Language of document : ECLI:EU:T:2016:479

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

15 septembre 2016 (*)

« REACH – Redevance due pour l’enregistrement d’une substance – Réduction accordée aux micro-, petites et moyennes entreprises – Erreur dans la déclaration relative à la taille de l’entreprise – Recommandation 2003/361/CE – Décision imposant un droit administratif – Détermination de la taille de l’entreprise – Pouvoir de l’ECHA – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑620/13,

Marchi Industriale SpA, établie à Florence (Italie), représentée par Mes M. Baldassarri et F. Donati, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée initialement par Mmes M. Heikkilä, A. Iber, E. Bigi, MM. J.-P. Trnka et E. Maurage, puis par Mmes Heikkilä, Bigi, MM. Trnka et Maurage, en qualité d’agents, assistés de Me C. Garcia Molyneux, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SME(2013) 3747 de l’ECHA, du 19 septembre 2013, constatant que la requérante ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui imposant un droit administratif et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des factures émises par l’ECHA à la suite de l’adoption de la décision SME(2013) 3747,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 décembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les 20, 22, 23 et 25 novembre 2010, la requérante, Marchi Industriale SpA, a procédé à l’enregistrement de plusieurs substances au titre du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).

2        Lors de la procédure d’enregistrement, la requérante a indiqué qu’elle était une « moyenne entreprise », au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36). Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction de la redevance due pour toute demande d’enregistrement, telle qu’elle est prévue à l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. Conformément à l’article 74, paragraphe 1, du même règlement, ladite redevance a été définie par le règlement (CE) no 340/2008 de la Commission, du 16 avril 2008, relatif aux redevances et aux droits dus à l’Agence européenne des produits chimiques en application du règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 107, p. 6). L’annexe I du règlement no 340/2008 contient notamment les montants des redevances dues pour les demandes d’enregistrement soumises en vertu de l’article 6 du règlement no 1907/2006 ainsi que les réductions accordées aux micro-, petites et moyennes entreprises. Par ailleurs, selon l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008, lorsqu’une personne physique ou morale qui prétend pouvoir bénéficier d’une réduction ou d’une exemption de redevance ne peut démontrer qu’elle a droit à une telle réduction ou exemption, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) perçoit la redevance ou le droit intégral ainsi qu’un droit administratif. À cet égard, le conseil d’administration de l’ECHA a adopté, le 12 novembre 2010, la décision MB/D/29/2010 concernant la classification des services pour lesquels des droits sont perçus (ci-après la « décision MB/D/29/2010 »). Il est indiqué à l’article 2 et dans le tableau 1 figurant en annexe de cette décision, telle que modifiée par la décision MB/21/2012/D du conseil d’administration de l’ECHA, du 12 février 2013, que le droit administratif visé à l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008 est de 19 900 euros pour une grande entreprise, de 13 900 euros pour une moyenne entreprise et de 7 960 euros pour une petite entreprise.

3        Les 20, 22, 23 et 25 novembre 2010, l’ECHA a émis six factures, d’un montant de 16 275 euros chacune. Ce montant correspondait, selon l’annexe I du règlement no 340/2008 telle qu’applicable au moment des faits, à la redevance due par une moyenne entreprise, dans le cadre d’une soumission conjointe, pour une quantité de substances supérieure à 1 000 tonnes.

4        Le 24 août 2012, la requérante a été invitée par l’ECHA à fournir un certain nombre de documents aux fins de vérifier la déclaration par laquelle elle avait indiqué être une moyenne entreprise.

5        Le 19 septembre 2013, après des échanges de documents et de courriers électroniques, l’ECHA a adopté la décision SME(2013) 3747 (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, l’ECHA a considéré que la requérante devait être considérée comme étant une grande entreprise et qu’elle devait s’acquitter de la redevance correspondante. Dans ces conditions, l’ECHA a informé la requérante qu’elle allait lui adresser des factures couvrant la différence entre les redevances payées initialement et les redevances finalement dues ainsi qu’une facture de 19 900 euros pour paiement du droit administratif.

