Language of document : ECLI:EU:T:2021:641

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 septembre 2021 (*)

« Recours en annulation – Dumping – Importations de produits extrudés en aluminium originaires de Chine – Enregistrement des importations – Absence d’intérêt à agir – Irrecevabilité  »

Dans l’affaire T‑611/20,

Airoldi Metalli SpA, établie à Molteno (Italie), représentée par Mes M. Campa, D. Rovetta, G. Pandey, V. Villante et M. Pirovano, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/1215 de la Commission, du 21 août 2020, soumettant à enregistrement les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 275, p. 16), dans la mesure où il concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Airoldi Metalli SpA, est une société de droit italien spécialisée dans l’importation, la distribution et la transformation de métaux non ferreux, principalement l’aluminium et ses alliages. Dans le cadre de ses activités, elle importe notamment, en provenance de la République populaire de Chine, des produits extrudés en aluminium, tels que ceux mentionnés à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) 2020/1215 de la Commission, du 21 août 2020 soumettant à enregistrement les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 275, p. 16, ci-après le « règlement attaqué »).

2        Le 3 janvier 2020, une association de producteurs européens de produits extrudés en aluminium, European Aluminium, a déposé une plainte auprès de la Commission européenne concernant des pratiques de dumping relatives aux importations de ces produits en provenance de la République populaire de Chine.

3        Le 14 février 2020, la Commission a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, C 51, p. 26, ci-après l’« avis d’ouverture »), au titre de l’article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »).

4        Pour les besoins de la procédure et de l’enquête antidumping, la Commission a, conformément à l’article 17 du règlement de base, décidé de s’appuyer sur un échantillon d’importateurs indépendants. À la suite de sa demande formée en ce sens et communiquée à la Commission le 20 février 2020, la requérante a été incluse dans l’échantillon et en a été informée par un courrier de la Commission du 26 février 2020.

5        Dans l’avis d’ouverture, la Commission a notamment invité les parties intéressées à lui communiquer leurs commentaires concernant la plainte ou tout aspect relatif à l’ouverture de la procédure. Le 14 avril 2020, la requérante a fait parvenir ses observations à la Commission. Les 24 et 29 avril 2020, la requérante a communiqué des informations et des commentaires complémentaires à la Commission. Le 29 juin 2020, elle a été auditionnée par la Commission dans le cadre de l’enquête.

6        Le 23 juin 2020, European Aluminium a introduit auprès de la Commission une demande en vue de l’enregistrement des produits concernés par l’enquête antidumping en application de l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base.

7        Le 6 juillet 2020, la requérante a fait part à la Commission de son opposition à cette demande d’enregistrement.

8        Le 21 août 2020, la Commission a adopté le règlement attaqué et a soumis à enregistrement les produits concernés par la procédure antidumping.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

9        Le 12 octobre 2020, la Commission a, conformément à l’article 7 du règlement de base, adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/1428 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 336, p. 8, ci-après le « règlement provisoire »). Ce règlement soumet les produits couverts par la procédure antidumping en cause à des droits provisoires dont les taux oscillent entre 30,4 % et 48 % (article 1er). Il charge également les autorités douanières de lever l’enregistrement des importations établi par le règlement attaqué (article 3, paragraphe 1). Il prévoit aussi que les données collectées au sujet de produits qui ont été importés pour mise à la consommation dans l’Union européenne 90 jours au plus avant la date de son entrée en vigueur sont conservées jusqu’à l’entrée en vigueur d’éventuelles mesures définitives ou jusqu’à la clôture de la procédure (article 3, paragraphe 2).

10      Le 29 mars 2021, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2021/546 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de produits extrudés en aluminium originaires de la République populaire de Chine (JO 2021, L 109, p. 1, ci-après le « règlement définitif »). Le règlement institue, sur la base de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, un droit antidumping définitif sur les produits concernés (article 1er). Il dispose en outre qu’il ne sera procédé à aucune perception rétroactive de droits antidumping définitifs sur les importations soumises à enregistrement et que les données collectées en application du règlement attaqué ne sont plus conservées (article 3).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2020, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2020, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

13      La requérante a présenté des observations sur l’exception d’irrecevabilité, qu’elle a déposées au greffe du Tribunal le 16 février 2021.

