 1er juillet 1997 au 31 décembre 1999.

73      En outre, il ressort du point 3.3 de l’annexe 2 de la convention de financement que la Commission peut accepter de modifier les dates limites d’engagement et de comptabilisation des dépenses sur présentation dans les délais, par le responsable du projet, d’une demande justifiée. Dans le cas contraire, les dépenses effectuées après le terme ne sont pas prises en compte. Les demandes de prorogation doivent donc être introduites dans les délais prévus. Le point 3.3 de l’annexe 2 de la convention de financement souligne également que les prorogations de délai ne peuvent pas excéder un an au total.

74      Dès lors, si la partie requérante s’estimait lésée par la réception tardive de la convention de financement, elle aurait dû, en application du point 3.3 de l’annexe 2 de la convention de financement, demander à la Commission le report de la date limite d’éligibilité des dépenses, en introduisant une demande dûment justifiée dans les délais prévus. Or, elle ne l’a pas fait.

75      Par ailleurs, même en admettant qu’une telle demande puisse être effectuée a posteriori, y compris après la date limite d’éligibilité des dépenses fixée dans la convention de financement, la partie requérante ne démontre pas que la réalisation du projet a été effectivement retardée par la réception de la convention de financement le 25 juillet 1997.

76      En effet, il ressort de différents documents, dont la demande de modification de la convention de financement adressée par la partie requérante à la Commission le 25 mai 1998, que le projet a été initialement retardé à cause des élections municipales du 16 novembre 1997, dont la campagne électorale a débuté en septembre 1997. Ce n’est que le 30 mars 1998 que le conseil municipal a confié au directeur du projet les pouvoirs d’engagement des fonds affectés au projet et que la partie requérante a pu décider de l’affectation des nombreux bâtiments municipaux.

77      Du reste, au vu des justifications fournies par la partie requérante, liées à des problèmes administratifs internes et aux élections, la Commission a accepté, par lettre du 1er décembre 1998, de proroger de douze mois le délai initial.

78      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la Commission n’a pas commis d’illégalité en ne prenant pas en compte le délai de transmission de la convention de financement pour déterminer la date limite d’éligibilité des dépenses.

 Sur la prise en compte erronée du retard avec lequel la Commission a approuvé une modification du projet

–       Arguments des parties

79      La partie requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte, pour apprécier l’éligibilité des dépenses, l’intégralité de la période de sept mois qu’il lui a fallu pour approuver la modification du projet demandée. La Commission aurait commis une négligence en n’admettant les modifications et la prorogation du délai demandées par la partie requérante que par lettre du 1er décembre 1998, alors que ces demandes lui avaient été adressées par la partie requérante par lettre du 25 mai 1998. La Commission aurait reconnu sa responsabilité pour ce retard au considérant 18 de la décision attaquée.

80      La partie requérante avance que la Commission a, par lettre du 24 octobre 2006, accepté de proroger de cinq mois la période d’éligibilité des dépenses. Cette extension confirmerait que, dans des circonstances particulières, les dispositions conventionnelles relatives aux délais d’éligibilité des dépenses peuvent faire l’objet de dérogations.

81      La partie requérante estime cependant qu’une telle prorogation de cinq mois est entachée d’illégalité. En effet, selon la partie requérante, dès lors que la Commission a admis que ce retard lui était imputable, elle aurait dû appliquer ce principe de responsabilité à toute la période qui s’est écoulée à cause de sa négligence, à savoir une période de sept mois.

82      La partie requérante souligne que la demande de prorogation des délais de réalisation du projet a été présentée en même temps que la demande de modification importante du projet qui la motivait. Ainsi, durant toute la période de sept mois, la partie requérante affirme être restée dans une situation d’insécurité juridique quant à l’approbation par la Commission de la modification du projet. La partie requérante ajoute que ce lien évident entre la demande de prorogation des délais et la demande de modification du projet ne peut être remis en cause par la Commission, puisque la lettre demandant la prorogation des délais a précisément pour objet une « demande de modification des emplacements des sites [télématiques] ».

83      La partie requérante fait enfin grief à la Commission de ne pas avoir pris en compte le fait que le retard de cette dernière a provoqué un effet en chaîne sur la réalisation des travaux, qui ne peut pas être compensé par un simple calcul arithmétique de la prorogation de la période d’éligibilité des dépenses.

84      La Commission conteste les arguments de la partie requérante.

–       Appréciation du Tribunal

85      Il ressort du considérant 18 de la décision attaquée que la Commission reconnaît que la demande de modification de la durée du projet et de changement de site télématique a été approuvée sept mois après son dépôt par la partie requérante. La Commission souligne que la convention de financement du projet ne contient aucune clause relative au délai dans lequel les demandes de modification doivent être acceptées par ses services. Elle ajoute toutefois que la pratique indique que les réponses aux demandes de modification devraient avoir lieu dans les deux mois du dépôt de la demande. C’est pourquoi la Commission a consenti, en l’espèce, à proroger de cinq mois la période d’éligibilité des dépenses, à savoir du 30 juin 2001 au 30 novembre 2001. En conséquence, la Commission a considéré éligibles deux factures présentées dans les cinq mois suivant la date finale d’éligibilité des dépenses.

86      La partie requérante conteste toutefois la durée de la prorogation consentie. Elle estime que la Commission aurait dû prendre en compte l’intégralité des sept mois que cette dernière a mis à répondre à sa demande. En substance, la partie requérante réclame ainsi une prorogation de deux mois supplémentaires de la période d’éligibilité des dépenses.

87      Force est de constater que, comme le fait valoir la Commission, la convention de financement ne contient aucune disposition sur le délai dans lequel la Commission est tenue de répondre aux demandes de modification introduites par la partie requérante. Cette dernière n’invoque pas non plus de dispositions limitant ce délai de réponse. La Commission n’était donc pas tenue au respect d’un délai précis à cet égard.

88      À titre subsidiaire, pour autant que l’argument de la partie requérante puisse être interprété comme visant à reprocher à la Commission un délai déraisonnable dans le traitement de sa demande, il convient de rappeler que, en vertu d’un principe général de droit communautaire, la Commission est effectivement tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 56).

89      Il est de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01, Rec. p. II‑3987, point 230, et la jurisprudence citée).

