Language of document : ECLI:EU:T:2010:212

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

19 mai 2010 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative Superleggera – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] – Examen d’office des faits – Article 74 du règlement n° 40/94 (devenu article 76 du règlement n° 207/2009) – Obligation de motivation – Article 73 du règlement n° 40/94 (devenu article 75 du règlement n° 207/2009) »

Dans l’affaire T‑464/08,

Zeta Europe BV, établie à Arnhem (Pays-Bas), représentée par Mes V. Bilardo, C. Bacchini et M. Mazzitelli, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. Sempio et O. Montalto, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 17 juillet 2008 (affaire R 666/2008‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif Superleggera comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 octobre 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 3 février 2009,

à la suite de l’audience du 3 décembre 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 novembre 2006, la requérante, Zeta Europe BV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent notamment des classes 12, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 12 : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        Par décision du 26 février 2008, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits en cause en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009] et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009].

5        Le 23 avril 2008, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur. Par décision du 17 juillet 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré que, eu égard aux produits concernés, il y avait lieu de refuser l’enregistrement de la marque figurative Superleggera, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, pour défaut de caractère distinctif, au motif que le public pertinent – composé tant de consommateurs ordinaires que de consommateurs professionnels – la percevrait, pour ceux ayant une connaissance de la langue italienne, comme désignant la caractéristique d’un objet qui pèse peu. En effet, le terme « superleggera » serait compris par le public pertinent comme signifiant « super légère » et non, comme la requérante le soutient, comme faisant référence à un « look d’une particulière légèreté » ou à un « style de vie décontracté ». La chambre de recours a ajouté que la marque en cause possédait une « caractérisation graphique insuffisante », avec peu de fantaisie, et semblable à celle qu’utilisent les enfants. Enfin, elle a rejeté l’argument de la requérante tiré de ce que l’OHMI avait considéré comme étant admissibles à l’enregistrement des signes tels que SUPERDRY, SUPERFLEX, SUPERTECH, SUPERDUTY, SUPERFULL, ou même SUPERLIGHT.

 Conclusions des parties

6        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

7        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

8        À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque trois moyens tirés, d’une part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, d’autre part, de la violation de l’article 74 de ce même règlement [devenu article 76 du règlement n° 207/2009], et enfin, de la violation de l’article 73 dudit règlement [devenu article 75 du règlement n° 207/2009].

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

9        La requérante soutient, en substance, que le signe figuratif Superleggera est le résultat d’une juxtaposition inhabituelle de termes en ce qu’il réunit en un seul mot le terme latin « super » et l’adjectif italien « leggera ». De plus, dans le vocabulaire italien, il n’existerait que le terme « superleggero », qui désignerait en boxe une catégorie de boxeurs dont le poids est compris entre les légers et les welters. Enfin, le terme en cause n’évoquerait pas clairement une caractéristique relative à la légèreté d’un produit. Il se référerait soit à un produit conférant un « look d’une particulière légèreté », soit à un « style de vie décontracté ».

10      S’agissant ensuite de la représentation graphique du signe, elle fait valoir que le signe figuratif en cause est particulier, en ce sens qu’il est caractérisé, tout d’abord, par une lettre initiale majuscule, ensuite, par l’« ombre singulière » au niveau de chaque lettre, enfin, par le graphisme particulier des extrémités des consonnes « s », « p », « r ». De plus, il ne s’agirait pas simplement d’une graphie analogue à celle de l’écriture d’un enfant, mais plutôt d’une graphie relevant d’un style rétro. Lors de l’audience, la requérante a souligné le soin et le respect des proportions dans la reproduction des lettres, la particularité de la plume utilisée, tenant à la finesse puis à la largeur des lignes formant les lettres, et a soutenu que cela évoquait une écriture calligraphique, d’une époque ancienne. Elle a également fait valoir que le signe Superleggera, commençant par la lettre majuscule « S », ne pouvait pas être perçu comme un adjectif, descriptif des produits, dès lors que, au regard des règles grammaticales italiennes, un adjectif qualificatif, accompagnant un substantif, ne peut pas commencer par une lettre majuscule.

