Language of document : ECLI:EU:F:2006:35

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

18 mai 2006 *

« Personnel de la Banque centrale européenne – Avis de vacance – Acte faisant grief – Procédure précontentieuse - Irrecevabilité »

- 2562 -

Dans l’affaire F‑13/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 36.2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE, annexé au traité CE,

Sandrine Corvoisier, Roberta Friz, Hundjy Preud’Homme et Elvira Rosati, membres du personnel de la Banque centrale européenne, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentées par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne, représentée par MM. H. Weenink et K. Sugar, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1       Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 9 mars 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 16 mars suivant), les requérantes ont demandé l’annulation :

–       de l’avis de vacance ECB/156/04 de la Banque centrale européenne (ci-après la « BCE ») visant à pourvoir six emplois de « Records Management Specialists »,

–       des décisions de rejet des demandes d’examen précontentieux et des décisions de rejet des réclamations, datées respectivement des 1er octobre et 21 décembre 2004,

–       de toute décision prise en exécution de l’avis de vacance et, en particulier, des décisions de recrutement,

ainsi que la condamnation de la BCE :

–       à produire le dossier administratif,

–       à allouer des dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi, ce dernier étant évalué ex aequo et bono et à titre provisionnel à 40 000 euros, et pour le préjudice moral subi, ce dernier étant évalué ex aequo et bono à quatre euros,

–       à l’ensemble des dépens.

 Cadre juridique

2       Le protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE, annexé au traité CE (ci-après les « statuts du SEBC »), contient les dispositions suivantes :

« Article 36

Personnel

« 36.1. Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2. La Cour de justice est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable. »

3       Sur le fondement de l’article 36.1 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté le 9 juin 1998 les Conditions of Employment for Staff of the European Central Bank (conditions d’emploi du personnel de la Banque centrale européenne), modifiées le 31 mars 1999 (JO L 125, p. 32, ci-après les « conditions d’emploi »).

4       Les conditions d’emploi prévoient notamment :

« 9. a) Les relations de travail entre la BCE et les membres de son personnel sont régies par les contrats de travail conclus en conformité avec les présentes conditions d’emploi. Les règles applicables au personnel adoptées par le directoire précise les modalités de ces conditions d’emploi.

[…]

c) […] Pour l’interprétation des droits et obligations prévus par les présentes conditions d’emploi, la BCE prend dûment en considération les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence relatifs au personnel des institutions communautaires.

[…]

41. Les membres du personnel peuvent, en utilisant la procédure prévue par les règles applicables au personnel, solliciter de l’administration un examen précontentieux de leurs réclamations et griefs concernant la conformité de mesures prises à leur égard avec la politique du personnel et les conditions d’emploi de la BCE. Les membres du personnel n’ayant pas obtenu satisfaction à la suite de la procédure d’examen précontentieux, peuvent engager la procédure de réclamation prévue par les règles applicables au personnel.

Ces procédures ne peuvent pas être utilisées pour contester :

i)      les décisions du conseil des gouverneurs ou les directives internes de la BCE, y compris les directives prévues par les présentes conditions d’emploi ou par les règles applicables au personnel ;

ii)      les décisions pour lesquelles des procédures de recours existent ;

iii)      la décision de ne pas confirmer la nomination d’un membre du personnel effectuant une période d’essai.

42. Après que toutes les voies de recours interne disponibles ont été épuisées, la Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour connaître de tout litige opposant la BCE à un membre ou à un ancien membre de son personnel auquel s’appliquent les présentes conditions d’emploi.

Cette compétence est limitée à l’examen de la légalité de la mesure ou de la décision, sauf si le litige est de caractère pécuniaire, auquel cas la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction. »

5       Sur le fondement de l’article 9, sous a), des conditions d’emploi, le directoire de la BCE a adopté les European Central Bank Staff Rules (les règles applicables au personnel de la Banque centrale européenne, ci-après les « règles applicables au personnel »).

