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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

10 novembre 2009 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Absence de prorogation de contrat à durée déterminée – Recours en indemnité – Origine du préjudice – Obligation de motivation par le Tribunal de la fonction publique »

Dans l’affaire T‑180/08 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 6 mars 2008, Tiralongo/Commission (F‑55/07, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Giuseppe Tiralongo, ancien agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Ladispoli (Italie), représenté par Mes F. Sciaudone, R. Sciaudone et S. Frazzani, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents, assités de Me S. Corongiu, avocat,

partie défenderesse en première instance,


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, M. Vilaras, N. J. Forwood, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. O. Czúcz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, le requérant, M. Giuseppe Tiralongo, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 6 mars 2008, Tiralongo/Commission (F‑55/07, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle a été rejeté son recours tendant à la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi et découlant d’une série de comportements illicites dont la Commission se serait rendue coupable dans le cadre de la non-prorogation de son contrat.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés, aux points 8 à 20 de l’ordonnance attaquée, dans les termes suivants :

« 8      Le requérant, qui était à l’origine fonctionnaire de l’administration italienne des douanes, a été employé, [à partir de novembre 1996], par l’unité de coordination de la lutte antifraude, devenue l’[Office européen de lutte antifraude (OLAF)] en juin 1999 […]

[…]

11      Le 3 février 2003, le directeur général de l’OLAF a décidé de créer une ‘Temporary Task Force Recovery’ (“Groupe de travail temporaire ‘Recouvrement’”, ci-après la ‘TTFR’), et de nommer le requérant auditeur au sein de celle-ci. Le 20 juillet 2004, ledit directeur général a décidé, au vu de la nécessité de poursuivre l’activité de la TTFR, de prolonger sa mission jusqu’au 31 décembre 2006. Au point 6 de la décision du 20 juillet 2004, le directeur général désignait le requérant comme l’un des auditeurs de l’OLAF dans la TTFR, en précisant que ces auditeurs y travailleraient à plein temps pendant la durée de [celle-ci].

12      Le 11 octobre 2004, à l’approche de l’échéance de son contrat, le requérant a envoyé un courriel à l’OLAF dans lequel il a fait valoir que ses fonctions auprès de la TTFR justifiaient la prorogation de son contrat jusqu’au 31 décembre 2006, soit la date fixée pour la fin de la mission de la TTFR. Suite à ce courriel et à la demande des supérieurs hiérarchiques du requérant, satisfaits de l’excellence de ses services, le directeur général de l’OLAF a, par décision du 3 novembre 2004, prorogé le contrat d’agent temporaire du requérant jusqu’au 30 avril 2005.

13      Par lettres du 2 février 2005, adressée au directeur général de l’OLAF, et du 14 février 2005, adressée notamment au vice-président de la Commission chargé de l’administration, de l’audit et de la lutte antifraude, le requérant a contesté la durée de la prorogation ainsi accordée, en indiquant qu’il avait pensé, sur la base de la décision du directeur général de l’OLAF du 20 juillet 2004, que son contrat aurait été prorogé jusqu’au 31 décembre 2006, date prévue pour la fin des missions de la TTFR.

14      Le directeur général de l’OLAF a répondu à ces deux courriers par lettre du 22 mars 2005, dans laquelle il a notamment affirmé que le requérant avait été clairement informé par le service du personnel de l’OLAF, lors de la dernière prorogation de son contrat, qu’il ne serait pas possible de proroger son engagement au-delà du 30 avril 2005, date à laquelle la durée totale de son service atteindrait le maximum de huit années autorisé par l’OLAF. Dans la même lettre, le directeur général précisait que l’argument du requérant tiré de la décision du 20 juillet 2004 relative à la durée de la mission de la TTFR ne pouvait être accueilli, l’affectation du requérant au sein de la TTFR n’ayant emporté aucune prorogation de son contrat.

15      Le requérant soutient que le contrat d’une de ses collègues, Mme D., placée dans la même situation que la sienne, aurait été prorogé. La Commission ne conteste pas que le contrat de Mme D. ait été prorogé, mais explique que la situation de celle-ci différait à plusieurs égards de celle du requérant.

16      Après avoir quitté ses fonctions et réintégré l’administration italienne des douanes, le requérant a, par lettre du 18 octobre 2005, sollicité sa réintégration dans l’emploi qu’il occupait auprès de l’OLAF […]

17      Par lettre du 19 décembre 2005, le directeur général de l’OLAF a rejeté cette demande, en estimant que la réintégration du requérant n’était pas juridiquement possible.

18      Le 7 novembre 2006 le requérant a présenté une demande d’indemnisation pour le préjudice subi en raison de décisions illégales prises par l’OLAF […]

19      Par lettre du 22 janvier 2007, l’OLAF a rejeté cette demande, au motif que le requérant n’avait pas, dans les trois mois suivant la notification de la décision du directeur général de l’OLAF du 19 décembre 2005, introduit de recours à l’encontre de cette dernière décision, et qu’il n’était donc plus recevable à introduire une demande en indemnité.