6        Le 10 octobre 2013, la requérante a formé, au titre des articles 91 et 92 du règlement no 1907/2006, un recours contre la décision attaquée devant la chambre de recours de l’ECHA.

7        Le 2 avril 2014, la chambre de recours de l’ECHA a décidé de suspendre la procédure devant elle, dans l’attente d’une décision du Tribunal dans la présente affaire.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2013, la requérante a introduit le présent recours. Ce recours fait partie d’une série d’affaires connexes.

9        La première affaire de cette série d’affaires connexes a fait l’objet de l’arrêt d’annulation du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849).

10      Le 8 janvier 2015, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, les parties ont été invitées à présenter leurs observations quant à la pertinence éventuelle de l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), sur le présent litige et à répondre à une question. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

11      Le 16 octobre 2015, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à une question et à produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

12      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 décembre 2015.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler et donc de déclarer invalide la décision attaquée et, par conséquent, de priver ladite décision de tout effet, y compris en annulant les factures émises pour la récupération de redevances supérieures et au titre de sanctions prétendument dues.

14      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à son chef de conclusions visant à l’annulation des factures émises en exécution de la décision attaquée, ce dont il a été pris acte.

15      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal

16      L’ECHA souligne que la chambre de recours est incompétente pour connaître du présent litige, dont elle a également été saisie, dans la mesure où la décision attaquée ne figure pas parmi les décisions susceptibles de recours devant elle.

17      La requérante indique que le présent recours n’implique aucune renonciation de sa part au recours qu’elle a introduit devant la chambre de recours de l’ECHA. La requérante a également précisé, lors de l’audience, qu’elle considérait que le Tribunal était compétent pour connaître du présent litige.

18      Il y a lieu de rappeler que l’article 94, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 dispose que « [l]e Tribunal […] ou la Cour de justice peuvent être saisis, conformément à l’article [263 TFUE], d’une contestation d’une décision de la chambre de recours ou, dans les cas où il n’existe pas de droit de recours auprès de la chambre de recours, d’une décision de [l’ECHA] ».

19      À cet égard, l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 prévoit que « [l]es décisions prises par [l’ECHA] au titre des articles 9 et 20, de l’article 27, paragraphe 6, de l’article 30, paragraphes 2 et 3, ainsi que de l’article 51 [du règlement no 1907/2006] peuvent faire l’objet de recours » devant la chambre de recours.

20      Or, la décision attaquée n’a pas été prise au titre des dispositions qui sont visées par l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, mais au titre de l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008 et des articles 2 et 4 de la décision MB/D/29/2010. Il convient également de souligner que ni le règlement no 340/2008 ni la décision MB/D/29/2010 n’ont été adoptés en application des dispositions visées par l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

21      En outre, il y a lieu de relever que les dispositions des articles 9, 27, 30 et 51 du règlement no 1907/2006, visés par l’article 91, paragraphe 1, du même règlement, concernent des décisions qui n’ont pas de lien avec la redevance devant être payée par les entreprises déclarantes.

22      Quant à l’article 20 du règlement no 1907/2006, il vise les « missions de [l’ECHA] ». Le paragraphe 5 de cet article prévoit que « [l]es décisions prises par [l’ECHA] au titre du paragraphe 2 [dudit] article peuvent faire l’objet de recours conformément aux dispositions des articles 91, 92 et 93 » du règlement no 1907/2006. Le paragraphe 2 du même article concerne le contrôle effectué par l’ECHA en ce qui concerne le « caractère complet » de chaque enregistrement, en ce compris le paiement de la redevance. Il convient toutefois de relever que ce contrôle « n’inclut pas d’évaluation de la qualité ou du caractère approprié des données ou des justifications soumises ». Par ailleurs, l’article 20, paragraphe 2, troisième et quatrième alinéas, du règlement no 1907/2006 prévoit que, si l’enregistrement « n’est pas complet » et que le déclarant « ne le complète pas dans le délai fixé », l’ECHA « refuse l’enregistrement ». Or, en l’espèce, outre le fait que la décision attaquée n’est pas fondée sur l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, elle ne procède pas du refus d’enregistrement des substances en cause.

