Language of document : ECLI:EU:T:2024:181

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

24 octobre 2013 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Aides d’État – Aide déclarée illégale et incompatible avec le marché commun – Aide accordée au groupe Grazer Wechselseitige (GRAWE) lors de la privatisation de Bank Burgenland AG – Détermination du prix du marché – Procédure d’appel d’offres – Conditions illicites sans incidence sur l’offre la plus élevée – Critère dit du ‘vendeur privé’ – Distinction entre les obligations incombant à l’État exerçant ses prérogatives de puissance publique et à l’État agissant en qualité d’actionnaire – Dénaturation d’éléments de preuve – Obligation de motivation»

Dans les affaires jointes C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P,

ayant pour objet des pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits respectivement les 7, 8 et 7 mai 2012,

Land Burgenland, représenté par Mes U. Soltész, P. Melcher et A. Egger, Rechtsanwälte,

partie requérante,

soutenu par:

République fédérale d’Allemagne, représentée par Mme K. Petersen ainsi que par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, V. Kreuschitz et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

République d’Autriche,

partie demanderesse en première instance (C-214/12 P),


Grazer Wechselseitige Versicherung AG, établie à Graz (Autriche), représentée par Me H. Wollmann, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, V. Kreuschitz et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance (C-215/12 P),

et

République d’Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer et M. J. Bauer, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par:

République fédérale d’Allemagne, représentée par Mme K. Petersen ainsi que par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, V. Kreuschitz et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Land Burgenland, représenté par Mes U. Soltész, P. Melcher et A. Egger, Rechtsanwälte,

partie demanderesse en première instance (C-223/12 P),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.-C. Bonichot et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juin 2013,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, le Land Burgenland (C‑214/12 P) et la République d’Autriche (C‑223/12 P) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 février 2012, Land Burgenland et Autriche/Commission (T‑268/08 et T‑281/08, ci-après l’«arrêt Burgenland»), par lequel celui-ci a rejeté leurs recours tendant à l’annulation de la décision 2008/719/CE de la Commission, du 30 avril 2008, sur l’aide d’État C 56/06 (ex NN 77/06) accordée par l’Autriche dans le cadre de la privatisation de Bank Burgenland (JO L 239, p. 32, ci-après la «décision litigieuse»).

2        Par son pourvoi (C‑215/12 P), Grazer Wechselseitige Versicherung AG (ci-après «GRAWE») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 février 2012, Grazer Wechselseitige Versicherung/Commission (T‑282/08, ci-après l’«arrêt GRAWE»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

 Les antécédents du litige

3        Jusqu’à sa privatisation, Hypo Bank Burgenland AG (ci-après «BB») était une banque régionale prenant la forme d’une société par actions de droit autrichien et ayant son siège à Eisenstadt (Autriche). En 2005, BB avait un bilan total de 3,3 milliards d’euros et était détenue à 100 % par le Land Burgenland.

4        Conformément à l’article 4 de la loi sur les banques hypothécaires du Land Burgenland (Landes-Hypothekenbank Burgenland-Gesetz, LGBl. 58/1991), dans la version issue de la loi publiée au LGBl. 63/1998, le Land Burgenland était garant, au sens de l’article 1356 du code civil autrichien (Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch), en cas de cessation de paiements de BB, de l’ensemble des engagements de cette dernière. En application des dispositions de cette loi, les créanciers de ladite banque bénéficient de droits directs à l’égard du garant, qui n’est toutefois tenu d’agir que lorsque les actifs de celle-ci ne suffisent pas pour couvrir les créances.

5        Ce régime de garantie de bonne fin destinée aux institutions publiques de crédit, dénommé «Ausfallhaftung», en particulier celle dudit Land en faveur de BB et de ses prédécesseurs, existe d’une manière pratiquement inchangée depuis 1928. Il ne couvrait ni une période ni un montant spécifiques.

6        En vertu d’un accord conclu entre la Commission des Communautés européennes et la République d’Autriche, sur la base duquel a été adoptée la décision C(2003) 1329 final de la Commission, du 30 avril 2003, relative à l’aide E 8/02 (JO C 175, p. 8), l’Ausfallhaftung devait être abrogée pour le 1er avril 2007. Pour toutes les obligations existantes au 2 avril 2003, l’Ausfallhaftung restait en principe valable jusqu’à leur échéance. Pendant la période allant du 2 avril 2003 au 1er avril 2007, l’Ausfallhaftung pouvait, en ce qui concerne les nouvelles obligations, être maintenue, à condition que celles-ci arrivent à échéance avant le 30 septembre 2017.

7        Après deux tentatives infructueuses en 2003 et en 2005, le Land Burgenland a lancé une troisième procédure de privatisation de BB, dont l’exécution a été confiée à la banque d’investissement HSBC Trinkaus & Burkhardt KGaA de Düsseldorf (Allemagne), en collaboration avec HSBC plc de Londres (Royaume-Uni) (ci-après, prises ensemble, «HSBC»). Cette procédure a commencé en octobre 2005 par la publication dans la presse d’un appel d’offres.

8        Deux soumissionnaires, à savoir, d’une part, GRAWE, qui est une entreprise autrichienne offrant un éventail de services d’assurance ainsi que de services financiers et de leasing et qui détenait en 2006 des participations directes importantes dans deux entreprises financières du secteur bancaire et de l’investissement, conjointement avec GW Beteiligungserwerbs- und -verwaltungs-GmbH, et, d’autre part, un consortium austro-ukrainien associant les entreprises autrichiennes SLAV AG et SLAV Finanzbeteiligung GmbH et les sociétés par actions ukrainiennes Ukrpodshipnik et Ilyich (ci-après le «consortium») ont présenté des offres contraignantes. Ces offres ont par la suite fait l’objet d’un examen individuel et de négociations contractuelles qui se sont achevées le 4 mars 2006.

9        Le 5 mars 2006, le Land Burgenland a procédé à l’attribution de BB à GRAWE, bien que le prix d’achat qu’elle avait proposé (100,3 millions d’euros) ait été nettement inférieur à celui offert par le consortium (155 millions d’euros). Cette décision s’appuyait notamment sur une recommandation écrite d’HSBC du 4 mars 2006, qui a été complétée par des éclaircissements oraux destinés aux membres du gouvernement du Land Burgenland le jour même de la décision. La recommandation d’HSBC énonce, en substance, que, si, eu égard au prix d’achat proposé, la décision devait favoriser le consortium, il était recommandé que BB soit cédée à GRAWE compte tenu des autres critères de sélection, à savoir la sûreté du paiement du prix, la poursuite de la gestion de BB en évitant le recours à l’Ausfallhaftung, les augmentations de capital et la sécurité des transactions.

10      La vente de BB, qui a formellement été approuvée par les autorités du Land Burgenland le 7 mars 2006, a été close le 12 mai 2006. Avant cette clôture, BB a émis, dans le cadre de l’Ausfallhaftung, des titres pour un montant de 700 millions d’euros, dont 320 millions d’euros étaient prévus dans les conditions de la privatisation et dont les 380 millions d’euros «supplémentaires» ne figuraient pas, selon le considérant 35 de la décision litigieuse, dans les projets de contrat avec GRAWE et le consortium.