6       L’article 8.2.1 des règles applicables au personnel prévoit :

« Les recours devant la Cour de justice […] doivent être formés dans un délai de deux mois. Ce délai court :

–       du jour de la notification au membre du personnel concerné de la décision finale prise au terme de la procédure de réclamation, ou

–       de la date d’expiration du délai d’un mois applicable à la procédure de réclamation, lorsqu’une telle décision n’a pas été prise […] »

7       Le 28 octobre 2002, la BCE a établi des General guidelines for the development track (les lignes directrices relatives au programme de développement).

8       Ces lignes directrices prévoient, en substance, que, dans l’hypothèse où une procédure de recrutement ne permettrait pas de recruter un candidat satisfaisant aux exigences du poste à pourvoir, il sera possible de recruter un candidat ne remplissant pas ces conditions et de le faire bénéficier d’un programme de développement de carrière lui permettant d’acquérir la formation et le salaire correspondant à l’emploi occupé.

 Faits à l’origine du litige

9       Les requérantes occupent, au sein de la BCE, des emplois de « Research Analyst » (analyste en recherche) et sont classées, en application de l’annexe II aux conditions d’emploi, aux niveaux de salaires E ou F, usuellement appelés grades, qui, ensemble, forment la carrière E/F.

10     Parmi les conditions requises pour l’accès à ces emplois, figure la détention d’un diplôme universitaire.

11     Le 13 juillet 2004, la BCE a publié un avis de vacance interne ECB/156/04 (ci-après, l’« avis de vacance ») visant au recrutement de six « Records Management Specialists » (spécialistes de la gestion électronique de documents), destinés à être classés au grade E/F, afin d’assister et de compléter l’unité des archives de la banque.

12     L’avis de vacance indiquait, dans la rubrique « Qualifications and experience » (qualifications et expérience requises), que les candidats devaient avoir accompli un cycle complet d’études secondaires (« higher secondary education »).

13     L’avis de vacance ajoutait néanmoins que des candidats ne répondant pas aux exigences des emplois à pourvoir et occupant un emploi classé à un grade inférieur au grade E/F pourraient être recrutés, mais que leur promotion à ce grade serait subordonnée à la réalisation d’objectifs définis dans le cadre d’une formation.

14     Par un courrier électronique du 16 juillet 2004 adressé à l’ensemble des personnels de la BCE, la direction des ressources humaines a indiqué que les nominations aux emplois visés par l’avis de vacance pourraient, le cas échéant, intervenir sur la base d’un programme de développement tel que prévu par les lignes directrices du 28 octobre 2002.

15     Le 7 septembre 2004, chacune des requérantes a introduit, en application de l’article 41 des conditions d’emploi, une demande d’examen précontentieux de l’avis de vacance.

16     Elles y exposaient, notamment, que l’avis de vacance méconnaissait tant les dispositions relatives au programme de développement que le principe de non-discrimination. Dans ces conditions, elles demandaient que le grade E/F, indiqué dans l’avis de vacance, soit révisé à la baisse ou que le grade de leur propre emploi soit relevé au niveau supérieur, en l’occurrence au grade F/G.

17     Ces demandes ont été rejetées par des décisions du 1er octobre 2004.

18     Entre le 30 novembre et le 13 décembre 2004, chacune des requérantes a introduit une réclamation sur la base de l’article 41 des conditions d’emploi. Elles concluaient aux mêmes fins que celles formulées dans le cadre des demandes d’examen précontentieux.

19     Ces réclamations ont été rejetées par des décisions datées du 21 décembre 2004 et notifiées aux requérantes entre le 27 décembre 2004 et le 13 janvier 2005.

 Procédure

20     Le présent recours a été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑126/05.

21     Par acte séparé parvenu au greffe le 25 mai 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 27 mai suivant), la BCE a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours.

22     Les requérantes ont fait parvenir leurs observations quant à l’exception le 7 juillet 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 11 juillet 2005).

23     Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, (ci-après la « décision 2004/752 ») instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant ce dernier. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑13/05.