90      Or, la demande de modifications contractuelles déposée par la partie requérante, le 25 mai 1998, contient effectivement à la fois une demande de prorogation des délais de réalisation du projet et une demande de changement de la localisation des deux sites télématiques prévus, avec, pour l’un, un changement de bâtiment dans la même zone et, pour l’autre, un changement de zone.

91      Il en résulte qu’il s’agissait de modifications substantielles touchant à la localisation des deux sites télématiques prévus, lesquels sont au centre du projet. Ces changements pouvaient remettre en cause l’attribution du concours financier et nécessitaient donc un examen complexe et approfondi de la part de la Commission. Dans ces conditions, le délai de moins de sept mois consacré au traitement desdites demandes ne saurait être considéré comme déraisonnable ou excessif au point qu’il entraîne l’illégalité de la décision attaquée (voir, par analogie, arrêt Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, point 89 supra, point 234).

92      En tout état de cause, la Commission ne saurait être considérée comme tenue de proroger le délai d’éligibilité des dépenses d’une durée correspondant à celle du traitement des demandes de la partie requérante.

93      En effet, une telle obligation signifierait que la Commission aurait dû traiter les demandes de la partie requérante le jour même où elle les a reçues. Or, une telle obligation serait disproportionnée par rapport à l’objet des demandes et à l’étendue de l’examen et des contrôles à effectuer par la Commission, alors même que la partie requérante était, lors du dépôt des demandes, en retard de dix mois dans la réalisation du projet, auquel elle voulait de surcroît apporter des modifications importantes.

94      Par ailleurs, s’agissant de la prétendue insécurité juridique qu’aurait générée le délai de réponse de la Commission, il convient de souligner que, outre le fait que c’est la partie requérante qui est à l’origine des demandes de modification, la période consacrée par la Commission au traitement de celles-ci est incluse dans la période couverte par le projet et est largement antérieure à la date de fin d’éligibilité des dépenses s’y rapportant.

95      Enfin, il convient de relever que, par lettre du 1er décembre 1998, la Commission a fait droit à la demande de prorogation de douze mois du délai de réalisation du projet introduite par la partie requérante. Cette dernière a pu bénéficier intégralement de cette prorogation, sans que le délai de traitement de sa demande ait d’incidence sur celle-ci. En effet, alors que la date du dernier engagement était initialement fixée au 31 décembre 1999 et le dernier délai pour la comptabilisation des dépenses au 30 juin 2000, la première date a été reportée au 31 décembre 2000 et la seconde au 30 juin 2001.

96      La Commission n’a donc pas commis d’illégalité en reportant, dans la décision attaquée, de cinq mois seulement la date limite d’éligibilité des dépenses liées au projet, afin de tenir compte du temps mis par ses services à répondre à la demande de la partie requérante.

 Sur l’absence de prise en compte du cas de force majeure résultant de la découverte d’amiante

–       Arguments des parties

97      La partie requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a exclu que la découverte d’amiante constitue un cas de force majeure.

98      La partie requérante estime que le grief qui lui est fait dans la décision attaquée de ne pas avoir signalé dans les délais la réalisation d’un événement constituant un cas de force majeure est contradictoire avec le rejet, en tout état de cause, de la demande de prorogation du délai, même présentée dans les délais.

99      La partie requérante critique aussi l’affirmation selon laquelle la demande de prorogation du délai ne pouvait pas être accueillie au vu de l’avancement de l’exécution du projet. Une telle affirmation serait démentie par le fait que la Commission a choisi d’accorder une prorogation du délai pour d’autres motifs avancés par la partie requérante.

100    La partie requérante conteste également que les limites posées par les normes, notamment par l’article 52, paragraphe 5, du règlement n° 1260/1999, empêchent en l’espèce la Commission d’accorder la prorogation du délai demandée. Il s’agirait d’une pratique qui n’aurait fait l’objet d’aucune communication au public ni d’interprétation par la jurisprudence. En outre, la partie requérante estime qu’il est difficile de comprendre pourquoi ces normes feraient obstacle à la prorogation de délai demandée pour cause de découverte d’amiante mais n’interdiraient pas les prorogations de délai accordées pour d’autres motifs. La partie requérante ajoute qu’elle a produit les documents relatifs à la clôture de l’intervention, y compris la demande de paiement des soldes, le 31 mars 2003. Enfin, au cas où la Commission aurait invoqué l’article 52, paragraphe 5, du règlement n° 1260/1999 pour suggérer que seule une suspension liée à une procédure judiciaire permettrait de faire une exception au remboursement des sommes indues, la partie requérante objecte que la lettre de cette disposition ne fait pas obstacle à l’octroi d’une dérogation en raison d’un cas de force majeure autre qu’une procédure judiciaire.

101    La partie requérante rejette l’argument de la Commission selon lequel la découverte d’amiante sur un chantier ne constitue pas un cas de force majeure. Elle estime que la décision attaquée n’est pas motivée sur ce point. Selon une jurisprudence constante, la notion de force majeure ne serait pas limitée à l’impossibilité absolue, mais s’entendrait dans le sens de circonstances étrangères à l’opérateur, imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. Sur cette base, la partie requérante soutient que la découverte d’amiante remplit les conditions posées par la jurisprudence pour constituer un cas de force majeure. En effet, la présence d’amiante sur le chantier ne pourrait pas être reprochée à la partie requérante, ce matériau toxique se trouvant sur place indépendamment des travaux de rénovation. Par ailleurs, la découverte d’amiante devrait être, en l’espèce, considérée comme un événement imprévisible. En effet, ce serait lors de l’ouverture du chantier de rénovation que l’entreprise adjudicataire aurait découvert la présence d’amiante. Ainsi, jusqu’à l’exécution des travaux, aucun élément visible et objectif n’aurait permis d’envisager la présence de cette substance sur le chantier. Enfin, la découverte de l’amiante aurait rendu nécessaire l’assainissement du chantier, ce qui aurait entraîné l’inévitable « suspension » des travaux de réalisation du projet.

102    La partie requérante ajoute que le désamiantage a été imposé par l’agence sanitaire locale, en application des réglementations communautaire et nationale. La partie requérante considère donc qu’aucune responsabilité ne peut lui être imputée pour le retard dû au désamiantage, celui-ci étant imposé par des obligations légales spécifiques.

