Language of document : ECLI:EU:T:2009:65

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 mars 2009 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents et enregistrements sonores – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Exception relative à la protection du processus décisionnel »

Dans l’affaire T‑166/05,

Borax Europe Ltd, établie à Guildford (Royaume-Uni), représentée par Mes D. Vandermeersch et K. Nordlander, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme P. Costa de Oliveira et M. I. Chatzigiannis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du secrétaire général de la Commission du 21 février 2005, refusant l’accès à certains documents et enregistrements sonores dans le cadre de la trentième adaptation au progrès technique de la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO 1967, 196, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, D. Šváby et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Borax Europe Ltd (ci-après « Borax » ou la « requérante ») a pour activité l’exploitation, la production et la distribution de borate et d’acide borique.

2        Ces deux substances ont été examinées par le groupe de travail de la Commission sur la classification et l’étiquetage des substances dangereuses, à l'origine, dans le cadre de la vingt-neuvième adaptation au progrès technique de la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO 1967, 196, p. 1, ci-après la « directive »), prévue par la directive 2004/73/CE de la Commission, du 29 avril 2004 (JO L 152, p. 1).

3        Au cours du premier semestre de l’année 2003, le groupe de travail a proposé l’inscription des borates et de l’acide borique à l’annexe I de la directive. Cette annexe contient une liste de substances dangereuses, ainsi que des spécifications de classification et d’étiquetage pour chaque substance, régulièrement modifiée en vue de son adaptation au progrès technique. La décision d’ajouter une substance à l’annexe I est adoptée à l’issue de la procédure prévue à l’article 29 de la directive, tel que modifié par le règlement (CE) n° 807/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (unanimité) (JO L 122, p. 36).

4        En vertu de l’article 29 de la directive, pour préparer le projet d’adaptation au progrès technique, la Commission est assistée par le comité technique de classification et d’étiquetage des substances dangereuses, composé de représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission. Celle-ci présente des projets de mesures à ce comité, qui rend un avis. Le groupe de travail de la Commission sur la classification et l’étiquetage des substances dangereuses assiste le comité dans ses travaux.

5        Lorsque des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction sont examinées et que leur évaluation donne lieu à un débat scientifique complexe, le comité ou la Commission peut convoquer une réunion d’experts, en vertu de l’annexe VI de la directive. Les experts sont désignés par les États membres, mais ils participent à ces réunions en leur qualité d’experts et non de représentants des États membres. Ce type de réunion est organisé par le Bureau européen des produits chimiques, l’une des unités de l’Institut pour la protection de la santé et des consommateurs, qui relève du Centre commun de recherche (CCR).

6        Après avoir pris connaissance de la proposition, émise par le groupe de travail de la Commission sur la classification et l’étiquetage des substances dangereuses, d’inscrire les borates et l’acide borique à l’annexe I de la directive, la direction générale (DG) « Environnement » a toutefois décidé d’écarter cette proposition et de consulter un groupe d’experts en matière d’effets toxiques pour la reproduction, afin de déterminer si les données actuelles de la science justifient l’inscription de ces substances à l’annexe I de la directive en raison de leurs effets sur le développement et la fertilité et, le cas échéant, de préciser la catégorie dont ils relèvent.

7        Les experts se sont réunis les 5 et 6 octobre 2004, à Ispra (Italie), au Bureau européen des produits chimiques. Borax a participé à la première partie de la réunion. Ensuite, les représentants du secteur industriel, au nombre desquels se trouvait Borax, se sont retirés et les experts ont délibéré à huis clos. Leurs propos ont été enregistrés, afin d’établir le compte rendu de la réunion. Le 7 octobre 2004, la Commission a publié sur le site Internet du Bureau européen des produits chimiques les conclusions finales des experts, qui recommandaient de classer l’acide borique et les borates parmi les substances toxiques pour la reproduction de la catégorie 2, classification emportant l'obligation d’apposer sur l’emballage de ces substances une étiquette comportant la mention « Peut altérer la fertilité » ou « Risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant ». Le 22  novembre 2004, le compte rendu sommaire de la réunion d’Ispra a été publié sur le même site.

8        Estimant que ce compte rendu ne reproduisait ni précisément ni intégralement les affirmations, les commentaires et les conclusions des experts, Borax a demandé l’accès à tout commentaire des experts sur le projet de compte rendu sommaire de la réunion d’Ispra et à tout document relatif à la classification des perborates, par lettre du 30 novembre 2004, en application du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43). Par lettre du 10 décembre 2004, le directeur général du CCR a répondu que la demande d’accès aux documents formée par Borax comprenait treize commentaires émanant des experts, les enregistrements sonores de la réunion, ainsi que les documents préparatoires à la réunion et le compte rendu sommaire de la réunion. Il a indiqué que le compte rendu sommaire était disponible sur le site Internet du Bureau européen des produits chimiques, que les représentants de l’industrie avaient déjà eu accès aux documents préparatoires et que la demande d’accès aux commentaires et aux enregistrements sonores était rejetée, au motif que leur divulgation porterait gravement atteinte à l’intégrité des experts et au processus décisionnel de la Commission.

9        Le directeur général du CCR a également indiqué que correspondaient aussi à la demande de Borax les documents et les études destinés à la préparation de la réunion ainsi que le compte rendu sommaire de la réunion, qui inclut les conclusions des experts. En qualité de représentant de l’industrie, Borax aurait déjà pu consulter les documents préparatoires accessibles sur le site Internet du CCR au moyen d’un mot de passe. Le compte rendu sommaire et les conclusions auraient déjà été rendus publics sur le même site Internet.

