Language of document : ECLI:EU:T:2023:862

Affaire C‑519/13

Alpha Bank Cyprus Ltd

contre

Senh Dau Si e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par l’Anotato Dikastirio Kyprou)

«Renvoi préjudiciel ‒ Coopération judiciaire en matière civile ou commerciale ‒ Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires ‒ Règlement (CE) no 1393/2007 ‒ Article 8 – Refus de réception de l’acte ‒ Absence de traduction de l’un des documents transmis ‒ Absence du formulaire type figurant à l’annexe II dudit règlement ‒ Conséquences»

Sommaire – Arrêt de la Cour (première chambre) du 16 septembre 2015

1.        Coopération judiciaire en matière civile – Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires – Règlement no 1393/2007 – Objectifs

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1393/2007)

2.        Coopération judiciaire en matière civile – Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires – Règlement no 1393/2007 – Refus de réception de l’acte – Compétences et obligations de l’entité requise – Compétence d’appréciation des conditions du refus – Absence – Appréciation incombant au juge national de l’État membre d’origine

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1393/2007, art. 7, 8, § 1, 2 et 3, et annexe I)

3.        Coopération judiciaire en matière civile – Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires – Règlement no 1393/2007 – Refus de réception de l’acte – Droit conféré au destinataire de l’acte sous certaines conditions – Obligation pour l’entité requise d’informer ledit destinataire de son droit au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II dudit règlement – Absence de marge d’appréciation

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1393/2007, art. 8, § 1, et annexe II)

4.        Coopération judiciaire en matière civile – Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires – Règlement no 1393/2007 – Entité requise n’ayant pas informé le destinataire de l’acte de son droit de refus au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II – Conséquences – Nullité de la procédure – Absence – Obligation pour l’entité requise de régulariser ladite omission

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1393/2007, annexe II)

1.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 29-33)

2.        Conformément à l’article 7 du règlement no 1393/2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, il incombe à l’entité requise de procéder effectivement à la signification ou à la notification de l’acte au destinataire. Dans ce contexte, elle doit, d’une part, tenir informée l’entité d’origine de tous les éléments pertinents de cette opération en renvoyant le formulaire type figurant à l’annexe I de ce règlement et, d’autre part, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de celui-ci, porter à la connaissance du destinataire qu’il peut refuser de recevoir l’acte si ce dernier n’est pas rédigé ou traduit dans l’une des langues visées à cette disposition, à savoir soit une langue que l’intéressé comprend, soit la langue officielle de l’État membre requis ou, le cas échéant, l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification, langues que le destinataire est censé maîtriser. Lorsqu’un tel refus est effectivement opposé par ce dernier, il lui appartient en outre, en vertu des paragraphes 2 et 3 du même article, d’en informer sans délai l’entité d’origine et de retourner la demande et l’acte dont la traduction est demandée. En revanche, lesdites entités n’ont pas à se prononcer sur des questions de nature substantielle, telles que celles de savoir quelle(s) langue(s) le destinataire de l’acte comprend et si l’acte doit ou non être accompagné d’une traduction dans l’une des langues indiquées à l’article 8, paragraphe 1, du règlement. Plus particulièrement, ce règlement ne confère à l’entité requise aucun pouvoir pour apprécier si les conditions dans lesquelles le destinataire d’un acte peut refuser de le réceptionner, figurant à l’article 8, paragraphe 1, sont remplies ou non.

Il incombe, au contraire, à la seule juridiction nationale saisie dans l’État membre d’origine de statuer sur des questions de cette nature, dès lors qu’elles opposent le requérant et le défendeur. Ladite juridiction sera amenée à vérifier, à la demande du requérant, si le refus par le destinataire de réceptionner un acte au motif qu’il n’était pas rédigé dans une langue qu’il comprend ou est censé comprendre était ou non justifié. À cet effet, elle devra prendre dûment en compte tous les éléments du dossier pour, d’une part, déterminer les connaissances linguistiques du destinataire de l’acte et, d’autre part, décider si, compte tenu de la nature de l’acte dont il s’agit, une traduction de ce dernier est requise.

En définitive, ladite juridiction devra, dans chaque cas d’espèce, veiller à ce que les droits respectifs des parties concernées soient protégés de manière équilibrée, en mettant en balance l’objectif d’efficacité et de rapidité de la signification ou de la notification dans l’intérêt du requérant et celui de la protection effective des droits de la défense dans le chef du destinataire.

(cf. points 36, 37, 40-43)

3.        Le règlement nº 1393/2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, doit être interprété en ce sens que l’entité requise est tenue, en toutes circonstances et sans qu’elle dispose à cet égard d’une marge d’appréciation, d’informer le destinataire d’un acte de son droit de refuser la réception de celui-ci, en utilisant systématiquement à cet effet le formulaire type figurant à l’annexe II dudit règlement.

