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ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

13 juin 2024 (*)

« Référé – Concurrence – Concentrations – Demande de renseignements – Article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 – Demande de mesures provisoires – Fumus boni juris – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑1097/23 R‑RENV,

Vivendi SE, établie à Paris (France), représentée par Mes P. Gassenbach, P. Wilhelm, E. Dumur, O. Thomas, S. Schrameck, F. de Bure et Y. Boubacir, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Caro de Sousa, B. Cullen et D. Viros, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A.-L. Meyer et M. N. Coghlan, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

vu l’ordonnance du 28 novembre 2023, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R, non publiée),

vu l’ordonnance du 19 janvier 2024, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R, non publiée, EU:T:2024:15),

vu l’ordonnance du 6 février 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R)‑R, non publiée, EU:C:2024:121],

vu l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318],

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, la requérante, Vivendi SE, sollicite, d’une part, le sursis à l’exécution de la décision C(2023) 6428 final de la Commission, du 19 septembre 2023, relative à une procédure d’application de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (affaire M.11184 – Vivendi/Lagardère), telle que modifiée par la décision C(2023) 7463 final de la Commission, du 27 octobre 2023 (ci‑après la « décision attaquée »), et, d’autre part, à titre de mesure conservatoire, qu’il lui soit enjoint de conserver sur un support électronique dédié remis sous scellé électronique à un tiers de confiance indépendant l’ensemble des documents en sa possession que la décision attaquée concerne.

 Antécédents du litige, conclusions des parties et faits postérieurs à l’introduction de la demande en référé

2        La requérante est la société mère du groupe Vivendi, un groupe français de dimension internationale spécialisé dans les médias et le divertissement, présent sur différents marchés par l’intermédiaire de ses filiales.

3        Le 24 octobre 2022, la requérante a notifié à la Commission européenne une opération de concentration qui consistait en l’acquisition du contrôle exclusif de Lagardère, un groupe français actif notamment dans le secteur des médias.

4        Le 9 juin 2023, la Commission a autorisé le projet d’opération de concentration, sous réserve du respect d’engagements souscrits par la requérante.

5        Le 25 juillet 2023, la requérante a été informée par la Commission de l’ouverture d’une enquête formelle portant sur une potentielle réalisation anticipée de l’opération de concentration.

6        Dans le cadre de cette procédure, par la décision C(2023) 6428 final, la Commission a adressé à la requérante une demande de renseignements, fondée sur l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), assortie d’un délai expirant le 27 octobre 2023. Cette décision oblige la requérante, notamment, à recueillir des documents échangés, entre le 1er janvier 2020 et le 19 septembre 2023, par différents moyens de communication, reçus ou envoyés ou détenus par plusieurs personnes physiques (ci-après les « personnes concernées ») contenant certains termes de recherches définis dans son annexe, ainsi que les documents échangés entre certaines personnes concernées et d’autres personnes physiques, puis à les transmettre à la Commission.

7        Le 27 octobre 2023, la Commission a, par la décision C(2023) 7463 final, notamment prorogé le délai initialement fixé par la décision C(2023) 6428 final au 1er décembre 2023.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 novembre 2023, la requérante a introduit un recours tendant notamment à l’annulation de la décision attaquée.

9        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2023, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée, sur le fondement de l’article 279 TFUE et de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé ;

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif du Tribunal et, le cas échéant, de la Cour sur le recours formé à l’encontre de cette décision sur le fondement de l’article 263 TFUE ;

–        à titre de mesure conservatoire, lui enjoindre de conserver l’ensemble des documents en sa possession concernés par la décision attaquée sur un support électronique dédié, remis, sous scellé électronique, à un tiers de confiance indépendant, par exemple un commissaire de justice ou un mandataire, sous un délai raisonnable et compatible avec les contraintes matérielles liées à la copie des supports contenant lesdits documents ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 18 décembre 2023, la Commission conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      Par ordonnance du 19 janvier 2024, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R, non publiée, EU:T:2024:15), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

12      Le 24 janvier 2024, la Commission a, par la décision C(2024) 571 final, prorogé le délai fixé par la décision attaquée jusqu’au 7 février 2024. Elle a également prévu que la requérante se verrait imposer, en application de l’article 15 du règlement no 139/2004, une astreinte n’excédant pas 5 % de son chiffre d’affaires total journalier moyen par jour de retard à compter du premier jour ouvrable suivant l’expiration du délai prorogé.