10      Borax a présenté une demande confirmative, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, en précisant qu’elle acceptait un accès partiel aux commentaires sous forme de traductions dans une langue unique et aux enregistrements sonores sous forme de transcriptions écrites, dans lesquelles les noms de personnes et de pays seraient effacés pour éviter l’identification des experts. Par décision du 21 février 2005 (ci-après la « décision attaquée »), le secrétaire général de la Commission a répondu que la demande confirmative formée par Borax portait sur :

« i)      les enregistrements sonores de la réunion ;

ii)       deux projets préliminaires du compte rendu sommaire ;

iii)  treize commentaires des membres du groupe de travail de la Commission d’experts spécialisés dans le domaine de la reprotoxicité sur le projet de compte rendu sommaire de la réunion ;

iv)       deux commentaires émanant des représentants de l’industrie et, enfin,

v)      un document remis trop tard par le rapporteur danois pour être distribué avant la réunion ».

11      Le secrétaire général a accordé un accès partiel à deux des documents indiqués dans la décision attaquée, sous iii), et à l’un des documents indiqués dans la décision attaquée, sous iv), puis a confirmé l’appréciation initiale du directeur général du CCR pour certaines parties de ces documents et pour tous les autres documents. Il a justifié le refus de divulguer les enregistrements sonores de la réunion d’Ispra, les deux projets de compte rendu sommaire ainsi que tout ou partie des commentaires formulés par les experts et par les représentants de l’industrie, par des motifs tenant, d’une part, à l’atteinte à la vie privée et à l’intégrité de l’individu qui en résulterait, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, et, d’autre part, à l’atteinte grave portée au processus décisionnel de l’institution, qu’aucun intérêt public supérieur ne serait de nature à justifier, en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. Il a refusé un accès partiel à des versions expurgées des enregistrements et des commentaires. Le refus de divulguer le document remis par le rapporteur danois est fondé sur l’atteinte grave portée au processus décisionnel de l’institution.

12      Dans une demande antérieure, Borax avait sollicité l’accès aux enregistrements sonores de la réunion. Le refus d’accès qu’avait déjà opposé la Commission fait l’objet de la procédure dans l’affaire T‑121/05.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2005, la requérante a introduit le présent recours.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         annuler la décision attaquée ;

–         condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         rejeter le recours comme non fondé ;

–         condamner la requérante aux dépens.

 Sur le fond

16      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Elle reproche à la Commission d’avoir, en refusant de lui accorder l’accès aux documents en cause, violé, d’une part, l’article 4, paragraphe 1, sous b), et, d’autre part, l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. Enfin, en refusant un accès partiel à ces documents, la Commission n’aurait pas respecté le principe de proportionnalité et l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001.

 Sur la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, relatif à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu

 Arguments des parties

17      La requérante estime que l’exception tirée de l’atteinte à la vie privée et à l’intégrité de l’individu prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 ne saurait justifier un refus total d’accès aux documents demandés.

18      Elle fait d’abord valoir que la décision attaquée ne permet pas de comprendre en quoi la divulgation des projets de compte rendu et des commentaires des représentants de l’industrie affecterait la vie privée et l’intégrité de l’individu.

19      Elle estime ensuite que les experts invités à participer à la consultation de la Commission ne peuvent s’attendre à ce que leur identité demeure secrète, alors qu’ils ont volontairement choisi de participer à un processus législatif dans le cadre duquel il est clair que la Commission s’appuiera sur leur avis lors de l’adoption de la législation. Elle ajoute qu’elle a eu connaissance de l’identité des experts concernés lors de la première partie de la réunion d’Ispra.

20      Elle expose également qu’un accès partiel aux documents peut être accordé en rendant anonymes les commentaires des experts et des représentants de l’industrie ainsi que l’enregistrement de la réunion. Elle accepterait l’accès à une version expurgée des commentaires des experts et des représentants de l’industrie, éventuellement sous forme de traduction dans une langue unique, ainsi qu’à une version expurgée ou à la transcription de l’enregistrement. La suppression des noms des experts et de leur pays d’origine rendrait ces documents conformes à la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

21       La requérante conteste, enfin, l’allégation selon laquelle la divulgation des enregistrements sonores et des commentaires des experts exposerait les experts à des pressions externes et porterait atteinte à leur intégrité. D’une part, la Commission n’aurait pas indiqué à quelles pressions les experts seraient exposés si leurs arguments étaient rendus publics. D’autre part, les experts auraient déjà rendu leurs conclusions finales.

22      Borax explique qu’elle souhaite avant tout reconstituer le débat scientifique, ce que le compte rendu sommaire ne permet pas de faire. Elle considère que la décision attaquée ne caractérise pas l’existence d’une atteinte à l’intégrité de l’individu qu’occasionnerait la divulgation des commentaires émanant des experts et des enregistrements originaux ou expurgés.

23      La Commission soutient avoir fait une application correcte de l’exception prévue en faveur de la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu.

24      Elle estime avoir appliqué dans le contexte de cette exception le règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1). Les experts n’auraient, en effet, accepté d’être enregistrés lors de la réunion, puis de formuler des commentaires, que dans le but de faciliter la préparation du compte rendu final et auraient reçu l’assurance que leur identité ne serait pas dévoilée, ainsi que le rapporterait le compte rendu sommaire de la réunion. La divulgation de ces enregistrements et des commentaires relatifs au projet de compte rendu constituerait un traitement des données à caractère personnel incompatible avec cette finalité et violerait par conséquent l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 45/2001.

25      La Commission fait aussi valoir que, dans la mesure où un individu peut être identifié par sa langue, son accent ou des références au contexte national, la seule suppression des noms ne peut suffire à rendre les experts et le représentant de l’industrie non identifiables, conformément à l’article 2, sous a), du règlement n° 45/2001, et qu’un accès partiel aux enregistrements sonores et aux commentaires des experts et des représentants de l’industrie ne pouvait dès lors être accordé.

26      La Commission précise qu’elle n’a pas appliqué l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 aux projets de compte rendu.

27      En revanche, elle expose que le commentaire du représentant de l’industrie, dont la divulgation, même partielle, a été refusée, est de même nature que les commentaires des experts. L’exception fondée sur la protection de l’intégrité de l’individu s’appliquerait donc à ce document pour des motifs identiques à ceux invoqués concernant la protection de l’intégrité des experts.