20      Par courrier du 13 mars 2007, […] le requérant a contesté le rejet de ses prétentions indemnitaires. Cette contestation a été rejetée par une décision du directeur général de l’OLAF du 12 avril 2007. »

 Procédure devant le Tribunal de la fonction publique et ordonnance attaquée

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 30 mai 2007, le requérant a demandé au Tribunal de la fonction publique :

–        de condamner la Commission à lui verser une somme de 460 000 euros, ou une autre somme que le Tribunal de la fonction publique considérera équitable, à titre de réparation du préjudice matériel allégué ;

–        de condamner la Commission à lui verser une somme de 100 000 euros, ou une autre somme que le Tribunal de la fonction publique considérera équitable, à titre de réparation du préjudice moral allégué ;

–        d’ordonner à la Commission de fournir les informations et de produire les documents relatifs à l’embauche et aux renouvellements du contrat de Mme D. au sein de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et d’assigner cette dernière à comparaître en qualité de témoin ;

–        d’adopter toutes les mesures d’organisation de la procédure et d’instruction nécessaires afin d’apprécier la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination commise par la Commission ;

–        de condamner la Commission aux dépens.

4        La Commission a soulevé deux exceptions d’irrecevabilité, tirées en substance du non-respect de la procédure précontentieuse.

5        Le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme manifestement irrecevable.

6        Il a tout d’abord cité la jurisprudence applicable, selon lui, à l’espèce. Il a indiqué à cet égard :

« 30      Il est de jurisprudence constante que, si un fonctionnaire peut agir par le moyen d’une action en responsabilité sans être astreint par aucun texte à poursuivre l’annulation de l’acte illégal qui lui cause préjudice, il ne saurait tourner par ce biais l’irrecevabilité d’une demande visant la même illégalité et tendant aux mêmes fins pécuniaires (arrêts de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission, 59/65, Rec. p. 785, 797, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 31 ; arrêt du Tribunal […] du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, point 26). Une exception a ainsi été posée au principe d’autonomie des voies de recours, lorsqu’un recours en indemnité a pour objet de permettre à son auteur d’obtenir le même résultat que celui que lui aurait procuré un recours en annulation qui aurait été introduit dans les délais.

31      Ainsi, un fonctionnaire qui a omis d’attaquer les actes lui faisant grief, en introduisant, en temps utile, un recours en annulation, ne saurait réparer cette omission et, dans un certain sens, se ménager de nouveaux délais de recours, par le biais d’une demande en indemnité (arrêts du Tribunal […] du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, Rec. p. II‑35, point 38, et du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T‑20/92, Rec. p. II‑799, point 46 ; ordonnance du Tribunal […] du 28 juin 2005, Ross/Commission, T‑147/04, RecFP p. I‑A‑171 et II‑771, point 48).

32      De même, il a été jugé qu’un fonctionnaire qui n’a pas attaqué en temps utile une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination lui faisant grief ne saurait se prévaloir de l’illégalité prétendue de cette décision dans le cadre d’un recours en responsabilité (arrêt de la Cour du 7 octobre 1987, Schina/Commission, 401/85, Rec. p. 3911, point 9 ; arrêt du Tribunal […] du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 144). Le Tribunal [de la fonction publique] a jugé, dans le même sens, qu’un fonctionnaire qui souhaite introduire une action indemnitaire sur le fondement des illégalités dont un acte faisant grief serait entaché doit initier la procédure précontentieuse prévue par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dans les trois mois à compter de la notification de cet acte, en ce qui concerne tant le préjudice matériel que le préjudice moral (voir arrêt du Tribunal [de la fonction publique] du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F‑4/07, non encore publié au Recueil, point 70). »

7        S’agissant de l’application de cette jurisprudence à l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a indiqué ce qui suit :

« 33      Dans le présent litige, le requérant n’a contesté devant le juge communautaire, dans les délais requis par les articles 90 et 91 du statut, aucune des décisions du 3 novembre 2004, des 22 mars et 19 décembre 2005 par lesquelles l’OLAF a respectivement décidé de fixer au 30 avril 2005 la date d’expiration de son contrat, refusé de proroger la durée de celui-ci au-delà de cette date et rejeté la demande de réintégration de l’intéressé. Il soumet au Tribunal un recours en responsabilité qu’il présente comme autonome par rapport à un recours en annulation qu’il n’aurait plus été recevable à introduire en raison du dépassement des délais fixés par lesdits articles du statut.

8        Enfin, le Tribunal de la fonction publique a présenté et rejeté les arguments du requérant visant à démontrer que la jurisprudence appliquée n’était pas pertinente. Les points pertinents de l’ordonnance attaquée sont rédigés comme suit :

« 34      […] le requérant soutient, pour démontrer que son recours serait recevable, que la jurisprudence rappelée aux points précédents ne serait pas pertinente. L’action en indemnité qu’il a engagée ne présenterait aucun lien avec une hypothétique action en annulation. Par son recours, le requérant ne chercherait nullement à obtenir sa réintégration dans les services de l’OLAF, où il ne pourrait plus exercer ses fonctions dans des conditions favorables, ni aucune sorte de reconstitution artificielle de carrière, ni même le bénéfice de la somme qu’il aurait obtenue si son contrat avait été prorogé jusqu’au 31 décembre 2006. La somme qu’il réclame en réparation du préjudice matériel qu’il invoque, bien que calculée en fonction de la rémunération qu’il aurait perçue en qualité d’agent temporaire jusqu’à cette date, ne serait présentée qu’à titre indicatif, cette rémunération devant s’entendre comme un simple paramètre de référence. En outre, l’existence de conclusions tendant à la réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi démontrerait que son action en indemnité est autonome par rapport à une éventuelle action en annulation qu’il aurait omis d’engager.

