Language of document : ECLI:EU:T:2011:605

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

19 octobre 2011(*)

« Inexécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement d’État – Astreinte – Adoption, par l’État membre, de certaines mesures – Demande de paiement – Compétence de la Commission – Compétence du Tribunal »

Dans l’affaire T‑139/06,

République française, représentée initialement par Mme E. Belliard, M. G. de Bergues et Mme S. Gasri, puis par Mme Belliard, MM. de Bergues et B. Cabouat, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. van Rijn, Mmes K. Banks et F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mmes S. Behzadi-Spencer, T. Harris et C. Murrell en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2006) 659 final de la Commission, du 1er mars 2006, portant demande de paiement des astreintes dues en exécution de l’arrêt de la Cour du 12 juillet 2005, Commission/France (C‑304/02, Rec. p. I‑6263),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. E. Moavero Milanesi, président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Par arrêt du 11 juin 1991, Commission/France (C‑64/88, Rec. p. I‑2727, ci-après l’« arrêt du 11 juin 1991 »), la Cour a déclaré et arrêté ce qui suit :

« La République française, en n’assurant pas, de 1984 à 1987, un contrôle garantissant le respect des mesures techniques communautaires pour la conservation des ressources de pêche, prévues par le règlement (CEE) n° 171/83 du Conseil, du 25 janvier 1983, ainsi que par le règlement (CEE) n° 3094/86 du Conseil, du 7 octobre 1986, a manqué aux obligations imposées par l’article 1er du règlement (CEE) n° 2057/82 du Conseil, du 29 juin 1982, établissant certaines mesures de contrôle à l’ égard des activités de pêche exercées par les bateaux des États membres, ainsi que par l’article 1er du règlement (CEE) n° 2241/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, établissant certaines mesures de contrôle à l’égard des activités de pêche. »

2        Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 août 2002, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 228 CE, un recours visant à faire constater que la République française ne s’était pas conformée aux obligations imposées par l’arrêt du 11 juin 1991 et à obtenir sa condamnation au paiement d’une astreinte.

3        Par arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France (C‑304/02, Rec. p. I‑6263, ci-après l’« arrêt du 12 juillet 2005 »), la Cour a déclaré et arrêté ce qui suit :

« 1)      En n’assurant pas un contrôle des activités de pêche conforme aux exigences prévues par les dispositions communautaires, et en n’assurant pas que les infractions à la réglementation des activités de pêche soient poursuivies conformément aux exigences prévues par les dispositions communautaires, la République française n’a pas mis en œuvre toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 11 juin 1991 […], et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228 CE.

2)      La République française est condamnée à payer à la Commission des Communautés européennes, sur le compte ‘Ressources propres de la Communauté européenne’, une astreinte de 57 761 250 euros pour chaque période de six mois à compter du prononcé du présent arrêt au terme de laquelle l’arrêt du 11 juin 1991, [...], n’a pas encore été exécuté pleinement.

3)      La République française est condamnée à payer à la Commission des Communautés européennes, sur le compte ‘Ressources propres de la Communauté européenne’, une somme forfaitaire de 20 000 000 euros.

4)      La République française est condamnée aux dépens. »

4        Par la note JUR JM 1128/2005, du 29 juillet 2005, les autorités françaises ont informé la Commission des mesures qu’elles avaient prises depuis 2003 concernant le renforcement des contrôles en matière de politique commune de la pêche, s’agissant en particulier du contrôle de la taille réglementaire des prises, en lui communiquant les plans de contrôle des pêches pour les années 2004 et 2005.

5        La Commission a répondu aux autorités françaises par la note FISH/D/3/AC/mrh D(2005) 10572, du 28 septembre 2005, dans laquelle elle indiquait que les éléments d’information ainsi fournis ne lui permettaient pas de constater la pleine exécution de l’arrêt du 12 juillet 2005. Par cette même note, la Commission demandait en outre aux autorités françaises de lui faire parvenir, dans les meilleurs délais, certaines informations qu’elle estimait nécessaires pour évaluer le degré d’exécution de cet arrêt.

6        Les autorités françaises ont répondu à cette demande par la note JUR SJ 1808/05, du 15 décembre 2005.

7        La Commission a estimé que ces réponses étaient incomplètes et a donc précisé aux autorités françaises, par la note FISH/D/3/AC/mhr D(2005), du 23 décembre 2005, les documents qu’elles devaient lui adresser.