11      L’OHMI prétend que les motifs développés par la chambre de recours dans la décision attaquée auraient mérité également un renvoi explicite à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. En effet, les raisons pour lesquelles le signe en cause aurait été considéré comme dépourvu de caractère distinctif tiendraient à la nature descriptive du terme « superleggera » appliqué aux produits visés. Pour le reste, l’OHMI conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

12      À titre liminaire, il convient de rappeler que, même si la Cour a eu l’occasion de relever un certain chevauchement entre les champs d’application respectifs des motifs absolus de refus d’enregistrement d’une marque, énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 40/94 [l’article 7, paragraphe 1, sous d), étant devenu l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 207/2009], il n’en demeure pas moins qu’il ressort d’une jurisprudence constante que chacun de ces motifs de refus d’enregistrement est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, point 54 et la jurisprudence citée).

13      Dès lors que les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 ont chacun un domaine d’application propre et doivent faire l’objet d’une analyse autonome, la chambre de recours était tout à fait fondée, d’une part, à choisir, contrairement à l’examinateur, comme seule base juridique l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, pour refuser l’enregistrement du signe figuratif en cause et, d’autre part, à n’effectuer aucun renvoi explicite à l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

15      Conformément à la jurisprudence de la Cour, il y a lieu d’interpréter un motif absolu de refus à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend. La notion d’intérêt général, sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt Eurohypo/OHMI, précité, points 55 et 56, et la jurisprudence citée).

16      Il s’ensuit que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34, et la jurisprudence citée), étant entendu qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu par ledit article [arrêt du Tribunal du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I), T‑441/05, Rec. p. II‑1937, point 42].

17      Il résulte, par ailleurs, d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25). Le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut‑parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 32].

18      Enfin, lorsque, dans le domaine visé par la marque dont l’enregistrement a été demandé, le public pertinent perçoit un signe comme fournissant des informations sur la nature des produits qu’elle désigne et non comme indiquant l’origine des produits en cause, la marque ne satisfait pas aux conditions prévues par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [voir, en ce sens, arrêt Eurohypo/OHMI, précité, point 69, et arrêt du Tribunal du 10 décembre 2008, Bateaux mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX MOUCHES), T‑365/06, non publié au Recueil, point 19].

19      Bien que développée dans le cadre de litiges concernant des signes verbaux, la jurisprudence exposée au point 18 ci-dessus peut également s’appliquer s’agissant de signes, comme celui de l’espèce, qui sont figuratifs, mais pour lesquels la question relative à leur caractère distinctif se pose notamment des points de vue phonétique et conceptuel.

20      C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations générales qu’il convient d’examiner la thèse de la requérante selon laquelle la marque demandée est distinctive.

21      En premier lieu, il convient de relever que la chambre de recours a correctement défini le public par rapport auquel il faut évaluer l’admissibilité à l’enregistrement du signe figuratif Superleggera, en constatant, au point 11 de la décision attaquée, que certains des produits concernés en l’espèce, tels que les vêtements, les articles en cuir et les moyens de transport individuels, étaient destinés au grand public, tandis que d’autres, comme les locomotives, les avions, les hydravions, les tracteurs et les véhicules industriels, intéressaient un public professionnel. Par ailleurs, le signe figuratif étant composé de termes en langue italienne, le public concerné est un public italien et un public non italien, ayant une connaissance suffisante de la langue italienne, ainsi que cela ressort des points 13 et suivants de la décision attaquée. Pour apprécier le caractère distinctif du signe Superleggera, c’est donc à juste titre que la chambre de recours s’est placée du point de vue du grand public comme de celui d’un public professionnel, possédant une connaissance suffisante de la langue italienne.

22      En deuxième lieu, s’agissant des produits concernés, se pose la question de savoir si le terme « superleggera » peut être compris comme fournissant, dans le langage courant, des informations sur la nature des produits en cause et, en conséquence, si la marque dont l’enregistrement a été demandé permet ou non de garantir au public pertinent l’identité d’origine des produits qu’elle désigne.