11      Le 4 avril 2006, la Commission a été saisie d’une plainte du consortium selon laquelle la République d’Autriche aurait enfreint les règles sur les aides d’État lors de la privatisation de BB. Le plaignant soutenait notamment que la procédure d’appel d’offres, qui n’avait pas été équitable, transparente et non discriminatoire envers lui, se serait soldée par la cession de BB non pas au plus offrant, à savoir le consortium, mais à GRAWE.

12      Par lettre du 21 décembre 2006, la Commission a informé les autorités autrichiennes de sa décision, concernant la cession de BB à GRAWE, d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 8 février 2007 (JO C 28, p. 8). Le 30 avril 2008, la Commission a adopté la décision litigieuse.

13      Pour se prononcer sur le point de savoir si GRAWE a bénéficié d’un avantage sélectif, la Commission a examiné si le Land Burgenland s’est comporté comme tout vendeur opérant dans une économie de marché (ci-après le critère dit du «vendeur privé»). À cet égard, la Commission indique, aux points 120 à 122 de la décision litigieuse, qu’un vendeur privé peut choisir une offre plus basse que l’offre la plus élevée dans deux hypothèses.

14      La première vise la situation dans laquelle il est clair que la cession au plus offrant n’est pas réalisable, ce qui implique, en l’occurrence, que soit examinée la sécurité de la transaction à travers la solidité économique du consortium et la probabilité que celui-ci n’obtienne pas l’autorisation requise de la part de la Finanzmarktaufsicht (autorité autrichienne de surveillance des marchés financiers, ci-après la «FMA»). Or, selon la Commission, non seulement il n’y avait aucune raison de douter que le consortium était en mesure d’acquitter le prix d’achat de 155 millions d’euros proposé par ce dernier, mais rien n’indique ni ne prouve que la FMA aurait interdit la cession de BB au consortium.

15      La seconde hypothèse couvre le cas où la prise en compte d’autres facteurs que le prix est justifiée, étant entendu que les seuls facteurs à prendre en considération sont ceux dont un vendeur privé aurait tenu compte, ce qui, selon la Commission, exclut les risques qui résultent d’une obligation de versement d’une garantie devant être qualifiée d’aide d’État éventuellement en vigueur, telle que l’Ausfallhaftung.

16      La Commission précise sur ce point qu’il ressort de la jurisprudence que le rôle de l’État en tant que vendeur d’une entreprise, d’une part, et les obligations qui lui incombent en tant que puissance publique, d’autre part, ne doivent pas être confondus. Or, aucun vendeur privé n’aurait souscrit à une garantie qui n’aurait pas respecté les conditions du marché et la décision relative à la suppression de l’Ausfallhaftung confirme que cette dernière ne fait pas partie de ces conditions.

17      Dans ces circonstances, la Commission a constaté, au considérant 175 de la décision litigieuse, que la République d’Autriche a, de manière illégale, accordé une aide d’État à GRAWE dans le cadre de la privatisation de BB, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE, et que cette aide n’est pas compatible avec le marché commun. Partant, les articles 1er, 2 et 4 de cette décision sont libellés comme suit:

«Article premier

L’aide d’État que l’Autriche a accordée à GRAWE en violation de l’article [88, paragraphe 3, CE], et par conséquent illégalement, est incompatible avec le marché commun. Cette aide correspond à la différence entre les deux offres de prix définitives présentées dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, qui doit être ajustée de manière appropriée conformément aux paramètres présentés aux [considérants] 167 à 174 de la présente décision.

Article 2

1.      L’Autriche récupère l’aide mentionnée à l’article premier auprès du bénéficiaire.

[…]

Article 4

1.      Dans un délai de deux mois après la publication de la présente décision, l’Autriche communiquera les informations suivantes à la Commission:

a)      le montant total (montant principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire et à ajuster conformément aux paramètres présentés par la Commission dans la présente décision, ainsi qu’une explication détaillée de la méthode de calcul de ce montant et l’évaluation des biens par des experts indépendants;

[...]»

 La procédure devant le Tribunal et les arrêts Burgenland et GRAWE

18      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement les 11, 15 et 17 juillet 2008, le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE ont introduit des recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse (affaires T‑268/08, T‑281/08 et T‑282/08 respectivement).

19      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 20 avril 2009, les parties entendues, les affaires T‑268/08 et T‑281/08 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt.

20      À l’appui de leurs recours, le Land Burgenland et la République d’Autriche ont soulevé neuf moyens. Parmi ceux-ci, figuraient notamment les moyens tirés:

–        le premier, d’une application erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE dans la détermination du prix de marché de BB en ce que la Commission aurait exigé, à tort, la mise en place d’une procédure d’appel d’offres en vue de la privatisation de cette banque;

–        le troisième, d’une application erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE en ce que la Commission a refusé de tenir compte de l’issue incertaine et d’une éventuelle longue durée de la procédure d’autorisation devant la FMA en cas de cession de BB au consortium;

–        le quatrième, d’une application erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE en ce que le Land Burgenland était en droit de tenir compte des risques liés à l’Ausfallhaftung en vue de la comparaison des offres présentées respectivement par GRAWE et par le consortium;

–        le septième, d’une application erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE en ce que l’offre du consortium ne pouvait pas servir à déterminer le prix de marché de BB, et

–        le huitième, d’une appréciation erronée de l’émission de titres dans le cadre de l’Ausfallhaftung lors de la privatisation de BB.

21      À l’appui de son recours, GRAWE a soulevé divers moyens, dont certains étaient tirés d’une application erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE, tout d’abord, dans la détermination du prix de marché de BB, ensuite, en raison du refus de tenir compte de l’Ausfallhaftung et, enfin, en ce que la Commission a méconnu la possibilité d’une différence négative au niveau du prix d’achat.

22      Par les arrêts Burgenland et GRAWE, le Tribunal a rejeté l’ensemble des recours dont il était saisi. En particulier, il a considéré, en substance:

–        que la Commission pouvait, en l’espèce, se fonder exclusivement sur l’offre soumise par le consortium afin de déterminer le prix de marché de BB et qu’il n’était pas nécessaire de recourir à des expertises;

–        que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a conclu que ni l’issue incertaine ni la durée probablement plus longue de la procédure devant la FMA – dans le cas où il aurait été décidé de céder BB au consortium – ne pouvait justifier que celui-ci soit exclu en tant qu’acquéreur;

–        qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir écarté la prise en compte de l’Ausfallhaftung dans le cadre des évaluations des offres, car il s’agit d’une aide d’État qui n’a pas été souscrite aux conditions normales du marché et ne peut, dès lors, être prise en compte dans l’appréciation du comportement des autorités à la lumière du critère du vendeur privé, et

–        que l’appréciation de l’émission de titres dans le cadre de l’Ausfallhaftung n’est pas erronée, dès lors qu’il était établi que le consortium n’avait pas tenu compte, dans son offre, des titres supplémentaires d’une valeur de 380 millions d’euros et qu’il n’est pas non plus établi que GRAWE n’a pas bénéficié, en raison de ces titres supplémentaires, d’un avantage complémentaire, ni que tout avantage aurait été autrement neutralisé.

 La procédure devant la Cour

23      Par acte déposé au greffe de la Cour le 25 juillet 2012, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans les affaires C‑214/12 P et C‑223/12 P au soutien des conclusions, respectivement, du Land Burgenland et de la République d’Autriche.

24      Par ordonnances du 20 septembre 2012, le président de la Cour a admis la République fédérale d’Allemagne à intervenir dans lesdites affaires.