14      Par courrier daté du 8 avril 2021, la Commission a informé le Tribunal de l’adoption du règlement définitif. Cet acte a été versé au dossier de l’affaire et les parties ont été invitées, par lettre du greffe du 16 avril 2021, à préciser les conséquences que cet acte devait, à leur sens, avoir sur la suite de la procédure et, en particulier, sur l’exception d’irrecevabilité en ce qu’elle était tirée du défaut d’intérêt à agir de la requérante.

15      Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 3 et 5 mai 2021, les parties ont répondu à cette demande, et présenté leurs dernières observations.

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        annuler le règlement attaqué, en tant qu’il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, déclarer qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le non-lieu à statuer pour défaut d’objet

18      Dans sa réponse à la question écrite du Tribunal sur les conséquences que le règlement définitif devait avoir sur la suite de la procédure et sur l’exception d’irrecevabilité en ce qu’elle était tirée du défaut d’intérêt à agir de la requérante, la Commission, sans présenter une demande de non-lieu à statuer par acte séparé sur le fondement de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure, demande au Tribunal de déclarer qu’il n’y a plus lieu de statuer en l’espèce, conformément à l’article 131 du règlement de procédure. Elle soutient que, à la suite de l’adoption du règlement définitif, qui dispose qu’il ne sera procédé à aucune perception rétroactive de droits antidumping définitifs sur les importations soumises à enregistrement, et que les données collectées en application du règlement attaqué ne seront plus conservées, le recours est devenu sans objet.

19      Il ressort de sa réponse à la question visée au point 18 ci-dessus que la requérante considère, au contraire, que le règlement définitif ne prive nullement le recours de son objet et qu’il y a toujours lieu à statuer en l’espèce.

20      En vertu de l’article 131 du règlement de procédure, si le Tribunal constate que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, il peut, à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      Conformément à une jurisprudence constante, l’objet du litige doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle (voir arrêt du 27 juin 2013, Xeda International et Pace International/Commission, C‑149/12 P, non publié, EU:C:2013:433, point 31 et jurisprudence citée). Dans ce cadre, la Cour a jugé que si l’acte attaqué n’avait pas été formellement retiré, le litige conservait son objet, même si l’acte attaqué avait été ultérieurement privé de ses effets (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 48 et 49 ; du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 45, et du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 33).

22      En l’espèce, l’article 3, paragraphe 1, du règlement provisoire, a chargé les autorités douanières de lever la mesure d’enregistrement instaurée par le règlement attaqué. Le règlement définitif a en outre précisé, en son article 3, que les données collectées en application du règlement attaqué n’étaient plus conservées. Il a dès lors été mis fin à la mesure d’enregistrement instaurée par le règlement attaqué, qui a cessé de produire ses effets. Toutefois, le règlement attaqué n’a pas été abrogé, ni formellement retiré de l’ordre juridique de l’Union, dont il continue dès lors de faire partie.

23      Partant, il convient de constater que le présent recours a conservé son objet et qu’il y a toujours lieu de statuer en l’espèce.

 Sur l’exception d’irrecevabilité

24      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond.

25      En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité du recours formé par la requérante, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

26      Dans le cadre de l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que le recours est irrecevable et fait valoir trois fins de non-recevoir, la première, à titre principal, tirée de l’absence d’acte attaquable et, les deuxième et troisième, à titre subsidiaire, tirées de l’absence d’intérêt à agir et de qualité pour agir.

27      La requérante conteste chacune de ces fins de non-recevoir.

28      Le Tribunal estime opportun d’examiner en premier lieu la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir.

 Observations liminaires

29      Le règlement attaqué a été adopté sur la base de l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base.

30      Conformément à cette disposition, la Commission peut, après avoir informé les États membres en temps voulu, enjoindre aux autorités douanières de prendre les mesures appropriées pour enregistrer les importations, de telle sorte que des mesures puissent par la suite être appliquées à l’égard de ces importations à partir de la date de leur enregistrement.

31      Ainsi qu’il découle des considérants 17 et 23 du règlement de base, et du considérant 36 du règlement attaqué, le principal objectif de la formalité de l’enregistrement est de permettre que, dans l’hypothèse où une enquête devrait aboutir à l’institution de droits antidumping définitifs, ceux-ci puissent être perçus rétroactivement sur les importations ainsi enregistrées. Selon la jurisprudence, l’objectif de la rétroactivité et, incidemment, de la formalité de l’enregistrement qu’elle requiert est d’éviter que l’effet correctif des mesures définitives ne soit gravement compromis et que ces mesures soient ainsi vidées de leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Paltrade, C‑667/11, EU:C:2013:368, point 28).

