Language of document : ECLI:EU:T:2003:42

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 février 2003(1)

«Fonctionnaires - Maladie professionnelle - Régularité de l'avis de la commission médicale - Preuve de l'origine professionnelle de la maladie - Incertitude scientifique - Régularité de la procédure précédant la saisine de la commission médicale»

Dans l'affaire T-145/01,

Benito Latino, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Sérignac-Peboudou (France), représenté par Me G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, assisté de Me J.-L. Fagnart, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation de la décision de la Commission du 10 août 2000, portant rejet de la demande du requérant visant à la reconnaissance de l'origine professionnelle de ses lésions arthrosiques et mettant à sa charge les honoraires et frais accessoires du médecin désigné par ses soins au sein de la commission médicale ainsi que la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin composant cette commission,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, N. J. Forwood et H. Legal, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 9 octobre 2002,

rend le présent

Arrêt

1.
    L'article 73, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») prévoit que, dans les conditions fixées par une réglementation établie d'un commun accord par les institutions des Communautés, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d'accident.

2.
    Aux termes de l'article 73, paragraphe 2, sous b) et c), du statut, la prestation garantie, en cas d'invalidité permanente totale, est le paiement à l'intéressé d'un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l'accident et, en cas d'invalidité permanente partielle, le paiement d'une partie de cette indemnité,calculée sur la base du barème fixé par la réglementation prévue à l'article 73, paragraphe 1, du statut.

3.
    La réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la «réglementation de couverture») fixe, en exécution de l'article 73 du statut, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire est couvert contre les risques d'accident et de maladie professionnelle.

4.
    L'article 3 de cette réglementation énonce:

«1. Sont considérées comme maladies professionnelles les maladies qui figurent à la 'liste européenne des maladies professionnelles' annexée à la recommandation de la Commission du 22 mai 1990 et à ses compléments éventuels, dans la mesure où le fonctionnaire a été exposé, dans son activité professionnelle auprès des Communautés européennes, aux risques de contracter ces maladies.

2. Est également considérée comme maladie professionnelle toute maladie ou aggravation d'une maladie préexistante ne figurant pas à la liste visée au paragraphe 1, lorsqu'il est suffisamment établi qu'elle trouve son origine dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions au service des Communautés.»

5.
    L'article 17, paragraphe 1, de la réglementation de couverture dispose que le fonctionnaire qui demande l'application de ladite réglementation pour cause de maladie professionnelle doit faire une déclaration à l'administration dont il relève dans un délai raisonnable suivant le début de la maladie ou la date de la première constatation médicale.

6.
    L'article 17, paragraphe 2, de cette réglementation prévoit que l'administration procède à une enquête en vue de recueillir tous les éléments permettant d'établir la nature de l'affection, son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s'est produite. Au vu du rapport d'enquête, le ou les médecins désignés par l'institution émettent les conclusions prévues à l'article 19 de ladite réglementation.

7.
    Selon l'article 18 de la réglementation de couverture, l'administration peut solliciter toute expertise médicale nécessaire pour son application.

8.
    L'article 19 de cette réglementation dispose que les décisions relatives à la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie ainsi qu'à la fixation du degré d'invalidité permanente sont prises par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») suivant la procédure prévue à l'article 21, sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et, si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l'article 23 de ladite réglementation.

9.
    L'article 21 de la réglementation de couverture énonce que, avant de prendre une décision en vertu de l'article 19, l'AIPN notifie au fonctionnaire le projet de décision, accompagné des conclusions du ou des médecins désignés par l'institution. Le fonctionnaire peut, dans un délai de 60 jours, demander que la commission médicale prévue à l'article 23 donne son avis.

10.
    En vertu de l'article 23, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, la commission médicale est composée de trois médecins désignés, le premier, par l'AIPN, le deuxième, par le fonctionnaire et le troisième, d'un commun accord par les deux médecins ainsi désignés. Au terme de ses travaux, la commission médicale consigne ses conclusions dans un rapport qui est adressé à l'AIPN et au fonctionnaire.

11.
    L'article 23, paragraphe 2, de la réglementation de couverture énonce:

«Les frais des travaux de la commission médicale sont supportés par l'institution dont relève le fonctionnaire.

[...]

Lorsque l'avis de la commission médicale est conforme au projet de décision de l'[AIPN] notifié au fonctionnaire ou à ses ayants droit en vertu de l'article 21, ceux-ci doivent supporter les honoraires et frais accessoires du médecin qu'ils ont choisi et la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin, le solde étant à la charge de l'institution, sauf lorsqu'il s'agit d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou sur le chemin du travail.

Toutefois, dans des cas exceptionnels et par décision de l'[AIPN] prise après avis du médecin désigné par celle-ci, tous les frais visés aux alinéas précédents peuvent être pris à charge par l'institution.»

Faits et procédure

12.
    Le requérant, né en 1935, est entré au service des Communautés européennes en 1964. Il a été affecté au secteur «Archives» du service juridique de la Commission du 1er juin 1967 au 1er juillet 1994. Au cours de sa carrière, il a été chargé de la distribution, au sein de ce service, des journaux officiels, des notes internes et des documents émanant de la Cour de justice; du classement et de la recherche de documents et de dossiers; de la tenue à jour de la collection des journaux officiels et des procès-verbaux de la Commission ainsi que de la constitution de dossiers pour les directeurs généraux du service juridique.

13.
    À la suite d'absences cumulées du requérant de plus d'un an sur une période de trois ans à partir du 1er février 1989 en raison de problèmes arthrosiques, cervicaux et lombaires, une première commission médicale s'est réunie le 18 juin et le 10 octobre 1990. Elle a conclu que l'intéressé était apte à reprendre ses fonctions «àcondition qu'il [fût] affecté à un poste de travail ne comportant pas de port ou de manipulation de poids de plus de 20 kg». En outre, la commission médicale notait que la «position assise [était] souhaitable mais pas indispensable».

14.
    De 1990 à 1994, le requérant a exercé des fonctions en position assise et a été dispensé du transport de charges lourdes.

15.
    Dans une lettre adressée à la Commission le 25 mai 1994 en vue de la réunion d'une nouvelle commission médicale, le requérant a indiqué qu'il était atteint de troubles respiratoires, d'affections cutanées ainsi que de «douleurs du dos, des épaules et des jambes».

16.
    Par décision de la Commission du 7 juin 1994, constatant qu'il était atteint d'une invalidité permanente totale le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions en raison de problèmes rhumatismaux, psychologiques et allergiques, le requérant a été mis d'office à la retraite, en application de l'article 53 du statut. Au titre de cette invalidité, il a bénéficié, à partir du 1er juillet 1994, d'une pension d'invalidité en vertu de l'article 78 du statut.