13      Les 5 et 6 février 2024, la requérante a fourni à la Commission une partie des documents répondant aux critères définis par la décision attaquée.

14      Par ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318], le vice-président de la Cour a annulé l’ordonnance du 19 janvier 2024, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R, non publiée, EU:T:2024:15). En outre, statuant définitivement sur la condition relative à l’urgence, il a constaté que cette condition était remplie, eu égard au préjudice grave et irréparable pouvant découler d’une atteinte au droit à la vie privée par la mise en œuvre de la décision attaquée, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la condition relative au fumus boni juris et pour que soit effectuée, le cas échéant, la mise en balance des intérêts en présence.

15      Par décision du 23 avril 2024, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis le Conseil de l’Union européenne à intervenir dans la l’affaire au principal au soutien de la Commission.

16      Dans ses observations présentées à la suite de l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318], la requérante conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif du Tribunal et, le cas échéant, de la Cour sur le recours formé à l’encontre de cette décision sur le fondement de l’article 263 TFUE ;

–        à titre de mesure conservatoire, lui enjoindre de conserver l’ensemble des documents en sa possession concernés par la décision attaquée sur un support électronique dédié, remis, sous scellé électronique, à un tiers de confiance indépendant, par exemple un commissaire de justice ou un mandataire, sous un délai raisonnable et compatible avec les contraintes matérielles liées à la copie des supports contenant lesdits documents ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      Dans ses observations présentées à la suite de l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318], la Commission conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        rejeter la demande en référé ;

–        alternativement, ordonner la mise en place d’une des solutions qu’elle suggère ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés dans le cadre des procédures T‑1097/23 R, C‑90/24 P(R) et T‑1097/23 R-RENV.

 En droit

 Sur la persistance de lintérêt à agir

18      Dans ses observations présentées à la suite de l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318], la Commission indique que la requérante lui a fourni, les 5 et 6 février 2024, une partie des documents demandés, répartis en cinq dossiers. La requérante n’aurait donc plus d’intérêt à voir se poursuivre la procédure de référé en ce qui concerne ces documents.

19      En réponse à une question du juge des référés, la requérante a confirmé avoir fourni les documents évoqués par la Commission, les 5 et 6 février 2024, cette fourniture ayant été effectuée physiquement, par le biais de supports électroniques. Elle estime cependant qu’elle conserve un intérêt à la suspension de la décision à l’égard desdits documents, en particulier afin, d’une part, de maintenir sous scellés ces documents et d’éviter leur consultation par la Commission et, d’autre part, de se voir restituer lesdits documents.

20      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, au moment d’accorder des mesures provisoires, il convient d’apprécier si la partie requérante a justifié d’un intérêt à l’obtention des mesures sollicitées (voir ordonnance du 17 décembre 1996, Moccia Irme/Commission, T‑164/96 R, EU:T:1996:205, point 26 et jurisprudence citée).

21      En l’espèce, il y a lieu de relever que, par la décision attaquée, la Commission demande à la requérante de fournir les informations visées à l’annexe de ladite décision et que, par la présente procédure, la requérante sollicite, notamment, le sursis à l’exécution de cette décision.

22      Or, force est de constater que, ainsi qu’il ressort des points 19 et 20 ci-dessus, il est constant entre les parties que la requérante a, les 5 et 6 février 2024, fourni à la Commission une partie des documents visés par la décision attaquée.

23      La décision attaquée a donc été partiellement exécutée.

24      Néanmoins, ainsi qu’il ressort du point 14 ci-dessus, le préjudice grave et irréparable identifié, de manière définitive, par le vice-président de la Cour dans l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318], découlerait d’une atteinte au droit à la vie privée par la mise en œuvre de la décision attaquée. Ce préjudice proviendrait notamment du fait que les données à caractère personnel devant être collectées et transmises à la Commission en application de la décision attaquée sont de nature à permettre de tirer des conclusions précises sur la vie privée des personnes concernées. Aussi, nonobstant l’existence de garanties procédurales, les fonctionnaires et agents de la Commission pourraient avoir accès à des données à caractère personnel qui se rattachent à la vie privée des personnes concernées. Il s’ensuit que le préjudice en cause en l’espèce ne résulte pas uniquement de l’accès, de la collecte et de la transmission par la requérante des documents visés par la décision attaquée à la Commission, mais surtout des conséquences de l’examen et du traitement de ceux-ci par cette institution.

