Language of document : ECLI:EU:T:2013:396

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

29 août 2013 (*)

« Référé – Aides d’État – Aides mises à exécution en faveur de sociétés chargées d’un service public consistant à assurer les liaisons maritimes entre la Corse et Marseille – Compensations pour un service complémentaire au service de base, destiné à couvrir les périodes de pointe pendant la saison touristique – Décision qualifiant ces compensations d’aides incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur récupération auprès des bénéficiaires – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑366/13 R,

République française, représentée par Mmes E. Belliard, N. Rouam, MM. G. de Bergues et D. Colas, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme M. Afonso et M. B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2013) 1926 final de la Commission, du 2 mai 2013, concernant l’aide d’État SA.22843 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la Société nationale Corse Méditerranée et de la Compagnie méridionale de navigation,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        À la suite d’une procédure d’appel d’offres portant sur la desserte des liaisons maritimes Marseille-Bastia, Marseille-Ajaccio, Marseille-Balagne (Ile-Rousse et Calvi), Marseille-Porto-Vecchio et Marseille-Propriano, le groupement constitué par la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la Compagnie méridionale de navigation (CMN), des opérateurs français de service de transport maritime, assure, pour une période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013, la desserte desdites cinq liaisons maritimes dans le cadre d’une convention de délégation de service public (ci-après la « CDSP ») signée avec la collectivité territoriale de Corse (CTC) et avec l’Office des transports de Corse (OTC). Les deux délégataires reçoivent une contribution annuelle de la part de l’OTC, en contrepartie du service permanent « passager et fret » qu’elles doivent assurer pendant toute l’année (ci-après le « service de base ») et du service complémentaire « passager » à fournir pendant les périodes de pointe, c’est-à-dire pendant les périodes de Noël, de février, de printemps-automne et/ou d’été, sur les lignes Marseille-Ajaccio, Marseille-Bastia et Marseille-Propriano (ci-après le « service complémentaire »).

2        Aux termes de la CDSP, la compensation financière finale de chaque délégataire pour chaque année est limitée au montant du déficit d’exploitation entraîné par les obligations résultant du cahier des charges, en tenant compte d’un rendement raisonnable du capital nautique engagé au prorata des journées de son utilisation effective pour les traversées correspondant à ces obligations. Dans l’hypothèse où les recettes réalisées seraient inférieures aux recettes prévisionnelles fixées par les délégataires dans leur offre, la CDSP prévoit un ajustement de la compensation publique. Postérieurement à sa signature, la CDSP a été modifiée de telle sorte que plus de 100 traversées par an entre la Corse et Marseille ont été supprimées, que les montants annuels de la compensation financière de référence ont été réduits de 6,5 millions d’euros pour les deux délégataires et que le mécanisme d’ajustement annuel des recettes par délégataire a été plafonné.

3        Quant aux liaisons maritimes entre la Corse et les ports de Nice et de Toulon, elles sont principalement opérées par la société française Corsica Ferries, qui a également participé à la procédure d’appel d’offres mentionnée au point 1 ci-dessus, mais dont les offres n’ont pas été retenues. Sur ces liaisons, la société Corsica Ferries est soumise à des obligations de service public, au titre de l’article 4 du règlement (CEE) nº 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres (cabotage maritime) (JO L 364, p. 7), lui imposant, notamment, un nombre minimum de rotation par semaine en fonction des périodes. En outre, il existe, sur lesdites liaisons, un dispositif d’aide sociale accordée aux passagers éligibles.

4        S’agissant de la desserte globale de la Corse depuis la France continentale, elle est marquée, depuis de nombreuses années, par une très forte saisonnalité, l’essentiel du trafic de passagers s’effectuant durant les mois d’été. Au cours des années 2000, la tendance principale des marchés du transport entre la France continentale et la Corse a été le développement de l’offre de transport au départ de Toulon, devenu le premier port de desserte de la Corse en termes de trafic. Cette tendance à l’augmentation du trafic au départ de Toulon va de pair avec l’augmentation de la part de marché de la société Corsica Ferries.