103    La Commission conteste les arguments de la partie requérante.

–       Appréciation du Tribunal

104    Au considérant 19 de la décision attaquée, la Commission commence par relever que la partie requérante aurait dû lui demander de prendre en considération la présence d’amiante comme un cas de force majeure susceptible de retarder l’exécution des travaux en temps utile pour lui permettre d’examiner cette demande, c’est-à-dire soit avant la date limite pour procéder aux engagements dans le cas où la force majeure serait invoquée comme cause de retard dans la conclusion de l’engagement juridique relatif aux travaux, soit avant la date limite pour la comptabilisation des dépenses dans le cas où la découverte de l’amiante serait invoquée comme cause de retard dans le paiement par la partie requérante.

105    La Commission poursuit, au considérant 19 de la décision attaquée, en soulignant que les cas de force majeure et les cas assimilables à celle-ci qui ont des conséquences importantes pour la mise en œuvre de l’aide ou du concours accordé au titre des fonds structurels, invoqués dans les délais indiqués, ont été acceptés par elle comme des motifs valables de report de la date limite de paiement uniquement jusqu’au 30 septembre 2002. La Commission expose que cette date du 30 septembre 2002 se justifie par la nécessité d’assurer une bonne gestion financière des projets avec un délai raisonnable de six mois permettant aux autorités nationales de recueillir la documentation pertinente, de préparer la demande de paiement et de lui envoyer le tout. La Commission affirme avoir procédé de la sorte dans le but d’assurer le respect de la règle figurant à l’article 52, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement n° 1260/1999, selon lequel les parties des sommes engagées pour les programmes décidés par la Commission entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1999 et qui n’ont pas fait l’objet d’une demande de paiement définitif à la Commission au plus tard le 31 mars 2003 sont dégagées d’office par celle-ci au plus tard le 30 septembre 2003 et donnent lieu au remboursement des sommes indues, sans préjudice des opérations ou programmes qui font l’objet de suspension pour raison judiciaire. La Commission souligne que, dans le cas d’espèce, la partie requérante a eu connaissance de la présence d’amiante sur le chantier en 2000, mais n’en a pas informé la Commission durant l’exécution du projet. À ce stade de l’exécution du projet et compte tenu des règles mentionnées, la présentation d’une demande de prorogation de la date d’éligibilité des dépenses pour cause de force majeure ne pouvait plus, selon la Commission, être prise en compte.

106    En outre, même si la demande relative à la prise en compte de la découverte d’amiante comme cas de force majeure avait été présentée dans les délais, la Commission affirme, toujours au considérant 19 de la décision attaquée, qu’elle n’aurait pas pu lui réserver une suite favorable, dans la mesure où la découverte d’amiante sur un chantier ne peut pas être considérée comme un cas de force majeure. Selon la Commission, les conditions énoncées par la jurisprudence à cet égard ne sont pas réunies en l’espèce.

107    Il résulte de ce qui précède que, contrairement aux allégations de la partie requérante, la décision attaquée contient une motivation précise du refus de prise en compte, en l’espèce, de la découverte d’amiante comme cas de force majeure. À titre principal, la Commission fait valoir que la partie requérante ne lui a pas adressé de demande en ce sens dans les délais. À titre subsidiaire, elle expose que, même si la partie requérante avait introduit cette demande dans les délais, celle-ci aurait dû être rejetée, car la découverte d’amiante sur un chantier ne constitue pas un cas de force majeure. Contrairement à ce que prétend la partie requérante, une telle motivation en deux temps n’est pas contradictoire, la seconde affirmation n’étant formulée qu’à supposer la première non fondée ou rejetée.

108    Il convient donc d’examiner d’abord si c’est à raison que la Commission a rejeté, pour cause de tardiveté, la demande de prise en compte de la découverte d’amiante comme cas de force majeure présentée par la partie requérante.

109    Comme il est indiqué au point 73 ci-dessus, la convention de financement prévoit que la Commission peut accepter de modifier les dates limites d’engagement et de comptabilisation des dépenses sur présentation dans les délais, par le responsable du projet, d’une demande justifiée.

110    Or, force est de constater que, si la partie requérante a introduit deux demandes de prorogation de délai, elle n’a fait état à aucun moment, pendant la période couverte par le concours financier, de retards dus à la découverte d’amiante, alors que celle-ci remonte selon ses propres déclarations à décembre 2000.

111    Par ailleurs, la partie requérante a certes adressé à la Commission la demande de paiement du solde et l’attestation finale des dépenses par lettre du 27 juin 2002, c’est-à-dire avant la date limite du 31 mars 2003 prévue par l’article 52, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement n° 1260/1999 et au-delà de laquelle les parties des sommes engagées pour les programmes décidés entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1999, comme celui en cause en l’espèce, sont dégagées d’office et donnent lieu au remboursement des sommes indues. La partie requérante n’a toutefois pas non plus, à cette occasion, fait état de la présence d’amiante ayant retardé la réalisation du projet.

112    Ainsi qu’elle l’a confirmé à l’audience, la partie requérante a attendu 2004 pour invoquer le cas de force majeure résultant selon elle de la découverte d’amiante. C’est en effet en réponse à un courrier de la Commission du 24 août 2004, déclarant certaines dépenses inéligibles, que la partie requérante a invoqué cette justification dans son courrier du 27 octobre 2004. Alors que la partie requérante a eu connaissance de la présence d’amiante en 2000 et qu’elle aurait donc pu invoquer la force majeure pendant la période de réalisation du projet, elle a attendu quatre ans pour ce faire, dépassant ainsi largement la date limite de comptabilisation des dépenses prévue, après report du délai, pour le projet en cause, à savoir le 30 juin 2001, et même la date limite du 31 mars 2003 prévue par l’article 52, paragraphe 5, du règlement n° 1260/1999.

113    La partie requérante ne s’est dès lors pas conformée aux termes de la convention de financement, laquelle ne prévoit en tout état de cause aucune obligation pour la Commission d’accueillir les demandes de prorogation de délai. La partie requérante n’est, par conséquent, pas fondée à prétendre que la Commission a erronément rejeté comme tardive sa demande de prise en compte de la découverte d’amiante comme cas de force majeure et du retard engendré par les travaux nécessaires au désamiantage des locaux visés.

