Language of document : ECLI:EU:T:2009:319

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 septembre 2009 (*)

« Aides d’État – Production de malt – Aide à l’investissement – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun – Atteinte à la concurrence – Affectation des échanges entre États membres – Obligation de motivation – Lignes directrices concernant les aides d’État dans le secteur agricole »

Dans l’affaire T‑369/06,

Holland Malt BV, établie à Lieshout (Pays-Bas), représentée initialement par Mes O. Brouwer et D. Mes, puis par Mes Brouwer, A. Stoffer et P. Schepens, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme C. Wissels, M. M. de Grave, Mme C. ten Dam et M. Y de Vries, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. Scharf et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2007/59/CE de la Commission, du 26 septembre 2006, concernant l’aide d’État accordée par les Pays-Bas en faveur de Holland Malt BV (JO L 32, p. 76),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Holland Malt BV, est une association momentanée entre la brasserie Bavaria NV, laquelle produit de la bière et des boissons non alcoolisées, et Agrifirm, une coopérative au sein de laquelle coopèrent des producteurs de céréales d’Allemagne et du nord des Pays-Bas. La requérante a obtenu un brevet qui lui permet de produire et de vendre du malt HTST (High Temperature, Short Time), lequel est une catégorie de malt qui augmente la stabilité du goût, du parfum et du caractère pétillant de la bière ainsi que sa durée de conservation.

2        Le gouvernement des Pays-Bas a décidé d’accorder une aide à l’investissement d’un montant de 7 425 000 euros à la requérante dans le cadre d’un programme d’investissement régional intitulé « Regionale investeringsprojecten 2000 », dont la portée a été ultérieurement étendue aux secteurs de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles mentionnés à l’annexe I du traité CE.

3        La subvention accordée à la requérante est destinée à la construction d’une malterie à Eemshaven (Pays-Bas) et vise à regrouper sur un même site différentes opérations, telles que l’entreposage et la transformation de l’orge de brasserie, ainsi que la production et le commerce du malt. Le versement effectif de la subvention a été suspendu jusqu’à son approbation par la Commission. L’investissement dans ce projet devait être réalisé avant le 1er juillet 2005, afin d’obtenir le paiement de la subvention.

4        La capacité de production prévue de la malterie d’Eemshaven est de 120 000 tonnes par an. À la suite de la construction de cette dernière et de la fermeture d’unités de production à Lieshout (Pays-Bas) et à Wageningen (Pays-Bas), la capacité de production annuelle de la requérante devait être de 205 000 tonnes de malt en 2005 alors qu’elle était de 150 000 tonnes (à Lieshout et à Wageningen) en 2001. Les travaux de construction ont commencé en février 2004 et, selon la Commission dans la décision attaquée, la malterie est devenue opérationnelle en 2005.

5        Par lettre du 31 mars 2004, les Pays-Bas ont notifié la subvention à la Commission conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE et au point 4.2.6 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole (JO 2000, C 28, p. 2, ci-après les « lignes directrices »). Le 5 mai 2005, la Commission a ouvert une procédure au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Ladite procédure ayant retardé le paiement de la subvention au-delà du délai de réalisation initial fixé par le gouvernement néerlandais, la requérante a demandé une extension de ce délai jusqu’à l’adoption par la Commission d’une décision concernant la subvention.

6        Le 26 septembre 2006, la Commission a adopté la décision 2007/59/CE concernant l’aide d’État accordée par les Pays-Bas en faveur de Holland Malt (JO L 32, p. 76, ci-après la « décision attaquée »).

7        Dans la décision attaquée, la Commission a conclu que la mesure litigieuse, qui concernait un investissement visant à améliorer la qualité des produits de la requérante et à augmenter ses capacités de production, constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Elle a ensuite examiné si ladite mesure pouvait néanmoins être déclarée compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

8        Dans ce contexte, la Commission a constaté qu’il n’existait pas de marché séparé pour du malt HTST ou du malt premium. Ensuite, elle a fait référence au point 4.2.5 des lignes directrices, selon lequel « aucune aide ne peut être accordée [pour des investissements liés à la transformation de produits agricoles] s’il n’est pas suffisamment démontré que des débouchés normaux peuvent être trouvés sur le marché pour les produits en cause ». Elle a constaté à cet égard qu’il existait une surcapacité sur les marchés mondial et communautaire du malt et qu’il n’était pas démontré que les débouchés normaux existaient sur le marché.

9        Essentiellement pour ces motifs, la Commission a constaté, à l’article 1er de la décision attaquée, que l’aide litigieuse était incompatible avec le marché commun. En vertu de l’article 2 de la décision attaquée, le Royaume des Pays-Bas est tenu de retirer l’aide d’État. L’article 3 de la décision attaquée impose au Royaume des Pays-Bas l’obligation de récupérer auprès du bénéficiaire l’aide indûment mise à sa disposition. Selon l’article 4 de la décision attaquée, le Royaume des Pays-Bas doit informer la Commission des mesures prises pour se conformer à la décision attaquée.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2007, le Royaume des Pays-Bas a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la requérante. Par ordonnance du 12 juin 2007, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

12      Le Royaume des Pays-Bas a déposé son mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 novembre 2008.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, totalement ou partiellement, les articles 1er, 2, 3 et 4 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      Le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

17      La requérante soulève quatre moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Les troisième et quatrième moyens sont tirés respectivement d’une violation du principe de bonne administration et d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE.

18      Le Tribunal estime utile d’examiner ensemble le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, et la première branche du quatrième moyen, ayant trait à l’insuffisance de motivation s’agissant de la qualification de la mesure litigieuse d’aide d’État.

1.     Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, et la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation s’agissant de la qualification de la mesure en cause d’aide d’État

 Arguments des parties

19      En premier lieu, la requérante estime que la Commission, en n’établissant pas que la mesure litigieuse constituait une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, a violé cette disposition, ainsi que son obligation de motivation.

20      Elle fait valoir que, pour établir qu’une mesure étatique constitue une aide qui peut avoir un impact sur la concurrence et qui peut affecter les échanges entre États membres, la Commission doit effectuer une analyse correcte de la situation du marché en cause, de la position du bénéficiaire et de ses concurrents au sein de ce marché, des conditions d’échanges entre États membres et indiquer l’avantage conféré par la mesure dans les échanges intracommunautaires. À cet égard, elle se réfère aux arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809), du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission (C‑329/93, C‑62/95 et C‑63/95, Rec. p. I‑5151), et du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855).

21      La Commission devrait établir que la mesure a un effet réel, plutôt que totalement théorique, sur les conditions des échanges entre États membres. En outre, selon l’arrêt de la Cour du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission (248/84, Rec. p. 4013, point 18), elle devrait vérifier si la mesure en cause octroie « un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres ».

22      En se référant à l’arrêt Allemagne e.a./Commission, point 20 supra, la requérante fait valoir que, en l’absence de la présentation des données concernant ses exportations extracommunautaires et de son chiffre d’affaires vers des destinations à l’intérieur de la Communauté, la motivation de la décision attaquée est encore moins détaillée que celle de la décision litigieuse annulée par ledit arrêt en raison d’une insuffisance de motivation.

23      En deuxième lieu, elle reproche à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation en n’ayant pas tenu compte de l’existence d’un marché distinct pour le malt premium. En raison des caractéristiques innovatrices de son produit malté, elle opérerait sur un segment distinct du marché, à savoir le marché du malt premium, sur lequel elle ne serait pas en concurrence avec les producteurs de malt communautaires traditionnels. Par conséquent, la mesure litigieuse ne serait pas susceptible de fausser la concurrence entre les producteurs de malt standard se livrant à des échanges de malt entre les États membres.

24      En troisième lieu, selon la requérante, la Commission a erronément déterminé la période pertinente et conclu que le marché du malt était en déclin. Ces erreurs l’auraient amenée à considérer, à tort, qu’il pourrait exister un risque que la mesure litigieuse favorise une société au sein d’un marché concurrentiel et, dès lors, fausse la concurrence.

25      Elle fait également valoir que la Commission a fait référence, à tort, à la situation du marché du malt en 2004 pour établir que celui-ci était en déclin. Selon elle, les conditions des échanges prévalant durant les périodes 2003/2004 et 2004/2005 sont dénuées de pertinence, puisque, durant cette période, le Royaume des Pays-Bas n’avait que l’intention d’octroyer une subvention concernant une unité de production qui n’était, par ailleurs, pas encore opérationnelle. Dès lors, tout avantage concurrentiel et tout impact sur la concurrence et sur les conditions des échanges au sein de la Communauté ne se seraient matérialisés que lorsque le Royaume des Pays-Bas aurait octroyé la subvention à la requérante.

26      Elle estime que, pour apprécier l’impact de la subvention sur la concurrence et les conditions des échanges, la Commission aurait dû prendre en considération soit les années au cours desquelles la subvention aurait été payée, soit l’année au cours de laquelle l’usine d’Eemshaven était devenue pleinement opérationnelle et que ses produits avaient été mis sur le marché, à savoir l’année 2006 et la période subséquente.

27      En quatrième lieu, la requérante soutient que, puisque la production de la nouvelle usine d’Eemshaven est presque entièrement destinée à être exportée vers des pays tiers, l’aide n’a pas un impact significatif sur les échanges intracommunautaires. Elle fait valoir que le volume des ventes de l’année 2005 vers des destinations intracommunautaires, prévu dans son programme d’activités de l’année 2003, s’élevait à 71 540 tonnes, alors que le volume des ventes vers des destinations intracommunautaires était d’environ 50 000 tonnes en 2003. Cela signifierait uniquement qu’elle aurait projeté à cette époque une augmentation du volume des ventes d’environ 20 000 tonnes vers des destinations intracommunautaires, et ce s’agissant de l’ensemble de la société, après que l’usine d’Eemshaven était devenue opérationnelle.

28      En outre, les ventes projetées vers des destinations au sein de la Communauté comprendraient des ventes effectuées à partir de l’unité de production à Lieshout, laquelle ne serait pas pertinente dans le cadre de l’appréciation de la Commission. Les ventes provenant de l’usine d’Eemshaven concerneraient également l’utilisation des capacités de cette usine qui remplaceraient des capacités qui auraient été fermées à Lieshout.

29      Le Royaume des Pays-Bas soutient les arguments de la requérante relatifs à l’existence d’un segment distinct du marché du malt, au sein duquel la requérante n’est pas en concurrence avec les producteurs traditionnels de malt de la Communauté.

30      La Commission fait valoir que le premier moyen est irrecevable au motif que, à l’exception d’une vague indication selon laquelle la subvention n’avait pas d’impact appréciable sur les échanges ni d’impact significatif sur la concurrence, les éléments de droit et de fait sur lesquels il serait fondé ne ressortent pas clairement des arguments avancés. Au demeurant, elle conteste également la validité des arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la recevabilité du premier moyen

31      À titre liminaire, en ce qui concerne les doutes soulevés par la Commission quant à la recevabilité du premier moyen, il convient de relever que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais de façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20).

32      En l’espèce, il y a lieu de constater, d’une part, que, dans sa défense, la Commission a répondu au premier moyen de la requérante d’une façon détaillée et, d’autre part, que la requérante avait le droit de développer ce moyen et d’apporter toutes les précisions utiles dans le mémoire en réplique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533, point 4), ce qu’elle a précisément fait, en l’étayant avec des allégations factuelles et des griefs relatifs à l’appréciation de la Commission, qui figuraient déjà dans la requête sous le deuxième moyen.

33      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les griefs de la Commission concernant le premier moyen ne sont pas de nature à l’empêcher de défendre effectivement ses intérêts ni d’entraver le Tribunal dans l’exercice de son contrôle juridictionnel. Le premier moyen étant donc recevable, il convient d’examiner son bien-fondé.