25      Il importe également de relever qu’il ressort du dossier que les documents fournis les 5 et 6 février 2024 à la Commission ont été placés sous scellés, sans que la Commission y ait préalablement accédé.

26      Dans ces conditions, nonobstant la fourniture à la Commission d’une partie des documents visés par la décision attaquée, le préjudice identifié par le vice-président de la Cour dans l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318], n’a pas encore été réalisé et demeure susceptible de l’être.

27      Partant, la requérante conserve un intérêt à demander la suspension de la décision attaquée pour tous les documents visés par celle-ci.

 Sur le fond

 Considérations générales

28      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

29      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

30      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence [voir ordonnance du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 175 et jurisprudence citée].

31      Compte tenu des éléments du dossier, le vice-président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

32      Dans les circonstances de l’espèce, eu égard au fait qu’il a été définitivement statué sur la condition relative à l’urgence dans l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318] (voir point 14 ci-dessus), il convient d’examiner tout d’abord si la condition relative au fumus boni juris est satisfaite.

 Sur le fumus boni juris

33      Il convient de rappeler que la condition relative au fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est notamment le cas lorsque l’un de ces moyens révèle l’existence de questions de droit complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond, ou lorsque le débat mené entre les parties dévoile l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas à l’évidence [voir ordonnance du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 188 et jurisprudence citée].

34      En l’espèce, dans le cadre de sa démonstration relative au fait qu’il est satisfait à cette condition, la requérante invoque sept moyens. Il convient d’examiner tout d’abord le septième moyen, tiré d’une violation du droit au respect de la vie privée.

35      Dans le cadre dudit moyen, la requérante prétend que la décision attaquée, portant, notamment, sur des données provenant des téléphones mobiles et des messageries électroniques tant professionnelles que personnelles des personnes concernées, est contraire à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et à l’article 8, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Elle estime qu’aucune précaution n’est prise pour qu’elle puisse exécuter cette décision tout en assurant le respect des garanties fondamentales dont les personnes bénéficient au titre de leur droit à la vie privée. Elle ajoute, dans ce contexte, qu’elle n’est pas en mesure de répondre à la demande de renseignements sans enfreindre la loi pénale française, qui punit la violation du secret des correspondances et de la vie privée et, partant, sans s’exposer à un risque pénal et civil, ainsi qu’à des sanctions.

36      La Commission rétorque que la décision attaquée ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée. En effet, son annexe serait pourvue de garanties procédurales, adéquates et proportionnées, pour le traitement de données sensibles à caractère personnel qui pourraient se trouver dans les documents concernés. En l’espèce, la limitation de ce droit serait conforme à la Charte, étant donné qu’il existe une base juridique pour l’ingérence dans la vie privée et la protection des données, en l’occurrence l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, que la décision attaquée poursuit un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, à savoir veiller au respect des règles de concurrence, et que les garanties procédurales assurent que ladite décision est proportionnée.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 7 de la Charte, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.

38      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

39      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte prévoit que toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. En outre, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

40      En ce qui concerne l’article 8 de la CEDH, l’article 52, paragraphe 3, de la Charte énonce que, « [d]ans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention ».

41      En l’espèce, il y a lieu de souligner que l’exercice des pouvoirs exercés au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 auprès d’une entreprise constitue une ingérence dans le droit de cette dernière au respect de sa vie privée et de sa correspondance (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 29 octobre 2020, Facebook Ireland/Commission, T‑451/20 R, non publiée, EU:T:2020:515, point 57).

42      Il convient également de constater que le vice-président de la Cour a considéré, en substance, qu’une atteinte au droit à la vie privée, présentant un caractère grave, résulterait du fait que les données à caractère personnel devant être collectées et transmises à la Commission en application de la décision attaquée sont de nature à permettre de tirer des conclusions précises sur la vie privée des personnes concernées [voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 90]. Il a également relevé que l’exécution de la décision attaquée serait de nature à entraîner une grave ingérence dans la vie privée des personnes concernées, étant donné qu’elle permettrait aux fonctionnaires et agents de la Commission d’avoir accès à des données à caractère personnel qui se rattachent à la vie privée desdites personnes [voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 100].

43      Il convient donc d’examiner si la décision attaquée remplit les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et à l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH.

44      S’agissant de la question de savoir si la mesure en cause est prévue par la loi, il suffit de relever, à l’instar de la Commission, que tel est le cas, dès lors que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, disposition qui confère à la Commission la compétence pour demander par décision aux entreprises de fournir des renseignements.