32      La Commission a examiné la demande d’enregistrement d’European Aluminium à la lumière de l’article 10, paragraphe 4, du règlement de base et a estimé que les conditions requises pour soumettre les produits concernés à enregistrement étaient satisfaites. Plus précisément, la Commission a tout d’abord considéré qu’elle disposait, au stade de l’adoption du règlement attaqué, d’éléments de preuve suffisants indiquant que les importations de produits concernés en provenance de la République populaire de Chine faisaient l’objet d’un dumping. Elle a ensuite estimé que des éléments de preuve d’une nouvelle augmentation substantielle des importations avaient été fournis. Elle a enfin conclu qu’elle disposait d’éléments de preuves suffisants indiquant qu’un préjudice supplémentaire serait causé par une poursuite de la hausse des importations en provenance de la République populaire de Chine à des prix encore plus bas.

33      Sur cette base, la Commission a décidé qu’il y avait lieu de soumettre à enregistrement les importations des produits concernés, de sorte que, dans l’hypothèse où les résultats de l’enquête entraîneraient l’institution de droits antidumping, ceux-ci puissent être perçus rétroactivement sur les importations enregistrées si les conditions nécessaires étaient remplies, conformément aux dispositions juridiques applicables.

34      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué invite les autorités douanières à prendre les mesures appropriées pour enregistrer les importations dans l’Union des produits couverts par la procédure antidumping. L’article 1er, paragraphes 2 et 3, dudit règlement prévoit que l’enregistrement prendra fin neuf mois après sa date d’entrée en vigueur et invite toutes les parties intéressées à faire connaître leur point de vue par écrit, à fournir des éléments de preuve à l’appui ou à demander à être entendues dans les vingt et un jours suivant la date de sa publication.

35      Comme la Commission le souligne à juste titre, l’enregistrement constitue ainsi une garantie procédurale, qui ne préjuge en rien de l’issue définitive qu’elle réservera à la procédure antidumping en cause au titre de l’article 9 du règlement de base, des éventuels droits définitifs qu’elle instituera et de leurs modalités d’application, telles que la rétroactivité. En ce sens, le règlement attaqué précise, en son considérant 37, que tout droit futur découlera des résultats de l’enquête antidumping.

 Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir

36      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission fait notamment valoir que la requérante n’a pas démontré son intérêt à agir. Selon la Commission, le règlement attaqué et la formalité de l’enregistrement n’ont fait peser aucune charge ou désavantage supplémentaire sur la requérante. La Commission estime en outre que ni le droit de protéger ses intérêts économiques dont se prévaut la requérante, ni le risque qu’elle puisse devoir payer rétroactivement un niveau important de droits ne lui garantissaient un intérêt à agir. Elle soutient que, au moment de l’introduction du recours, l’intérêt à agir de la requérante était purement hypothétique et n’était pas né et actuel. La possibilité de devoir s’acquitter rétroactivement de droits antidumping ne pourrait se matérialiser que par l’adoption d’un règlement définitif, qui n’était pas encore survenue au moment de l’introduction du recours. À cet égard, la Commission considère que, en tout état de cause, l’adoption du règlement définitif, en ce qu’il instaure des droits à titre non‑rétroactif, a mis fin à l’intérêt à agir de la requérante.

37      La requérante maintient avoir démontré son intérêt à agir et conteste les arguments de la Commission. Outre des considérations générales relatives à la recevabilité des recours en annulation et à la condition de la qualité pour agir, sans pertinence pour l’appréciation de l’existence de l’intérêt à agir, elle fait notamment valoir que l’enregistrement instauré par le règlement attaqué a imposé aux importateurs de suivre une procédure spéciale devant les autorités douanières, dont a découlé un surcroît de travail et une charge administrative supplémentaire. L’enregistrement l’aurait aussi exposée à des frais plus élevés, liés notamment aux spécificités de la procédure d’enregistrement et aux garanties exigées par les autorités douanières sur les importations enregistrées.