114    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la Commission a accepté, sur d’autres points, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et sans y être tenue par aucune disposition applicable, de prendre en compte les arguments de la partie requérante et de repousser la date limite d’éligibilité des dépenses. La Commission ne saurait en effet, face au non-respect par la partie requérante de la convention de financement, notamment en matière de délais, être tenue, au nom d’un prétendu principe de cohérence, d’accepter toutes les demandes de la partie requérante.

115    Dès lors, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé de la motivation avancée à titre subsidiaire dans la décision attaquée, relative à la qualification de cas de force majeure de la découverte d’amiante, c’est à bon droit que la Commission a rejeté, pour cause de tardiveté, la demande de prise en compte du retard prétendument causé par la découverte d’amiante sur le chantier.

 Sur la prise en compte erronée de l’effet suspensif de la procédure devant le TAR et de ses suites

–       Arguments des parties

116    La partie requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que, aux fins de la détermination de l’éligibilité des dépenses, la Commission a limité l’effet suspensif de l’arrêt du TAR, d’une part, à la période allant du 2 août 2001, date dudit arrêt, au 5 décembre 2001, date de notification à la partie requérante de l’arrêt rendu en appel par le Consiglio di Stato et, d’autre part, aux seules factures émises dans le cadre du marché de fourniture de matériel informatique faisant l’objet de la procédure.

117    Quant à la période prise en compte, la partie requérante estime que, pour des raisons d’équité, la Commission aurait dû prendre comme point de départ la date d’introduction du recours, à savoir le 28 juin 2001. En effet, la partie requérante affirme avoir été, dès cette date, concrètement confrontée à la possibilité de suspension de l’adjudication du marché de fourniture de matériel informatique.

118    La partie requérante ajoute que sa position est pleinement conforme à la nouvelle réglementation communautaire qui résulte de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), tel que modifié par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, modifiant les directives 89/665 et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics (JO L 335, p. 31). L’introduction d’un recours devrait donc être considérée comme une circonstance justifiant la prorogation du délai de réalisation d’un projet et, en conséquence, d’éligibilité des dépenses.

119    S’agissant du choix de la Commission d’exclure les factures émises dans le cadre des autres marchés, la partie requérante lui reproche de ne pas tenir compte du fait que ces différents marchés sont indissociablement liés les uns aux autres pour la réalisation du projet, de sorte que la suspension de l’un d’entre eux a nécessairement une incidence sur les perspectives de réalisation du projet dans son ensemble. De plus, l’élément informatique jouerait, en l’espèce, un rôle fondamental, le projet s’intitulant « Réseau de sites télématiques pour la ville de Naples ». La partie requérante souligne que la fourniture tardive des éléments informatiques du projet ne pouvait qu’avoir un effet négatif sur l’achèvement de l’ensemble du projet.

–       Appréciation du Tribunal

120    Il ressort du considérant 20 de la décision attaquée que la Commission reconnaît que l’arrêt du TAR du 2 août 2001 a entraîné la suspension des travaux pour une durée de quatre mois et trois jours, à savoir du 2 août 2001 au 5 décembre 2001, date de notification à la partie requérante de l’arrêt du Consiglio di Stato. La Commission reporte donc la date limite d’éligibilité des dépenses du 30 novembre 2001 au 1er avril 2002. Elle estime toutefois que cette prorogation du délai ne peut être appliquée qu’aux factures émises dans le cadre de l’appel d’offres pour la fourniture de matériel informatique, objet de la procédure en cause.

121    En ce qui concerne les obligations de la Commission à cet égard, force est de constater que la partie requérante invoque essentiellement à l’appui de sa thèse des raisons d’équité, lesquelles ne sauraient toutefois suffire à imposer à la Commission de suspendre ex post le délai convenu pour l’exécution du projet en raison de l’introduction d’un recours concernant l’adjudication d’un marché, et donc de proroger d’autant la période d’éligibilité des dépenses. Il convient par ailleurs de relever que, contrairement à ce que prévoient les dispositions de la convention de financement (voir point 73 ci-dessus), la partie requérante n’a formulé aucune demande en ce sens pendant la période d’éligibilité des dépenses. Le recours devant le TAR a du reste été introduit le 28 juin 2001, soit deux jours avant la date limite d’éligibilité des dépenses, fixée au 30 juin 2001. Il convient de surcroît de rappeler que cette date avait été fixée à la suite d’un premier report d’un an accordé par la Commission par décision du 1er décembre 1998.

122    Les dispositions invoquées par la partie requérante dans son mémoire en réplique, à savoir l’article 2, paragraphe 3, de la directive 89/665, tel que modifié par la directive 2007/66, n’étaient pas applicables pendant la période litigieuse. Au contraire, l’article 2, paragraphe 3, de la directive 89/665 prévoyait alors que les procédures de recours ne devaient pas « en elles-mêmes avoir nécessairement des effets suspensifs automatiques sur les procédures de passation de marché auxquelles elles se réfèrent ».

123    Même si les dispositions de la directive 2007/66 avaient été applicables en l’espèce, il convient de noter, d’une part, que l’article 2, paragraphe 3, de la directive 89/665 tel que modifié par la directive 2007/66 est suivi d’un paragraphe 4 qui reprend les termes de l’article 2, paragraphe 3, dans sa rédaction initiale (voir point 122 ci-dessus) et, d’autre part et surtout, que ces dispositions visent à assurer l’efficacité des recours des soumissionnaires contre les décisions d’attribution de marchés. Elles empêchent donc le pouvoir adjudicateur de conclure le marché tant que la juridiction saisie n’a pas statué sur le recours. En l’espèce, si elles avaient été applicables durant la période litigieuse, les dispositions de la directive 2007/66 auraient empêché la partie requérante de conclure le marché précis sur lequel portait la contestation. Elles n’auraient toutefois pas imposé à la Commission de tenir compte d’un effet suspensif de la procédure en cours devant les juridictions italiennes sur la réalisation du projet en cause.

124    Dans les circonstances de l’espèce, la Commission n’était dès lors pas tenue de reporter, après son expiration, la date limite d’éligibilité des dépenses pour tenir compte ex post de l’effet suspensif de la procédure en cours devant les juridictions italiennes sur la réalisation du projet.

125    Néanmoins, la Commission a, dans la décision attaquée, décidé de reconnaître a posteriori un effet suspensif à l’arrêt du TAR. Le litige entre les parties porte, d’une part, sur la durée de la période de suspension et, plus précisément, sur le point de départ à prendre en compte ainsi que, d’autre part, sur la limitation de la suspension à certaines factures.