28      Elle soutient que les experts peuvent légitimement s’attendre à ce que leur identité soit protégée. De surcroît, la participation au processus décisionnel d’une institution ne saurait priver une personne de la protection des données à caractère personnel la concernant, garantie par le règlement n° 45/2001 et entérinée par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. Aucune exception ne serait faite à l’application des règles de protection des données à caractère personnel pour les individus exerçant une fonction en relation avec leur activité professionnelle.

29      La Commission précise que la divulgation d’informations permettant l’identification des experts porterait atteinte à leur intégrité, car ils risqueraient de subir des pressions externes en raison des enjeux économiques en cause.

30      Concernant la traduction des commentaires des experts et du représentant de l’industrie, ainsi que la transcription de l’enregistrement, la Commission fait valoir que de telles opérations reviendraient à créer de nouveaux documents, alors que l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 ne prévoit l’accès qu’aux documents existants.

31      La Commission ajoute que l’exception de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 serait encore applicable aux commentaires des experts et du représentant de l’industrie, même s’ils étaient expurgés et traduits dans une langue unique.

32      La requérante répond que la traduction des commentaires des experts et la transcription des enregistrements ne seraient qu’une nouvelle forme des documents existants et fait valoir que le droit d’accès aux documents concerne les éléments d’information contenus dans ceux-ci et non uniquement les documents en tant que tels.

33      Elle estime que le renvoi au règlement n° 45/2001 est dénué de pertinence, car elle n’a pas demandé l’accès à des données à caractère personnel, mais à des arguments et à des preuves scientifiques qui ont été avancés au cours des discussions.

34      Elle fait valoir que le refus opposé par la Commission ne saurait être fondé sur le fait que les experts auraient reçu l’assurance que leurs noms et leurs points de vue ne seraient pas divulgués. En adoptant une telle position, la Commission et les experts videraient de son contenu la réglementation en faveur de l’accès du public aux documents.

35      La requérante considère enfin que l’exception relative à la protection du processus décisionnel de la Commission ne s’applique pas aux commentaires des experts et du représentant du secteur, dans leur version expurgée et traduite, au motif que ces documents ont été reçus en vue de la publication d’un compte rendu et non pour un usage interne.

36      La Commission souligne que le règlement n° 45/2001 devait être appliqué, puisque l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 doit être examiné « en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel ». La requérante aurait dû démontrer la nécessité de divulguer les données relatives aux experts et au représentant de l’industrie, en vertu de l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001, pour obtenir le traitement de celles-ci, tandis que la Commission devait s’assurer qu’il n’existait pas de raison de penser que ce traitement pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées.

37      Elle soutient que les critiques émises par Borax au sujet de la compétence des experts dans une lettre adressée à la Commission prouvent que les pressions ne sont pas hypothétiques.

 Appréciation du Tribunal

38      Le règlement n° 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible.

39      Conformément à son considérant 1, ce règlement suit la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, UE, de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le considérant 2 dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières.

40      Lorsque la divulgation d’un document est demandée à la Commission, celle-ci est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, non encore publié au Recueil, point 35).

41      À ce titre, il y a lieu de préciser que, en l’espèce, la Commission ne saurait fonder son refus sur l’assurance qu’elle soutient avoir donnée aux experts qu’ils pouvaient s’exprimer à titre personnel et que leurs identité et opinion ne seraient pas divulguées. D’une part, la décision attaquée ne fait pas état de cet engagement, dont la Commission ne peut en conséquence se prévaloir. D’autre part, à supposer qu’il puisse être invoqué en l’espèce, en dépit du silence de la décision attaquée, l’engagement de confidentialité dont la Commission prétend qu’il la lie aux experts, étant conclu entre eux et cette institution, n’est pas opposable à Borax, dont les droits d’accès aux documents sont garantis dans les conditions et les limites fixées par le règlement n° 1049/2001. Enfin, un refus d’accès aux documents ne peut être fondé que sur les seules exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, de sorte que l’institution en cause ne peut opposer un tel refus en se prévalant d’un engagement auprès des participants à la réunion lorsque cet engagement ne peut être justifié par l’une de ces exceptions. C’est donc dans le seul cadre de ces exceptions que doivent être examinés les motifs invoqués au soutien du refus.

42      Compte tenu des objectifs poursuivis par le règlement n° 1049/2001, les exceptions énumérées à l’article 4 de ce règlement doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts de la Cour du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, Rec. p. I‑11389, point 66, et Suède et Turco/Conseil, précité, point 36).

43      Il résulte de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

44      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, toute décision d’une institution au titre des exceptions énumérées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 doit être motivée. Si une institution décide de refuser l’accès à un document dont la divulgation lui a été demandée, il lui incombe de fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès à ce document pouvait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 que cette institution invoque (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, points 48 et 49). Il appartient au juge d’assurer le respect de l’obligation de motivation, en soulevant d’office un moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation (arrêts de la Cour du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18/57, Rec. p. 89, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67).

45      Or, dans la décision attaquée, la Commission vise l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 en invoquant la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu sans toutefois consacrer de motif spécifique au risque d’atteinte à la protection de la vie privée ni à la violation des dispositions du règlement n° 45/2001, auquel pourtant elle se réfère devant le Tribunal.

46      Dans la décision attaquée, elle explique, en effet, que les réunions d’experts organisées par le Bureau européen des produits chimiques se tiennent à huis clos, avec la participation des représentants de l’industrie en début de session, afin que le point de vue du secteur industriel concerné soit présenté et que les experts puissent poser leurs questions éventuelles. Ensuite, elle précise qu’il est nécessaire de poursuivre la réunion à huis clos afin de permettre aux experts de délibérer et de s’exprimer librement et en toute indépendance sans risquer de faire l’objet de pressions externes injustifiées. Elle expose que les enregistrements sonores et les commentaires émanant des experts comme du représentant de l’industrie permettent d’identifier chacun des experts qui ont participé à la réunion et que la divulgation de leur identité associée à l’expression de leur opinion porterait clairement atteinte à leur intégrité en les exposant à ce type de pressions. Dans la partie de la décision attaquée consacrée à la demande d’accès partiel aux documents litigieux, la Commission se borne à indiquer que, même si le nom des intéressés était effacé, les experts demeureraient facilement identifiables par la langue dans laquelle ils s’expriment, leur accent et les références qu’ils font au contexte.