5        En 2007, la Commission européenne a été saisie d’une plainte par la société Corsica Ferries au sujet d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché commun, dont la SNCM et la CMN bénéficieraient grâce à la CDSP. À la suite d’informations complémentaires communiquées par le plaignant et d’un échange de courrier avec les autorités françaises, la Commission a, par lettre du 27 juin 2012, informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, sur les aides potentielles au bénéfice de la SNCM et de la CMN contenues dans la CDSP (JO C 301, p. 1). À l’issue de cette procédure, la Commission a adopté, en date du 2 mai 2013, la décision C (2013) 1926 final concernant l’aide d’État SA.22843 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la SNCM et de la CMN (ci-après la « décision attaquée »).

6        La décision attaquée a été notifiée à la République française le 3 mai 2013.

7        Dans la décision attaquée, pour déterminer si les compensations octroyées à la SNCM et à la CMN constituaient une aide d’État, la Commission a examiné si les critères fixés par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747) (ci-après les « critères Altmark »), étaient remplis en l’espèce. Ce faisant, elle a constaté que le service de base, fourni par la SNCM et la CMN, répondait à un besoin réel de service public, tandis que le service complémentaire, fourni par la seule SNCM, n’était ni nécessaire ni proportionné à la satisfaction d’un tel besoin, pour en conclure que seul le service de base remplissait le premier des critères Altmark. Ensuite, estimant que les conditions de l’appel d’offres (voir point 1 ci-dessus) n’avaient pas permis de sélectionner le candidat capable de fournir les services en cause au moindre coût pour la collectivité et que les autorités françaises ne lui avaient fourni aucun élément d’information susceptible de démontrer que les compensations étaient calculées sur le modèle d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, elle a considéré que le quatrième des critères Altmark n’était rempli pour aucun des deux services en cause. Selon la Commission, les compensations en cause constituaient donc des aides d’État (article 1er de la décision attaquée).

8        En ce que concerne la compatibilité des aides examinées avec le marché intérieur, la Commission a estimé que le service de base constituait un service d’intérêt économique général, mais que ce n’était pas le cas pour le service complémentaire. Elle n’a donc déclaré compatible avec le marché intérieur que les compensations versées à la SNCM et à la CMN au titre du service de base (article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée), alors que celles versées à la seule SNCM au titre du service complémentaire ont été qualifiées d’incompatibles avec le marché intérieur (article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée).

9        En vertu de l’article 3 de la décision attaquée, la Commission a ordonné, en conséquence, la cessation immédiate du versement des compensations relatives au service complémentaire et la récupération, auprès du bénéficiaire, des aides déjà versées à cette fin – dont le montant s’élève à environ 220 millions d’euros –, en précisant que cette récupération devait être immédiate et effective et que les autorités françaises devaient veiller à ce que cette décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification (article 4 de la décision attaquée), c’est-à-dire pour le 3 septembre 2013. Les autorités françaises étaient tenues de communiquer, dans les deux mois suivant la notification de la décision attaquée, à la Commission, notamment, le montant total à récupérer auprès du bénéficiaire, une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à cette décision ainsi que les documents démontrant que le bénéficiaire avait été mis en demeure de rembourser l’aide (article 5).

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 juillet 2013, la République française a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. À l’appui de ce recours, elle fait valoir que la Commission a violé la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en considérant que les compensations versées à la SNCM et à la CMN dans le cadre de la CDSP procuraient à leurs bénéficiaires un avantage sélectif et en qualifiant ces compensations d’aides d’État au sens de cette disposition. À titre subsidiaire, elle soutient que la Commission a violé l’article 106, paragraphe 2, TFUE en considérant que les compensations versées à la SNCM au titre du service complémentaire constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur dans la mesure où ce service ne constituerait pas un service d’intérêt économique général.

11      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la République française a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée, jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le fond ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 31 juillet 2013, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      La République française a répliqué aux observations de la Commission par mémoire du 8 août 2013. La Commission a pris définitivement position sur celui-ci par mémoire du 14 août 2013.