45      Ensuite, en ce qui concerne la condition relative aux objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui auxquels doivent répondre les limitations en cause, il convient de relever que l’exercice des pouvoirs conférés à la Commission par le règlement no 139/2004 concourt au maintien du régime concurrentiel voulu par les traités, dont le respect s’impose impérativement aux entreprises (voir, par analogie, arrêt du 20 juin 2018, České dráhy/Commission, T‑621/16, non publié, EU:T:2018:367, point 105 et jurisprudence citée). La décision attaquée, qui a été adoptée sur le fondement dudit règlement, répond donc, comme la Commission l’a fait valoir, à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.

46      Enfin, s’agissant de la question de savoir si la décision attaquée excède ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs d’intérêt général, il y a lieu de relever que le vice-président de la Cour a considéré qu’il apparaît, de prime abord, nécessaire que la Commission puisse, dans une certaine mesure, traiter des données à caractère personnel qui se rattachent à la vie privée des salariés et des mandataires sociaux des entreprises sur lesquelles elle enquête, sans quoi ses pouvoirs d’enquêtes risqueraient d’être très largement privés de leur efficacité. Il a également rappelé que, dans le cadre d’une enquête menée par la Commission, la collecte de documents qui pourront, le cas échéant, se révéler finalement dépourvus d’intérêt aux fins de cette enquête est, en pratique, difficilement évitable [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 101].

47      Toutefois, il convient de relever que le vice-président de la Cour a également retenu que, au regard du caractère très étendu, sur le plan matériel comme temporel, des obligations imposées à la requérante par la décision attaquée ainsi que de la circonstance selon laquelle lesdites obligations visent notamment à collecter des échanges opérés au moyen d’outils de communication utilisés usuellement à titre purement privé, il apparaît très probable qu’un grand nombre de documents devant ainsi être transmis à la Commission ne relèveront pas de la sphère professionnelle et pourraient fournir des informations sur la vie privée des personnes concernées [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 88].

48      Certes, il est à noter, tout d’abord, que, ainsi que le vice-président de la Cour l’a constaté, l’article 6 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, et rectificatif JO 2016, L 127, p. 2) prévoit qu’un traitement de données à caractère personnel peut, à certaines conditions, être licite même si la personne concernée n’a pas consenti à ce traitement [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 102]. De même, un tel consentement n’est pas, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), une condition de licéité du traitement de données par la Commission dans le cadre de l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont elle est investie, ce qui est le cas d’une demande de renseignements effectuée sur le fondement de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 134/2004.

49      Il est, en outre, à relever que, comme le fait en substance valoir la Commission, la décision attaquée vise uniquement les documents envoyés ou reçus sur des outils de communication professionnels ou personnels, mais utilisés à des fins professionnelles au moins une fois, concernant une liste restreinte de personnes, et répondant à un nombre déterminé de termes de recherches.

50      Il y a lieu, ensuite, de constater que, ainsi que l’indique la Commission, l’annexe de la décision attaquée énonce des modalités particulières de communication de certains renseignements sollicités, en l’occurrence pour ceux dont la requérante demande la protection de la confidentialité des échanges entre avocats et clients [paragraphe 10, sous j) et k) de l’annexe de la décision attaquée] et pour ceux contenant des données à caractère personnel sensibles, telles que définies par le règlement 2016/679 [paragraphe 10, sous l)].

51      Il convient, enfin, de souligner que, par une lettre du 6 décembre 2023, la Commission a précisé à la requérante les modalités et garanties entourant la communication des renseignements sollicités, et plus particulièrement des documents susceptibles de contenir des données à caractère personnel sensibles, et des documents susceptibles de contenir des sources journalistiques. S’agissant des premiers, elle a indiqué que les documents relevant du champ d’application de la décision attaquée qui n’ont pas de lien avec les activités commerciales de la requérante et qui contiennent des données à caractère personnel sensibles pouvaient être placés dans une salle de données virtuelle pour permettre à la Commission de vérifier s’ils sont dénués de pertinence pour son enquête. S’agissant des seconds, elle a confirmé que les documents qui seraient susceptibles de révéler des sources journalistiques bénéficiaient d’une protection particulière et qu’elle proposait d’appliquer des garanties procédurales analogues à celles mises en place pour assurer la protection de la confidentialité des échanges entre avocats et clients.