8        Les autorités françaises ont répondu à la Commission par la note JUR SJ 42/06, du 16 janvier 2006.

9        En outre, la Commission a diligenté, d’octobre à décembre 2005, cinq inspections, dont trois inopinées. Les rapports de ces inspections ont été transmis aux autorités françaises les 21 et 23 décembre 2005.

10      Les autorités françaises ont présenté leurs observations sur ces rapports par la note JUR SJ 43/06, du 16 janvier 2006.

11      Par la note JUR SJ 212/06, du 15 février 2006, les autorités françaises ont actualisé les données transmises à la Commission par leurs précédentes notes.

12      Par ailleurs, deux réunions se sont tenues entre les services de la Commission et les autorités françaises, les 18 juillet et 12 octobre 2005.

13      Enfin, la Commission a procédé à deux nouvelles inspections entre le 7 et le 9 février 2006.

14      Les rapports d’inspection ont été transmis aux autorités françaises le 21 février 2006, lesquelles ont réagi auxdits rapports par la note AGRAP‑RP/162/06, datée du 7 mars 2006, mais adressée à la Commission par voie électronique dès le 24 février 2006.

15      La Commission a estimé que la République française n’avait pas exécuté pleinement l’arrêt du 12 juillet 2005 et, en conséquence, lui a notifié, le 2 mars 2006, la décision C (2006) 659 final, du 1er mars 2006, portant demande de paiement de la somme de 57 761 250 euros en exécution dudit arrêt (ci‑après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2006, la République française a introduit le présent recours.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2006, le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 12 octobre 2006, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Royaume‑Uni a déposé son mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

18      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

19      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, invité les parties à répondre par écrit, avant l’audience, à une question portant sur l’influence éventuelle de l’arrêt du Tribunal du 29 mars 2011, Portugal/Commission (T‑33/09, non encore publié au Recueil), sur le présent litige. Les parties, à l’exception du Royaume‑Uni qui n’y a pas participé, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 mai 2011.

20      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’astreinte ;

–        condamner la Commission aux dépens ou, au cas où le Tribunal réduirait le montant de l’astreinte, condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la République française ;

–        condamner la République française aux dépens.

22      Le Royaume‑Uni, intervenant au soutien de la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

23      La République française soulève quatre moyens, tirés de l’incompétence de la Commission à recouvrer l’astreinte, d’une violation des droits de la défense, d’une appréciation erronée des mesures qu’elle a prises pour se conformer aux arrêts de la Cour et du fait que la Commission aurait dû retenir un montant d’astreinte moins élevé.

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de la Commission

24      En substance, la République française considère que les traités n’attribuent pas à la Commission la compétence pour exiger le paiement d’une astreinte au titre de l’article 228 CE et que le seul moyen de procéder est l’introduction par la Commission d’un nouveau recours en manquement sur le fondement de l’article 226 CE.

25      Il convient, à titre liminaire, de constater que le traité CE n’établit pas les modalités d’exécution de l’arrêt que prononce la Cour à l’issue de la procédure prévue par l’article 228 CE, en particulier lorsqu’une astreinte est prononcée (arrêt Portugal/Commission, précité, point 61).

26      Si, certes, les procédures prévues aux articles 226 CE et 228 CE ont la même finalité, à savoir celle d’assurer l’application effective du droit de l’Union, il n’en demeure pas moins qu’elles constituent deux procédures distinctes, avec des objets différents.

27      En effet, la procédure instituée par l’article 226 CE vise à faire constater et à faire cesser le comportement d’un État membre qui viole le droit de l’Union (arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 27, et du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne, C‑456/05, Rec. p. I‑10517, point 25), alors que l’objet de la procédure prévue à l’article 228 CE est beaucoup plus circonscrit, ne visant qu’à inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement (arrêt du 12 juillet 2005, point 80).

28      Il s’ensuit que, une fois que la Cour a constaté, par un arrêt rendu au titre de l’article 226 CE, qu’un État membre a manqué à ses obligations, la poursuite de négociations entre cet État membre et la Commission aura pour objet non plus l’existence du manquement, qui a précisément déjà été constaté par la Cour, mais la question de savoir si les conditions nécessaires à l’introduction d’un recours au titre de l’article 228 CE sont réunies (arrêt de la Cour du 21 septembre 2010, Suède/API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, non publié au Recueil, points 118 à 120).

