Language of document : ECLI:EU:T:2013:671

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL

(troisième chambre)

27 novembre 2013 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑465/12,

AGC Glass Europe SA, établie à Bruxelles (Belgique),

AGC Automotive Europe SA, établie à Fleurus (Belgique),

AGC France SAS, établie à Boussois (France),

AGC Flat Glass Italia Srl, établie à Cuneo (Italie),

AGC Glass UK Ltd, établie à Northampton (Royaume-Uni),

AGC Glass Germany GmbH, établie à Wegberg (Allemagne),

représentées par Mes L. Garzaniti, J. Blockx et P. Niggemann, avocats, et M. S. Ryan, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Kellerbauer, G. Meessen et P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 5719 final de la Commission européenne, du 6 août 2012, portant rejet d’une demande de traitement confidentiel introduite par AGC Glass Europe SA, AGC Automotive Europe SA, AGC France SAS, AGC Flat Glass Italia Srl, AGC Glass UK Ltd et AGC Glass Germany GmbH, en application de l’article 8 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (affaire COMP 39.125 – Verre automobile),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood, et E. Bieliūnas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 12 novembre 2008, la Commission européenne a adopté la décision C (2008) 6815 final relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/39.125 – Verre automobile) (ci-après, la « décision Verre automobile »). Dans la décision Verre automobile, la Commission a notamment constaté la participation de l’entreprise formée par AGC Glass Europe SA, AGC Automotive Europe SA, AGC France SAS, AGC Flat Glass Italia Srl, AGC Glass UK Ltd et AGC Glass Germany GmbH, les requérantes, à une infraction aux règles de la concurrence.

2        Compte tenu de leur coopération avec la Commission au cours de la procédure administrative ayant donné lieu à l’adoption de la décision Verre automobile, les requérantes ont obtenu une réduction de 50 % du montant de l’amende qui leur aurait été infligée à défaut d’une telle coopération, au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

3        Le 25 mars 2009, la direction générale de la concurrence de la Commission a informé les requérantes, entre autres, de son intention de publier une version non confidentielle de la décision Verre automobile sur son site Internet. À cette occasion, la Commission a sollicité des requérantes qu’elles identifient dans le texte de la décision d’éventuels secrets d’affaires les concernant ou d’autres éléments dont la divulgation pourrait leur causer un préjudice sérieux.

4        Les requérantes ont répondu à cette demande dans des courriers des 22 avril, 2 juillet, 18 septembre et 16 octobre 2009. À cette occasion, les requérantes ont mis en lumière une série d’informations contenues dans la version complète de la décision Verre automobile qu’elles considéraient comme des secrets d’affaires ou comme d’autres éléments confidentiels. Elles ont dès lors demandé à la Commission d’omettre ces informations de la version non confidentielle plus complète de ladite décision, dont la Commission envisageait la publication.

5        Une version non confidentielle provisoire de la décision Verre automobile a été publiée sur le site Internet de la direction générale de la concurrence le 11 février 2010, tenant compte en grande partie des demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes.

6        Par courriers des 18 novembre et 9 décembre 2011, la Commission a informé les requérantes que, compte tenu de l’introduction de plusieurs demandes d’accès à des informations contenues dans la décision Verre automobile, elle avait l’intention de publier une version plus détaillée de celle-ci. Partant, la Commission a rejeté plusieurs demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes, concernant les faits constitutifs de l’infraction, notamment des noms de clients, des noms et descriptions de produits ainsi que d’autres informations dont il était allégué qu’elles permettraient d’identifier des clients des requérantes affectés par l’entente (informations dites de « catégorie I »). Elle a par ailleurs rejeté plusieurs demandes de traitement confidentiel concernant, entre autres, le nombre de pièces fournies par les requérantes, la part de marché représentée par un constructeur automobile donné, les calculs de prix ainsi que les modifications de prix (informations dites de « catégorie II »), au motif notamment que ces informations ne pouvaient pas être considérées comme des informations professionnelles confidentielles et sensibles sur le plan commercial puisqu’elles avaient été échangées avec les autres participants à l’infraction et qu’elles dataient de plus de cinq ans. La Commission, enfin, a rejeté diverses demandes de confidentialité concernant des informations relatives à des dates de courriers, des pages de documents et d’autres informations de nature administrative (informations dites de « catégorie III »).