25      Par ordonnance du président de la Cour du 26 septembre 2012, les affaires C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

 Les conclusions des parties

26      Le Land Burgenland et la République d’Autriche demandent à la Cour:

–        à titre principal, d’annuler l’arrêt Burgenland, de statuer définitivement sur le litige en annulant la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens afférents tant à la présente procédure qu’à celle devant le Tribunal, et

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt Burgenland, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

27      GRAWE demande à la Cour:

–        à titre principal, d’annuler l’arrêt GRAWE, de statuer définitivement sur le litige en annulant la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens afférents tant à la présente procédure qu’à celle devant le Tribunal, et

–        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt GRAWE, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

28      La Commission conclut à ce que la Cour:

–        à titre principal, rejette les pourvois et condamne le Land Burgenland, GRAWE ainsi que la République d’Autriche aux dépens, et

–        à titre subsidiaire, déclare le litige dans l’affaire C‑215/12 P en état d’être jugé, rejette le recours dans l’affaire T‑282/08 comme étant non fondé et condamne GRAWE aux dépens.

 Sur les pourvois

29      Le Land Burgenland, GRAWE et la République d’Autriche soulèvent respectivement quatre, trois et deux moyens à l’appui de leurs pourvois.

30      Dans la mesure où les moyens invoqués dans les trois pourvois sont identiques ou similaires, il y a lieu de les traiter de manière conjointe. Ainsi, il convient d’examiner, en premier lieu, le deuxième moyen du pourvoi du Land Burgenland et le premier moyen des pourvois de GRAWE et de la République d’Autriche, relatifs à la pertinence, pour l’évaluation des offres présentées pour BB, des risques liés à l’Ausfallhaftung.

 Sur les moyens relatifs à la pertinence, pour l’évaluation des offres présentées pour BB, des risques liés à l’Ausfallhaftung

 Argumentation des parties

31      Le Land Burgenland, par le deuxième moyen de son pourvoi, ainsi que la République d’Autriche et GRAWE, par le premier moyen de leurs pourvois, soutiennent que le Tribunal a violé l’article 87, paragraphe 1, CE en jugeant que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en ayant omis de tenir compte, dans l’évaluation des offres faites pour l’achat de BB, des risques liés à l’Ausfallhaftung.

32      Premièrement, selon le Land Burgenland et la République d’Autriche, le Tribunal s’est fondé à tort, aux points 154 à 158 de l’arrêt Burgenland, sur les arrêts du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103), et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission (C‑334/99, Rec. p. I‑1139), qui établissent une distinction entre les obligations incombant à l’État agissant en tant que puissance publique et celles lui incombant en qualité de propriétaire et d’actionnaire d’une société. Or, l’Ausfallhaftung instaurant une garantie de droit privé rémunérée, les risques qui y sont liés incomberaient au Land Burgenland en tant que propriétaire et actionnaire de BB. En outre, à l’époque, cette dernière n’aurait pas été une entreprise en difficulté, contrairement aux circonstances ayant donné lieu à l’arrêt Allemagne/Commission, précité.

33      Dans le cadre de leur réplique, limitée à l’incidence de l’arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P), sur les affaires ayant donné lieu aux présents pourvois, le Land Burgenland et la République d’Autriche précisent qu’il résulte de cet arrêt qu’un État membre n’agit pas en tant que puissance publique uniquement parce qu’il octroie des ressources dans l’exercice de prérogatives de puissance publique. Partant, la circonstance que le Land Burgenland a contracté ses obligations envers BB au moyen d’une loi ne saurait l’emporter sur le fait qu’elles s’imposent au Land Burgenland en sa qualité d’actionnaire de BB. En outre, la Commission n’ayant pas effectué l’appréciation globale de tous les éléments pertinents requise par l’arrêt Commission/EDF, précité, le Tribunal n’aurait pas pu considérer que l’Ausfallhaftung s’imposait au Land Burgenland considéré comme exerçant des prérogatives de puissance publique.

34      Deuxièmement, le Tribunal aurait omis à tort de tenir compte des arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission (T‑11/95, Rec. p. II‑3235), ainsi que du 2 mars 2012, Pays-Bas et ING Groep/Commission (T‑29/10 et T‑33/10), desquels il résulterait qu’il doit être tenu compte des aides octroyées auparavant dans le cadre de l’appréciation d’une mesure au titre du critère de l’investisseur privé, afin de constater l’existence et, le cas échéant, l’intensité d’une aide. Or, il serait constant que l’Ausfallhaftung était une aide existante et légale qui devait, dès lors, être prise en compte.

35      Troisièmement, l’unité et la cohérence du droit de l’Union exigeraient que l’Ausfallhaftung soit prise en compte. En effet, il serait incohérent, d’une part, d’admettre la légalité de l’Ausfallhaftung ainsi que d’imposer au Land Burgenland de la limiter au minimum nécessaire et, d’autre part, de lui interdire de tenir compte des risques liés à celle-ci lors de la vente de BB. Une telle interprétation de l’article 87, paragraphe 1, CE rendrait impossible en pratique la privatisation d’entreprises publiques.

36      Quatrièmement, le point 158 de l’arrêt Burgenland serait incompréhensible, dès lors qu’il se référerait aux «caractéristiques décrites ci-dessus» pour établir que l’Ausfallhaftung n’a pas été souscrite aux conditions normales du marché. En effet, une telle constatation ne ressortirait d’aucune des caractéristiques de l’Ausfallhaftung décrites dans ledit arrêt.

37      GRAWE reproche au Tribunal, premièrement, d’avoir appliqué l’arrêt Espagne/Commission, précité, de manière incorrecte. Le Land Burgenland aurait mis en œuvre l’Ausfallhaftung pour les obligations de BB dans le cadre d’une activité économique. Cette responsabilité serait indissociable de la décision prise, en 1928, d’exercer des activités commerciales dans le domaine des services financiers. Or, la fonction de l’Ausfallhaftung aurait été de mettre des capitaux propres à la disposition de BB, ce qui serait économiquement comparable avec l’ouverture d’une banque sous la forme d’une société de personnes. Ainsi, l’Ausfallhaftung serait une obligation contractée par le Land Burgenland en sa qualité de propriétaire de BB, de sorte qu’il y aurait lieu d’en tenir compte dans le cadre de l’application du critère du vendeur privé.

38      Dans le cadre de sa réplique, limitée également à l’incidence sur les présentes affaires de l’arrêt Commission/EDF, précité, GRAWE estime qu’il résulte de celui-ci que le mode d’octroi d’un avantage, en l’occurrence une loi, ne présente aucune importance pour la question de savoir s’il a été accordé par l’État agissant en sa qualité de puissance publique ou en sa qualité d’actionnaire. Or, le Tribunal s’étant appuyé sur le caractère légal de l’Ausfallhaftung, il aurait appliqué un critère erroné. En outre, il ne se serait jamais posé la question de savoir si le Land Burgenland a pris en charge l’Ausfallhaftung en sa qualité d’actionnaire. À cet égard, GRAWE estime que rien n’empêche un État membre de poursuivre à la fois des objectifs sociaux et, comme en l’espèce, des objectifs de rentabilité. En effet, le Land Burgenland obtiendrait des dividendes correspondant à une rémunération de l’Ausfallhaftung, qui remplacerait les fonds propres. Selon GRAWE, même lorsqu’un avantage revêt le caractère d’une aide, cela n’empêche pas qu’elle soit octroyée en tant qu’actionnaire.