17.
    Le 28 octobre 1994, le requérant a introduit une demande tendant à la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa «maladie respiratoire» consécutive à une exposition à l'amiante durant son travail auprès de la Commission, à la reconnaissance d'une invalidité permanente totale et à la «fixation des indemnités pour les autres dommages», en application de l'article 73 du statut.

18.
    La Commission a procédé à une enquête, conformément à l'article 17, paragraphe 2, de la réglementation de couverture.

19.
    Dans son rapport du 15 septembre 1995, le docteur Dalem, médecin désigné par l'institution dans le cadre de cette enquête, a suggéré que les problèmes respiratoires du requérant ainsi que les plaques pleurales soient examinés par le professeur Bartsch. En ce qui concerne les lésions arthrosiques, le docteur Dalem a indiqué:

«Il a été relevé chez M. Latino une arthrose évoluée de la colonne cervicale, de la colonne lombaire, une réduction de la mobilité des hanches et, par ailleurs, un syndrome brachialgique du membre supérieur gauche avec une calcification d'une bourse séreuse de l'épaule gauche. Il ne nous paraît pas que cette affection soit en rapport avec une maladie professionnelle.»

20.
    Le 9 février 1996, la Commission a, sur la base des conclusions du professeur Bartsch, et conformément à l'article 21 de la réglementation de couverture, notifié un projet de décision au requérant. Dans ce projet, elle reconnaissait l'origine professionnelle des troubles respiratoires et des plaques pleurales du requérant et proposait de lui verser à ce titre un capital de 639 114 francs belges (BEF),correspondant à un taux d'invalidité permanente partielle de 5 %. Quant aux autres affections, notamment arthrosiques, la Commission indiquait que le professeur Bartsch avait conclu qu'«elles s'expliqu[aient] très facilement par des causes non professionnelles».

21.
    Par lettre du 12 mars 1996, le requérant a contesté le taux de 5 % retenu dans le projet de décision et a demandé la saisine de la commission médicale prévue, dans l'hypothèse d'un désaccord, par l'article 21 de la réglementation de couverture. Il a notamment fait état dans sa lettre d'une asbestose, de graves problèmes respiratoires, d'asthme, de crampes et de douleurs permanentes, principalement dorsales, provoquant une diminution constante de ses capacités physiques, en particulier de la tolérance à l'effort, d'affections cutanées, d'allergies, de troubles du sommeil, d'anxiété et d'angoisse constante de développer un cancer mortel.

22.
    Le 7 mai 1996, le requérant a introduit une nouvelle demande au titre de l'article 90 du statut, tendant à la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une arthrose cervicale et lombaire, d'une arthrose des genoux et de lésions tendineuses au niveau de l'épaule gauche, provoquées, selon lui, par le fait qu'il avait été chargé pendant de nombreuses années du classement de lourdes pièces d'archives. Par lettre du 14 juin 1996, la Commission l'a informé que le dossier concernant ses problèmes d'arthrose avait été, à l'époque, soumis pour avis au docteur Dalem. Les conclusions de ce médecin relatives à ces problèmes, incluses dans son rapport du 15 septembre 1995, avaient été reprises dans le projet de décision du 9 février 1996 et la commission médicale, chargée d'effectuer une expertise sur l'origine professionnelle des maladies du requérant, examinait également ses lésions arthrosiques.

23.
    Dans sa lettre à la Commission du 3 juillet 1996, le requérant a demandé que la commission médicale à constituer traite séparément les lésions pulmonaires et les lésions arthrosiques et qu'elle fasse deux rapports distincts.

24.
    La Commission a accueilli cette demande et a donné mandat à la commission médicale, composée du docteur Dalem, désigné par ses soins, du docteur Vermeersch, désigné par le requérant, et du docteur Lannoy, choisi d'un commun accord par ces deux médecins, de déterminer, dans l'hypothèse où les lésions arthrosiques du requérant ne figuraient pas dans la «liste européenne des maladies professionnelles», «si, sur le plan médical, il [était] suffisamment établi que l'affection dont [était] atteint M. Latino ou l'aggravation de cette affection préexistante présent[ait] un rapport direct avec ses fonctions au service des Communautés européennes, soit dans leur exercice soit à l'occasion de leur exercice».

25.
    Dans son rapport du 25 mars 1998, la commission médicale a constaté que le requérant était atteint de «lésions arthrosiques dégénératives», consistant dans une arthrose cervico-dorsolombaire et une périarthrite scapulo-humérale gauche. Elle a conclu, à la majorité des voix, «qu'il n'[était] pas suffisamment établi que cettepathologie trouv[ait] son origine dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions au service des Communautés». À l'appui de ces conclusions, les docteurs Dalem et Lannoy faisaient valoir, en premier lieu, qu'il n'existait pas de travaux scientifiques démontrant une relation entre les sollicitations de la colonne par transport de charges et le développement d'une arthrose vertébrale. Ils invoquaient, en second lieu, l'apparition simultanée chez le requérant, à côté de lésions de discarthrose lombaire, d'importantes lésions de cervicarthrose, lesquelles ne pourraient être influencées par la manipulation fréquente de charges lourdes. Quant à la périarthrite scapulo-humérale gauche, elle constituerait un phénomène dégénératif fréquent dans une population du même âge, indépendamment du type d'activité professionnelle exercée. Le docteur Vermeersch objectait que les microtraumatismes engendrés par les efforts exercés au cours de la vie professionnelle interviennent dans l'installation et le développement des lésions dégénératives observées.

26.
    Par lettre du 25 novembre 1998, la Commission a confirmé son projet de décision du 9 février 1996. Le 15 janvier 1999, le requérant a présenté une réclamation à l'encontre de cette décision. Le 29 mars suivant, à la suite de la réunion du groupe interservices, il a déposé un document de synthèse.

27.
    Par décision du 17 mai 1999, la Commission a fait droit à cette réclamation, en saisissant à nouveau la commission médicale et en lui donnant mandat de rédiger un rapport complémentaire répondant de manière motivée à la question de savoir si l'exercice par le requérant de ses fonctions a contribué à l'émergence, au développement, à l'aggravation ou à l'accélération de ses lésions arthrosiques. Elle chargeait également cette commission de prendre position sur les lésions aux genoux signalées par le requérant.