23      À cet égard, premièrement, il convient de constater que le terme « superleggera » résulte de la juxtaposition des termes « super » et « leggera ». Or, le terme « super » est un préfixe d’origine latine qui confère aux adjectifs auxquels il peut être ajouté une « valeur de supériorité en qualité et en quantité ». Quant au terme « leggera », il s’agit de la forme féminine de l’adjectif italien « leggero », qui désigne la caractéristique d’un objet « qui pèse peu ». Ainsi, comme la chambre de recours l’a correctement indiqué, le terme « superleggera » sera compris par le public pertinent comme signifiant « super leggera », c’est-à-dire « très légère ». D’ailleurs, dans différents dictionnaires de langue italienne, le terme « superleggero » apparaît en tant que tel comme adjectif et existe également dans sa forme féminine « superleggera », qui signifie « extrêmement légère ».

24      Il s’ensuit que la juxtaposition des éléments verbaux « super » et « leggera » n’est pas inhabituelle dans sa structure. Par rapport aux produits concernés, le signe figuratif Superleggera prend immédiatement un sens précis, fournissant au public pertinent une information quant à leur nature, à savoir que ceux-ci sont « extrêmement légers » ou « très légers », et non une indication de leur origine commerciale.

25      Tel est le cas pour les produits de la classe 12, qui, revêtus du terme « superleggera », seront perçus comme étant d’une extrême légèreté par le public pertinent, lequel est composé du grand public s’agissant des véhicules ou appareils de locomotion par terre, ou d’un public professionnel concernant notamment les appareils de locomotion par air ou par eau. En effet, le poids d’un appareil de locomotion ou d’un véhicule constitue une caractéristique de construction importante qui sera perçue immédiatement par le public pertinent. Par exemple, il pourra s’agir d’une voiture très légère, d’une bicyclette très légère ou d’un hydravion très léger, c’est-à-dire construits dans des matériaux plus légers que ceux traditionnellement utilisés. La même constatation s’impose en ce qui concerne tant les produits correspondant à la classe 18, par exemple les produits en cuir ou en imitation cuir, les malles, les valises, les parapluies ou les cannes, que ceux de la classe 25, à savoir les vêtements, les chaussures et les produits de chapellerie. Pour le public pertinent, constitué par le grand public, le terme « superleggera » désignera une caractéristique fondamentale de légèreté du produit, qui peut être recherchée par les utilisateurs. En effet, la légèreté d’un vêtement ou d’un article de maroquinerie est incontestablement une indication déterminante sur sa texture ou sa commodité. Le grand public percevra ainsi un produit en cuir, une valise, un vêtement, une chaussure ou un parapluie, fabriqués avec une texture fine ou des matériaux plus légers que ceux habituellement utilisés.

26      En troisième lieu, aucun élément additionnel ne permet de considérer que le terme « superleggera » serait susceptible de distinguer les produits en cause de produits provenant d’un autre fournisseur.

27      D’une part, si ce terme évoque, en italien, une certaine catégorie de poids dans le domaine de la boxe, il n’est utilisé cependant que dans sa forme masculine « superleggero ».

28      D’autre part, quant à l’autre sens évoqué par la requérante, le fait que le signe en cause puisse revêtir différentes significations ne le rend pas pour autant distinctif [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 84]. Par ailleurs, si un signe possède plusieurs significations, il doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits concernés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 32). La jurisprudence citée au présent point, développée dans le cadre de litiges relatifs à des signes verbaux, peut s’appliquer en ce qui concerne des signes figuratifs (voir point 19 ci-dessus).

29      En l’espèce, à supposer même, comme le soutient la requérante, que le terme « superleggera » possède différentes significations, il a été démontré aux points 23 à 25 ci-dessus que, pour au moins l’une d’entre elles, le public pertinent ne percevra pas le signe Superleggera comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

30      De plus, la requérante soutient que, conformément au point 43 de l’arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL) (T‑34/00, Rec. p. II‑683), le fait que le signe litigieux puisse être constitué d’éléments susceptibles de faire référence à certaines caractéristiques des produits visés par la demande d’enregistrement et que la combinaison de ces éléments respecte les règles linguistiques ne suffit pas à justifier l’application du motif absolu de refus énoncé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Toutefois, il importe de relever que ce même point de l’arrêt EUROCOOL, précité, précise qu’une telle solution n’est pas applicable si un signe, considéré dans son ensemble, ne permet pas au public pertinent de distinguer les produits du demandeur de ceux de ses concurrents.