39      Deuxièmement, aux différences de circonstances entre les présentes affaires et celle ayant donné lieu à l’arrêt Allemagne/Commission, précité, telles que relevées par le Land Burgenland et la République d’Autriche, GRAWE ajoute que la République fédérale d’Allemagne avait également pris en compte les coûts d’un assainissement du lieu d’implantation et que les mesures dans cette affaire avaient été mises en œuvre en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE.

40      Troisièmement, GRAWE fait valoir que l’arrêt GRAWE viole le principe de sécurité juridique ainsi que l’impératif de cohérence. La décision C(2003) 1329 final ayant constaté la conformité de l’Ausfallhaftung avec le droit de l’Union, tous les opérateurs économiques devraient pouvoir s’y fier également en ce qui concerne les conséquences économiques qui y sont indissociablement liées. Or, la décision litigieuse et l’arrêt GRAWE auraient remis en question ladite décision.

41      Quatrièmement, pour les mêmes raisons que celles invoquées par le Land Burgenland et la République d’Autriche, GRAWE estime que l’arrêt Pays-Bas et ING Groep/Commission, précité, imposait au Tribunal d’admettre la nécessité de prendre l’Ausfallhaftung en compte lors de l’appréciation du critère du vendeur privé.

42      Cinquièmement, GRAWE souligne que l’effet négatif sur la concurrence de l’Ausfallhaftung ne revêt pas la même ampleur selon que cette garantie joue concrètement ou qu’il s’agit seulement d’un engagement éventuel du Land Burgenland à l’égard de BB. En effet, des paiements seulement potentiels auraient une incidence moindre sur la concurrence que des paiements concrets. Ainsi, les démarches du Land Burgenland visant à éviter le recours à l’Ausfallhaftung auraient servi à limiter la distorsion de concurrence sur le marché. Partant, la position du Tribunal nuirait à l’effet utile de l’article 87, paragraphe 1, CE.

43      GRAWE ajoute que, lors de la crise financière, de nombreux États membres ont apporté des capitaux à des établissements de crédit et que, à ces capitaux publics, devraient être substitués, le plus rapidement possible, des fonds privés, afin de protéger la concurrence et de revenir à des conditions normales de fonctionnement du marché. Or, la décision litigieuse et l’arrêt GRAWE mettraient des obstacles importants à ce processus.

44      Pour conclure son argumentation sur ce point, GRAWE met en exergue le fait que, en tenant compte de l’Ausfallhaftung, l’offre de GRAWE était la meilleure.

45      La Commission conteste l’argumentation développée par le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE.

 Appréciation de la Cour

46      Par leur premier argument, le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE font valoir, en substance, que le Tribunal a méconnu, eu égard aux caractéristiques de l’Ausfallhaftung, tant le rôle du Land Burgenland en tant que propriétaire et actionnaire de BB que, de ce fait, le critère de l’investisseur privé, tel qu’il résulte des arrêts précités Espagne/Commission et Allemagne/Commission.

47      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu d’observer que, aux points 155 et 156 de l’arrêt Burgenland ainsi qu’aux points 128 et 129 de l’arrêt GRAWE, le Tribunal a correctement rappelé ladite notion, telle qu’elle ressort de la jurisprudence de la Cour relative audit critère.

48      Ensuite, au point 157 de l’arrêt Burgenland et au point 130 de l’arrêt GRAWE, le Tribunal a considéré, conformément à ladite jurisprudence, que, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, il importe de déterminer si les mesures en cause sont de celles qu’un tel investisseur, qui escompte réaliser à plus ou moins long terme des bénéfices, aurait pu octroyer.

49      Enfin, au point 158 de l’arrêt Burgenland et au point 131 de l’arrêt GRAWE, le Tribunal a constaté, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que l’Ausfallhaftung n’a pas été souscrite, compte tenu de ses caractéristiques, aux conditions normales du marché.

50      Dans ces conditions, le Tribunal a conclu à bon droit, aux points 158 et 159 de l’arrêt Burgenland et au point 131 de l’arrêt GRAWE, que l’Ausfallhaftung ne pouvait être prise en compte dans l’appréciation du comportement des autorités autrichiennes à la lumière du critère du vendeur privé et que, par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir écarté la pertinence de l’Ausfallhaftung lors de l’évaluation des offres présentées respectivement par le consortium et par GRAWE.

51      En outre, s’agissant de l’incidence de l’arrêt Commission/EDF, précité, il convient de relever que celui-ci concernait principalement l’applicabilité, écartée par la Commission dans la décision en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, du critère de l’investisseur privé aux circonstances de cette affaire et non l’application in concreto de ce même critère (voir arrêt Commission/EDF, précité, point 75). Cependant, dans les présentes affaires, il est constant que la Commission a fait application du critère du vendeur privé et c’est bien la confirmation par le Tribunal de la manière dont ce critère a été mis en œuvre par la Commission que contestent le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE.

52      Or, quant à l’application de ce critère, l’arrêt Commission/EDF, précité, a confirmé la jurisprudence résultant, en particulier, des arrêts précités Espagne/Commission et Allemagne/Commission, selon laquelle, aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un vendeur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’actionnaire, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, précité, point 79).

53      Par l’arrêt Commission/EDF, précité, la Cour a en outre précisé que, dans le cadre de cette appréciation, la forme de la mise à disposition d’un avantage et la nature des moyens de l’intervention étatique sont indifférents lorsque l’État membre concerné a accordé ledit avantage en sa qualité d’actionnaire de l’entreprise concernée (voir arrêt Commission/EDF, points 91 et 92).

54      Quant à l’examen effectué à cet égard par le Tribunal, il ressort des arrêts Burgenland et GRAWE que le Tribunal n’a pas fondé le rejet des prétentions du Land Burgenland, de la République d’Autriche et de GRAWE sur l’origine légale de l’Ausfallhaftung, contrairement à ce que ces derniers prétendent. En effet, le Tribunal a examiné si l’Ausfallhaftung devait être prise en compte lors de la mise en œuvre du critère du vendeur privé et a constaté qu’un vendeur privé n’aurait pas souscrit à une telle garantie.

55      Or, le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE n’invoquent aucun argument susceptible de remettre en cause ladite constatation, mais font valoir eux-mêmes que l’Ausfallhaftung constitue une aide d’État, ainsi d’ailleurs que la Commission l’avait constaté dans la décision C(2003) 1329 final.

56      Dans ces conditions, et dès lors que, par l’octroi d’une aide, un État membre poursuit, par définition, des objectifs autres que la rentabilité des moyens accordés à une entreprise lui appartenant, il convient de considérer que ces moyens sont, en principe, octroyés par l’État exerçant ses prérogatives de puissance publique.

57      Dans la mesure où le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE font valoir que, par l’Ausfallhaftung, le Land Burgenland poursuivait néanmoins des objectifs de rentabilité ou, à tout le moins, visait également de tels objectifs, il convient de rappeler que, si un État membre invoque un critère tel que celui du vendeur privé, il lui incombe, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’actionnaire (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, précité, point 82).