28.
    La commission médicale s'est réunie le 8 février 2000. Dans son avis du 18 avril 2000, elle constate l'absence de pathologie objectivable au niveau des genoux. En ce qui concerne l'arthrose vertébrale, elle se fonde en particulier sur le rapport du professeur Lagasse du 1er septembre 1996, annexé à son avis et intitulé «Revue de littérature sur l'effet possible des charges dynamiques et/ou statiques sur les affections dégénératives de la colonne vertébrale lombaire» (ci-après le «rapport Lagasse»), qui avait été rédigé pour le Fonds des maladies professionnelles belge. Elle conclut:

«La commission considère de manière unanime que l'intéressé souffre de polyarthrose. Dans l'état actuel des connaissances médicales, on ne peut pas considérer qu'il soit établi que cette polyarthrose trouve son origine dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au service des Communautés. Il n'est pas davantage établi que l'exercice desdites fonctions ait contribué à l'émergence et/ou au développement, à l'aggravation, à l'accélération de la pathologie dégénérative présentée par M. Benito Latino. L'objectivité commande à la commission de dire que, si l'intervention de l'activité professionnelle dans la pathologie dégénérative n'est pas démontrable, elle ne peut pas non plus êtreexclue. Mais elle fait remarquer que la question qui lui a été posée n'est pas de déterminer si cette intervention est possible, mais bien si elle est établie.»

29.
    Par lettre du 10 août 2000 (ci-après la «décision attaquée»), la Commission a informé le requérant des conclusions de la commission médicale et a confirmé son projet de décision du 9 février 1996. Dans cette décision, elle met à la charge du requérant, en application de l'article 23, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, les honoraires et frais accessoires du médecin qu'il avait désigné au sein de la commission médicale et la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin composant cette commission.

30.
    Le 10 novembre 2000, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision. Cette réclamation n'a pas fait l'objet d'une décision explicite de rejet.

31.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2001, le requérant a formé le présent recours.

32.
    Conformément à l'article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal (première chambre) a estimé qu'un deuxième échange de mémoires n'était pas nécessaire parce que le contenu du dossier était suffisamment complet pour permettre aux parties de développer leurs moyens et arguments au cours de la procédure orale. Sur rapport du juge rapporteur, il a décidé d'ouvrir la procédure orale.

33.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 9 octobre 2002.

Conclusions des parties

34.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée en ce qu'elle ne reconnaît pas l'origine professionnelle de ses lésions arthrosiques et en ce qu'elle met à sa charge les honoraires et frais accessoires du médecin désigné par ses soins au sein de la commission médicale et la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin;

—    condamner la Commission à l'ensemble des dépens.

35.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer non recevable ou à tout le moins non fondé le recours en annulation;

—    statuer comme de droit sur les dépens.

En droit

36.
    À l'appui de sa demande en annulation, le requérant invoque, en premier lieu, la violation de l'article 73 du statut en relation avec le caractère prétendument incompréhensible et incohérent de l'avis de la commission médicale; en deuxième lieu, la violation de cet article du statut, de l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, du devoir de sollicitude et du principe de proportionnalité, en relation avec l'impossibilité alléguée d'apporter la preuve scientifique de l'origine professionnelle des lésions arthrosiques et, en troisième lieu, la violation de l'article 21 de la réglementation de couverture.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 73 du statut en relation avec le caractère prétendument incompréhensible et incohérent de l'avis de la commission médicale

Arguments des parties

37.
    Le requérant rappelle que, dans sa réclamation du 15 janvier 1999, il avait reproché à la commission médicale d'avoir, dans son premier avis en date du 25 mars 1998:

1) omis d'exécuter intégralement son mandat en s'abstenant d'examiner ses lésions aux genoux;

2) fondé ses conclusions sur la prémisse selon laquelle il n'existerait pas de travaux scientifiques montrant une relation entre les sollicitations de la colonne vertébrale par port de charges et le développement d'une arthrose vertébrale;

3) retenu une interprétation irrégulière de la notion de maladie professionnelle visée par l'article 73 du statut.

38.
    Dans son second avis, émis le 18 avril 2000, la commission médicale aurait reproduit ces irrégularités.

39.
    S'agissant en particulier du deuxième grief susmentionné, elle se serait fondée sur le rapport Lagasse pour conclure que l'existence d'un lien de causalité entre les fonctions exercées par le requérant et l'apparition, l'aggravation ou l'accélération de la polyarthrose dont il est atteint n'était pas suffisamment établie.

40.
    Or, cet auteur n'aurait pas exclu que certaines fonctions peuvent contribuer à une accélération de la dégénérescence discale chez certains travailleurs. Il aurait, au contraire, conclu à la convergence de travaux très divers plaidant «pour un effet (difficile à quantifier, mais probablement limité) d'accélération de la dégénérescence discale chez les travailleurs exposés à des charges mécaniques de la colonne ou, au contraire, astreints à des positions sédentaires, et spécialement assises».

41.
    En l'espèce, le requérant aurait porté des charges de 5 à 30 kg dans l'exercice de ses fonctions de 1967 à 1990.

42.
    Dans ce contexte, en estimant, dans son avis du 18 avril 2000, que, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il était, par principe et de manière absolue, impossible de considérer que la polyarthrose dont était atteint le requérant pût trouver son origine dans l'exercice de ses fonctions, la commission médicale aurait émis des conclusions incompréhensibles et incompatibles avec le rapport Lagasse sur lequel elle se fondait ainsi qu'avec la littérature médicale qui avait été produite par le requérant dans le cadre de la première procédure précontentieuse.

43.
    Lors de l'audience, le requérant a souligné que la commission médicale a refusé de vérifier s'il existait en l'espèce un lien de causalité entre l'exercice de son activité professionnelle et l'affection considérée. En l'occurrence, elle se serait abstenue de prendre en considération plusieurs pièces du dossier: le rapport non daté du docteur Joppart cité dans son premier avis du 25 mars 1998 et la position du docteur Vermeersch, exposée, d'une part, dans ce premier avis et, d'autre part, dans la lettre adressée par ce médecin le 28 février 2000 au docteur Dalem en vue de la rédaction du second avis de la commission médicale. Or, dans le cadre de l'administration de la preuve, ces éléments démontreraient que l'existence d'un lien de causalité est vraisemblable.

44.
    De plus, le requérant soutient que les conclusions de la commission médicale sont incompatibles avec la réglementation communautaire, confirmant qu'une relation causale peut exister entre le port de charges lourdes et les lésions arthrosiques. En particulier, la directive 90/269/CEE du Conseil, du 29 mai 1990, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à la manutention manuelle de charges comportant des risques, notamment dorsolombaires, pour les travailleurs (quatrième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO L 156, p. 9), indiquerait, en son annexe I, que la manutention manuelle d'une charge lourde peut présenter un risque, notamment dorsolombaire. En outre, le barème des taux d'invalidité permanente, annexé à la réglementation de couverture, montrerait que le législateur communautaire a estimé que l'exercice de fonctions auprès des Communautés pouvait causer une ankylose complète de l'articulation scapulo-humérale de la hanche ou du genou, source d'invalidité permanente totale.

