Language of document : ECLI:EU:T:2008:534

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

26 novembre 2008(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale NEW LOOK – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑435/07,

New Look Ltd, établie à Weymouth (Royaume-Uni), représentée par M. S. Malynicz, barrister, M. M. Blair et Mme K. Gilbert, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 3 septembre 2007 (affaire R 670/2007-2), concernant l’enregistrement du signe verbal NEW LOOK comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et N. Wahl, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2007,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2008,

à la suite de l’audience du 17 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 novembre 2002, la requérante, New Look Ltd, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal NEW LOOK.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 4, 9, 11, 14, 16, 18, 20, 25, 26, 28, 35 et 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »).

4        Par courrier du 16 juillet 2004, l’examinateur a informé la requérante que la marque demandée ne pouvait être admise à l’enregistrement pour certains produits spécifiés dans la demande, relevant des classes 3, 9, 14, 18, 20, 25 et 26 au sens de l’arrangement de Nice, dans la mesure où elle n’était pas conforme à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

5        Le 21 juillet 2005, la requérante a produit des preuves de l’usage de la marque demandée, afin de démontrer que celle-ci avait acquis un caractère distinctif dans la Communauté.

6        Le 1er août 2006, l’examinateur a maintenu son objection au motif que ces preuves ne suffisaient pas à démontrer le caractère distinctif acquis par la marque demandée dans la Communauté. En outre, elle a étendu l’objection à l’enregistrement de ladite marque afin de couvrir des produits et des services supplémentaires relevant des classes 16, 18 et 35 au sens de l’arrangement de Nice et a invité la requérante à présenter de nouvelles observations.

7        Le 1er décembre 2006, la requérante a sollicité l’enregistrement d’une déclaration de division de sa demande de marque communautaire. Celle-ci a été autorisée le 3 janvier 2007. Compte tenu de cette division, les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé relèvent des classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 26 et 35 au sens de l’arrangement de Nice et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Cosmétiques et articles de toilette ; savons ; parfums ; huiles essentielles, shampooings et après-shampooings de soins capillaires ; déodorants et dentifrices » ;

–        classe 9 : « Lunettes de soleil, lentilles et montures pour lunettes de soleil » ;

–        classe 14 : « Bijoux ; articles en métal précieux ou recouverts de métal précieux ; bracelets, colliers, broches, bagues et boucles d’oreilles ; horlogerie ; bracelets de montres et chaînes de montres ; pièces, parties constitutives et accessoires de tous les produits précités » ;

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie et publications imprimées, à savoir magazines internes et catalogues de vente d’articles vestimentaires par correspondance » ;

–        classe 18 : « Articles en cuir ou similicuir ; sacs ; sacs à main ; sacs à dos, sacs à bandoulière, sacs de plage, sacs de sport, fourre-tout, bagages à main ; sacs pochettes, sacs de voyage, portefeuilles, porte-monnaie ; étuis pour carnets de chèque, serviettes, bananes, articles de bagages, parasols, parapluies, cannes et ceintures ; vanity-cases » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures et chapellerie » ;

–        classe 26 : « Perruques, cheveux postiches » ;

–        classe 35 : « Regroupement pour le compte de tiers de gammes de vêtements, chaussures, chapeaux, accessoires de mode et articles de style de vie dans un environnement de vente au détail afin que les tiers puissent commodément voir et acheter ces produits ».

8        Par décision du 7 mars 2007, l’examinateur a rejeté dans son entièreté la nouvelle demande de marque communautaire en maintenant son objection au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

9        Le 4 mai 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur.

10      Par décision du 3 septembre 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours au motif que le signe verbal NEW LOOK était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et que les preuves produites par la requérante n’étaient pas suffisantes pour démontrer que ce signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94. Ce moyen s’articule en trois branches, relatives, la première, au territoire pertinent, la deuxième, à la preuve de l’usage antérieur de marques figuratives au Royaume-Uni et en Irlande et, la troisième, à la valeur probante des preuves apportées concernant ces deux pays.