 Sur la recevabilité

24     Conformément à l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, au Tribunal, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur l’exception d’irrecevabilité est orale, sauf décision contraire de celui-ci. En l’espèce, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces produites par les parties, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

25     À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en matière de recours fondé sur les articles 236 CE ainsi que 90 et 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut des fonctionnaires »), il est de jurisprudence constante qu’un tel recours, même formellement dirigé contre le rejet, explicite ou implicite, d’une réclamation administrative, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, la réclamation et son rejet par l’autorité investie du pouvoir de nomination faisant partie intégrante d’une procédure complexe (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T‑33/91, Rec. p. II‑2499, point 23, et du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T‑156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509, point 23). Il convient, par analogie, d’appliquer cette jurisprudence aux recours fondés sur les articles 36.2 des statuts du SEBC et 42 des conditions d’emploi. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu, en l’occurrence, d’examiner la recevabilité de la requête en ce qu’elle est également dirigée contre les décisions des 1er octobre et 21 décembre 2004, ayant respectivement rejeté les demandes d’examen précontentieux et les réclamations formées par les requérantes.

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de l’avis de vacance

 Arguments des parties

26     La partie défenderesse excipe de l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées au double motif, d’une part, que l’avis de vacance ne serait pas un acte faisant grief, d’autre part, que les requérantes ne justifieraient pas d’un intérêt à agir.

27     S’agissant de la première fin de non-recevoir, la partie défenderesse rappelle que l’existence d’un acte faisant grief est une condition essentielle de la recevabilité de tout recours fondé sur l’article 42 des conditions d’emploi. Or, selon elle, l’avis de vacance litigieux ne constitue pas un tel acte. En effet, premièrement, aucune des conditions relatives à l’accès à l’emploi définies par l’avis de vacance n’a eu pour effet d’exclure la candidature des requérantes. Deuxièmement, l’avis n’a pas comporté d’obligation faite aux requérantes de déposer un acte de candidature. Troisièmement, l’avis de vacance n’a modifié ni l’emploi exercé par les requérantes, ni leur grade, ni aucun autre aspect de leur situation administrative.

28     Enfin, la partie défenderesse fait observer que, au moment de l’introduction du recours, aucune nomination n’était intervenue sur la base de l’avis de vacance.

29     S’agissant de la deuxième fin de non-recevoir, la partie défenderesse expose que les requérantes, déjà classées au grade E/F, n’ont aucun intérêt légitime à contester la légalité de l’avis de vacance, ni à faire réviser à la baisse le grade des postes à pourvoir. De plus, en revendiquant, sous couvert d’une contestation de l’avis de vacance, la révision à la hausse de leur propre grade actuel, elles poursuivent un but manifestement étranger au prétendu objet du recours.

30     Les requérantes demandent au Tribunal d’écarter les deux fins de non-recevoir.

31     En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de ce que l’avis de vacance litigieux ne constituerait pas un acte faisant grief, elles font valoir que cet avis est de nature à affecter directement et immédiatement leur situation juridique.

32     Les requérantes expliquent que les candidats recrutés comme « Records Management Specialists » pourront, sans détenir un diplôme universitaire ni même un diplôme d’études secondaires, accéder au grade E/F, alors qu’elles ont dû, pour être classées à ce grade, justifier qu’elles étaient titulaires d’un titre universitaire.

33     Les requérantes ajoutent qu’elles seront, à toutes les étapes de leur carrière, mises en concurrence avec les candidats recrutés. En outre, elles seront susceptibles, dans le cadre d’un programme de mobilité interne mis en place par la BCE, d’occuper les emplois de « Records Management Specialists », pour lesquels il est exigé une qualification moindre que celle requise pour les emplois de « Research Analyst » qu’elles exercent actuellement.

34     En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir, les requérantes contestent l’affirmation de la partie défenderesse, selon laquelle l’objet réel du recours serait d’obtenir une réévaluation de leur classement. Elles soutiennent que, au contraire, le recours vise à ce que leurs emplois ne soient pas dévalorisés par la nomination au grade E/F de candidats qui ne satisferaient pas aux exigences imposées pour accéder audit grade.