126    S’agissant, en premier lieu, du point de départ de la période de suspension, il résulte des considérations qui précèdent (points 121 à 124 ci-dessus) que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission n’était pas tenue de prendre en compte l’instance devant le TAR portant sur l’adjudication relative à la fourniture de matériel informatique aux fins de la computation du délai. A fortiori rien ne l’obligeait donc à suspendre le délai relatif à l’éligibilité des dépenses à partir de l’introduction du recours devant le TAR plutôt qu’à compter de l’arrêt du TAR. Il convient en outre de souligner que ce n’est qu’à compter de l’arrêt rendu par le TAR que la procédure d’adjudication a été suspendue par celui-ci.

127    Par ailleurs, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la partie requérante a exposé que l’appel d’offres pour la fourniture d’équipements informatiques avait été approuvé par délibération du conseil municipal du 23 septembre 2000, le marché ayant été attribué, à titre provisoire, le 9 avril 2001 et, à titre définitif, le 4 mai 2001. Le 29 mai 2001, la partie requérante a demandé à l’adjudicataire de livrer le matériel informatique, puis elle lui a demandé, le 3 septembre 2001, de suspendre toute autre livraison non encore effectuée, à la suite de l’arrêt du TAR.

128    Il en résulte que la partie requérante n’a pas suspendu l’exécution du contrat dès l’introduction du recours devant le TAR et a attendu un mois après l’arrêt rendu dans cette affaire pour le faire. Elle ne saurait donc invoquer un effet suspensif sur la réalisation du projet dès l’introduction du recours devant le TAR.

129     À titre subsidiaire, force est de constater que la seconde facture concernant du matériel informatique, déclarée inéligible par la Commission, est datée du 20 décembre 2002. Or, même en repoussant encore d’un mois, et donc de cinq mois au total, comme le demande la partie requérante, la date limite d’éligibilité des dépenses déjà reportée au 1er avril 2002 par la Commission dans la décision attaquée, la période couverte se terminerait le 1er mai 2002. Il en résulte que, en tout état de cause, l’argumentation de la partie requérante est inopérante en ce qu’elle vise à rendre éligible cette seconde facture.

130    S’agissant, en second lieu, de la limitation de la suspension aux seules factures émises dans le cadre du marché de fourniture de matériel informatique, il y a lieu de relever que, même si, comme le prétend la partie requérante, les différents marchés sont liés les uns aux autres pour la réalisation du projet, seul le marché lié à la fourniture du matériel informatique a fait l’objet d’un recours et a subi du retard pour cette raison. Le recours introduit devant le TAR contre l’attribution de ce marché précis, limité au matériel informatique et aux services qui y sont relatifs, ainsi que les parties l’ont déclaré à l’audience, n’empêchait pas la poursuite de la réalisation du projet et notamment des travaux d’aménagement des bâtiments.

131    Or, il ressort du rapport du cabinet d’audit que de nombreuses factures postérieures au 30 juin 2001, et donc en principe inéligibles, sont relatives à des travaux réalisés dans les bâtiments. Une facture du 14 septembre 2001 atteste, du reste, que les travaux ne se sont pas arrêtés lors de l’introduction du recours devant le TAR, quand bien même ils auraient été, comme l’affirme la partie requérante, effectués « pour l’essentiel » avant ou se seraient terminés juste après cette date.

132    C’est donc sans commettre d’illégalité que la Commission a limité la prorogation de la période d’éligibilité à quatre mois pour les seules factures liées au marché concerné par le recours devant le TAR.

133    Cette branche ne pouvant pas non plus être accueillie, il y a lieu de rejeter l’ensemble du présent moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

134    La partie requérante allègue que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité en ce que la réduction du concours financier est disproportionnée par rapport aux irrégularités que la Commission lui reproche.

135    Selon la partie requérante, il est de jurisprudence constante que, pour être conformes au principe de proportionnalité, les actes des institutions ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. De plus, la jurisprudence exigerait que l’institution ait recours à la mesure la moins contraignante et que les inconvénients ne soient pas démesurés par rapport aux buts visés.

136    La partie requérante invoque les points 50 à 55 des conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt de la Cour du 17 janvier 2008, Viamex Agrar Handel et ZVK (C‑37/06 et C‑58/06, Rec. p. I‑69, I‑72), selon lesquelles l’appréciation de la conformité d’une décision au principe de proportionnalité, dans le cas de la révocation d’un financement communautaire pour des retards qui ne sont pas imputables à son bénéficiaire, doit prendre en considération la réalisation effective de l’objectif poursuivi par l’action communautaire.

137    La partie requérante soutient également que cette solution est conforme à l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Conserve Italia/Commission (T‑306/00, Rec. p. II‑5705, points 135 à 150). Le Tribunal y aurait jugé, d’une part, que des dépenses exposées hors des délais convenus pouvaient être éligibles dans le cas où le bénéficiaire n’a pas commis de fraude et, d’autre part, que, pour calculer la réduction du concours financier, la Commission devait tenir compte du rapport entre la gravité ainsi que le montant de l’infraction commise par la partie requérante et la réduction adoptée, surtout si celle-ci n’a pas agi frauduleusement.

138    La partie requérante considère que ces principes jurisprudentiels sont conformes à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/95, qui dispose que les mesures seront prises compte tenu de la nature et de la gravité de l’irrégularité et du degré de responsabilité.

139    Enfin, tirant les conclusions des principes énoncés, la partie requérante estime que la Commission pouvait renoncer complètement à la réduction du concours financier, à la seule exception des coûts d’étude et d’expertise, d’un montant de 26 631 euros. Pour ces coûts, la partie requérante reconnaît l’absence de pièces justificatives et donc leur inéligibilité. En revanche, la partie requérante avance que toutes les autres dépenses ont été justifiées par des documents, lesquels constituent la preuve concrète que celles-ci ont effectivement été exposées pour la réalisation du projet. De plus, la partie requérante affirme qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission n’a, pour déterminer la réduction du concours financier, tenu compte ni de sa bonne foi, ni de la gravité négligeable des irrégularités présumées, ni de la réalisation effective du projet, ni du fait que la responsabilité des faits reprochés devait être attribuée en partie à la Commission elle-même et en partie à des cas de force majeure.