23      Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours, et ce nonobstant le recours contre la décision attaquée également introduit par la requérante devant la chambre de recours de l’ECHA (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2015, Calestep/ECHA, T‑89/13, EU:T:2015:711, points 16 à 22).

 Sur le fond

24      La requérante invoque deux moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée. Le second moyen est tiré, en substance, d’une erreur d’appréciation des faits de l’espèce.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée

25      La requérante soutient que, malgré les observations circonstanciées et documentées qu’elle aurait formulées, l’ECHA n’aurait pas tenu compte de ses arguments. En particulier, l’ECHA n’aurait pas pris en compte les précisions apportées par la requérante par sa lettre du 8 juillet 2013. La requérante soutient qu’elle n’est pas en mesure de comprendre le raisonnement suivi par l’ECHA pour adopter la décision attaquée. Le renvoi par l’ECHA dans ses écritures à la lettre du 5 septembre 2013 ne modifierait pas cette conclusion. En particulier, la requérante fait valoir que, dans sa lettre du 8 juillet 2013, elle a précisé qu’il ne fallait pas tenir compte des données relatives à Esseco Group Srl. Or, l’ECHA n’aurait pas répondu dans sa lettre du 5 septembre 2013 aux arguments de la requérante. Par ailleurs, le renvoi dans la décision attaquée à un nombre important d’annexes rendrait difficile la compréhension du raisonnement suivi par l’ECHA.

26      L’ECHA conteste les arguments de la requérante.

27      Il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité. Par ailleurs, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, points 93 et 94 et jurisprudence citée).

28      Par ailleurs, il y a lieu de relever que tant le règlement no 1907/2006, dans son article 3, que le règlement no 340/2008, dans son considérant 9 et son article 2, renvoient à la recommandation 2003/361 aux fins de définir les micro-, petites et moyennes entreprises.

29      La recommandation 2003/361 contient une annexe, dont le titre I concerne la « [d]éfinition des micro[-], petites et moyennes entreprises adoptée par la Commission ». L’article 2 sous ledit titre s’intitule « Effectif et seuils financiers définissant les catégories d’entreprises ».

30      Dans le cas d’une entreprise autonome, c’est-à-dire d’une entreprise qui n’est pas qualifiée d’« entreprise partenaire » ou d’« entreprise liée » au sens de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de l’annexe de la recommandation 2003/361, la détermination des données, y compris l’effectif, s’effectue uniquement sur la base des comptes de cette entreprise, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de ladite annexe.

31      Dans le cas d’une entreprise ayant des entreprises partenaires ou liées, la détermination des données, y compris l’effectif, s’effectue sur la base des comptes et autres données de l’entreprise ou, s’ils existent, des comptes consolidés de l’entreprise ou des comptes consolidés dans lesquels l’entreprise est reprise par consolidation, conformément à l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361. En vertu de l’article 6, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, de l’annexe de la recommandation 2003/361, il y a lieu d’ajouter à ces données, d’une part, les données des entreprises partenaires (situées immédiatement en amont ou en aval de l’entreprise considérée) proportionnellement au pourcentage de participation au capital ou au pourcentage des droits de vote, en retenant le plus élevé de ces deux pourcentages, et, d’autre part, 100 % des données des entreprises directement ou indirectement liées à l’entreprise considérée et qui n’ont pas déjà été reprises dans les comptes par consolidation.