52      Toutefois, il importe de constater que le vice-président de la Cour a estimé que, eu égard à la portée conférée à la notion de données à caractère personnel sensibles dans la décision attaquée, il apparaissait que les garanties de procédure appliquées à de telles données ne s’appliquent pas à l’ensemble des données relevant de la vie privée des personnes concernées. En particulier, il a relevé que ces garanties n’offrent aucune forme de protection aux données relatives, par exemple, à la vie familiale, aux goûts ou encore aux activités privées dénuées de caractère politique, religieux, philosophique ou syndical de ces personnes [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 38].

53      Certes, la procédure de salle de données virtuelle permet d’encadrer la mise en œuvre de la décision attaquée, en accordant des garanties au traitement des documents en cause.

54      Cependant, force est de constater que la décision attaquée, telle que modifiée par la décision par la décision C(2024) 571 final et lue à la lumière de la lettre du 6 décembre 2023 mentionnée au point 52 ci-dessus, ne prévoit cette procédure que pour les documents qui n’ont pas de lien avec les activités commerciales de la requérante et qui contiennent des données à caractère personnel sensibles. Si la Commission indique avoir accepté d’étendre le champ de cette procédure à tous les documents relevant de la sphère strictement personnelle (et non plus aux seuls documents contenant des données sensibles) et qui n’ont pas de lien avec les activités commerciales de la requérante, il n’a pas été soutenu que la décision attaquée aurait été modifiée en ce sens.

55      Quant à la circonstance, évoquée par la Commission dans ses observations sur la demande en référé, selon laquelle ses fonctionnaires et agents sont soumis à des obligations strictes en matière de secret professionnel conformément à l’article 339 TFUE, à l’article 17 du règlement no 139/2004 et à l’article 17 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, il y a lieu de relever que, selon le vice-président de la Cour, les obligations de secret professionnel auxquelles sont astreints les fonctionnaires et agents de la Commission ne sont pas de nature à éviter l’atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes concernées que constitue le fait que ces fonctionnaires et agents ont eux-mêmes accès à des données à caractère personnel qui se rattachent à la vie privée de ces personnes [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 43]. S’agissant plus particulièrement des risques de divulgation aux tiers, évoqués par la requérante, le vice-président de la Cour a retenu que les obligations de secret professionnel imposées aux fonctionnaires et aux agents de la Commission n’ont ni pour objet ni pour effet de régir l’accès de tiers admis à la procédure à des documents figurant dans le dossier dont dispose la Commission [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 46]. Enfin, les obligations de secret professionnel pesant sur les fonctionnaires et agents de la Commission ne limitent pas les possibilités dont disposent ces derniers d’avoir accès aux données à caractère personnel qui se rattachent à la vie privée des personnes concernées [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 100].

56      Il s’ensuit que, à ce jour, ainsi que l’a relevé le vice-président de la Cour, la décision attaquée ne comporte aucun mécanisme destiné à prévenir, de manière générale, la collecte et la transmission à la Commission de documents se rattachant à la vie privée des personnes concernées ou à offrir des garanties quant au traitement de tels documents [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 89].

57      Il ne saurait donc être exclu que la décision attaquée excède ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’intérêt général qu’elle poursuit.

58      Il résulte de ce qui précède que, sans préjuger de la décision du Tribunal sur le recours principal, le moyen tiré d’une violation de l’article 7 de la Charte et de l’article 8 de la CEDH n’apparaît pas, à première vue, dépourvu de fondement sérieux et mérite donc un examen approfondi qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit l’être dans le cadre de la procédure au fond.

59      Il y a donc lieu d’admettre l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur la mise en balance des intérêts

60      Selon la jurisprudence, les risques liés à chacune des solutions possibles doivent être mis en balance dans le cadre de la procédure de référé. Concrètement, cela implique notamment d’examiner si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de celui‑ci. Lors de cet examen, il convient de déterminer si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par son exécution immédiate et, inversement, dans quelle mesure le sursis serait de nature à faire obstacle aux objectifs poursuivis par l’acte attaqué au cas où le recours dans l’affaire principale serait rejeté (voir ordonnance du 29 octobre 2020, Facebook Ireland/Commission, T‑451/20 R, non publiée, EU:T:2020:515, point 115 et jurisprudence citée). S’agissant plus particulièrement de la condition selon laquelle la situation juridique créée par une ordonnance de référé doit être réversible, il y a lieu de relever que la finalité de la procédure de référé se limite à garantir la pleine efficacité de la future décision au fond. Par conséquent, cette procédure a un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe, de sorte que la décision prise par le juge des référés doit présenter un caractère provisoire, en ce sens qu’elle ne saurait ni préjuger du sens de la future décision au fond ni la rendre illusoire en la privant d’effet utile (voir ordonnance du 20 juillet 2016, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, T‑729/15 R, non publiée, EU:T:2016:435, point 75 et jurisprudence citée).