58      Ces éléments doivent faire apparaître clairement que l’État membre concerné a pris, préalablement ou simultanément à l’octroi de l’avantage économique, la décision de procéder, par la mesure effectivement mise en œuvre, à un investissement dans l’entreprise publique contrôlée (arrêt Commission/EDF, précité, point 83).

59      Peuvent notamment être requis, à cet égard, des éléments faisant apparaître que cette décision est fondée sur des évaluations économiques comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un vendeur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle dudit État membre aurait fait établir, avant de procéder audit investissement, aux fins de déterminer la rentabilité future d’un tel investissement (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, précité, point 84).

60      Ce n’est que si l’État membre concerné fait parvenir à la Commission des éléments de la nature requise qu’il appartient à cette dernière d’effectuer une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis par cet État membre, tout autre élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortit à la qualité d’actionnaire ou à celle de puissance publique dudit État membre (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, précité, point 86).

61      Toutefois, ni au cours de la procédure administrative ni devant le Tribunal, le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE n’ont invoqué des éléments faisant apparaître que l’instauration ou le maintien de l’Ausfallhaftung étaient fondés sur des évaluations économiques réalisées par le Land Burgenland en vue de déterminer sa rentabilité. Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue d’effectuer une telle appréciation globale en ce qui concerne l’Ausfallhaftung et que les arrêts Burgenland et GRAWE ne sont pas entachés d’erreurs à cet égard.

62      Pour ce qui est de l’argument selon lequel le Tribunal n’aurait pas tenu compte des arrêts précités BP Chemicals/Commission ainsi que Pays-Bas et ING Groep/Commission, auxquels se réfèrent le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE, il importe de souligner que, étant donné que les circonstances factuelles et juridiques des affaires ayant donné lieu auxdits arrêts se distinguent de manière substantielle de celles ayant donné lieu aux présents litiges, ces arrêts ne sont pas pertinents en l’espèce.

63      Enfin, il suffit de relever que le point 158 de l’arrêt Burgenland doit être lu à la lumière, notamment, des points 2, 3 et 149 du même arrêt, ce qui permet de comprendre la portée dudit point 158.

64      Il s’ensuit que, en rejetant les prétentions du Land Burgenland, de la République d’Autriche et de GRAWE, le Tribunal n’a pas commis l’erreur de droit qui lui est reprochée par ces derniers ni la prétendue violation de l’unité et de la cohérence du droit de l’Union, non plus que du principe de sécurité juridique ou des obligations de motivation lui incombant.

65      Par conséquent, le deuxième moyen du pourvoi du Land Burgenland et les premiers moyens des pourvois de la République d’Autriche et de GRAWE doivent être écartés comme étant non fondés.

 Sur les moyens des pourvois relatifs à l’incidence de l’issue et de la durée prévisibles de la procédure devant la FMA sur l’évaluation des offres du consortium et de GRAWE

 Argumentation des parties

66      Le Land Burgenland, par le quatrième moyen de son pourvoi, et la République d’Autriche, par le second moyen de son pourvoi, font valoir que le Tribunal a violé l’article 87, paragraphe 1, CE en constatant, aux points 106 à 140 de l’arrêt Burgenland, que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que ni l’issue incertaine ni la durée probablement plus longue de la procédure devant la FMA en cas de vente de BB au consortium ne justifiaient la vente de celle-ci à GRAWE.

67      Premièrement, ce serait à tort que le Tribunal a considéré, aux points 119 et 120 de l’arrêt Burgenland, que les éléments invoqués par le Land Burgenland et la République d’Autriche pour démontrer que l’acquisition de BB par le consortium n’aurait probablement pas pu être autorisée ne sont pas pertinents dans le cadre de l’appréciation des chances de succès de la procédure d’autorisation, car il n’aurait pas été indiqué si ou dans quelle mesure ces éléments auraient été pris en compte par la FMA. Tant la Commission que le Tribunal auraient connu en détail les critères d’autorisation appliqués par la FMA et le Land Burgenland ainsi que la République d’Autriche auraient précisé en détail les points donnant lieu à des doutes importants quant au point de savoir si une telle vente était susceptible de faire l’objet d’une autorisation de la FMA. Le Tribunal aurait donc apprécié leur argumentation de manière manifestement erronée et sans motivation vérifiable.

68      Dans la mesure où, au point 121 de l’arrêt Burgenland, le Tribunal affirme que certains des éléments mentionnés au point 119 dudit arrêt constituent uniquement des «préoccupations portant sur l’avenir commercial de BB» qui ne sont pas déterminantes pour un vendeur privé, il aurait commis une erreur, car ces éléments auraient été pris en considération par la FMA lors de la procédure d’autorisation et, partant, par un vendeur privé. Or, eu égard à la marge de prévision que le Tribunal aurait expressément reconnue, au point 136 de l’arrêt Burgenland, au Land Burgenland, ce dernier pouvait estimer qu’une vente au consortium aurait probablement été interdite par la FMA. La probabilité de 50 % ne serait, à cet égard, qu’une expression simplifiée de la circonstance qu’il ressortait des contacts informels avec la FMA qu’une vente à GRAWE serait autorisée, alors que, en cas d’une vente au consortium, l’issue de la procédure serait «totalement ouverte».

69      Deuxièmement, le Land Burgenland et la République d’Autriche soutiennent, à titre principal, que, eu égard à ce qui précède, les considérations du Tribunal figurant au point 132 de l’arrêt Burgenland, concernant l’urgence de la vente de BB, ne sont plus pertinentes. À titre subsidiaire, ils font valoir que les considérations du Tribunal reposent sur une interprétation erronée de l’article 87, paragraphe 1, CE, car, après deux tentatives infructueuses et coûteuses en temps et en argent de privatisation de BB et eu égard tant à l’expiration de l’offre de GRAWE au cours d’une procédure d’autorisation par la FMA qu’à une interdiction potentielle par cette dernière d’une vente de BB au consortium, un vendeur privé n’aurait pas pris le risque de l’échec de cette troisième tentative de privatisation et n’aurait donc pas vendu BB au consortium. En outre, contrairement à ce que le Tribunal aurait constaté audit point 132, le Land Burgenland et la République d’Autriche auraient fourni une série de preuves de nature à établir que, en raison de la prolongation de la procédure devant la FMA, la privatisation de BB aurait été compromise. Partant, le Tribunal aurait apprécié les faits de manière incomplète et aurait omis de motiver correctement l’arrêt Burgenland.

70      Troisièmement, le Land Burgenland et la République d’Autriche considèrent que le Tribunal a limité à tort l’examen qu’il a effectué à l’identification d’erreurs manifestes d’appréciation. Conformément à la jurisprudence de la Cour et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Tribunal aurait été tenu d’effectuer un contrôle juridictionnel circonstancié.

71      La Commission conteste l’argumentation du Land Burgenland et de la République d’Autriche. En particulier, elle relève d’emblée qu’ils ne reprochent pas au Tribunal, par leurs moyens, une dénaturation des faits et elle estime que, dès lors, leurs prétentions sont inopérantes.

 Appréciation de la Cour

72      En premier lieu, force est de constater que la question de savoir dans quelle mesure les éléments de preuve produits au cours de la procédure administrative établissent ou non, au regard de la réglementation nationale applicable, une probabilité d’interdiction par la FMA d’une vente de BB au consortium relève de l’appréciation souveraine des faits par le Tribunal. Il en va de même s’agissant des effets de la durée de la procédure devant la FMA sur les perspectives de privatisation de BB.

