Language of document : ECLI:EU:C:2023:316

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 avril 2023 (1)

Affaires jointes C228/21, C254/21, C297/21, C315/21 et C328/21

Ministero dell’Interno, Dipartimento per le Libertà civili e l’Immigrazione – Unità Dublino

contre

CZA (C228/21)

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie)]

et

DG

contre

Ministero dell’Interno – Dipartimento per le Libertà civili e l’Immigrazione – Direzione Centrale dei Servizi Civili per L’Immigrazione e l’Asilo – Unità Dublino (C254/21)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Roma (tribunal de Rome, Italie)]

et

XXX.XX

contre

Ministero dell’Interno, Dipartimento per le Libertà civili e l’Immigrazione – Unità Dublino (C297/21)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Firenze (tribunal de Florence, Italie)]

et

PP

contre

Ministero dell’Interno, Dipartimento per le Libertà civili e l’Immigrazione – Unità Dublino (C315/21)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie)]

et

GE

contre

Ministero dell’Interno, Dipartimento per le Libertà civili e l’Immigrazione – Unità Dublino (C328/21)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Trieste (tribunal de Trieste, Italie)]

« Renvois préjudiciels – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Règlement (UE) no 604/2013 – Procédure de reprise en charge – Violation des obligations de remise de la brochure commune au titre de l’article 4 et de conduite d’un entretien individuel au titre de l’article 5 – Règlement (UE) no 603/2013 – Violation de l’obligation d’information au titre de l’article 29 – Conséquences pour la décision de transfert – Risque de refoulement indirect – Confiance mutuelle – Contrôle juridictionnel de la décision de transfert »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le règlement Dublin III

2. Le règlement Eurodac

3. La directive qualification

4. La directive sur les procédures d’asile

5. Le règlement no 1560/2003

B. Le droit italien

III. Les faits et les demandes de décision préjudicielle

A. L’affaire C228/21

B. L’affaire C254/21

C. L’affaire C297/21

D. L’affaire C315/21

E. L’affaire C328/21

IV. La procédure devant la Cour

V. Appréciation

A. Sur la brochure commune et l’entretien individuel

1. Sur l’obligation d’information en vertu de l’article 4 du règlement Dublin III

a) Procédures de prise et de reprise en charge dans le système de Dublin

b) Obligation d’information d’après l’article 4 du règlement Dublin III également dans la procédure de reprise en charge

1) Termes et économie de l’article 4 du règlement Dublin III

2) Sens et objet de l’article 4 du règlement Dublin III

i) Pertinence des informations contenues dans la brochure commune pour les demandeurs dans la procédure de reprise en charge

– Critères de responsabilité qui doivent encore être pris en compte même dans la procédure de reprise en charge

– Informations générales sur le système de Dublin

ii) Aspects pratiques

3) Obligation d’information aussi lorsque aucune nouvelle demande n’est introduite dans le deuxième État membre ?

4) Conclusion intermédiaire

c) Conséquences d’une violation de l’obligation d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III dans la procédure de reprise en charge

1) Caractère invocable de l’article 4 du règlement Dublin III dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert dans la procédure de reprise en charge

2) Conséquences pour la décision de transfert de violations de l’article 4 du règlement Dublin III

3) Conclusion intermédiaire

2. Sur l’obligation d’information au titre de l’article 29 du règlement Eurodac

a) Obligation d’information en vertu de l’article 29 du règlement Eurodac également dans la procédure de reprise en charge

b) Caractère invocable et conséquences d’une violation de l’obligation d’information au titre de l’article 29 du règlement Eurodac dans la procédure de reprise en charge

c) Conclusion intermédiaire

3. Sur l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III

a) Obligation de conduire l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III également dans la procédure de reprise en charge

b) Conséquences d’une violation de l’obligation de conduite de l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III dans la procédure de reprise en charge

1) Caractère invocable de l’article 5 du règlement Dublin III dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert dans la procédure de reprise en charge

2) Conséquences pour la décision de transfert de violations de l’article 5 du règlement Dublin III

i) Possibilité de remédier aux erreurs durant la procédure judiciaire et conséquences de la présentation de nouveaux éléments pertinents

ii) Maintien de la décision de transfert en l’absence de contestation

c) Conclusion intermédiaire

B. Sur le refoulement indirect

1. Sur la présomption de respect des droits fondamentaux par tous les États membres et les conditions de sa réfutation

2. Sur la clause discrétionnaire contenue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III

3. Conclusion intermédiaire

VI. Conclusion


I.      Introduction

1.        Le régime d’asile européen commun (RAEC) repose sur le principe selon lequel une demande d’asile qu’un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride présente dans l’Union européenne ne sera examinée que par un unique État membre. Le règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (ci-après le « règlement Dublin III ») (2) établit la méthode de détermination de cet État membre.

2.        Afin de prévenir les mouvements secondaires ainsi que des divergences dans les résultats, d’après ce règlement, c’est non seulement l’examen matériel d’une demande d’asile, mais aussi la procédure de détermination de l’État membre responsable de cet examen (conformément à l’article 1er du règlement Dublin III et ci-après l’« État membre responsable ») qui doivent être mis en œuvre par un seul État membre.

3.        Le règlement Dublin III repose sur la volonté d’associer à cette procédure de détermination de l’État membre responsable les demandeurs d’asile eux‑mêmes (3). Ces derniers doivent, à cet effet, être informés grâce à une brochure commune rédigée par la Commission européenne, au sujet du système de Dublin, de la procédure de détermination de l’État membre responsable ainsi que des critères de responsabilité. Cette brochure est supposée, en particulier, leur permettre de communiquer au cours de la procédure de détermination de l’État membre responsable des informations pertinentes pour cette détermination.

4.        Qu’en est-il toutefois de la situation dans le cadre de la procédure de reprise en charge, c’est-à-dire lorsqu’un demandeur d’asile, après avoir présenté une demande d’asile dans un premier État membre, a quitté cet État membre et a introduit une nouvelle demande d’asile dans un deuxième État membre ou y séjourne, le deuxième État membre appelant alors le premier à reprendre en charge l’intéressé ? La brochure commune doit-elle être également remise par le deuxième État membre bien que la détermination de l’État membre responsable ne devrait être effectuée que par le premier État membre, voire l’a éventuellement déjà été ? Et si l’obligation de remise de la brochure existe aussi dans le cadre de la procédure de reprise en charge, quelles sont alors les conséquences de son non‑respect pour la légalité de la décision du deuxième État membre de transférer l’intéressé vers le premier État membre ?

5.        Ces questions, auxquelles diverses juridictions italiennes apportent des réponses différentes, constituent le premier ensemble de questions dans trois des cinq demandes de décision préjudicielle qui sont en l’espèce soumises à la Cour (4).

6.        Le deuxième ensemble de questions soulevées par l’une de ces trois demandes de décision préjudicielle ainsi que par les deux autres demandes (5) concerne le principe de la confiance mutuelle, et ainsi le cœur du système de Dublin. Il porte sur le point de savoir si les juridictions de l’État membre requérant peuvent, dans le cadre de l’examen d’une décision de transfert, contrôler s’il existe dans l’État membre requis un risque de violation du principe de non‑refoulement lorsqu’il n’y a pas, dans cet État membre, de défaillances systémiques qui justifieraient des doutes quant à la légalité du système d’asile et du système judiciaire.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Le règlement Dublin III

7.        Le règlement Dublin III (6) établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre qui est responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

8.        Les considérants 3 à 5, 14 à 19 et 32 du règlement Dublin III sont libellés comme suit :

« (3)      Le Conseil européen [...] est convenu d’œuvrer à la mise en place d’un RAEC, fondé sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 [...], et d’assurer ainsi que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau d’être persécuté, c’est-à-dire de maintenir le principe de non‑refoulement. À cet égard, et sans affecter les critères de responsabilité posés par le présent règlement, les États membres, qui respectent tous le principe de non‑refoulement, sont considérés comme des pays sûrs [pour] les ressortissants de pays tiers.

(4)      Les conclusions de Tampere ont également précisé que le RAEC devrait comporter à court terme une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

(5)      Une telle méthode devrait être fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable afin de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale.

[...]

(14)      Conformément à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [(signée à Rome le 4 novembre 1950, ci-après la « CEDH »)] et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [(ci-après la « Charte »)], le respect de la vie familiale devrait être une considération primordiale pour les États membres lors de l’application du présent règlement.

(15)      Le traitement conjoint des demandes de protection internationale des membres d’une famille par un même État membre est une mesure permettant d’assurer un examen approfondi des demandes, la cohérence des décisions prises à leur égard et d’éviter que les membres d’une famille soient séparés.

(16)      Afin de garantir le plein respect du principe de l’unité de la famille et dans l’intérêt supérieur de l’enfant, l’existence d’un lien de dépendance entre un demandeur et son enfant, son frère ou sa sœur ou son père ou sa mère, du fait de la grossesse ou de la maternité, de l’état de santé ou du grand âge du demandeur, devrait devenir un critère obligatoire de responsabilité. De même, lorsque le demandeur est un mineur non accompagné, la présence sur le territoire d’un autre État membre d’un membre de sa famille ou d’un autre proche pouvant s’occuper de lui devrait également constituer un critère obligatoire de responsabilité.

(17)      Il importe que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduite sur son territoire ou sur le territoire d’un autre État membre, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères obligatoires fixés dans le présent règlement.

(18)      Un entretien individuel avec le demandeur devrait être organisé pour faciliter la détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale. Dès que la demande de protection internationale est introduite, le demandeur devrait être informé de l’application du présent règlement ainsi que de la possibilité, lors de l’entretien, de fournir des informations sur la présence de membres de sa famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres afin de faciliter la procédure de détermination de l’État membre responsable.

(19)      Afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées, il y a lieu d’instaurer des garanties juridiques et le droit à un recours effectif à l’égard de décisions de transfert vers l’État membre responsable conformément, notamment, à l’article 47 de la [Charte]. Afin de garantir le respect du droit international, un recours effectif contre de telles décisions devrait porter à la fois sur l’examen de l’application du présent règlement et sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré.

[...]

(32)      Pour ce qui concerne le traitement des personnes qui relèvent du présent règlement, les États membres sont liés par les obligations qui leur incombent en vertu des instruments de droit international, y compris par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière. »

9.        L’article 1er du règlement Dublin III en précise l’objet :

« Le présent règlement établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride [...] »

10.      L’article 2 du règlement Dublin III contient des « [d]éfinitions » et son point b) définit une « demande de protection internationale » comme une « demande de protection internationale au sens de l’article 2, point h), de la directive 2011/95/UE » du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9) (ci-après la « directive qualification »).

11.      L’article 3 du règlement Dublin III est intitulé « Accès à la procédure d’examen d’une demande de protection internationale » et dispose ce qui suit :

« 1.      Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

2.      Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen.

Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la [Charte], l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable.

Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable.

3.      Tout État membre conserve le droit d’envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60) (ci-après la « directive sur les procédures d’asile »)]. »

12.      L’article 4 du règlement Dublin III est intitulé « Droit à l’information » et prévoit :

« 1.      Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment :

a)      des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ;

b)      des critères de détermination de l’État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères ;

c)      de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ;

d)      de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ;

e)      du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ;

f)      de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel.

2.      Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3.

Si c’est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l’entretien individuel visé à l’article 5.

3.      La Commission rédige, au moyen d’actes d’exécution, une brochure commune ainsi qu’une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l’application du règlement (UE) no 603/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement Dublin III et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) no 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (JO 2013, L 180, p. 1) (ci-après le « règlement Eurodac »)] et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 44, paragraphe 2, du présent règlement. »

13.      L’article 5 du règlement Dublin III prévoit que l’État membre examinant la responsabilité conduit un entretien individuel avec le demandeur afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable et qu’il règle les modalités de cet entretien. Aux termes du paragraphe 1 de cette disposition :

« 1.      Afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4. »

14.      L’article 7 du règlement Dublin III, qui se trouve dans le chapitre III de ce règlement (« Critères de détermination de l’État membre responsable »), est intitulé « Hiérarchie des critères » et ses paragraphes 1 et 3 disposent ce qui suit :

« 1.      Les critères de détermination de l’État membre responsable s’appliquent dans l’ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre.

[...]

3.      En vue d’appliquer les critères visés aux articles 8, 10 et 16, les États membres prennent en considération tout élément de preuve disponible attestant la présence sur le territoire d’un État membre de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur, à condition que lesdits éléments de preuve soient produits avant qu’un autre État membre n’accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée, conformément aux articles 22 et 25 respectivement, et que les demandes de protection internationale antérieures introduites par le demandeur n’aient pas encore fait l’objet d’une première décision sur le fond. »

15.      Les articles 8 à 10 ainsi que 16 du règlement Dublin III règlent la détermination de l’État membre responsable dans les cas, concernant en particulier les mineurs ou les personnes dépendantes, dans lesquels des membres de la famille du demandeur se trouvent déjà dans un État membre.

16.      L’article 17 du règlement Dublin III est intitulé « Clauses discrétionnaires » et son paragraphe 1, premier alinéa, dispose ce qui suit :

« 1.      Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. »

17.      L’article 18 du règlement Dublin III est intitulé « Obligations de l’État membre responsable » et prévoit :

« 1.      L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :

a)      prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ;

b)      reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;

c)      reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ;

d)      reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre.

2.      Dans les cas relevant du champ d’application du paragraphe 1, points a) et b), l’État membre responsable est tenu d’examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l’examen.

[...]

Dans les cas relevant du champ d’application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l’État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d’un recours effectif en vertu de l’article 46 de la directive [sur les procédures d’asile]. »

18.      L’article 19 du règlement Dublin III est intitulé « Cession de la responsabilité » et est libellé comme suit :

« 1.      Si un État membre délivre au demandeur un titre de séjour, les obligations prévues à l’article 18, paragraphe 1, lui sont transférées.

2.      Les obligations prévues à l’article 18, paragraphe 1, cessent si l’État membre responsable peut établir, lorsqu’il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d’au moins trois mois, à moins qu’elle ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’État membre responsable.

Toute demande introduite après la période d’absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l’État membre responsable.

3.      Les obligations prévues à l’article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l’État membre responsable peut établir, lorsqu’il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d’une décision de retour ou d’une mesure d’éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande.

Toute demande introduite après qu’un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l’État membre responsable. »

19.      Le chapitre VI du règlement Dublin III (« Procédures de prise en charge et de reprise en charge ») régit le lancement de la procédure de détermination de l’État membre responsable (section I), la procédure de prise en charge dans l’hypothèse où un État membre dans lequel une demande de protection internationale a été introduite estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de la demande (section II), ainsi que la procédure de reprise en charge dans l’hypothèse où un État membre dans lequel une personne, qui a déjà présenté une demande de protection internationale dans un autre État membre, introduit une nouvelle demande ou s’y trouve sans titre de séjour, demande à cet autre État membre de reprendre en charge la personne concernée (section III).

20.      L’article 20 du règlement Dublin III, intitulé « Début de la procédure », se trouve dans la section I du chapitre VI, portant le même titre, et ses paragraphes 1, 2 et paragraphe 5, premier alinéa, disposent ce qui suit :

« 1.      Le processus de détermination de l’État membre responsable commence dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un État membre.

2.      Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné. Dans le cas d’une demande non écrite, le délai entre la déclaration d’intention et l’établissement d’un procès-verbal doit être aussi court que possible.

[...]

5.      L’État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l’État membre responsable. »

21.      L’article 21 du règlement Dublin III appartient à la section II (« Procédures applicables aux requêtes aux fins de prise en charge ») de son chapitre VI, est intitulé « Présentation d’une requête aux fins de prise en charge » et prévoit dans son paragraphe 1 :

« 1.      L’État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’introduction de la demande au sens de l’article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur.

Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (“hit”) Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l’article 14 du règlement [Eurodac], la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l’article 15, paragraphe 2, dudit règlement.

Si la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur n’est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale incombe à l’État membre auprès duquel la demande a été introduite. »

22.      Les articles 23 (« Présentation d’une requête aux fins de reprise en charge lorsqu’une nouvelle demande a été introduite dans l’État membre requérant »), 24 (« Présentation d’une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande n’a été introduite dans l’État membre requérant ») et 25 (« Réponse à une requête aux fins de reprise en charge ») du règlement Dublin III se trouvent dans la section III (« Procédures applicables aux requêtes aux fins de reprise en charge ») du chapitre VI et disposent notamment :

« Article 23

[...]

1.      Lorsqu’un État membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.

[...]

3.      Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n’est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c’est l’État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale.

[...]

Article 24

[...]

1.      Lorsqu’un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n’a été introduite estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.

[...]

Article 25

[...]