 En droit

14      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du président du Tribunal du 17 janvier 2013, Slovénie/Commission, T‑507/12 R, non publiée au Recueil, point 6, et la jurisprudence citée).

15      En outre, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 22]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, Rec. p. II‑2153, point 50).

16      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

17      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

18      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

19      Se référant notamment à l’ordonnance du président du Tribunal du 19 septembre 2012, Grèce/Commission (T‑52/12 R, non encore publiée au Recueil), le gouvernement français fait valoir qu’une mise en œuvre immédiate de la décision attaquée entraînerait divers préjudices graves, irréparables et imminents pour la France. En effet, la décision attaquée ordonnerait la récupération auprès de la SNCM d’une somme de plus de 220 millions d’euros, ainsi que l’annulation de tous les versements postérieurs à la date de notification de ladite décision. Or, le remboursement par la SNCM d’une telle somme ainsi que l’annulation de ces versements entraîneraient inévitablement son insolvabilité et sa liquidation.

20      En premier lieu, selon le gouvernement français, le premier préjudice grave et irréparable qu’entraînerait pour la France une liquidation de la SNCM consisterait en une rupture de la continuité territoriale avec la Corse. En effet, dans cette hypothèse, de nombreux passagers ‑ professionnels, résidents ou touristes ‑ ne pourraient plus se rendre de la France continentale vers la Corse et vice-versa, et la Corse devrait faire face à de graves difficultés en termes de ravitaillement. À titre d’illustration, il est renvoyé aux grèves de 2005, qui avaient entraîné un blocage général du port de Marseille pendant une vingtaine de jours, affectant à la fois le transport de passagers, le fret et le trafic pétrochimique, de sorte que la Corse avait dû faire face à d’importants problèmes de ravitaillement, les stocks de certains médicaments et de produits sanguins, ainsi que de carburant, de combustibles et de produits de première nécessité ayant atteint un niveau critique.

21      En deuxième lieu, une liquidation de la SNCM risquerait d’entraîner des conflits sociaux très importants en Corse et dans le port de Marseille, et présenterait ainsi un risque important pour le maintien de l’ordre public et de la paix sociale. En effet, le climat social au sein de la SNCM et dans le port de Marseille serait particulièrement dégradé et marqué par un mécontentement généralisé. Ainsi, lors des grèves de 2005 faisant suite à l’annonce de la privatisation de la SNCM, les grévistes auraient occupé des bateaux présents dans le port de Marseille, bloquant ainsi plusieurs milliers de passagers en partance, et ils auraient détourné un navire et séquestré le président-directeur général de la SNCM. Entre-temps, le climat social ne se serait pas amélioré, de nouvelles grèves ayant touché la SNCM au début de 2011 et la situation actuelle étant marquée par la multiplication des plans sociaux et des licenciements collectifs en France en raison de la crise économique générale.

22      En troisième lieu, une liquidation de la SNCM aurait des répercussions négatives sur l’emploi et sur l’activité économique, non seulement au sein de cette société, mais aussi dans l’ensemble du bassin marseillais et corse. Ainsi, cette liquidation entraînerait le licenciement de l’ensemble de salariés de la SNCM, soit plus de 2 000 personnes. De plus, elle aurait des conséquences inévitables sur les filiales et les sous-traitants de la SNCM et sur les autres acteurs portuaires et maritimes, en provoquant immanquablement d’autres licenciements. Par ailleurs, une liquidation de la SNCM entraînerait des difficultés importantes pour l’économie corse et marseillaise, le poids de la SNCM dans l’économie locale étant important. Enfin, l’arrêt brutal du trafic assuré par la SNCM serait susceptible d’avoir de graves conséquences sur le développement économique du port de Marseille.

23      De l’avis de la Commission, en revanche, la République française n’est pas parvenue à établir que la condition relative à l’urgence était remplie.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir personnellement un préjudice de cette nature. Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie qui sollicite les mesures provisoires demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable et permettre au juge des référés d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance Slovénie/Commission, précitée, point 14, et la jurisprudence citée).