 Sur la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

34      La requérante fait valoir, par une argumentation qui se chevauche avec celle avancée dans le cadre de la première branche du quatrième moyen, que la Commission n’a pas établi, dans la décision attaquée, que la mesure litigieuse constituait une aide d’État et qu’elle a commis des erreurs d’appréciation à cet égard.

35      Selon une jurisprudence constante, pour qu’une mesure soit qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, quatre conditions doivent être réunies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou faite au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit accorder un avantage à son bénéficiaire, troisièmement, elle doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, point 75, et du Tribunal du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, non encore publié au Recueil, point 44).

36      Dans le cas d’espèce, la requérante ne conteste pas que les deux premières conditions sont remplies. Elle allègue cependant que la Commission n’a pas établi que la mesure litigieuse affectait les échanges entre États membres et faussait ou menaçait de fausser la concurrence.

37      Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue non pas d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec. p. I‑3679, point 44, et du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec. p. I‑10901, point 111).

38      En l’espèce, aux considérants 35 à 38 de la décision attaquée, la Commission a fourni les motifs suivants quant à l’affectation des échanges intracommunautaires et à la possibilité d’une distorsion de la concurrence :

« (35) La mesure d’aide en cause consiste à subventionner directement les investissements […]

(36) […] le renforcement de la position d’une entreprise bénéficiaire d’une aide d’État par rapport à ses concurrentes atteste généralement une distorsion de concurrence au détriment des entreprises qui n’ont pas bénéficié de l’aide considérée.

(37) Une mesure d’aide influe défavorablement sur les échanges intracommunautaires dès lors qu’elle entrave les importations en provenance ou les exportations à destination d’autres États. Il s’agit essentiellement de savoir en l’occurrence si la mesure [litigieuse] entraîne ou risque d’entraîner une évolution différente des échanges intracommunautaires.

(38) La mesure en cause concerne un produit (le malt) pour lequel le volume des échanges intracommunautaires est important. En 2004, quelque 1,3 million de tonnes de malt ont été [échangés entre les 25 États membres de l’UE], ce qui représentait environ 15 % de la production communautaire totale de malt pour cette année-là. Le secteur du malt est donc exposé à la concurrence […] »

39      En premier lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel, en raison des caractéristiques innovatrices de son malt HTST produit par la malterie d’Eemshaven, elle opère sur un marché distinct, à savoir celui du malt premium, sur lequel elle ne serait pas en concurrence avec les autres producteurs communautaires.

40      En répondant aux arguments de la requérante et du Royaume des Pays-Bas avancés à cet égard au cours de la procédure administrative, la Commission a examiné la question de l’existence d’un marché distinct pour le malt premium dans les considérants 78 à 89 de la décision attaquée. En s’appuyant sur les observations de plusieurs associations nationales de malteurs (les associations finlandaise, du Royaume-Uni, française et danoise) qui ont considéré qu’il n’existait pas un marché distinct pour le malt premium (considérants 18, 19, 21 et 22 de la décision attaquée), la Commission a constaté que le malt était plutôt un produit de caractère générique, dont les caractéristiques présentaient de légères variations, et qui était soumis à des normes de qualité imposées par les brasseries (considérant 81 de la décision attaquée). Elle a affirmé que toutes les sources statistiques sur la production soumises au cours de la procédure administrative [Eurostat (office statistique des Communautés européennes], Euromalt, Conseil international des céréales) ne concernaient que le marché du malt en général. Elle a précisé que le Royaume des Pays-Bas et la requérante eux-mêmes n’avaient pas fourni de données relatives à des capacités existantes en ce qui concerne le malt premium en général et sa production en particulier (considérant 87 de la décision attaquée).

41      Il est constant que, au cours de la procédure devant le Tribunal, ni la requérante ni le Royaume des Pays-Bas n’ont fourni de données statistiques distinctes spécifiquement relatives à la production ou à la commercialisation du malt premium. Ils ne se sont, par ailleurs, référés qu’aux chiffres concernant le malt en général, sans distinguer le « malt standard » du « malt premium » que constituerait le malt HTST de la requérante.

42      La requérante s’est bornée à se référer à un rapport de Frontier Economics d’octobre 2005, intitulé « Holland Malt » (ci-après le « rapport de Frontier Economics »), qui a, selon elle, « confirmé que, dans la mesure où les ventes de HTST rempla[çaient] les ventes existantes de malt standard, cela [faisait] partie d’un processus naturel d’innovation au sein du marché, dont l’occurrence [était] prévue en tout état de cause ». En outre, il convient de relever que le rapport de Frontier Economics, qui a été, par ailleurs, commandé par la requérante selon les informations fournies par les parties lors de l’audience, contient aussi l’observation suivante : « on s’attend à ce que le malt HTST […] produit à Eemshaven remplace, au moins en partie, les ventes […] des autres producteurs de malt standard, y compris ceux qui disposent de capacités excédentaires ».

43      Il y a lieu de constater que, par ces affirmations, la requérante et le rapport de Frontier Economics indiquent clairement que le malt HTST, qui appartiendrait à la catégorie du malt premium, est substituable au malt « standard », ce qui renforce la constatation de la Commission selon laquelle le malt HTST de la requérante fait concurrence au malt d’autres producteurs.

44      Dès lors, il convient de considérer que les allégations de la requérante concernant l’existence d’un marché distinct de malt premium ou HTST sont dénuées de fondement et que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation à cet égard.

45      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas établi que la mesure litigieuse avait un effet réel sur les conditions des échanges entre États membres et, en particulier, a commis une erreur d’appréciation en ne tenant pas compte du fait que la production de la nouvelle usine d’Eemshaven sera presque entièrement exportée vers les pays tiers.

46      Premièrement, à cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges intracommunautaires, mais seulement d’examiner si elles sont susceptibles de les affecter.

47      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 11 ; du 22 novembre 2001, Ferring, C‑53/00, Rec. p. I‑9067, point 21, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, point 37 supra, point 52).

48      Or, la mesure litigieuse étant une subvention à un investissement visant à la modernisation et à l’accroissement des capacités de production de la requérante, elle renforce nécessairement la position concurrentielle de la requérante par rapport à celle de ses concurrents, qui doivent soit financer de tels investissements au moyen de leurs propres ressources, soit y renoncer. En outre, l’affirmation contenue dans le rapport de Frontier Economics (voir point 42 ci-dessus), selon laquelle le malt produit à l’usine d’Eemshaven est supposé remplacer les ventes d’autres producteurs européens, indique explicitement que les entreprises communautaires figurent parmi les concurrents de la requérante.

49      En outre, il convient de relever que la requérante elle-même admet qu’elle participe aux échanges communautaires. Ainsi, au cours de la procédure administrative, elle a indiqué que, en 2005, elle avait l’intention de vendre 71 540 tonnes de malt en Europe et qu’elle réalisait 42 % de ses ventes dans le cadre d’échanges intracommunautaires. Par ailleurs, l’argument selon lequel seule l’usine d’Eemshaven est à prendre en considération à cet égard ne saurait être retenu, dès lors que, selon la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, c’est le renforcement de la position de l’entreprise bénéficiaire qu’il convient d’examiner, et non la situation de ses unités particulières de production.

50      En tout état de cause, en déclarant à plusieurs reprises, dans les pièces soumises au Tribunal, que la nouvelle usine d’Eemshaven oriente sa production « presque entièrement » vers des pays tiers, la requérante a implicitement reconnu qu’une partie de ladite production était vendue dans la Communauté. Or, le caractère réduit du volume absolu des ventes qui participent aux échanges intracommunautaires, ou la proportion limitée desdites ventes par rapport à la totalité de la production d’une entreprise, est sans pertinence du point de vue de l’appréciation de l’affectation desdits échanges, étant donné que, selon la jurisprudence, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel il peut être considéré que les échanges entre États membres ne sont pas affectés (arrêt de la Cour du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, Rec. p. I‑1627, point 32).

51      À titre surabondant, il convient de rappeler que la Commission n’avait pas l’obligation de démontrer que la requérante exportait effectivement du malt vers les autres États membres, étant donné que, selon la jurisprudence, le renforcement d’une entreprise ne participant pas, jusqu’alors, à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d’un autre État membre, de sorte qu’une mesure ayant pour résultat un tel renforcement peut affecter lesdits échanges (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, point 37 supra, point 117).

52      Dès lors, force est de constater que les circonstances mentionnées par la Commission (voir point 38 ci-dessus), à savoir le renforcement de la position de la requérante par rapport à ses concurrents et le fait qu’un volume important de malt fait l’objet d’échanges intracommunautaires, suffisent pour établir que la mesure litigieuse est susceptible d’affecter les échanges intracommunautaires, de sorte que les arguments de la requérante à cet égard sont dépourvus de tout fondement.

53      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas établi que la mesure litigieuse faussait la concurrence. En particulier, la Commission aurait erronément déterminé la période pertinente pour son examen et considéré que le marché en cause était en déclin. Ces erreurs l’auraient amenée à estimer, à tort, que la mesure litigieuse faussait la concurrence.

54      À cet égard, il convient de rappeler que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec. p. II‑1675, points 48 et 77 ; du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 43, et du 23 novembre 2006, Ter Lembeek/Commission, T‑217/02, Rec. p. II‑4483, point 177).

55      La Cour a aussi jugé qu’une aide qui allégeait les coûts de la transformation des installations de production du bénéficiaire lui procurait un avantage concurrentiel par rapport aux fabricants qui avaient réalisé ou avaient l’intention de réaliser à leurs propres frais une transformation analogue des capacités de leurs installations (voir, en ce sens, arrêt Philip Morris Holland/Commission, point 47 supra, point 11). Il ressort donc clairement de la jurisprudence que c’est non seulement l’allègement, par les ressources d’État, des coûts de la gestion courante ou des activités normales d’une entreprise qui est ipso facto susceptible de fausser la concurrence, mais aussi la subvention qui décharge le bénéficiaire de tout ou partie des coûts d’un investissement.

56      Dès lors, force est de constater que les éléments invoqués par la Commission aux considérants 35 et 36 de la décision attaquée (repris au point 38 ci-dessus), à savoir le fait que la mesure litigieuse vise à subventionner un investissement et qu’elle renforce la position du bénéficiaire par rapport à celle de ses concurrents, impliquent nécessairement que la mesure litigieuse est susceptible de fausser la concurrence. Il s’ensuit que les arguments de la requérante concernant la période pertinente à prendre en considération dans le cadre de l’examen et la question de savoir si le marché était en déclin n’ont aucune incidence sur l’appréciation de l’affectation de la concurrence dans le cas d’espèce, étant donné qu’ils ne remettent pas en cause le fait que la subvention renforce sa position par rapport à celle de ses concurrents, de sorte qu’il convient de les rejeter comme étant inopérants.

57      Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que la Commission a correctement établi que la mesure litigieuse était susceptible d’affecter les échanges intracommunautaires et de fausser la concurrence et, dès lors, que la mesure litigieuse constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, de sorte que l’ensemble des arguments de la requérante concernant la violation de ladite disposition doit être rejeté.

 Sur la motivation de la décision attaquée concernant l’affectation des échanges intracommunautaires et de la concurrence

58      En ce qui concerne l’obligation de motivation au sens de l’article 253, CE, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêts du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, Rec. p. II‑1399, point 230, et du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 278). La motivation d’un acte doit faire apparaître clairement le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés d’en comprendre le fondement et au juge d’en contrôler le bien-fondé, sans cependant qu’il soit exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit et de fait pertinents, puisque la question de savoir si elle satisfait à l’article 253 CE s’apprécie compte tenu tant du libellé de cet acte que de son contexte juridique et factuel (arrêts de la Cour du 20 mars 1957, Geitling/Haute Autorité, 2/56, Rec. p. 9, 37, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, Rec. p. I‑6079, point 66).