1.      L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible [...] »

23.      L’article 26 du règlement Dublin III est intitulé « Notification d’une décision de transfert » et est libellé comme suit :

« 1.      Lorsque l’État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d’un demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l’État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu’à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée.

2.      La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l’exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l’État membre responsable.

Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées.

3.      Lorsque la personne concernée n’est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l’informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l’exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’elle la comprend. »

24.      L’article 27 du règlement Dublin III est intitulé « Voies de recours » et son paragraphe 1 est libellé comme suit :

« 1.      Le demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. »

25.      L’article 29 du règlement Dublin III est intitulé « Modalités et délais » et dispose en son paragraphe 2 :

« 2.      Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. »

2.      Le règlement Eurodac

26.      Le règlement Eurodac (7) régit la création d’une base de données pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement Dublin III.

27.      L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement Eurodac prévoit :

« 1.      Chaque État membre relève sans tarder l’empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d’une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l’introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l’article 20, paragraphe 2, du règlement [Dublin III], accompagnée des données visées à l’article 11, points b) à g), du présent règlement. »

28.      Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement Eurodac :

« 1.      En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n’a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu’il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. »

29.      L’article 29 du règlement Eurodac concerne les droits des personnes concernées par le traitement des données. L’article 29, paragraphes 1 et 2, du règlement Eurodac dispose que ces personnes doivent se voir communiquer certaines informations relatives à l’objet et aux modalités de la prise d’empreintes digitales et son paragraphe 3 prévoit qu’une brochure commune doit être réalisée à cet effet :

« 1.      Toute personne relevant de l’article 9, paragraphe 1, de l’article 14, paragraphe 1, ou de l’article 17, paragraphe 1, est informée par l’État membre d’origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu’elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’elle la comprend :

[...]

b)      de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement [Dublin III], conformément à l’article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ;

[...]

2. [...]

Dans le cas de personnes relevant de l’article 17, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au plus tard au moment où les données concernant cette personne sont transmises au système central. [...]

3.      Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement [Dublin III] est réalisée conformément à la procédure visée à l’article 44, paragraphe 2, dudit règlement.

La brochure est rédigée d’une manière claire et simple, et dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’elle la comprend.

La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres peuvent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces informations spécifiques aux États membres portent au moins sur les droits de la personne concernée, sur la possibilité d’une assistance de la part des autorités nationales de contrôle, ainsi que sur les coordonnées des services du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle. »

30.      L’article 37 du règlement Eurodac est intitulé « Responsabilité » et prévoit dans ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.      Toute personne ou tout État membre ayant subi un dommage du fait d’un traitement illicite ou de toute action incompatible avec le présent règlement a le droit d’obtenir de l’État membre responsable réparation du préjudice subi. Cet État est exonéré partiellement ou totalement de cette responsabilité s’il prouve que le fait dommageable ne lui est pas imputable.

[...]

3.      Les actions en réparation intentées contre un État membre pour les dommages visés aux paragraphes 1 et 2 sont régies par les dispositions du droit national de l’État membre défendeur. »

3.      La directive qualification

31.      La directive qualification (8) règle les critères d’après lesquels une demande de protection internationale doit être accueillie.

32.      L’article 2 de la directive qualification contient des « [d]éfinitions » et son point h) définit une « demande de protection internationale » comme « la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la présente directive et pouvant faire l’objet d’une demande séparée ».

33.      Dans son article 8, sous l’intitulé « Protection à l’intérieur du pays », la directive qualification prévoit des exceptions au besoin de protection internationale dans les cas où le demandeur peut chercher à obtenir protection dans une partie de son pays d’origine :

« 1.      Dans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale, les États membres peuvent déterminer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque dans une partie du pays d’origine :

a)      il n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves ; ou

b)      il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 7,

et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse.

2.      Lorsqu’ils examinent si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe 1, les États membres tiennent compte, au moment où ils statuent sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 4. À cette fin, les États membres veillent à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. »

34.      Dans son chapitre V, la directive qualification prévoit le risque d’« atteinte grave » comme condition d’octroi de la protection subsidiaire. Constituent une telle atteinte grave en vertu de l’article 15, sous c) :

« c)      des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. »

4.      La directive sur les procédures d’asile

35.      L’article 33 de la directive sur les procédures d’asile (9) est intitulé « Demandes irrecevables » et prévoit en ses paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) :

« 1.      Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin III], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive [qualification], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2.      Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)      une protection internationale a été accordée par un autre État membre [...] »

5.      Le règlement no 1560/2003

36.      L’article 16 bis du règlement (CE) no 1560/2003 (10), règlement d’application de la Commission du système de Dublin dans sa version modifiée par le règlement Dublin III ainsi que par le règlement d’exécution (UE) no 118/2014 (11), est intitulé « Brochures d’information pour les demandeurs de protection internationale » et ses paragraphes 1 et 4 disposent ce qui suit :

« 1.      Une brochure commune informant tous les demandeurs de protection internationale des dispositions du règlement [Dublin III] et de l’application du règlement [Eurodac] figure à l’annexe X.

[...]

4.      Les informations destinées aux ressortissants de pays tiers ou aux apatrides séjournant illégalement dans un État membre sont établies à l’annexe XIII. »

37.      La brochure au titre de l’annexe X du règlement no 1560/2003, dans sa partie A, sous l’intitulé « Informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d’une protection internationale en vertu de l’article 4 du règlement (UE) no 604/2013 », contient en particulier les informations suivantes (mise en exergue dans l’original) :

« Vous nous avez demandé de vous protéger parce que vous estimez que vous avez été obligé de quitter votre propre pays pour cause de persécution, de guerre ou de risque de préjudice grave. La loi appelle cela une “demande de protection internationale” et vous êtes un “demandeur”. Les personnes demandant une protection sont souvent appelées des “demandeurs d’asile”.

Le fait que vous ayez demandé l’asile ici ne garantit pas que nous allons examiner votre demande ici. Le pays qui examinera votre demande est déterminé par un processus établi par une loi de l’Union européenne dite “règlement de Dublin”. Selon cette loi, un seul pays est chargé de l’examen de votre demande.

[...]

Avant que votre demande d’asile puisse être prise en considération, nous devons déterminer si nous sommes chargés de l’examen de cette demande d’asile ou si c’est un autre pays : il s’agit de la “procédure de Dublin”. La procédure de Dublin ne concerne pas le motif de votre demande d’asile. Elle ne sert qu’à déterminer quel pays est chargé de prendre une décision quant à votre demande d’asile.

[...]

Si nos autorités décident que nous sommes responsables de la décision quant à votre demande d’asile, vous pourrez rester dans ce pays et votre demande sera examinée ici. Dans ce cas, le processus d’examen de votre demande commencera immédiatement.

Si nous décidons qu’un autre pays est responsable de votre demande, nous nous efforcerons de vous envoyer dans ce pays dès que possible pour que votre demande puisse être examinée dans cet autre pays. [...]

La législation prévoit différentes raisons pour lesquelles un pays peut être chargé de l’examen de votre demande. Ces raisons sont prises en considération par la législation dans l’ordre de leur importance, en commençant par la présence d’un membre de votre famille dans ce pays de Dublin ; le fait que vous ayez ou que vous ayez eu un visa ou une autorisation de séjour délivrée par un pays de Dublin, ou le fait que vous vous soyez rendu dans un pays de Dublin ou l’ayez traversé, légalement ou non.

Il est important que vous nous informiez aussi rapidement que possible de la présence de membres de votre famille se trouvant dans un autre pays de Dublin. Si votre mari, votre femme ou votre enfant est demandeur d’asile ou a obtenu une protection internationale dans un autre pays de Dublin, ce pays pourrait être responsable de l’examen de votre demande d’asile.

Nous pourrions décider d’examiner votre demande ici même si nous ne sommes pas responsables de cet examen selon les critères du règlement de Dublin. Nous ne vous enverrons pas dans un pays où il est établi que vos droits de l’homme pourraient être violés.

[...]

Vous avez la possibilité de dire que vous n’êtes pas d’accord avec la décision de vous envoyer dans un autre pays de Dublin, et vous pouvez contester cette décision devant une cour ou un tribunal. Vous pouvez également demander à rester ici, dans ce pays, jusqu’à ce qu’une décision ait été prise concernant votre appel ou votre demande de révision.

Si vous abandonnez votre demande d’asile et que vous vous rendez dans un autre pays, il est probable que vous soyez retransféré ici ou dans le pays responsable.

Par conséquent, il est important qu’une fois que vous demandez l’asile, vous restiez ici jusqu’à ce que nous décidions : 1) qui est responsable de l’examen de votre demande d’asile ; et/ou 2) d’examiner votre demande d’asile ici, dans ce pays.

[...]

Si nous estimons qu’un autre pays pourrait être responsable de l’examen de votre demande d’asile, vous recevrez des informations plus détaillées sur cette procédure et sur la manière dont elle vous affecte et affecte vos droits. »

38.      Dans sa partie B, la brochure contient, conformément à l’annexe X du règlement no 1560/2003, notamment les « informations [suivantes] pour les demandeurs d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure de Dublin » :

« Vous avez reçu ce document parce que vous avez demandé une protection internationale (asile) dans ce pays ou dans un autre pays de Dublin et que les autorités d’ici ont des raisons de croire qu’un autre pays pourrait être responsable de l’examen de votre demande.

Nous allons déterminer quel pays est responsable en appliquant un processus établi par une loi de l’Union européenne dite “règlement de Dublin”. C’est ce que l’on appelle la “procédure de Dublin”. Ce document vise à répondre aux questions les plus courantes sur cette procédure.

[...]

La procédure de Dublin permet d’établir quel pays est responsable pour l’examen de votre demande d’asile. Cela signifie que vous pourriez être transféré d’ici vers un autre pays, si ce pays est responsable de l’examen de votre demande.

[...]

ATTENTION : Vous n’êtes pas supposé vous rendre dans un autre pays de Dublin. Si vous vous rendez dans un autre pays de Dublin, vous serez retransféré ici ou dans un autre pays où vous avez déjà demandé l’asile. Si vous abandonnez votre demande ici, le pays responsable ne changera pas. Si vous vous cachez ou si vous vous enfuyez, vous risquez d’être mis en rétention.

[...]

Comment les autorités détermineront-elles quel pays est responsable de l’examen de ma demande ?

Il existe différentes raisons pour lesquelles un pays peut être chargé de l’examen de votre demande. Ces raisons sont appliquées dans l’ordre de leur importance telle que prévue par la législation. Si l’une des raisons ne s’applique pas, la raison suivante est prise en considération, et ainsi de suite.

Les raisons sont liées aux facteurs suivants, par ordre d’importance :

–        l’un des membres de votre famille (mari ou femme, enfant de moins de 18 ans) a obtenu une protection internationale ou est demandeur d’asile dans un autre pays de Dublin ;

Il est donc important de nous dire si un ou plusieurs membres de votre famille se trouvent dans un autre pays de Dublin avant qu’une première décision ne soit prise sur votre demande d’asile. Si vous souhaitez être réunis dans le même pays, vous et le membre de votre famille devrez exprimer votre volonté par écrit ;

[...]

Qu’en est-il si une autre personne doit s’occuper de moi ou que je dois m’occuper d’une autre personne ?

Vous pouvez être réuni dans un même pays avec votre père, mère, enfant, frère ou sœur si toutes les conditions suivantes sont remplies :

–        ils résident légalement dans l’un des pays de Dublin,

–        l’un(e) d’entre vous est enceinte, a un nouveau-né, est gravement malade, a un handicap grave ou est vieux,

–        l’un(e) d’entre vous dépend de l’assistance de l’autre, qui est en mesure de s’occuper de lui.

Le pays où réside votre enfant, frère, sœur, père ou mère doit, en principe, se charger de l’examen de votre demande, à condition que vos liens familiaux aient existé dans votre pays d’origine. Il vous sera également demandé d’indiquer par écrit que vous souhaitez tous deux être réunis.

Vous pouvez demander à être réunis si vous vous trouvez déjà dans le pays où réside votre enfant, frère, sœur, père ou mère, ou si vous êtes dans un autre pays que celui où résident les membres de votre famille. Dans ce deuxième cas, vous devrez vous rendre dans ce pays, sauf si votre état de santé vous empêche de vous déplacer pendant une longue période de temps.

En plus de cette possibilité, vous pouvez toujours demander, au cours de la procédure de demande d’asile, de rejoindre un membre de votre famille pour des raisons humanitaires, familiales ou culturelles. Si cette demande est acceptée, vous devrez, s’il y a lieu, vous rendre dans le pays où se trouve le membre de votre famille. Dans ce cas, il vous sera également demandé de donner votre accord par écrit. Il est important que vous nous informiez des raisons humanitaires pour lesquelles votre demande devrait être examinée ici ou dans un autre pays.

[...]

–        Si c’est la première fois que vous demandez l’asile dans un pays de Dublin, mais qu’il y a des raisons de croire qu’un autre pays de Dublin devrait examiner votre demande d’asile, nous demanderons que l’autre pays “ prenne en charge” votre cas.

[...]

–        Si vous avez déjà demandé l’asile dans un autre pays de Dublin, différent de celui où vous vous trouvez maintenant, nous demanderons à ce pays de vous “ reprendre”.

[...]

Si, toutefois, vous n’avez pas demandé l’asile dans le pays dans lequel vous vous trouvez actuellement et que votre précédente demande d’asile dans un autre pays a été rejetée par une décision définitive, nous pouvons choisir soit de demander au pays responsable de vous reprendre, soit de vous ramener dans votre pays d’origine ou de résidence permanente ou dans un pays tiers sûr [...]

[...]

Le pays responsable vous considérera comme un demandeur d’asile et vous bénéficierez de tous les droits correspondants. Si vous n’avez jamais demandé l’asile dans cet autre pays auparavant, vous aurez la possibilité de le faire après votre arrivée.

[...] »

39.      La brochure au titre de l’annexe XIII du règlement no 1560/2003 contient des « informations destinées aux ressortissants de pays tiers ou aux apatrides séjournant illégalement dans un État membre, conformément à l’article 29, paragraphe 3, du règlement [Eurodac] » :

« Si vous séjournez illégalement dans un pays appliquant le règlement de Dublin [...], les autorités sont autorisées à relever vos empreintes digitales et à les transmettre à une base de données des empreintes digitales (“données dactyloscopiques”) dénommée “Eurodac”. Cela sert uniquement à voir si vous avez déjà introduit une demande d’asile précédemment. Vos données dactyloscopiques ne seront pas conservées dans la base de données Eurodac, mais, si vous avez déjà introduit une demande d’asile dans un autre pays, vous pouvez être renvoyé dans ce pays.

[...]

Si nos autorités estiment que vous pourriez avoir introduit une demande de protection internationale dans un autre pays qui serait susceptible d’être responsable de l’examen de cette demande, vous recevrez des informations plus détaillées concernant la procédure qui suivra et ses incidences pour vous-même et pour vos droits (12). »

B.      Le droit italien

40.      En droit italien, l’article 3 du Decreto legislativo n. 25/2008 (décret législatif no 25/2008 portant mise en œuvre de la directive 2005/85/CE, abrogée et remplacée par la directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale), du 28 janvier 2008 (GURI no 40, du 16 février 2008), dans sa version actuelle, régit les recours contre les décisions de transfert dans le cadre du système de Dublin.

III. Les faits et les demandes de décision préjudicielle

A.      L’affaire C228/21

41.      Le demandeur dans l’affaire C‑228/21, M. CZA, a introduit en Italie une demande de protection internationale après avoir déjà présenté une telle demande en Slovénie. L’autorité italienne compétente, l’unité Dublin relevant du Ministero dell’Interno (ministère de l’Intérieur), a alors requis la République de Slovénie aux fins de la reprise en charge du demandeur conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III. La République de Slovénie a accueilli cette requête. Par conséquent, une décision de transfert a été adoptée à l’égard du demandeur au titre de l’article 26 du règlement Dublin III informant ce dernier de la décision de le transférer vers la Slovénie.

42.      Le recours dirigé contre cette décision, reposant sur un grief tiré de la violation de l’obligation d’information prévue à l’article 4 du règlement Dublin III, a été accueilli en première instance par le Tribunale di Catanzaro (tribunal de Catanzaro, Italie). L’autorité compétente ne pouvait pas démontrer que le demandeur s’était vu remettre la brochure nécessaire en vertu de l’article 4 du règlement Dublin III. La présentation du procès-verbal de l’entretien individuel établi conformément à l’article 5 de ce règlement et la remise d’une autre brochure au moment de l’introduction formelle de la demande de protection internationale en Italie n’ont pas été jugées suffisantes par le tribunal. Ce dernier est parvenu à la conclusion que la violation de l’obligation d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III entraînait la nullité de la décision de transfert.