45.
    La Commission estime, pour sa part, que l'avis de la commission médicale du 18 avril 2000 est clair et cohérent.

46.
    Lors de l'audience, en réponse à une question du Tribunal, elle a souligné l'existence d'un consensus, au sein de la commission médicale, sur la difficulté de prouver l'origine professionnelle d'une polyarthrose. Ce consensus porterait notamment sur l'impossibilité, en l'espèce, d'établir directement l'origine professionnelle éventuelle des lésions considérées. Il expliquerait également que la commission médicale n'a pas non plus procédé par élimination, en vérifiant sil'existence de facteurs extraprofessionnels pouvait être écartée, ce qui aurait permis le cas échéant de conclure à l'origine professionnelle de ces lésions.

Appréciation du Tribunal

47.
    Selon une jurisprudence bien établie, la mission qui incombe à la commission médicale de porter en toute objectivité et en toute indépendance une appréciation sur des questions d'ordre médical exige, d'une part, que cette commission dispose de l'ensemble des éléments susceptibles de lui être utiles et, d'autre part, que sa liberté d'appréciation soit entière. Les appréciations médicales proprement dites doivent être considérées comme définitives lorsqu'elles ont été émises dans des conditions régulières. Le juge est uniquement habilité à vérifier, d'une part, si la commission médicale a été constituée et a fonctionné régulièrement et, d'autre part, si son avis est régulier, notamment s'il contient une motivation permettant d'apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s'il établit un lien compréhensible entre les constatations médicales qu'il comporte et les conclusions auxquelles il parvient (arrêts du Tribunal du 15 décembre 1999, Nardone/Commission, T-27/98, RecFP p. I-A-267 et II-1293, points 30, 68 et 87; du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T300/97, RecFP p. I-A-259 et II1263, point 41; du 16 juin 2000, C/Conseil, T-84/98, RecFP p. I-A-113 et II497, point 43, et du 27 juin 2000, Plug/Commission, T-47/97, RecFP p. I-A-119 et II-527, point 117).

48.
    En particulier, lorsque la commission médicale est saisie de questions d'ordre médical complexes se rapportant, notamment, à un diagnostic difficile ou au lien de causalité entre les affections dont est atteint l'intéressé et l'exercice de son activité professionnelle auprès d'une institution communautaire, il lui incombe d'indiquer, dans son avis, les éléments sur lesquels elle s'appuie et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles elle s'écarte de certains rapports médicaux antérieurs pertinents, plus favorables à l'intéressé (arrêt Nardone/Commission, précité, point 88).

49.
    Il convient, dès lors, d'examiner l'avis de la commission médicale, en vue de vérifier s'il est conforme à ces exigences.

50.
    Au préalable, dans la mesure où, en l'occurrence, la maladie considérée est susceptible de résulter de divers facteurs (maladie multifactorielle), il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie d'un fonctionnaire ne présuppose pas que celle-ci trouve sa cause essentielle ou prépondérante dans l'exercice des fonctions au service des Communautés. Lorsque la maladie trouve son origine dans plusieurs causes, professionnelles et extraprofessionnelles, qui ont, chacune, contribué à son émergence, il incombe à la commission médicale de déterminer si l'exercice des fonctions — quelque pourrait être, par ailleurs, l'évaluation de l'importance de ce facteur par rapport aux facteurs extraprofessionnels — présente un rapport direct avec la maladie du fonctionnaire (arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T-4/96, Rec. p. II-1125, points 79 et 80).

51.
    En outre, il importe de souligner à titre liminaire que, en présence d'une maladie multifactorielle dont l'origine professionnelle éventuelle est difficile, voire impossible — sauf circonstances particulières — à prouver dans un cas individuel en l'état actuel des connaissances scientifiques, il ne saurait être fait grief à la commission médicale de prendre en considération, le cas échéant, les résultats d'une étude épidémiologique susceptible d'indiquer, sur la base de données statistiques, si et dans quelle proportion il existe en règle générale un lien de causalité entre l'exercice d'une activité professionnelle déterminée et l'émergence, l'aggravation ou l'accélération de cette maladie. En effet, la commission médicale peut à bon droit se fonder, le cas échéant, sur les résultats d'une telle étude, effectuée selon une méthodologie rigoureuse, pour conclure dans un cas individuel à l'existence selon toute probabilité de ce lien causal.

52.
    Une telle constatation d'ordre médical suffirait à établir à suffisance de droit l'existence d'un lien de causalité, conformément aux dispositions de l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture. En effet, selon le droit commun de la preuve, celle-ci peut être rapportée par tous moyens, notamment en invoquant des indices sérieux, précis et concordants, établissant que, dans le cas considéré, l'origine professionnelle des lésions est objectivement vraisemblable et peut raisonnablement être présumée.

53.
    En l'espèce, il est constant entre les parties que la polyarthrose dont est atteint le requérant est une maladie dégénérative multifactorielle qui se développe souvent de manière spontanée et dont l'origine professionnelle est très difficile à prouver. Cette difficulté a d'ailleurs été reconnue notamment par le membre de la commission médicale désigné par le requérant, le docteur Vermeersch, dans sa lettre du 28 février 2000, mentionnée au point 43 ci-dessus, jointe au second avis de cette commission.

54.
    Dans ces conditions, la commission médicale a pu légitimement se fonder, dans cet avis, sur le rapport Lagasse. Dans ce rapport, l'auteur effectue une étude critique de la littérature scientifique publiée dans le monde durant les 20 dernières années sur l'effet possible des charges dynamiques et/ou statiques sur les affections dégénératives de la colonne vertébrale lombaire. À cet égard, il est à noter que la commission médicale a justifié dans son avis la prise en considération de ce rapport, bien que celui-ci n'aborde pas explicitement le problème de l'arthrose vertébrale dont est atteint le requérant, par l'absence d'études spécifiques relatives à cette affection. Elle explique en effet, sous la rubrique «Discussion», que, dans la mesure où cette affection se manifeste le plus souvent par des douleurs lombaires et où, dans la littérature examinée, les cas étudiés sont le plus souvent regroupés sous ce terme générique, le rapport Lagasse conserve toute sa pertinence en l'espèce.

55.
    Le requérant soutient toutefois que l'avis de la commission médicale repose sur une interprétation erronée du rapport Lagasse. Il convient donc, à ce stade, de vérifier la cohérence des conclusions de cette commission par rapport à cellescontenues dans ce rapport, sur lesquelles l'avis du 18 avril 2000 se fonde de manière expresse.

56.
    Comme le souligne la commission médicale dans cet avis, les conclusions du professeur Lagasse sont prudentes. Ce dernier relève, en effet, que la méthodologie des études pertinentes disponibles est fort variable, ce qui rend les comparaisons difficiles. Il note que «souvent les auteurs insistent dans leurs conclusions sur la nécessité de renforcer la qualité méthodologique des études si l'on veut dégager un jour des conclusions quant à la nature causale des facteurs de risque professionnels investigués». À la question de savoir si des charges appliquées sur la colonne vertébrale peuvent conduire à une fréquence accrue de lésions discales lombaires, il répond, dans le passage dont l'interprétation est discutée par les parties:

«À notre sens, [les questions examinées] restent actuellement sans réponse précise, même si une certaine convergence de travaux très divers semble plaider pour un effet (difficile à quantifier, mais probablement limité) d'accélération de la dégénérescence discale chez les travailleurs exposés à des charges mécaniques de la colonne ou, au contraire, astreints à des positions sédentaires, et spécialement assises.»