25      La présente demande en référé émanant de la République française, il importe de relever que les États membres sont responsables des intérêts considérés comme généraux sur le plan national. Par conséquent, ils peuvent en assurer la défense dans le cadre d’une procédure de référé et demander l’octroi de mesures provisoires en alléguant, notamment, que la mesure contestée risque de compromettre sérieusement l’accomplissement de leurs missions étatiques et l’ordre public (ordonnance Grèce/Commission, précitée, point 37). Ils peuvent, en outre, faire état de préjudices affectant un secteur de leur économie, notamment lorsque la mesure contestée est susceptible d’avoir des répercussions défavorables sur le niveau de l’emploi et sur le coût de la vie (ordonnances de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C‑280/93 R, Rec. p. I‑3667, point 27, et du 12 juillet 1996, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96 R, Rec. p. I‑3903, point 85). En revanche, il n’est pas suffisant pour un État membre d’invoquer le préjudice que subirait une seule entreprise ou un nombre limité d’entreprises lorsque ces dernières, prises individuellement, ne représentent pas un secteur entier de l’économie nationale (ordonnance du président du Tribunal du 14 décembre 2007, Portugal/Commission, T‑387/07 R, non publiée au Recueil, point 34 ; voir également, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 15 juin 1987, Belgique/Commission, 142/87 R, Rec. p. 2589, point 24, et du 6 mai 1988, Grèce/Commission, 111/88 R, Rec. p. 2591, points 14 à 16).

26      Eu égard à cette jurisprudence, il y a lieu d’examiner si la République française a avancé des circonstances susceptibles d’établir l’urgence à octroyer le sursis à exécution demandé en démontrant, avec une probabilité suffisante, qu’une exécution immédiate de la décision attaquée risquerait de causer les trois préjudices allégués ci-dessus.

27      À cet égard, force est de constater que la liquidation de la SNCM est une condition sine qua non de la validité de la thèse de la République française concernant la survenance de ces préjudices. S’il convient de faire une distinction entre le préjudice individuel que pourrait invoquer la SNCM dans le cadre d’une procédure de référé et les préjudices allégués par la République française en tant qu’État membre, il n’en demeure pas moins que ces derniers préjudices dépendent tous de la mise en liquidation de la SNCM.

28      Par conséquent, il importe de vérifier si la République française a démontré, à suffisance de droit, qu’une exécution immédiate de la décision attaquée risquerait de causer inévitablement la liquidation de la SNCM.

29      Dans ce contexte, il convient de relever que la décision attaquée n’impose aucune obligation directe à la SNCM en ce qui concerne le remboursement des prétendues aides d’État. La décision attaquée n’intervient pas non plus directement dans les relations contractuelles entre la SNCM, d’une part, et la CTC ainsi que l’OTC, d’autre part, en ce qui concerne l’annulation des versements de la compensation financière à laquelle la SNCM a droit, en vertu de la CDSP, jusqu’au 31 décembre 2013. C’est à la République française, seule destinataire de la décision attaquée, qu’il appartient d’exiger la restitution, par la SNCM, des prétendues aides d’État et d’annuler lesdits versements. Conformément à l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, la décision attaquée est donc obligatoire à l’égard des seules autorités françaises. Il s’ensuit que la décision attaquée ne peut juridiquement, à elle seule, être considérée comme susceptible de contraindre la SNCM à restituer les aides d’État litigeuses et à renoncer aux versements dus en vertu de la CDSP. Ainsi, aussi longtemps que les autorités françaises n’auront pris aucune mesure juridiquement contraignante visant à l’exécution de la décision attaquée, en ce qu’elle ordonne impérativement le remboursement des aides d’État litigieuses ou procède à la résiliation de la CDSP, le risque d’une liquidation de la SNCM ne saurait être considéré comme suffisamment imminent pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du président du Tribunal du 11 mars 2013, Elan/Commission, T‑27/13 R, non publiée au Recueil, points 18 et 19, et la jurisprudence citée).