73      Partant, étant donné qu’aucune dénaturation des éléments de preuve pertinents n’est invoquée à cet égard, lesdites prétentions du Land Burgenland et de la République d’Autriche sont irrecevables (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 85, ainsi que du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, point 180).

74      En deuxième lieu, dans la mesure où le Land Burgenland et la République d’Autriche font valoir que, eu égard aux éléments de preuve invoqués devant le Tribunal, c’est à tort que ce dernier a écarté, aux points 120 et 121 de l’arrêt Burgenland, la pertinence des indices visés au point 119 de celui-ci, il ressort certes des éléments de preuve produits devant le Tribunal que, contrairement à ce qu’il a été constaté par ce dernier aux points 120 et 121 de l’arrêt Burgenland, la FMA aurait pris en compte le plan d’affaires du consortium. Toutefois, il n’en ressort pas que les indices mentionnés audit point 119 autres que celui relatif à ce plan d’affaires auraient été pris en compte par la FMA.

75      En outre, il doit être relevé que les critères de pondération des différents indices pris en compte par la FMA ne ressortent pas desdits éléments de preuve, de sorte qu’aucun élément ne permet de constater dans quelle mesure ledit plan d’affaires aurait été déterminant dans le cadre de l’appréciation à effectuer par la FMA.

76      Dans ces conditions, force est de constater que la prétendue dénaturation, aux points 120 et 121 de l’arrêt Burgenland, des éléments de preuve n’est pas établie, dès lors qu’elle ne ressort pas de façon manifeste des pièces du dossier (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, Rec. p. I‑10707, point 59 et jurisprudence citée).

77      En troisième lieu, l’examen par la Commission de la question de savoir si des mesures déterminées peuvent être qualifiées d’aide d’État, en raison du fait que les autorités publiques n’auraient pas agi de la même manière qu’un vendeur privé, requiert de procéder à une appréciation économique complexe (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 59, et du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, point 74).

78      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763, points 64 et 66, ainsi que Frucona Košice/Commission, précité, point 75).

79      Toutefois, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, Rec. p. I‑987, point 39; Commission/Scott, précité, point 65, et Frucona Košice/Commission, précité, point 76).

80      En l’espèce, la Commission ayant effectué, conformément à ce qui a été rappelé au point 77 du présent arrêt, une appréciation économique complexe, l’examen qu’il incombait au Tribunal de réaliser était limité à ce qui a été rappelé au point précédent. Or, force est de constater que l’examen auquel a procédé le Tribunal aux points 109 et suivants de l’arrêt Burgenland est conforme aux exigences du contrôle juridictionnel qu’il devait effectuer, contrairement à ce que prétendent le Land Burgenland et la République d’Autriche.

81      En quatrième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de l’obligation de motivation que le Land Burgenland et la République d’Autriche reprochent au Tribunal, il ressort de ce qui précède ainsi que de la simple lecture du point 132 de l’arrêt Burgenland que le raisonnement du Tribunal, aux points 120, 121 et 132 dudit arrêt, est de nature à permettre tant aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté leur argumentation qu’à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel dans le cadre d’un pourvoi, de sorte qu’il est conforme aux exigences de la jurisprudence constante de la Cour en la matière (voir en ce sens, notamment, arrêt du 21 décembre 2011, A2A/Commission, C‑320/09 P, point 97).

82      Il s’ensuit que le quatrième moyen du pourvoi du Land Burgenland et le second moyen du pourvoi de la République d’Autriche doivent être écartés comme étant en partie irrecevables et en partie non fondés.

 Sur les moyens des pourvois relatifs au caractère déterminant ou non de l’offre du consortium pour l’évaluation du prix de marché de BB

 Argumentation des parties

83      Le Land Burgenland, par le troisième moyen de son pourvoi, prétend que le Tribunal a violé l’article 87, paragraphe 1, CE en jugeant, aux points 69 à 73 et 87 à 91 de l’arrêt Burgenland, que la Commission n’a pas commis d’erreur en ayant déterminé la valeur de marché de BB en se fondant sur l’offre du consortium, sans tenir compte des expertises indépendantes en sa possession et en ne faisant établir aucune autre expertise.

84      Premièrement, le Tribunal aurait considéré de manière erronée que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ayant déterminé le prix de marché de BB sur le seul fondement de l’offre du consortium. En effet, selon le Land Burgenland, il résulte de la jurisprudence qu’il existe d’autres méthodes qui reflètent le prix du marché réel de l’objet à vendre. Les offres soumises ne constituant pas, dans tous les cas, la meilleure estimation approximative de ce prix, le Tribunal aurait dû vérifier si tel était le cas de ladite offre. Or, ce dernier n’aurait pas procédé à une telle vérification dans l’arrêt Burgenland, qui se limiterait à citer la décision litigieuse.

85      Deuxièmement, le Land Burgenland estime que le Tribunal a dénaturé la décision litigieuse, qui constaterait que la procédure d’appel d’offres était irrégulière du fait de l’existence de la condition illicite visant à éviter le recours à l’Ausfallhaftung, et qu’il s’est contredit en ayant considéré à la fois que la procédure d’appel d’offres était irrégulière, en raison de ladite condition illicite, et inconditionnelle. Or, ce caractère irrégulier de ladite procédure aurait entaché l’offre du consortium.

86      Troisièmement, le Tribunal aurait apprécié de manière erronée l’argumentation du Land Burgenland et se serait abstenu d’examiner les faits en ayant constaté, au point 90 de l’arrêt Burgenland, que l’irrégularité entachant l’appel d’offres n’avait pas influé sur le montant des offres. En effet, le Tribunal se serait borné à se référer à la décision litigieuse sans avoir effectué ses propres vérifications, en particulier sans avoir vérifié si la Commission avait pris en compte l’ensemble des éléments pertinents. Toutefois, cette dernière se serait elle-même bornée à constater que lesdites conditions n’avaient pas causé de distorsion des offres vers le bas, mais elle aurait omis d’examiner si elles avaient entraîné une telle distorsion vers le haut. Le Land Burgenland aurait souligné en première instance que l’offre du consortium était jusqu’à 200 % supérieure à la valeur de BB et donc fantaisiste.

87      Quatrièmement, si le point 89 de l’arrêt Burgenland devait signifier que l’offre du consortium devait être prise en considération malgré son caractère excessif ne reflétant pas le prix du marché de BB, le Tribunal se serait livré à des considérations contradictoires. En effet, il serait incohérent de prendre en compte les distorsions vers le bas, mais non pas celles vers le haut, alors même qu’elles résultent des mêmes circonstances.

88      Cinquièmement, les considérations figurant audit point 89 violeraient le principe de l’égalité de traitement de la propriété publique et privée consacré par l’article 345 TFUE. Les carences constatées par la Commission auraient été fondées sur la condition relative à la nécessité d’éviter le recours à l’Ausfallhaftung. Or, si le Land Burgenland ne pouvait pas prendre en considération, selon la Commission et le Tribunal, les risques résultant de l’Ausfallhaftung, il devait nécessairement pouvoir ignorer l’augmentation de l’offre du consortium imputable à ces risques qui rendait cette offre excessive. En excluant cet élément, le Tribunal aurait désavantagé le Land Burgenland par rapport à des vendeurs privés.