140    Par ailleurs, la partie requérante conteste l’absence de pouvoir discrétionnaire de la Commission pour prolonger davantage la période d’éligibilité des dépenses et pour définir les modalités de calcul des réductions des financements. Elle renvoie à cet égard à l’annexe 2 de la convention de financement et plus précisément au point 14 de celle-ci. De plus, la partie requérante soutient que l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 prévoit expressément le principe du pouvoir discrétionnaire de la Commission lors de l’établissement du montant d’une correction financière.

141    La partie requérante fait encore observer que l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, dont l’application aurait certainement conduit à une correction moins importante, était déjà en vigueur lors de l’adoption de la décision attaquée. Or, elle allègue que, en application de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2988/95, en cas de modification des dispositions portant sanctions administratives, les dispositions moins sévères s’appliquent rétroactivement. La Commission aurait donc dû appliquer le principe de proportionnalité conformément à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999.

142    Pour sa part, la Commission conteste toute violation du principe de proportionnalité. La réduction appliquée serait proportionnelle à l’irrégularité constatée.

 Appréciation du Tribunal

143    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 81).

144    Il est constant que la partie requérante n’a pas produit de justificatifs pour certaines dépenses et que d’autres ont été effectuées en dehors de la période d’éligibilité prévue par la convention de financement et prorogée de douze mois par décision de la Commission du 1er décembre 1998.

145    Il ressort de l’analyse effectuée (points 42 à 60 ci-dessus) par le Tribunal que c’est à raison que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la partie requérante avait ainsi commis des irrégularités.

146    Or, il résulte de l’article 24 du règlement n° 4253/88 et du point 14 de l’annexe 2 de la convention de financement que la sanction prévue dans ce cas est la réduction ou la suspension du concours financier accordé.

147    Il convient de souligner à cet égard que ces dispositions confèrent un large pouvoir d’appréciation à la Commission, puisque l’article 24 du règlement n° 4253/88 énonce que celle-ci « peut » réduire ou suspendre le concours financier et le point 14 de l’annexe 2 de la convention de financement dispose que la Commission « pourra » demander la restitution totale ou partielle du concours versé. Toutefois, s’il est vrai que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’application de sanctions ou de corrections financières, elle doit aussi veiller au respect de la réglementation communautaire, notamment en ne privant pas de tout effet utile les conditions posées à l’octroi d’un concours financier communautaire. Dans cette fonction, il lui incombe de prendre des mesures afin d’assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés, conformément à l’article 2 du règlement n° 2988/95.

148    En l’espèce, à la suite des irrégularités constatées, la Commission demande, dans la décision attaquée, le remboursement des seules dépenses inéligibles. La mesure prise est donc strictement proportionnelle aux irrégularités en cause. Par ailleurs, il convient de souligner que la Commission a accueilli favorablement diverses demandes d’adaptation des conditions prévues dans la convention de financement et a accepté de prendre en compte certaines dépenses alors qu’elle n’y était pas tenue, ce qui a entraîné la réduction de la somme à rembourser.

149    Aucun des arguments avancés par la partie requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

150    En effet, en premier lieu, la jurisprudence invoquée par la partie requérante n’appuie pas sa thèse. Ainsi, dans l’arrêt Conserve Italia/Commission, point 137 supra, le Tribunal a jugé que la réduction décidée par la Commission violait manifestement le principe de proportionnalité parce qu’elle n’avait pas pris en compte uniquement le montant des factures relatives aux travaux préparatoires commencés avant la date d’éligibilité (points 135 et 136). En outre, il ressort du point 138 dudit arrêt que la différence entre le montant des factures contestées et le montant de la réduction appliquée était à ce point considérable que cette réduction apparaissait manifestement disproportionnée. Or, en l’espèce, le montant des factures contestées est exactement celui dont le remboursement est demandé. De plus, et contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Conserve Italia/Commission point 137 supra, les montants des irrégularités concernées en l’espèce ne sauraient être considérés comme négligeables.

151    Par ailleurs, s’agissant des conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt Viamex Agrar Handels et ZVK, point 136 supra, à supposer même que le contexte de cette affaire soit comparable à celui de l’espèce, il y a lieu de souligner que, dans son arrêt, la Cour n’a pas retenu la solution proposée par l’avocat général et a jugé qu’il n’y avait pas violation du principe de proportionnalité.

152    Contrairement à ce que prétend la partie requérante, il découle de la jurisprudence de la Cour que la notion d’irrégularité, au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, n’implique pas l’obligation pour la Commission de démontrer une quelconque intention frauduleuse de la part du bénéficiaire (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 16 décembre 2004, APOL et AIPO/Commission, C‑222/03 P, non publiée au Recueil, point 58). En outre, le principe de proportionnalité n’exige pas non plus que la possibilité de supprimer un concours financier soit limitée aux cas de violations dolosives des conditions financières. Une telle approche risquerait de constituer une invitation aux irrégularités (voir arrêt Comunità montana della Valnerina/Commission, point 57 supra, point 150, et la jurisprudence citée).

153    Il ressort également de l’arrêt Irlande/Commission, point 39 supra (points 59 et 60), qu’une réduction opérée est conforme au principe de proportionnalité lorsque la Commission a réduit le concours financier à concurrence du montant correspondant aux irrégularités constatées et dans le seul but d’exclure du cofinancement communautaire les dépenses illégales ou injustifiées.

154    En second lieu, s’agissant de l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, contrairement à ce qu’allègue la partie requérante, il ne modifie pas, pour les irrégularités commises, les sanctions administratives prévues par l’article 24 du règlement n° 4253/88 applicable en l’espèce. Il s’ensuit que rien ne justifie son application rétroactive en vertu de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2988/95. En outre, rien ne permet d’affirmer que son application aurait conduit à une correction moins importante.

155    La Commission n’a donc pas violé le principe de proportionnalité, de sorte qu’il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

156    La partie requérante allègue que la décision attaquée enfreint l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE, en ce qu’elle ne contient pas de motivation adéquate s’agissant de l’importance des irrégularités, au sens de l’article 24 du règlement n° 4253/88. La décision attaquée ne renfermerait pas non plus de motivation sur l’absence de prise en compte de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2988/95.