59      S’agissant plus particulièrement d’une décision en matière d’aides d’État, selon une jurisprudence constante, s’il peut ressortir, dans certains cas, des circonstances mêmes dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (arrêts Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, point 20 supra, point 24 ; Italie et Sardegna Lines/Commission, point 20 supra, point 66, et arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land-Nordrhein Westfalen/Commission, point 58 supra, point 292).

60      Dans le cas d’espèce, la Commission a exposé d’une façon cohérente les circonstances pertinentes, qui, ainsi que le Tribunal l’a conclu aux points 52 et 56 ci-dessus, suffisent pour démontrer que la mesure litigieuse était susceptible d’affecter les échanges intracommunautaires et de fausser la concurrence.

61      La requérante ne saurait valablement prétendre que la jurisprudence à laquelle elle se réfère (voir points 20 à 22 ci-dessus) exige que la Commission effectue un examen plus approfondi à cet égard.

62      En ce qui concerne l’arrêt Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabrik/Commission, point 20 supra (point 24), la Cour a indiqué que la décision litigieuse ne comportait pas la moindre indication relative à la situation du marché considéré, la position du bénéficiaire sur ce marché, les courants d’échanges et les exportations de l’entreprise. Ce faisant, la Cour a indiqué les facteurs qui pouvaient être pertinents du point de vue de l’appréciation de l’affectation des échanges intracommunautaires dans l’affaire donnant lieu audit arrêt, en soulignant que la Commission n’en avait examiné aucun. Cependant, il ne ressort nullement dudit arrêt que la Commission devrait, dans chaque cas individuel, apprécier chacun de ces facteurs.

63       De même, la Cour et le Tribunal ont déjà jugé à cet égard qu’il suffit que la Commission établisse que les aides considérées sont de nature à affecter les échanges entre les États membres et menacent de fausser la concurrence, sans qu’il soit nécessaire de délimiter le marché en cause et d’analyser sa structure ainsi que les rapports de concurrence en découlant (voir, en ce sens, arrêt Philip Morris Holland/Commission, point 47 supra, points 9 à 12, et arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319, point 95).

64      S’agissant de l’arrêt Italie et Sardegna Lines/Commission, point 20 supra, il ressort clairement du point 69 dudit arrêt que le motif d’annulation de la décision litigieuse, datant de 1997 et concernant le secteur de la navigation en Sardaigne (Italie), était que la Commission avait omis d’expliquer la raison pour laquelle un régime d’aides en faveur des armateurs sardes aurait pu affecter les échanges intracommunautaires dans le secteur concerné, eu égard notamment au fait que le cabotage n’avait été libéralisé au niveau communautaire que deux ans après l’adoption de ladite décision. Ce motif d’annulation, bien spécifique à ladite affaire, ne pourrait donc avoir une incidence sur l’appréciation de la décision attaquée, laquelle concerne un secteur auquel s’appliquent les règles de la libre circulation des marchandises.

65      La requérante ne saurait pas davantage se référer à l’arrêt Allemagne e.a./Commission, point 20 supra, à l’appui de son argumentation. Tout d’abord, l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait une garantie bancaire visant à permettre à l’entreprise bénéficiaire d’acquérir la majeure partie du capital d’une autre entreprise, ce qui constitue une différence factuelle sensible par rapport au cas d’espèce. En effet, en l’espèce, la mesure litigieuse consiste en un investissement visant à améliorer et à augmenter la production du bénéficiaire, de sorte que les circonstances pertinentes devant être exposées par la Commission dans la décision attaquée ne sauraient être identiques à celles prévalant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Allemagne e.a./Commission, point 20 supra. Ensuite, s’il est vrai que, dans cette affaire, la Commission avait fourni quelques données spécifiques quant à l’entreprise acquise, il n’en reste pas moins que, dans le cadre de son appréciation menant à la constatation d’une insuffisance de motivation, la Cour a attaché une grande importance au fait que l’examen de la Commission avait été limité à l’entreprise acquise et qu’aucune appréciation relative à la situation du bénéficiaire n’avait été effectuée. Or, dans le cas d’espèce, l’intégralité de l’examen effectué par la Commission porte sur l’entreprise bénéficiaire.

66      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que la décision attaquée est suffisamment motivée quant à l’affectation des échanges intracommunautaires et de la concurrence.

67      Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen et la première branche du quatrième moyen invoqués par la requérante.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, et la seconde branche du quatrième moyen, concernant l’insuffisance de motivation à cet égard

68      Le Tribunal estime utile d’examiner ensemble le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, et la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une insuffisance de motivation quant à l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

69      Le deuxième moyen se subdivise en quatre branches. La première branche est tirée d’une interprétation et d’une application erronée des lignes directrices. La deuxième branche concerne l’absence de mise en balance adéquate, d’une part, des effets bénéfiques de la mesure litigieuse et, d’autre part, de son impact sur les conditions des échanges intercommunautaires. La troisième branche est tirée d’une erreur d’appréciation concernant l’impact de la subvention sur les capacités de production dans le secteur du malt. La quatrième branche est tirée de l’absence de prise en considération des événements et des développements ayant eu lieu entre l’adoption de la décision d’octroi de la subvention et l’adoption de la décision attaquée.

70      Il convient de procéder à un examen conjoint de la première et de la troisième branches du deuxième moyen, étant donné que l’analyse de la première branche nécessite également l’appréciation de questions relatives aux capacités existantes et escomptées, ainsi qu’au fait que la mesure litigieuse vise à une augmentation des capacités de production de la requérante.

 Sur la première et la troisième branches, tirées respectivement d’une interprétation et d’une application erronées des lignes directrices et d’une erreur d’appréciation concernant la surcapacité

 Arguments des parties

71      La requérante fait valoir que le type d’investissement et de produits en cause indique clairement qu’elle peut trouver des débouchés normaux sur le marché pour ses produits au sens du point 4.2.5 des lignes directrices. Cela concernerait principalement des débouchés sur les marchés en croissance à l’extérieur de la Communauté, de sorte que l’impact de l’investissement sur les capacités au sein du marché du malt à l’intérieur de la Communauté serait neutre ou, tout au plus, marginal.

72      S’agissant des produits concernés, la requérante fait valoir que la malterie en question ne produira que du malt HTST, une catégorie de malt innovante. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir apprécié la question plus large de savoir si des débouchés normaux peuvent être trouvés sur le marché pour le malt premium.

73      Concernant le type d’investissement, la requérante fait valoir que l’investissement lui a permis de moderniser ses installations de production de malt et de déplacer ses capacités à partir de sites continentaux et inefficaces vers un site au bord de la mer, avec un accès facile à l’orge maltée. Elle affirme que les nouvelles capacités d’Eemshaven permettent ainsi d’orienter une bonne partie des ventes vers l’exportation et de répondre à la demande croissante de livraison de malt en vrac par les sociétés brassicoles, ce qui confirme que des débouchés normaux sont et seront trouvés sur le marché pour ses produits.

74      Concernant l’appréciation des capacités existantes et escomptées sur le marché communautaire du malt, la requérante considère, en substance, que la Commission a erronément interdit l’aide en question, alors qu’il était évident que la surcapacité existant sur le marché du malt communautaire et mondial n’était pas structurelle et serait corrigée dans un futur proche.

75      À cet égard, elle soutient que le secteur du malt dans la Communauté est caractérisé par une tendance à déplacer la capacité de production d’usines de maltage inefficaces, situées loin de la mer, vers des usines de maltage modernes, situées dans des ports ou au bord de voies navigables importantes et qui ont un accès facile à l’orge maltée. En s’appuyant sur le rapport de RM International du 22 avril 2005 concernant le marché du malt (ci-après le « rapport de RM International ») et sur les divers rapports de H. M. G., elle fait valoir que, premièrement, ce processus de modernisation a mené à des capacités davantage orientées vers l’exportation de malt vers les pays tiers plutôt que vers les échanges intracommunautaires, ainsi qu’à l’établissement d’une séparation plus claire entre les malteries situées loin des ports, qui livrent leur production sur les marchés nationaux à l’intérieur de la Communauté et les malteries modernisées, qui livrent leur production sur les marchés à l’exportation en croissance, en dehors de la Communauté. Deuxièmement, ce processus serait renforcé par la tendance selon laquelle les producteurs de malt devraient faire face à une demande croissante émanant de sociétés brassicoles pour des fournitures de malt en vrac et seules les usines de malt modernes, situées dans des ports, pourraient répondre à cette demande. Troisièmement, la requérante affirme que ce processus mène davantage à l’établissement de sites qui ont un accès facile à l’orge maltée, plutôt qu’à l’établissement de sites qui n’y ont pas un accès facile, ce qui a pour effet que les malteries qui n’ont pas un accès suffisant à l’orge maltée devraient fermer des capacités et être remplacées par des capacités modernisées, proches des sources d’orge maltée.

76      À cet égard, la requérante estime, tout d’abord, que rien n’étaye la conclusion de la Commission selon laquelle l’investissement en cause peut avoir un effet négatif sur les capacités de production de malt et les conditions des échanges au sein de la Communauté. Elle fait valoir que la partie des nouvelles capacités d’Eemshaven, qui est orientée vers des destinations européennes, remplace la capacité des sites continentaux qui ont été fermés à Lieshout et à Wageningen. Elle affirme que la capacité additionnelle d’Eemshaven serait de 55 000 tonnes.

77      Pour étayer cet argument, elle se réfère au tableau des ventes reproduit dans l’« Aperçu des ventes de HM par Deloitte » du 6 décembre 2006 selon lequel, au cours de l’année 2006, l’usine de malt d’Eemshaven aura une production de presque 112 220 tonnes, dont 79 449 tonnes seront livrées vers des destinations en dehors de la Communauté et 32 767 tonnes seront livrées à des destinations à l’intérieur de la Communauté, dont il découle que toute capacité additionnelle d’Eemshaven sera presque exclusivement orientée vers des destinations en dehors de la Communauté.

78      Elle reproche à la Commission de ne pas avoir adopté une approche dynamique et de ne pas avoir apprécié l’impact de la subvention à la lumière de l’évolution du marché et de la nature cyclique de ce marché en général. Elle fait observer que cette attitude anticipative découle également du texte du point 4.2.5 des lignes directrices, qui énonce que la Commission doit apprécier si des débouchés normaux peuvent être trouvés à la lumière des capacités existantes et escomptées sur le marché du malt. Elle fait référence à l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission (T‑380/94, Rec. p. II‑2169), dans lequel le Tribunal a confirmé la méthode d’appréciation dynamique appliquée par la Commission qui concernait les tendances dynamiques probables même au-delà de la date à laquelle la nouvelle capacité de textile serait introduite sur le marché.

79      La requérante estime que la Commission n’a pas procédé à une telle appréciation en l’espèce, puisqu’elle n’a pas tenu compte des rapports portant sur le marché du malt, notamment le rapport de RM International, qui ont déclaré qu’en 2005 et en 2006 le marché du malt à l’intérieur de la Communauté subissait des changements structurels importants et que très rapidement la demande y dépasserait l’offre en raison des perspectives d’augmentation de la production de la bière et de la demande de malt. Elle estime que la Commission aurait dû se concentrer sur la période postérieure au moment auquel l’usine d’Eemshaven aurait atteint sa pleine capacité, à savoir en 2006 et au-delà.