35     Enfin, les requérantes soulignent que, l’examen de la recevabilité des conclusions étant intimement lié à l’examen au fond, le Tribunal, pour apprécier si l’avis de vacance a un effet direct et immédiat sur leur situation juridique, doit examiner les moyens de légalité qu’elles soulèvent à l’encontre dudit avis.

 Appréciation du Tribunal

36     S’agissant d’un litige entre la BCE et plusieurs de ses agents, la recevabilité du présent recours doit être appréciée à la lumière de l’article 36.2 des statuts du SEBC (voir ordonnance du Tribunal de première instance du 30 mars 2000, Mendez Pinedo/BCE, T‑33/99, RecFP p. I‑A‑63 et II‑273, point 21 ; arrêt du Tribunal de première instance du 18 octobre 2001, X/BCE, T‑333/99, RecFP p. I‑A‑199 et II‑921, point 41, et ordonnance du Tribunal de première instance du 11 décembre 2001, Cerafogli e.a./BCE, T‑20/01, RecFP p. I‑A‑235 et II‑1075, point 41).

37     En vertu de l’article 36.2 des statuts du SEBC, les juridictions communautaires règlent les litiges entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable (ordonnance de la Cour du 13 septembre 2001, Comité du personnel de la BCE e.a./BCE, C‑467/00 P, Rec. p. I‑6041, points 15 et 16). Ces limites et conditions sont fixées aux articles 41 et 42 des conditions d’emploi et à l’article 8 des règles applicables au personnel.

38     Il y a lieu de rappeler que l’article 42 des conditions d’emploi prévoit que, après que toutes les voies de recours internes disponibles ont été épuisées, la compétence des juridictions communautaires est, en principe, limitée à l’examen de la légalité « de la mesure ou de la décision ». De plus, l’article 8.2.1 des règles applicables au personnel précise que les recours des agents de la BCE doivent, notamment, viser « la décision finale prise au terme de la procédure de réclamation ».

39     Etant donné que la recevabilité des recours dirigés contre des actes de la BCE est soumise à la condition de l’épuisement d’une procédure d’examen précontentieux, les termes « décision » et « mesure » employés à l’article 42 des conditions d’emploi doivent nécessairement renvoyer aux dispositions qui régissent cette procédure précontentieuse. Ces dispositions se trouvent énoncées, en particulier, à l’article 41 des conditions d’emploi, qui précise que les membres du personnel de la BCE peuvent introduire des réclamations ou griefs concernant des « mesures prises à leur égard » (en anglais, qui est la version originale du texte : « actions taken in their individual cases »).

40     Quant à la portée à accorder à l’expression « mesures prises à leur égard », il convient de noter que l’article 9 sous c) des conditions d’emploi précise que « pour l’interprétation des droits et obligations prévus par les présentes conditions d’emploi, la BCE prend dûment en considération les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence relatifs au personnel des institutions communautaires ». Par conséquent, en l’absence d’une définition explicite des termes « décision » et « mesure », et eu égard au sens habituel de l’expression « mesures prises à leur égard », en particulier dans sa version originale anglaise, il convient de les interpréter à la lumière de la notion d’acte faisant grief au sens des articles 90, paragraphe 2, et 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires (voir arrêt du Tribunal de première instance du 18 février 2004, Esch-Leonhardt e.a./BCE, T‑320/02, RecFP p. I‑A‑19 et II‑79, point 37). Or, selon la jurisprudence, seuls constituent des actes faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (arrêts de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 23 et du Tribunal de première instance du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑391/94, RecFP p. I‑A‑269 et II‑787, point 34).

41     En l’espèce, force est de constater que l’avis de vacance litigieux ne constitue pas une mesure produisant de tels effets.

42     Certes, il a été jugé qu’un avis de vacance d’emploi, arrêté dans le cadre de l’article 29, sous a), du statut des fonctionnaires, constitue un acte faisant grief à un fonctionnaire lorsque les conditions qu’il détermine pour l’accès à l’emploi ont pour effet d’exclure la candidature dudit fonctionnaire (arrêts de la Cour du 19 juin 1975, Küster/Parlement, 79/74, Rec. p. 725, point 6, et du 11 mai 1978, De Roubaix/Commission, 25/77, Rec. p. 1081, point 8). Or, en l’espèce, il n’est ni établi, ni même allégué, qu’une ou plusieurs des conditions figurant dans l’avis de vacance auraient eu pour effet d’exclure la candidature des requérantes.