57.
    Il apparaît que, dans la mesure où l'arthrose constitue une affection multifactorielle, répandue dans la population en général, les conclusions du rapport Lagasse ne permettent pas, à elles seules, de présumer, dans un cas particulier, qu'une arthrose dorsolombaire a été causée, accélérée ou aggravée par le port de charges lourdes.

58.
    En effet, bien que le professeur Lagasse fasse état d'une «certaine convergence» de travaux en faveur d'une incidence du port de charges lourdes, cette observation est nuancée, d'une part, par la circonspection avec laquelle elle est formulée et, d'autre part, par l'indication selon laquelle une telle incidence est probablement limitée et difficile à quantifier. Or, à défaut de conclusions plus précises, il est impossible d'évaluer dans un cas individuel, sur la base de ce seul rapport, en premier lieu, la probabilité selon laquelle un facteur d'ordre professionnel a exercé une incidence sur l'accélération des lésions et, en second lieu, lors du calcul du montant de l'indemnité, l'importance relative vraisemblable de ce facteur professionnel par rapport à d'autres facteurs éventuels.

59.
    Il s'ensuit que, contrairement aux allégations du requérant, l'avis de la commission médicale, appelée à se prononcer sur l'origine des lésions arthrosiques dont il est atteint, n'est pas en contradiction avec le rapport Lagasse. En effet, la commission médicale se fonde sur ce rapport pour affirmer:

«Dans l'état actuel des connaissances médicales, on ne peut pas considérer qu'il soit établi que cette polyarthrose trouve son origine dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au service des Communautés. Il n'est pas davantageétabli que l'exercice desdites fonctions ait contribué à l'émergence et/ou au développement, à l'aggravation, à l'accélération de la pathologie dégénérative présentée par M. Benito Latino. L'objectivité commande à la commission de dire que, si l'intervention de l'activité professionnelle dans la pathologie dégénérative n'est pas démontrable, elle ne peut pas non plus être exclue. Mais elle fait remarquer que la question qui lui a été posée n'est pas de déterminer si cette intervention est possible, mais bien si elle est établie.»

60.
    Dans cet avis, la commission médicale précise et clarifie ainsi la motivation de son premier avis, en date du 25 mars 1998, en explicitant en particulier pourquoi, en l'espèce, il n'est pas possible de présumer, en se fondant sur les études disponibles, l'existence d'un lien de causalité entre l'activité professionnelle du requérant et les lésions dorsolombaires dont il est atteint. Dans le premier avis, adopté à la majorité des voix, les docteurs Dalem et Lannoy avaient en effet souligné, en premier lieu, qu'il n'existait pas de travaux démontrant une relation entre les sollicitations de la colonne par transport de charges et le développement d'une arthrose vertébrale. Ils avaient fait valoir, en second lieu, que le développement d'une arthrose cervicale et d'une périarthrite scapulo-humérale, qui ne pourrait être influencé par le port de charges lourdes, prouverait que l'arthrose dorsolombaire dont est atteint le requérant n'est pas liée au port de charges lourdes. Dans son avis du 18 avril 2000, la commission médicale ne reprend pas ce second argument réaffirmé par le docteur Dalem dans sa lettre du 18 juin 2000 jointe à l'avis. Par ailleurs, s'agissant des lésions cervicales et scapulo-humérales, elle constate, dans ce second avis:

«Ce qui est vrai pour la pathologie lombaire l'est a fortiori pour la pathologie cervicale et celle des épaules».

61.
    En outre, il ressort de cet avis du 18 avril 2000 que, tout en estimant que les conclusions du rapport Lagasse ne suffisent pas à établir l'origine professionnelle des lésions arthrosiques dorsolombaires considérées, la commission médicale admet néanmoins expressément qu'une telle origine n'est pas exclue.

62.
    Dans ces conditions, la thèse du requérant, selon laquelle cette commission aurait écarté toute possibilité, au regard des connaissances scientifiques actuelles, de reconnaître, sur la base d'un examen individuel, l'origine professionnelle de ce type de lésion, ne saurait être accueillie.

63.
    En particulier, la lecture des deux avis successifs émis par la commission médicale confirme que celle-ci a procédé à une appréciation individuelle de l'origine des diverses lésions considérées, sur la base des données propres au requérant, évaluées à la lumière des connaissances scientifiques actuelles. À cet égard, il n'est pas contesté que le premier avis contient l'anamnèse du requérant et reprend en substance l'ensemble des éléments du dossier, notamment les expertises et les rapports médicaux le concernant disponibles à l'époque, ainsi que des informations relatives à ses conditions de travail. De plus, il ressort de cet avis que le requéranta été interrogé et examiné par la commission médicale au cours de sa séance du 17 février 1998.

64.
    Par ailleurs, le contenu du second avis de la commission médicale, en date du 18 avril 2000, révèle que, saisie de la demande d'avis complémentaire concernant l'origine des lésions considérées, cette commission a pris en considération les rapports médicaux et les examens postérieurs à son premier avis et a entendu le requérant, lors de sa séance du 8 juillet 2000, sur l'évolution de son état de santé, les traitements qu'il suivait et les opérations qu'il avait subies dans l'intervalle.

65.
    Dans ce contexte, il ressort clairement des deux avis susvisés que les éléments invoqués plus spécialement par le requérant — à savoir un rapport du docteur Joppart dont la teneur est résumée dans la partie intitulée «Étude du dossier communiqué» du premier avis et la position défendue par le docteur Vermeersch dans le cadre des travaux de la commission médicale — ont été pleinement pris en considération. La commission médicale a cependant estimé, à la majorité de ses membres, que l'ensemble des données à sa disposition — qu'il s'agisse des données individuelles ou du rapport Lagasse — ne permettait pas de considérer que l'origine professionnelle de l'arthrose cervicale et dorsolombaire ainsi que de la périarthrite scapulo-humérale gauche affectant le requérant était suffisamment établie.

66.
    Quant à l'article du professeur Plets — qui avait été produit par le requérant à l'appui de sa réclamation du 15 janvier 1999 dans le cadre de la première procédure précontentieuse — énumérant «quatre causes de douleurs dorsales de la région inférieure», parmi lesquelles il mentionne «le fait de soulever fréquemment des objets lourds», il ne permet pas davantage de tirer de conclusion en ce qui concerne l'origine, dans un cas individuel, d'une arthrose vertébrale.