En effet, ce règlement ne comporte aucune exception à l’utilisation des deux formulaires types qui figurent, respectivement, aux annexes I et II de celui-ci. En outre, lesdits formulaires constituent, ainsi que l’indique le considérant 12 de ce même règlement, des instruments au moyen desquels les destinataires sont informés de la faculté dont ils disposent de refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier.

Ainsi qu’il ressort du libellé même de l’intitulé et du contenu du formulaire type figurant à l’annexe II du règlement, la faculté de refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier, telle que prévue audit article 8, paragraphe 1, est qualifiée de «droit» du destinataire de cet acte. Or, pour que ce droit conféré par le législateur de l’Union puisse utilement produire ses effets, il doit être porté par écrit à la connaissance du destinataire de l’acte. Dans le système mis en place par le règlement no 1393/2007, cette information lui est fournie au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II.

Il s’ensuit que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1393/2007 comporte deux énonciations certes liées, mais néanmoins distinctes, à savoir, d’une part, le droit matériel du destinataire de l’acte de refuser de recevoir celui-ci, au seul motif qu’il n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans une langue qu’il est censé comprendre et, d’autre part, l’information formelle de l’existence dudit droit portée à sa connaissance par l’entité requise. En d’autres termes, la condition relative au régime linguistique de l’acte se rapporte non pas à l’information du destinataire par l’entité requise, mais exclusivement au droit de refus réservé à ce dernier.

Dans ces conditions, il apparaît que le refus lui-même est certes clairement conditionné, en ce sens que le destinataire de l’acte ne peut valablement en faire usage que dans l’hypothèse où l’acte en cause n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction soit dans une langue qu’il comprend, soit dans la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre, dans la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification.

Il n’en demeure pas moins que l’exercice de ce droit de refus suppose que le destinataire de l’acte a été dûment informé, au préalable et par écrit, de l’existence de son droit.

Partant, l’entité requise, lorsqu’elle procède ou fait procéder à la signification ou à la notification d’un acte à son destinataire, est tenue, dans tous les cas, de joindre à l’acte en cause le formulaire type figurant à l’annexe II du règlement no 1393/2007 informant ce destinataire de son droit de refuser de réceptionner cet acte.

(cf. points 44, 45, 47, 49-51, 53-55, 58, 77 et disp.)

4.        Le règlement no 1393/2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, doit être interprété en ce sens que la circonstance que l’entité requise, lorsqu’elle procède à la signification ou à la notification d’un acte à son destinataire, n’ait pas joint le formulaire type figurant à l’annexe II du règlement, constitue non pas un motif de nullité de la procédure, mais une omission qui doit être régularisée conformément aux dispositions énoncées par ledit règlement.

En effet, il ne ressort d’aucune disposition de ce règlement que l’absence d’information du destinataire d’un acte, au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II du règlement, de son droit de refuser la réception de celui-ci entraîne la nullité de la procédure de signification ou de notification. En outre, s’agissant des conséquences du refus du destinataire d’un acte de réceptionner ce dernier au motif que cet acte n’était pas accompagné d’une traduction dans une langue qu’il comprend ou dans la langue officielle de l’État membre requis, il a déjà été jugé, à propos du règlement no 1348/2000 qui a précédé le règlement no 1393/2007, qu’il y avait lieu non pas de prononcer la nullité de la procédure, mais de permettre, en revanche, à l’expéditeur de remédier à l’absence du document requis en envoyant la traduction demandée. Une solution analogue doit être retenue dans l’hypothèse où l’entité requise a omis de transmettre au destinataire d’un acte le formulaire type figurant à l’annexe II de ce dernier règlement. En effet, l’omission dudit formulaire type et le refus de réception d’un acte pour défaut de traduction appropriée sont étroitement liés dans la mesure où, dans ces deux situations, il peut être porté atteinte à l’exercice, par le destinataire d’un tel acte, de son droit de refuser de réceptionner l’acte en cause. Par ailleurs, prononcer la nullité soit de l’acte à notifier ou à signifier soit de la procédure de signification ou de notification serait incompatible avec l’objectif poursuivi par le règlement no 1393/2007, consistant à prévoir un mode de transmission direct, rapide et efficace entre les États membres des actes en matière civile et commerciale.

Par conséquent, en cas d’omission de l’information au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II du règlement, il incombera à l’entité requise de procéder sans délai à l’information des destinataires de l’acte de leur droit de refuser la réception de ce dernier, en leur transmettant, en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement, ledit formulaire type.

(cf. points 59-61, 63, 64, 66, 67, 72, 76, 77 et disp.)