35      Ces arguments ne peuvent être accueillis.

36      En effet, il y a lieu de relever que les trois griefs articulés par le requérant dans sa requête pour établir l’illégalité du comportement de la Commission, illégalité qui constitue la première condition d’engagement de la responsabilité de cette dernière, à savoir la violation des dispositions relatives aux conditions d’engagement des agents temporaires par l’OLAF et de la jurisprudence communautaire pertinente, la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, sont tous trois directement liés à la légalité des trois décisions de l’OLAF mentionnées au point 33 de la présente ordonnance.

37      Il ressort ainsi des termes de la requête, même si, par celle-ci, le requérant ne cherche pas à obtenir sa réintégration dans les services de l’OLAF ni même une reconstitution de carrière, que le recours vise à réparer l’ensemble des conséquences dommageables résultant de l’illégalité commise par l’OLAF dans l’adoption des décisions mentionnées au point 33 de la présente ordonnance, que le dommage allégué soit matériel, consistant dans la perte des revenus que le requérant aurait perçus si ces décisions n’étaient pas intervenues, ou bien moral, consistant dans un état d’incertitude et de préoccupation quant à la suite de sa carrière lié aux mêmes actes prétendument illicites. Le fait que la somme sollicitée au titre du préjudice matériel soit calculée, même à titre indicatif, par référence aux traitements qu’aurait perçus le requérant si son éviction n’était pas illégalement intervenue révèle que le préjudice dont la réparation est recherchée a pour origine l’illégalité prétendue des trois décisions susmentionnées.

38      Or, les trois décisions mentionnées au point 33 de la présente ordonnance, qui constituent indéniablement des actes faisant grief, n’ont fait l’objet, ainsi qu’il a été dit, d’aucun recours en annulation, de sorte qu’elles sont devenues définitives. Le requérant n’est donc plus recevable à invoquer l’illégalité dont ces décisions seraient entachées à l’appui de ses prétentions indemnitaires […]

39      Si le requérant fait valoir qu’il n’aurait plus intérêt à demander aujourd’hui l’annulation des décisions par lesquelles il a été évincé de l’OLAF, cette circonstance, même à la supposer établie, ne permet pas d’établir qu’il aurait été dépourvu d’intérêt, dans les délais exigés par le statut, à contester la légalité desdites décisions ou empêché de le faire, et est donc sans incidence sur l’appréciation de la recevabilité du présent recours.

40      Certes, comme le fait valoir le requérant, le Tribunal […] a déjà reconnu la possibilité pour un fonctionnaire d’introduire une demande autonome de réparation du préjudice moral résultant d’un état d’incertitude et de préoccupation quant à son avenir professionnel (voir, en ce sens, arrêt Burban/Parlement, précité, points 27 et 28).

41      Toutefois, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Burban/Parlement, précité, à la différence du présent litige, le préjudice résultait pour le fonctionnaire concerné non pas de l’illégalité d’un acte lui faisant grief, mais d’une faute de service, indépendante du contenu même d’un tel acte et constituée par le retard dans l’établissement de son rapport de notation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, Rec. p. 1743, point 11 ; arrêts du Tribunal […] du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T‑79/92, RecFP p. I‑A‑289 et II‑907, point 66, et du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, non encore publié au Recueil, point 100). Dans un tel cas, dans lequel le bien-fondé des prétentions indemnitaires n’est pas lié à la constatation de l’illégalité d’un acte faisant grief, le recours en responsabilité peut revêtir un caractère pleinement autonome par rapport au recours en annulation. »

 Sur le pourvoi

1.     Procédure et conclusions des parties

9        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 15 mai 2008, le requérant a formé le présent pourvoi.

10      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée et renvoyer l’affaire au Tribunal de la fonction publique ;

–        condamner la Commission aux dépens afférents à la présente instance et à celle devant le Tribunal de la fonction publique.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux dépens afférents à la présente instance.

12      Par lettre du 7 janvier 2009, le requérant a, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, demandé à celui-ci d’ouvrir la phase orale de la procédure.

2.     En droit

13      Aux termes de l’article 145 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le Tribunal peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, le rejeter totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.

14      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

15      Le requérant fait valoir, en substance, que la jurisprudence en matière d’autonomie des voies de recours sur laquelle le Tribunal de la fonction publique a fondé l’ordonnance attaquée n’est pas applicable en l’espèce, que, en tout état de cause, le Tribunal de la fonction publique a mal interprété cette jurisprudence et que l’ordonnance attaquée est insuffisamment motivée.

 Sur le moyen tiré de l’application d’une jurisprudence non pertinente

 Arguments des parties

16      Le requérant fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit, en appliquant, aux points 30, 33 et 36 à 38 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence relative à l’indemnisation de préjudices causés par des actes illicites alors que le recours visait l’indemnisation de préjudicies causés par des comportements illégaux.