80      La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir tenu compte des rapports de H. M. G., en particulier du rapport du 13 juillet 2006 sur l’état du marché du malt (ci-après le « rapport G. de juillet 2006 »), qui mentionne que, « en ce qui concerne l’équilibre entre l’offre et la demande de malt, on peut dire qu’il n’y a plus de grande surcapacité [… ; t]oute surcapacité restante se situe dans une marge acceptable ». La requérante allègue également que, lors des réunions auxquelles elle a participé avec la Commission, H. M. G. a attiré l’attention de celle-ci sur un changement radical visible sur le marché entre le début de l’année 2006 et juillet 2006, ce qui avait eu pour effet que la situation de l’offre et de la demande de malt était bien plus équilibrée.

81      La requérante estime que la Commission a effectué une appréciation erronée des perspectives de croissance sur les marchés à l’exportation en dehors de la Communauté. Selon elle, la Commission a erronément considéré que la demande de malt croissante en Asie du Sud-Est pourrait être satisfaite par l’Australie et que les marchés du malt en croissance en Amérique du Sud et en Afrique allaient être satisfaits par les nouvelles constructions en Argentine et par l’élargissement du Mercosur au Venezuela et « éventuellement » à d’autres pays d’Amérique du Sud.

82      Elle estime que ses débouchés commerciaux sur les marchés émergents en dehors de la Communauté devraient être considérés comme des débouchés commerciaux supplémentaires. Elle fait valoir que, même si elle entrait partiellement en concurrence pour ces débouchés avec les producteurs de malt communautaires, les décisions que la Commission prend habituellement en application des lignes directrices montrent que cela ne peut fonder un refus de déclarer la mesure litigieuse compatible avec le marché commun.

83      Concernant la possibilité d’une réorientation de ses activités vers le marché communautaire, mentionnée dans le considérant 76 de la décision attaquée, elle soutient que cela n’est pas raisonnablement prévisible dans la mesure où elle a trouvé, et trouve actuellement, des débouchés suffisants sur le marché pour ses produits et qu’elle profitera continuellement d’une croissance du marché dans des pays en dehors de la Communauté.

84      Elle se réfère au rapport de H. M. G. de novembre 2006 sur l’état de l’industrie du malt, selon lequel la capacité mondiale théorique sera pleinement absorbée, même dépassée, par la demande mondiale de malt en 2007, de sorte que le marché sera caractérisé par une pénurie de malt dans le futur.

85      Elle doute du fait que le nombre de licences d’exportation soit une source fiable au soutien de conclusions quant à la part de la Communauté dans le commerce mondial du malt. Elle estime qu’une diminution du nombre de licences d’exportation obtenues dans la Communauté peut également être liée à des déficits temporaires d’orge maltée au sein de la Communauté. Ainsi, ce chiffre ne donnerait pas une bonne indication du potentiel de la Communauté d’augmenter sa part dans les échanges mondiaux de malt. Elle considère que les chiffres relatifs à la capacité devraient toujours être interprétés et analysés à la lumière des changements structurels qui se sont produits au sein du secteur communautaire du malt.

86      La requérante conteste la méthode utilisée par la Commission pour définir la situation de surcapacité sur le marché du malt, en particulier la référence à un taux d’utilisation de 98 %, qui, selon elle, ne reflète pas correctement la capacité au sein de la Communauté. En effet, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que presque aucune usine ne produirait durant toute l’année, des travaux de réparations et d’amélioration ayant régulièrement lieu. Tout en reconnaissant qu’elle ne dispose pas d’information précise concernant l’utilisation de la capacité de fabrication dans son ensemble, la requérante estime que celle-ci est probablement inférieure à 98 %.

87      Elle reproche à la Commission le fait que ses appréciations, dans la décision attaquée, concernant l’impact de l’investissement sur la capacité sur le marché communautaire du malt sont principalement fondées sur les chiffres fournis par Euromalt, une association de producteurs de malt qui sont ses concurrents et qui ont donc un intérêt commercial à s’opposer à la modernisation de ses capacités. Elle fait valoir que les lettres d’Euromalt ne spécifient pas comment les calculs des capacités de malt et de demandes de malt ont été effectués et que la Commission aurait dû vérifier les méthodes utilisées pour effectuer ces calculs et examiner s’ils reflétaient correctement la capacité existant dans le secteur du malt.

88      Le Royaume des Pays-Bas soutient les arguments de la requérante.

89      La Commission conteste les arguments de la requérante et du Royaume des Pays-Bas.

 Appréciation du Tribunal

90      L’article 87, paragraphe 3, sous c), CE permet à la Commission, par dérogation à l’interdiction générale établie à l’article 87, paragraphe 1, CE, de déclarer compatibles avec le marché commun « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ».

91      Selon le point 4.2.5 des lignes directrices, « [a]ucune aide ne peut être accordée au titre des points 4.2.3 ou 4.2.4 s’il n’est pas suffisamment démontré que des débouchés normaux peuvent être trouvés sur le marché pour les produits en cause [ ; l]a pertinence de cette démonstration doit être évaluée au niveau approprié compte tenu des produits en question, des types d’investissements, ainsi que des capacités existantes et escomptées ».

92      La Commission jouit, pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, point 37 supra, point 83, et arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑17/03, Rec. p. II‑1139, point 41).

93      La Commission peut s’imposer des orientations pour l’exercice de ses pouvoirs d’appréciation par des actes, tels que les lignes directrices, dans la mesure où ils contiennent des critères indicatifs sur l’orientation qu’elle entend suivre (voir, en ce sens, arrêts Vlaams Gewest/Commission, point 54 supra, point 79, et Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, point 92 supra, point 42).

94      En l’espèce, la Commission a d’abord examiné l’existence d’une surcapacité sur les marchés communautaire et mondial de malt, ainsi que ses causes et ses conséquences.

95      Au considérant 56 de la décision attaquée, la Commission a reproduit un tableau émanant d’Euromalt concernant notamment la surcapacité existant sur le marché mondial du malt. Selon ce tableau, ladite surcapacité était de 534 000 tonnes en 2004 et de 1 950 000 tonnes en 2006.

96      La Commission indique, au considérant 68 de la décision attaquée, ce qui suit :

« […] la rentabilité du secteur du malt devrait se situer à un niveau très bas en 2005/2006, car un grand nombre d’établissements dont les coûts ne sont que partiellement couverts essuient des pertes. C’est probablement cette faible rentabilité qui a conduit le grand producteur allemand de malt, Weissheimer, à déposer le bilan au printemps 2006. Il faut également signaler la fermeture permanente d’autres unités de production de malt, dont quatre au Royaume-Uni, deux en Allemagne et une en France. Il s’agit en l’occurrence d’établissements anciens appartenant à de grandes entreprises. D’autres producteurs de malt ont décidé de neutraliser temporairement une partie de leur capacité de production. Dans d’autres cas, d’anciennes unités de production de malt ont été remplacées par de nouvelles unités […] »

97      Au considérant 71 de la décision attaquée, la Commission a conclu ce qui suit :

« […] la capacité [communautaire] de production totale a été utilisée au moins à 98 % dans les années 2002-2004 […] En 2005, le taux d’utilisation a été plus bas, la production de malt s’établissant à 8,4 millions de tonnes et la capacité à 8,8 millions de tonnes. En ce qui concerne la campagne 2006/2007, on prévoit une production totale de 8 millions de tonnes pour une capacité de 8,8 millions de tonnes. Cette baisse du taux d’utilisation semble toutefois refléter la réaction des entreprises du secteur qui, confrontées à une faible rentabilité, décident de produire moins de malt et de neutraliser temporairement des capacités de production […] »

98      Enfin, au considérant 72 de la décision attaquée, la Commission précise ce qui suit :

« […] Vers la fin du premier semestre [de] 2006, il semble que l’on soit parvenu à rétablir l’équilibre entre la production et la demande effective de malt dans la Communauté, les producteurs ayant appris à limiter leur production en fonction des possibilités d’écoulement. Toutefois, même après la fermeture précitée des unités de production obsolètes, la capacité totale de production de malt dans la Communauté continue à dépasser de quelque 600 000 tonnes la demande effective […] La Commission ne dispose donc d’aucune indication laissant présager à brève échéance une évolution de la situation actuellement caractérisée par une surcapacité. »

99      Après avoir expliqué ainsi l’existence d’une surcapacité communautaire importante essentiellement par l’insuffisance de débouchés sur les marchés communautaire et mondial du malt, la Commission a examiné les arguments du Royaume des Pays-Bas et de la requérante selon lesquels les caractéristiques de l’investissement en cause impliquaient que l’aide influerait davantage sur le commerce avec les pays tiers que sur les échanges intracommunautaires. À cet égard, la Commission a indiqué au considérant 75 de la décision attaquée que, « [d]ans le secteur communautaire du malt, il exis[tait] aussi de grands groupes qui commerciali[saient] leur malt aussi bien sur le marché de la Communauté que sur celui des pays tiers [ ; que la requérante] appar[tenait] à cette catégorie ; [que] sa situation au bord d’un port en eau profonde lui perme[ttait] d’approvisionner à la fois le marché communautaire et les marchés extracommunautaires [… ; et que d]ans son programme d’activités remontant à août 2003, la [requérante] indi[quait] qu’elle comp[tait] en 2005 vendre 71 540 tonnes de malt en Europe ». La Commission précise, au considérant 76 de la décision attaquée, qu’« [i]l peut arriver que des malteries principalement axées sur l’exportation vers les pays tiers [dont la requérante], ne trouvant pas d’acheteurs pour la production destinée à l’exportation, s’efforcent de la vendre dans la Communauté [ ; l]’inverse est également envisageable [… ; i]l y a une corrélation en ce sens que ce qui se passe hors de la Communauté retentit sur la situation intracommunautaire, et vice versa. »

100    En outre, s’agissant des produits en cause, la Commission a examiné et rejeté les arguments de la requérante et du Royaume des Pays-Bas relatifs à l’existence d’un marché séparé et, partant, de débouchés distincts pour le malt premium.

101    Enfin la Commission a affirmé, au considérant 89 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Compte tenu des conclusions […] relatives à la surcapacité sur le marché du malt, aux effets éventuels de la mesure d’aide considérée sur les échanges entre États membres et à l’impossibilité de démontrer l’existence d’un marché véritablement distinct pour le malt premium, la Commission estime que la mesure d’aide n’est pas conforme au point 4.2.5 des lignes directrices, stipulant qu’aucune aide ne peut être accordée pour des investissements concernant des produits pour lesquels on ne peut pas trouver des possibilités d’écoulement normales sur le marché. »

102    Par la première et la troisième branches du deuxième moyen, la requérante reproche, en substance, à la Commission, d’une part, d’avoir interprété et appliqué d’une façon erronée les lignes directrices quant à l’appréciation de l’existence de débouchés normaux et, d’autre part, d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’examen de la surcapacité sur le marché du malt.

103    Étant donné que la conclusion de la Commission concernant l’absence de débouchés normaux sur le marché repose essentiellement sur sa constatation de l’existence d’une surcapacité de production par rapport à la demande de malt, il y a lieu d’examiner d’abord le bien-fondé de la décision attaquée à cet égard.

–       Sur la surcapacité sur le marché du malt

104    Il est constant entre les parties que le marché du malt est mondial, comme les sources annexées aux écritures des parties en attestent. En outre, ainsi qu’il a été établi au point 44 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré l’existence d’un marché distinct pour le malt HTST ou le malt premium. De plus, son affirmation, selon laquelle « les ventes de HTST remplacent les ventes existantes de malt standard » et qui indique essentiellement qu’elle peut vendre du malt HTST aux acheteurs qui s’approvisionnaient auparavant, en tout ou partie, en malt « standard », confirme la conclusion de la Commission selon laquelle elle est en concurrence avec les autres producteurs pour les mêmes débouchés sur le marché.

105    En premier lieu, la requérante allègue que la Commission a conclu à l’existence d’une surcapacité sur le marché communautaire principalement sur la base des sources d’Euromalt, qui serait une organisation représentant les intérêts de ses concurrents, en ignorant les indications contraires.