32      Pour l’application de l’article 6, paragraphe 2, de l’annexe de la recommandation 2003/361, les données des entreprises partenaires de l’entreprise considérée résultent des comptes et autres données, consolidés s’ils existent, auxquelles sont ajoutées 100 % des données des entreprises liées à ces entreprises partenaires, sauf si leurs données ont été déjà reprises par consolidation, et ce en vertu de l’article 6, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361. Quant aux données des entreprises liées à l’entreprise considérée, elles résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s’ils existent. À celles-ci sont agrégées proportionnellement les données des éventuelles entreprises partenaires de ces entreprises liées, situées immédiatement en amont ou en aval de celles-ci, si elles n’ont pas déjà été reprises dans les comptes consolidés, dans une proportion au moins équivalente au pourcentage de participation au capital ou à celui des droits de vote, en retenant le plus élevé de ces deux pourcentages, et ce en vertu de l’article 6, paragraphe 3, second alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361.

33      En l’espèce, l’ECHA a retenu dans la décision attaquée que la requérante avait un effectif égal ou supérieur à 250 personnes, un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros et un bilan annuel supérieur à 43 millions d’euros. Sur cette base, l’ECHA a considéré que la requérante ne pouvait pas être qualifiée de moyenne entreprise.

34      Le calcul de l’ECHA était détaillé dans un rapport annexé à la décision attaquée. Dans ce rapport, l’ECHA a repris les données des entreprises qualifiées de « liées » (Crosfield Italia Srl) et de « partenaires » (Marfin Srl et Esseco Group) et les a agrégées par la suite, en totalité ou en partie, aux données de la requérante. S’agissant des entreprises qualifiées de « partenaires », l’ECHA a notamment pris en compte 49,9995 % des données d’Esseco Group. La prise en compte des données d’Esseco Group a été contestée par la requérante dans une lettre adressée à l’ECHA le 8 juillet 2013.

35      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler les liens entretenus par la requérante au moment des faits avec d’autres entreprises. La requérante était tout d’abord liée à Crosfield Italia, dans la mesure où elle détenait la majorité du capital social de cette entreprise. La requérante était ensuite partenaire de Marfin (qui détenait entre 25 % et 50 % de son capital social) et d’Essemar SpA (dont la requérante détenait entre 25 % et 50 % du capital social). Par ailleurs, Essemar était, selon l’ECHA, liée à Esseco Group, dans la mesure où cette dernière entreprise détenait formellement une majorité du capital social et, donc, des droits de vote des actionnaires de la première, ce que la requérante a reconnu lors de l’audience.

36      En premier lieu, s’agissant de la prise en compte des données de Crosfield Italia et de Marfin, le rapport annexé à la décision attaquée permettait à la requérante de connaître les justifications de ladite décision, compte tenu notamment des dispositions pertinentes de la recommandation 2003/361. En particulier, il résulte clairement de ces dispositions et des éléments du cas d’espèce que l’ECHA a tenu compte de l’intégralité des données de Crosfield Italia, dans la mesure où cette entreprise était liée à la requérante (en application de l’article 6, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361), et des données au prorata de Marfin, dans la mesure où cette entreprise était partenaire de la requérante (en application de l’article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361). La requérante ne conteste d’ailleurs pas spécifiquement la prise en compte des données de ces entreprises dans le cadre du présent recours.

37      En second lieu, s’agissant de la prise en compte des données d’Esseco Group, qui a été contestée par la requérante durant la procédure administrative et qui fait plus particulièrement l’objet du présent recours, l’ECHA a précisé à la requérante, dans une lettre du 5 septembre 2013, qu’Esseco Group était liée à Essemar, laquelle était une entreprise partenaire de la requérante. L’ECHA a également mentionné les raisons pour lesquelles elle considérait qu’Esseco Group était liée à Essemar. L’ECHA, avant d’exposer qu’il fallait tenir compte du fait que les données d’Essemar étaient incluses dans les comptes consolidés d’Esseco Group, a en outre indiqué, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 2003/361, ce qui suit :