17      S’agissant du premier comportement illégal invoqué, à savoir la violation, en substance, de la réglementation applicable en matière d’emploi public, le requérant fait valoir que ce qui importe en l’espèce n’est pas l’illégalité des décisions qui lui ont été adressées, mais le fait que, au moyen d’une série d’actes et de comportements remontant au début de l’année 2003, la Commission a écarté, en ce qui le concerne, la législation pertinente en matière d’emploi public, les décisions mentionnées par le Tribunal de la fonction publique n’étant que des « manifestations sporadiques d’une conduite d’ensemble ». Il considère que cela est confirmé par le point 37 de l’ordonnance attaquée dans lequel le Tribunal de la fonction publique fait référence aux « conséquences dommageables résultant de l’illégalité commise par l’OLAF dans l’adoption des décisions mentionnées au point 33 de [l’ordonnance attaquée] » et ne lui reproche pas de ne pas avoir attaqué un acte en particulier, mais de ne pas avoir attaqué globalement une série de lettres.

18      Le requérant fait valoir que, dans son cas, une dérogation aux règles internes en matière de durée maximale des contrats aurait dû être accordée compte tenu de l’intérêt du service et soutient que le directeur général l’OLAF s’était déclaré conscient du fait que la réglementation interne anticumul devait céder le pas aux exigences du service. Il soutient que le fait pour l’administration d’enfreindre l’intérêt du service et d’être parfaitement consciente de cette violation ne semble pas pouvoir être attribué de façon précise à l’une des trois lettres de l’OLAF mentionnées par le Tribunal de la fonction publique et que ces lettres sont plutôt des éléments connotant, en termes d’illégalité, un comportement d’ensemble destiné à écarter la législation pertinente. Il ajoute que le Tribunal de la fonction publique a ignoré ces arguments.

19      S’agissant du deuxième comportement illégal invoqué, à savoir la violation du principe de protection de la confiance légitime, le requérant fait valoir que le préjudice invoqué ne découle pas non plus de l’illégalité des décisions mentionnées par le Tribunal de la fonction publique, mais d’un comportement illicite de la Commission. Il soutient à cet égard que la confiance légitime a été engendrée par les décisions du 3 février 2003 et du 20 juillet 2004, qui indiquaient qu’il resterait employé au sein de l’OLAF au moins jusqu’au 31 décembre 2006 et qui constituent des composantes d’une conduite d’ensemble imputables à l’OLAF. Il ajoute que le contenu des décisions mentionnées par le Tribunal de la fonction publique, considéré en lui-même, « ne saurait revêtir une importance autonome, puisque la valeur que [le principe de protection de la confiance légitime] entend protéger n’est pas celle de la légalité des actes et des comportements en tant que telle » et que « le fait que les actes ou comportements propres à violer la confiance soient en eux-mêmes illicites n’est pas pertinent ». Ainsi, il explique que, « en l’absence [notamment] des décisions du directeur général de l’OLAF du 3 février 2003 et du 20 juillet 2004, […] les lettres [mentionnées par le Tribunal de la fonction publique], bien qu’illégales, n’auraient pas pu concrétiser une violation du principe de confiance légitime ».

20      S’agissant du troisième comportement illégal invoqué, à savoir la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, le requérant fait valoir que le comportement reproché à la Commission ne consiste pas en l’adoption d’un acte concret à son égard, mais en l’application de traitements distincts à lui et à Mme D. et soutient que, à cet égard, les lettres mentionnées par le Tribunal de la fonction publique ne sauraient revêtir une importance autonome. Il soutient que « les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination n’ont pas pour raison d’être de protéger la légalité des actes et des comportements en tant que tels » et qu’ils « visent plutôt à éviter que des individus se trouvant dans des situations comparables soient, sans raison valable, traités de manière différente ». Il ajoute que le bien-fondé de son approche est confirmé par le fait que la Commission aurait pu remédier à la violation des principes susmentionnés, même sans modifier le contenu des actes qui, selon le Tribunal de la fonction publique, seraient au contraire à l’origine du préjudice, en appliquant à Mme D. le même traitement qu’à lui.

21      La Commission conteste ces arguments.

 Appréciation du Tribunal

22      Par le présent moyen, le requérant critique, en substance, le fait que le Tribunal de la fonction publique a considéré que les dommages invoqués avaient leur origine dans les décisions de la Commission de ne pas proroger le contrat du requérant au-delà du 30 avril 2005 et de refuser sa demande de réintégration. Il estime ainsi que le Tribunal de la fonction publique a requalifié le recours introduit devant lui en considérant qu’il visait la réparation du préjudice subi comme conséquence de ces décisions alors qu’il viserait, selon lui, la réparation du préjudice subi comme conséquence de comportements illégaux de la Commission.

23      Il convient de rappeler que, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), un recours en indemnité n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires.

24      Or, conformément à la jurisprudence, cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause (ordonnance du Tribunal du 25 février 1992, Marcato/Commission, T‑64/91, Rec. p. II‑243, points 32 et 33 ; arrêts du Tribunal du 8 octobre 1992, Meskens/Parlement, T‑84/91, Rec. p. II‑2335, point 33 ; du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T‑79/92, RecFP p. I‑A‑289 et II‑907, point 40 ; ordonnances du Tribunal du 24 mars 1998, Meyer e.a./Cour de justice, T‑181/97, RecFP p. I‑A‑151 et II‑481, point 22, et du 17 mai 2006, Marcuccio/Commission, T‑241/03, RecFP p. I‑A‑2-111 et II‑A‑2‑517, point 52 ; voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, points 10 et 11, et du 7 octobre 1987, Schina/Commission, 401/85, Rec. p. 3911, point 9). Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (ordonnance Marcato/Commission, précitée, points 32 et 33 ; arrêts Meskens/Parlement, précité, point 33, et Ditterich/Commission, précité, point 40).