29      En l’espèce, par l’arrêt du 12 juillet 2005, la Cour a constaté la violation de l’article 228 CE par la République française et l’a condamnée à payer à la Commission, sur le compte « Ressources propres de la Communauté européenne », une astreinte de 57 761 250 euros pour chaque période de six mois à compter du prononcé dudit arrêt au terme de laquelle l’arrêt du 11 juin 1991 n’aura pas été exécuté pleinement.

30      Il ressort du dispositif de l’arrêt du 12 juillet 2005 que la Cour, dans le cadre de la procédure judiciaire spéciale d’exécution des arrêts prévue par l’article 228, paragraphe 2, CE, assimilée à une voie d’exécution (arrêt du 12 juillet 2005, point 92), a déterminé de façon précise tant le montant de l’astreinte que l’autorité administrative chargée de son recouvrement.

31      Dans le respect de la procédure prévue par le traité, à la suite d’un recours de la Commission fondé sur l’article 226 CE, la Cour a condamnée la République française pour manquement, par l’arrêt du 11 juin 1991. À la suite d’un recours de la Commission fondé sur l’article 228 CE, la Cour a constaté le défaut d’exécution de ce premier arrêt et a condamné la République française au paiement d’une astreinte et d’une somme forfaitaire afin de l’inciter à se conformer dès que possible à l’arrêt du 11 juin 1991.

32      Selon les articles 226 CE à 228 CE, la détermination des droits et des obligations des États membres ainsi que le jugement de leur comportement ne peuvent résulter que d’un arrêt de la Cour (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C‑191/95, Rec. p. I‑5449, point 45 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 27 mai 1981, Essevi et Salengo, 142/80 et 143/80, Rec. p. 1413, points 15 et 16). La Cour ayant clairement déterminé les obligations de la République française dans l’arrêt du 12 juillet 2005, il serait contraire à l’esprit du traité et à l’objectif du mécanisme prévu par l’article 228 CE d’imposer à la Commission l’introduction d’un nouveau recours en manquement sur le fondement de l’article 226 CE.

33      Par l’arrêt du 12 juillet 2005, d’une part, la somme forfaitaire à laquelle la République française a été condamnée est devenue immédiatement exigible, du fait qu’elle sanctionne le retard pris par les autorités françaises dans la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, et, d’autre part, le paiement de l’astreinte éventuelle a été soumis à la constatation semestrielle par la Commission de l’absence d’une pleine exécution dudit arrêt. L’arrêt du 12 juillet 2005, dans le cadre de l’article 228 CE, donne compétence à la Commission pour opérer ce constat de façon autonome, la République française ayant la possibilité de contester le constat du défaut d’exécution par un recours en annulation devant le Tribunal, comme cela a été le cas dans la présente affaire. Dans le cadre de ce recours, la République française a la possibilité de démontrer que la Commission a dépassé les limites du mandat donné par la Cour et que des mesures spécifiques ont été adoptées, à la suite de chaque constat semestriel, afin d’assurer la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991 ayant constaté son manquement.

34      De plus, les dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), telles que précisées par le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1), fournissent une base juridique à la décision attaquée, en ce qui concerne les modalités de recouvrement d’une astreinte et d’une somme forfaitaire. En effet, aux termes de l’arrêt du 12 juillet 2005, la République française est condamnée à payer une astreinte et une somme forfaitaire à la Commission, sur le compte « ressources propres de la Communauté européenne ».

35      L’article 274 CE dispose que « [l]a Commission exécute le budget, conformément aux dispositions des règlements pris en exécution de l’article 279 CE ». Par ailleurs, l’article 60 du règlement n° 1605/2002 prévoit que l’ordonnateur est chargé d’exécuter les recettes et, notamment, la constatation des droits à recouvrer et l’émission des ordres de recouvrement. Enfin, l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 2342/2002 précise que la constatation d’une créance par l’ordonnateur est la reconnaissance du droit des Communautés sur un débiteur et l’établissement du titre à exiger de ce débiteur le paiement de sa dette.

36      En l’espèce, l’ordonnateur, c’est-à-dire la Commission, conformément à l’article 59, paragraphe 1, du règlement n° 1605/2002, vérifie l’existence de la dette et, les conditions d’exigibilité de cette dernière étant remplies, en demande le paiement à la République française en exécution de l’arrêt de la Cour.