7        Les requérantes ont réitéré la plupart de leurs demandes de confidentialité devant le conseiller-auditeur, à l’exception d’une majorité de celles portant sur les informations de catégorie III. Suite à un échange de vues avec le conseiller-auditeur, les requérantes ont renoncé à solliciter la confidentialité des informations de catégorie II.

8        Par décision du 6 août 2012 (ci-après, la « décision attaquée »), le conseiller-auditeur a accepté certaines des demandes de confidentialité relatives à des informations de catégorie I, dans la mesure où celles-ci permettaient l’identification précise de certaines personnes. Il a toutefois rejeté la majorité de ces demandes.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2012, les requérantes ont introduit un recours en annulation de la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci emporte le rejet de plusieurs de leurs demandes de confidentialité relatives à des informations relevant de la catégorie I.

10      Par actes déposés au greffe le 17 janvier 2013, Württembergische Gemeinde-Versicherung a.G. (ci-après « WGV »), VHV Allgemeine Versicherung AG (ci-après « VHV ») et LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster a.G. (ci-après « LVM »), toutes trois actives dans le domaine de l’assurance du verre automobile, ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission, visant au rejet du recours. Par acte déposé au greffe le 22 janvier 2013, HUK-Coburg Haftpflicht-Unterstützungs-Kasse Kraftfahrender Beamter Deutschlands a.G. in Coburg (ci-après « HUK-Coburg »), qui est également active dans le domaine de l’assurance du verre automobile, a également demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

11      Ces demandes d’intervention ont été signifiées aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La Commission et la requérante ont présenté leurs observations écrites relatives à ces demandes d’intervention.

12      Par actes déposés au greffe les 4 et 11 mars 2013, les requérantes ont sollicité du Tribunal le traitement confidentiel d’une série d’informations contenues dans la requête ainsi que dans le mémoire en défense vis-à-vis de WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg, pour le cas où ces dernières seraient admises à intervenir au litige.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 En droit

14      WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg développent une argumentation similaire en vue de justifier de leur intérêt direct et actuel à la solution du litige.

15      Elles font tout d’abord valoir, à cet égard, qu’elles ont introduit un recours en indemnité contre les requérantes devant le Landgericht Düsseldorf. Cette action, fondée notamment sur une violation du droit de l’Union en matière d’ententes entre 1998 et 2003, sanctionnée dans la décision Verre automobile, viserait à obtenir la réparation des dommages causés par les requérantes à ces compagnies d’assurance du fait que ces dernières sont intervenues dans un grand nombre de cas en vue de remplacer du vitrage automobile hors d’usage. Or, il y aurait lieu de tenir compte du fait que la publication d’une version non confidentielle plus détaillée de la décision Verre automobile par la Commission est susceptible d’améliorer leur compréhension de l’entente visée par cette décision et, de cette façon, de rendre plus aisée la démonstration de leur préjudice devant le Landgericht Düsseldorf.

16      WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg soulignent ensuite que l’accès à une information plus complète au sujet de l’entente ayant donné lieu à l’adoption de la décision Verre automobile est rendue plus difficile par le rejet opposé par la Commission à leurs demandes d’accès à certains documents du dossier administratif relatif à la décision Verre automobile, fondées sur le Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

17      La Commission ne s’oppose pas à ce que WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg soient admises à intervenir au présent litige.

18      Les requérantes estiment, en revanche, que ces demanderesses en intervention n’ont pas démontré qu’elles avaient un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

19      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

20      Il résulte par ailleurs d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre d’un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes [ordonnances du président de la Cour du 6 avril 2006, An Post/Deutsche Post e.a., C‑130/06 P(I), point 8, et du 17 octobre 2011, Gesamtverbund der deutschen Textil- und Modeindustrie e.a./Conseil e.a., C‑3/11 P(I), point 10]. À cet égard, il convient notamment de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory, C‑461/07 P(I), point 5].