25      Il résulte de cette jurisprudence que la réponse à la question de savoir si les dommages invoqués trouvent leur origine dans un acte faisant grief ou dans un comportement de l’administration dépourvu de contenu décisionnel est indispensable pour vérifier le respect de la procédure précontentieuse et des délais prévus par les articles 90 et 91 du statut et donc la recevabilité du recours. Dès lors que ces règles sont d’ordre public (arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T‑15/96, RecFP p. I‑A‑329 et II‑897, point 27), cette qualification relève de la seule compétence du juge communautaire sans qu’il soit tenu à cet égard par la qualification donnée par les parties (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 novembre 1981, Fournier/Commission, 106/80, Rec. p. 2759, points 15 à 18 ; ordonnance du Tribunal du 26 novembre 1999, Giegerich/Commission, T‑253/97, RecFP p. I‑A‑233 et II‑1177, point 18, et arrêt du Tribunal du 11 décembre 2007, Sack/Commission, T‑66/05, non encore publié au Recueil, point 35). Il ne saurait, en effet être admis que, en rédigeant un recours de façon à éviter d’affirmer que les dommages résultent de l’illégalité de certains actes, un justiciable puisse contourner l’application des règles en matière de délais prévues par le statut.

26      Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Tribunal de la fonction publique d’avoir vérifié si les dommages invoqués par le requérant découlaient d’un ou de plusieurs actes faisant grief à celui-ci ou d’un comportement de la Commission dépourvu de caractère décisionnel.

27      Le requérant soutient que les dommages invoqués résultent d’une violation de la réglementation applicable ainsi que des violations des principes de protection de la confiance légitime, d’égalité de traitement et de non-discrimination. Or, il convient de relever à cet égard qu’il y a lieu de distinguer entre, d’une part, les agissements de l’administration (qu’ils prennent la forme d’actes faisant grief ou de comportements dépourvus de caractère décisionnel) étant à l’origine du préjudice et prétendument entachés d’illégalités et, d’autre part, lesdites illégalités elles-mêmes. Ainsi, d’éventuelles violations des dispositions applicables ou des différents principes généraux constituent autant de raisons d’illégalité pouvant vicier les actes ou les comportements de l’administration, mais ne sauraient constituent en elles-mêmes des agissements.

28      Il convient, par conséquent, d’examiner à quels agissements concrets se rapportent les trois illégalités invoquées par le requérant afin de vérifier si le Tribunal de la fonction publique a commis un erreur en considérant que les dommages invoqués découlaient de la non-prorogation du contrat du requérant au-delà du 30 avril 2005, telle que communiquée par la lettre du 3 novembre 2004 et confirmée, en substance, par les lettres des 22 mars et 19 décembre 2005.

29      S’agissant, en premier lieu, de la prétendue violation de la réglementation applicable, il convient de constater que le requérant a lui-même indiqué expressément que la « présente affaire tir[ait] son origine de la décision du directeur général de l’OLAF de ne pas respecter [à son égard] la réglementation légalement applicable en matière d’emploi public », prise de position qui lui « a été pour la première fois communiquée […] par lettre du 3 novembre 2004 puis confirmée par lettres des 22 mars 2005 et 19 décembre 2005 », et que « en n’accordant qu’une simple prorogation jusqu’au 30 avril 2005 de son contrat d’agent temporaire, la Commission [avait] manifestement enfreint la réglementation applicable ».

30      S’agissant, en deuxième lieu, de la violation du principe de confiance légitime, il convient d’observer que, s’il est vrai que, comme l’affirme le requérant, il n’a pas mentionné à cet égard les décisions des 3 novembre 2004, 22 mars et 19 décembre 2005 dans son recours en première instance, il n’en reste pas moins que ses arguments dans ledit recours visaient uniquement à démontrer qu’une confiance légitime au sens de la jurisprudence avait été créée par la Commission. Or, il convient de distinguer les agissements de l’administration ayant donné lieu à une confiance légitime de ceux, distincts et nécessairement postérieurs, ne respectant pas cette confiance et de garder à l’esprit que l’administration ne commet pas d’illégalité en laissant naître une confiance légitime dans le fait qu’elle adoptera une position déterminée, mais en adoptant ensuite une position différente. En l’espèce, force est de constater, d’une part, que le requérant soutient que la Commission avait fait naître en lui une confiance légitime en « la poursuite de son activité au sein de l’OLAF (à tout le moins) pour toute la durée de la [Temporary Task Force Recovery] », c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2006 et, d’autre part, que le non-respect de cette confiance légitime, à la supposer établie, est sans aucun doute le fait de la décision de ne proroger le contrat du requérant que jusqu’au 30 avril 2005, décision qui, comme il a été indiqué ci-dessus, lui « a été pour la première fois communiquée […] par lettre du 3 novembre 2004 puis confirmée par lettres des 22 mars […] et 19 décembre 2005 ».

31      S’agissant, en troisième lieu, de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, il convient de constater que le requérant fait référence de manière expresse au fait que la Commission a estimé ne pas pouvoir proroger son contrat d’agent temporaire et à la décision par laquelle le contrat de Mme D. a été prorogé alors que celui du requérant ne l’a pas été.