43.      Le ministère de l’Intérieur a formé un pourvoi contre cette décision auprès de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie). Cette dernière, par décision du 29 mars 2021, parvenue le 8 avril 2021, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 4 du règlement [Dublin III] doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 27 [de ce] règlement contre une décision de transfert adoptée par un État membre conformément au mécanisme de l’article 26 [dudit] règlement et au titre de l’obligation de reprise en charge énoncée à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du [même] règlement, le demandeur de protection internationale peut tirer grief du simple fait que l’État ayant pris la décision de transfert ne lui a pas remis la brochure d’information visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement [Dublin III] ?

2)      L’article 27 du règlement [Dublin III], lu en combinaison avec les considérants 18 et 19 et avec l’article 4 de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens que, en cas de violation avérée des obligations énoncées à l’article 4, le recours effectif exige du juge qu’il adopte une décision annulant la décision de transfert ?

3)      En cas de réponse négative à la deuxième question, l’article 27 du règlement [Dublin III], lu en combinaison avec les considérants 18 et 19 et avec l’article 4 de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens que, en cas de violation avérée des obligations énoncées à l’article 4 [dudit règlement], le recours effectif exige du juge qu’il vérifie la portée de cette violation à la lumière des circonstances mises en avant par le requérant et permet que la décision de transfert soit confirmée chaque fois qu’il n’y a aucun motif justifiant d’adopter une décision de transfert différente dans son contenu ? »

B.      L’affaire C254/21

44.      Dans l’affaire C‑254/21, DG, un ressortissant afghan, a formé en Italie une deuxième demande de protection internationale après le rejet définitif de sa première demande de reconnaissance de la protection internationale, introduite en Suède. À la suite d’un résultat positif Eurodac, le ministère de l’Intérieur italien a adressé une demande de reprise en charge au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement Dublin III aux autorités suédoises, qui l’ont acceptée, et a ordonné le transfert de DG vers la Suède.

45.      Le demandeur s’oppose à cette décision devant le Tribunale di Roma (tribunal de Rome, Italie) et fait valoir une violation de l’article 4 de la Charte et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III. Il la motive par la circonstance qu’il ferait face à un refoulement indirect vers l’Afghanistan en passant par la Suède et qu’il risquerait en Afghanistan un traitement inhumain et dégradant. L’article 17 du règlement Dublin III emporterait une compétence de la République italienne pour lui accorder une protection contre un refoulement indirect.

46.      Dans ces circonstances, le Tribunale di Roma (tribunal de Rome), par décision du 12 avril 2021, parvenue le 22 avril 2021, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte doit‑il être interprété en ce sens que, dans les circonstances de l’affaire au principal, les articles 4 et 19 de cette Charte assurent une protection également contre le risque de refoulement indirect consécutif au transfert vers un État membre de l’Union qui a déjà examiné et rejeté la première demande de protection internationale et dans lequel il n’existe pas de défaillance systémique au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement [Dublin III] (lorsqu’il n’y a pas d’autres États membres responsables en application des critères énoncés aux chapitres III et IV) ?

2)      La juridiction de l’État membre dans lequel la seconde demande de protection internationale a été introduite, qui est saisie d’un recours au titre de l’article 27 du règlement [Dublin III] et qui est donc compétente pour apprécier le transfert au sein de l’Union européenne, mais non pour statuer sur la demande de protection, doit-elle évaluer comme existant le risque de refoulement indirect vers un pays tiers, lorsque l’État membre où a été introduite la première demande de protection internationale a apprécié différemment la notion de “protection à l’intérieur du pays” visée à l’article 8 de la directive [qualification] ?

3)      L’évaluation du risque de refoulement indirect consécutive à l’interprétation différente du besoin de “[p]rotection à l’intérieur du pays” par deux États membres est-elle compatible avec l’article 3, paragraphe 1, (deuxième partie,) du règlement [Dublin III] et avec l’interdiction générale faite aux ressortissants de pays tiers de choisir le pays de l’Union dans lequel introduire leur demande de protection internationale ?

4)      En cas de réponse affirmative aux questions précédentes :

a)      L’appréciation de l’existence d’un risque de refoulement indirect, effectuée par la juridiction de l’État dans lequel le demandeur a introduit la seconde demande de protection internationale à la suite du rejet de sa première demande, nécessite-t-elle d’appliquer la clause visée à l’article 17, paragraphe 1, [du règlement Dublin III] et qualifiée dans le règlement de “clause discrétionnaire” ?

b)      Quels critères la juridiction saisie au titre de l’article 27 du règlement [du règlement Dublin III] doit-elle utiliser pour évaluer le risque de refoulement indirect, outre ceux énoncés aux chapitres III et IV, étant donné que ce risque a déjà été exclu par l’État qui a examiné la première demande de protection internationale ? »

C.      L’affaire C297/21

47.      Dans l’affaire C‑297/21, XXX.XX, un ressortissant afghan, a introduit en Italie une deuxième demande de protection internationale après qu’une première demande de reconnaissance de la protection internationale présentée en Allemagne a été définitivement rejetée et que le demandeur y a reçu une décision définitive d’éloignement. À la suite d’un résultat positif Eurodac, le ministère de l’Intérieur italien a adressé aux autorités allemandes, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement Dublin III, une demande de reprise en charge que celles-ci ont accueillie.

48.      Le demandeur a alors formé devant le Tribunale di Firenze (tribunal de Florence, Italie) un recours contre la décision de transfert adoptée à son encontre. Il estime que la décision attaquée viole l’article 4 de la Charte ainsi que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III étant donné qu’il ferait face à un refoulement indirect vers l’Afghanistan en passant par l’Allemagne et qu’il risquerait en Afghanistan d’être soumis à un traitement inhumain et dégradant. De son avis, la République italienne serait par conséquent l’État membre responsable conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

49.      Dans ces circonstances, le Tribunale di Firenze (tribunal de Florence), par décision du 29 avril 2021, parvenue le 10 mai 2021, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      À titre principal, l’article 17, paragraphe 1, du règlement [Dublin III] doit-il être interprété, en vertu des articles 19 et 47 de la [Charte] et de l’article 27 [de ce] règlement, en ce sens que la juridiction de l’État membre saisie d’un recours dirigé contre une décision de l’unité Dublin peut déclarer que l’État qui devrait transférer le demandeur au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), est responsable [de l’examen de la demande de protection internationale], lorsqu’elle constate qu’il existe, dans l’État membre responsable, un risque de violation du principe de non-refoulement du fait du refoulement du demandeur vers son pays d’origine, où il serait exposé à un risque de mort ou de traitements inhumains ou dégradants ?

2)      À titre subsidiaire, l’article 3, paragraphe 2, du règlement [Dublin III] doit-il être interprété, en vertu des articles 19 et 47 de la [Charte] et de l’article 27 [de ce] règlement, en ce sens que la juridiction peut déclarer que l’État tenu de transférer le demandeur au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), de ce même règlement est responsable [de l’examen de la demande de protection internationale], lorsqu’il est établi :

a)      qu’il existe, dans l’État membre responsable, un risque de violation du principe de non-refoulement du fait du refoulement du demandeur vers son pays d’origine, où il serait exposé à un risque de mort ou de traitements inhumains ou dégradants ;

b)      qu’il est impossible de transférer le demandeur vers un autre État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III du règlement [Dublin III] ? »

D.      L’affaire C315/21

50.      Dans l’affaire C‑315/21, PP, né au Pakistan, a présenté une demande de protection internationale en Italie après avoir déjà introduit une demande similaire en Allemagne. Le ministère de l’Intérieur italien a alors adressé aux autorités allemandes une demande de reprise en charge conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III, que celles-ci ont accueillie en tant que demande de reprise en charge en vertu de l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement Dublin III. Par la suite, le ministère de l’Intérieur italien a ordonné le transfert du demandeur vers l’Allemagne.

51.      Le demandeur a formé un recours contre cette décision auprès du Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) et a demandé avec succès le sursis à l’exécution de la décision. Il a invoqué aux motifs, d’une part, une violation des obligations d’information au titre des articles 4 et 5 du règlement Dublin III et, d’autre part, un risque de refoulement indirect vers le Pakistan en passant par l’Allemagne ; il y aurait pour lui au Pakistan un risque concret de traitement inhumain et dégradant. L’unité Dublin relevant du ministère de l’Intérieur italien a contesté cette argumentation et a apporté la preuve que l’entretien individuel avec le demandeur prévu par l’article 5 du règlement Dublin III avait bien eu lieu.

52.      Dans ces circonstances, le Tribunale di Milano (tribunal de Milan), par décision du 14 avril 2021, parvenue le 17 mai 2021, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les articles 4 et 5 du règlement [Dublin III] doivent-ils être interprétés en ce sens que leur non‑respect entraîne à lui seul l’illégalité de la décision attaquée au titre de l’article 27 [de ce] règlement, indépendamment des conséquences concrètes du non‑respect susmentionné sur le contenu de la décision et sur la détermination de l’État membre responsable ?

2)      L’article 27 du règlement [Dublin III], lu en combinaison avec l’article 18, paragraphe 1, sous a), ou avec l’article 18, paragraphe [1], sous b), c) et d), et avec l’article 20, paragraphe 5, [de ce] règlement, doit-il être interprété en ce sens qu’il définit des objets de recours différents les uns des autres, différents moyens à invoquer dans le cadre d’un recours juridictionnel et différentes formes de non‑respect des obligations d’information et d’entretien individuel visées aux articles 4 et 5 du règlement [Dublin III] ?

En cas de réponse affirmative à la question posée au point 2) ci-dessus : les articles 4 et 5 du règlement [Dublin III] doivent-ils être interprétés en ce sens que les garanties d’information qui y sont prévues doivent être assurées uniquement dans le cas visé à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et non pas dans le cadre d’une procédure de reprise en charge, ou bien doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans le cadre de cette dernière procédure, il faut au moins respecter les obligations d’information se rapportant à la cessation de la responsabilité visée à l’article 19 ou celles se rapportant aux défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la [Charte], visées à l’article 3, paragraphe 2, [du règlement Dublin III] ?

3)      L’article 3, paragraphe 2, du règlement [Dublin III] doit-il être interprété en ce sens que les “défaillances systémiques dans la procédure d’asile” comprennent également les conséquences éventuelles des décisions définitives de rejet de la demande de protection internationale adoptées par la juridiction de l’État membre reprenant en charge le demandeur, si la juridiction saisie au titre de l’article 27 du règlement [Dublin III] estime qu’il existe un risque réel pour le demandeur d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants dans le cas où l’État membre [susmentionné] le renverrait dans son pays d’origine, compte tenu notamment du fait qu’il existe un conflit armé généralisé au sens de l’article 15, sous c), de la directive [qualification] ? »

E.      L’affaire C328/21

53.      Dans l’affaire C‑328/21, le ministère de l’Intérieur italien a ordonné le transfert du demandeur GE, originaire d’Iraq, vers la Finlande après qu’il a été constaté qu’il se trouvait de manière irrégulière en Italie et qu’un résultat positif Eurodac a révélé qu’il avait déjà introduit auparavant une demande de protection internationale en Finlande. À la suite de la demande de reprise en charge en vertu de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III, la République de Finlande a reconnu sa qualité d’État membre responsable au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), de ce règlement.

54.      Le demandeur a formé un recours contre la décision de transfert auprès du Tribunale di Roma (tribunal de Rome), qui s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire au Tribunale di Trieste (tribunal de Trieste, Italie). Le demandeur fait en particulier valoir la violation des obligations d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III et de l’article 29 du règlement Eurodac.

55.      Dans ces circonstances, le Tribunale di Trieste (tribunal de Trieste), par décision du 2 avril 2021, parvenue le 26 mai 2021, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      [Q]uelles sont les conséquences juridiques imposées par le droit de l’Union en ce qui concerne les ordres de transfert de reprise en vertu du chapitre VI, section III, du règlement [Dublin III], si l’État n’a pas fourni les informations requises par l’article 4 du règlement [Dublin III] et l’article 29 du règlement [Eurodac] ?

2)      En particulier, lorsqu’un recours complet et effectif a été formé contre la décision de transfert, il est demandé à la [Cour] :

a)      si l’article 27 du règlement [Dublin III] doit être interprété :

–      en ce sens que le défaut de délivrance de la brochure d’information prévue à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement [Dublin III] à une personne se trouvant dans les conditions décrites à l’article 23, paragraphe 1, du règlement [Dublin III] détermine en soi la nullité irrémédiable de l’ordre de transfert (et éventuellement aussi la compétence pour connaître de la demande de protection internationale par l’État membre auquel la personne a présenté la nouvelle demande) ;

–      ou en ce sens qu’il appartient au requérant de prouver en justice que si la brochure lui avait été remise, la procédure aurait eu une issue différente ?

b)      si l’article 27 du règlement [Dublin III] doit être interprété :

–      en ce sens que l’absence de remise de la brochure d’information prévue à l’article 29 du règlement [Eurodac] à une personne se trouvant dans les conditions décrites à l’article 24, paragraphe 1, du règlement [Dublin III], détermine en soi la nullité irrémédiable de l’ordre de transfert (et éventuellement aussi l’offre nécessaire qui en découle de la possibilité de présenter une nouvelle demande de protection internationale) ;

–      ou en ce sens qu’il incombe au requérant de prouver en justice que si la brochure lui avait été remise, la procédure aurait eu une issue différente ? »

IV.    La procédure devant la Cour

56.      Les juridictions de renvoi dans les affaires C‑254/21, C‑297/21, C‑315/21 et C‑328/21 ont demandé à ce que les affaires soient traitées dans le cadre de la procédure accélérée conformément à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour ou par priorité conformément à l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure.

57.      Par ordonnances du président de la Cour du 14 juin et du 6 juillet 2021, ces demandes ont été rejetées.

58.      Par ordonnance du président de la Cour du 6 juillet 2021, les affaires C‑228/21, C‑254/21, C‑297/21, C‑315/21 et C‑328/21 ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de la décision mettant fin à l’instance.

59.      Les gouvernements italien, allemand, français, néerlandais, la Commission ainsi que les requérants au principal dans les affaires C‑297/21 et C‑328/21 ont présenté des observations écrites.

60.      Une audience commune a été tenue le 8 juin 2022 à laquelle la République italienne, la Commission ainsi que les requérants des procédures au principal dans les affaires C‑297/21 et C‑328/21 ont pris part.

V.      Appréciation

61.      Les situations à la base des présentes cinq demandes de décision préjudicielle se caractérisent toutes par le fait que les demandeurs d’asile concernés, après avoir présenté une première demande de protection internationale dans un État membre, se sont rendus en Italie et y ont soit introduit une nouvelle demande de protection internationale (affaires C‑228/21, C‑254/21, C‑297/21 et C‑315/21), soit séjourné sans titre de séjour (affaire C‑328/21 – il est à noter qu’il n’est pas certain ici si le requérant au principal a introduit ou non une nouvelle demande en Italie, voir à ce sujet les points 98 et 123 des présentes conclusions). L’autorité italienne compétente a dès lors requis les États membres dans lesquels les intéressés avaient auparavant introduit une demande de protection internationale aux fins de leur reprise en charge et a adopté à l’encontre des intéressés, conformément à l’article 26 du règlement Dublin III, des décisions de transfert qui font désormais l’objet des procédures au principal.

62.      Dans ce contexte, les questions adressées à la Cour dans les présentes demandes de décision préjudicielle concernent, comme déjà évoqué dans l’introduction, deux thématiques. Il en va, d’une part, des obligations d’information et de remise de la brochure commune au titre de l’article 4 du règlement Dublin III et de l’article 29 du règlement Eurodac ainsi que de l’obligation de conduire l’entretien individuel en vertu de l’article 5 du règlement Dublin III (affaires C‑228/21, C‑315/21 et C‑328/21) (section A). Il en va, d’autre part, de la question de savoir si les juridictions de l’État membre requérant peuvent, dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert, examiner le risque de violation du principe de non‑refoulement par l’État membre requis lorsqu’il n’y a pas de défaillances systémiques dans cet État membre (affaires C‑254/21, C‑297/21 et C‑315/21) (section B).

A.      Sur la brochure commune et l’entretien individuel

63.      Par leurs questions dans les affaires C‑228/21, C‑315/21 et C‑328/21, les juridictions de renvoi veulent tout d’abord savoir si les obligations d’informer les demandeurs et de leur remettre la brochure commune au titre de l’article 4 du règlement Dublin III et de l’article 29 du règlement Eurodac ainsi que l’obligation de conduire l’entretien individuel en vertu de l’article 5 du règlement Dublin III s’appliquent non seulement dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre responsable qui est conduite lors de la première demande de protection internationale dans un État membre, mais également dans la procédure de reprise en charge. Cette dernière procédure est conduite lorsqu’un demandeur d’asile présente une demande de protection internationale dans un État membre supplémentaire ou y séjourne et que ce deuxième État membre prévoit de le transférer vers le premier État membre.