« [L]es données de l’entreprise partenaire [en l’occurrence Essemar] de l’entreprise concernée [en l’occurrence la requérante] résultent des comptes et autres données, consolidés s’ils existent. À celles-ci sont ajoutés 100 % des données des entreprises liées à cette entreprise partenaire [Esseco Group], sauf si leurs données ont été déjà reprises par consolidation. En conséquence, dès lors que, dans votre cas, Esseco Group était liée à Essemar qui est une entreprise partenaire de [la requérante], les données d’Esseco Group doivent être prises en considération au moment d’établir les données globales de [la requérante]. »

38      Il résulte de ces éléments que la requérante était en mesure de connaître les motifs ayant guidé l’ECHA lors du calcul de sa taille et, notamment, en ce qui concernait la prise en compte des données d’Esseco Group. En particulier, la requérante était en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles l’ECHA avait considéré qu’Esseco Group était une entreprise liée à Essemar. Par ailleurs, la requérante était en mesure de comprendre que les données d’Esseco Group avaient été prises en compte pour le calcul de sa taille dès lors qu’Esseco Group était, selon l’ECHA, une entreprise liée à une entreprise partenaire de la requérante (Essemar). La requérante était également en mesure de comprendre que, pour tenir compte des données d’Esseco Group, l’ECHA avait décidé d’appliquer l’article 6, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 2003/361 qui prévoit que « les données des entreprises partenaires de l’entreprise considérée résultent des comptes et autres données, consolidés s’ils existent, auxquelles sont ajoutées 100 % des données des entreprises liées à ces entreprises partenaires, sauf si leurs données ont été déjà reprises par consolidation ». Enfin, dès l’instant où les comptes consolidés d’Esseco Group incluaient, selon l’ECHA, les données d’Essemar, la requérante était en mesure de comprendre que la prise en compte des données d’Esseco Group à hauteur de 49,9995 % reflétait, d’une part, la prise en compte des données d’Essemar à hauteur de la détention du capital social par la requérante et, d’autre part, la prise en compte des données d’Esseco Group (également à hauteur de la détention du capital social d’Essemar par la requérante).

39      Dès lors, sans préjudice des arguments développés par la requérante dans le cadre de son second moyen, il convient de considérer que la décision attaquée respecte l’exigence de motivation prévue par l’article 296 TFUE.

40      En conséquence, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des faits

41      Selon la requérante, l’ECHA aurait considéré à tort qu’Esseco Group et elle-même étaient des entreprises partenaires. Les données d’Esseco Group auraient donc été prises en compte aux fins de la détermination de la taille de la requérante. Or, Esseco Group n’aurait aucun rapport, même indirect, avec la requérante. Renvoyant à la législation italienne appliquant la recommandation 2003/361, la requérante relève qu’Esseco Group détient une part majoritaire du capital social d’Essemar, la part restante étant détenue par elle. Esseco Group n’aurait toutefois pas la majorité des droits de vote dans Essemar, en vertu d’accords écrits conclus entre les associés de celle-ci. Ni Esseco Group, ni Essemar n’exerceraient de droits de vote au sein de la requérante. En conséquence, les données d’Esseco Group n’auraient pas dû être prises en compte aux fins de la détermination de la taille de la requérante. Seules les données d’Essemar, qui serait une entreprise partenaire de la requérante, auraient pu être prises en compte. Dans ce contexte, la requérante n’aurait pas dû être qualifiée de grande entreprise par l’ECHA.