32      Enfin, s’agissant du lien de causalité entre le dommage prétendument subi et le comportement illégal reproché à la Commission, le requérant a affirmé que, « sans les graves violations de la réglementation applicable et du principe [de protection] de la confiance légitime, la prorogation [de son] contrat aurait été non seulement possible, mais obligatoire » et qu’« en absence de ces comportements illégaux [il] serait resté au service de l’OLAF ».

33      Il en résulte que le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur en considérant que les dommages invoqués par le requérant découlaient de la décision de ne proroger son contrat que jusqu’au 30 avril 2005, position communiquée au requérant en premier lieu par la lettre du 3 novembre 2004 et confirmée, en substance, par les lettres des 22 mars et 19 décembre 2005.

34      Les arguments du requérant ne permettent pas d’infirmer cette conclusion.

35      En premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le Tribunal de la fonction publique aurait ignoré ses arguments tirés du fait que la Commission aurait délibérément agit contrairement à l’intérêt du service, il convient de relever que la prétendue absence de prise en considération de l’intérêt du service et le caractère conscient des agissements de la Commission ne sont pas des agissements distincts constitutifs d’un comportement d’ensemble de la Commission, mais uniquement des motifs pour lesquels, selon le requérant, la non-prorogation de son contrat au-delà du 30 avril 2005 était illégale.

36      En deuxième lieu, le fait que, pour conclure à la violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de constater l’existence de plusieurs actes ou comportements de l’administration – en ce sens que des agissements créant une telle confiance doivent intervenir antérieurement à l’acte ou au comportement la violant (voir point 30 ci-dessus) – ne permet pas de considérer une éventuelle violation de ce principe comme un comportement de l’administration. Il en est de même s’agissant d’une violation éventuelle du principe de non-discrimination, laquelle ne peut être examinée que par rapport au comportement adopté par l’administration à l’égard d’un autre justiciable. En effet, une violation d’un principe de droit, quel qu’il soit, n’est elle-même ni un acte ni un comportement de l’administration dépourvu de contenu décisionnel, mais un motif d’illégalité d’un acte ou d’un comportement.

37      Ainsi, en l’espèce, il est sans pertinence que la prétendue confiance légitime ait été créée par des décisions antérieures de la Commission dès lors que le fondement de la demande en indemnité est l’existence d’une illégalité et que celle-ci consiste dans le fait d’avoir violé la prétendue confiance légitime, et non dans le fait de l’avoir créée, et que cette violation, à la supposer réelle, n’a pu avoir lieu qu’au moment où la Commission a fixé la date de fin du contrat à une date antérieure à celle prévue par le requérant, c’est-à-dire dans sa lettre du 3 novembre 2004. De même, le fait que la violation du principe de non-discrimination implique une décision à l’égard d’une autre personne et qu’il pourrait y être remédié, selon le requérant, en appliquant à l’autre personne le même traitement n’empêche pas que l’agissement de la Commission ayant prétendument porté préjudice au requérant n’est pas la différence de traitement en elle-même, mais l’acte concernant spécifiquement le requérant par lequel la Commission a adopté à son égard une décision différente et moins favorable que celle adoptée à l’égard d’une autre personne.

38      En troisième lieu, le fait que l’OLAF a envoyé trois lettres différentes au requérant ne saurait donner lieu à un « comportement » au sens de la jurisprudence. En effet, il convient de relever que la référence contenue dans la jurisprudence à un « comportement » ne vise pas nécessairement une succession d’agissements de la part de l’institution défenderesse, mais vise uniquement à distinguer les cas où celle-ci a adopté un acte faisant grief de ceux où son comportement est dépourvu de caractère décisionnel. Dès lors qu’il n’est pas contesté en l’espèce que la lettre du 3 novembre 2004 fixant la date de fin de contrat du requérant au 30 avril 2005 était un acte faisant grief, il ne saurait être considéré que, en répondant aux lettres du requérant des 2 et 14 février et du 18 octobre 2005 l’invitant en substance à revenir sur cette décision, l’OLAF a donné lieu à un comportement dépourvu de caractère décisionnel dont chacune de ses lettres ne serait qu’une composante. Cette interprétation permettrait à l’intéressé de contourner les délais pour la contestation des actes faisant grief, que ce soit par le biais d’une demande en annulation ou en indemnité, prévus par les articles 90 et 91 du statut en invitant à plusieurs reprises l’administration à revenir sur une décision faisant grief.

39      C’est, par ailleurs, en ce sens qu’il convient de comprendre l’affirmation du Tribunal de la fonction publique figurant au point 37 de l’ordonnance attaquée selon laquelle le recours du requérant « vis[ait] à réparer l’ensemble des conséquences dommageables résultant de l’illégalité commise par l’OLAF dans l’adoption des décisions » du 3 novembre 2004 et des 22 mars et 19 décembre 2005. En effet, par ses trois décisions, l’OLAF n’a fait que communiquer, d’abord, et confirmer, ensuite, que le contrat du requérant ne pouvait pas être prorogé au-delà du 30 avril 2005. Dès lors que, en tout état de cause, le requérant n’a contesté aucune de ces lettres dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut, il ne saurait être reproché au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir examiné dans quelle mesure chacune des lettres, notamment celles des 22 mars et 19 décembre 2005, constitue un acte faisant grief ou un simple acte confirmatif de la décision du 3 novembre 2004.