37      Dans la mesure où un arrêt de la Cour, rendu en vertu de l’article 228, paragraphe 2, CE, condamne un État membre à payer à la Commission, sur le compte « Ressources propres de la Communauté européenne », une astreinte et où, en vertu de l’article 274 CE, la Commission exécute le budget, il appartient à celle-ci de recouvrer les sommes qui seraient dues au budget de l’Union en exécution de l’arrêt, conformément aux dispositions des règlements pris en exécution de l’article 279 CE (arrêt Portugal/Commission, précité, point 62).

38      Il résulte de ce qui précède que la Commission est, en principe, compétente afin d’exiger le paiement d’une astreinte fixée par la Cour et, par conséquent, que le moyen tiré de l’incompétence de la Commission doit être rejeté.

39      Toutefois, la République française a précisé, dans sa réponse à la question du Tribunal et à l’audience, que, si la Commission devait pouvoir apprécier les mesures adoptées par l’État membre pour se conformer à l’arrêt de la Cour, « la Commission [devait] se borner au maximum à un contrôle de l’inexécution manifeste de l’arrêt de la Cour ».

40      À cet égard, il ressort du point 82 de l’arrêt Portugal/Commission, précité, que l’exercice de ce pouvoir d’appréciation par la Commission ne saurait porter atteinte ni aux droits – et, en particulier, aux droits procéduraux – des États membres, tels qu’ils résultent de la procédure établie par l’article 226 CE, ni à la compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la conformité d’une législation nationale avec le droit communautaire. Il convient donc, dans le cadre notamment du troisième moyen soulevé par la République française, tiré de l’appréciation erronée des mesures adoptées, de procéder au contrôle du respect, par la Commission, des limites de son pouvoir d’appréciation posées par les arrêts de la Cour.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

41      La République française reproche à la Commission de ne pas l’avoir mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue, avant l’adoption de la décision attaquée, sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués par celle‑ci. Elle considère que, pour être en mesure de présenter utilement ses observations, la Commission aurait dû lui indiquer les critères qu’elle comptait utiliser pour apprécier si elle avait exécuté pleinement l’arrêt du 12 juillet 2005.

42      Bien que l’article 228 CE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt de la Cour constatant l’existence d’un manquement doit intervenir, il résulte d’une jurisprudence constante que l’intérêt qui s’attache à une application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige que cette exécution soit entamée immédiatement et qu’elle aboutisse dans des délais aussi brefs que possible (voir arrêt de la Cour du 9 décembre 2008, Commission/France, C‑121/07, Rec. p. I‑9159, point 21, et la jurisprudence citée).

43      Il ressort de l’esprit du traité et de l’articulation entre les articles 226 CE et 228 CE qu’un arrêt de la Cour procédant à la constatation d’un manquement ainsi qu’un arrêt subséquent constatant l’absence d’une pleine exécution du premier arrêt doivent être considérés comme un cadre juridique permettant à l’État membre de déterminer avec précision les mesures nécessaires à mettre en œuvre afin de se mettre en conformité avec le droit de l’Union.

44      À la suite de l’arrêt du 12 juillet 2005, la République française aurait dû présenter à la Commission les résultats concrets, résultant des anciennes et des éventuelles nouvelles mesures, permettant de répondre aux griefs retenus par la Cour et démontrant ainsi la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991. Si un dialogue constructif entre un État membre et la Commission doit toujours être recherché dans le cadre de l’obligation de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, et s’appliquant tant aux États membres qu’aux institutions de l’Union, une nouvelle condamnation prononcée par la Cour exige que l’État membre prenne l’initiative de se conformer aux obligations qui lui incombent au regard du droit de l’Union et d’en informer la Commission eu égard à son rôle d’institution chargée de superviser la bonne mise en œuvre de ce droit par les États membres.

45      En ce qui concerne l’évaluation de la bonne exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, les critères d’appréciation utilisés à cette fin ont été déterminés par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2005. En outre, ceux-ci ont été explicités par la Commission lors de la rencontre du 18 juillet 2005 ainsi que dans sa note du 28 septembre 2005, soit dans un délai raisonnable d’un peu plus de deux mois après le prononcé de l’arrêt du 12 juillet 2005, donnant ainsi aux autorités françaises l’opportunité de s’exprimer à deux reprises sur les critères retenus. En tout état de cause, le fait que ces dernières considèrent ne pas avoir pu présenter leurs observations au regard de la pertinence de ces critères n’a aucun effet sur le fait qu’elles n’avaient toujours pas procédé à la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, à la lumière de l’arrêt du 12 juillet 2005, lors de la première échéance semestrielle.