61      En l’espèce, il s’agit de mettre en balance, d’une part, l’intérêt d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable pouvant découler, ainsi que le reconnaît la Commission, d’une atteinte au droit à la vie privée des personnes concernées par la mise en œuvre de la décision attaquée et, d’autre part, l’intérêt public de préserver l’efficacité des règles de concurrence de l’Union.

62      À cet égard, il est à souligner que, dans le cadre du litige principal, le Tribunal sera appelé à statuer sur le point de savoir si la décision attaquée doit être annulée, notamment, en ce que sa mise en œuvre impliquerait une violation de l’article 7 de la Charte et de l’article 8 de la CEDH.

63      Cependant, un arrêt d’annulation serait privé d’effet utile si la présente demande en référé était rejetée, étant donné que ce rejet aurait pour conséquence d’obliger la requérante à fournir les renseignements demandés qui n’ont pas été fournis et à permettre la consultation de ceux qui l’ont été et, partant, à contribuer au préjudice grave et irréparable pouvant en découler.

64      Dans ce contexte, il est à relever que, contrairement à ce que prétend la Commission, l’éventuelle annulation de la décision attaquée par le Tribunal dans l’affaire principale ne permettrait pas de remédier à la situation qui résulterait de sa mise en œuvre immédiate. En effet, ainsi que l’a retenu le vice-président de la Cour, le préjudice immatériel résultant d’une atteinte au droit à la vie privée n’est pas susceptible d’être intégralement supprimé a posteriori en cas d’annulation de la décision [ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 91].

65      De même, le fait que la Commission soit obligée de traiter les données relevant de la vie privée conformément aux règles du règlement 2018/1725 ne permet pas, dans les circonstances de l’espèce, d’exclure la survenance du préjudice identifié par le vice-président de la Cour et, donc, de faire prévaloir l’intérêt public sur celui d’éviter la survenance de ce préjudice. Il en va de même des circonstances évoquées par la Commission, telle que celle selon laquelle la collecte des documents sur un support de communication personnel est limitée aux personnes concernées ayant confirmé qu’elles utilisent leurs outils de communications personnels à des fins professionnelles et celle prise de ce que la recherche par mots-clefs assure une instruction à charge et à décharge de la part de la Commission.

66      Certes, comme la Commission le relève, le sursis à l’exécution de la décision attaquée l’empêcherait d’examiner et d’utiliser les documents demandés à la requérante jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours principal. Toutefois, l’octroi des mesures provisoires sollicitées ne reviendrait qu’à maintenir, pour une période limitée, le statu quo, sans porter atteinte de manière définitive à l’efficacité des règles de concurrence de l’Union.

67      Ce faisant, l’argumentation de la Commission selon laquelle la suspension de la décision attaquée ferait obstacle au plein effet de celle-ci et ne serait pas proportionnée à l’objectif légitime qu’elle poursuit doit être écartée.

68      Quant à l’argument de la Commission selon lequel ordonner des mesures provisoires irait à l’encontre de la jurisprudence du juge des référés, qui a montré une réticence à s’immiscer dans les enquêtes en cours, force est de constater que la jurisprudence évoquée par cette institution à cet égard concerne, notamment, l’hypothèse dans laquelle la demande de mesures provisoires vise à empêcher la Commission d’exercer ses pouvoirs d’enquête et de sanction immédiatement après l’ouverture d’une procédure administrative et ce avant même qu’elle ait adopté les actes interlocutoires ou définitifs dont la partie requérante désire éviter l’exécution. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce, la décision attaquée étant un acte postérieur à l’ouverture de la procédure. Au demeurant, le juge des référés a déjà eu l’occasion de suspendre des décisions de demandes de renseignements adoptées dans le contexte du droit de la concurrence (voir, en ce sens, ordonnance du 29 octobre 2020, Facebook Ireland/Commission, T‑451/20 R, non publiée, EU:T:2020:515).