31      Or, au vu des développements exposés aux points 23 à 25 ci-dessus, le signe figuratif Superleggera, considéré dans son ensemble, n’est pas doté d’une capacité intrinsèque pour être appréhendé par le public pertinent comme un signe distinctif des produits vendus par la requérante par rapport à ceux qui ont une autre origine commerciale.

32      En quatrième lieu, sur le plan visuel, le Tribunal observe que le style graphique utilisé présente, certes, une certaine particularité. Il n’en reste pas moins que ce style n’est susceptible ni de marquer immédiatement et durablement la mémoire du public pertinent, ni de distinguer les produits de la requérante de ceux des autres fournisseurs sur le marché.

33      En effet, il est constant que, s’agissant de la forme manuscrite des lettres, tant l’écriture en lettres minuscules que l’écriture en lettres majuscules sont des procédés usuels dans le domaine commercial. En ce qui concerne les lettres minuscules, il existe notamment l’écriture manuscrite en lettres attachées, qui est un style ordinaire et traditionnel, aussi bien utilisé par les enfants que par les adultes, pour les actes de la vie courante ou professionnelle, et dont la forme dépend de la personnalité de chacun ou de la vitesse de rédaction. Ainsi, ce style demeure largement usuel aux yeux de tout consommateur et, en l’espèce, du public pertinent.

34      Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel la lettre initiale majuscule « S » constituerait une particularité graphique et empêcherait le public pertinent de percevoir le signe Superleggera comme un adjectif qualificatif des produits en cause, un adjectif accompagnant un substantif ne pouvant commencer par une lettre majuscule, ne saurait prospérer. En effet, le signe Superleggera étant constitué d’un seul élément verbal, l’utilisation d’une majuscule pour la lettre initiale n’apparaît pas en soi contraire aux règles grammaticales italiennes. Également, l’utilisation d’une majuscule pour la première lettre d’un adjectif n’a pas en elle-même comme conséquence que celui-ci ne sera plus perçu par le public pertinent comme fournissant des informations sur les produits en cause. En outre, le Tribunal relève qu’il n’est pas exclu que la lettre initiale d’un adjectif soit écrite en majuscule lorsque, pour mettre l’accent sur ce dernier, une phrase débute par ledit adjectif.

35      S’agissant, enfin, des autres éléments de style invoqués par la requérante, comme l’« ombre singulière » qui transparaît au niveau de chaque lettre et le graphisme des extrémités des consonnes « s », « p », « r », ils n’apportent pas au signe en cause une particularité qui permettrait de le rendre distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

36      Il résulte de tout ce qui précède que le signe figuratif Superleggera dont l’enregistrement a été demandé est dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Le premier moyen doit, en conséquence, être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 74 du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

37      La requérante estime que la chambre de recours n’a pas apprécié tous les faits et les moyens de preuve présentés par elle. Tel serait en particulier le cas des marques que l’OHMI a considérées comme étant valides, à savoir SUPERDRY, SUPERFLEX, SUPERTECH, SUPER DUTY, SUPERFULL, SUPERLIGHT, SuperTab, SUPERNOVA, SUPER CONFORT, SuperFabric et SUPER TURBO.

38      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

39      En vertu de l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), les examinateurs de l’OHMI et, sur recours, les chambres de recours de l’OHMI doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque dont l’enregistrement a été demandé relève ou non d’un des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 du même règlement. Il s’ensuit que les organes compétents de l’OHMI peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur (arrêts de la Cour Storck/OHMI, précité, point 50, et du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, Rec. p. I‑2883, point 38). 

40      En outre, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, que les chambres de recours sont amenées à prendre en vertu du règlement n° 40/94, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de la réglementation pertinente telle qu’interprétée par le juge de l’Union européenne et non sur la base d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure divergente des chambres de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47).

41      Ainsi, même si la chambre de recours doit examiner tous les faits et moyens de preuve présentés par l’intéressé, voire être amenée à examiner ceux qui ne l’auraient pas été, mais qui sont pertinents aux fins de la décision, elle n’est pas tenue en revanche de procéder à une appréciation d’autres marques communautaires qui ont été enregistrées antérieurement, celles-ci étant étrangères à l’objet du recours.