46      Les premières inspections ont eu lieu en octobre 2005, soit trois mois après l’arrêt du 12 juillet 2005, et les rapports relatifs à ces inspections ont été communiqués à la fin de décembre, soit dans un délai raisonnable de deux mois après les vérifications sur le terrain. Il convient de relever que les demandes de prorogation de délai sollicitées par la République française ont été accordées par la Commission. Par ailleurs, il y a lieu de relever que la décision attaquée a finalement été adoptée le 1er mars 2006, soit un mois et demi après la première échéance semestrielle, fixée par la Cour au 12 janvier 2006, et à la suite de nouvelles inspections sur le terrain de la part de la Commission, sans que la République française demande une nouvelle prorogation.

47      Il est important à cet égard de souligner que, si la Commission est obligée de coopérer de bonne foi avec les États membres afin de faciliter la mise en œuvre du droit de l’Union, l’expiration, dans le cadre de ce dialogue, d’une première échéance au terme de laquelle un État membre doit payer une astreinte pour défaut de pleine exécution d’un arrêt en manquement ne peut pas lui être reprochée.

48      Dès lors, le moyen tiré d’une violation des droits de la défense doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’appréciation erronée des mesures prises pour se conformer aux arrêts de la Cour

49      La République française estime avoir pleinement exécuté l’arrêt du 12 juillet 2005.

50      Il convient tout d’abord de relever que la Cour, dans l’arrêt du 12 juillet 2005, a constaté le défaut de pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991 portant sur le manquement de la République française à ses obligations découlant du droit de l’Union. Il résulte de ce constat que toute mesure évoquée par la République française, que ce soit devant la Commission lors de la première évaluation semestrielle ou devant le Tribunal dans le cadre de la présente procédure, est pertinente uniquement en ce qui concerne la production de résultats concrets au regard de l’évaluation de la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991 et permettant de répondre aux griefs retenus par la Cour. En effet, le 12 juillet 2005, la Cour a constaté la persistance du manquement.

51      De plus, il convient de préciser qu’une éventuelle erreur d’appréciation de la Commission serait pertinente uniquement si la République française avait démontré avoir procédé à la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991. Une exécution partielle serait sans conséquence sur l’exigibilité de l’astreinte, la Cour ayant explicitement décidé que, dans l’hypothèse où l’arrêt du 11 juin 1991 ne serait pas pleinement exécuté six mois après le prononcé de l’arrêt du 12 juillet 2005 et pour chaque période de six mois suivante, la République française devrait payer une astreinte de 57 761 250 euros. En effet, la République française avait l’obligation d’exécuter pleinement l’arrêt du 11 juin 1991 avant le 12 janvier 2006.

52      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, dans l’hypothèse où la Commission a un doute sérieux et raisonnable à l’égard des contrôles effectués par les autorités nationales, l’État membre ne saurait infirmer les constatations de celle-ci sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. En effet, il incombe à cet État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, C‑387/03, non publié au Recueil, point 96, et la jurisprudence citée). Cela est d’autant plus vrai dans le cadre d’une procédure d’exécution d’un arrêt en manquement de la Cour, puisqu’il appartient à l’État membre de démontrer qu’il a mis fin audit manquement.

53      En effet, dans le cadre de l’exécution d’un arrêt de la Cour infligeant une astreinte à un État membre, la Commission doit pouvoir apprécier les mesures adoptées par l’État membre pour se conformer à l’arrêt de la Cour afin, notamment, d’éviter que l’État membre qui a manqué à ses obligations ne se borne à prendre des mesures ayant en réalité le même contenu que celles ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour (arrêt Portugal/Commission, précité, point 81).

54      Toutefois, l’exercice de ce pouvoir d’appréciation ne saurait porter atteinte ni aux droits – et, en particulier, aux droits procéduraux – des États membres, tels qu’ils résultent de la procédure établie par l’article 226 CE, ni à la compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la conformité d’une législation nationale avec le droit communautaire (arrêt Portugal/Commission, précité, point 82).

55      Par conséquent, la Commission, avant de recouvrer une astreinte, est tenue de vérifier si les griefs retenus par la Cour dans le cadre d’un arrêt fondé sur l’article 228 CE persistent toujours à la date du délai fixé par la Cour.

