Language of document : ECLI:EU:C:2024:426

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

23 mai 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑207/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 mars 2024,

Levantur, SA, établie à Murcia (Espagne), représentée par Me J. Oria Sousa-Montes, abogado,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Fantasia Hotels & Resorts, SL, établie à Zaragoza (Espagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mme O. Spineanu‑Matei et M. J.-C. Bonichot (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur, et l’avocat général, M. A. Rantos, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Levantur, SA, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 janvier 2024, Levantur/EUIPO – Fantasia Hotels & Resorts (Fantasia BAHIA PRINCIPE HOTELS & RESORTS) (T‑504/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:2), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 20 mai 2022 (affaire R 1000/2021-1), relative à une procédure de nullité entre Fantasia Hotels & Resorts, SL et Levantur.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante soutient que celui-ci soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). Plus précisément, elle reproche au Tribunal d’avoir privilégié une interprétation trop large de cette disposition quant à la production de nouvelles preuves devant la chambre de recours.

8        Ainsi, la requérante considère que cette interprétation conduit à ce qu’une simple contestation de l’appréciation des éléments de preuve effectuée par la division d’annulation permet la présentation de nouvelles preuves devant la chambre de recours. En outre, une telle interprétation ne serait pas conforme aux principes du droit de la défense et de l’égalité des armes qui devraient régir la procédure contradictoire devant l’EUIPO.

9        Par ailleurs, le Tribunal se serait écarté de sa jurisprudence issue des arrêts du 22 septembre 2011, Cesea Group/OHMI – Mangini & C. (Mangiami) (T‑250/09, EU:T:2011:516), et du 7 juin 2023, Société des produits Nestlé/EUIPO – European Food (FITNESS) (T‑519/22, EU:T:2023:314).

10      Dans ce contexte, la requérante estime qu’il est nécessaire de préciser la portée exacte du droit des parties de produire de nouveaux éléments de preuve devant la chambre de recours de l’EUIPO.

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

14      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance s du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 5 mars 2024, Cayago Tec/EUIPO, C‑700/23 P, EU:C:2024:223, point 14).

15      En l’occurrence, il y a lieu de relever que les arguments par lesquels la requérante vise à démontrer que les questions de droit sur lesquels le pourvoi est fondé sont importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, ne répondent pas aux exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance.

16      Plus précisément, en ce qui concerne l’argumentation tirée d’une violation de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, résumée aux points 7 à 10 de la présente ordonnance, il importe de souligner que, d’une part, la requérante n’identifie pas les points de l’arrêt attaqué qu’elle entend remettre en cause. D’autre part, alors que la démonstration de l’importance des questions soulevées pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 28, et jurisprudence citée), la requérante se limite à affirmer qu’une décision de la Cour est nécessaire pour clarifier le droit des parties de présenter des nouvelles preuves devant la chambre de recours, sans plus de précisions.

17      En tout état de cause, s’agissant de l’argumentation visée au point 9 de la présente ordonnance par laquelle la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu sa propre jurisprudence, il y a lieu de rappeler qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 8 avril 2024, Gürok Turizm ve Madencilik/EUIPO, C‑670/23 P, EU:C:2024:280, point 16 et jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, la requérante n’identifie pas les points des arrêts invoqués de la jurisprudence pertinente qui auraient été méconnus, n’explique pas, avec précision et clarté, les raisons pour lesquelles la prétendue contradiction entre les appréciations du Tribunal et la jurisprudence de celui-ci soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union et ne fournit aucune indication sur la similitude des situations visées dans la jurisprudence qui aurait été méconnue permettant d’établir la réalité des contradictions alléguées.

18      Dans ces conditions, force est de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

20      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

21      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Levantur, SA supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.