64.      Si les obligations en cause devaient s’appliquer aussi dans la procédure de reprise en charge, les juridictions de renvoi souhaiteraient en outre savoir si un recours contre une décision de transfert peut être fondé sur une violation de ces obligations et quelles conséquences une telle violation a pour la décision de transfert.

65.      Puisque l’article 4 du règlement Dublin III (sous-section 1), l’article 29 du règlement Eurodac (sous-section 2) ainsi que l’article 5 du règlement Dublin III (sous-section 3) soulèvent chacun des questions spécifiques, il semble opportun de les examiner à tour de rôle.

1.      Sur l’obligation d’information en vertu de l’article 4 du règlement Dublin III

66.      La question de savoir si les obligations d’information et de remise de la brochure commune au titre de l’article 4 du règlement Dublin III s’appliquent également dans la procédure de reprise en charge est explicitement soulevée dans la deuxième partie de la deuxième question préjudicielle dans l’affaire C‑315/21 ; elle l’est cependant aussi, implicitement, dans les questions préjudicielles dans les affaires C‑228/21 et C‑328/21. Celles-ci concernent en effet les conséquences d’une violation desdites obligations pour la décision de transfert dans la procédure de reprise en charge, ce qui suppose leur applicabilité.

67.      Nous esquisserons tout d’abord les différences entre les procédures de prise de charge et de reprise en charge ainsi que les différentes situations dans lesquelles la procédure de reprise en charge s’applique (sous-section a). Nous expliquerons ensuite pourquoi l’obligation d’information en cause s’applique également dans la procédure de reprise en charge (sous-section b). Nous nous pencherons enfin sur la question de savoir si une violation de cette obligation peut être invoquée dans le cadre d’un recours contre la décision de transfert et quelles en sont les conséquences (sous-section c).

a)      Procédures de prise et de reprise en charge dans le système de Dublin

68.      En vertu de l’article 20, paragraphe 1, du règlement Dublin III, le processus de détermination de l’État membre responsable doit être engagé dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un État membre. Si cet État membre considère qu’un autre État membre est responsable, il peut requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur [article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement Dublin III, lu en combinaison avec son article 21, paragraphe 1].

69.      La procédure de reprise en charge au titre des articles 23 et 24 du règlement Dublin III s’applique quant à elle aux personnes qui, après avoir introduit une première demande dans un État membre, se rendent dans un autre État membre et y présentent une nouvelle demande ou y séjournent sans titre de séjour. Cet État membre peut alors requérir l’État membre qui était saisi auparavant de leur demande aux fins de leur reprise en charge.

70.      Il y a lieu, dans la procédure de reprise en charge, de distinguer deux situations sur lesquelles s’appuie aussi la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑315/21 : cette procédure s’applique, d’une part, aux situations de personnes qui ont introduit une demande dans un premier État membre et ont par la suite quitté cet État membre avant que le processus de détermination de l’État membre responsable ait été achevé (article 20, paragraphe 5, du règlement Dublin III). Cette circonstance n’est pas pertinente dans les procédures au principal.

71.      La procédure de reprise en charge doit, d’autre part, être appliquée aux situations de personnes qui, pendant l’examen matériel de leur demande ou après le rejet de cette demande par l’État membre responsable, se rendent dans un autre État membre et y présentent une nouvelle demande ou y séjournent sans titre de séjour [article 18, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement Dublin III] (13). Ces situations correspondent aux circonstances des présentes procédures au principal.

b)      Obligation d’information d’après l’article 4 du règlement Dublin III également dans la procédure de reprise en charge

72.      L’article 4, paragraphe 1, du règlement Dublin III prévoit que les autorités informent les demandeurs de l’application de ce règlement et de ses aspects pertinents « dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre ». Les informations en cause sont contenues dans une brochure commune que la Commission a rédigée dans le règlement d’exécution no 118/2014 en vertu de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement Dublin III.

73.      Nous examinerons dans la suite des présentes conclusions, tout d’abord, les termes et l’économie (sous-section 1), puis le sens et l’objet (sous-section 2) de l’article 4 du règlement Dublin III, et nous nous pencherons enfin sur le cas dans lequel la personne concernée ne présente pas de nouvelle demande dans le deuxième État membre (sous-section 3).

1)      Termes et économie de l’article 4 du règlement Dublin III

74.      D’après ses termes, l’article 4, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne fait, en ce qui concerne l’obligation d’information, pas de distinction entre une première demande et les demandes subséquentes de protection internationale, ni entre la procédure de prise en charge et la procédure de reprise en charge.

75.      L’article 20 du règlement Dublin III est certes intitulé « Début de la procédure » et son paragraphe 1 prévoit que le processus de détermination de l’État membre responsable commence dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois (14). Le paragraphe 2 de cette disposition règle cependant de manière tout à fait générale le cas dans lequel une demande de protection internationale [définie par l’article 2, sous b), du règlement Dublin III ainsi que par l’article 2, sous h), de la directive qualification] est réputée avoir été introduite, et il ne fait pas uniquement référence à la première demande. Cela découle également de l’article 23, paragraphe 2, second alinéa, du règlement Dublin III, qui renvoie à l’article 20, paragraphe 2, de ce règlement. L’article 23 dudit règlement ne s’applique cependant qu’aux cas de nouvelle demande de protection internationale et donc précisément pas à la première demande.

76.      Du point de vue systématique, l’article 4 du règlement Dublin III se trouve dans son chapitre II intitulé « Principes généraux et garanties ». Les dispositions de ce chapitre valent ainsi pour l’ensemble du champ d’application de ce règlement et non seulement pour un type donné de procédure.

2)      Sens et objet de l’article 4 du règlement Dublin III

77.      En ce qui concerne les motifs de l’obligation d’information, la Commission et la République italienne soutiennent que, d’après le considérant 18 du règlement Dublin III, cette obligation est destinée à simplifier la détermination de l’État membre responsable de l’examen matériel d’une demande de protection internationale. La procédure de reprise en charge serait cependant principalement applicable à des situations dans lesquelles l’État membre responsable a déjà été identifié. Il n’y aurait par conséquent plus lieu, dans cette procédure, de communiquer l’ensemble des informations concernant la détermination de l’État membre responsable. Il devrait au contraire suffire d’informer les personnes concernées des aspects qu’elles peuvent encore faire valoir à ce stade de la procédure. La Commission et la République italienne fondent cette argumentation, en particulier, sur l’arrêt de la Cour dans l’affaire H. et R. (15).

78.      Il y a lieu de concéder à la Commission et à la République italienne que, dans les situations couvertes par l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement Dublin III (voir point 71 des présentes conclusions), le processus de détermination de l’État membre responsable est déjà achevé et cet État a déjà entamé l’examen matériel de la demande voire l’a déjà achevé. La Cour a par conséquent constaté dans l’arrêt H. et R. que, dans un tel cas de figure, il n’y a pas lieu de procéder à une nouvelle application des règles régissant le processus de détermination de la responsabilité (16).

79.      Même dans la situation couverte par l’article 20, paragraphe 5, du règlement Dublin III (voir point 70 des présentes conclusions), lorsque l’examen de la responsabilité dans l’État membre requis est encore en cours, l’État membre requérant n’est en principe pas tenu d’examiner si l’État membre requis est responsable. Il doit au contraire uniquement vérifier si les critères de l’article 20, paragraphe 5, de ce règlement sont remplis, c’est-à-dire vérifier si une première demande a été introduite dans l’État membre requis et si ce dernier a engagé le processus de détermination de l’État membre responsable, sans pour autant l’avoir achevé (17).

80.      Cela n’exclut toutefois pas que certains critères de responsabilité doivent encore être pris en compte dans la procédure de reprise en charge. Ainsi que nous l’exposerons plus en détail ci-après, la Cour l’a déjà explicitement constaté en ce qui concerne certains critères de responsabilité, ce que la Commission et la République italienne reconnaissent d’ailleurs. En outre, l’obligation d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III recouvre non seulement les critères de détermination de l’État membre responsable, mais aussi des informations générales relatives au fonctionnement du système de Dublin. Toutes ces informations sont contenues dans la brochure commune. Une obligation d’information sélective dans la procédure de reprise en charge, comme la proposent la Commission et la République italienne, ne semble, dans ce contexte, pas correspondre à la finalité du règlement Dublin III (sous-section i) et elle semble difficile à mettre en œuvre en pratique (sous-section ii).

i)      Pertinence des informations contenues dans la brochure commune pour les demandeurs dans la procédure de reprise en charge

–       Critères de responsabilité qui doivent encore être pris en compte même dans la procédure de reprise en charge

81.      Dans le cadre de la procédure de reprise en charge, l’État membre requérant n’est plus tenu d’examiner d’office les critères de détermination de l’État membre responsable conformément au chapitre III du règlement Dublin III (18). Cela ne signifie pas pour autant qu’il pourrait ignorer des éléments qu’un demandeur avance et qui pourraient, même à ce stade de la procédure, faire obstacle à un transfert vers l’État membre requis. Il est par conséquent nécessaire, même dans la procédure de reprise en charge, d’informer les demandeurs, grâce à la brochure commune, de la possibilité d’exposer de tels éléments.

82.      Il en va en particulier ainsi pour la cession de la responsabilité à l’État membre requérant en vertu de l’article 19 (19), l’article 23, paragraphe 3 (20), et l’article 29, paragraphe 2 (21), du règlement Dublin III, les défaillances systémiques dans l’État membre requis (article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa (22)) ou, dans des cas particuliers concernant l’état de santé du demandeur, le risque d’un traitement inhumain en raison du transfert vers l’État membre requis lui-même (23). En outre, dans les cas dans lesquels le demandeur a quitté l’État membre requis avant que le processus de détermination de l’État membre responsable ait été achevé (article 20, paragraphe 5, voir point 70 des présentes conclusions), la Cour estime que l’on peut encore faire valoir, dans la procédure de reprise en charge, le fait que, eu égard aux critères des articles 8 à 10, l’État membre requérant est, en fait, l’État membre responsable (24).

83.      Les demandeurs peuvent par ailleurs, dans la procédure de reprise en charge (dans les situations couvertes tant par l’article 20, paragraphe 5 [voir point 70 des présentes conclusions] que par l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement Dublin III [voir point 71 des présentes conclusions]), présenter en particulier des indices quant à la présence de membres de la famille, de proches ou d’autres parents sur le territoire de l’État membre requérant qui pourraient conduire à l’application des critères cités aux articles 8, 10 et 16 du règlement Dublin III. De tels indices doivent en effet être pris en compte par les États membres conformément à l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement pour autant qu’ils sont présentés avant qu’un autre État membre ait accueilli la demande de prise en charge ou de reprise en charge (25) de la personne concernée conformément aux articles 22 et 25 (26) dudit règlement, et pour autant qu’il n’y ait pas encore eu de première décision au fond sur les demandes antérieures de protection internationale du demandeur.

84.      Ainsi, d’après ses termes et sa logique, l’article 7, paragraphe 3, du règlement Dublin III s’applique aussi dans la procédure de reprise en charge. Pour autant que l’on puisse en juger, cela n’a pas été remis en cause dans l’arrêt H. et R. étant donné que, dans cet arrêt, la Cour n’a pas examiné cette disposition.

85.      La brochure commune signale elle aussi expressément que les demandeurs sont supposés communiquer aux autorités s’ils ont des membres de leur famille dans un État du système de Dublin, « avant qu’une première décision ne soit prise sur [leur] demande d’asile » (27), sans limiter cette possibilité à la procédure de prise en charge.

86.      Cela est d’ailleurs logique.

87.      Le règlement Dublin III a certes pour objectif d’assurer une détermination rapide de l’État membre responsable et ainsi un examen dans les meilleurs délais de la demande d’asile (28). Les demandes d’asile peuvent donc le cas échéant être examinées par un autre État membre que celui qui est responsable d’après les critères visés au chapitre III de ce règlement (29). Cela n’est pas problématique étant donné qu’il existe une présomption que le traitement des demandeurs d’asile dans chaque État membre est conforme à la Charte ainsi qu’à la convention relative au statut des réfugiés (30) et à la CEDH (31). De plus, du fait de l’harmonisation par le droit de l’Union, les États membres examinent les demandes d’asile en grande partie d’après les mêmes règles (32). Dès lors, une responsabilité, une fois déterminée, ne devrait en principe plus être remise en cause.

88.      Il convient toutefois de déroger à ce principe, compte tenu de l’importance du droit à la protection de la vie familiale, lorsque sont présentés, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement Dublin III, des éléments qui permettent de conclure à la présence de membres de la famille du demandeur dans un autre État membre que l’État membre initialement désigné comme État membre responsable.

89.      Cette disposition tient en effet compte du droit à la protection de la vie familiale. D’après la proposition de la Commission pour le règlement Dublin III, cette disposition est supposée renforcer le droit au regroupement familial et prévenir qu’un demandeur soit transféré vers un État membre alors que pour des motifs de maintien de l’unité de la famille un autre État membre est responsable (33). Les considérants 14 à 16 du règlement Dublin III confirment l’importance du respect de la vie familiale dans la mise en œuvre de ce règlement. D’après ces considérants, le traitement commun par un unique État membre des demandes de protection internationale introduites par les membres d’une famille est supposé assurer en particulier que les décisions les concernant soient cohérentes et que les membres d’une famille ne soient pas séparés.

90.      L’information des demandeurs dans le cadre de la procédure de reprise en charge à travers la brochure commune sert ainsi aussi et précisément à la protection de leur droit à la vie familiale.

–       Informations générales sur le système de Dublin

91.      Renoncer à remettre la brochure commune dans le cadre de la procédure de reprise en charge serait en outre contraire aux objectifs du règlement Dublin III. Celui-ci repose en effet sur la volonté de renforcer les droits des demandeurs, de les associer le mieux possible au processus de détermination de l’État membre responsable (34) et de les informer du fonctionnement du système de Dublin afin de prévenir les mouvements secondaires (35).

92.      L’obligation d’information conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement Dublin III ne concerne par conséquent pas uniquement les critères de détermination de l’État membre responsable [sous b)]. Elle recouvre au contraire aussi l’économie du système de Dublin et en particulier les conséquences d’une nouvelle demande ou d’un déplacement vers un autre État membre, l’entretien individuel au titre de l’article 5 et la possibilité de présenter des informations quant à la présence de membres de la famille et de déposer un recours contre la décision de transfert [sous a), c) et d)].

93.      Il est incontestablement utile de communiquer aux personnes concernées ces informations générales sur le système de Dublin également dans le cadre de la procédure de reprise en charge. La brochure commune contient en outre une indication expresse pour les demandeurs dans la procédure de reprise en charge : « Si vous avez déjà demandé l’asile dans un autre pays de Dublin, différent de celui où vous vous trouvez maintenant, nous demanderons à ce pays de vous “ reprendre » (36). Il n’y a donc pas non plus lieu de craindre que la nouvelle remise de la brochure dans la procédure de reprise en charge puisse suggérer à tort aux demandeurs que l’État membre requérant procédera en tout état de cause et d’office à une nouvelle détermination de l’État membre responsable.

ii)    Aspects pratiques

94.      Une information sélective des demandeurs, comme la proposent la Commission et la République italienne, semble par ailleurs difficilement réalisable étant donné qu’il n’existe qu’une brochure commune. Il se peut également que les autorités du deuxième État membre ne soient, le cas échéant, pas immédiatement en mesure d’identifier (en particulier avant une vérification Eurodac, voir, à ce sujet, points 115 et 116 des présentes conclusions) dans quelle situation le demandeur se trouve exactement et quels éléments il peut encore faire valoir. La communication systématique de la brochure commune dans le cadre de la procédure de reprise en charge est au contraire une solution claire, simple et sûre sur le plan juridique, qui garantit que tous les demandeurs obtiennent en tout état de cause – si nécessaire de nouveau – toutes les informations qui sont pertinentes pour leur situation individuelle.

95.      Il faut certes partir du principe qu’un demandeur qui présente dans un deuxième État membre une demande de protection internationale s’est déjà vu remettre la brochure commune lors de sa première demande dans le premier État membre. Il ne peut toutefois pas être exclu que cela ait été omis dans certains cas individuels ou qu’un rappel de ces informations puisse être utile. En tout cas, il sera régulièrement difficile pour les autorités du deuxième État membre de vérifier si les demandeurs ont déjà reçu la brochure une première fois.