56      Dans l’arrêt du 11 juin 1991, la Cour a retenu cinq griefs à l’encontre de la République française :

–        l’insuffisance des contrôles en ce qui concerne le maillage minimal des filets (points 12 à 15 de l’arrêt) ;

–        l’     insuffisance des contrôles en ce qui concerne la fixation aux filets de dispositifs interdits par la réglementation communautaire (points 16 et 17 de l’arrêt) ;

–        le manquement aux obligations de contrôle en matière de prises accessoires (points 18 et 19 de l’arrêt) ;

–        le manquement aux obligations de contrôle en ce qui concerne le respect des mesures techniques de conservation interdisant la vente des poissons sous taille (points 20 à 23 de l’arrêt) ;

–        le manquement à l’obligation de poursuite des infractions (point 24).

57      Dans l’arrêt du 12 juillet 2005, la Cour a confirmé les griefs établissant la persistance d’un manquement de la République française à la législation communautaire :

–        l’insuffisance du contrôle (points 44 à 62) ;

–        l’insuffisance des poursuites (points 69 à 74).

58      Ainsi que la Cour le rappelle aux points 32 à 38 de l’arrêt du 12 juillet 2005, le règlement (CEE) n° 2847/93 du Conseil, du 12 octobre 1993, instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche (JO L 261, p. 1), donne des indications précises quant au contenu des mesures qui doivent être prises par les États membres et qui doivent tendre à s’assurer de la régularité des opérations de pêche dans un objectif à la fois de prévention d’éventuelles irrégularités et de répression de celles-ci. Cet objectif implique que les mesures mises en œuvre doivent avoir un caractère effectif, proportionné et dissuasif.

59      La République française ne peut donc valablement prétendre ne pas avoir une connaissance précise du manquement et des mesures qui sont nécessaires afin d’assurer le respect de la législation communautaire ainsi que la pleine exécution des arrêts de la Cour.

60      Il convient ensuite d’examiner si la Commission, dans la décision attaquée, a apporté suffisamment de preuves de la persistance des deux griefs retenus par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2005.

 Sur l’insuffisance du contrôle

61      Il est relevé, au point 2 de la décision attaquée, que les situations et les comportements qui avaient conduit la Cour à constater le manquement de la République française à ses obligations découlant du droit de l’Union dans les arrêts du 11 juin 1991 et du 12 juillet 2005 se perpétuaient à la fin de l’année 2005 et au début de l’année 2006. En procédant ainsi, la Commission n’a pas constaté un nouveau manquement, mais une absence de modification significative des constats effectués par la Cour dans les deux arrêts précédents. Or, afin d’exécuter pleinement l’arrêt du 11 juin 1991, il était nécessaire pour la République française de modifier les comportements qui aboutissaient au non-respect de la législation de l’Union. Ainsi, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir procédé à ces constats dans la décision attaquée. Au contraire, ces constats sont de nature à clarifier, si nécessaire, auprès des autorités françaises quels sont les comportements qui aboutissent à la perpétuation du manquement constaté dès le 11 juin 1991 par la Cour, en leur permettant de définir les mesures nécessaires afin de mieux y remédier dans le futur.

62      Cela est d’autant plus vrai que la Cour, dans l’arrêt du 12 juillet 2005, avait souligné la gravité de l’infraction et, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur la politique commune de la pêche. En effet, l’intérêt public consiste en une exploitation rationnelle et responsable des ressources aquatiques sur une base durable, dans des conditions économiques et sociales appropriées. Dans ce contexte, la protection des poissons juvéniles s’avère déterminante pour la reconstitution des stocks. Le non-respect des mesures techniques de conservation prévues par la politique commune, notamment les exigences en matière de taille minimale des poissons, constitue donc une menace grave pour le maintien de certaines espèces et de certains lieux de pêche et met en péril la poursuite de l’objectif essentiel de la politique commune de la pêche (arrêt du 12 juillet 2005, point 105).

63      La République française conteste en substance la qualité des inspections effectuées par la Commission, sans pourtant apporter la preuve que celles-ci ont influencé d’une quelconque façon la pratique des services français compétents, contribuant au défaut de pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991. Par ailleurs, le constat de la Commission de l’absence d’intégration efficace des contrôles sur les différents niveaux de la filière, notamment par un croisement systématique de données, ne peut être contredit par la seule affirmation de la République française selon laquelle ce croisement de données serait une « pratique régulière des services » en référence à une circulaire du 30 mai 2005.