67.
    Dans ces conditions, les griefs relatifs au caractère incompréhensible et incohérent de l'avis de la commission médicale, au regard des rapports scientifiques susmentionnés, ne sont pas fondés.

68.
    Quant à la réglementation communautaire invoquée par le requérant, elle ne permet pas de tirer de conclusion en ce qui concerne l'origine d'une arthrose dorsolombaire. En effet, l'instauration à titre préventif, par la directive 90/269, de prescriptions minimales de sécurité concernant la manutention manuelle de charges comportant des risques dorsolombaires, lesquelles ne visent d'ailleurs pas spécialement les risques d'arthrose dorsolombaire, ne fournit aucune indication concernant l'existence éventuelle d'un lien entre cette manutention et le développement, l'accélération ou l'aggravation, dans un cas individuel, d'une arthrose dorsolombaire, susceptible de résulter de multiples facteurs. Quant au barème des taux d'invalidité permanente annexé à la réglementation de couverture, il ne permet de tirer aucune conclusion en ce qui concerne la question de l'origine professionnelle d'une affection dans un cas individuel. Il se limite à fixer les taux d'invalidité reconnus en relation avec différentes lésions, lorsqu'elles résultent d'un accident ou d'une maladie professionnelle.

69.
    Enfin, pour ce qui est des lésions alléguées aux genoux, il suffit de relever que, dans son avis du 18 avril 2000, la commission médicale a constaté qu'un examen radiographique des genoux, pratiqué le 6 mars 2002, n'avait pas montré de lésion objectivable. Or, dans le cadre du présent litige, cette conclusion n'est pas contestée de manière explicite et étayée par le requérant.

70.
    Pour l'ensemble de ces raisons, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 73 du statut, de l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, du devoir de sollicitude et du principe de proportionnalité, en relation avec l'impossibilité alléguée de prouver l'origine professionnelle des lésions examinées

Arguments des parties

71.
    Le requérant fait valoir que la commission médicale a conclu que, si l'incidence de son activité professionnelle sur les lésions dégénératives dont il est atteint n'est pas démontrable, elle ne peut pas non plus être exclue, en l'état actuel des connaissances médicales.

72.
    Dans ces conditions, la charge d'une preuve impossible à fournir et, partant, abusive, ne saurait être imposée au requérant, sans méconnaître l'article 73 du statut, l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, le devoir de sollicitude et le principe de proportionnalité.

73.
    Le requérant se fonde sur les arrêts de la Cour du 12 mars 1987, Commission/Allemagne, dit «pureté de la bière» (178/84, Rec. p. 1227), et du 14 juillet 1983, Sandoz (174/82, Rec. p. 2445). Il ressortirait de ces arrêts que les États membres peuvent interdire la commercialisation de certaines denrées qui contiennent des substances présentant un risque pour la santé, même si un tel risque n'est pas établi avec certitude en l'état actuel de la recherche scientifique, dès lors qu'ils prouvent que ce risque est réel et sérieux et que les mesures prises ne sont pas disproportionnées.

74.
    En l'espèce, il découlerait de l'application par analogie ou a contrario de cette jurisprudence que, en cas d'incertitude scientifique, lorsqu'il n'est pas exclu que son activité professionnelle a contribué au développement ou à l'accélération de lésions arthrosiques dégénératives, le fonctionnaire concerné doit bénéficier des mesures protectrices de sécurité sociale prévues par le statut. Il suffirait que l'intéressé prouve l'existence d'un risque sérieux ou réel pour considérer que l'existence d'un lien de causalité est suffisamment établie. Cette interprétation serait conforme à la distinction voulue par le législateur entre les deux régimes de preuve institués respectivement par l'article 3, paragraphe 1, et par l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture. De plus, et en toute hypothèse, le doute devrait bénéficier au fonctionnaire concerné, comme l'aurait admis laCommission dans son projet de décision du 9 février 1996, citant les conclusions du professeur Bartsch.

75.
    Au cours de l'audience, en réponse à des questions du Tribunal, le requérant a précisé que, en présence d'une affection multifactorielle, il incombe d'abord à la commission médicale d'identifier les facteurs à l'origine de la maladie puis, dans un second temps, de déterminer, parmi ces facteurs, dans quelle proportion l'activité professionnelle a contribué à son émergence (arrêt S/Cour de justice, précité). Si cette seconde étape s'avère impossible à réaliser, il faut, selon le requérant, conclure à l'origine multifactorielle de la maladie, ce qui ne saurait remettre en question sa qualification de maladie professionnelle. Cette méthode de qualification des affections multifactorielles serait indissociable de la notion juridique de maladie professionnelle visée à l'article 73 du statut, lequel instaure un régime de protection et non pas un régime de responsabilité civile.

76.
    Enfin, le requérant fait valoir, à titre subsidiaire, que, si l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture devait être interprété dans le sens qu'il impose au fonctionnaire concerné d'établir de manière indubitable l'existence d'un lien de causalité, alors même que cette preuve est scientifiquement impossible, cette disposition devrait être écartée par la voie de l'exception d'illégalité, dans la mesure où elle enfreint le devoir de sollicitude, le principe de proportionnalité et l'article 73 du statut.

77.
    La Commission objecte que la thèse du requérant repose sur une confusion entre, d'une part, la mise en oeuvre du principe de précaution et, d'autre part, l'application des règles relatives à la charge de la preuve. Lors de l'audience, elle a fait observer que la doctrine se réfère, en droit national, au «risque de la preuve» supporté par le salarié, pour souligner que la charge de la preuve pesant sur ce dernier comporte le risque de ne pas pouvoir apporter la preuve de l'origine professionnelle d'une maladie.

78.
    En l'espèce, le requérant aurait dû établir que, s'il n'avait pas exercé les fonctions qui étaient les siennes auprès de la Commission, il n'aurait pas été atteint dans les mêmes conditions des lésions arthrosiques dégénératives qu'il présente actuellement.

79.
    Quant à l'exception d'illégalité invoquée par le requérant à titre subsidiaire, la Commission estime qu'elle n'est pas étayée et doit, de ce fait, être déclarée irrecevable.

Appréciation du Tribunal

80.
    Dans le cadre du présent moyen, la discussion entre les parties porte principalement sur le régime de la preuve du lien de causalité entre l'exercice des fonctions au service des Communautés et le développement, l'accélération ou l'aggravation de la maladie du fonctionnaire concerné, dès lors qu'il s'avèreobjectivement impossible, en l'état actuel des connaissances scientifiques, de déterminer l'origine de cette maladie.