96.      Enfin, l’obligation de remise (le cas échéant de nouveau) de la brochure commune dans le cadre de la procédure de reprise en charge ne conduit pas à un effort disproportionné pour l’État membre requérant. Celui-ci doit en effet, de toute façon, disposer de la brochure commune dans toutes les versions linguistiques pour la remettre aux demandeurs qui introduisent leur première demande de protection internationale auprès de ses services.

3)      Obligation d’information aussi lorsque aucune nouvelle demande n’est introduite dans le deuxième État membre ?

97.      Par souci d’exhaustivité, il y a encore lieu de signaler que la procédure de reprise en charge ne couvre pas seulement les situations dans lesquelles un demandeur, après avoir présenté une demande de protection internationale dans un premier État membre, introduit une telle demande dans un deuxième État membre. La procédure de reprise en charge vient au contraire également à s’appliquer dans les situations dans lesquelles un demandeur, après avoir présenté une première demande dans un État membre, se rend dans un autre État membre et y séjourne sans titre de séjour, et ce sans introduire de nouvelle demande [article 24, en combinaison avec l’article 20, paragraphe 5, et l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement Dublin III].

98.      D’après les indications de la juridiction de renvoi, cela correspond en l’espèce à la situation de la procédure au principal dans l’affaire C‑328/21. GE, l’intéressé dans cette affaire, soutient au contraire qu’il n’aurait été considéré comme séjournant de manière irrégulière dans le pays que parce que les autorités italiennes n’auraient pas correctement enregistré sa demande de protection internationale. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est le cas, étant entendu que les exigences quant à l’existence d’une demande de protection internationale ne doivent pas être interprétées de manière trop stricte et formaliste (37).

99.      D’après les termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement Dublin III, l’obligation de remettre les informations qui y sont citées n’existe que « [d]ès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre ». Elle ne peut donc pas être étendue aux cas dans lesquels un demandeur, après avoir présenté une première demande dans un État membre, se rend dans un autre État membre et y séjourne uniquement sans titre de séjour, et ce sans introduire une nouvelle demande.

100. Eu égard aux considérations qui précèdent, une remise de la brochure informant le demandeur du fonctionnement du système de Dublin semble certes également utile dans de tels cas. Elle pourrait en particulier aider les personnes concernées à expliquer aux autorités si elles souhaitent introduire une demande de protection internationale. Remettre la brochure également dans ce cas de figure ne serait cependant qu’une bonne pratique administrative que les États membres peuvent appliquer sans y être formellement tenus en vertu de l’article 4 du règlement Dublin III.

4)      Conclusion intermédiaire

101. Il découle de tout ce qui précède que l’article 4 du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens que l’obligation de remettre les informations qui y sont citées existe tant dans les situations couvertes par l’article 20, paragraphe 1, et l’article 18, paragraphe 1, sous a), que dans celles couvertes par l’article 20, paragraphe 5, et l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), de ce règlement, dès qu’une demande de protection internationale est présentée dans un État membre au sens de l’article 20, paragraphe 2.

c)      Conséquences d’une violation de l’obligation d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III dans la procédure de reprise en charge

102. Par leurs questions dans les affaires C‑228/21 et C‑328/21 ainsi que par les première et deuxième questions dans l’affaire C‑315/21, les juridictions de renvoi souhaitent savoir, d’une part, si les violations de l’obligation d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III dans la procédure de reprise en charge peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre la décision de transfert (sous-section 1). Elles demandent, d’autre part, si de telles violations doivent en elles-mêmes entraîner l’annulation de cette décision ou si le juge compétent doit examiner si dans le cas concret la violation a eu une incidence sur le contenu de la décision (sous-section 2).

1)      Caractère invocable de l’article 4 du règlement Dublin III dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert dans la procédure de reprise en charge

103. Il y a lieu de répondre par l’affirmative à la question de savoir si des violations de l’article 4 du règlement Dublin III peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert. La Cour a en effet déjà constaté qu’un recours contre une décision de transfert en vertu de l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III doit pouvoir viser au contrôle de l’application de ce règlement y compris le respect des garanties procédurales qui y sont prévues (38).

104. On ne saurait en revanche souscrire à l’opinion de la Commission selon laquelle les violations de l’obligation d’information ne peuvent être invoquées que lorsqu’elles ont eu une incidence sur le contenu de la décision de transfert. Cela conduirait en effet à mélanger l’examen de la recevabilité d’un recours contre la décision de transfert avec l’examen de son bien-fondé.

2)      Conséquences pour la décision de transfert de violations de l’article 4 du règlement Dublin III

105. Contrairement à l’opinion exprimée par GE dans le cadre de l’affaire C‑328/21, la possibilité d’invoquer des violations de l’article 4 du règlement Dublin III ne signifie cependant pas nécessairement que la décision de transfert doive être annulée et que la responsabilité pour l’examen de la demande soit transférée à l’État membre requérant. Selon GE, il devrait en aller ainsi en cas de violations de l’article 4 tout comme en cas de violations des règles en matière de délais dans les procédures de prise en charge, de reprise en charge et de transfert conformément à l’article 21, paragraphe 1, troisième alinéa, l’article 23, paragraphe 3, l’article 24, paragraphe 3, et l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III.

106. Une telle conséquence juridique n’est pourtant précisément pas prévue en ce qui concerne l’article 4 du règlement Dublin III. Ce règlement ne prévoit au contraire aucune conséquence juridique à ce titre. Dans ce cas, les conséquences juridiques s’orientent au droit national, les États membres devant respecter les principes d’équivalence et d’effectivité. Les modalités du droit national ne doivent en particulier pas remettre en cause l’effet utile du règlement Dublin III (39).

107. Le standard que les États membres doivent à cet égard respecter en vertu du droit de l’Union découle de la jurisprudence relative à la violation des droits de la défense. Une telle violation, en particulier du droit d’être entendu, ne conduit à l’annulation de la décision qui est adoptée au terme de la procédure administrative en question que si la procédure aurait pu conduire, en l’absence de cette irrégularité, à un autre résultat (40).

108. Ainsi qu’il vient d’être exposé, l’obligation d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III sert à informer les personnes concernées du fonctionnement du système de Dublin et de leurs droits dans le cadre de ce système. Ce faisant, elles sont supposées apprendre en particulier dans la procédure de reprise en charge qu’elles peuvent, à l’aide de certains arguments, s’opposer au transfert vers l’État membre examinant la responsabilité ou vers l’État membre responsable.

109. Toutefois, l’omission de la communication de ces informations aux personnes concernées ne saurait à elle seule justifier l’hypothèse selon laquelle la décision de transfert est nécessairement entachée d’une erreur et doit donc être annulée. Ainsi que l’expose la République fédérale d’Allemagne, cette omission de communication peut en effet être compensée au cours de la suite de la procédure, notamment durant l’entretien individuel (voir aussi, à cet égard, l’article 4, paragraphe 2, second alinéa, du règlement Dublin III). Cela peut intervenir en sollicitant, par exemple, lors de l’entretien individuel, les informations pertinentes comme, en particulier, la présence de membres de la famille dans l’État membre requérant ou dans un État membre tiers, ce qui pourrait le cas échéant conduire à l’application des articles 8, 10 ou 16 du règlement Dublin III. De la même manière, cet entretien devrait être l’occasion de demander ou de faire ressortir des éléments permettant de conclure à l’existence d’un risque de violation de l’article 4 de la Charte dans l’État membre requis ou du fait du transport vers cet État.

110. Afin que l’omission de communication de la brochure conduise à l’annulation de la décision de transfert, il devrait ainsi être démontré que, lors de l’entretien individuel, un élément susceptible de faire obstacle au transfert vers l’État membre requis n’a pas pu être présenté parce que la personne concernée n’a pas reçu cette brochure commune et ne savait donc pas que cet élément était pertinent. Il devrait en outre être impossible de corriger l’erreur procédurale dans le cadre de la procédure judiciaire (voir point 141 des présentes conclusions).

111. Ainsi que l’expose la République fédérale d’Allemagne, la charge de démontrer les effets d’une erreur procédurale de l’autorité compétente de l’État membre requérant ne saurait cependant reposer intégralement sur le demandeur. Au contraire, la juridiction saisie du recours contre la décision de transfert doit examiner si la procédure de reprise en charge en question aurait, compte tenu des circonstances particulières de fait et de droit du cas concret, pu conduire, sans cette erreur, à un autre résultat parce que les ressortissants de pays tiers concernés auraient pu mieux se défendre et faire valoir des aspects qui auraient été susceptibles d’avoir une incidence sur le contenu de la décision de transfert (41).

112. Dans l’affaire C‑328/21, la juridiction de renvoi, par sa première question, interroge la Cour de manière générale quant aux conséquences juridiques d’une violation de l’article 4 du règlement Dublin III pour la décision de transfert, sans faire de lien avec l’introduction d’un recours. Indépendamment d’un contrôle juridictionnel, la non‑remise de la brochure ne peut toutefois pas conduire ipso iure à la nullité de la décision de transfert. En vertu de l’article 26, paragraphe 2, de ce règlement, cette décision doit cependant contenir des informations sur les voies de recours. D’après le paragraphe 3 de cette disposition, si la personne concernée n’est pas assistée par un conseil juridique, l’État membre doit l’informer dans une langue qu’elle comprend non seulement des voies de recours disponibles, mais aussi des principaux éléments de la décision. Cette information ne peut être effective que si la personne concernée reçoit (au plus tard) à ce stade de la procédure les informations qui sont contenues dans la brochure commune.

3)      Conclusion intermédiaire

113. Il découle des considérations qui précèdent que les violations de l’article 4 du règlement Dublin III peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert dans la procédure de reprise en charge. Elles ne doivent cependant conduire à l’annulation de la décision de transfert que si, du fait de l’absence de communication des informations contenues dans cette disposition, un élément n’a pas pu être avancé alors qu’il était susceptible de faire obstacle au transfert vers l’État membre requis et s’il ne peut pas être remédié à cette erreur dans le cadre de la procédure de contrôle juridictionnel de cette décision conformément à l’article 27 de ce règlement.

2.      Sur l’obligation d’information au titre de l’article 29 du règlement Eurodac

114. Dans l’affaire C‑328/21, la juridiction de renvoi interroge la Cour quant aux conséquences pour la décision de transfert d’une violation de l’obligation de remise de la brochure commune en vertu de l’article 29 du règlement Eurodac.

115. Pour assurer la mise en œuvre du système de Dublin, le règlement Eurodac règle la création d’une base de données contenant des informations, en particulier les empreintes digitales, relatives aux personnes qui demandent la protection internationale ou qui entrent ou séjournent illégalement dans les États membres. Cette base de données sert aux États membres, en particulier, pour déterminer si une telle personne a déjà introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre. L’article 29 prévoit que les personnes concernées par ce traitement de données doivent être informées de son objet et de ses modalités et qu’une brochure commune doit également être produite à cet effet.

a)      Obligation d’information en vertu de l’article 29 du règlement Eurodac également dans la procédure de reprise en charge

116. Il est incontesté que l’obligation de remise de la brochure en vertu de l’article 29 du règlement Eurodac existe également dans la procédure de reprise en charge. Il en va ainsi tant lorsqu’une nouvelle demande de protection internationale est introduite dans le deuxième État membre (article 9) que lorsqu’une personne séjourne illégalement dans un État membre (article 17). En effet, dans les deux cas, les données relatives aux empreintes digitales des personnes concernées sont enregistrées dans le système Eurodac de sorte que l’obligation d’information en vertu de l’article 29 de ce règlement s’applique. Le système Eurodac est pensé précisément pour les cas dans lesquels un État membre transmet les données relatives aux empreintes digitales dans le système central afin de savoir si la personne concernée a déjà introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre. S’il s’avère que tel est le cas, le premier État membre peut alors requérir le deuxième État membre aux fins d’une reprise en charge de la personne concernée.

117. Partant, la brochure commune, établie conformément à l’article 29 du règlement Eurodac, contient l’indication suivante : « si vous avez déjà introduit une demande d’asile dans un autre pays, vous pouvez être renvoyé dans ce pays » (42).

b)      Caractère invocable et conséquences d’une violation de l’obligation d’information au titre de l’article 29 du règlement Eurodac dans la procédure de reprise en charge

118. L’obligation d’information au titre de l’article 29 du règlement Eurodac sert à informer les personnes concernées de l’objet et du fonctionnement du traitement des données dans le système Eurodac. Le droit à la remise de la brochure est ainsi un droit à la protection des données et non un droit procédural en ce qui concerne la procédure de reprise en charge conformément au règlement Dublin III. Il est supposé encourager la mise en œuvre des droits à la protection des données et non participer à un meilleur résultat de la procédure de transfert. La violation de ce droit ne peut par conséquent pas non plus avoir d’incidence sur l’issue de la procédure de transfert.

119. L’article 37 du règlement Eurodac prévoit que les personnes concernées peuvent exiger de l’État membre responsable la réparation du dommage découlant d’agissements contraires à ce règlement. Les États membres doivent prévoir à cet effet une voie de recours effective. Il semble ainsi tout à fait possible (mais pas obligatoire) qu’une violation de l’article 29 du règlement Eurodac puisse être invoquée (également) dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert.

120. Conformément à la jurisprudence citée aux points 107 et 111 des présentes conclusions, une violation de cette disposition ne devrait cependant conduire à l’annulation de la décision de transfert que lorsque la procédure, en l’absence de cette irrégularité, aurait pu aboutir à un résultat différent et qu’il n’aurait pas pu être remédié à l’erreur par une audition dans le cadre de la procédure judiciaire. Il semble cependant improbable que l’absence de remise des informations au titre de l’article 29 du règlement Eurodac puisse conduire à ce qu’un élément qui serait pertinent pour le contenu de la décision de transfert ne soit pas avancé.

c)      Conclusion intermédiaire

121. Il y a donc lieu de retenir que l’article 29, lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, et l’article 17, paragraphe 1, du règlement Eurodac, doit être interprété en ce sens que l’obligation de communication des informations qui y sont citées existe tant dans les situations couvertes par l’article 20, paragraphe 1, et l’article 18, paragraphe 1, sous a), que dans celles couvertes par l’article 20, paragraphe 5, et l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement Dublin III. Les violations de l’article 29 du règlement Eurodac peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert au sens de l’article 26 du règlement Dublin III. Elles ne doivent cependant conduire à l’annulation de la décision de transfert que si, du fait de l’absence de communication des informations en cause, un élément susceptible de faire obstacle au transfert vers l’État membre requis n’a pas été avancé et il ne peut pas être remédié à cette erreur dans le cadre de la procédure judiciaire.

3.      Sur l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III

122. Dans l’affaire C‑315/21, la juridiction de renvoi demande si l’obligation de conduire un entretien individuel avec le demandeur en vertu de l’article 5 du règlement Dublin III existe aussi dans la procédure de reprise en charge et, dans l’affirmative, quelles conséquences le non‑respect de cette obligation a pour la décision de transfert. Cette question n’est toutefois pas décisive dans cette affaire étant donné que, d’après les indications de la juridiction de renvoi, l’entretien individuel avec le demandeur a bien eu lieu.

123. Dans l’affaire C‑328/21, la juridiction de renvoi mentionne l’article 5 du règlement Dublin III dans son ordonnance de renvoi, mais pas dans ses questions préjudicielles. GE, la partie concernée dans la procédure au principal dans cette affaire, fait valoir que c’est à tort qu’il n’a pas été qualifié de « demandeur » (voir, à ce sujet déjà, point 98 des présentes conclusions). C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de répondre à cette question. Lors de l’audience, GE a indiqué que les autorités italiennes n’ont pas non plus conduit avec lui d’entretien individuel.

124. Ainsi que nous l’exposerons à présent, nous sommes d’avis que l’entretien individuel doit être conduit dans la procédure de reprise en charge, indépendamment du point de savoir si une nouvelle demande a été introduite ou non dans l’État membre requérant. La question des conséquences de la violation de cette obligation est donc, selon nous, en tout état de cause décisive pour la solution du litige dans l’affaire C‑328/21.

125. La question de savoir si l’entretien individuel doit être conduit dans la procédure de reprise en charge et, dans l’affirmative, quelles sont les conséquences pour la décision de transfert si cet entretien n’a pas lieu, se pose en outre dans l’affaire C‑80/22 actuellement pendante, mais qui ne fait pas l’objet de la présente procédure (43).

126. Dans les trois autres affaires (C‑228/21, C‑254/21 et C‑297/21), en revanche, soit l’entretien individuel a été réalisé (affaire C‑228/21), soit les juridictions de renvoi n’offrent pas d’indications plus précises à ce sujet.