157    La partie requérante fait valoir que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation est encore plus stricte lorsqu’une décision réduit le montant d’un concours financier communautaire, dès lors que cette décision emporte de graves conséquences pour le bénéficiaire du concours. Dans ce cas, la décision devrait faire clairement apparaître les motifs qui justifient la réduction du concours financier. Or, la décision attaquée n’expliquerait pas pourquoi les irrégularités reprochées devraient être considérées comme « importantes », selon les termes de l’article 24 du règlement n° 4253/88, ou de nature à justifier la réduction du concours financier opérée.

158    La Commission souligne qu’elle expose, dans la décision attaquée, de manière articulée et complète le cadre factuel et juridique sur lequel elle se fonde, en analysant avec précision les observations avancées par la partie requérante au cours de la phase administrative et en y répondant de manière argumentée.

 Appréciation du Tribunal

159    Il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour déterminer si la décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d’un vice et de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. Eu égard au fait qu’une décision portant réduction du montant d’un concours financier communautaire entraîne des conséquences graves pour le bénéficiaire de ce concours, la motivation de cette décision doit faire clairement apparaître les motifs qui justifient la réduction du concours par rapport au montant initialement agréé. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2003, Stadtsportverband Neuss/Commission, T‑137/01, Rec. p. II‑3103, points 52 à 54, et la jurisprudence citée).

160    Il ressort très clairement du considérant 24 de la décision attaquée que la Commission a considéré comme inéligibles, d’une part, le montant de 26 631 euros (frais d’études et d’expertise) pour défaut de pièces justificatives et, d’autre part, le montant de 1 996 euros (frais généraux), le montant de 95 847,64 euros (frais d’équipement) et le montant de 386 112,09 euros (bâtiments et services) dans la mesure où ces dépenses ont été réalisées après la date limite d’éligibilité prévue. La décision attaquée précise donc les irrégularités commises et les montants visés. Elle comporte l’indication précise des motifs pour lesquels la Commission a réduit le concours financier initialement accordé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 septembre 1999, Sonasa/Commission, T‑126/97, Rec. p. II‑2793, point 69). Par ailleurs, la décision attaquée renvoie au règlement n° 4253/88, notamment à son article 24, et à la convention de financement, de sorte que la partie requérante ne pouvait pas ignorer les dispositions applicables, en particulier concernant la période d’éligibilité des dépenses.

161    Quant à l’argument que la partie requérante tire de l’absence de motivation de la décision attaquée s’agissant de l’importance des irrégularités qui lui sont reprochées, il résulte de l’analyse effectuée aux points 46 à 48 ci-dessus que toute irrégularité peut justifier une réduction du concours financier. Il n’incombait dès lors pas à la Commission de fournir, dans la décision attaquée, de motivation sur le caractère significatif des irrégularités en cause.

162    Il s’ensuit que ce moyen, tiré d’un défaut de motivation, ne saurait non plus être accueilli, de sorte que l’intégralité des conclusions en annulation doivent être rejetées.

2.     Sur les conclusions en indemnisation

163    La partie requérante invoque la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illégal et, à titre subsidiaire, en l’absence de comportement illicite.

 Sur la responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait d’un acte illégal

 Arguments des parties

164    La partie requérante soutient que la Commission doit répondre du préjudice qu’elle lui a causé en adoptant, sur la base d’une appréciation erronée et illégale, la décision attaquée, qui l’a privée d’une partie du concours financier en cause. L’engagement de la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte administratif illégal est soumis à un ensemble de conditions que la partie requérante estime remplies en l’espèce.

165    Selon la partie requérante, la jurisprudence a établi que, lorsque l’auteur de l’acte ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE. La partie requérante estime que les motifs d’illégalité développés dans le cadre de ses moyens en annulation permettent de constater l’existence d’une telle infraction au droit communautaire, laquelle constitue une violation suffisamment caractérisée au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE.

166    La partie requérante ajoute que la Commission a effectivement fait usage de son pouvoir discrétionnaire en faisant droit à certains de ses griefs avancés au cours de la procédure précontentieuse. Toutefois, même sur la base de la jurisprudence citée par la Commission et en ne reconnaissant à cette dernière qu’un pouvoir discrétionnaire limité, la violation suffisamment caractérisée d’une norme conférant des droits à des particuliers serait en l’espèce établie. La partie requérante renvoie également à cet égard à ses moyens d’annulation.

167    S’agissant du préjudice, la partie requérante rappelle que, pour être réparé, il doit être certain et actuel. Elle estime que les comportements illégaux de la Commission lui ont causé un préjudice certain en ce sens que le paiement du montant correspondant à la réduction opérée par la Commission a une incidence inévitable sur les postes du budget régional consacrés à des projets d’intérêt communautaire. Selon la partie requérante, le préjudice en question compromettra l’aboutissement du projet pilote et se répercutera également sur la possibilité de réaliser d’autres projets d’intérêt communautaire du même type.

168    La partie requérante évalue, en l’espèce, le damnum emergens au montant que la Commission a décidé de récupérer, à la seule exception des « frais d’étude et d’expertise » s’élevant à un montant de 26 631 euros.

169    La partie requérante estime que le comportement illégal de la Commission lui a également causé un préjudice moral, consistant dans une atteinte à sa réputation. À l’appui de cet argument, la partie requérante souligne que la qualité de ce projet pilote lui a permis de jouer un rôle de modèle pour des initiatives nationales analogues. Or, malgré la réalisation du projet, la partie requérante se trouve contrainte de répondre à l’accusation d’avoir commis des irrégularités. En se fondant sur la jurisprudence, la partie requérante évalue forfaitairement ce préjudice à un montant de 50 000 euros, et s’en remet sur ce point à l’appréciation du Tribunal.

170    La partie requérante estime que le préjudice global, tel qu’estimé, devra être actualisé. Elle soutient que, pour reconstituer son patrimoine lésé, il faut tenir compte du temps qui s’est écoulé entre les comportements à l’origine du préjudice et la liquidation de celui-ci, ainsi que de l’érosion monétaire. Le montant indiqué ci-dessus devrait donc être majoré des intérêts compensatoires.