43     Par ailleurs, l’avis litigieux n’a affecté ni l’emploi, ni le grade des requérantes. Il n’a pas entraîné davantage les conséquences que comporte habituellement, selon la jurisprudence communautaire, un acte faisant grief, comme par exemple la modification d’autres aspects de leur situation administrative, tels le lieu, la nature, les conditions d’exercice ou encore l’étendue de leurs fonctions.

44     Enfin, si les requérantes font valoir qu’elles pourraient être contraintes, dans l’avenir, d’exercer les fonctions de « Records Management Specialists », et qu’elles seront en outre confrontées, dans le cadre du déroulement de leur carrière, à des personnes ayant pu accéder, grâce à la procédure de recrutement ouverte par l’avis de vacance, au grade E/F, ces circonstances, purement hypothétiques à la date de publication de l’avis de vacance, ne sont ainsi pas de nature à établir que ce dernier affecterait directement et immédiatement les intérêts des requérantes, d’autant plus qu’aucun candidat n’avait encore été recruté à la date d’introduction du recours.

45     Il résulte de ce qui précède que l’avis de vacance ne fait pas grief aux requérantes et, par suite, ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours sur le fondement des articles 36.2 des statuts du SEBC et 42 des conditions d’emploi. Cette constatation s’impose sans qu’il soit besoin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, d’examiner le bien-fondé des moyens de légalité qu’elles soulèvent à l’encontre dudit avis.

46     Il s’ensuit, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des requérantes, que le recours en tant qu’il tend à l’annulation de l’avis de vacance doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de toutes les décisions prises en exécution de l’avis de vacance et, en particulier, des décisions de recrutement

 Arguments des parties

47     La partie défenderesse expose que l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées découle de l’irrecevabilité des conclusions dirigées contre l’avis de vacance.

48     Elle ajoute que les décisions de recrutement n’ont été adoptées que le 1er avril 2005, soit après l’introduction du recours. Or, un recours en annulation fondé sur l’article 236 CE ne peut avoir un caractère préventif. En outre, ces décisions, inexistantes à la date de l’introduction du recours, n’ont pu, par définition, faire l’objet d’une procédure précontentieuse, laquelle constitue pourtant une condition de recevabilité d’un recours.

49     En ce qui concerne les autres décisions qui, selon les requérantes, auraient été prises en exécution de l’avis de vacance, la partie défenderesse relève que les conclusions tendant à leur annulation ne permettent pas de les identifier avec suffisamment de précision.

50     Les requérantes contestent les fins de non-recevoir soulevées par la partie défenderesse.

51     Elles soutiennent que la circonstance que les décisions de recrutement n’existaient pas encore à la date d’introduction de la requête ne fait pas obstacle à ce qu’elles en demandent l’annulation. De plus, le recours dirigé contre ces décisions n’exigeait pas d’être précédé d’une procédure précontentieuse, dès lors que ces décisions constituaient la conséquence logique, certaine et directe de l’avis de vacance.

52     Enfin, s’agissant des conclusions dirigées contre les autres décisions prises en exécution de l’avis de vacance, les requérantes relèvent que, contrairement à ce que soutient la défenderesse, ces conclusions ne sont pas imprécises.

 Appréciation du Tribunal

53     Ainsi que le fait valoir à raison la BCE, l’irrecevabilité des conclusions dirigées contre l’avis de vacance entraîne, par voie de conséquence, l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées.