127. Nous évoquerons tout d’abord pourquoi l’obligation de conduire l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III existe aussi dans la procédure de reprise en charge (a), avant de nous tourner vers les conséquences de violations de cette obligation (b).

a)      Obligation de conduire l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III également dans la procédure de reprise en charge

128. Conformément à leur position en ce qui concerne l’obligation d’information au titre de l’article 4 du règlement Dublin III, la Commission et la République italienne rejettent aussi toute obligation de conduire l’entretien individuel au titre de l’article 5 de ce règlement dans la procédure de reprise en charge. Cet entretien serait supposé simplifier la détermination de l’État membre responsable, qui, ici, n’aurait plus lieu d’être.

129. Il convient de convenir avec la Commission et la République italienne que le considérant 18 et l’article 5, paragraphe 1, du règlement Dublin III prévoient la conduite de l’entretien individuel avec le demandeur en lien avec la détermination de l’État membre responsable. Ainsi qu’il a été exposé aux points 78, 79 et 81 des présentes conclusions, l’État membre requérant n’a plus à procéder d’office à une telle détermination dans la procédure de reprise en charge.

130. Conformément aux développements aux points 81 à 90 des présentes conclusions, cela ne saurait toutefois amener à conclure qu’il faudrait renoncer à l’entretien individuel dans la procédure de reprise en charge. Ainsi qu’il a été exposé dans les points susmentionnés, un demandeur peut encore avancer, même dans la procédure de reprise en charge, des éléments remettant en cause la responsabilité de l’État membre requis et susceptibles de faire obstacle à l’adoption d’une décision de transfert.

131. En outre, d’après une jurisprudence constante, les droits de la défense, qui recouvrent le droit d’être entendu dans toute procédure, font partie des principes fondamentaux du droit de l’Union. Ces droits doivent dès lors être respectés, même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément de tels droits procéduraux (44).

132. Certes, être entendu personnellement n’implique en principe pas toujours un entretien individuel, mais peut le cas échéant avoir lieu par écrit. Dans le cas de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui se trouvent dans une procédure de Dublin, il est néanmoins nécessaire que l’audition se fasse dans le cadre d’un entretien individuel. Ce n’est en effet qu’ainsi qu’il peut être assuré que ces personnes comprennent le système de Dublin et avancent tous les éléments qui sont pertinents pour la détermination de l’État membre responsable.

133. C’est aussi ce que confirme la jurisprudence relative à des situations similaires au regard de la directive sur les procédures d’asile. Dans son arrêt dans l’affaire Addis, la Cour a jugé que l’entretien individuel avec le demandeur, prévu par cette directive, ne saurait en aucun cas être omis. En effet, l’audition personnelle et orale du demandeur revêt dans ce contexte une importance fondamentale. Si l’entretien n’a pas lieu et ne peut pas non plus être réalisé a posteriori, lors de la procédure judiciaire, cela doit conduire à l’annulation de la décision en question ou au renvoi de l’affaire à l’autorité compétente (45). Il en va en particulier ainsi en ce qui concerne le rejet d’une demande pour irrecevabilité parce qu’un autre État membre a déjà accordé la protection internationale [article 33, paragraphe 2, sous a), de ladite directive] (46).

134. La directive sur les procédures d’asile règle certes la procédure relative à l’examen matériel des demandes d’asile tandis que le règlement Dublin III ne concerne que la procédure de détermination de l’État membre responsable de cet examen. Toutefois, la situation couverte par l’article 33, paragraphe 2, sous a), de cette directive (rejet d’une demande pour irrecevabilité parce qu’un autre État membre a déjà accordé la protection) est comparable à celle dans la procédure de reprise en charge en vertu du règlement Dublin III. Lors de l’application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive sur la procédure d’asile, l’État membre qui veut considérer la demande irrecevable doit s’assurer, à travers l’entretien individuel, qu’il n’y a pas de risque de violation de l’article 4 de la Charte en cas de transfert vers l’État membre qui a accordé la protection au demandeur (47).

135. De même, dans la procédure de reprise en charge en vertu du règlement Dublin III, l’entretien individuel sert en particulier à établir si l’État membre requérant doit s’abstenir de procéder à un transfert vers l’État membre requis. Cela peut être le cas, notamment, en raison du risque de violation de l’article 4 de la Charte dans l’État membre requis ou en raison d’indices de la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur sur le territoire de l’État membre requérant (voir points 82 à 85 des présentes conclusions). Les cas cités à l’article 33, paragraphe 2, de la directive sur les procédures d’asile, et dans lesquels les États membres n’ont pas à examiner au fond les demandes de protection internationale, complètent, d’après le paragraphe 1 de cette disposition, les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement Dublin III. Les deux instruments ont par ailleurs été adoptés le même jour dans le cadre de la refonte générale du RAEC.

136. L’État membre requérant doit donc accorder à la personne concernée, aussi dans la procédure de reprise en charge au titre du règlement Dublin III, et avant l’adoption d’une décision de transfert, la possibilité de s’exprimer au cours d’un entretien individuel. Il en va ainsi, indépendamment du point de savoir si cette personne a introduit ou non une nouvelle demande de protection internationale. Comme l’affirme GE, cela est particulièrement important afin d’exclure qu’un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride soit qualifié comme séjournant de manière irrégulière alors qu’il voulait présenter une demande de protection internationale.

137. Toutefois, comme le fait valoir la République fédérale d’Allemagne, l’article 5, paragraphe 2, du règlement Dublin III prévoit que dans certaines circonstances il peut être renoncé à l’entretien individuel. Il peut y être renoncé a) lorsque le demandeur est en fuite ou b) lorsqu’il a déjà fourni les indications utiles pour la détermination de l’État membre responsable. Dans ce dernier cas, l’État membre doit uniquement accorder au demandeur la possibilité de présenter toutes les autres informations utiles avant qu’une décision de transfert soit adoptée.

138. Eu égard à l’importance ainsi soulignée de l’entretien individuel dans la procédure de Dublin, cette disposition doit être interprétée en ce sens que la possibilité de présenter toutes les informations utiles supplémentaires doit exister effectivement. Dans ces conditions et eu égard à l’ensemble des autres circonstances, il y a lieu d’examiner dans le cas particulier si la renonciation à l’entretien individuel peut être justifiée.

b)      Conséquences d’une violation de l’obligation de conduite de l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III dans la procédure de reprise en charge

1)      Caractère invocable de l’article 5 du règlement Dublin III dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert dans la procédure de reprise en charge

139. Si on souscrit au point de vue selon lequel l’obligation de conduite de l’entretien individuel au titre de l’article 5 du règlement Dublin III existe également dans la procédure de reprise en charge, il découle alors de la jurisprudence citée au point 103 des présentes conclusions que sa violation peut être invoquée dans le cadre d’un recours contre la décision de transfert.

2)      Conséquences pour la décision de transfert de violations de l’article 5 du règlement Dublin III

140. Ainsi qu’il a été exposé au point 107 des présentes conclusions, selon une jurisprudence constante, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, ne conduit à une annulation de la décision adoptée au terme de la procédure administrative en question que si la procédure, en l’absence de cette irrégularité, aurait pu aboutir à un autre résultat.

141. La Cour a cependant précisé dans son arrêt Addis, déjà évoqué dans les points 133 à 135 des présentes conclusions, que cette jurisprudence ne peut pas être transposée au cas du droit d’être entendu en vertu de la directive sur les procédures d’asile (48). Certes, même dans ce cas, l’absence d’audition dans la procédure administrative ne doit pas nécessairement conduire à l’annulation de la décision et au renvoi de l’affaire à l’autorité compétente. Il ne peut cependant être remédié à l’erreur dans l’audition que si l’audition est réalisée a posteriori dans la procédure judiciaire en respectant les garanties procédurales nécessaires et qu’il s’avère qu’en dépit de l’argumentation avancée à cette occasion la procédure ne peut pas conduire à une autre décision au fond. Si une telle audition ne peut pas être garantie dans la procédure judiciaire, la décision doit en revanche être annulée et l’affaire doit être renvoyée à l’autorité compétente (49).

142. Ainsi qu’il est exposé dans les points 134 et 135 des présentes conclusions, la situation qui était à la base de l’arrêt dans l’affaire Addis (C‑517/17) est comparable à la présente. La violation de l’obligation de conduire un entretien individuel ne peut donc pas, même dans le cadre de la procédure de reprise en charge conformément au règlement Dublin III, être une violation de la procédure qui ne produit d’effet que si la décision, en l’absence de cette violation, aurait pu être différente. Au contraire, cette violation n’a pas d’incidence sur le maintien de la décision de transfert que si l’entretien peut être réalisé a posteriori dans la procédure judiciaire. Ici se pose alors la question de savoir quelles sont les conséquences lorsque de nouveaux éléments pertinents sont présentés (sous‑section i). Si en revanche aucun recours n’est introduit contre la décision de transfert, cette dernière peut devenir définitive même sans entretien individuel pour autant que la personne concernée a été effectivement informée des voies de recours (sous-section ii).

i)      Possibilité de remédier aux erreurs durant la procédure judiciaire et conséquences de la présentation de nouveaux éléments pertinents

143. Il découle de ce qui précède que dans un cas dans lequel il n’était pas justifié, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du règlement Dublin III, de renoncer à l’entretien individuel (voir points 137 et 138 des présentes conclusions), l’erreur de procédure consistant dans le fait de ne pas avoir conduit cet entretien dans le cadre de la procédure de reprise en charge ne peut être corrigée qu’en procédant à cet entretien dans la procédure judiciaire à l’occasion de la contestation de la décision de transfert. Si cela peut être assuré en vertu du droit national applicable (ce qui selon GE est en l’espèce douteux en droit italien), la décision de transfert peut être confirmée lorsqu’il s’avère qu’en dépit de l’argumentation présentée à cette occasion, aucune autre décision au fond ne peut être rendue. Dans le cas contraire, la décision de transfert doit être annulée.

144. En ce qui concerne les éléments relatifs à la vie familiale, il y a lieu de noter dans ce contexte que l’article 7, paragraphe 3, du règlement Dublin III prévoit certes que des indices de la présence de membres de la famille ou d’autres proches du demandeur sur le territoire d’un État membre sont pris en compte « à condition [qu’ils] soient produits avant qu’un autre État membre n’accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée [...] et que les demandes de protection internationale antérieures introduites par le demandeur n’aient pas encore fait l’objet d’une première décision sur le fond ». La décision de transfert ne peut cependant, en vertu de l’article 26, paragraphe 1, de ce règlement, être adoptée que lorsque l’État membre requis a accepté la prise en charge ou la reprise en charge, et l’examen judiciaire de cette décision intervient donc nécessairement après cette acceptation (50).

145. Compte tenu de l’importance de la protection de la vie familiale servie par l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement (voir points 88 et 89 des présentes conclusions), il faut cependant partir du principe que des indices de la présence de membres de la famille du demandeur sur le territoire d’un État membre doivent encore être pris en compte même lorsqu’ils sont avancés dans le cadre de l’examen juridictionnel de la décision de transfert, et la circonstance qu’ils ont été présentés tardivement est imputable à l’État membre requérant. En effet, l’accord de l’État membre requis à une demande de prise en charge ou de reprise en charge ne fait pas obstacle à ce qu’un demandeur, dans le cadre d’une voie de recours contre la décision de transfert, puisse faire valoir la mauvaise application de l’un des critères de responsabilité posés dans le chapitre III du règlement Dublin III (51). Il doit de même être possible d’invoquer, dans le cadre d’un tel recours ou d’un autre recours, des circonstances qui sont apparues après l’adoption de la décision de transfert (52).

146. S’il s’avère, en raison d’éléments qui apparaissent lors de l’entretien individuel avec la personne concernée dans la procédure judiciaire, que la décision de transfert doit être annulée, deux scénarios semblent en particulier envisageables : soit le demandeur demeure dans l’État membre requérant si ce dernier s’avère être responsable ; soit un État membre tiers est responsable, parce que, par exemple, des membres de la famille du demandeur s’y trouvent. Dans cette situation, la question se poserait de savoir si les délais au titre des articles 21, 23 ou 24 de ce règlement peuvent être réouverts pour la présentation d’une demande de prise en charge ou de reprise en charge auprès de cet État membre.

147. Ces délais servent à assurer le traitement rapide des demandes d’asile. Cet objectif justifie que de telles demandes soient le cas échéant examinées par un État membre autre que celui qui est désigné comme responsable d’après les critères cités dans le chapitre III du règlement Dublin III (53). C’est la raison pour laquelle une demande de reprise en charge ne peut en principe plus être valablement présentée après l’expiration des délais en question et que la responsabilité passe à l’État membre auprès duquel une nouvelle demande de protection internationale a été introduite (54).

148. Il doit cependant être possible de faire une exception à ce principe lorsque la responsabilité du troisième État membre repose sur la présence de membres de la famille du demandeur sur son territoire. En effet, ainsi que nous l’avons exposé aux points 88 et 89 des présentes conclusions, la possibilité de présenter des éléments quant à la présence de membres de la famille, même à un stade avancé de la procédure, sert à la protection de la vie familiale du demandeur. Elle est supposée prévenir que sa demande soit examinée dans un autre État membre que celui dans lequel se trouvent les membres de sa famille. Il doit également en aller ainsi dans un cas dans lequel la raison de la présentation tardive des éléments pertinents est imputable à l’État membre requérant qui n’a pas entendu un demandeur en temps utile (55).

ii)    Maintien de la décision de transfert en l’absence de contestation

149. Si aucun recours n’est introduit contre une décision de transfert, la violation de l’obligation de conduire l’entretien individuel, tout comme la violation de l’obligation d’information (voir point 112 des présentes conclusions), ne saurait conduire à ce que la décision de transfert soit nulle ipso iure. La violation de l’obligation de conduire l’entretien individuel est certes une violation grave de la procédure. Toutefois, si la personne concernée, bien qu’ayant effectivement reçu une information sur les voies de recours, satisfaisant aux exigences à ce sujet et garantissant en particulier que cette personne comprend le système de Dublin (voir point 112 des présentes conclusions), n’introduit pas de recours, le maintien de la décision semble justifié. Il en va en particulier ainsi dans la mesure où l’article 26, paragraphe 2, second alinéa, du règlement Dublin III oblige les États membres à assurer que la personne concernée obtienne avec la décision de transfert des indications sur les personnes ou institutions qui peuvent la conseiller juridiquement pour autant que ces indications n’aient pas été déjà communiquées.

c)      Conclusion intermédiaire

150. Il découle de ce qui précède que l’article 5 du règlement Dublin III, lu en combinaison avec le principe de droit de l’Union du respect des droits de la défense, doit être interprété en ce sens que l’entretien individuel qui y est prévu doit être réalisé tant dans les situations couvertes par l’article 20, paragraphe 1, et l’article 18, paragraphe 1, sous a), que dans celles couvertes par l’article 20, paragraphe 5, et l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), de ce règlement. Il en va ainsi indépendamment du point de savoir si une demande de protection internationale a été introduite dans l’État membre requérant. Les violations de l’article 5 dudit règlement peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert adoptée au titre de l’article 26 du même règlement. De telles violations doivent conduire à l’annulation de la décision de transfert lorsque l’entretien individuel ne peut pas être réalisé a posteriori dans le respect des garanties procédurales nécessaires dans le cadre de la procédure d’examen juridictionnel de cette décision conformément à l’article 27 du règlement Dublin III et qu’il s’avère à cette occasion qu’en dépit de l’argumentation présentée, aucune autre décision au fond ne peut être rendue. En revanche, lorsque aucun recours n’est introduit contre la décision de transfert, elle peut devenir définitive même en l’absence de l’entretien individuel pour autant que la personne concernée ait été effectivement informée des voies de recours.

B.      Sur le refoulement indirect

151. Par leurs questions dans les affaires C‑254/21 et C‑297/21 ainsi que par la troisième question dans l’affaire C‑315/21, les juridictions de renvoi souhaitent savoir si, dans le cadre de l’examen d’une décision de transfert rendue dans une procédure de reprise en charge, elles doivent examiner le risque d’une violation par l’État membre requis du principe de non‑refoulement (et donc le risque d’un « refoulement indirect »). Dans les procédures au principal à la base de ces affaires, les demandes de protection internationale des personnes concernées ont déjà été examinées au fond et rejetées par les États membres requis en cause (la République fédérale d’Allemagne et le Royaume de Suède). Les juridictions de renvoi se demandent par conséquent si elles peuvent ou doivent examiner si les personnes concernées risquent dans les États membres requis un refoulement vers leur État d’origine dans lequel elles feraient face à un risque pour leur vie ou un risque de traitement inhumain.