42      En l’espèce, la chambre de recours n’était donc pas tenue de procéder à un examen des marques invoquées par la requérante, pour statuer sur la demande d’enregistrement du signe figuratif Superleggera.

43      En tout état de cause, le Tribunal ne peut que constater que la chambre de recours a expressément tenu compte, dans son appréciation des faits et des moyens de preuve, des marques citées au point 37 ci-dessus. En effet, au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que l’OHMI avait considéré comme admissibles à l’enregistrement différentes marques, telles que SUPERDRY, SUPERFLEX, SUPERTECH, SUPER DUTY, SUPERFULL, et a utilisé l’abréviation « etc. », pour en déduire qu’il ne s’agissait pas de marques identiques à la marque proposée à l’enregistrement et qu’il ne pouvait donc exister un comportement discriminatoire. La chambre de recours a effectué cette même constatation pour la marque SUPERLIGHT, qu’elle a reconnue comme l’équivalent de « superleggera » en anglais et pour laquelle elle a indiqué que la structure graphique était différente de celle du signe en cause. Quant aux autres marques invoquées par la requérante, à savoir SuperTab, SUPERNOVA, SUPER CONFORT, SuperFabric et SUPER TURBO, il peut être déduit de l’utilisation, dans la décision attaquée, de l’abréviation « etc. », que la chambre de recours les a implicitement prises en considération.

44      Il résulte des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l’article 74 du règlement n° 40/94 doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

45      La requérante dénonce l’insuffisance voire le défaut de motivation de la décision attaquée, premièrement, quant à l’identification du public pertinent, deuxièmement, quant aux raisons pour lesquelles la marque proposée à l’enregistrement devrait être considérée comme une « dénomination générique ou habituelle » des produits en cause et, troisièmement, quant à l’absence d’appréciation relative aux nombreuses autres marques citées, qui ne pourrait être comblée par l’exposé des raisons visant à exclure l’existence de tout comportement discriminatoire.

46      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

47      En vertu de l’article 73 du règlement n° 40/94, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 253 CE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, points 63 à 65, et la jurisprudence citée, et du Tribunal du 12 décembre 2007, DeTeMedien/OHMI (suchen.de), T‑117/06, non publié au Recueil, point 46].

48      En premier lieu, s’agissant du grief de la requérante relatif à l’insuffisance de motivation quant à l’identification du public pertinent, la chambre de recours a effectué, aux points 11 et 12 de la décision attaquée, une analyse certes sommaire mais suffisante, pour en déduire que le public pertinent se composait tant du grand public que du public professionnel. Ensuite, aux points 13, 14, 16 et 19 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est référée successivement au consommateur italien et au consommateur non italien, ayant une connaissance suffisante de la langue italienne. Ainsi, la décision attaquée est suffisamment motivée quant à l’identification du public pertinent et ne nécessitait pas de plus amples développements.

49      En deuxième lieu, s’agissant du grief de la requérante relatif à l’insuffisance de motivation quant aux raisons pour lesquelles la marque proposée à l’enregistrement devrait être considérée comme une « dénomination générique ou habituelle » des produits en cause, il y a lieu de rappeler que, lorsque l’enregistrement d’une marque est demandé pour divers produits, la chambre de recours doit vérifier in concreto que la marque en cause ne relève d’aucun des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 40/94 à l’égard de chacun de ces produits et peut aboutir à des conclusions différentes selon les produits considérés. Dès lors, lorsqu’elle refuse l’enregistrement d’une marque, la chambre de recours est tenue d’indiquer dans sa décision la conclusion à laquelle elle aboutit pour chacun des produits visés dans la demande d’enregistrement, indépendamment de la manière dont cette demande a été formulée. Toutefois, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale visant tous les produits concernés. Cette faculté ne saurait s’étendre qu’à des produits présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie d’une homogénéité suffisante pour permettre que l’ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent la motivation de la décision en cause, d’une part, explicite à suffisance le raisonnement suivi par la chambre de recours pour chacun des produits appartenant à cette catégorie et, d’autre part, puisse être appliqué indifféremment à chacun des produits concernés [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 avril 2009, Zuffa/OHMI (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP), T‑118/06, non encore publié au Recueil, points 27 et 28].