47      Ce n’est que dans la procédure engagée devant le Tribunal qu’elle expose les raisons pour lesquelles elle considère que la divulgation demandée porterait atteinte à la vie privée des experts et méconnaîtrait le règlement n° 45/2001. S’agissant de cette dernière exception, relative à la protection des données à caractère personnel, la décision attaquée n’y fait référence que dans la partie consacrée à l’examen de l’existence d’un intérêt public supérieur qui justifierait la divulgation des documents en cause, en indiquant qu’une telle protection n’est pas soumise au « test de l’intérêt public ».

48      Dès lors que les seules références à l’identité des experts sont soit associées à une atteinte à leur intégrité, soit dépourvues de motif expliquant en quoi l’identification des experts porterait atteinte à leur vie privée ou violerait le règlement n° 45/2001, la décision attaquée ne peut être considérée comme suffisamment motivée en ce qui concerne ces deux dernières catégories d’intérêts protégés.

49      La Commission justifie, en outre, dans la décision attaquée, son refus d’accorder l’accès aux documents demandés en invoquant l’atteinte à l’intégrité des experts, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.

50      Selon une jurisprudence constante, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 75). Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié si l’accès au document était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé. En outre, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, point 43).

51      En affirmant, dans la décision attaquée, que la révélation de l’identité des experts et de l’opinion qu’ils ont exprimée au cours de la réunion porterait clairement atteinte à leur intégrité en les exposant à des pressions extérieures injustifiées, la Commission s’est prononcée par des motifs généraux qui ne sont pas susceptibles de caractériser l’existence d’un tel risque. Il apparaît, en effet, qu’une telle justification ne s’appuie sur l’allégation d’aucune circonstance, propre à l’espèce, qui accréditerait l’existence de pressions ou d’un risque de pressions sur les participants à la réunion litigieuse de la part de Borax ou à son initiative. Le même raisonnement dépourvu de preuves, s’il était admis, pourrait s’appliquer à toutes les réunions organisées par la Commission en vue de recueillir l’avis d’experts préalablement à l’adoption de décisions de toute nature ayant des conséquences sur l’activité d’opérateurs économiques exerçant dans le secteur concerné par ces décisions, quel que soit ce secteur. Une telle interprétation du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 serait contraire à l’interprétation stricte de l’exception, qui impose que soit constatée l’existence du risque d’une atteinte concrète et effective à l’intérêt protégé.

52      La Commission soutient, devant le Tribunal, que la divulgation des commentaires émis par le représentant de l’industrie sur les projets de compte rendu porterait atteinte à l’intégrité de celui-ci, alors que, dans la décision attaquée, elle indique que les documents permettent d’identifier les experts, sans préciser que l’intégrité du représentant de l’industrie serait également concernée. Sa décision de refus d’accès aux documents litigieux ne peut, par conséquent, être considérée comme fondée sur cet aspect de l’exception invoquée.

53      Le caractère hypothétique du risque d’atteinte à l’intégrité des experts est confirmé par les déclarations faites à l’audience par la Commission. Interrogée sur le point de savoir s’il existait, dans la présente affaire, des indices permettant de penser que des pressions pouvaient avoir été exercées à l’encontre des experts participant à la réunion, la Commission a répondu qu’elle ne disposait pas d’information précise sur ce point, mais qu’il résultait de témoignages provenant de personnes participant à ce type de réunions que, lorsque des intérêts importants étaient en jeu, comme en l’espèce, des pressions étaient exercées et les experts étaient approchés ou critiqués. Ces éléments, par leur caractère général, confirment que la Commission ne disposait d’aucun élément précis laissant supposer l’existence d’un risque d’atteinte à l’intégrité des experts.

54      La Commission a, certes, ajouté que les recherches personnelles menées par la requérante, dans le passé, et les critiques qu’elle a formulées à l’égard des qualifications des experts pouvaient être considérées comme une preuve des pressions extérieures injustifiées exercées sur ces derniers. Elle indique avoir fourni au Tribunal une preuve tangible des pressions exercées sur les experts.

55      Au soutien de cette déclaration, la Commission a produit une lettre du 17 janvier 2005 qui lui a été adressée par Borax, dans laquelle cette dernière expliquait que, le compte rendu sommaire n’ayant pas révélé la qualification des experts qui avaient participé à la réunion, elle a procédé à des recherches qui avaient clairement fait apparaître que certains experts ne possédaient pas de qualification en matière de toxicité pour la reproduction.

56      Il ne saurait être déduit de cette lettre, dans laquelle Borax conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle les personnes désignées en vue de la réunion sont des experts de renom dans le domaine considéré, l’existence de pressions exercées sur un ou plusieurs de ces experts ni même une intention de se livrer à de telles pressions ou à toute autre manoeuvre susceptible de porter atteinte à leur intégrité.

57      L’argument exposé par la Commission à l’audience, selon lequel la réputation ou la carrière d’un expert pourraient être affectées par la révélation d’une opinion contraire aux intérêts d’une société, ne peut davantage, pour les mêmes raisons tenant au caractère purement hypothétique du risque invoqué, être admis.

58      Le refus opposé à Borax par la Commission est d’autant moins justifié que Borax a modifié sa demande initiale en acceptant que les informations sollicitées soient limitées à des transcriptions des enregistrements et à des traductions dans une langue unique des commentaires, dans lesquelles les noms des experts et leur pays d’origine auraient été omis. Bien que susceptible de faire disparaître tout risque éventuel d’atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité des experts, cette demande n’a pas été accueillie.

59      Il résulte de ce qui précède que, en s’opposant à la communication des projets de compte rendu, des commentaires des experts et des représentants de l’industrie, et des enregistrements demandés par Borax, au motif qu’il en résulterait une atteinte à la protection de l’intégrité de l’individu, la Commission a violé l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.