69      Il s’ensuit que l’intérêt de la Commission à voir rejeter la demande en référé doit céder devant l’intérêt défendu par la requérante.

70      Cependant, la portée de cette conclusion doit être limitée à l’hypothèse où la décision attaquée impose la fourniture de documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées, dès lors que, en statuant définitivement sur la condition relative à l’urgence, le vice-président de la Cour a constaté que ledit préjudice découlerait d’une ingérence dans la vie privée de certaines desdites personnes. Il n’y a en revanche pas lieu d’en limiter la portée aux documents ne bénéficiant pas de garanties procédurales, dès lors que le vice-président de la Cour n’a pas estimé que ces dernières étaient suffisantes pour priver le préjudice en cause de son caractère grave [voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318, point 95].

71      En conséquence, toutes les conditions étant réunies à cet effet, il y a lieu de faire droit à la demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée, dans la mesure où l’obligation qui y est formulée vise des documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées.

72      Il convient également de prévoir des mesures complémentaires afin de préserver le statu quo ante.

73      D’une part, s’agissant des documents visés par la décision attaquée qui ont été fournis à la Commission les 5 et 6 février 2024, il y a lieu de rappeler qu’ils ont été mis sous scellés, sans que la Commission y ait préalablement accédé. Afin d’éviter la survenance du préjudice en cause en l’espèce, il convient d’enjoindre à la Commission de conserver ceux-ci sous scellés et d’en empêcher l’accès à ses fonctionnaires et agents jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande principale.

74      D’autre part, s’agissant des documents visés par la décision attaquée qui n’ont pas été fournis à la Commission, il convient de relever que, dans ses observations présentées à la suite de l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), non publiée, EU:C:2024:318], la Commission a indiqué que tous les documents visés par la décision attaquée avaient été collectés, sans que la requérante ne remette en cause cette affirmation. La requérante a également indiqué que ces éléments ont été placés sous scellés. Afin d’en éviter la destruction ou la disparition, il convient d’ordonner à la requérante de prendre toutes les mesures utiles pour assurer la conservation, dans un format qui garantit leur intégrité et leur caractère inaltérable, des documents visés à l’annexe de la décision attaquée.

75      Quant à la possibilité, évoquée par la Commission, pour le juge des référés de rendre obligatoire la procédure de la salle de données virtuelle à l’ensemble des documents contenant des données à caractère personnel, qu’elles soient sensibles ou non, qui relèvent de la sphère strictement personnelle et qui sont sans lien avec l’activité commerciale de la requérante, elle n’apparaît pas envisageable à ce stade. En particulier, cette proposition de la Commission ne vise que les documents contenant des données à caractère personnel qui relèvent de la « sphère strictement personnelle », de sorte que son champ d’application ne concerne pas l’ensemble des documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées. De surcroît, ladite proposition concernerait potentiellement un très grand nombre de documents, rendant sa mise en œuvre pratique relativement difficile. Néanmoins, dans l’hypothèse où les parties conviendraient d’un modus operandi permettant la consultation par la Commission, dans le respect de la vie privée des personnes concernées, des documents visés par la décision attaquée qui ne bénéficient pas déjà de garanties procédurales, il demeure loisible à cette institution de saisir le juge des référés d’une demande au titre de l’article 159 du règlement de procédure.

76      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE VICE-PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution de la décision C(2023) 6428 final de la Commission, du 19 septembre 2023, relative à une procédure d’application de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (affaire M.11184 – Vivendi/Lagardère), telle que modifiée par la décision C(2023) 7463 final de la Commission, du 27 octobre 2023, dans la mesure où l’obligation qui y est formulée vise des documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées par cette décision.

2)      Il est ordonné à Vivendi SE de prendre toutes les mesures utiles pour assurer la conservation, dans un format qui garantit leur intégrité et leur caractère inaltérable, des documents visés à l’annexe de décision C(2023) 6428 final, telle que modifiée par la décision C(2023) 7463 final, qui n’ont pas encore été communiqués à la Commission européenne, pour autant qu’il s’agisse de documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées.

3)      Il est ordonné à la Commission de conserver sous scellés les documents visés à l’annexe de décision C(2023) 6428 final, telle que modifiée par la décision C(2023) 7463 final, qui lui ont été fournies par Vivendi, pour autant qu’il s’agisse de documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées.

4)      La demande est rejetée pour le surplus.

5)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 13 juin 2024.

Le greffier

 

Le vice-président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.