64      En effet, les constats, lors d’une inspection effectuée au marché de Rungis en décembre 2005, d’une absence de contrôle sur les documents de transport, qui aurait permis de connaître l’origine des différents lots et de planifier les contrôles en conséquence, et, lors des inspections au Guilvinec, à Loctudy, à Saint‑Gilles‑Croix–de‑Vie et à la Cotinière en février 2006, d’une absence de validation croisée systématique par les inspecteurs nationaux des journaux de bord, des déclarations de débarquement et des notes de vente ne sont pas directement remis en cause par la République française. Or, ces constats suffisent à eux seuls à démontrer l’absence d’une pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991 et rendent l’astreinte imposée par la Cour exigible, conformément à la décision attaquée.

65      Ainsi que la Cour l’a indiqué aux points 51 et 52 de l’arrêt du 12 juillet 2005, de tels éléments permettent de constater la persistance d’une pratique de mise en vente de poissons sous taille en l’absence d’une intervention efficace des autorités nationales compétentes, présentant un degré de constance et de généralité de nature à compromettre gravement, en raison de son effet cumulatif, les objectifs du régime communautaire de conservation et de gestion des ressources en matière de pêche.

66      Au surplus, la similarité et la répétition des situations constatées dans tous les rapports permettent de considérer que ces cas n’ont pu être que la conséquence d’une insuffisance structurelle des mesures mises en œuvre par les autorités françaises et, par voie de conséquence, d’un manquement de la part de ces autorités à l’obligation de procéder à des contrôles effectifs, proportionnés et dissuasifs que lui impose la réglementation communautaire (voir arrêt du 12 juillet 2005, point 52, et la jurisprudence citée).

67      Les constats des inspecteurs de la Commission lors des inspections de décembre 2005 et de février 2006, portant sur le défaut de maîtrise des techniques élémentaires d’inspection, l’absence d’une connaissance suffisante de la réglementation communautaire et l’absence de connaissances des techniques pour mesurer les poissons et des différences biologiques permettant de distinguer les espèces soumises à des réglementations différentes, de la part des inspecteurs français, ne peuvent être remis en cause par les mesures de formation adoptées par la République française avant la réalisation des inspections sur le terrain.

68      En effet, s’il est probable que de telles mesures vont contribuer à la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991 dans l’avenir, force est de relever que, six mois après l’arrêt du 12 juillet 2005, la Commission a constaté que la qualité des inspections était insuffisante, sans que la République française apporte une preuve contraire à cet égard. L’absence de contrôle des documents de bord, notamment, rend impossible la comparaison entre les quantités de poissons sous taille constatées dans la déclaration de débarquement et celles figurant dans la note de vente et empêche la détection des infractions potentielles.

69      Les difficultés rencontrées par la Commission pour déterminer les effectifs disponibles par jour, affectés aux activités d’inspection, ainsi que pour vérifier le respect du taux d’inspection de 1 % au débarquement ne sont pas remises en cause par les arguments de la République française. En effet, la question n’est pas celle de la détermination d’un chiffre théorique des effectifs éventuellement disponibles pour exécuter une mission d’inspection, mais celle du nombre réel d’inspecteurs qualifiés effectuant des inspections systématiques sur le terrain pendant la période comprise entre le 12 juillet 2005 et la date d’adoption de la décision attaquée. Or, ces effectifs ne peuvent être déterminés de manière précise et le taux d’inspection de 1 % au débarquement, moment crucial au regard de la détermination des quantités de poissons sous taille pêchées, demeure insuffisant aux fins de la pleine exécution de l’arrêt du 11 juin 1991.

70      Enfin, et de façon générale, dès lors que la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître la persistance du manquement, il appartient à l’État membre concerné de contester de manière substantielle et détaillée les données présentées et leurs conséquences (voir arrêt du 12 juillet 2005, point 56, et la jurisprudence citée).

71      À supposer que les informations divergentes apportées par la République française puissent être considérées comme révélatrices d’une amélioration de la situation, il n’en demeure pas moins que les efforts consentis ne sont pas de nature à excuser les manquements constatés (voir arrêt du 12 juillet 2005, point 58, et la jurisprudence citée).

 Sur l’insuffisance de la poursuite des infractions

72      La Commission reproche à la République française de ne pas poursuivre systématiquement les infractions et de ne pas réaliser un compte rendu détaillé des opérations d’inspection réalisées. Ainsi, concernant le merlu sous taille, aucune sanction n’a été infligée à la suite des procès‑verbaux établis pendant la période allant du 1er janvier 2004 au 12 janvier 2006 et ce fait n’est pas réfuté par les autorités françaises.