171    Enfin, concernant le lien de causalité entre l’acte illégal et le préjudice, la partie requérante rappelle qu’il doit être direct, immédiat et exclusif. En d’autres termes, le préjudice doit être directement lié au comportement de l’institution, sans intervention d’une autre cause. La partie requérante situe le lien de causalité dans le comportement illégal de la Commission lui-même, puisque la décision attaquée modifie directement la situation juridique de la partie requérante en l’obligeant à restituer une partie du concours financier qui lui a été versé et en la privant du solde de ce concours.

172    La partie requérante renvoie également à la jurisprudence selon laquelle les décisions de récupération de fonds ont pour effet de transformer directement le statut juridique des destinataires de créanciers incontestés en débiteurs, au moins potentiels, desdites sommes.

173    La Commission estime, pour sa part, que les trois conditions nécessaires pour engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté font défaut en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

174    Il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20).

175    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).

176    Le comportement illégal reproché à une institution doit consister en une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42).

177    En l’espèce, la partie requérante invoque, en substance, les moyens avancés à l’appui de sa demande en annulation aux fins de démontrer des comportements illégaux de la Commission de nature à constituer une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire.

178    Or, il résulte de l’analyse effectuée ci-dessus que la demande en annulation formulée par la partie requérante est dépourvue de tout fondement. La présente demande en indemnité étant fondée sur les mêmes arguments que ceux invoqués au soutien de la demande en annulation, il y a donc lieu de considérer qu’elle est également dépourvue de tout fondement en droit, faute de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 14 mai 2008, Icuna.Com/Parlement, T‑383/06 et T‑71/07, Rec. p. II‑727, points 80 et 81).

179    Il y a, dès lors, lieu de rejeter la demande en indemnité fondée sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté du fait d’un acte illégal.

 Sur la responsabilité extracontractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illicite

 Arguments des parties

180    La partie requérante rappelle que la jurisprudence communautaire a reconnu expressément que la Communauté peut être appelée à réparer le préjudice causé par un acte licite, pour autant que ce dommage et le lien de causalité existent et que le dommage soit anormal ou spécial. La partie requérante en déduit que, en l’espèce, même si le Tribunal n’est pas amené à juger illicite le comportement de la Commission et estime que la décision attaquée est légale, cela n’exclut pas que la Commission puisse, et doive, être de toute manière condamnée à réparer le préjudice subi.

181    Après avoir renvoyé, s’agissant de l’existence du dommage et du lien de causalité, à ses observations relatives à la responsabilité extracontractuelle du fait d’un acte illégal, la partie requérante fait valoir que le caractère anormal et spécial du préjudice résulte du fait qu’elle ne pouvait aucunement prévoir ni éviter le préjudice causé, dès lors que la décision de récupérer le concours financier repose sur une interprétation de la réglementation divergente de celle qui avait été retenue dans des affaires précédentes, voire même sur une interprétation nouvelle. La partie requérante considère donc qu’elle a été exposée à un risque commercial anormal, excédant le niveau de risque inhérent à l’exercice de toute activité commerciale.

182    La partie requérante ajoute que le caractère anormal du préjudice subi résulte du fait que la Commission estime devoir récupérer une partie déraisonnable et disproportionnée du concours financier, alors que, dans la décision attaquée, la Commission a exprimé sa satisfaction quant à la réalisation du projet.

183    La Commission conteste l’argumentation de la partie requérante.

 Appréciation du Tribunal

184    La Cour a jugé que, lorsqu’il constate qu’aucun acte ni aucune prétendue omission d’une institution ne présente un caractère illégal, si bien que la première condition à laquelle est soumis l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE n’est pas remplie, le juge communautaire peut rejeter le recours dans son ensemble sans qu’il lui soit nécessaire d’examiner les autres conditions de cette responsabilité, à savoir la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre les comportements des institutions et le préjudice invoqué. La jurisprudence de la Cour consacrant, au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE, l’existence du régime de responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait du comportement illégal de ses institutions et les conditions d’application de ce régime est ainsi fermement établie. En revanche, il n’en va pas de la sorte en ce qui concerne un régime de responsabilité extracontractuelle de la Communauté en l’absence d’un tel comportement illégal (arrêt de la Cour du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, points 166 et 167).

185    Il ne saurait en effet être déduit de la jurisprudence de la Cour que celle-ci aurait consacré le principe d’un tel régime (arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, point 184 supra, point 168).

186    Ainsi que la Cour l’a notamment rappelé au point 18 de l’arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission (C‑237/98 P, Rec. p. I‑4549), elle s’est tout au contraire bornée, aux termes d’une jurisprudence constante, à préciser certaines des conditions auxquelles une telle responsabilité pourrait se trouver engagée dans l’hypothèse où le principe de la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte licite devrait être reconnu en droit communautaire (voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 décembre 1984, Biovilac/CEE, 59/83, Rec. p. 4057, point 28). C’est à ce seul titre que la Cour a rappelé à cet égard, au point 19 de l’arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, que, si une telle responsabilité venait à être reconnue dans son principe, elle requerrait à tout le moins la réunion de trois conditions cumulatives, constituées par la réalité du préjudice, l’existence d’un lien de causalité entre celui‑ci et l’acte concerné ainsi que le caractère anormal et spécial du préjudice (arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, point 184 supra, point 169).

187    La Cour a également constaté que, si l’examen comparatif des ordres juridiques des États membres lui a permis de procéder très tôt au constat d’une convergence de ces ordres juridiques dans la consécration d’un principe de responsabilité en présence d’une action ou d’une omission illégale de l’autorité, il n’en va nullement de même en ce qui concerne l’existence éventuelle d’un principe de responsabilité en présence d’un acte ou d’une omission licites de l’autorité publique (voir, en ce sens, arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, point 184 supra, point 175).

188    Il y a lieu d’en conclure que, contrairement à ce qu’allègue la partie requérante, la jurisprudence n’a pas reconnu que la Communauté peut être appelée à réparer le préjudice causé par un acte licite, en présence d’un préjudice anormal et spécial et d’un lien de causalité entre l’acte et le dommage. Les arguments de la partie requérante tendant à établir, dans le cadre du présent moyen, un tel préjudice anormal et spécial sont donc inopérants.

189    Il y a dès lors lieu de rejeter également la demande d’indemnité fondée sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illicite.

190    L’ensemble du recours doit par conséquent être rejeté.

 Sur les dépens

191    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Comune di Napoli est condamnée aux dépens.

 

Dehousse            

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mai 2010.

Signature


* Langue de procédure : l’italien.