106    À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur les chiffres relatifs à la capacité et à la production effective communautaire au cours des années 2002 à 2005 en tenant compte des chiffres figurant dans le rapport de H. M. G. pour les années 2004/2005, issus de statistiques nationales et des données d’Euromalt et d’Eurostat. Ces chiffres indiquent que la surcapacité en 2002 et en 2004 s’élevait à moins de 200 000 tonnes, ce qui, eu égard à une capacité de 8,6 millions de tonnes en 2002 et de 8,8 millions de tonnes en 2004, correspondait à un taux d’utilisation de 98 %. En 2003, la surcapacité était seulement de 37 000 tonnes, ce qui correspondait à un taux d’utilisation des capacités de 99,6 %. La Commission a ajouté que les chiffres figurant dans le rapport de Frontier Economics mettaient en évidence un taux d’utilisation comparable. Ensuite, en citant comme source un rapport de H. M. G. du 2 mai 2006 (ci-après le « rapport G. de mai 2006 »), elle a indiqué que, « [e]n 2005, le taux d’utilisation a été plus bas, la production de malt s’établissant à 8,4 millions de tonnes et la capacité à 8,8 millions de tonnes[ ; e]n ce qui concerne la campagne 2006/2007, on prévoit une production totale de 8 millions de tonnes pour une capacité de 8,8 millions de tonnes ». La Commission a constaté que la baisse du taux d’utilisation semblait refléter la réaction des entreprises du secteur qui, confrontées à une faible rentabilité, décidaient de produire moins de malt et de neutraliser temporairement les capacités de production. Elle a ajouté que, pour la campagne 2006/2007, cette situation s’expliquerait peut-être aussi par la récolte médiocre d’orge de brasserie. Elle a affirmé qu’il ressortait des chiffres relatifs aux années 2002, 2003 et 2004 qu’il était possible d’utiliser au moins 98 % de la capacité totale de production (considérants 70 et 71 de la décision attaquée).

107    Premièrement, il y a lieu de constater que la Commission s’est fondée sur diverses sources qui indiquaient unanimement l’existence de surcapacités importantes sur le marché communautaire du malt, qui ont augmenté en 2005 par rapport à la période allant de 2002 à 2004. De surcroît, elle a indiqué que, selon le rapport G. de mai 2006, la surcapacité sur le marché communautaire atteindrait un niveau record en 2006/2007, s’élevant à 800 000 tonnes, soit 9 % de la capacité totale. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel la conclusion de la Commission sur l’existence d’une surcapacité repose principalement sur les observations d’Euromalt est dépourvu de tout fondement.

108    Deuxièmement, il y a lieu d’observer que la position de la Commission, selon laquelle il existait une surcapacité structurelle dans la Communauté par rapport aux débouchés sur le marché, est clairement confirmée par le rapport G. de juillet 2006, auquel la requérante fait référence à plusieurs reprises. Dans ce rapport, il est indiqué ce qui suit :

« À partir de 2004, mais le plus manifestement en 2005 et en 2006, l’industrie communautaire était caractérisée par une surcapacité invendable de plus d’un million de tonnes. […] Les pertes des fabricants de malt étaient sensibles en 2005 et elles seront probablement encore pires en 2006. Cependant, les fabricants de malt de plusieurs pays, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, ont commencé à réduire la production au lieu de vendre le malt à des marges totalement non rentables ».

109    Troisièmement, la requérante et le Royaume des Pays-Bas reprochent à la Commission d’avoir ignoré les affirmations figurant dans le rapport G. de juillet 2006, selon lesquelles, « en ce qui concerne l’équilibre entre l’offre et la demande de malt, on peut dire qu’il n’y a plus de grande surcapacité » et que « [t]oute surcapacité restante se situe dans une marge acceptable ».

110    Il y a lieu de rappeler que le passage pertinent du rapport G. de juillet 2006 est libellé comme suit :

« Les nouvelles constructions et les fermetures donnent comme résultat une capacité communautaire actuelle de production de malt de 8,8 millions de tonnes pour une utilisation estimée, y compris les exportations, de 8,2 millions de tonnes, c’est-à-dire 93,2 % de la capacité […] En ce qui concerne l’équilibre entre l’offre et la demande de malt, on peut dire qu’il n’y a plus de grande surcapacité. Les fabricants de malt sur les marchés moins favorisés ont appris à réduire la production jusqu’au niveau des volumes de vente possibles, de sorte que des pressions sur le prix du malt ne seraient plus dues à une offre excédentaire ».

111    Il s’ensuit que, même selon le rapport en question, daté du 13 juillet 2006, la surcapacité qui existait sur le marché communautaire au moment de sa préparation s’élevait à 600 000 tonnes. Ce chiffre était le plus élevé pendant la période sur laquelle la Commission a focalisé son examen (2003 à 2006) et, de plus, montrait une tendance toujours croissante de la surcapacité au sein de la Communauté, étant donné que, en 2005, selon la décision attaquée, ce chiffre n’était que de 400 000 tonnes (voir point 106 ci-dessus). La validité de l’affirmation selon laquelle « [e]n ce qui concerne l’équilibre entre l’offre et la demande de malt, on peut dire qu’il n’y a plus de grande surcapacité » est compromise par son contexte immédiat. En effet, eu égard, premièrement, au niveau record de la surcapacité (600 000 tonnes) indiqué dans le même paragraphe du rapport ; deuxièmement, à l’affirmation selon laquelle une partie des producteurs a appris à restreindre sa production à un niveau correspondant aux ventes possibles et, troisièmement, à la référence à l’équilibre entre l’offre et la demande, et non à l’équilibre entre les capacités et la demande, il y a lieu de relever que le changement que le passage en cause visait à communiquer ne consiste pas en une diminution de la surcapacité, mais en une baisse de la surproduction (ou offre excédentaire) communautaire.

112    Force est de constater que la Commission a fait état de la diminution de la surproduction communautaire, en constatant, au considérant 72 de la décision attaquée, que, « [v]ers la fin du premier semestre [de] 2006, il semble que l’on soit parvenu à rétablir l’équilibre entre la production et la demande effective de malt dans la Communauté, les producteurs ayant appris à limiter leur production en fonction des possibilités d’écoulement ». Elle cite à cet égard comme source le rapport G. de juillet 2006. Cependant, si la Commission peut prendre en compte les rapports et expertises des experts indépendants, elle ne s’en trouve pas pour autant dispensée d’apprécier leurs travaux, étant donné que la responsabilité centrale et exclusive d’assurer, sous le contrôle du juge communautaire, le respect de l’article 87 CE et la mise en œuvre de l’article 88 CE lui incombe (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, Rec. p. II‑3145, point 72, et la jurisprudence citée). Or, la Commission ne pouvait pas reprendre, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, les affirmations, contenues dans le rapport G. de juillet 2006, citées au point 109 ci-dessus, relatives à une diminution de la surcapacité, puisque la baisse de la production communautaire (de 8,4 millions de tonnes en 2005 à 8,2 millions de tonnes en 2006), étant donné le niveau stable des capacités communautaires en 2005 et en 2006 (8,8 millions de tonnes), se traduit effectivement par une augmentation de la surcapacité.

113    Pour ce qui est des réunions entre H. M. G. et la Commission en 2006, force est de constater que, selon les informations fournies par la requérante à cet égard, H. M. G. a attiré l’attention de la Commission sur un changement radical visible sur le marché ayant pour effet que la situation de l’offre et de la demande de malt était bien plus équilibrée. À cet égard, il suffit de relever que la Commission a fait état de ce changement dans la décision attaquée, en affirmant, au considérant 72 de la décision attaquée, que, « [v]ers la fin du premier semestre [de] 2006, il semble que l’on soit parvenu à rétablir l’équilibre entre la production et la demande effective de malt dans la Communauté, les producteurs ayant appris à limiter leur production en fonction des possibilités d’écoulement ».

114    Enfin, dans la mesure où les arguments de la requérante doivent être compris comme visant à contester également la conclusion de la Commission quant à l’existence d’une surcapacité sur le marché mondial du malt, il y a lieu de relever que cet argument n’est pas davantage fondé. Premièrement, la requérante n’a fourni aucune source statistique qui mettrait en cause l’existence d’une surcapacité sur le marché mondial. Deuxièmement, le rapport G. de juillet 2006 fait référence à la construction récente des capacités importantes dans les pays tiers, qui, ensemble avec la construction des nouvelles capacités communautaires, avait eu pour conséquence que l’industrie communautaire a dû faire face à une « surcapacité invendable de plus d’un million de tonnes » en 2005 et en 2006.

115    Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission a établi à bon droit l’existence d’une surcapacité sur les marchés communautaire et mondial de malt au moment de l’adoption de la décision attaquée et qu’il convient de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante mettant en doute la fiabilité des sources soutenant la conclusion de la Commission, dans la décision attaquée, concernant la surcapacité.

116    En deuxième lieu, la requérante allègue que la Commission n’a pas pris en compte le rétablissement d’un équilibre entre les capacités de production et la demande, qui était déjà prévisible au moment de l’adoption de la décision attaquée. Elle invoque notamment à cet égard l’arrêt AIUFFASS et AKT/Commission, point 78 supra, ainsi que divers rapports d’experts qu’elle a annexés à la requête.

117    Premièrement, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission a effectué une appréciation prospective dans la décision attaquée. Elle a analysé la capacité de production et le volume de la production de malt non seulement en 2005, mais également concernant la campagne 2006/2007, en se fondant sur le rapport G. de mai 2006 (considérants 70 et 71 de la décision attaquée). Elle a examiné les tendances futures concernant la production du malt à l’échelle communautaire et à l’échelle mondiale, la structure et les changements prévisibles de la demande du malt de la part des brasseries, et s’est même référée au Conseil international des céréales en ce qui concerne le changement de volume des échanges de malt prévu jusqu’en 2010 (considérants 58, 59, 62 à 68 et 72 de la décision attaquée).

118    Eu égard au fait que la Commission a effectué une appréciation prospective concernant la capacité de production de malt et le développement des échanges communautaires, il convient de considérer que la décision attaquée est compatible avec le principe dégagé dans l’arrêt AIUFFASS et AKT/Commission, point 78 supra, et que les arguments de la requérante concernant l’absence d’une analyse prospective sont dépourvus de fondement.

119    Deuxièmement, il y a lieu de souligner que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la Commission ne disposait ni du tableau des ventes reproduit dans l’aperçu des ventes par Deloitte, daté du 6 décembre 2006, ni du rapport de H. M. G. de novembre 2006 sur l’état de l’industrie du malt, lesquels ont été annexés à la requête. Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la légalité d’un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté et que les appréciations portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêts du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T‑126/99, Rec. p. II‑2427, point 33 ; Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, point 92 supra, point 54, voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16). Par conséquent, la requérante ne saurait, afin de contester la légalité de la décision attaquée, se prévaloir d’éléments dont la Commission n’avait pas eu connaissance pendant la procédure administrative.

120    Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante concernant l’absence de prise en compte du rapport de RM International, il y a lieu de relever d’emblée que ce rapport n’a pas présenté une analyse complète, soutenue par des données concrètes, de tendances existantes et d’évolutions futures concernant le marché du malt. En tout état de cause, la Commission fait référence au rapport de RM International aux considérants 27 et 59 de la décision attaquée. En outre, il convient d’observer que le rapport de RM International ne mentionne pas que le marché du malt atteindrait très rapidement un état dans lequel la demande dépasserait l’offre en raison des perspectives positives d’augmentation de la production de bière et de la demande de malt, ainsi que la requérante l’allègue. Au contraire, selon le rapport, « compte tenu du fait que l’augmentation de la production mondiale de bière a ralenti au cours des années précédentes, l’on peut voir une absorption plus lente, par la demande, de la nouvelle production de malt ».