89      GRAWE, par le deuxième moyen de son pourvoi, estime également que les résultats d’une procédure d’appel d’offres ne sont un indicateur valable du prix du marché que lorsque l’appel d’offres est ouvert, transparent et inconditionnel. Or, selon la Commission et le Tribunal, cette exigence centrale n’était pas satisfaite lors de la privatisation de BB, en raison de la condition relative à la nécessité d’éviter le recours à l’Ausfallhaftung. En outre, cette condition aurait engendré une distorsion de l’offre du consortium vers le haut, ainsi que GRAWE l’aurait exposé devant le Tribunal. Toutefois, ce dernier n’aurait pas examiné cette argumentation, mais se serait borné à citer la position de la Commission, sans avoir vérifié l’exactitude de l’analyse de cette dernière, qui aurait également omis de vérifier s’il existait une distorsion de l’offre du consortium vers le haut.

90      GRAWE souligne que, contrairement à ce que la Commission a prétendu devant le Tribunal, une distorsion du prix de marché de BB vers le haut serait pertinente, car, lors de l’application du critère de l’investisseur privé, le prix du marché correspondrait au prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence serait prêt à payer. Dès lors, le Tribunal aurait dû juger que, dans le cadre de son obligation d’examiner soigneusement et impartialement l’affaire, la Commission aurait dû avoir recours à d’autres méthodes de détermination du prix de marché.

91      La Commission conteste l’argumentation du Land Burgenland et de GRAWE.

 Appréciation de la Cour

92      Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le prix du marché est le prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence est prêt à payer pour une société dans la situation où elle se trouve (voir arrêts du 20 septembre 2001, Banks, C‑390/98, Rec. p. I‑6117, point 77, et du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, point 80).

93      Aux fins de la vérification du prix du marché, les autorités nationales peuvent prendre en compte, notamment, la forme utilisée pour la cession d’une société, par exemple celle de l’adjudication publique, censée garantir une vente aux conditions du marché, ou une expertise éventuellement diligentée à l’occasion de la cession (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2008, Commission/France, C‑214/07, Rec. p. I‑8357, points 59 et 60).

94      Il s’ensuit que c’est à bon droit que, aux points 70 et 87 de l’arrêt Burgenland ainsi qu’au point 77 de l’arrêt GRAWE, le Tribunal a considéré que, lorsqu’une autorité publique procède à la vente d’une entreprise lui appartenant par la voie d’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente et inconditionnelle, il peut être présumé que le prix du marché correspond à l’offre la plus élevée, étant entendu qu’il doit être établi, premièrement, que cette offre a valeur d’engagement et qu’elle est crédible et, deuxièmement, que la prise en compte de facteurs économiques autres que le prix n’est pas justifiée.

95      En effet, dans de telles conditions, il ne saurait être imposé à la Commission de recourir à d’autres moyens aux fins de la vérification du prix du marché, tels que des expertises indépendantes.

96      C’est également à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 90 de l’arrêt Burgenland et au point 81 de l’arrêt GRAWE, que l’offre la plus élevée soumise dans le cadre d’une procédure d’adjudication irrégulière en raison de conditions illicites peut néanmoins correspondre au prix du marché lorsque les carences entachant les conditions de l’appel d’offres n’ont pas influé sur le montant de cette offre en provoquant une diminution de celle-ci.

97      En l’occurrence, d’une part, la Commission a examiné, dans le cadre de son appréciation économique complexe de la question de savoir si le Land Burgenland s’était comporté comme un vendeur privé, si les vices de la procédure d’appel d’offres constatés ont eu une incidence sur le résultat de cette procédure et elle a relevé, notamment sur la base des observations du consortium selon lesquelles il considérait les conditions illicites litigieuses comme n’étant pas applicables à l’avenir, que ces vices n’ont pas entraîné une diminution du montant de l’offre la plus élevée.

98      D’autre part, le Land Burgenland et GRAWE n’ayant soulevé aucun argument devant le Tribunal tendant à établir que ladite appréciation de la Commission était erronée, il ne saurait être reproché à ce dernier d’avoir entériné la constatation à laquelle avait procédé la Commission sans qu’il ait effectué ses propres vérifications.

99      Pour autant que le Land Burgenland et GRAWE font valoir que la Commission a omis d’examiner une distorsion vers le haut du montant de l’offre la plus élevée et que le Tribunal s’est abstenu de censurer cette omission, il suffit de relever que le Tribunal a considéré à bon droit, au point 89 de l’arrêt Burgenland, que le vendeur privé en économie de marché optera en principe pour l’offre d’achat la plus élevée, lorsqu’elle a valeur d’engagement et qu’elle est crédible, indépendamment des raisons qui ont conduit l’acheteur potentiel à proposer ladite offre, et que, par conséquent, l’allégation selon laquelle le montant de l’offre présentée par le consortium serait exorbitant doit être écartée.

100    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen du pourvoi du Land Burgenland et le deuxième moyen du pourvoi de GRAWE doivent être écartés comme étant non fondés.

 Sur les moyens des pourvois relatifs à l’évaluation des émissions privilégiées à hauteur de 320 millions d’euros

 Argumentation des parties

101    Le Land Burgenland, par le premier moyen de son pourvoi, fait valoir que le Tribunal a violé son droit d’être entendu en ayant omis d’apprécier son argumentation selon laquelle la Commission aurait dû prendre en compte, au considérant 171 de la décision litigieuse, non seulement les avantages résultant de l’émission de titres «supplémentaires» d’une valeur de 380 millions d’euros, mais également ceux liés à l’émission de titres d’une valeur de 320 millions d’euros. En outre, il soutient qu’il aurait attiré l’attention du Tribunal sur cette argumentation dans ses observations sur le rapport d’audience étant donné que celle-ci n’y figurait pas.

102    Or, dès lors que la prise en considération des avantages liés à l’émission de titres d’une valeur de 320 millions d’euros respectivement pour le consortium et pour GRAWE ferait disparaître tout élément d’aide dans la vente de BB à GRAWE, l’appréciation de cet argument aurait dû aboutir à l’annulation de la décision litigieuse. En effet, en fonction de leur différence de notation et donc de leurs classes de risque, le consortium aurait bénéficié, du fait de ladite émission de titres, d’un avantage de refinancement d’au moins 43,5 millions d’euros, alors que cet avantage n’aurait été que de 3,52 à 8,32 millions d’euros pour GRAWE.

103    Le Land Burgenland précise que les points 171 et 172 de l’arrêt Burgenland ne sauraient être considérés comme comportant une appréciation de ladite argumentation, étant donné qu’ils la méconnaissent et que, de plus, ledit point 171 est entaché d’un défaut de motivation.

104    Le Land Burgenland ajoute que l’appréciation par le Tribunal, aux points 168 à 172 de l’arrêt Burgenland, du reste de son argumentation relative au huitième moyen de recours est fondée sur une motivation et une appréciation juridique insuffisantes, une méconnaissance des preuves qu’il a fournies, une contradiction avec les constatations figurant au point 148 de la décision litigieuse et une omission de vérifier si celle-ci était fondée sur une prise en compte de l’ensemble des éléments de preuve pertinents.