 Sur la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, relatif à la protection du processus décisionnel

 Arguments des parties

60      La requérante conteste que la divulgation de l’enregistrement sonore de la réunion d’Ispra, des projets de compte rendu, des commentaires émanant des experts et des représentants de l’industrie, ainsi que du document remis par le rapporteur danois porterait gravement atteinte au processus décisionnel. Selon elle, la Commission n’a pas démontré l’existence d’une atteinte à son processus décisionnel et encore moins la gravité de cette atteinte.

61      Rappelant les termes de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, elle fait valoir que les projets de compte rendu, les commentaires des représentants de l’industrie ainsi que le document remis par le rapporteur danois ne contiennent pas d’avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre des délibérations de l’institution et que la décision attaquée n’explique pas en quoi l’exception visée par ce texte serait applicable à ces documents.

62      Borax ajoute que la Commission n’a pas davantage exposé en quoi la divulgation du document remis par le rapporteur danois pourrait « menacer de générer une confusion par rapport aux documents ayant effectivement été distribués aux experts et ayant fait l’objet des discussions ».

63      Chargée d’une évaluation scientifique du risque, la Commission devrait montrer qu’elle a recueilli les avis nécessaires, afin de fournir aux opérateurs économiques affectés par la décision de classification des substances en cause une garantie procédurale effective. Or, le défaut d’exhaustivité des conclusions finales et du compte rendu sommaire quant au débat scientifique qui a eu lieu à ce sujet ne serait pas un facteur de confusion, mais, au contraire, justifierait l’accès aux enregistrements de la réunion d’Ispra ou à leurs transcriptions, aux commentaires des experts ou à leur traduction dans une langue unique, ainsi qu’aux projets de compte rendu.

64      La requérante soutient que les recommandations des experts ont pour elle des conséquences financières graves et irréparables, de sorte qu’elle a un intérêt direct à obtenir l’accès aux documents pour être en mesure de s’assurer que les principes du règlement ont été respectés. À cet égard, la Commission aurait dû mettre en balance les intérêts en jeu, conformément à la jurisprudence.

65      Borax considère que la volonté de la Commission de conserver le secret de son processus décisionnel jusqu’à la décision finale violerait le principe d’un accès le plus large possible aux documents des institutions et le principe d’une bonne administration en permettant l’adoption à huis clos de mesures portant gravement et directement atteinte aux intérêts des particuliers. Elle serait aussi en contradiction avec l’argument selon lequel les comptes rendus sont établis en vue de garantir la transparence du processus décisionnel.

66      La Commission répond que son refus de divulguer les projets et les commentaires, ainsi que le document qui a été remis par le rapporteur danois, est fondé sur l’atteinte grave qui en résulterait pour son processus décisionnel, au sens des deux alinéas de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, et pas seulement du second alinéa, même si la décision attaquée ne le mentionnait pas expressément.

67      Elle précise que les termes de la décision attaquée renvoient à l’un et à l’autre alinéa. D’une part, en relevant que la proposition définitive destinée au comité d’adaptation au progrès technique est toujours en préparation et que, par conséquent, les décisions n’ont pas été prises, le secrétaire général de la Commission se serait référé à l’exception visée à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001. D’autre part, en relevant que les documents concernés contiennent des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre des délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution, puis qu’il est essentiel de préserver un certain espace de réflexion, afin que ces discussions puissent avoir lieu dans un climat franc et ouvert, de sorte que la Commission soit en mesure d’apprécier correctement les enjeux, le secrétaire général se serait également référé à l’exception visée à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001.

68      Elle estime que l’application des deux alinéas est d’autant plus justifiée que le mot « décision » peut désigner deux étapes distinctes du processus décisionnel : la décision finale sur une question donnée et toutes les décisions intermédiaires, qui constituent une étape à part entière du processus décisionnel.

69      S’agissant de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, la Commission explique que, en l’espèce, aucune décision définitive de classification des borates, des perborates et de l’acide borique n’était intervenue au moment où la décision attaquée a été adoptée. La divulgation des projets, des commentaires ainsi que du document remis par le rapporteur danois, créés pour un usage interne, aurait gravement porté atteinte à son processus décisionnel, en créant la confusion quant à sa position officielle qui n’était pas encore adoptée. En particulier, la divulgation du document remis par le rapporteur danois aurait pu provoquer une confusion au sujet des discussions qui avaient eu lieu au cours de la réunion d’Ispra. Le document n’avait pas été examiné durant cette réunion, mais devait l’être par le comité technique de classification et d’étiquetage des substances dangereuses. Sa divulgation à ce stade du processus décisionnel aurait pu compromettre les délibérations ultérieures.

70      S’agissant de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, la Commission soutient que, même si elle n’avait pas adopté sa décision finale, la publication des conclusions des experts marquait la fin d’une partie de la procédure. Elle ajoute que les enregistrements sonores, les projets de compte rendu, les commentaires ainsi que le document remis par le rapporteur danois contiennent des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de la Commission et que, même après la formulation des conclusions des experts, leur divulgation porterait gravement atteinte à son processus décisionnel.

71      En rendant possible l’identification des experts et en favorisant l’exercice de pressions extérieures, la divulgation des documents écrits et des enregistrements litigieux violerait l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001. Sans garantie de confidentialité, les experts deviendraient réticents à exprimer un avis libre et indépendant, voire à participer aux consultations de la Commission.

72      Produits d’une phase préliminaire, les projets de compte rendu et les deux séries de commentaires formulés par les experts et le représentant de l’industrie sur ces projets pourraient contenir des imprécisions ou des erreurs, qui créeraient inévitablement une confusion sur ce qui aurait été réellement dit au cours de cette réunion. La moindre confusion nuirait également aux délibérations ultérieures sur la classification des produits en cause, dès lors que la décision définitive de la Commission n’aurait pas été prise.