54     Au surplus, en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation des décisions de recrutement, le Tribunal rappelle que l’article 42, premier alinéa, des conditions d’emploi subordonne la recevabilité de tout recours en annulation formé par un agent de la BCE devant le juge communautaire à l’épuisement successif des procédures d’examen précontentieux et de réclamation prévues à l’article 41, premier alinéa, des conditions d’emploi. Or, en l’occurrence, les conclusions litigieuses, dirigées au demeurant contre des décisions dont il est constant qu’elles sont intervenues le 1er avril 2005, soit postérieurement à l’introduction de la requête, n’ont été précédées ni d’une demande d’examen précontentieux, ni a fortiori d’une réclamation. Ainsi, les conclusions tendant à l’annulation des décisions de recrutement doivent être rejetées comme irrecevables.

55     De même, en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de toute autre décision qui aurait été prise en exécution de l’avis de vacance, le Tribunal constate que de telles conclusions se bornent à renvoyer, en termes imprécis, à des décisions de la BCE qui ne peuvent ainsi être identifiées (voir ordonnance du Tribunal de première instance du 24 mars 1993, Benzler/Commission, T‑72/92, p. II‑347, points 16, 18 et 19). Par suite, les conclusions susmentionnées ne satisfont pas aux conditions prévues à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Elles sont, par conséquent, irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

56     La partie défenderesse conclut à l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires en raison du lien qu’elles présentent avec le recours en annulation, lui-même irrecevable, ou, dans l’hypothèse où ces conclusions seraient considérées comme dépourvues d’un tel lien, en raison de l’absence de toute procédure précontentieuse tendant au versement d’une indemnité.

57     Les requérantes rétorquent que les conclusions susmentionnées sont recevables, dès lors que le recours en annulation, dont elles constituent l’accessoire, est recevable.

 Appréciation du Tribunal

58     Dans la mesure où les requérantes sollicitent la réparation du préjudice résultant, selon elles, de la nomination de six membres du personnel sur la base de l’avis de vacance prétendument illégal, la demande de réparation présente un lien étroit avec les conclusions en annulation. Il s’ensuit que l’irrecevabilité des conclusions en annulation entraîne celle du recours en indemnité (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T‑20/92, Rec. p. II‑­799, point 46 ; du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑3/92, RecFP p. I‑A‑23 et II‑83, point 37 ; du 12 mai 1998, O’Casey/Commission, T‑184/94, RecFP p. I‑A‑183 et II‑565, point 89, et du 18 février 2004, Esch-Leonhardt e.a./BCE, T‑320/02, RecFP p. I‑A‑19 et II‑­79, points 92 et 93).

 Sur la demande de mesures d’instruction

 Arguments des parties

59     La partie défenderesse fait valoir que les conclusions tendant à ce que la BCE soit condamnée à produire le dossier administratif doivent être regardées comme une demande d’injonction et sont, par suite, irrecevables en vertu de la jurisprudence constante selon laquelle il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions aux institutions et organes communautaires. Si ces conclusions devaient être regardées comme visant à l’exécution de mesures d’instruction, la partie défenderesse fait observer que les requérantes, au lieu d’identifier les documents dont elles demandent la production, se bornent à faire référence sans autres précisions au « dossier administratif ». Enfin, elle souligne qu’une telle mesure d’instruction, qui concerne le fond, n’est pas nécessaire aux fins d’examen de la recevabilité du recours.

60     Les requérantes rétorquent que ces conclusions doivent être regardées comme une demande tendant à ce que le Tribunal ordonne une mesure d’instruction, et non comme une demande d’injonction. Elles ajoutent qu’eu égard à la nature des informations dont elles disposent, la demande est suffisamment précise et concerne des documents nécessaires au Tribunal pour qu’il puisse exercer son contrôle de légalité.

 Appréciation du Tribunal

61     En l’espèce, dès lors que l’irrecevabilité des conclusions de la requête ressort des pièces du dossier, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des requérantes visant à ce que le Tribunal ordonne à la défenderesse de produire le dossier administratif.

 Sur les dépens

62     Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que ce dernier n’a pas adopté son règlement de procédure et, notamment, des dispositions particulières relatives aux dépens, il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles applicables relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

63     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Les requérantes ayant succombé en leur recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Chacune des parties supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 mai 2006.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      P. Mahoney