152. Les diverses questions des juridictions de renvoi à ce sujet peuvent être résumées comme suit : l’article 3, paragraphes 1 et 2, l’article 17, paragraphe 1, et l’article 27 du règlement Dublin III, lus en combinaison avec les articles 4, 19 et 47 de la Charte, doivent-ils être interprétés en ce sens que :

–        une juridiction de l’État membre requérant peut, voire doit, examiner, dans le cadre de l’examen d’une décision de transfert rendue dans la procédure de reprise en charge, le risque d’une violation du principe de non‑refoulement par l’État membre requis, même lorsque ce dernier ne présente pas de défaillances systémiques au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III (56) ;

–        la juridiction en cause de l’État membre requérant peut, voire doit, établir la responsabilité de cet État membre si elle est d’avis qu’il existe dans l’État membre requis un risque de violation du principe de non‑refoulement (57) ;

–        la juridiction en cause de l’État membre requérant doit considérer que le risque du refoulement indirect vers un État tiers est établi si elle apprécie la notion de « protection à l’intérieur du pays » au sens de l’article 8 de la directive qualification autrement que l’État membre requis (58) ;

–        relèvent également des « défaillances systémiques dans la procédure d’asile », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III, les conséquences du rejet par l’État membre requis de la demande de protection internationale, lorsque la juridiction compétente de l’État membre requérant juge que le risque d’un traitement inhumain ou dégradant pour le requérant, en cas de rapatriement vers son pays d’origine, est établi dans le cas concret, notamment en tenant compte de l’existence admise d’un conflit armé au sens de l’article 15, sous c), de la directive qualification (59).

153. Dans l’affaire C‑254/21, le tribunal demande en outre quels critères il devrait le cas échéant appliquer afin d’apprécier le risque de refoulement par l’État membre requis, après que ce dernier a déjà exclu un tel risque (60).

1.      Sur la présomption de respect des droits fondamentaux par tous les États membres et les conditions de sa réfutation

154. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement Dublin III, une demande de protection internationale que présente un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride sur le territoire d’un État membre est examinée par un unique État membre qui est désigné d’après les critères du chapitre III comme État membre responsable. Ainsi que l’expose la République fédérale d’Allemagne, le système de Dublin repose sur le principe selon lequel, au sein de l’Union, un seul État membre devrait s’occuper de l’examen d’une demande de protection internationale. Cela sert en particulier à rationaliser et accélérer la procédure d’asile et à prévenir les mouvements secondaires.

155. Ce système repose sur le principe de la confiance mutuelle. Celui-ci exige de chaque État membre qu’il parte du principe, sauf circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et en particulier les droits fondamentaux qui y sont reconnus. Par voie de conséquence, la présomption doit s’imposer, dans le contexte du RAEC et en particulier du règlement Dublin III, que le traitement des demandeurs se fait dans chaque État membre dans le respect des exigences de la Charte, de la convention relative au statut des réfugiés et de la CEDH (61). Il ressort ainsi du considérant 3 du règlement Dublin III que les États membres, qui respectent tous le principe de non‑refoulement, sont considérés comme des pays sûrs pour les ressortissants de pays tiers.

156. Dans le cadre du système de Dublin, les États membres sont donc en principe tenus, en vertu du droit de l’Union, de présumer que les autres États membres respectent les droits fondamentaux. Ils n’ont ainsi ni la possibilité d’exiger d’un autre État membre un niveau de protection national des droits fondamentaux plus élevé que celui accordé par le droit de l’Union, ni celle d’examiner – sauf circonstances exceptionnelles – si cet autre État membre a effectivement respecté dans un cas concret les droits fondamentaux accordés par le droit de l’Union (62).

157. Cette présomption de respect des droits fondamentaux par les autres États membres n’est pas irréfragable. En effet, ainsi que la Cour l’a constaté, il ne peut pas être exclu que le système d’asile rencontre en pratique dans un État membre des difficultés majeures de fonctionnement de sorte qu’il existe en cas de transfert d’un demandeur vers cet État membre un risque de violations des droits fondamentaux (63). C’est la raison pour laquelle l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III, qui codifie cette jurisprudence, prévoit qu’il convient de renoncer à transférer un demandeur vers un État membre s’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte (64).

158. Cette disposition a par la suite été encore complétée par la Cour : si la juridiction saisie d’un recours contre une décision de transfert dispose d’indications que la personne concernée a produites comme preuve d’un risque de violation de l’article 4 de la Charte, elle doit examiner si, au moment du transfert, au cours de la procédure d’asile ou après sa conclusion, il se pourrait que cette personne, en raison de défaillances dans l’État membre responsable, systémiques ou générales voire touchant certains groupes de personnes, soit exposée à un risque sérieux de subir un traitement inhumain ou dégradant (65).

159. Conformément à l’interdiction posée à l’article 4 de la Charte, il appartient donc aux États membres, dans le cadre du système de Dublin, de ne pas procéder à des transferts vers un État membre au sujet duquel ils ne peuvent pas ignorer qu’il existe de telles défaillances. Le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut au contraire avoir lieu qu’en vertu de conditions excluant que celui-ci risque effectivement de subir du fait de son transfert un traitement inhumain ou dégradant au sens de cette disposition (66).

160. Étant donné que cette brèche ouverte dans la confiance mutuelle constitue une exception, elle n’est justifiée que dans les cas dans lesquels il existe des preuves que les défaillances présentes dans l’État membre requis atteignent un seuil particulièrement élevé de gravité (67). Mais avant tout, ces défaillances doivent présenter un caractère général et systémique. Elles ne doivent pas concerner le traitement de cas individuels par l’administration, mais au contraire des défauts généraux et systémiques. À l’inverse, toute violation d’un droit fondamental par l’État membre responsable dans le cas concret ne peut pas affecter les obligations des autres États membres de respecter les dispositions du règlement Dublin III (68).

161. Il serait en effet, d’une part, incompatible avec les objectifs et le fonctionnement du système de Dublin que la moindre violation des dispositions pertinentes – en particulier de la directive qualification – fasse obstacle au transfert d’un demandeur d’asile vers l’État membre responsable. Cela viderait de leur substance les obligations qui sont prévues dans le règlement Dublin III pour la détermination de l’État membre responsable et paralyserait ce faisant l’ensemble du système de Dublin. Plus encore, d’après les termes de la Cour, « il en va de la raison d’être de l’Union et de la réalisation de l’espace de liberté, de sécurité et de justice et, plus particulièrement, du système européen commun d’asile, fondé sur la confiance mutuelle et une présomption de respect, par les autres États membres, du droit de l’Union et, plus particulièrement, des droits fondamentaux » (69).

162. D’autre part et surtout – lorsqu’il n’y a pas de défaillances systémiques dans l’État membre requis –, il n’est pas non plus nécessaire qu’une (présumée) mauvaise application des dispositions pertinentes en matière d’asile conduise à la suspension du transfert d’un demandeur vers l’État membre requis. En effet, en l’absence de défaillances systémiques, en particulier du système judiciaire, il y a lieu de partir du principe que dans l’État membre requis toute décision par laquelle la protection internationale est refusée peut être soumise à un contrôle juridictionnel protégeant les droits fondamentaux de la personne concernée. Pour les décisions au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous d), du règlement Dublin III, comme celles concernées en l’espèce, l’article 18, paragraphe 2, troisième alinéa, de ce règlement le prévoit d’ailleurs expressément.

163. En outre, et ainsi que l’affirme la République française, le tribunal d’un État membre requérant ne pourrait pas encore examiner de manière définitive le risque d’une violation du principe de non‑refoulement par l’État membre requis sur le seul fondement du rejet de la demande de protection internationale par cet État membre. En effet, il ne découle pas encore nécessairement de ce rejet que le demandeur sera renvoyé dans son pays d’origine (70). L’État membre requis doit au contraire d’abord adopter une décision de retour conformément à l’article 6 de la directive 2008/115/CE (71). Une voie de recours effective au titre de l’article 13 de cette directive doit par ailleurs exister contre cette décision. Une telle voie de recours doit avoir un effet suspensif lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que la personne concernée sera exposée à un risque réel de traitements contraires à l’article 4 de la Charte (72). La juridiction de renvoi dans l’affaire C‑297/21 indique toutefois qu’une décision définitive de retour a déjà été adoptée à l’égard du demandeur dans l’État membre requis.

164. En ce qui concerne l’application du droit d’asile matériel et de la procédure d’asile, le système de Dublin fonctionne, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 87 des présentes conclusions, sur le fondement du fait que les règles afférentes ont été dans une large mesure harmonisées au niveau de l’Union, en particulier par la directive qualification et la directive sur les procédures d’asile. Par conséquent, il faut normalement partir du principe que la demande présentée par un demandeur d’asile sera dans une large mesure examinée d’après les mêmes règles, quel que soit l’État membre responsable de son examen (73). Les divergences de points de vue sont cependant inévitables dans certains cas individuels puisqu’il est dans la nature même des choses que l’application du droit aux cas individuels ne conduit pas toujours clairement et sans équivoque au même résultat.

165. En outre, l’harmonisation par le droit de l’Union des règles en matière d’asile n’exclut pas l’existence de certaines marges d’appréciation pour les États membres. Comme la République française le fait valoir, l’article 8 de la directive qualification, cité par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑254/21, prévoit ainsi en particulier que les États membres peuvent constater qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsqu’il a accès à une protection contre les persécutions dans une partie de son pays d’origine à laquelle il a accès. À l’inverse, les États membres peuvent, d’après le considérant 14 et l’article 3 de la directive qualification, adopter des normes plus favorables pour décider qui doit être considéré comme un réfugié ou une personne qui a droit à la protection subsidiaire et pour déterminer le contenu de la protection internationale pour autant que ces normes soient compatibles avec la directive.

166. Dans le contexte de la confiance mutuelle entre les États membres, et pour autant qu’il n’y ait pas de défaillances systémiques dans l’État membre requis, les divergences d’opinions entre les administrations et les juridictions de l’État membre requérant et de l’État membre requis en ce qui concerne l’interprétation des conditions matérielles de la protection internationale ne peuvent donc pas être qualifiées de « défaillances systémiques ». Elles ne peuvent pas non plus conduire à ce que la responsabilité pour l’examen matériel de la demande passe à l’État membre requérant.

167. Si de telles divergences d’opinions concernent l’interprétation de dispositions du droit de l’Union, il appartient aux juridictions de l’État membre responsable d’après le règlement Dublin III de saisir la Cour conformément à l’article 267 TFUE. Si un État membre est d’avis qu’un autre État membre applique mal ce règlement et ne soumet pas de questions à la Cour en violation de l’article 267, paragraphe 3, TFUE, il lui est loisible d’engager une procédure en manquement en vertu de l’article 259 TFUE. Il ne relève en revanche pas des missions des juridictions d’un État membre non responsable d’intervenir elles‑mêmes et de procéder à une correction (prétendument) nécessaire de l’interprétation d’une norme par l’État membre responsable.

168. Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que les juridictions de l’État membre requérant n’ont pas le droit, lors de l’examen de la décision de transfert au titre de l’article 27 du règlement Dublin III et en l’absence de défaillances systémiques, notamment du système judiciaire, dans l’État membre requis, de contrôler s’il existe dans cet État membre un risque de violation du principe de non‑refoulement. En effet, cela aboutirait à un examen au fond de la demande de protection internationale qui, dans le cadre du contrôle juridictionnel de la décision de transfert au titre de l’article 27 du règlement Dublin III, n’est précisément pas prévu.

169. L’arrêt dans l’affaire C. K. e.a. (74), discuté par diverses parties aux procédures au principal, ne fait pas obstacle à cette constatation. Dans cet arrêt, la Cour a certes constaté que le transfert d’un demandeur d’asile peut être illicite même dans un cas dans lequel il n’y a pas de défaillances systémiques dans l’État membre requis. L’affaire concernait cependant une situation dans laquelle, du fait de l’état de santé de la personne concernée, le transfert vers l’État membre requis en tant que tel – et donc indépendamment de la situation dans cet État membre – pouvait potentiellement constituer un traitement incompatible avec l’article 4 de la Charte. La Cour a dès lors précisé que dans un tel cas, même en écartant le transfert, le respect du principe de confiance mutuelle demeurait pleinement assuré. En effet, l’existence d’une présomption de respect des droits fondamentaux dans tous les États membres n’est ici pas affectée par cette absence de transfert (75).

170. Les présentes affaires ne correspondent cependant précisément pas à un tel cas de figure – sous réserve d’un examen par les juridictions de renvoi. En l’espèce, l’absence de transfert, fondée sur des doutes quant à la légalité des décisions de transfert qui ne sont pas justifiés par des défaillances systémiques dans les États membres requis, viderait de sa substance le principe de confiance mutuelle.

171. Ainsi, les juridictions des États membres requérants sont en l’espèce tenues en vertu du droit de l’Union, conformément à la jurisprudence citée au point 156 des présentes conclusions, de présumer que les États membres requis respectent les droits fondamentaux. Ils n’ont donc pas le droit d’examiner si ces autres États membres ont effectivement respecté les droits fondamentaux accordés par l’Union.

2.      Sur la clause discrétionnaire contenue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III

172. Ainsi que nous venons de l’exposer, une demande de protection internationale est examinée en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement Dublin III par un unique État membre qui est désigné comme État membre responsable d’après les critères du chapitre III de ce règlement. Par dérogation, chaque État membre peut, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, dudit règlement, décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui a été présentée par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride même si d’après ces critères il n’est pas responsable de l’examen.

173. En complément à leurs questions au sujet de l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III, les juridictions de renvoi dans les affaires C‑254/21 et C‑297/21 souhaiteraient savoir si l’État membre requérant est tenu d’appliquer la clause discrétionnaire contenue à l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement lorsqu’il existe dans l’État membre requis un risque de violation du principe de non‑refoulement. Elles demandent en outre si elles peuvent dans ce cas contraindre les autorités de l’État membre requérant à appliquer cette clause.

174. Ainsi que nous venons de l’indiquer, dans un cas dans lequel il n’y a pas de défaillances systémiques dans l’État membre requis, ni les autorités ni les juridictions de l’État membre requérant ne sauraient examiner le risque d’une violation par l’État membre requis du principe de non‑refoulement. Dès lors, une juridiction de l’État membre requérant ne peut pas non plus contraindre les autorités de cet État membre à appliquer dans un tel cas la clause discrétionnaire contenue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

175. Signalons simplement à titre complémentaire que la Cour a déjà précisé que l’application de cette clause est facultative pour les États membres et n’est liée à aucune condition particulière (76). Ce pouvoir a au contraire pour objectif de protéger les prérogatives des États membres lors de l’exercice du droit d’accorder la protection internationale. Cette clause devrait permettre à chaque État membre de se déclarer prêt, en application de considérations politiques, humanitaires ou pratiques, à examiner une demande de protection internationale, reconnaissant à cet égard aux États membres un large pouvoir d’appréciation (77). Les États membres ne sont donc, en vertu du droit de l’Union, jamais obligés d’appliquer cette clause, même pour des considérations humanitaires comme l’état de santé du demandeur ou l’intérêt supérieur de l’enfant (78).

176. Cela est justifié par le fait que le système de Dublin, ainsi que nous l’avons exposé dans les présentes conclusions, repose sur la prémisse que tous les États membres respectent les droits fondamentaux. Il y a donc lieu de partir du principe que tous les États membres tiennent suffisamment compte de considérations humanitaires. Cette confiance ne peut être ébranlée, ainsi qu’il a été expliqué, que si des défaillances systémiques éveillent des doutes précisément à ce sujet. Dans ce cas, la responsabilité de l’État membre requérant est cependant fondée par l’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de recourir à l’article 17, paragraphe 1.

177. La Cour a certes constaté que le refus d’un État membre d’appliquer l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III peut le cas échéant être attaqué dans le cadre d’un recours contre la décision de transfert (79). Compte tenu du large pouvoir d’appréciation accordé aux États membres dans l’application de cette disposition, le droit de l’Union n’exige toutefois qu’un contrôle juridictionnel se limitant aux erreurs manifestes d’appréciation. Il ne peut cependant y avoir de telles erreurs manifestes d’appréciation que lorsque l’État membre requérant ne s’est pas déclaré responsable de l’examen d’une demande de protection internationale alors qu’il y a dans l’État membre requis des défaillances systémiques et que les conditions matérielles pour l’application de l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement sont donc remplies.

178. Cela n’affecte pas la possibilité des juridictions nationales de contraindre les États membres, sur la base de dispositions plus favorables du droit national, à accorder la protection nationale pour autant que le droit national le prévoit et que cela soit compatible avec les dispositions de la directive qualification (80).