38      La requérante invoque également les importants effets que le règlement attaqué a eus sur le marché sur lequel elle est active et la manière dont certains de ses clients, anticipant la mise en place de droits définitifs par la Commission que préfigurait l’obligation d’enregistrer les importations, se seraient détournés d’elle pour s’approvisionner dans des pays tiers autres que la République populaire de Chine. La requérante rappelle aussi qu’elle a eu intérêt à éviter l’application rétroactive des droits antidumping et que l’annulation du règlement attaqué constituait, au moment de l’introduction du recours, un moyen pour y parvenir.

39      Enfin, la requérante considère que l’adoption du règlement définitif et l’établissement des droits antidumping à titre non‑rétroactif, ne met nullement fin à son intérêt à agir en l’espèce. Elle entend obtenir réparation du préjudice que lui a causé le règlement attaqué et estime que le constat de son illégalité dans le cadre du présent recours est indispensable à cette fin.

40      Selon une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours en annulation est subordonnée à la condition que la personne physique ou morale qui en est l’auteur ait un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 61; du 6 septembre 2018, Bank Mellat/Conseil, C‑430/16 P, EU:C:2018:668, point 50, et du 17 octobre 2019, Alcogroup et Alcodis/Commission, C‑403/18 P, EU:C:2019:870, point 24).

41      Il ressort également de la jurisprudence que c’est à la partie requérante qu’il incombe d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 27).

42      Il découle encore d’une jurisprudence constante que l’intérêt à agir doit être né et actuel, ne peut concerner une situation future et hypothétique (arrêt du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, C‑237/17 P, EU:C:2019:259, point 76 et jurisprudence citée) et ne saurait découler de simples hypothèses dont la réalisation serait encore, au moment de l’introduction du recours, incertaine (ordonnance du 6 avril 2017, Proforec/Commission, C‑176/16 P, non publiée, EU:C:2017:290, point 35).

43      Il ressort enfin d’une jurisprudence bien établie que l’intérêt à agir doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 57 et jurisprudence citée).

44      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la fin de non‑recevoir que la Commission tire de l’absence d’intérêt à agir.

45      En premier lieu, il convient de rappeler que le règlement attaqué a, comme cela ressort de son article 1er, paragraphe 1, pour principal objet d’inviter les autorités douanières à prendre les mesures appropriées pour enregistrer les importations de produits concernés par la procédure antidumping. À cet égard, il n’impose d’obligations qu’aux seules autorités douanières, à l’exclusion des importateurs, dont la requérante fait partie. C’est donc à tort que la requérante affirme que le règlement attaqué vise en particulier les importateurs.

46      En deuxième lieu, en ce qui concerne la procédure d’enregistrement instaurée par le règlement attaqué et les éventuelles charges administratives supplémentaires qu’elle ferait peser sur la requérante, la Commission considère que le fait que la requérante doive déclarer ses importations aux autorités douanières pour enregistrement n’entraîne pour elle aucune charge ou désavantage supplémentaire. À cet égard, la Commission soutient que les importations en provenance de la République populaire de Chine doivent en tout état de cause être déclarées et que l’enregistrement est réalisé par les autorités douanières. Elle estime dès lors que, si l’enregistrement impose une charge administrative supplémentaire, c’est aux autorités douanières qu’elle incombe, et non aux importateurs, dont les obligations restent inchangées.

47      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante se limite à cet égard à avancer que l’enregistrement des importations impose aux importateurs de suivre une procédure spéciale qui ferait peser sur eux une charge administrative supplémentaire dont découlerait un surcroît de travail.

48      Il y a lieu de constater que les déclarations de la requérante demeurent vagues et générales et ne sont complétées par aucun élément concret permettant de préciser le déroulement de cette procédure spéciale, les démarches pratiques qu’elle impliquerait et la nature de la prétendue charge administrative supplémentaire qu’elle imposerait aux importateurs. La requérante n’explique notamment pas en quoi ses obligations administratives auraient été altérées à la suite de l’adoption du règlement attaqué et de la mise en place de la procédure d’enregistrement. La requérante n’a en outre pas été en mesure de produire des éléments de preuve de nature à étayer ses allégations.

49      En tout état de cause, il convient d’observer qu’il ne ressort aucunement de son dispositif que le règlement attaqué et la mesure d’enregistrement qu’il instaure font peser une quelconque charge administrative supplémentaire sur la requérante.

50      En troisième lieu, en ce qui concerne plus particulièrement les frais ou charges supplémentaires que la procédure d’enregistrement aurait fait peser sur la requérante, la Commission conteste que de tels frais ou sanctions supplémentaires aient été imposés sur les importations soumises à enregistrement.