30      S’agissant des mesures prises par les autorités françaises visant à mettre en œuvre la décision attaquée, la République française se réfère à des lettres que le préfet de Corse a adressées, le 10 juillet 2013, à la CTC et à la SNCM.

31      Dans la lettre adressée à la CTC, le préfet attire l’attention de cette dernière sur les articles 3 à 5 de la décision attaquée, qui est jointe en copie à cette lettre. En outre, la CTC est priée d’informer le préfet des suites réservées à ce courrier. Enfin, le préfet informe la CTC que la République française introduira, dans les prochains jours, un recours visant à l’annulation de la décision attaquée et une demande en référé tendant à ce qu’il soit sursis à son exécution.

32      Quant à la lettre adressée à la SNCM, le préfet se limite à y faire état de la lettre envoyée à la CTC et à la transmettre en copie à la SNCM.

33      Or, l’envoi de ces deux lettres, qui n’a été apparemment suivi d’aucun acte de la part de la CTC ou de la SNCM, ne saurait être considéré comme une prise de mesures, par les autorités françaises, de nature à contraindre impérativement la SNCM à restituer les aides d’État litigeuses et à annuler, en résiliant la CDSP, les versements des compensations encore dus en vertu de cette dernière.

34      Il s’ensuit que le risque d’une liquidation de la SNCM, condition sine qua non de l’existence des trois préjudices graves et irréparables qui seraient causés à la France, ne saurait être considéré comme suffisamment imminent pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité par la République française.

35      La République française s’oppose à cette conclusion en renvoyant à l’ordonnance Slovénie/Commission, précitée (point 21), dont il ressortirait que la condition relative à l’urgence est remplie lorsque les autorités nationales ont pris une mesure visant à l’exécution de la décision ordonnant la récupération d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, alors qu’elles ne seraient pas tenues d’adresser à l’entreprise concernée un ordre de paiement ou une mise en demeure. Selon la République française, les lettres du préfet de Corse du 10 juillet 2013 constituent de telles mesures visant à l’exécution de la décision attaquée, en ce que ce préfet a alerté la CTC et la SNCM sur l’obligation de récupération qui pèse sur la France et les a invitées à procéder aux diligences nécessaires pour satisfaire à cette obligation.

36      À cet égard, il suffit de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Slovénie/Commission, précitée, la République de Slovénie n’avait fait état, dans sa demande en référé, d’aucune mesure qui aurait été prise par les autorités slovènes en vue d’exécuter la décision ordonnant la récupération auprès de l’entreprise slovène Elan des montants qualifiés par la Commission d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Dans ces circonstances, le juge des référés pouvait se limiter à constater, au point 21 de cette ordonnance, le défaut d’urgence au motif que la République de Slovénie n’avait pas indiqué que l’entreprise Elan aurait déjà été confrontée à une mesure visant à l’exécution de la décision en cause, sans qu’il ait été obligé de se prononcer sur le caractère contraignant ou non des mesures que les autorités slovènes avaient omis de prendre. Ce n’est que dans l’ordonnance subséquente Elan/Commission, précitée, que le juge des référés a eu l’occasion d’examiner les mesures de récupération adressées, sur le plan national, à l’entreprise Elan, pour conclure à l’absence de force obligatoire de ces mesures et, partant, au défaut d’urgence de la demande en référé présentée par cette entreprise.

37      En l’espèce, si les lettres du préfet de Corse du 10 juillet 2013 ont pu alerter la CTC et la SNCM sur l’obligation de récupération qui pèse sur la France, la République française ne saurait utilement prétendre que ces destinataires aient fait l’objet d’une invitation contraignante, au sens d’un ordre de recouvrement ou d’une mise en demeure, à procéder au remboursement prévu dans la décision attaquée. Tout au contraire, le fait pour le préfet de Corse d’annoncer explicitement que la République française allait contester la décision attaquée par un recours en annulation, assorti d’une demande en référé, était certainement de nature à freiner la CTC dans son intention éventuelle d’imposer immédiatement le remboursement effectif du montant dû par la SNCM.