105    GRAWE, par le troisième moyen de son pourvoi, prétend qu’elle avait fait valoir en première instance que, en fonction de leur différence de notation et donc des classes de risque dont elle-même et le consortium relevaient, ce dernier a bénéficié, du fait de ladite émission de titres d’une valeur de 320 millions d’euros, d’un avantage de refinancement de 42,5 millions d’euros, alors que l’avantage que GRAWE a tiré de l’émission de l’ensemble des titres d’une valeur de 700 millions d’euros n’a été que de 1,6 million d’euros, de sorte que le prix d’achat offert par les deux concurrents aurait dû être ajusté de 40,8 millions d’euros en faveur de GRAWE. Or, dans l’arrêt GRAWE, le Tribunal aurait omis d’apprécier cette argumentation.

106    Selon GRAWE, cette omission ne saurait être justifiée par le fait que l’émission de titres d’un montant de 320 millions d’euros était connue par le consortium et par GRAWE, de sorte qu’ils pouvaient en tenir compte dans leurs offres respectives. En effet, la Commission et le Tribunal ayant considéré que les avantages résultant de l’Ausfallhaftung ne pouvaient pas être appréciés dans le cadre du critère de l’investisseur privé, ils auraient donc dû être appréciés séparément afin de préserver la cohérence du raisonnement.

107    La Commission considère que l’argumentation du Land Burgenland et de GRAWE est irrecevable, car ni la requête du recours introduit devant le Tribunal par le Land Burgenland ni celle de GRAWE ne contenaient un moyen d’annulation concernant l’évaluation des émissions privilégiées à hauteur de 320 millions d’euros. Ainsi, les observations formulées sur le rapport d’audience auraient visé à introduire un moyen nouveau qui serait irrecevable.

108    À titre subsidiaire, cette institution fait valoir que ladite argumentation n’est pas fondée.

109    En tout état de cause, une appréciation par le Tribunal de l’argumentation du Land Burgenland et de GRAWE n’aurait pas pu aboutir à une modification du dispositif des arrêts Burgenland et GRAWE. En effet, l’émission de titres d’un montant de 320 millions d’euros ayant été connue du consortium et de GRAWE, ces derniers en auraient tenu compte dans leurs offres respectives.

 Appréciation de la Cour

110    En premier lieu, il ressort du dossier de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Burgenland que, si l’argumentation du Land Burgenland concernant l’émission de titres d’un montant de 320 millions d’euros ne figure pas dans la requête en tant que branche distincte du huitième moyen du recours introduit par ce dernier, elle est néanmoins présente dans ce moyen. Or, à la suite des précisions sur le rapport d’audience apportées par le Land Burgenland, la présence et la portée de cette argumentation, qui figurait déjà dans la requête, ne pouvaient faire de doute. Dès lors, contrairement à ce que prétend la Commission, lesdites précisions ne sauraient être considérées comme constituant un moyen nouveau qui serait irrecevable.

111    En outre, il ressort du dossier de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt GRAWE que ladite argumentation figurait de manière suffisamment claire dans le recours de GRAWE.

112    Il s’ensuit que le Tribunal aurait dû examiner cette argumentation tant dans l’arrêt Burgenland que dans l’arrêt GRAWE. Toutefois, contrairement à ce que prétend la Commission, les arrêts Burgenland et GRAWE ne font pas ressortir que le Tribunal ait procédé à une telle appréciation.

113    En l’espèce, il y a lieu, dès lors, d’examiner ladite argumentation qui est reproduite, en substance, par le Land Burgenland et GRAWE respectivement dans les premier et troisième moyens de leurs pourvois.

114    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il a été constaté, au point 99 du présent arrêt, que le Tribunal a considéré à bon droit que le vendeur privé en économie de marché optera en principe, lorsqu’elle a valeur d’engagement et qu’elle est crédible, pour l’offre d’achat la plus élevée, indépendamment des raisons qui ont conduit l’acheteur potentiel à proposer ladite offre. En effet, dans la perspective d’un tel vendeur privé, les raisons qui conduisent un soumissionnaire donné à présenter une offre d’un certain montant ne sont pas déterminantes.

115    En l’espèce, il est constant que l’émission de titres pour un montant de 320 millions d’euros était connue tant du consortium que de GRAWE et que, par conséquent, ces derniers en ont tenu compte dans leurs offres respectives. Or, étant donné que, eu égard à ce qui a été rappelé au point précédent, il n’y a pas lieu de procéder à un examen des raisons qui ont conduit l’acheteur potentiel à proposer l’offre d’achat la plus élevée, il en résulte que, en tout état de cause, l’argumentation relative à une telle émission de titres ne saurait prospérer.

116    En particulier, ainsi que l’a relevé à bon droit la Commission, tout élément des conditions de privatisation d’une entreprise publique étant susceptible de présenter des avantages et des désavantages distincts pour chacun des différents soumissionnaires, l’analyse à laquelle se réfèrent le Land Burgenland et GRAWE ne saurait, en l’espèce, se limiter aux seuls effets de l’émission des titres pour un montant de 320 millions d’euros, mais devrait porter également, par exemple, sur les avantages fiscaux que pouvaient tirer certains des soumissionnaires d’un report fiscal des pertes de BB. Or, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une telle analyse détaillée et différenciée pour chaque soumissionnaire.

117    En effet, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une entreprise est rachetée au prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence était prêt à payer pour cette société dans la situation où elle se trouvait, elle a été évaluée à tout égard au prix du marché et l’acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d’un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché (voir, en ce sens, arrêts précités Banks, point 77, et du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, point 80).

118    En second lieu, s’agissant des prétentions du Land Burgenland concernant l’appréciation par le Tribunal de son argumentation concernant l’émission de titres d’un montant de 380 millions d’euros, d’une part, il ressort du point 165 de l’arrêt Burgenland que le Tribunal a tenu compte de l’ensemble de l’argumentation du Land Burgenland à cet égard et qu’il a, en particulier, fait référence aux éléments de preuve sur lesquels ce dernier se fonde dans le cadre de son pourvoi.

119    D’autre part, il ressort du point 170 de l’arrêt Burgenland que le Tribunal a rejeté cette argumentation en estimant que, malgré ces éléments, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, fonder sa conclusion sur les éléments figurant dans la décision litigieuse.

120    Dès lors, force est de constater, tout d’abord, que ladite motivation permet au Land Burgenland de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté cette argumentation et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel. Ensuite, cette motivation ne comporte ni une appréciation juridique insuffisante, ni une méconnaissance des preuves fournies par le Land Burgenland, non plus qu’une omission de vérifier si la Commission avait fondé la décision litigieuse sur une prise en compte de l’ensemble des éléments de preuve pertinents. Enfin, la lecture, en particulier, de la première phrase dudit point 170 ne permet pas de constater l’existence d’une prétendue contradiction entre celui-ci et les constatations figurant au point 148 de la décision litigieuse.

121    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen du pourvoi du Land Burgenland et le troisième moyen du pourvoi de GRAWE doivent être écartés comme étant non fondés.

122    Aucun des moyens invoqués par le Land Burgenland, la République d’Autriche et GRAWE au soutien de leurs pourvois ne pouvant être accueilli, ceux-ci doivent être rejetés.

 Sur les dépens

123    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

124    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Land Burgenland, de la République d’Autriche ainsi que de GRAWE et ceux-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

125    Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu dudit article 184, paragraphe 1, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Partant, il convient de décider que la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      Le Land Burgenland, Grazer Wechselseitige Versicherung AG et la République d’Autriche sont condamnés aux dépens.

3)      La République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.