73      La République française expose dans ses écrits les raisons, liées à son organisation interne, qui l’ont empêchée de fournir certaines informations demandées par la Commission, à savoir, par exemple, les suites données à des procédures judiciaires entamées avant 2004, ou qui l’ont obligée à fournir des informations partielles. Ces explications tendent à confirmer le caractère incomplet des informations transmises et, plus généralement, l’incapacité des autorités françaises à démontrer l’efficacité du système national de poursuites et de sanctions en matière d’infractions aux règles concernant le poisson sous taille.

74      Or, ainsi que la Cour l’a indiqué au point 70 de l’arrêt du 12 juillet 2005, dès lors qu’il est établi que des infractions pourtant constatables par les autorités nationales n’ont pas été relevées et que des procès‑verbaux n’ont pas été établis à la charge des contrevenants, force est de constater que lesdites autorités ont manqué à l’obligation de poursuite que leur impose la réglementation communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 1991, point 24).

75      Dans ces conditions, au vu des éléments circonstanciés présentés par la Commission, les informations fournies par les autorités françaises ne sont pas suffisamment substantielles pour démontrer que les mesures qu’elles ont mises en œuvre en ce qui concerne la poursuite des infractions à la réglementation de la pêche présentent le caractère effectif, proportionné et dissuasif requis pour satisfaire à leur obligation d’assurer l’efficacité du régime communautaire de conservation et de gestion des ressources en matière de pêche (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2005, points 37, 38 et 73).

76      Il découle de ce qui précède, d’une part, que la République française n’a pas démontré que la décision attaquée était entachée d’une erreur d’appréciation et, d’autre part, que la Commission n’a pas dépassé les limites de sa compétence, puisque, dans le cadre de la décision attaquée, elle s’est bornée à démontrer la persistance des deux griefs retenus par la Cour dans son arrêt du 12 juillet 2005. Il convient, dès lors, de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’obligation de la Commission de fixer l’astreinte à un niveau inférieur

77      La République française considère que la Commission aurait dû tenir compte des efforts entrepris afin d’exécuter pleinement l’arrêt du 12 juillet 2005 et, par conséquent, réduire l’astreinte fixée par la Cour.

78      Or, dans l’arrêt du 12 juillet 2005, la Cour a décidé de retenir une astreinte fixe qui est exigible après chaque semestre à compter du prononcé de l’arrêt au terme duquel l’arrêt du 11 juin 1991 n’a pas été pleinement exécuté. Il doit en être déduit qu’une exécution partielle dudit arrêt ne donne pas droit à une réduction du montant de l’astreinte.

79      En effet, la Cour a explicitement retenu une « astreinte fixe », et non une « astreinte dégressive », comme elle l’a fait dans l’arrêt du 25 novembre 2003, Commission/Espagne (C‑278/01, Rec. p. I‑14141, points 49 à 62). La Commission, étant liée par l’arrêt de la Cour, n’avait donc pas compétence pour réduire le montant de cette astreinte.

80      Ainsi, malgré les éventuels progrès réalisés par la République française dans l’exécution de l’arrêt du 11 juin 1991, celle-ci ne l’avait toujours pas, au 1er mars 2006, exécuté pleinement. L’astreinte de 57 761 250 euros était donc entièrement exigible.

81      Par ailleurs, en ce qui concerne la question subsidiaire d’une éventuelle compétence de pleine juridiction du Tribunal pour réduire lui-même le montant de l’astreinte, il convient de constater que la fixation éventuelle d’une astreinte et de son montant en matière de non-exécution d’un arrêt en manquement est une compétence exclusive de la Cour. Il serait donc contraire à la cohérence du traité que le Tribunal la réduise dans le cadre d’un recours en annulation. Enfin, l’article 229 CE exige que cette compétence soit explicite. Or, celle-ci ne peut être déduite ni des termes de l’article 226 CE ni de ceux de l’article 228 CE.

82      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’obligation de la Commission de fixer l’astreinte à un niveau inférieur, et, subsidiairement, de la compétence du Tribunal pour procéder lui-même à cette réduction, doit être rejeté.

83      Il s’ensuit dès lors que le recours doit rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

85      La République française ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. Le Royaume‑Uni supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République française supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

Moavero Milanesi

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : le français.