38      Par ailleurs, l’argument de la République française selon lequel il ne saurait être reproché au préfet de Corse de ne pas avoir adressé à la SNCM un titre de recouvrement, puisqu’il appartiendrait à la CTC, qui a versé les compensations litigieuses, de récupérer les aides déclarées incompatibles avec le marché intérieur, est dénuée de pertinence dans le présent contexte. En effet, le défaut d’émission par les autorités françaises d’un titre de recouvrement est imputable à la République française, destinataire de la décision attaquée en tant qu’État membre, et ce indépendamment de toute question de répartition interne des compétences.

39      S’agissant de l’article 3, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui impose à la République française, en substance, d’annuler tout versement des compensations encore dues, il convient d’ajouter que la Commission a précisé dans ses observations, sans être démentie par la République française dans son mémoire du 8 août 2013, que le budget primitif de l’OTC pour l’année 2013, adopté le 25 juin 2013, faisait ressortir deux compensations financières supplémentaires au profit de la SNCM et de la CMN, qui devaient couvrir à la fois le service de base et le service complémentaire. C’est donc à juste titre que la Commission en a conclu que la République française, au lieu de faire procéder immédiatement à l’annulation des versements en cause, semblait plutôt disposée à exécuter la CDSP jusqu’au 31 décembre 2013.

40      Au demeurant, si la République française estime qu’il serait « quelque peu paradoxal d’exiger des autorités nationales qu’elles mènent jusqu’à son terme la procédure de récupération de l’aide en cause alors qu’elles ont introduit une demande en référé qui vise précisément à faire suspendre l’obligation de récupération en attendant l’arrêt au fond du Tribunal », cette thèse méconnaît le système des voies de droit établi par le traité FUE. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 14 ci-dessus, c’est en raison de la présomption de légalité dont bénéficient les actes adoptés par les institutions de l’Union que l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif d’un recours en annulation, tel que celui introduit par la République française. De plus, en vertu dudit article 278, seul le juge peut, dans le cadre d’une procédure de référé, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué, alors qu’un tel sursis ne saurait déjà être obtenu par le simple fait d’introduire une demande en référé, en tant que tel, sans préjudice de la faculté pour l’auteur de l’acte en cause de pouvoir renoncer, à tout moment de la procédure, à son exécution immédiate. Or, en l’espèce, la Commission n’a pas fait usage de cette faculté.

41      En outre, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre dans ses observations du 14 août 2013, la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus n’exige pas des autorités françaises qu’elles « mènent jusqu’à son terme la procédure de récupération de l’aide en cause ». Il suffit qu’elles prennent des mesures contraignantes visant à obtenir le remboursement des montants litigieux, mesures qui seraient d’ailleurs susceptibles d’être suspendues en cas de saisine du juge national (voir points 44 et suivants ci-après), ce qui pourrait empêcher les autorités françaises de mener jusqu’à son terme la procédure de récupération.

42      Dès lors, à défaut d’adoption de mesures contraignantes visant impérativement à l’exécution de la décision attaquée, avec comme conséquence inéluctable une mise en liquidation de la SNCM, la République française n’a pas établi que la condition relative à l’urgence était remplie en l’espèce.

43      Par ailleurs, à supposer que les autorités françaises aient déjà adopté de telles mesures, il convient d’examiner si la SNCM pourrait saisir les juridictions françaises pour s’y opposer utilement en vue d’éviter une éventuelle mise en liquidation.

44      En effet, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une entreprise bénéficiaire d’une aide d’État est confrontée à une décision de la Commission adressée à un État membre et ordonnant la récupération de cette aide, la circonstance qu’il existe des voies de recours internes permettant à ladite entreprise de se défendre contre les mesures de recouvrement au niveau national est susceptible de permettre à ladite entreprise d’éviter un préjudice grave et irréparable résultant du remboursement de ladite aide [ordonnance du président de la Cour 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑446/10 P(R), non publiée au Recueil, point 46 ; voir également, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 6 février 1986, Deufil/Commission, 310/85 R, Rec. p. 537, point 22 ; du 15 juin 1987, Belgique/Commission, 142/87 R, Rec. p. 2589, point 26].