3.      Conclusion intermédiaire

179. Il découle des considérations qui précèdent que l’article 3, paragraphes 1 et 2, l’article 17, paragraphe 1, et l’article 27 du règlement Dublin III, lus en combinaison avec les articles 4, 19 et 47 de la Charte doivent être interprétés en ce sens que la juridiction de l’État membre requérant, saisie d’un recours contre une décision de transfert, ne saurait examiner le risque d’une violation du principe de non‑refoulement par l’État membre requis lorsqu’il n’y a pas dans cet État membre de défaillances systémiques justifiant des doutes quant à l’effectivité du contrôle juridictionnel des mesures permettant l’éloignement du demandeur d’asile dont la demande a été rejetée. Des divergences d’opinions entre les autorités et les juridictions de l’État membre requérant et de l’État membre requis en ce qui concerne l’interprétation des conditions matérielles de la protection internationale ne sont pas des défaillances systémiques.

180. Compte tenu de ce constat, il n’est pas nécessaire de répondre à la quatrième question préjudicielle, sous b), dans l’affaire C‑254/21, mentionnée au point 153 des présentes conclusions.

VI.    Conclusion

181. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles :

1)      L’article 4 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride,

doit être interprété en ce sens que :

l’obligation de remettre les informations qui y sont citées existe tant dans les situations couvertes par l’article 20, paragraphe 1, et l’article 18, paragraphe 1, sous a), de ce règlement que dans celles couvertes par l’article 20, paragraphe 5, et l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), dudit règlement, dès qu’une demande de protection internationale est présentée dans un État membre au sens de l’article 20, paragraphe 2, du même règlement. Les violations de l’article 4 du règlement no 604/2013 peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert dans la procédure de reprise en charge. Elles ne doivent cependant conduire à l’annulation de la décision de transfert que si, du fait de l’absence de communication des informations contenues dans cette disposition, un élément n’a pas pu être avancé alors qu’il était susceptible de faire obstacle au transfert vers l’État membre requis et s’il ne peut pas être remédié à cette erreur dans le cadre de la procédure de contrôle juridictionnel de cette décision conformément à l’article 27 du règlement no 604/2013.

2)      L’article 29 du règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement no 604/2013 et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) no 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, lu en combinaison avec son article 9, paragraphe 1 et son article 17, paragraphe 1,

doit être interprété en ce sens que :

l’obligation de communication des informations qui y sont citées existe tant dans les situations couvertes par l’article 20, paragraphe 1, et l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 604/2013 que dans celles couvertes par l’article 20, paragraphe 5, et l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), de ce règlement. Les violations de l’article 29 du règlement no 603/2013 peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert adoptée en vertu de l’article 26 du règlement no 604/2013. Elles ne doivent cependant conduire à l’annulation de la décision de transfert que si, du fait de l’absence de communication des informations en cause, un élément susceptible de faire obstacle au transfert vers l’État membre requis n’a pas été avancé et qu’il ne peut pas être remédié à cette erreur dans le cadre de la procédure judiciaire.

3)      L’article 5 du règlement no 604/2013, lu en combinaison avec le principe de droit de l’Union du respect des droits de la défense,

doit être interprété en ce sens que :

l’entretien individuel qui y est prévu doit être réalisé tant dans les situations couvertes par l’article 20, paragraphe 1, et l’article 18, paragraphe 1, sous a), de ce règlement que dans celles couvertes par l’article 20, paragraphe 5, et l’article 18, paragraphe 1, sous b) à d), dudit règlement. Il en va ainsi indépendamment du point de savoir si une demande de protection internationale a été introduite dans l’État membre requérant. Les violations de l’article 5 du règlement no 604/2013 peuvent être invoquées dans le cadre d’un recours contre une décision de transfert adoptée au titre de l’article 26 de ce règlement. De telles violations doivent conduire à l’annulation de la décision de transfert lorsque l’entretien individuel ne peut pas être réalisé a posteriori dans le respect des garanties procédurales nécessaires dans le cadre de la procédure d’examen juridictionnel de cette décision conformément à l’article 27 dudit règlement et qu’il s’avère à cette occasion qu’en dépit de l’argumentation présentée aucune autre décision au fond ne peut être rendue. En revanche, lorsque aucun recours n’est introduit contre la décision de transfert, elle peut devenir définitive même en l’absence de l’entretien individuel pour autant que la personne concernée ait été effectivement informée des voies de recours.

4)      L’article 3, paragraphes 1 et 2, l’article 17, paragraphe 1, et l’article 27 du règlement no 604/2013, lus en combinaison avec les articles 4, 19 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

doivent être interprétés en ce sens que :

la juridiction de l’État membre requérant, saisie d’un recours contre une décision de transfert, ne saurait examiner le risque d’une violation du principe de non‑refoulement par l’État membre requis lorsqu’il n’y a pas dans cet État membre de défaillances systémiques justifiant des doutes quant à l’effectivité du contrôle juridictionnel des mesures permettant l’éloignement du demandeur d’asile dont la demande a été rejetée. Des divergences d’opinions entre les autorités et les juridictions de l’État membre requérant et de l’État membre requis en ce qui concerne l’interprétation des conditions matérielles de la protection internationale ne sont pas des défaillances systémiques.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (JO 2013, L 180, p. 31).


3      Voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 51).


4      Affaires C‑228/21, C‑315/21 et C‑328/21. Des questions similaires se posent aussi dans les affaires actuellement pendantes C‑80/22 et C‑217/22, qui ne font pas l’objet de la présente procédure.


5      Affaires C‑254/21, C‑297/21 et C‑315/21.


6      Voir point 1 et note en bas de page 2des présentes conclusions.


7      Voir point 12 des présentes conclusions.


8      Voir point 10 des présentes conclusions.


9      Voir point 11 des présentes conclusions.


10      Règlement de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d’application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 222, p. 3).


11      Règlement d’exécution de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) no 1560/2003 (JO 2014, L 39, p. 1).


12      « Les informations fournies sont celles visées à la partie B de l’annexe X ».


13      Voir aussi, sur la distinction entre les deux situations citées aux points 70 et 71, arrêts du 2 avril 2019, H. et R. (C‑582/17 et C‑583/17, ci-après l’« arrêt H. et R. », EU:C:2019:280, points 46 à 52), et du 12 janvier 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Délai de transfert – Pluralité de demandes) (C‑323/21 à C‑325/21, EU:C:2023:4, points 47 à 50).


14      Note sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.


15      Note sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.


16      Arrêt H. et R., points 51, 52, 65 à 67 et 80.


17      Arrêt H. et R., points 61 à 63 et 80.


18      Arrêt H. et R., points 54 à 80.


19      Arrêt du 7 juin 2016, Karim (C‑155/15, EU:C:2016:410, point 27).


20      Voir, par analogie avec l’article 21, paragraphe 1, du règlement Dublin III, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587, point 55).


21      Arrêt du 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805, point 46).


22      Arrêt du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, points 87 à 89 et 98).


23      Arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, points 65, 66, 73, 74 et 96).


24      Arrêt H. et R., points 81 à 84.


25      Note sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.


26      Note sans objet dans la version en langue française des présentes conclusions.


27      Mise en exergue dans l’original. Voir point 38 des présentes conclusions.


28      Voir considérants 4 et 5 du règlement Dublin III ainsi qu’arrêts du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 57), et du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, point 58).


29      Voir arrêts du 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805, point 31) ; du 13 novembre 2018, X et X (C‑47/17 et C‑48/17, EU:C:2018:900, points 69 et 70), ainsi que du 12 janvier 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Délai de transfert – Pluralité de demandes) (C‑323/21 à C‑325/21, EU:C:2023:4, point 55).


30      Convention signée à Genève le 28 juillet 1951, Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954).


31      Voir arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 78 à 80), et du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, point 82) ; voir également, à ce sujet, points 155 et suiv. des présentes conclusions.


32      Arrêt du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, points 54 et 55).


33      Voir la proposition de la Commission pour un règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), COM(2008) 820 final, p. 9 et 13 : « la possibilité de renvoyer un demandeur pour lequel l’un des critères relatifs à l’unité familiale peut être appliqué à la date de la demande la plus récente [sera exclue], à condition que l’État membre dans lequel la première demande a été déposée n’ait pas encore rendu de première décision sur le fond. L’objectif est de permettre que d’éventuels éléments nouveaux relatifs à la situation familiale du demandeur d’asile puissent être dûment pris en compte par l’État membre sur le territoire duquel il se trouve, conformément aux obligations énoncées dans la [CEDH]. [...] Le droit au regroupement familial sera considérablement accru, notamment en étendant le champ d’application du règlement aux demandeurs et bénéficiaires de la protection subsidiaire, en rendant obligatoire le regroupement des personnes de la famille qui sont à charge et en interdisant, sous réserve de certaines conditions, le renvoi d’un demandeur pour lequel l’un des critères relatifs à l’unité familiale peut être appliqué à la date de sa demande la plus récente. Ces garanties permettront non seulement d’accroître la protection des demandeurs d’asile, mais aussi de réduire les mouvements secondaires, puisque la situation individuelle de chaque demandeur sera mieux prise en compte dans le processus de détermination de l’État membre responsable » (mise en italique par nos soins).


34      Voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, points 47 à 51), et du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587, point 58).


35      Voir à ce sujet la motivation de la proposition de la Commission pour le règlement Dublin III (note 33 des présentes conclusions), p. 8 et 12 : « En étant ainsi mieux informés sur les implications du règlement de Dublin, les demandeurs d’une protection internationale comprendront mieux la procédure de détermination de la responsabilité, ce qui pourrait notamment contribuer à réduire le phénomène des mouvements secondaires ; [...] une meilleure information des demandeurs d’asile sur l’application du présent règlement et sur les droits et obligations qu’il établit leur permettra de mieux défendre leurs droits, d’une part, et pourrait contribuer à réduire les mouvements secondaires, d’autre part, puisque les demandeurs d’asile seront ainsi plus enclins à se conformer au système » (mise en exergue dans l’original).


36      Mise en exergue dans l’original. Voir point 38 des présentes conclusions.


37      Voir, à ce sujet, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587, points 76 à 103).


38      Arrêts du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587, point 48) ; H. et R. (point 40), et du 12 janvier 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Délai de transfert – Pluralité de demandes) (C‑323/21 à C‑325/21, EU:C:2023:4, point 91) ; en particulier, au sujet de l’article 5 du règlement Dublin III, voir arrêt du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 53).


39      Voir arrêts du 10 septembre 2013, G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, points 35 et 36) ; du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579, point 57), et du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert) (C‑194/19, EU:C:2021:270, point 42).


40      Voir arrêt du 10 septembre 2013, G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 38 et jurisprudence citée).


41      Voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2013, G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 40), et, dans un autre contexte, arrêt du 7 novembre 2013, Gemeinde Altrip e.a. (C‑72/12, EU:C:2013:712, points 52 et 53) ; voir, également, arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 94) ; du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:686, point 57), et du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 56).


42      Voir point 39 des présentes conclusions.


43      La question de savoir quelles conséquences l’omission de l’État membre requis de conduire l’entretien individuel a pour la décision de transfert se pose en revanche dans l’autre affaire pendante C‑217/22.


44      Voir arrêts du 22 novembre 2012, M. (C‑277/11, EU:C:2012:744, points 81 à 87 et jurisprudence citée) ; du 10 septembre 2013, G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 32 et jurisprudence citée), ainsi que du 5 novembre 2014, Mukarubega (C‑166/13, EU:C:2014:2336, points 42 à 50 et jurisprudence citée).


45      Arrêt du 16 juillet 2020 (C‑517/17, EU:C:2020:579, points 70 et 71).


46      Arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579, point 74).


47      Arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579, points 49 à 54).


48      Arrêt du 16 juillet 2020 (C‑517/17, EU:C:2020:579, point 70).


49      Arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579, points 56 à 74).


50      Voir arrêt du 26 juillet 2017, A. S. (C‑490/16, EU:C:2017:585, point 33).


51      Voir arrêts du 7 juin 2016, Ghezelbash (C‑63/15, EU:C:2016:409, point 61), et du 26 juillet 2017, A. S. (C‑490/16, EU:C:2017:585, points 27 à 35).


52      Voir arrêts du 15 avril 2021, État belge (Éléments postérieurs à la décision de transfert) (C‑194/19, EU:C:2021:270, points 36 et 49 ainsi que jurisprudence citée), et du 12 janvier 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Délai de transfert – Pluralité de demandes) (C‑323/21 à C‑325/21, EU:C:2023:4, points 92 à 95).


53      Voir arrêts du 25 octobre 2017, Shiri (C‑201/16, EU:C:2017:805, point 31) ; du 13 novembre 2018, X et X (C‑47/17 et C‑48/17, EU:C:2018:900, points 69 et 70), ainsi que du 12 janvier 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Délai de transfert – Pluralité de demandes) (C‑323/21 à C‑325/21, EU:C:2023:4, point 55).


54      Voir, au sujet de l’article 23 du règlement Dublin III, arrêt du 5 juillet 2018, X (C‑213/17, EU:C:2018:538, points 34 et 35) ; au sujet de l’article 24 de ce règlement, arrêt du 25 janvier 2018, Hasan (C‑360/16, EU:C:2018:35, point 77 ; au sujet de la situation dans laquelle aucune nouvelle demande n’est présentée dans le deuxième État membre, voir points 86 et suiv.).


55      Voir, au sujet d’une situation dans laquelle un nouveau délai pour une demande de reprise en charge commence à courir parce que la responsabilité est passée entre-temps à un troisième État membre sans que la raison soit imputable à l’État membre requérant, arrêt du 12 janvier 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Délai de transfert – Pluralité de demandes) (C‑323/21 à C‑325/21, EU:C:2023:4, point 85).


56      Première et troisième questions préjudicielles dans l’affaire C‑254/21 et première et seconde questions préjudicielles dans l’affaire C‑297/21.


57      Quatrième question préjudicielle, sous a), dans l’affaire C‑254/21 et première et seconde questions préjudicielles dans l’affaire C‑297/21.


58      Deuxième question préjudicielle dans l’affaire C‑254/21.


59      Troisième question préjudicielle dans l’affaire C‑315/21.


60      Quatrième question préjudicielle, sous b), dans l’affaire C‑254/21.


61      Arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 78 à 80), et du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, point 82).


62      Voir, à ce sujet, avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 192), et arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) (C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, EU:C:2022:100, point 41).


63      Arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 81), et du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, point 83).


64      Voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, point 86).


65      Arrêt du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, points 87 à 90).


66      Arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, points 60 et 65).


67      Arrêt du 19 mars 2019, Jawo (C‑163/17, EU:C:2019:218, point 91).


68      Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 82).


69      Voir arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 83 à 85).


70      Voir arrêts du 17 décembre 2015, Tall (C‑239/14, EU:C:2015:824, point 56), et du 19 juin 2018, Gnandi (C‑181/16, EU:C:2018:465, point 55).


71      Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).


72      Arrêts du 18 décembre 2014, Abdida (C‑562/13, EU:C:2014:2453, points 52 et 53) ; du 17 décembre 2015, Tall (C‑239/14, EU:C:2015:824, points 54, 57 et 58) ; du 19 juin 2018, Gnandi (C‑181/16, EU:C:2018:465, points 54 et 56), ainsi que du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (Effet suspensif de l’appel) (C‑180/17, EU:C:2018:775, points 28 et 29).


73      Voir arrêt du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, points 54 et 55).


74      Arrêt du 16 février 2017 (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127).


75      Arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, points 65, 66, 73 et 91 à 96) ; voir également, en ce sens, mutatis mutandis, arrêt du 18 avril 2023, E. D. L. (Motif de refus fondé sur la maladie) (C‑699/21, EU:C:2023:295, points 39 et 42).


76      Voir arrêts du 30 mai 2013, Halaf (C‑528/11, EU:C:2013:342, point 36), et du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53, point 58).


77      Voir arrêts du 30 mai 2013, Halaf (C‑528/11, EU:C:2013:342, point 37) ; du 10 décembre 2013, Abdullahi (C‑394/12, EU:C:2013:813, point 57) ; du 4 octobre 2018, Fathi (C‑56/17, EU:C:2018:803, point 53), et du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53, points 58 à 60).


78      Voir arrêts du 16 février 2017, C. K. e.a. (C‑578/16 PPU, EU:C:2017:127, points 88 et 97), ainsi que du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53, point 71).


79      Arrêt du 23 janvier 2019, M.A. e.a. (C‑661/17, EU:C:2019:53, points 78, 79 et 86).


80      Voir arrêts du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, points 113 à 121) ; du 18 décembre 2014, M’Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2452, points 42 à 46) ; du 4 octobre 2018, Ahmedbekova (C‑652/16, EU:C:2018:801, points 69 à 71), et du 9 novembre 2021, Bundesrepublik Deutschland (Maintien de l’unité familiale) (C‑91/20, EU:C:2021:898, points 38 à 40 et 46).