14      S’agissant de la première branche, la requérante considère que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 en exigeant qu’elle démontre un caractère distinctif acquis par la marque demandée dans des États membres autres que le Royaume-Uni et l’Irlande. En effet, selon la requérante, il ressort de la jurisprudence que la preuve de l’usage doit être apportée seulement pour la partie substantielle de la Communauté dans laquelle elle était dépourvue de caractère distinctif au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Il ressortirait également de la jurisprudence que, dans le cas d’un signe verbal de langue anglaise, le caractère distinctif ne peut faire défaut qu’au Royaume-Uni et en Irlande, étant donné que l’anglais n’est la langue maternelle que dans ces deux États membres.

15      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, lu en combinaison avec le paragraphe 2 du même article, une marque doit être refusée à l’enregistrement si elle est dépourvue de caractère distinctif dans une partie de la Communauté (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 81). En conséquence, pour être admis à l’enregistrement, un signe doit posséder un caractère distinctif dans l’ensemble de la Communauté [arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, Rec. p. II‑1925, point 24].

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le paragraphe 1, sous b), du même article n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits et les services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. Il s’ensuit qu’une marque ne peut être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 que si la preuve est apportée qu’elle a acquis, par son usage, un caractère distinctif dans la partie de la Communauté dans laquelle elle n’avait pas ab initio un tel caractère au sens du paragraphe 1, sous b), du même article (arrêt Storck/OHMI, précité, points 82 et 83).

17      Il convient également de rappeler que le caractère distinctif d’une marque, y compris celui acquis par l’usage, doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et en tenant compte de la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet électronique), T‑263/04, non publié au Recueil, point 65].

18      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 14 et 16 de la décision attaquée, que le public pertinent était composé de membres du grand public de langue maternelle anglaise et des consommateurs des produits en cause dans la Communauté qui comprennent l’anglais de base, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. Au point 20, elle a considéré que le public ciblé comprenait donc, outre le grand public du Royaume-Uni et de l’Irlande, celui de Malte, de Chypre, des pays scandinaves, des Pays-Bas, de la Finlande et de « tous les endroits où la mode représente une activité commerciale importante ».

19      À cet égard, il y a lieu tout d’abord de considérer que les produits et les services visés, qui relèvent des classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 26 et 35 au sens de l’arrangement de Nice et comprennent, notamment, les cosmétiques, les lunettes de soleil, les bijoux, les vêtements, les articles de papeterie, les articles en cuir, y compris les sacs et les chaussures, ainsi que les perruques, s’adressent effectivement au grand public.

20      Ensuite, il convient de constater que le signe verbal demandé est une expression banale qui relève de la langue anglaise courante et ne présente aucune difficulté linguistique. Cette expression sera ainsi comprise comme signifiant « nouvelle apparence » par un public de langue maternelle anglaise, mais également par des personnes ayant une connaissance de base de l’anglais, un tel niveau de connaissances étant suffisant, en l’espèce, à la compréhension du signe demandé. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’un signe verbal composé de mots de langue anglaise dont la combinaison est grammaticalement correcte peut avoir un sens non seulement pour un public anglophone, mais aussi pour un public ayant des connaissances suffisantes de l’anglais [arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 76, et du 12 mars 2008, Suez/OHMI (Delivering the essentials of life), T‑128/07, non publié au Recueil, point 22].

21      De plus, il importe de rappeler que la jurisprudence à laquelle se réfère la requérante n’exclut pas, contrairement à ce qu’elle prétend, que le public d’autres territoires que celui du Royaume-Uni et de l’Irlande soit spécifiquement concerné par un signe de langue anglaise. En effet, il a été relevé dans l’arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, ColArt/Americas/OHMI (BASICS) (T‑164/06, non publié au Recueil, point 24), que le signe BASICS concerne « avant tout » le public du Royaume-Uni et de l’Irlande, ce qui implique que le signe peut aussi être compris sur d’autres territoires.