121    Dès lors, l’argument de la requérante à cet égard doit également être rejeté.

122    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de son analyse concernant la surcapacité.

–       Sur l’absence de débouchés normaux

123    La requérante fait néanmoins valoir que la Commission aurait ignoré des facteurs influant sur le taux d’utilisation des capacités, tels que les travaux dans les usines et la pénurie d’orge maltée, de sorte qu’elle a erronément estimé que l’existence d’une surcapacité était attribuable à l’absence de débouchés normaux. De plus, la requérante considère qu’elle peut facilement trouver des débouchés normaux pour ses produits, eu égard à la qualité améliorée du malt HTST et au fait que le type d’investissement en cause lui permet d’approvisionner les acheteurs extracommunautaires.

124    En ce qui concerne le premier argument de la requérante, il convient d’observer que la surcapacité croissante constatée par la Commission pour les années 2005 et 2006 ne saurait être expliquée par l’affirmation de H. M. G., selon laquelle « presque aucune usine ne produit durant toute l’année, des travaux de réparations et d’amélioration se produi[sant] régulièrement ». À cet égard, il suffit de relever que la surcapacité en 2003 n’était que de 37 000 tonnes, ce qui exclut que les travaux réguliers de réparation et d’amélioration puissent être responsables d’une surcapacité communautaire de 400 000 à 600 000 tonnes en 2005 et en 2006, voire pour une surcapacité de 800 000 tonnes pour la campagne 2006/2007, prévue dans le rapport G. de mai 2006.

125    Pour ce qui est de la référence à la pénurie alléguée d’orge maltée, il convient de relever que la Commission fait état de ce facteur au considérant 71 de la décision attaquée, en affirmant que, « [p]our la campagne 2006/2007, [la baisse du taux d’utilisation] s’explique peut-être aussi par la récolte médiocre d’orge de brasserie ». La requérante n’avance cependant aucune source ni aucun chiffre concret qui rendraient plausible l’hypothèse selon laquelle la pénurie d’orge maltée aurait été le facteur déterminant ayant entraîné la baisse significative du taux d’utilisation.

126    En outre, il y a lieu de souligner que la requérante ne conteste pas la constatation de la Commission, dans la décision attaquée, soutenue par ailleurs par le rapport G. de juillet 2006, selon laquelle, en raison d’une vive concurrence, le prix du malt a chuté jusqu’à un niveau auquel la production n’était plus rentable et que ces circonstances sur le marché ont causé la fermeture de certaines unités de production et la limitation de la production des autres unités. En outre, la mauvaise récolte d’orge maltée au cours d’une année donnée ne saurait expliquer la fermeture définitive des usines dans la Communauté.

127    De même, le rapport G. de juillet 2006, auquel la requérante fait référence à plusieurs reprises, explique l’émergence d’une surcapacité au sein de la Communauté, d’une part, par les attentes des producteurs communautaires relatives à une croissance rapide de la demande extracommunautaire, qui ont poussé ces derniers à développer de nouvelles capacités, et, d’autre part, par les changements ultérieurs de circonstances sur le marché, qui ont eu pour effet que les nouvelles capacités ont créé un excédent par rapport à la demande sur le marché mondial. À cet égard, ledit rapport indique ce qui suit :

« Le rapport entre les ventes domestiques et d’exportation était de 70/30 en faveur des ventes domestiques, mais les marchés domestiques étaient tout au plus stagnants, tandis que les marchés d’exportation apparaissaient insatiables. La quasi-totalité des extensions ou des nouvelles usines concernait les zones favorables pour l’exportation, Rouen, Anvers, Rulsbroek, Eemshaven et Halmstad. Quand la construction des nouvelles capacités a commencé et que des chiffres d’exportation records étaient atteints, l’ambiance avait déjà changé. Les ventes domestiques de bière étaient décevantes, l’industrie de la bière japonaise produisait et vendait de la bière ayant une faible teneur en malt puis de la bière sans malt, les producteurs de bière brésiliens achetaient des volumes croissants de l’Argentine, voisin membre de Mercosur. Le changement le plus important est néanmoins intervenu en Russie, où les compagnies internationales et russes ont construit une industrie de malt de presque 1,5 million de tonnes, rendant toute importation superflue, mis à part de petites quantités de leurs voisins directs. »

128    De même, le rapport de Frontier Economics attribue la baisse du taux d’utilisation des capacités communautaires à la contraction des débouchés extracommunautaires, en indiquant qu’« [u]ne raison principale de cette chute des exportations était la demande décroissante russe pour les importations de malt [… ; b]ien que les estimations de la production communautaire pour 2004-2005 ne soient pas encore disponibles, on s’attend à ce que le déclin des exportations […] ait peut-être eu pour résultat un niveau d’utilisation des capacités fortement réduit en Europe. »

129    Dès lors, force est de constater que les éléments du dossier corroborent l’existence du lien de causalité, constaté par la Commission, entre la surcapacité et l’absence de débouchés normaux sur le marché du malt, de sorte que les arguments de la requérante concernant une erreur d’appréciation à cet égard doivent être rejetés.

130    Par son second argument, la requérante fait valoir qu’elle peut facilement trouver des débouchés normaux pour ses produits, eu égard notamment à la qualité améliorée du malt HTST et au fait que le type d’investissement – en particulier la position géographique de la malterie d’Eemshaven dans la proximité à la fois des zones de culture d’orge maltée et d’un port d’eau profonde – permet d’approvisionner les acheteurs extracommunautaires.

131    À cet égard, il convient de relever d’emblée que la requérante se fonde sur une lecture erronée des lignes directrices en soutenant que le point 4.2.5 des lignes directrices selon lequel il convient de démontrer que « des débouchés normaux peuvent être trouvés sur le marché pour les produits en cause » concerne essentiellement une démonstration de l’existence de débouchés pour les produits du bénéficiaire de l’aide.

132    Selon la jurisprudence, les lignes directrices ne sauraient être entendues au regard de leur seul libellé. Il convient de les interpréter à la lumière de l’article 87 CE et de l’objectif visé par cette disposition, à savoir celui d’une concurrence non faussée dans le marché commun (voir, en ce sens, l’arrêt du Tribunal du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission, T‑27/02, Rec. p. II‑4177, point 89).

133    De même, si la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière d’aides d’État, c’est uniquement dans la mesure où ces textes ne s’écartent pas d’une bonne application des normes du traité, lesdits textes ne pouvant être interprétés dans un sens qui réduise la portée des articles 87 CE et 88 CE ou qui contrevienne aux objectifs visés par ceux-ci (voir arrêt de la Cour du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, non encore publié au Recueil, point 65, et la jurisprudence citée).

134    Il convient également de relever que les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt du Tribunal du 15 avril 2008, SIDE/Commission, T‑348/04, non encore publié au Recueil, point 62 ; voir, s’agissant du traité CECA, arrêts de la Cour du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C‑280/99 P à C‑282/99 P, Rec. p. I‑4717, point 40, et du Tribunal du 25 septembre 1997, UK Steel Association/Commission, T‑150/95, Rec. p. II‑1433, point 114).

135    Les aides à l’investissement renforcent par leur nature même la position concurrentielle du bénéficiaire par rapport à celle de ses concurrents, puisque le montant octroyé diminue les coûts d’investissement à supporter par le bénéficiaire, le favorisant ainsi par rapport aux autres producteurs dans le secteur, qui ont réalisé ou ont l’intention de réaliser un investissement similaire à leurs propres frais (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Philippe Morris Holland/Commission, point 47 supra, point 11, et du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 8). Ainsi, en raison de la compétitivité accrue du bénéficiaire du fait de l’aide, cette dernière a en soi l’effet de lui permettre de trouver plus facilement des débouchés pour ses produits par rapport aux productions non subventionnées. En fait, plus la subvention est importante, plus des débouchés pour les produits du bénéficiaire peuvent être facilement trouvés.

136    Il s’ensuit que, si l’examen au sens du point 4.2.5 des lignes directrices était effectué essentiellement sur la base de l’existence de débouchés pour la production subventionnée du bénéficiaire de l’aide en cause, et non en tenant compte de la situation du marché en général au sein duquel le bénéficiaire est en concurrence avec les autres producteurs pour les mêmes débouchés, cela permettrait l’autorisation d’une aide qui, en faussant la concurrence, assure les débouchés pour les produits du bénéficiaire même sur un marché caractérisé par une surproduction ou par une surcapacité, sur lequel les concurrents non subventionnés rencontrent des difficultés de commercialisation de leurs produits. Une telle interprétation des lignes directrices serait donc contraire à l’article 87 CE.

137    Il s’ensuit que les arguments de la requérante visant à démontrer que, en raison de la qualité améliorée du malt HTST, de la situation géographique de l’usine d’Eemshaven et de sa capacité à livrer du malt en vrac, elle trouvera facilement des débouchés normaux sur le marché pour ses produits doivent être rejetés comme inopérants.

138    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en attribuant l’existence d’une surcapacité sur le marché communautaire et mondial du malt à l’absence de débouchés normaux pour la production.

139    Les autres arguments de la requérante avancés dans ce contexte ne sauraient mettre en cause cette conclusion.

140    En premier lieu, la requérante prétend que la quasi-intégralité de sa production sera orientée vers les destinations extracommunautaires, de sorte qu’elle n’est pas en concurrence pour les mêmes débouchés avec les autres producteurs communautaires.

141    Cette thèse ne saurait prospérer. Premièrement, la requérante ne conteste pas que l’étendue géographique du marché du malt soit mondiale. En outre, ainsi qu’il a été établi au point 44 ci-dessus, il n’existe pas de marché de produit distinct pour le malt premium ou pour le malt HTST. Dès lors, la requérante concurrençant les autres producteurs communautaires sur le même marché de produit et géographique, elle est, partant, en concurrence avec ceux-ci pour les mêmes débouchés. Deuxièmement, le rapport de Frontier Economics, demandé par la requérante, indique que, l’« on s’attend à ce que le malt HTST […] produit à Eemshaven remplace, au moins en partie, les ventes […] des autres producteurs de malt standard, y compris de ceux qui disposent des capacités excédentaires ». Cette affirmation indique clairement que la requérante entend acquérir une partie des débouchés de ventes existants des autres producteurs communautaires.

142    En deuxième lieu, la requérante allègue que la Commission a erronément considéré que les marchés extracommunautaires ne pourraient, dans les années à venir, absorber la surcapacité communautaire et que le nombre de licences d’exportations établies ne constitue pas une source fiable pour suivre l’évolution des exportations.

143    À cet égard, force est de constater que le rapport G. de juillet 2006 et celui de Frontier Economics indiquent clairement (voir points 127 et 128 ci-dessus) que les possibilités d’écoulement du malt communautaire dans les pays tiers ont radicalement diminué vers la fin de la période considérée par la Commission (en 2005 et en 2006), et que lesdits rapports laissent entendre que cette contraction, avec la construction de nouvelles capacités communautaires, était le facteur principal qui a causé la surcapacité communautaire. En outre, la requérante n’a fourni aucune source, disponible pour la Commission au moment de l’adoption de la décision attaquée, qui aurait indiqué une augmentation rapide et prévisible des débouchés extracommunautaires. Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a constaté que les marchés extracommunautaires ne sauraient absorber, dans un futur prévisible, la surcapacité communautaire.

144    En troisième lieu, la requérante allègue que, en raison de la fermeture récente et prévisible des usines obsolètes ou situées dans les zones géographiques moins avantageuses, la surcapacité disparaîtra, de sorte qu’il y aura des débouchés normaux pour la production communautaire.