73      De surcroît, la Commission considère que, si elle devait renoncer à enregistrer ses réunions pour éviter l’identification des participants en raison de leur langue ou de leur accent, la qualité des comptes rendus en souffrirait. De même, si les courriers électroniques, dans lesquels les commentaires ont été formulés, étaient considérés comme des documents susceptibles d’être divulgués, les fonctionnaires et les autres personnes participant au processus décisionnel seraient moins enclins à y recourir et les travaux de l’institution perdraient de leur efficacité.

74      La Commission conteste la nécessité de procéder à une mise en balance des intérêts en jeu dans le cadre du règlement n° 1049/2001 et soutient que l’intérêt du demandeur à obtenir l’accès aux documents ne saurait être pris en compte pour déterminer si une exception doit être appliquée.

75      La requérante conteste l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 aux projets de compte rendu, aux commentaires ainsi qu’au document remis par le rapporteur danois, aux motifs qu’ils n’étaient pas rédigés pour un usage interne, mais étaient destinés à l’élaboration et à la publication du compte rendu sommaire. Elle ajoute que la décision visée par ce texte doit être comprise comme la décision de publier le compte rendu sommaire et les conclusions finales.

76      S’agissant de l’exception tirée de l’atteinte grave au processus décisionnel prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, elle souligne qu’elle ne cherche pas à attribuer à chacun ce qui a été dit, mais qu’elle souhaite comprendre le contexte général et le contenu des discussions qui ont finalement abouti à la publication du compte rendu sommaire et des conclusions finales. Le caractère imprécis, voire erroné, de certains commentaires préliminaires constituerait un motif supplémentaire de divulgation, afin de s’assurer que les critères applicables à la classification des substances en cause ont été respectés. Selon elle, les commentaires communiqués de façon informelle constituent des documents au sens du règlement n° 1049/2001, mais ne peuvent être considérés comme des échanges d’opinions au sein de la Commission.

77      En réponse à l’allégation de la Commission selon laquelle les experts se montreraient réticents à participer au processus décisionnel à l’avenir en raison de pressions externes, Borax fait valoir que le raisonnement de la Commission repose sur une piètre opinion des experts. Leurs délibérations ne sauraient être comparées à un échange d’opinions personnelles ou politiques. En outre, la renommée des experts désignés par les États membres serait telle que leur réticence à communiquer leur avis scientifique serait hypothétique.

78      Concernant les pressions invoquées, la requérante précise qu’elle refuse de croire que la Commission fait allusion à des actes illégaux commis par des parties privées.

79      En tout état de cause, selon elle, refuser l’accès au document en question, au motif que des particuliers pourraient être en désaccord avec certains avis exprimés, va à l’encontre du principe de l’accès du public aux documents des institutions. Elle ajoute que c’est le refus de diffuser la teneur du débat scientifique qui nuit au processus décisionnel.

80      Considérant que les deux alinéas de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 sont applicables aux documents indiqués dans la décision attaquée, sous ii) à v), la Commission fait valoir que le terme « décision » désigne le résultat de tout processus décisionnel et qu’un processus décisionnel peut lui-même être composé de plusieurs processus cumulatifs et autonomes. Selon elle, les documents indiqués dans la décision attaquée, sous ii) à v), doivent être considérés comme des documents rédigés avant l’adoption de la décision finale de la Commission sur la classification des borates, de sorte que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 est applicable. La réunion des experts ferait partie de son processus décisionnel interne et les documents en cause auraient été rédigés [s’agissant des documents indiqués dans la décision attaquée, sous ii)] ou reçus [s’agissant des documents indiqués dans la décision attaquée, sous iii) à v)] pour un usage interne. Même si le document final d’une réunion est publié, les documents antérieurs et préliminaires ne seraient pas pour autant rédigés ou reçus pour un usage externe.

81      S’agissant de l’application de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, la Commission affirme que la confidentialité des délibérations des experts et de leurs commentaires est fondamentale pour qu’elle continue de recueillir les conseils francs des experts. Selon elle, le compte rendu sommaire est le fidèle reflet des débats scientifiques et la divulgation des documents indiqués dans la décision attaquée, sous ii) à iv), qui constituent des étapes préliminaires de la préparation de ce document, ne pourrait que créer la confusion quant aux propos effectivement tenus ou aux avis effectivement exprimés au cours de la réunion.

82      La Commission admet que les courriers électroniques peuvent répondre à la définition d’un « document », au sens du règlement n° 1049/2001, mais fait valoir que la divulgation d’échanges d’information préliminaires et informels réduirait son efficacité, notamment lorsque les courriers électroniques sont l’unique moyen de communication efficace au sein de l’institution.

83      Concernant les enregistrements sonores, auxquels elle applique l’exception visée à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, la Commission fait valoir que les experts ont exprimé leur avis professionnel personnel et non la position de leur État membre d’origine. Elle estime devoir leur permettre d’exprimer, à l’abri des influences et des pressions extérieures, leur point de vue sincère et motivé, y compris leurs doutes et leurs réserves. Selon elle, le règlement n° 1049/2001 n’a pas pour finalité l’évaluation du travail des experts qui participent au processus décisionnel.

84      Enfin, la Commission fait valoir que, dans sa demande confirmative, Borax n’a pas invoqué l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de l’ensemble des documents demandés, mais ses propres intérêts économiques.

 Appréciation du Tribunal

85      L’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 comporte deux alinéas.

86      Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

87      Selon l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

88      Selon une jurisprudence constante, rappelée au point 50 ci-dessus, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié si l’accès au document était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé. D’autre part, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, l’institution doit également apprécier s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé (arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, points 44 et 45).