22      Par conséquent, il y a lieu de vérifier si un signe verbal relevant d’une langue spécifique sera compris par le public ciblé sur tous les territoires concernés. Une telle compréhension peut être présumée si un signe est demandé pour un territoire sur lequel la langue du signe est la langue maternelle de la population du territoire et elle doit être prouvée sur les territoires sur lesquels la langue pertinente n’est pas la langue maternelle de ladite population, à moins qu’une connaissance suffisante de la langue du signe par le public ciblé sur ces territoires soit un fait notoire. En effet, il ressort de la jurisprudence que l’OHMI peut prendre en considération d’office des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, points 29 à 32].

23      En l’espèce, il y a lieu de considérer que, à tout le moins, une compréhension de base de la langue anglaise par le grand public, en tout cas, des pays scandinaves, des Pays-Bas et de la Finlande, est un fait notoire. Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le public visé de ces pays comprendrait le signe demandé et ne le percevrait pas comme indiquant une origine commerciale particulière des produits et des services en cause, mais comme une publicité ayant pour seul but de mettre en avant une qualité relative à un produit ou une modification dans l’apparence d’une personne que permettrait ledit produit. Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le signe demandé est dépourvu de tout caractère distinctif intrinsèque dans ces pays.

24      En revanche, étant donné que l’expression « tous les endroits où la mode représente une activité commerciale importante » est si vague qu’elle ne permet pas de délimiter un territoire et un public ciblé précis, ne saurait être considéré comme notoire le fait que le grand public des centres de mode de la Communauté maîtrise si bien l’anglais qu’il peut être présumé comprendre l’expression « new look ». En outre, la conclusion de la chambre de recours ne reposant sur aucune preuve, la requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que lesdits endroits ont été pris en compte. Par ailleurs, conformément à l’article 159 bis, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, les territoires de Chypre et de Malte ne peuvent être pris en compte en l’espèce, la demande de marque ayant été effectuée avant l’adhésion de ces États membres à la Communauté.

25      Dans la mesure où la requérante considère qu’une telle approche revient à exiger d’un demandeur de marque communautaire qu’il devine le niveau de compréhension d’anglais pour une marque particulière dans l’ensemble de la Communauté, ce qui impliquerait une appréciation extrêmement complexe pour laquelle il n’existerait aucune donnée fiable, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, la détermination tant du niveau de maîtrise de la langue anglaise suffisant à une compréhension du signe demandé que du niveau de maîtrise de la langue anglaise sur les territoires visés par la décision attaquée ne présente, en l’espèce, aucune complexité. À cet égard, il suffit de renvoyer aux constatations effectuées aux points 20, 23 et 24 ci-dessus.

26      Il s’ensuit que, la requérante n’ayant apporté aucune preuve de l’usage du signe demandé dans les pays scandinaves, les Pays-Bas et la Finlande, elle n’a pas démontré que ce signe a acquis par l’usage un caractère distinctif sur tout le territoire, voire dans toute la zone linguistique, dans laquelle il existe un motif de refus (voir, en ce sens, points 15 et 16 ci-dessus, et arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Bovemij Verzekeringen, C‑108/05, Rec. p. I‑7605, points 23 et 28). En effet, il résulte de ce qui précède que cette zone couvre ces territoires ainsi que ceux du Royaume-Uni et de l’Irlande.

27      Partant, la première branche doit être rejetée.

28      Dans ces circonstances, les arguments avancés par la requérante dans le cadre des deux autres branches du moyen, relatifs, d’une part, à l’usage antérieur de marques figuratives au Royaume-Uni et en Irlande et, d’autre part, à la valeur probante des preuves apportées concernant ces deux pays, sont inopérants.

29      Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

30      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      New Look Ltd est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 novembre 2008.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.