81.
    À cet égard, il convient de rappeler que les questions relatives à l'origine d'une maladie sont, par essence, de nature médicale (arrêt de la Cour du 4 octobre 1991, Commission/Gill, C-185/90 P, Rec. p. I-4779, point 25). Toutefois, la notion de causalité est une notion juridique. Seules les constatations médicales proprement dites — relatives en l'occurrence à l'impossibilité d'établir l'origine professionnelle des lésions arthrosiques dont est atteint le requérant, sans que celle-ci puisse être exclue — présentent un caractère définitif. En revanche, la question de savoir si ces affections peuvent néanmoins être qualifiées de maladie professionnelle au sens de l'article 73 du statut relève de la seule compétence de l'administration sous le contrôle du juge communautaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 janvier 1987, Rienzi/Commission, 76/84, Rec. p. 315, points 9 à 12; Commission/Gill, précité, points 17 et 18, et du Tribunal du 12 juillet 1990, Vidrányi/Commission, T-154/89, Rec. p. II-445, point 48; voir également, par analogie, arrêt du Tribunal du 13 février 2001, N/Commission, T-2/00, RecFP p. I-A-37 et II-135, point 41).

82.
    En l'espèce, le requérant admet qu'il appartient au fonctionnaire concerné de démontrer, conformément à l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, qu'il est suffisamment établi que la maladie ou l'aggravation d'une maladie préexistante trouve son origine dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions au sein des Communautés.

83.
    L'article 3 de la réglementation de couverture institue en effet un double régime de couverture des maladies professionnelles. Il prévoit, en son paragraphe 1, que, lorsque la maladie figure dans la «liste européenne des maladies professionnelles» annexée à la recommandation 90/326/CEE de la Commission, du 22 mai 1990 (JO L 160, p. 39), ou dans ses compléments éventuels, elle est réputée maladie professionnelle. Il suffit que le fonctionnaire concerné prouve qu'il a été exposé, dans le cadre de ses fonctions auprès des Communautés, au risque de contracter cette maladie. L'incertitude éventuelle relative à la relation de causalité entre l'exercice des fonctions et la maladie ne permet pas de renverser cette présomption. Il ressort du point 1 de la recommandation susmentionnée que cette liste énumère les «maladies reconnues scientifiquement comme d'origine professionnelle, susceptibles d'indemnisation et devant faire l'objet de mesures préventives».

84.
    En revanche, dans le cadre de l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, il incombe au fonctionnaire concerné de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité par tous les moyens (voir, ci-dessus, point 52). Contrairement à la thèse de la Commission, la reconnaissance individuelle de l'origine professionnelle d'une maladie ne nécessite pas la preuve négative que l'intéressé n'aurait pas été atteint dans les mêmes conditions s'il n'avait pas exercé son activité professionnelle auprès des Communautés. Une telle preuve serait, par nature, impossible à fournir.

85.
    Toutefois, même si le requérant est en principe uniquement tenu de fournir des éléments permettant raisonnablement de présumer l'origine professionnelle des lésions arthrosiques considérées, il est constant que, en l'absence d'études épidémiologiques plus précises, il est extrêmement difficile, voire en règle générale impossible, de déterminer si, et dans quelle mesure, des lésions arthrosiques ont été provoquées, accélérées ou aggravées par l'exercice de certaines fonctions. L'impossibilité objective d'apporter une telle preuve, dans laquelle se trouve dès lors le requérant en raison de l'insuffisance des connaissances scientifiques actuelles, le prive en l'occurrence de toute possibilité de bénéficier du principe de la couverture contre les risques de maladie professionnelle, énoncé à l'article 73 du statut.

86.
    Bien que ce type de difficulté puisse conduire à un défaut de reconnaissance de l'origine professionnelle de certaines affections multifactorielles et entraîner des situations inéquitables, force est de relever que, dans le cadre de la réglementation actuelle, la simple preuve d'une incidence potentielle de l'exercice des fonctions auprès des Communautés sur le déclenchement, l'aggravation ou l'accélération d'une affection multifactorielle telle que la polyarthrose ne permet pas de considérer — comme le suggère le requérant — que l'origine professionnelle de cette affection est suffisamment établie. À cet égard, le Tribunal ne saurait se substituer au législateur afin d'admettre que, dans le cas de certaines maladies multifactorielles, le doute doit profiter au fonctionnaire concerné lorsqu'il est objectivement impossible de déterminer, d'une part, si l'exercice de ces fonctions a vraisemblablement eu une incidence sur la détérioration de l'état de santé de l'intéressé et, d'autre part, dans quelle mesure cet exercice a contribué — par rapport à d'éventuels facteurs extraprofessionnels — à cette détérioration.

87.
    En effet, l'article 3, paragraphe 1, de la réglementation de couverture institue une présomption légale, dérogatoire au droit commun de la preuve, en vue de préserver les droits des fonctionnaires concernés, en ce qui concerne précisément les affections dont il est scientifiquement établi qu'elles sont en principe liées à l'exercice de certaines activités professionnelles. Elle ne saurait dès lors faire l'objet d'une interprétation extensive.

88.
    Quant à l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation susvisée, il garantit la couverture des cas individuels, à condition toutefois de pouvoir prouver à suffisance de droit l'origine professionnelle de l'affection considérée.

89.
    Dans ce cadre juridique, renoncer, en ce qui concerne certaines affections multifactorielles, à l'exigence d'une telle preuve, même allégée, en se contentant de la preuve d'un lien causal potentiel, serait contraire non seulement à la lettre de l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, mais également à l'objet et à la finalité de cet article, qui tend à assurer une couverture spécifique contre les risques de maladie professionnelle, en exécution de l'article 73 du statut.

90.
    Pour l'ensemble de ces raisons, la Commission, en refusant de reconnaître l'origine professionnelle des lésions arthrosiques dont est atteint le requérant, au motif que celle-ci n'était pas suffisamment établie, n'a enfreint ni l'article 73 du statut ni l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture.

91.
    Quant au devoir de sollicitude et au principe de proportionnalité, ils ne sauraient imposer à l'administration d'adopter des mesures contraires à la réglementation applicable, laquelle prévoit uniquement la couverture, au titre de l'article 73 du statut, des maladies dont l'origine professionnelle est suffisamment établie.

92.
    En revanche, en ce qui concerne les honoraires et frais accessoires des médecins, l'article 23, paragraphe 2, dernier alinéa, de la réglementation de couverture dispose que, dans des cas exceptionnels et par décision de l'AIPN prise après avis du médecin désigné par celle-ci, tous ces honoraires et frais accessoires peuvent être pris en charge par l'institution.