40      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le moyen tiré de l’interprétation erronée de la jurisprudence appliquée par le Tribunal de la fonction publique

 Arguments des parties

41      Le requérant fait valoir que, comme l’indique le Tribunal de la fonction publique au point 30 de l’ordonnance attaquée, l’exception posée par la jurisprudence au principe d’autonomie des recours, selon laquelle un recours en indemnité fondé sur les illégalités dont serait entaché un acte faisant grief est irrecevable lorsque l’acte en cause n’a pas été attaqué dans les délais, exige non seulement que les illégalités sur lesquelles est fondé le recours en indemnité soient celles qui entacheraient l’acte en cause, mais également que le recours en indemnité ait le même objet et vise à obtenir le même résultat que ce que lui aurait procuré un recours en annulation qui aurait été introduit dans les délais. Il fait notamment valoir à cet égard que l’exception au principe d’autonomie n’est applicable que si le recours en indemnité a exclusivement pour objet de réparer le préjudice matériel, consistant en la perte des rémunérations que le requérant aurait perçues au cas où il aurait été fait droit à son recours en annulation, et non la réparation du préjudice moral.

42      Selon le requérant, il ressort du point 41 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal de la fonction publique a considéré en violation de cette jurisprudence que le simple fait que la demande d’indemnité soit fondée sur les illégalités dont serait entaché un acte faisant grief non attaqué dans les délais suffit à rendre cette demande irrecevable. Or, une telle interprétation conduirait à vider complètement de signification le principe d’autonomie des recours en obligeant de fait les justiciables à poursuivre, quel que soit le cas de figure, l’annulation d’un acte, quand bien même cela devrait se traduire par la frustration de son intérêt.

43      Le requérant fait également valoir que, même à supposer que les dommages invoqués en l’espèce découlent d’actes et non de comportements de la Commission, sa demande en indemnité ne vise pas à atteindre le résultat généralement poursuivi dans le cadre d’une action en annulation, à savoir la réintégration dans les services de l’OLAF et la reconstitution artificielle de sa carrière, et que le montant demandé ne coïncide nullement avec la rémunération qu’il aurait obtenue si une prorogation du contrat lui avait été accordée pour l’ensemble de la période à courir et encore moins si son contrat avait été transformé en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, il aurait également demandé l’indemnisation du préjudice moral subi en raison de la situation difficile dans laquelle il s’est retrouvé, de la violation de sa confiance légitime et de la discrimination subie.

44      La Commission conteste ces arguments.

 Appréciation du Tribunal

45      Il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, lorsque le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause et de saisir le juge dans le délai de trois mois après le rejet de sa réclamation, et ce qu’il opte pour introduire un recours annulation, un recours en indemnité ou un recours visant à la fois l’annulation de l’acte et l’octroi d’une indemnité.

46      Il résulte de cette jurisprudence que, même à supposer que l’ordonnance attaquée doive être interprétée en ce sens que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné si la demande du requérant tendait aux mêmes fins pécuniaires, ledit Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que le simple fait que la demande en indemnité soit fondée sur l’illégalité d’un acte faisant grief qui n’a pas fait l’objet d’un recours, que ce soit en annulation ou en indemnité, dans les délais prévus par l’articles 90 et 91 du statut, suffit à rendre le recours en première instance irrecevable.

47      Il convient d’observer que, contrairement à ce que prétend le requérant, cette solution ne revient pas à vider de sens le principe d’autonomie des voies de recours en obligeant les fonctionnaires ou agents à introduire toujours un recours en annulation. En effet, ainsi que cela ressort clairement de la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, même lorsque l’illégalité contestée entache un acte faisant grief, il est loisible à l’intéressé d’introduire uniquement un recours en indemnité, mais il doit, en tout état de cause, introduire la réclamation et le recours contentieux dans les délais prévus par le statut.

48      Il résulte de ce qui précède que le présent moyen est manifestement non fondé.

 Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation

49      Le requérant fait valoir que l’ordonnance attaquée est insuffisamment motivée en ce qui concerne, d’une part, l’origine du préjudice invoqué et, d’autre part, le rejet de la demande pour ce qui est du préjudice moral invoqué.

 Sur l’absence de motivation en ce qui concerne l’origine du préjudice invoqué

–       Arguments des parties

50      Le requérant fait valoir que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle les trois moyens de recours en première instance avaient trait, en réalité, à la légalité de certains actes n’est pas motivée. Il affirme qu’il est absolument impossible de comprendre la raison pour laquelle les préjudices induits par la discrimination et par la violation de la confiance légitime seraient, en réalité, connexes à la légalité des trois lettres de l’OLAF. Il considère que l’affirmation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle une telle causalité ressortirait « des termes de la requête » est manifestement contredite par le fait que, dans les points du recours en première instance consacrés à la description des comportements impliquant la discrimination et la lésion de la confiance légitime, les lettres auxquelles fait référence le Tribunal de la fonction publique ne sont pas du tout mentionnées.

51      La Commission conteste ces arguments.

–       Appréciation du Tribunal

52      Il convient de rappeler que l’obligation du Tribunal de la fonction publique de motiver les arrêts résulte de l’article 36 du statut de la Cour de justice, applicable audit Tribunal en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe dudit statut ainsi que de l’article 79 de son règlement de procédure. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que les arrêts du Tribunal de la fonction publique doivent être suffisamment motivés afin que les intéressés puissent connaître les raisons pour lesquelles il n’a pas fait droit à leurs arguments et que le Tribunal soit en mesure d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 4 octobre 2007, Naipes Heraclio Fournier/OHMI, C‑311/05 P, non publié au Recueil, points 51 à 53, et du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 60).