51      À cet égard, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante se contente de faire valoir que, dans le cadre de l’enregistrement, les autorités douanières nationales pourraient exiger la présentation d’une garantie pour les importations, avant toute mesure effective de l’Union, ou que les autorités douanières ont souvent tendance à demander la constitution d’une garantie ou à augmenter les montants demandés, sans apporter davantage de précisions ni d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations.

52      Force est de constater que les affirmations de la requérante et les éléments qu’elle produit, notamment les articles de presse consacrés à la procédure antidumping en cause et l’attestation rédigée par un représentant de la requérante, ne permettent pas d’établir que ses importations qui ont été soumises à enregistrement en vertu du règlement attaqué ont effectivement été sujettes à des frais ou à des charges financières supplémentaires.

53      En outre, il ne ressort d’aucune des dispositions du règlement attaqué que ce dernier entraîne, par lui-même, une augmentation des montants dus par les importateurs. Le règlement attaqué n’impose en effet pas la constitution de garanties financières pour les importations enregistrées. Comme la Commission l’indique à juste titre, le règlement de base exige une garantie lorsque des droits provisoires sont institués. L’article 7, paragraphe 3, du règlement de base prévoit en effet que les droits provisoires sont couverts par une garantie et que la mise en libre pratique des produits concernés dans l’Union est subordonnée à la constitution d'une telle garantie. C’est sur cette base que, dans le cas d’espèce, le règlement provisoire dispose, en son article 1er, paragraphe 4, que la mise en libre pratique, dans l’Union, du produit visé au paragraphe 1 est subordonnée au dépôt d’une garantie équivalente au montant du droit provisoire. Ce règlement ne fait toutefois pas l’objet du présent recours et a été adopté après son introduction.

54      Par conséquent, il y a lieu de considérer que si des garanties ont été exigées de la requérante dès le stade de l’enregistrement, ce qu’elle n’a pas établi, ces garanties ont tout au plus constitué une mesure à laquelle les autorités douanières ont librement choisi de recourir dans les limites de leur marge d’appréciation, sans que cela leur soit imposé en application du règlement attaqué.

55      En quatrième lieu, la requérante soutient avoir subi des perturbations occasionnées par le règlement attaqué sur le marché des produits extrudés en aluminium et une perte de clientèle.

56      À cet égard, la requérante affirme que le règlement attaqué a causé de graves effets préjudiciables sur le marché sur lequel elle est active et a provoqué la panique parmi les importateurs de l’Union. Elle avance encore avoir, à la suite de l’adoption du règlement attaqué, perdu des clients qui, anticipant la mise en place de droits définitifs perçus à titre rétroactif, ont cessé de s’approvisionner auprès d’elle. Elle aurait ainsi subi un préjudice commercial.

57      La Commission considère que les éléments dont la requérante se prévaut n’ont pas été établis.

58      Il y a tout d’abord lieu de constater que les déclarations de la requérante relatives à la perte de clientèle qu’elle a subie demeurent vagues et générales et ne sont pas étayées par des éléments de preuve de nature à établir l’existence du préjudice commercial allégué.

59      Il convient également d’observer que la requérante ne produit pas davantage d’éléments concrets de nature à établir un lien de causalité entre le préjudice allégué et la mesure d’enregistrement instaurée par le règlement attaqué. Aucun élément du dossier ne permet ainsi d’imputer ledit préjudice, parmi une pluralité de causes envisageables, au règlement attaqué.

60      À cet égard, il ne ressort pas des éléments du dossier que la perte de clientèle subie par la requérante et le préjudice commercial qui en a découlé, à supposer qu’ils aient été établis, pourraient être imputés à d’autres facteurs que l’évolution de la conjoncture économique internationale, significativement affectée par la pandémie de COVID-19, à laquelle la requérante fait elle-même référence, d’une part, et la situation particulière de la requérante, notamment sa localisation géographique en Lombardie (Italie) et sa forte dépendance aux importations en provenance de République populaire de Chine, d’autre part. Ils ne sauraient dès lors constituer des conséquences produites par le règlement attaqué, auxquelles son annulation viendrait mettre fin.