89      Il convient de déterminer si, en refusant l’accès aux documents demandés par Borax, au motif que leur divulgation porterait gravement atteinte à son processus décisionnel, la Commission a violé l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

90      En premier lieu, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que les experts spécialisés dans le domaine de la reprotoxicité avaient des compétences spécifiques et lui donnaient des avis techniques et des recommandations, comme le faisaient les experts nationaux lors de procédures consultatives normales. Concernant les perborates de sodium, la Commission a précisé que le résultat de la réunion des experts spécialisés devait encore être approuvé par le comité technique de classification et d’étiquetage des substances dangereuses, avant de pouvoir être envoyé à la DG « Environnement » pour être inclus dans une adaptation au progrès technique. S’agissant des borates et de l’acide borique, la Commission a indiqué que la recommandation des experts spécialisés avait été envoyée à la DG « Environnement » pour être incluse dans la trentième adaptation au progrès technique, mais que la proposition finale au comité d’adaptation au progrès technique était encore en préparation. Après avoir ajouté que les décisions n’avaient donc pas encore été prises, la Commission a précisé que, par conséquent, la divulgation des documents demandés à ce moment-là aurait provoqué une atteinte grave à son processus décisionnel.

91      Cette partie de la décision attaquée repose sur l’idée que, au jour de la demande d’accès aux documents litigieux, les décisions devant mettre un terme aux procédures de consultation des experts n’avaient pas encore été adoptées.

92      Dans la décision attaquée, la Commission déduit l’existence d’une atteinte grave à son processus décisionnel de la circonstance que la divulgation de ces documents serait réalisée avant l’adoption des décisions à venir. Ce raisonnement se heurte à la lettre même de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, qui admet de manière expresse l’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par cette institution et qui a trait à une question sur laquelle ladite institution n’a pas encore pris de décision, à moins que la divulgation du document ne porte gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution. Il résulte de ce principe que, pour refuser l’accès demandé, l’institution ne peut se borner à invoquer l’usage à des fins internes du document ni l’absence de décision et considérer ainsi que ces circonstances constituent l’atteinte grave requise par l’article précité.

93      En deuxième lieu, la Commission ajoute, dans la décision attaquée, que la divulgation des projets de compte rendu et des commentaires émis à leur sujet par les experts et le représentant de l’industrie, rédigés à un stade préliminaire et qui peuvent ne pas être corrects, pertinents ou ne pas avoir été repris, pourrait également créer une confusion sur ce qui s’est réellement passé lors de la réunion, alors que la version finale du compte rendu sommaire publié refléterait correctement et en détail le contenu de cette réunion. La divulgation du document remis par le rapporteur danois, qui n’a pas été distribué, mais a été évoqué au cours des débats, pourrait aussi créer une certaine confusion sur ce qui a été effectivement distribué aux experts et soumis au débat.

94      Dans la décision attaquée, la Commission ne précise pas l’alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, sur lequel elle se fonde lorsqu’elle considère qu’une divulgation des documents demandés ferait naître un risque de confusion sur ce qui s’est réellement dit au cours de la réunion. Toutefois, la Commission a indiqué, devant le Tribunal, que ces considérations étaient fondées sur l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001. Elle a ajouté qu’il existait également un risque de confusion quant à sa position officielle, invoquant, cette fois, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de ce texte. La Commission s’est enfin prévalue de cette dernière disposition pour justifier le refus d’accès au document remis par le rapporteur danois.

95      Il y a lieu de constater que le refus d’accès opposé à Borax par la Commission ne peut être justifié par l’existence d’un risque de confusion sur le fondement ni de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, ni de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, de ce règlement.

96      En effet, premièrement, la Commission n’a pas démontré qu’un tel risque existait en l’espèce et donc qu’il serait de nature à porter atteinte à son processus décisionnel. Elle a seulement émis l’hypothèse de l’existence de ce risque en le déduisant de l’impression que pourraient donner des échanges qui ont eu lieu au cours de la réunion, les prétendues imperfections affectant les documents demandés et le fait que les documents pourraient ne pas être repris dans le compte rendu sommaire final. La Commission a également supposé l’existence d’un risque de confusion en constatant que le document remis par le rapporteur danois avait été évoqué au cours des débats sans avoir été préalablement distribué. Le risque de confusion est donc évoqué de manière purement hypothétique. Son existence n’est, en outre, étayée par aucun élément précis et ne peut être déduite des seules constatations opérées par la Commission, qui ne font que refléter les incertitudes inhérentes au processus décisionnel en cours.

97      Au surplus, en l’absence d’éléments spécifiques relevés sur ce point par la Commission, il est douteux que les documents et les commentaires afférents à une réunion organisée lors du stade purement consultatif du processus décisionnel de la Commission provoquent une confusion notamment chez l’auteur d’une demande d’accès, tel que Borax, dont l’activité est directement liée aux produits en cause et qui a participé à la première partie de la réunion. Étant, par son activité, informée des termes du débat scientifique sur les effets des produits litigieux et des éventuelles divergences de vues qui le caractérisent, il n’est pas démontré que Borax n’est pas en mesure de comprendre le déroulement des discussions et, le cas échéant, d’expliquer les éventuelles incohérences ou contradictions qui résultent des documents demandés.

98      Deuxièmement, l’existence d’une confusion quant au contenu des débats ne pourrait être considérée, à elle seule, comme de nature à porter atteinte au processus décisionnel. Le lien entre l’éventuelle confusion qui résulterait de la divulgation des documents litigieux et la conduite du processus décisionnel en cours de la Commission ou l’exercice de sa compétence décisionnelle en général n’est pas établi par la décision attaquée. Au demeurant, rien ne permet de penser que la difficulté pour l’auteur d’une demande d’accès de comprendre la manière dont se sont déroulés les débats au cours de la phase qui précède la décision fait courir à l’institution compétente un risque d’atteinte à son processus décisionnel.

99      Cette constatation vaut pour le cas où la confusion invoquée affecterait la connaissance de la position officielle de la Commission en cours de processus décisionnel. L’incertitude qui peut entourer cette position est sans incidence sur le processus conduisant à la décision finale, dès lors que, en raison de la nature évolutive de ce processus, la position officielle de la Commission présente un caractère nécessairement provisoire.