53       En l’espèce, force est de constater que le Tribunal de la fonction publique résume dans le point 34 de l’ordonnance attaquée les arguments avancés par le requérant à l’appui de la recevabilité de son recours. Ces arguments visaient à écarter la jurisprudence aux termes de laquelle l’autonomie des voies de recours ne permet pas à un requérant de contourner les délais de recours et d’invoquer les illégalités dont serait entaché un acte faisant grief sans respecter les délais de recours. Or, par ces arguments, le requérant n’a pas fait valoir que les illégalités invoquées résulteraient d’un comportement dépourvu de contenu décisionnel et non d’un acte faisant grief, mais s’est borné à affirmer que son recours n’avait pas le même objet qu’un recours en annulation en ce qu’il ne cherchait pas la réintégration dans le service, la reconstitution artificielle de sa carrière ni une somme correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait obtenu une prorogation de son contrat.

54      Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Tribunal de la fonction publique d’avoir centré la motivation de l’ordonnance attaquée sur la réponse qu’il convenait de donner à ces arguments et de ne pas avoir motivé spécifiquement son appréciation selon laquelle les illégalités invoquées en l’espèce ne concernent pas un comportement dépourvu de contenu décisionnel, mais des actes faisant grief au requérant.

55      En tout état de cause, il ressort de l’ordonnance attaquée que le Tribunal de la fonction publique a considéré que les « comportements » invoqués par le requérant n’étaient que les motifs d’illégalité visant des décisions ayant refusé la prorogation du contrat du requérant au-delà du 30 avril 2005 et que, pour cette raison, les préjudices résultant de ces illégalités étaient connexes à la légalité de ces décisions.

56      Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur l’absence de motivation en ce qui concerne le rejet de la demande pour ce qui est du préjudice moral invoqué

–       Arguments des parties

57      Le requérant rappelle que, dans son recours en première instance, il avait fait état d’un grave préjudice moral découlant d’une situation d’incertitude quant à sa carrière professionnelle renforcée par le fait que, en réintégrant son administration nationale, il a été affecté dans un service différent de son service d’origine ainsi que du caractère démoralisant et vexatoire de la discrimination subie. Il soutient avoir indiqué que ce préjudice résultait du comportement discriminatoire qui lui a été infligé et de la violation de la confiance légitime.

58      Le requérant fait valoir que, en réponse aux nombreux arguments visant à démontrer le lien entre le préjudice moral et le comportement de la Commission, l’ordonnance attaquée ne contient aucun passage permettant de comprendre les raisons qui sous-tendent le rejet de la demande d’indemnisation du préjudice moral. À cet égard, il considère que l’affirmation du Tribunal de la fonction publique figurant au point 37 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle « le recours vise à réparer l’ensemble des conséquences dommageables résultant de l’illégalité commise par l’OLAF dans l’adoption des décisions mentionnées au point 33 de [l’ordonnance attaquée], que le dommage allégué soit matériel […] ou bien moral », est tout à fait générale et « apodictique ».

59      Le requérant fait, en outre, observer qu’il ressort de ses arguments concernant notamment le premier moyen que cette affirmation se fonde sur un présupposé erroné, à savoir le fait que le préjudice découlerait de l’illégalité d’un acte. Il ajoute à cet égard que l’ordonnance attaquée ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles le préjudice moral invoqué découlant de la discrimination subie et de la violation de la confiance légitime procéderait de l’illégalité d’un acte.

60      La Commission conteste ces arguments.

–       Appréciation du Tribunal

61      Il convient de constater à cet égard que le Tribunal de la fonction publique a expliqué la raison pour laquelle il a considéré que la demande d’indemnisation devait être rejetée également en ce qui concerne le préjudice moral. Ainsi, au point 37 de l’ordonnance attaquée, il a indiqué que l’irrecevabilité de l’ensemble du recours était motivée par le fait que la demande d’indemnisation visait la réparation, également sur le plan moral, des conséquences des décisions communiquées par les lettres du 3 novembre 2004 et des 22 mars et 19 décembre 2005, aucune d’entre elles n’ayant été attaquée par le requérant dans les délais.

62      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’ordonnance attaquée ne contiendrait pas de motivation quant aux raisons pour lesquelles le préjudice moral invoqué découlerait d’un acte, il convient de le rejeter pour les motifs indiqués aux points 52 à 55 ci-dessus.

63      Par ailleurs, la circonstance que, selon le requérant, cette affirmation du Tribunal de la fonction publique serait fondée sur une prémisse erronée est sans pertinence dans le cadre du présent moyen, tiré d’un défaut de motivation. En effet, l’exactitude de la constatation sur laquelle le Tribunal de la fonction publique a fondé son appréciation concerne l’examen du bien-fondé de celle-ci et non la question de savoir si le Tribunal de la fonction publique a motivé l’ordonnance attaquée de manière à permettre aux parties de comprendre son raisonnement et au Tribunal de se prononcer sur son bien-fondé.

64      Dans ces circonstances, il convient de rejeter le présent moyen comme étant manifestement non fondé.

65      Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté comme manifestement non fondé. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande du requérant visant à la tenue d’une audience.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      M. Tiralongo ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Giuseppe Tiralongo supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission des Communautés européennes.

Fait à Luxembourg, le 10 novembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.