145    À cet égard, il suffit d’observer que, selon la Commission dans la décision attaquée et le rapport G. de juillet 2006, la raison principale de la fermeture permanente de nombreuses usines dans la Communauté en 2005 et en 2006 était la surcapacité, qui a causé une baisse du prix du malt telle que la production n’était plus rentable dans certaines usines. Dans ces circonstances, le fait que de nombreuses usines ont été contraintes de cesser la production ne fait que confirmer la conclusion de la Commission relative à l’absence de débouchés normaux. De même, l’allégation de la requérante selon laquelle les autres fermetures permanentes étaient prévisibles, en raison d’une concurrence intensifiée, signifie essentiellement que de nombreux producteurs communautaires de malt ne pourraient vendre leurs produits d’une façon rentable, ce qui relève effectivement de la notion d’absence de débouchés normaux sur le marché.

146    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la Commission a correctement appliqué les lignes directrices et n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de l’examen de la surcapacité. Dès lors, la première et la troisième branches du deuxième moyen doivent être rejetées.

 Sur la quatrième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de prise en considération des événements ayant eu lieu entre l’adoption de la décision d’octroi de l’aide et l’adoption de la décision attaquée

 Arguments des parties

147    La requérante reproche à la Commission de s’être fondée exclusivement sur son programme d’activités rédigé en 2003, qui n’était rien d’autre qu’un programme pour les opérations à venir, sans apprécier ce qui s’est réellement produit entre le moment où ce programme avait été rédigé et l’adoption de la décision attaquée. En se référant à la jurisprudence, elle soutient que la Commission devrait tenir compte des développements effectifs au sein du secteur en cause, qui se sont produits entre le moment où l’aide présumée a été octroyée et l’adoption de la décision attaquée. Elle considère que les informations à sa disposition ne doivent pas seulement lui être fournies par les États membres ou d’autres parties à la procédure, mais qu’elle devrait également tenir compte des renseignements se trouvant dans le domaine public.

148    S’agissant de la date à laquelle l’usine est devenue pleinement opérationnelle, la requérante reproche à la Commission d’avoir considéré qu’il s’agissait du mois d’avril 2005. Elle conteste le fait que la Commission ait fondé cette conclusion sur des renseignements trouvés sur Internet, à partir de sources qui lui étaient extérieures, sans les avoir vérifiées auprès d’elle ou du gouvernement néerlandais, alors même que d’autres informations provenant d’Internet, qui étaient à la disposition de la Commission, contredisaient directement l’exposé des faits de celle-ci. La requérante estime que le rapport annuel 2005 de Bavaria, cité également par la Commission, indique que l’usine de malt d’Eemshaven n’a commencé à fonctionner qu’en décembre 2005 avec une capacité opérationnelle minimale, alors que l’usine a été officiellement ouverte en juin 2006.

149    Le Royaume des Pays-Bas n’a pas avancé d’arguments à cet égard.

150    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

151    Il importe de rappeler, à titre liminaire, que, en vue d’obtenir l’approbation d’aides nouvelles, en dérogation aux règles du traité, il incombe à l’État membre concerné, en vertu de son devoir de coopération envers la Commission résultant de l’article 10 CE, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation dont il demande à bénéficier sont réunies (voir arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 129, et Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, point 92 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

152    Il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments d’information qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 60, et arrêt Ter Lembeek/Commission, point 54 supra, point 83).

153    Dès lors, la requérante ne saurait valablement reprocher à la Commission de n’avoir pas tenu compte des renseignements se trouvant prétendument dans le domaine public, mais qui ne lui ont pas été soumis au cours de la procédure administrative.

154    En outre, l’argument de la requérante concernant l’indication prétendument erronée, dans la décision attaquée, de la date de début du fonctionnement de l’usine d’Eemshaven ne saurait avoir aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée. En effet, la décision attaquée était fondée sur l’existence d’une surcapacité et sur l’absence de débouchés normaux sur les marchés communautaire et mondial du malt, une situation qui existait en 2005 et en 2006 et dont le changement au cours des années subséquentes ne pouvait être déduit de la documentation dont la Commission disposait au moment de l’adoption de la décision attaquée. Or, l’ouverture de l’usine d’Eemshaven devait intervenir selon toutes les sources mentionnées dans la décision attaquée et par la requérante durant cette période caractérisée par une surcapacité et par l’absence de débouchés normaux.

155    Dès lors, la quatrième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence d’une mise en balance adéquate des effets bénéfiques de l’aide et de l’impact de cette dernière sur les conditions des échanges intracommunautaires

 Arguments des parties

156    La requérante reproche, en substance, à la Commission de n’avoir pas mis en balance, dans la décision attaquée, d’une part, les effets bénéfiques de la subvention et, d’autre part, son impact négatif éventuel sur les conditions des échanges au sein de la Communauté, ce qui constitue une interprétation et une application erronées de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Elle soutient que l’investissement en cause a un impact bénéfique majeur sur la réalisation des objectifs de la politique agricole commune, notamment sur la politique de développement rural, et sur les actions de la Communauté relatives au développement régional et à la cohésion.

157    Elle considère que la Commission ne peut valablement déclarer que, à la suite de l’adoption des lignes directrices, elle a renoncé à son pouvoir d’appréciation et n’est, dès lors, pas libre de procéder à une mise en balance qui tiendrait compte des effets bénéfiques de l’aide. Elle considère que le fait que les lignes directrices sont fondées sur l’article 87, paragraphe 3, CE implique nécessairement que la Commission ne peut indûment limiter son pouvoir d’appréciation ou y renoncer. Elle en déduit que le point 4.2.5 des lignes directrices doit être interprété à la lumière du critère prévu dans le traité, à savoir si les conditions des échanges sont affectées dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Elle fait observer que la Commission n’a pas apprécié si cet impact, à la lumière des avantages que susciterait la subvention projetée, est réellement contraire à l’intérêt commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE.

158    Elle considère que les lignes directrices, telles qu’elles existent, laissent à la Commission toute la marge nécessaire pour assurer une bonne mise en balance entre les avantages et l’incidence présumée de la subvention sur la concurrence. En se référant aux conclusions de l’avocat général M. Alber sous l’arrêt de la Cour du 3 mai 2001, Portugal/Commission (C‑204/97, Rec. p. I‑3175, I‑3177, point 46), elle estime que, si tel n’était pas le cas, les lignes directrices ne répondraient pas à une bonne mise en balance requise par l’article 87, paragraphe 3, CE entre l’incidence positive d’une aide et sa prétendue incidence négative, de sorte qu’il eût fallu recourir directement à l’article 87, paragraphe 3, CE. La requérante soutient en tout état de cause que la Commission a appliqué erronément les critères qu’elle s’était elle-même imposés dans les lignes directrices.

159    Elle fait valoir que la subvention visait, d’une part, à l’indemniser pour les coûts plus élevés d’établissement de l’usine de malt à Eemshaven plutôt qu’à un endroit qu’elle aurait retenu dans une autre région des Pays-Bas et, d’autre part, à l’inciter à établir l’usine dans une région devant se développer économiquement. Elle fait valoir que tout avantage concurrentiel qu’elle aurait acquis grâce à la subvention aurait été réduit par les coûts plus élevés qu’elle a dû consentir et qu’en réalité une grande partie de la subvention était nécessaire afin qu’elle puisse être sur un pied d’égalité avec ses concurrents. Elle estime avoir activement participé, par l’investissement en question, au développement d’une région de culture d’orge maltée au nord des Pays-Bas, qui offre de nouvelles perspectives importantes pour les cultivateurs dans cette région et contribue au processus de modernisation des capacités de production de malt, en remplaçant des capacités continentales inefficaces par des capacités modernes, visant des pays tiers en dehors de la Communauté.

160    Elle fait valoir que la subvention apporte une technologie nouvelle, orientée vers le futur, qui mène à de meilleurs standards de santé et d’environnement, ainsi qu’à un malt de meilleure qualité et, en conséquence, à une bière de meilleure qualité. Cet investissement aurait, dès lors, un impact positif plutôt que négatif sur la capacité concurrentielle de la Communauté sur les marchés à l’exportation et sur les capacités existantes et escomptées au sein du marché communautaire du malt.

161    Elle invoque le point 1.6 des lignes directrices qui prévoit une cohérence entre le contrôle des aides d’État adoptées par les États membres et les mesures communautaires adoptées au titre de la politique de développement rural menée par la Communauté. L’article 25 du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO L 160, p. 80), disposerait que l’aide à l’investissement destiné à la transformation des produits agricoles contribuerait à la réalisation des objectifs de la politique communautaire de développement rural.

162    Le Royaume des Pays-Bas considère que la Commission perd de vue que le projet en question s’inscrit parfaitement dans les objectifs généraux de sa politique relative au développement des zones rurales. Il ajoute que le projet prévoit en effet la restauration du secteur agricole dans le nord des Pays-Bas, et notamment le remplacement de la culture de la betterave par d’autres cultures. Il estime que la Commission doit non seulement évaluer la subvention au regard du point 4.2.5 des lignes directrices, mais également examiner « si l’aide n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». En se référant à l’arrêt Alzetta e.a./Commission, point 63 supra, il fait valoir qu’il incombe à la Commission, lors de l’examen au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, de mettre en balance les effets bénéfiques de l’aide et ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée. Il en déduit que la Commission reste tenue de prendre en compte l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, même si elle a limité son pouvoir d’appréciation par des lignes directrices dans le domaine des aides dans le secteur agricole.

163    Le Royaume des Pays-Bas relève que la Commission doit respecter la cohérence entre les articles 87 CE et 88 CE et d’autres dispositions du traité (arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec. p. I‑2801, point 64). Une de ces « autres dispositions du traité » serait l’article 158 CE, qui disposerait que la Communauté viserait à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou des îles les moins favorisées, y compris les zones rurales. Il appartiendrait donc à la Commission de veiller à la cohérence requise entre sa politique d’aide et l’action de la Communauté tendant à réduire les écarts entre les régions.

164    Le Royaume des Pays-Bas fait valoir que l’octroi d’une aide pour une installation aussi innovante s’inscrit dans les objectifs énoncés au Conseil européen de Lisbonne, visant à ce que l’Union européenne soit, d’ici à 2010, l’économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Il reproche à la Commission de ne pas avoir évoqué ce point essentiel dans la décision attaquée.

165    La Commission conteste les arguments de la requérante et du Royaume des Pays-Bas.

 Appréciation du Tribunal

166    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée a été adoptée en application tant des dispositions de l’article 87, paragraphes 1 et 3, CE que des lignes directrices, notamment de leur section 4.2 qui vise à expliciter ces dispositions dans le domaine des « aides aux investissements liés à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles ».

167    Lorsque la Commission a adopté des lignes directrices, celles-ci s’imposent à elle (arrêts Deufil/Commission, point 135 supra, point 22, et Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 151 supra, point 95). Il revient donc au juge communautaire de vérifier que la Commission a respecté les règles dont elle s’est dotée (arrêts du Tribunal du 30 janvier 2002, Keller et Keller Meccanica/Commission, T‑35/99, Rec. p. II‑261, point 77, et Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 151 supra, point 96).

168    En premier lieu, il convient de relever que la requérante a expressément déclaré, dans ses observations sur le mémoire en intervention, qu’elle ne remettait pas en cause la valeur contraignante des lignes directrices ni leur compatibilité avec les dispositions du traité CE.

169    Selon le point 3.7 des lignes directrices, « [é]tant donné la nécessité de prendre en considération les conditions spécifiques de la production agricole lors de l’examen des aides destinées à favoriser des régions défavorisées, les lignes directrices de la Commission sur les aides nationales aux régions ne sont pas applicables au secteur agricole [ ; l]orsqu’elles sont pertinentes pour le secteur agricole, les considérations de politique régionale ont été intégrées dans les présentes lignes directrices ». Il s’ensuit que tout aspect positif de l’aide en cause ne peut être considéré que dans le contexte de l’application des critères des lignes directrices.