100    En troisième lieu, selon ce qu’a indiqué la Commission dans la décision attaquée, la divulgation des documents en cause provoquerait une atteinte grave à son processus décisionnel, car ils contiennent des avis personnels à usage interne émis lors de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution. La Commission a précisé, dans la décision attaquée, qu’il serait déterminant de conserver un certain espace de réflexion, afin que les discussions puissent avoir lieu dans un climat franc et ouvert et qu’elle puisse évaluer correctement les enjeux en cause. Elle a indiqué que, dès lors que la divulgation des enregistrements exposerait les experts à des pressions extérieures injustifiées, ceux-ci seraient réticents à exprimer leur avis librement à l’avenir. Or, cet avis serait crucial pour son processus décisionnel dans ce domaine, dans la mesure où elle ne dispose pas en son sein des compétences spécialisées qui lui sont nécessaires.

101    Il y a lieu de constater que l’argument de la Commission selon lequel les documents demandés par Borax ne peuvent être divulgués parce qu’ils contiennent des opinions individuelles exprimées à des fins internes et se situent dans une phase préliminaire à la décision finale se heurte à la lettre même de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001. Ce texte admet, en effet, de manière expresse, l’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée. Ni la finalité purement interne du document ni sa fonction de document préparatoire à la décision finale de l’institution ne constituent donc, à elles seules, des motifs de refus d’accès aux documents demandés.

102    La Commission ne peut davantage justifier son refus par la nécessité de protéger les experts contre toute pression extérieure afin de préserver un climat de confiance propice à des discussions franches et de ne pas les dissuader d’exprimer librement leur opinion à l’avenir.

103    En effet, il y a lieu de rappeler que, si le législateur communautaire a prévu une exception spécifique au droit d’accès du public aux documents des institutions communautaires en ce qui concerne les avis juridiques, il n’a pas fait le même choix pour les autres avis, notamment de nature scientifique, tels que ceux exprimés dans les documents écrits et les enregistrements litigieux. Or, la Cour a dit pour droit qu’il ne pouvait être considéré qu’il existe un besoin général de confidentialité en ce qui concerne les avis du service juridique du Conseil relatifs à des questions législatives (arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, point 57). À plus forte raison, le même principe doit-il être appliqué aux avis litigieux, pour lesquels le législateur communautaire n’a pas prévu une exception spécifique et qui restent soumis aux règles générales du droit d’accès du public aux documents.

104    En outre, aux termes du considérant 6 du règlement n° 1049/2001, un accès plus large aux documents devrait être autorisé dans les cas où les institutions agissent en qualité de législateur, tout en veillant à préserver l’efficacité du processus décisionnel de ces institutions. En l’espèce, les avis exprimés dans les documents écrits et les enregistrements en cause ont été recueillis en vue de l’adoption de mesures de classification des substances concernées.

105    Il en résulte que les avis de nature scientifique recueillis par une institution en vue de l’élaboration d’un texte législatif doivent, en principe, être divulgués, même s’ils peuvent être de nature à susciter des polémiques ou à dissuader les personnes qui les ont formulés d’apporter leur contribution au processus décisionnel de cette institution. Le risque, invoqué par la Commission, qu’un débat public né de la divulgation de leur opinion incite les experts à ne plus prendre part à son processus décisionnel est inhérent à la règle qui reconnaît le principe de l’accès aux documents contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de consultations et de délibérations préliminaires, lesquelles comprennent à l’évidence les consultations d’experts. On ne saurait, pour autant, déduire de l’existence d’un tel risque que toute divulgation d’un avis scientifique ayant des conséquences importantes, notamment économiques ou financières, pour l’opérateur économique concerné produit un effet dissuasif à l’égard de son auteur ni que, à supposer cet effet démontré, il soit de nature à porter gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, comme dans l’hypothèse où cette institution se trouverait dans l’impossibilité de consulter d’autres experts.

106    En l’espèce, la Commission justifie son refus d’une manière générale et abstraite sans préciser en quoi la divulgation des documents écrits et des enregistrements porterait concrètement et effectivement atteinte au processus qui la conduit à décider de la classification des substances en cause. En effet, le risque de pressions extérieures et la réticence des experts à exprimer leur avis librement et de manière franche, invoqués par la Commission, ne reposent que sur de simples affirmations, aucunement étayées par une argumentation circonstanciée.

107    Le risque d’atteinte au processus décisionnel de la Commission n’étant pas démontré, le critère de la gravité d’une telle atteinte n’est pas, à plus forte raison, rempli. La Commission a donc fondé à tort son refus de divulguer les documents en cause sur l’exception de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001.

108    La Commission ne peut objecter que ses travaux perdraient en efficacité si elle était contrainte de renoncer aux enregistrements sonores et aux courriers électroniques. Cette affirmation repose sur l’idée, contraire au règlement n° 1049/2001, selon laquelle l’accès aux documents demandés la contraindrait à se priver de ce type de supports. En effet, la régularité d’un refus d’accès doit être appréciée au regard du document lui-même, à savoir, selon l’article 3 du règlement n° 1049/2001, de son contenu et non de son support. Il en résulte que, en application de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, l’accès à un enregistrement sonore ou à un courrier électronique ne peut être refusé que s’il contient des informations susceptibles de porter atteinte à un intérêt protégé, dans les conditions déterminées par ce texte, quel que soit le support concerné. La crainte éprouvée par la Commission de devoir renoncer à recourir à certains modes de communication ou de fonctionnement n’est donc pas justifiée.

109    Il s’ensuit que la Commission a violé l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 en s’opposant, dans la décision attaquée, à la communication des documents écrits ou de leurs traductions ainsi que des enregistrements en question ou de leurs transcriptions au motif qu’il en résulterait une atteinte grave à son processus décisionnel.

110    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que, sans qu’il y ait lieu d’examiner la question de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des enregistrements ni le troisième moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, la décision attaquée doit être annulée.

 Sur les dépens

111    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du secrétaire général de la Commission du 21 février 2005 est annulée en ce qu’elle refuse à Borax Europe Ltd l’accès aux enregistrements de la réunion des 5 et 6 octobre 2004, aux deux projets de compte rendu sommaire de cette réunion, à treize commentaires d’experts, à deux commentaires des représentants de l’industrie et au document remis par le rapporteur danois.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Forwood

Šváby

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mars 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.