45      Cette jurisprudence, qui ne saurait être limitée aux seules mesures de recouvrement d’aides déjà versées, mais doit être étendue aux mesures annulant le versement de futures aides, confère ainsi à la procédure de référé devant le juge de l’Union un caractère subsidiaire par rapport à la procédure susceptible d’être engagée devant le juge des référés national – lequel est certainement mieux placé pour apprécier la légalité d’actes nationaux et la situation financière de l’entreprise concernée au regard du droit national en matière d’insolvabilité et de liquidation –, à condition toutefois que la procédure nationale permette à cette entreprise d’éviter effectivement de subir un préjudice grave et irréparable.

46      Dans ce contexte, la République française, renvoyant à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), allègue qu’il existera toujours des voies de droit internes permettant aux entreprises bénéficiaires d’une aide d’État déclarée incompatible avec le marché intérieur de contester les mesures prises par les autorités nationales en vue de récupérer cette aide. Or, il est permis d’interpréter cette prise de position comme une reconnaissance implicite de l’existence de telles voies de recours effectives en droit national français.

47      En tout état de cause, la République française n’a pas établi, ni même prétendu, que les voies de recours internes que le droit national français offre à la SNCM pour s’opposer aux mesures contraignantes d’exécution de la décision attaquée ne lui permettraient pas d’éviter sa mise en liquidation, en invoquant devant le juge national, notamment, sa situation financière individuelle et son implication dans la CDSP signée avec la CTC et l’OTC, qui l’obligeait à assurer, jusqu’au 31 décembre 2013, la desserte de liaisons maritimes entre Marseille et la Corse. Le juge des référés ne peut donc que constater l’absence de démonstration de l’imperfection des voies de recours françaises en la matière (voir, en ce sens, ordonnance Slovénie/Commission, précitée, point 22, et la jurisprudence citée).

48      Pour cette raison supplémentaire, l’urgence ne saurait être considérée comme établie.

49      Aucun des arguments dirigés par la République française contre cette conclusion ne saurait être retenu.

50      Premièrement, dans la mesure où la République française estime que la jurisprudence relative aux voies de droit internes ouvertes à l’entreprise débitrice n’est pas applicable au référé formé par un État, il suffit de rappeler que la liquidation de la SNCM est une condition sine qua non de l’existence des trois préjudices graves et irréparables que subirait à la France. Par conséquent, aussi longtemps que la question d’une éventuelle liquidation de cette entreprise reste en suspens total, les autorités françaises n’ayant pris aucune mesure contraignante de recouvrement ou d’annulation, susceptible d’être attaquée devant le juge national, les trois préjudices allégués ne sauraient être qualifiés que de purement hypothétiques, en ce qu’ils sont fondés sur la survenance d’événements futurs et incertains.

51      Deuxièmement, s’il est vrai que la jurisprudence relative aux voies de droit internes n’a pas été appliquée dans l’ordonnance Grèce/Commission, précitée, qui concernait une décision ordonnant la récupération d’aides auprès d’environ 800 000 agriculteurs grecs, cela trouve son explication dans le fait que, aux termes de ladite ordonnance (voir points 43 à 47), une telle récupération auprès de plusieurs centaines de milliers de personnes aurait nécessité l’intervention massive des agents de l’administration fiscale, ce qui aurait empêché cette administration de se consacrer à sa tâche prioritaire consistant à lutter contre l’évasion fiscale et à collecter des sommes soustraites à l’impôt près de cinquante fois supérieures aux aides litigieuses. Le juge des référés a donc estimé que l’adoption de si nombreux ordres de paiement par les autorités nationales aurait impliqué pour l’État des difficultés administratives susceptibles de lui causer un préjudice grave et irréparable. Or, ce raisonnement concernant la seule phase administrative en amont d’éventuelles voies de recours, il était superflu pour le juge des référés de vérifier si les bénéficiaires des aides auraient pu contester les ordres de paiement devant le juge national.