170    Or, il convient de rappeler que le point 4.2.5 des lignes directrices dispose qu’« [a]ucune aide ne peut être accordée […] s’il n’est pas suffisamment démontré que des débouchés normaux peuvent être trouvés sur le marché pour les produits en cause ».

171    Dès lors, après avoir constaté que l’aide en question rentrait dans le champ d’application des lignes directrices, la Commission était tenue, tout d’abord, d’examiner s’il était suffisamment démontré que des débouchés normaux pouvaient être trouvés sur le marché pour les produits en cause.

172    Étant donné que cette condition préalable n’était pas remplie dans le cas d’espèce, la Commission n’aurait pas pu approuver l’aide litigieuse eu égard à ses objectifs et à ses éventuels effets bénéfiques sans violer ses propres lignes directrices et, dès lors, les principes dégagés dans la jurisprudence citée au point 167 ci-dessus, de sorte que l’examen desdits objectifs et effets bénéfiques était superflu.

173    En deuxième lieu, la requérante ne saurait valablement prétendre que la non-application des lignes directrices et l’application directe de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE auraient impliqué la prise en compte des objectifs et des effets bénéfiques de l’aide litigieuse.

174    En effet, selon l’arrêt Deufil/Commission, point 167 supra (point 18), l’article 87, paragraphe 3, CE confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. La Cour a jugé, dans cet arrêt, que, en estimant que l’octroi d’une aide à un investissement qui augmentait les capacités de production dans un secteur déjà largement excédentaire était contraire à l’intérêt commun et qu’une telle aide n’était pas de nature à favoriser le développement économique de la région en cause, la Commission n’avait pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

175    En outre, la Cour n’a pas émis de doutes concernant les considérations économiques qui sous-tendaient la décision de la Commission, reproduites au point 16 de l’arrêt Deufil/Commission, point 167 supra, selon lesquelles, « compte tenu des surcapacités de production […], tout allègement artificiel des coûts d’investissement d’un producteur de ces produits affaiblirait la situation concurrentielle des autres producteurs et aurait pour effet, si elle conduit à une augmentation des capacités, de réduire le taux d’utilisation de ces capacités et de faire baisser les prix [ ; l]’aide en question affecterait donc indéniablement les échanges commerciaux dans une mesure contraire à l’intérêt commun au sens de [l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE]. »

176    Ainsi, il convient d’observer que le critère figurant au point 4.2.5 des lignes directrices, selon lequel aucune aide ne peut être accordée s’il n’est pas suffisamment démontré que des débouchés normaux peuvent être trouvés sur le marché pour les produits en cause, reflète la condition qui ressort de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, selon laquelle aucune aide altérant les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ne peut être compatible avec le marché commun.

177    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas violé l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE lorsqu’elle a fondé la décision attaquée sur l’existence d’une surcapacité communautaire et sur le défaut de démonstration de l’existence des débouchés normaux, sans avoir examiné les objectifs et les effets bénéfiques de l’aide pour la région concernée.

178    Cette conclusion ne saurait être mise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’aide litigieuse n’aurait fait que compenser les désavantages économiques de la zone d’Eemshaven par rapport à la zone de Terneuzen (Pays-Bas) qu’elle aurait préférée en l’absence de l’aide.

179    À cet égard, il convient de relever que les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été approuvée par la Commission par une procédure visée par l’article 88 CE (voir arrêts de la Cour du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C‑183/02 P et C‑187/02 P, Rec. p. I‑10609, points 44 et 45, et la jurisprudence citée, et du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, point 104). À défaut d’une telle confiance légitime, du point de vue du contrôle communautaire des aides d’État, toute décision commerciale fondée sur la perspective de l’octroi d’une aide non approuvée par la Commission relève des risques liés aux activités économiques de l’entreprise aspirant à l’aide, de sorte que les désavantages éventuels subis en raison d’une telle décision ne sauraient être pris en compte lors de l’examen effectué par la Commission.

180    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter également la deuxième branche du deuxième moyen et, dès lors, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée quant à l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE

181    La requérante, soutenue par le Royaume des Pays-Bas, considère que, dès lors que les calculs qui ont été effectués aux fins d’obtenir les chiffres de l’excédent des capacités sur le marché du malt mentionnés dans la décision attaquée ne sont pas spécifiés, il est impossible de vérifier si une surcapacité existait effectivement au sein du marché communautaire du malt et dans quelle mesure l’investissement en cause aurait eu un impact sur cette situation. Elle en conclut que la décision attaquée est viciée par une absence de motivation adéquate, ce qui constitue une violation de l’obligation de motivation de la Commission, prévue à l’article 253 CE.

182    La Commission conteste les arguments de la requérante.

183    À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort du point 106 ci-dessus, la Commission a précisé les sources des chiffres concernant la surcapacité qui existait sur le marché communautaire durant la période examinée, contrairement aux allégations de la requérante.

184    Dès lors, il y a lieu de rejeter également la seconde branche du quatrième moyen comme étant non fondée.

3.     Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

 Arguments des parties

185    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir dûment enquêté sur tous les aspects relatifs à l’octroi de la subvention, y compris les développements et événements qui se sont produits entre l’adoption de la décision d’accorder l’aide et l’adoption de la décision attaquée. En se référant à la jurisprudence, elle considère que les renseignements ne doivent pas seulement être fournis par l’État membre ou les autres parties à la procédure, mais que la Commission doit également enquêter sur des informations se trouvant dans le domaine public.

186    Elle fait valoir que la décision attaquée est principalement fondée sur des chiffres relatifs à la capacité qui ont été fournis par Euromalt, un groupe d’intérêt qui représente ses concurrents, lesquels ont un intérêt commercial à s’opposer à la modernisation de ses capacités. Elle reconnaît qu’un certain nombre d’associations nationales de producteurs de malt ont appuyé les conclusions d’Euromalt, mais ces associations n’ont pas spécifié comment leurs chiffres relatifs à la capacité ont été calculés ou faisaient référence aux chiffres indiqués dans la lettre du 3 août 2005 d’Euromalt. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des rapports concernant le marché du malt, rédigés par RM International, H. M. G. et la Rabobank, qui ont confirmé que le secteur communautaire du malt faisait l’objet de modifications structurelles rapides et que l’offre et la demande de malt au sein de la Communauté seront en équilibre d’ici à 2006.

187    Elle considère que les arguments concernant les effets bénéfiques de la subvention, en ce qu’elle favorise les objectifs de la politique agricole commune de la Communauté, notamment la politique de développement rural, et l’action de la Communauté relative au développement régional et à la cohésion n’ont pas fait l’objet d’une enquête adéquate.

188    Pour étayer son argumentation relative à l’absence d’une enquête adéquate, elle fait valoir, à titre illustratif, que la détermination par la Commission de la date à laquelle l’usine d’Eemshaven était devenue opérationnelle a été fondée sur des informations provenant d’Internet et de sources qui lui sont extérieures, sans que la Commission ait vérifié cette constatation auprès d’elle ou du gouvernement néerlandais.

189    La requérante en conclut que la Commission a violé son obligation d’enquêter soigneusement et impartialement sur tous les aspects pertinents de la présente affaire et qu’elle aurait dû mener une enquête plus approfondie et diligente.

190    Le Royaume des Pays-Bas n’a pas avancé d’arguments à cet égard.

191    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

192    Par le présent moyen, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir violé le principe de bonne administration, en ce qu’elle devait enquêter soigneusement et impartialement sur tous les aspects pertinents de l’affaire.

193    S’agissant de la question de la charge de la preuve, il importe de rappeler, à titre liminaire, qu’il incombe à l’État membre concerné de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sont réunies et que la Commission n’est pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis (voir point 152 ci-dessus).

194    Il s’ensuit que, ainsi qu’il a déjà été jugé au point 153 ci-dessus, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des renseignements se trouvant dans le domaine public ne saurait être retenu. De surcroît, la requérante n’a même pas identifié les éléments qui auraient été trouvés dans le domaine public et dont la Commission aurait dû tenir compte.

195    En ce qui concerne le principe de bonne administration en matière d’aides d’État, il est de jurisprudence bien établie que le respect de ce principe exige un examen diligent et impartial de la mesure en cause par la Commission. Il incombe, dès lors, à cette dernière de rechercher tous les points de vue nécessaires, en demandant notamment des informations aux bénéficiaires, en vue de statuer en pleine connaissance des éléments de fait pertinents à la date d’adoption de sa décision (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 152 supra, point 62, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 180).

196    En l’espèce, il ressort des considérations qui précèdent que la Commission a fait preuve de diligence et d’impartialité dans le déroulement de l’examen de la mesure en cause. Ainsi qu’il ressort de l’analyse du deuxième moyen, la Commission a activement réuni et apprécié les preuves durant toute la procédure et a organisé des réunions avec H. M. G.

197    Concernant l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas dûment enquêté sur les développements et événements qui se sont produits entre l’adoption de la décision d’accorder l’aide et l’adoption de la décision attaquée, il suffit de rappeler que cet argument manque en fait (voir points 116 et suivants ci-dessus).

198    S’agissant de la fiabilité des chiffres fournis par Euromalt et la prétendue absence de la prise en considération des rapports concernant le marché du malt, rédigés par RM International, H. M. G. et la Rabobank, le Tribunal renvoie à son analyse concernant les première et troisième branches du deuxième moyen. Il en ressort clairement que la Commission a dûment pris en compte les diverses sources qui étaient disponibles pour elle au moment de l’adoption de la décision attaquée et qu’aucune des constatations essentielles du point de vue de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée n’était exclusivement fondée sur les chiffres d’Euromalt, de sorte que le Tribunal n’a pas eu besoin d’examiner l’objectivité des documents émanant de cette association. Il convient également de rappeler que la requérante n’a soumis aucun document, disponible pour la Commission au moment de l’adoption de la décision attaquée, qui aurait contredit les constatations qui y sont contenues.

199    Pour ce qui est de l’argument concernant l’absence d’une enquête adéquate sur les effets bénéfiques de la subvention et la détermination de la date à laquelle l’usine d’Eemshaven était devenue opérationnelle, l’examen des deuxième et quatrième branches du deuxième moyen a clairement démontré que ces éléments ne revêtaient aucune importance particulière dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun, de sorte que la Commission n’était pas tenue d’effectuer un examen plus approfondi à cet égard.

200    Pour l’ensemble de ces motifs, le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration, doit être rejeté comme étant non fondé, de même que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

201    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Le Royaume des Pays-Bas supportera donc ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :


1)      Le recours est rejeté.

2)      Holland Malt BV supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2009.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, et la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation s’agissant de la qualification de la mesure en cause d’aide d’État

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité du premier moyen

Sur la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

Sur la motivation de la décision attaquée concernant l’affectation des échanges intracommunautaires et de la concurrence

2.  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, et la seconde branche du quatrième moyen, concernant l’insuffisance de motivation à cet égard

Sur la première et la troisième branches, tirées respectivement d’une interprétation et d’une application erronées des lignes directrices et d’une erreur d’appréciation concernant la surcapacité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la surcapacité sur le marché du malt

–  Sur l’absence de débouchés normaux

Sur la quatrième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence de prise en considération des événements ayant eu lieu entre l’adoption de la décision d’octroi de l’aide et l’adoption de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’absence d’une mise en balance adéquate des effets bénéfiques de l’aide et de l’impact de cette dernière sur les conditions des échanges intracommunautaires

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée quant à l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE

3.  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.