21      En l’espèce, s’agissant tout d’abord de l’argument des demanderesses en intervention selon lequel leur intérêt direct et actuel à la solution du litige résulterait de la circonstance qu’elles ont introduit un recours en dommages et intérêts devant le Landgericht Düsseldorf à l’encontre des requérantes, du fait de la participation de ces dernières à l’entente visée par la décision Verre automobile, il convient de rappeler qu’il a été jugé, à l’égard d’une demande en intervention introduite par une entreprise soutenant avoir été affectée par un comportement anticoncurrentiel faisant l’objet de l’affaire concernée, que reconnaître un intérêt direct et actuel à la solution du litige à chaque personne physique ou morale qui potentiellement pourrait introduire une action civile demandant réparation du dommage résultant du comportement anticoncurrentiel d’une entreprise aboutirait à un élargissement tellement important du cercle des intervenants potentiels que cela risquerait de porter gravement atteinte à l’efficacité de la procédure devant les juridictions de l’Union [voir, notamment, ordonnances du président de la Cour du 8 juin 2012, Schenker AG/Air France SA et Commission, C‑589/11 P(I), point 24, Schenker AG/Air France-KLM et Commission, C‑590/11 P(I), point 24, et Schenker AG/Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV et Commission, C‑596/11 P (I), point 24 ; voir également, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 19 février 2013, Commission/EnBW Energie-Baden-Württemberg, C‑365/12 P, point 11].

22      Force est de constater que cette jurisprudence s’applique également aux présentes demandes d’intervention. En effet, la circonstance que les demanderesses en intervention ont effectivement introduit une action en réparation à l’encontre d’une entreprise ayant participé à l’entente concernée n’a pas pour effet de distinguer substantiellement leur situation de celle des demandeurs en intervention qui pourraient potentiellement introduire une telle action, visés par cette jurisprudence, et ne saurait, par conséquent, fonder un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

23      S’agissant ensuite de la circonstance que les demanderesses en intervention ont introduit devant la Commission des demandes visant à obtenir l’accès à certains documents du dossier administratif relatif à la décision Verre automobile, sur le fondement du règlement n° 1049/2001, et que ces demandes ont été rejetées par la Commission, celle-ci n’est pas de nature à établir que ces mêmes demanderesses ont un intérêt né et actuel à la solution du litige. En effet, de telles demandes ne sont pas susceptibles de singulariser WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg par rapport à toute autre personne qui serait intéressée par un accès aux documents de la procédure ayant donné lieu à l’adoption de cette décision, toute personne pouvant présenter ce type de demande d’accès aux documents des institutions de l’Union et à tout moment (voir notamment, en ce sens, ordonnances Schenker AG/Air France SA et Commission, point 21 supra, point 25, Schenker AG/Air France-KLM et Commission, point 21 supra, point 25, et Schenker AG/Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV et Commission, point 21 supra, point 25). De plus, toute personne qui est destinataire d’une décision portant refus d’accès aux documents, fondée sur ledit règlement, peut poursuivre l’annulation de cette décision devant le juge de l’Union.

24      Faute pour WGW, VHV, LVM et HUK-Coburg d’avoir établi qu’elles ont un intérêt direct et actuel à la solution du litige, leurs demandes en intervention doivent dès lors être rejetées.

 Sur les dépens

25      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de WGW, VHV, LVM et HUK-Coburg, il convient de statuer sur les dépens afférents à leurs demandes d’intervention.

26      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la Commission ne conclut pas sur les dépens, tandis que les requérantes sollicitent du Tribunal qu’il condamne les demanderesses en intervention à leur rembourser les dépens qu’elles ont encourus au titre des présentes procédures en intervention.

27      Dans ces circonstances, il y a lieu d’ordonner que WGW, VHV, LVM et HUK-Coburg supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux des requérantes afférents aux procédures en intervention, conformément aux conclusions de ces dernières. La Commission supportera quant à elle ses propres dépens afférents aux procédures en intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Les demandes d’intervention de Württembergische Gemeinde-Versicherung a.G., VHV Allgemeine Versicherung AG, LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster a.G. et HUK-Coburg Haftpflicht-Unterstützungs-Kasse Kraftfahrender Beamter Deutschlands a.G. in Coburg sont rejetées.

2)      Württembergische Gemeinde-Versicherung a.G., VHV Allgemeine Versicherung AG, LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster a.G. et HUK-Coburg Haftpflicht-Unterstützungs-Kasse Kraftfahrender Beamter Deutschlands a.G. in Coburg supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux de AGC Glass Europe SA, AGC Automotive Europe SA, AGC France SAS, AGC Flat Glass Italia Srl, AGC Glass UK Ltd et AGC Glass Germany GmbH, afférents aux procédures en intervention.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens afférents aux procédures en intervention.

Fait à Luxembourg, le 27 novembre 2013.


Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.