42      Dans la réplique, la requérante indique que l’interprétation retenue par l’ECHA dans la défense, même s’il était possible de lui reconnaître un fondement sur la base de la lettre de la disposition en cause, est déraisonnable. En effet, cette interprétation aboutirait à tenir compte de données d’entreprises qui ne sont pas détenues, même indirectement, par l’entreprise concernée. Selon la requérante, il conviendrait d’interpréter les dispositions en cause comme signifiant que les données de l’entreprise concernée doivent être agrégées, proportionnellement au pourcentage de participation, aux données des entreprises possédées par les entreprises partenaires ou liées à l’entreprise concernée et non aux données des entreprises qui à leur tour détiennent des participations dans les entreprises partenaires ou liées à l’entreprise concernée. Sans préjudice de cette interprétation, la requérante rappelle qu’Esseco Group ne dispose pas de la majorité des droits de vote dans Essemar. À titre subsidiaire, la requérante soutient que, pour déterminer sa taille, l’ECHA aurait commis une erreur en décidant d’ajouter 100 % des données d’Esseco Group. L’ECHA aurait dû se limiter à ajouter les données d’Esseco Group à celles d’Essemar, puis à les agréger à celles de la requérante proportionnellement au capital détenu par celle-ci dans Essemar.

43      L’ECHA conteste les arguments de la requérante.

44      Premièrement, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas la constatation de l’ECHA selon laquelle Essemar et elle-même sont des entreprises « partenaires », au sens de l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe de la recommandation 2003/361.

45      Deuxièmement, il est certes exact que l’ECHA a évoqué, dans le rapport annexé à la décision attaquée, les entreprises partenaires de la requérante, en y incluant Esseco Group, alors même que cette entreprise n’était pas partenaire de la requérante, au sens de la recommandation 2003/361. Toutefois, il résulte également de la lettre de l’ECHA du 5 septembre 2013 que les termes de l’article 6, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361 étaient repris et que cette disposition a été appliquée au cas d’espèce.

46      Troisièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du rapport annexé à la décision attaquée que les données d’Esseco Group n’ont été prises en compte que de façon proportionnelle à la part détenue par la requérante dans le capital d’Essemar. La requérante reconnaît d’ailleurs, dans la réplique, qu’une telle agrégation proportionnelle était possible.

47      Quatrièmement, s’agissant des arguments développés par la requérante selon lesquels Esseco Group n’aurait pas la majorité des droits de vote dans Essemar, ils ne reposent sur aucun élément circonstancié. En particulier, il ressort des éléments versés aux débats que, par acte du 30 mars 2004, Esseco Group et la requérante ont décidé de créer une entreprise commune, à savoir Essemar, chaque partie disposant de la moitié du capital social de cette entreprise. Il ressort également d’une convention écrite du 9 novembre 2006 entre Esseco Group et la requérante que, d’une part, la requérante a cédé 0,0005 % du capital social d’Essemar à Esseco Group et que, d’autre part, la requérante dispose d’un droit d’option pour acquérir 0,0005 % du capital social d’Essemar. Il résulte de ces éléments qu’Esseco Group disposait, au moment de l’enregistrement des substances auprès de l’ECHA, de la majorité du capital social d’Essemar, à savoir 50,0005 %, ce que la requérante a reconnu durant l’audience. Par ailleurs, aucun élément ne permet de considérer qu’Esseco Group ne disposait pas de la majorité des droits de vote dans Essemar. Le fait que la requérante dispose d’un droit d’option pour acquérir 0,0005 % du capital social d’Essemar ne saurait modifier cette conclusion, dès lors que l’option en cause n’a pas été exercée. La requérante a d’ailleurs reconnu, durant l’audience, que, compte tenu de la détention de la majorité du capital social d’Essemar, Esseco Group disposait formellement de la majorité des droits de vote au sein de cette entreprise.

48      Cinquièmement, s’agissant de l’interprétation faite par la requérante de l’annexe de la recommandation 2003/361 et, en particulier, de son article 6, elle s’écarte manifestement du sens habituel des mots employés par ladite recommandation et ne saurait, dès lors, être retenue (voir, par analogie, arrêt du 1er octobre 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑209/96, EU:C:1998:448, point 35 et jurisprudence citée).

49      Compte tenu de ce qui précède, aucun des éléments avancés par la requérante ne permet de considérer que l’ECHA aurait commis une erreur en appréciant sa taille.

50      En conséquence, il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Marchi Industriale SpA est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.