50      En l’espèce, il y a lieu d’observer que la requérante n’a pas limité son grief à certains des produits en cause.

51      De plus, dans la décision attaquée, la chambre de recours a expressément cité plusieurs exemples, parmi les produits concernés, pour lesquels le public pertinent percevrait d’emblée le terme « superleggera » comme une indication portant sur la légèreté du produit, et a expliqué les raisons pour lesquelles cette signification serait immédiatement reconnaissable (points 15 à 20 de la décision attaquée). La chambre de recours a ainsi fondé son appréciation sur des appareils de locomotion, tels qu’une bicyclette, un aéronef ou un navire, sur des véhicules, notamment des véhicules sur rail et des automobiles, sur des vêtements, comme un anorak et une chaussure, et, enfin, sur des articles de maroquinerie, par exemple un sac à bandoulière.

52      La chambre de recours a ainsi procédé à un examen des produits concernés conforme à la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus. En effet, elle a effectué une appréciation in concreto d’une série de produits, visés dans les différentes classes. Quant aux produits qu’elle n’a pas expressément cités, comme une valise ou un chapeau, il y a lieu de relever qu’ils présentent un lien suffisamment direct et concret avec une catégorie de produits, en particulier les articles de maroquinerie et les vêtements, pour lesquels la chambre de recours a doté la décision attaquée d’une motivation suffisante. Dès lors, le grief de la requérante relatif à l’insuffisance de motivation quant aux raisons pour lesquelles la marque en cause devrait être considérée comme une « dénomination générique ou habituelle » des produits en cause doit être rejeté.

53      En troisième lieu, la requérante soutient que la chambre de recours s’est abstenue de toute appréciation en ce qui concerne les nombreuses marques antérieures enregistrées qu’elle avait pourtant citées dans le cadre de son argumentation. Cette absence d’appréciation ne saurait être comblée par l’exposé des raisons visant à exclure l’existence de tout comportement discriminatoire. De surcroît, selon la requérante, le critère relatif à l’« identité de situations » ne serait pas clair. Lors de l’audience, la requérante a admis qu’il ne saurait exister de situations identiques entre les marques antérieures enregistrées qu’elle a citées et la marque en cause et, par conséquent, de comportement discriminatoire au sens de la jurisprudence. Toutefois, il s’agirait de situations « homogènes », pour lesquelles la chambre de recours ne pourrait justifier une décision différente par rapport à une pratique décisionnelle antérieure qu’en motivant suffisamment son appréciation à cet égard.

54      Comme cela a été rappelé au point 40 ci-dessus, il n’appartient pas à la chambre de recours d’apprécier le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire sur la base d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure divergente des chambres de recours, mais sur la base de la seule réglementation pertinente telle qu’interprétée par le juge de l’Union. Dès lors, la chambre de recours n’avait pas à apporter une motivation spécifique par rapport aux marques déjà enregistrées, présentées par la requérante, en expliquant notamment les raisons pour lesquelles la décision prise à l’égard du signe Superleggera était différente de celles prises antérieurement à l’égard d’autres signes. Il s’ensuit que le grief de la requérante tiré de la violation de l’obligation de motivation en raison de l’absence d’appréciation relative aux marques déjà enregistrées n’est pas fondé.

55      En tout état de cause, il est constant que les marques déjà enregistrées ne sont pas identiques à la marque dont l’enregistrement a été demandé en l’espèce et il a d’ailleurs été jugé à cet égard que le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination devait être rejeté [arrêt du Tribunal du 2 juillet 2002, SAT.1/OHMI (SAT.2), T‑323/00, Rec. p. II‑2839, points 61 et 62, non invalidé sur ce point par arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. II‑8317]. De plus, il y a lieu de rappeler que l’appréciation des critères justifiant l’enregistrement d’une marque demeure subjective et qu’il n’est donc pas exclu qu’une marque, enregistrée antérieurement, l’ait été de manière erronée.

56      Le moyen tiré de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94 doit, dès lors, être rejeté comme non fondé. Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Zeta Europe BV est condamnée aux dépens.

Forwood

Moavero Milanesi

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mai 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.