52      Troisièmement, la République française fait valoir que le juge national ne peut surseoir à la récupération d’une aide d’État que dans des limites restrictives, de sorte que l’entreprise bénéficiaire n’obtient gain de cause devant ce juge que très rarement. Par conséquent, une éventuelle demande en référé formée par la SNCM devant le juge français ne pourrait constituer une alternative à la présente demande en référé introduite par la République française devant le juge des référés de l’Union, d’autant que la SNCM pourrait invoquer uniquement des préjudices qui lui sont propres, et non des préjudices qui sont propres à l’État, tels que le risque de rupture de la continuité territoriale, les risques de trouble à l’ordre public et le risque de conséquences économiques négatives dans le bassin marseillais et corse.

53      À cet égard, il convient de constater que les affirmations de la République française concernant la rareté des ordonnances de juridictions nationales faisant droit à des demandes de suspension d’ordres de recouvrement sont trop vagues et générales pour infirmer la jurisprudence exposée au point 44 ci-dessus. Ces affirmations n’apportent notamment aucun élément d’information concret en ce qui concerne les ordonnances adoptées par les juridictions françaises.

54      Par ailleurs, il existe des décisions juridictionnelles qui, dans des situations comparables à celle objet du cas d’espèce, ont fait droit aux demandes de suspension introduites devant le juge national. À titre d’exemple, il peut être renvoyé, d’une part, à l’ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission (T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 108), dont il ressort que le juge national allemand avait suspendu une procédure nationale de recouvrement d’aides d’État après que le président de la Cour eut rejeté la demande en référé introduite par la République fédérale d’Allemagne devant la Cour et concernant le même recouvrement. D’autre part, dans les affaires ayant donné lieu aux ordonnances du président du Tribunal du 1er juillet 2013, SEA Handling/Commission (T‑152/13 R, non publiée au Recueil) et du 20 juin 2013, Comune di Milano/Commission (T‑167/13 R, non publiée au Recueil), relatives à une décision de la Commission enjoignant à l’État italien de récupérer des aides d’État à hauteur de 360 millions d’euros versées à la société SEA Handling, les demandes de sursis à exécution, soutenues par la République italienne, ont fait l’objet de désistements, après que le juge administratif italien avait effectivement suspendu l’injonction de recouvrement nationale (voir Il Giorno Milano du 23 mai 2013).

55      Enfin, il est vrai qu’une demande en référé, introduite par la SNCM devant le juge français en vue d’invoquer le risque d’un préjudice grave et irréparable que cette entreprise subirait personnellement en cas d’exécution immédiate de la décision attaquée, ne saurait être considérée comme une alternative valable à la présente demande en référé introduite par la République française et visant à éviter la survenance de préjudices qui sont propres à l’État français. Cependant, dans les circonstances du cas d’espèce, une saisine du juge français par la SNCM doit être qualifiée de démarche préalable nécessaire, la République française ne pouvant justifier de l’urgence aussi longtemps que les autorités nationales n’auront pas adopté des mesures d’exécution contraignantes et que le juge national n’aura pas été saisi d’une demande de sursis à exécution. Or, l’État français détenant une part importante dans le capital social de la SNCM par le biais de la Compagnie générale maritime et financière ainsi que de la Caisse des dépôts et consignations, il devrait être aisé pour l’État et pour la SNCM de se concerter sur les démarches à entreprendre à cet effet. Au demeurant, la République française n’a fourni aucun élément d’information précis indiquant que le juge français, saisi d’une demande en référé de la SNCM, serait empêché d’apprécier, dans le cadre d’une mise en balance des intérêts en présence, la circonstance que cette entreprise est chargée d’exécuter la CDSP en assurant jusqu’au 31 décembre 2013 la desserte des liaisons maritimes entre Marseille et les ports corses susmentionnés.

56      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition relative au fumus boni juris [ordonnance du président de la Cour du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, C‑168/12 P(R), non publiée au Recueil, point 31], ni de procéder à la mise en balance des intérêts en présence [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C‑364/99 P (R), Rec. p. I‑8733, point 61].

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 août 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.