61      En cinquième lieu, à l’égard du risque de devoir payer rétroactivement des droits antidumping auquel l’exposait le règlement attaqué, et dont la requérante se prévaut aux fins d’établir son intérêt à agir, il convient de relever que si ce risque existait au stade de l’adoption du règlement attaqué et de l’introduction du présent recours, sa réalisation demeurait alors incertaine. Cet intérêt à agir restait dès lors purement hypothétique et conditionné à une décision ultérieure de la Commission d’instaurer des droits définitifs et de les percevoir à titre rétroactif.

62      Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la pertinence du risque de devoir payer des droits antidumping définitifs à titre rétroactif aux fins d’établir l’intérêt à agir de la requérante, il y a lieu de constater en tout état de cause que ce risque n’est plus actuel, dès lors que le règlement définitif a précisé, en son article 3, que les droits définitifs qu’il instaurait ne seraient pas perçus à titre rétroactif. Dans ce règlement définitif, la Commission a en effet estimé que les critères fixés pour la perception rétroactive des droits définitifs n’étaient finalement pas remplis. En ce qu’il ne s’est finalement pas réalisé, le risque de devoir s’acquitter de droits définitifs à titre rétroactif ne saurait dès lors justifier l’intérêt à agir de la requérante.

63      Par ailleurs, la requérante fait valoir que si le Tribunal annule le règlement attaqué, elle échappera à l’application rétroactive de droits antidumping, et qu’elle a dès lors un intérêt manifeste à éviter une telle application, l’annulation du règlement attaqué étant un moyen d’y parvenir. A cet égard, toute étape de la procédure antidumping, et ce dès l’ouverture de l’enquête, pourrait ainsi être contestée, au seul motif qu’elle l’exposerait au risque que, à terme, des droits définitifs lui soient imposés. Or, un tel intérêt invoqué par la requérante ne saurait justifier l’introduction du présent recours dans la mesure où il irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par la formalité de l’enregistrement, tel que défini dans la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus.

64      À la lumière de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de constater que l’éventuelle annulation du règlement attaqué ne serait pas susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques pour la requérante et que le recours ne pourrait ainsi pas, par son résultat, lui procurer un bénéfice.

65      Cette conclusion ne peut être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’annulation qu’elle recherche dans le cadre du présent recours ne constituerait qu’un préalable à l’introduction d’un possible recours en indemnité contre la Commission.

66      À cet égard, la Cour a jugé que, en principe, une partie conservait son intérêt à poursuivre un recours en annulation, dès lors que ce dernier pouvait constituer la base d’un recours éventuel en responsabilité (arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 42 ; voir également, en ce sens, arrêt du 20 juin 2013, Cañas/Commission, C‑269/12 P, non publié, EU:C:2013:415, point 17).

67      Il ressort également de la jurisprudence que l’éventualité d’un recours en indemnité peut suffire à fonder un tel intérêt à agir, pour autant que celui‑ci n’est pas hypothétique, ce qui est par exemple le cas lorsque la partie démontre qu’un recours en indemnité a effectivement été introduit avant la décision du Tribunal sur le recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 79).

68      En l’espèce, la requérante se contente d’énoncer, en des termes généraux et abstraits, qu’elle entend obtenir, de la part de la Commission, une compensation du préjudice subi en conséquence de l’enregistrement des importations qu’elle a imposé par le règlement attaqué et un remboursement des frais supplémentaires qu’elle a dû supporter de ce fait. Elle n’apporte pas la preuve qu’un recours en indemnité a effectivement été introduit contre la Commission en vue d’obtenir réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi à la suite de l’adoption du règlement attaqué, ni que de quelconques démarches ont été entreprises en vue de l’introduction d’un tel recours.

69      Partant, l’intention de la requérante d’introduire, à la suite du présent recours, un recours en indemnité contre la Commission demeure hypothétique. Or, une telle intention ne saurait à elle seule justifier l’intérêt à agir de la requérante dans le cadre du présent recours en annulation, sauf à vider de sa substance la condition de l’intérêt à agir en admettant que la simple possibilité abstraite d’intenter un recours en indemnité établi par la loi suffise à justifier un tel intérêt.

70      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas intérêt à agir en l’espèce, d’accueillir la deuxième fin de non-recevoir de la Commission et de rejeter le présent recours comme irrecevable, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les deux autres fins de non-recevoir tirées de l’absence d’acte attaquable et de l’absence de qualité pour agir.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Airoldi Metalli SpA est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 28 septembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

D. Spielmann


*      Langue de procédure : l’anglais.