93.
    Cette disposition réserve un large pouvoir d'appréciation à l'administration. Cependant, en l'espèce, compte tenu de l'incertitude scientifique entourant l'origine des affections considérées et du fait que, selon la commission médicale, leur origine professionnelle ne peut être exclue et est même «possible», le devoir de sollicitude, qui implique que l'autorité compétente prenne en considération non seulement l'intérêt du service, mais aussi celui du fonctionnaire concerné, lui imposait d'envisager l'application de cette disposition en faveur du requérant. En s'abstenant de recueillir à cet égard l'avis du médecin désigné par ses soins au sein de la commission médicale avant de décider de mettre à la charge du requérant les honoraires et frais accessoires du médecin qu'il avait désigné ainsi que la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin, la Commission a, dans le cas d'espèce, méconnu les obligations découlant de son devoir de sollicitude à l'égard du requérant ainsi que le principe de bonne administration.

94.
    Enfin, l'exception d'illégalité de l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, soulevée à titre subsidiaire par le requérant, se fonde explicitement sur les mêmes griefs que ceux invoqués à titre principal. Contrairement aux allégations de la Commission, elle ne saurait, dès lors, être considérée comme insuffisamment étayée et déclarée irrecevable.

95.
    Cette exception d'illégalité doit cependant être rejetée comme non fondée, dans la mesure où il appartient au législateur de déterminer le régime de couverture contre les risques de maladie professionnelle. En l'occurrence, l'article 73, paragraphe 1, du statut prévoit uniquement le principe d'une telle couverture, dans les conditions fixées par une réglementation établie d'un commun accord des institutions. Or, quand bien même celles-ci avaient la possibilité d'adopter d'un commun accord une approche plus favorable aux personnes atteintes d'une maladie multifactorielle dont l'origine ne peut pas être établie à suffisance de droit, la subordination de cette couverture, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, à la preuve de l'existence vraisemblable d'un liencausal entre l'exercice des fonctions auprès des Communautés et le développement, l'accélération ou l'aggravation de la maladie, n'est pas incompatible avec le principe même de la couverture, tel qu'il est énoncé à l'article 73, paragraphe 1, du statut, lequel soumet expressément le bénéfice de la garantie aux conditions définies par la réglementation susmentionnée.

96.
    En outre, ni le principe de proportionnalité ni le devoir de sollicitude n'imposent aux institutions communautaires d'accorder le bénéfice des prestations destinées à couvrir les risques de maladie professionnelle lorsque l'existence d'un lien de causalité seulement potentiel entre l'exercice de fonctions au service des Communautés et la maladie est établie, alors même que la probabilité que cette affection résulte d'une cause totalement étrangère à l'exercice de ces fonctions est importante, selon les connaissances scientifiques actuelles.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 21 de la réglementation de couverture

Arguments des parties

97.
    Le requérant fait grief à la Commission de s'être abstenue d'adopter un projet de décision à la suite de sa demande du 7 mai 1996. Il fait valoir que le projet de décision du 9 février 1996, antérieur à cette demande, ne se rapporte pas aux lésions arthrosiques, mais aux affections résultant de son exposition à l'amiante.

98.
    La Commission objecte que, à la suite de la demande du requérant du 7 mai 1996, la décision de transmettre son dossier à la commission médicale, conformément à l'article 21 de la réglementation de couverture, a été notifiée au requérant le 14 juin 1996. En l'absence de réclamation de l'intéressé contre cette décision, celle-ci ne pourrait plus être contestée.

Appréciation du Tribunal

99.
    Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 21, premier alinéa, de la réglementation de couverture, «avant de prendre une décision, [relative à l'origine professionnelle d'une maladie], l'[AIPN] notifie au fonctionnaire concerné ou à ses ayants droit le projet de décision, accompagné des conclusions du ou des médecins désignés par l'institution». En vertu du deuxième alinéa de cet article, le fonctionnaire ou ses ayants droit peuvent, dans un délai de 60 jours, demander que la commission médicale donne son avis.

100.
    Dans la procédure instituée par la réglementation de couverture, les intérêts du fonctionnaire sont ainsi sauvegardés par un double examen, d'abord par un médecin désigné par l'institution, puis, en cas de désaccord, par une commission médicale (arrêts de la Cour du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, 2/87, Rec. p. 143, point 10, et du Tribunal du 18 février 1993, Tallarico/Parlement, T-1/92, Rec. p. II-107, point 32).

101.
    La décision de la Commission de soumettre le cas d'un fonctionnaire à la commission médicale constitue un acte préparatoire qui n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours; ce n'est qu'à l'occasion d'un recours formé contre la décision adoptée au terme de la procédure que l'intéressé peut faire valoir l'irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés (ordonnance de la Cour du 24 mai 1988, Santarelli/Commission, 78/87 et 220/87, Rec. p. 2699, point 13).

102.
    En l'espèce, il y a lieu, dès lors, de rejeter la thèse défendue par la Commission, selon laquelle le requérant serait forclos à invoquer, à l'appui de sa demande en annulation de la décision finale, l'absence de projet de décision et l'irrégularité consécutive de la décision de saisir la commission médicale, au motif qu'il n'aurait pas attaqué cette décision en temps utile.

103.
    Sur le fond, il convient de relever que, dans son projet de décision du 9 février 1996, la Commission a pris position sur les lésions arthrosiques du requérant, après avoir recueilli les avis du docteur Dalem et du professeur Bartsch notamment sur ces lésions. La circonstance que le requérant a uniquement présenté ultérieurement une demande formelle de reconnaissance de l'origine professionnelle de ces lésions n'est pas pertinente, dans la mesure où la Commission a légitimement pu interpréter de manière plus large la demande de reconnaissance de l'origine professionnelle des troubles liés à l'exposition à l'amiante, en date du 28 octobre 1994, à la lumière de la lettre du requérant du 25 mars 1994, qui faisait état notamment de «douleurs du dos, des épaules et des jambes». En outre, cette institution a adopté le projet de décision du 9 février 1996 en pleine connaissance de cause, en se fondant sur les avis des médecins qu'elle avait désignés. À cet égard, le requérant ne fait pas valoir que la demande formelle de reconnaissance de l'origine professionnelle des lésions arthrosiques considérées, en date du 7 mai 1996, comportait des éléments supplémentaires — par rapport à ceux qui étaient disponibles lors de l'adoption du projet de décision susvisé — qui auraient imposé à la Commission de reconsidérer son projet de décision en ce qui concerne ces lésions, après avoir recueilli un nouvel avis du médecin désigné par cette institution dans le cadre de l'enquête prévue par l'article 17 de la réglementation de couverture.

104.
    Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article 21 de la réglementation de couverture doit être rejeté comme non fondé.

105.
    Pour l'ensemble de ces motifs, la décision attaquée ne doit être annulée que pour autant qu'elle met à la charge du requérant les honoraires et frais accessoires du médecin désigné par ses soins au sein de la commission médicale et la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin.

Sur les dépens

106.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 10 août 2000 est annulée, pour autant qu'elle met à la charge du requérant les honoraires et frais accessoires du médecin désigné par ses soins au sein de la commission médicale et la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin.

2)     Le recours est rejeté pour le surplus.

3)     Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Forwood

Legal

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français