Language of document : ECLI:EU:T:2014:940

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 novembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale URB – Marque nationale collective verbale antérieure URB et marque nationale collective figurative antérieure URB – Motif absolu de refus – Absence de mauvaise foi du titulaire de la marque communautaire – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Motif relatif de refus – Absence d’habilitation par le titulaire des marques antérieures – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 – Absence de violation de l’article 72 du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑506/13,

Urb Rulmenti Suceava SA, établie à Suceava (Roumanie), représentée par Me I. Burdusel, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. P. Bullock et N. Bambara, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Harun Adiguzel, demeurant à Diosd (Hongrie), représenté par Me G. Bozocea, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 12 juillet 2013 (affaire R 1309/2012‑4), relative à une procédure de nullité entre Urb Rulmenti Suceava SA et M. Harun Adiguzel,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 28 janvier 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 novembre 2008, l’intervenant, M. Harun Adiguzel, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal URB. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 6 et 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. La marque en question a été enregistrée le 10 juin 2009.

3        Le 29 juin 2010, la requérante, Urb Rulmenti Suceava SA, a déposé une demande en nullité, au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), et de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, à l’encontre de l’enregistrement de la marque communautaire en cause.

4        À l’appui de cette demande, la requérante s’est fondée, premièrement, sur les enregistrements collectifs roumains n° 14568 de la marque verbale URB et n° 14567 de la marque figurative reproduite ci-après, déposées et enregistrées le 30 septembre 1987 et renouvelées jusqu’en 2017, pour les produits et services relevant des classes 6, 7, 35 et 42, deuxièmement, sur l’enregistrement international n° 249112 de la marque figurative reproduite ci-après, déposée auprès de l’Oficiul de stat pentru invenții şi mărci (OSMI, Office d’État roumain pour les inventions et les marques), enregistrée par le bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) le 2 novembre 1961, renouvelée jusqu’en 2021 pour les produits des classes 6 et 7, et couvrant le Benelux, la République tchèque, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, la Hongrie, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie ainsi que la Slovaquie et, troisièmement, sur l’enregistrement international n° 377007 de la marque figurative reproduite ci-après, déposée auprès de l’OSMI, enregistrée par le bureau international de l’OMPI le 25 mars 1971, renouvelée jusqu’en 2021 pour les produits des classes 6 et 7, et couvrant le Benelux, la République tchèque, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, la Hongrie, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie ainsi que la Slovaquie. Les marques figuratives faisant l’objet de ces enregistrements correspondent au signe suivant :

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5        La titulaire enregistrée des marques collectives et des enregistrements internationaux mentionnés au point 4 ci-dessus (ci-après les « marques antérieures ») est la société S.C. URB S.A. La requérante affirme qu’elle était habilitée à utiliser ces marques.

6        Par décision du 18 mai 2012, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité de la requérante au motif que la preuve de la mauvaise foi du titulaire de la marque communautaire n’avait pas été rapportée et que la requérante, qui n’était pas la titulaire des marques antérieures, n’était pas habilitée à invoquer le risque de confusion entre les marques en conflit.

7        Le 16 juillet 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 12 juillet 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours.

9        En substance, la chambre de recours a, tout d’abord, rejeté, faute de preuve, le moyen tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle a, ensuite, estimé que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, devait être écarté étant donné que la requérante n’était pas la titulaire des marques antérieures dont elle se prévalait.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens ;

–        condamner l’intervenant aux dépens de la procédure devant l’OHMI.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 72 du règlement n° 207/2009, et, le second, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 72 du règlement n° 207/2009

14      La requérante soutient, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’elle ne pouvait déposer de demande en nullité au titre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 en se prévalant, notamment, des marques collectives antérieures mentionnées au point 4 ci-dessus (ci-après les « marques collectives antérieures »), dans la mesure où elle n’en était pas la titulaire. Elle fait valoir qu’elle était habilitée à utiliser les marques collectives antérieures. Elle ajoute qu’elle a demandé à la titulaire de ces marques d’engager une action contre l’enregistrement de la marque communautaire en cause, mais que celle-ci a refusé d’agir sans apporter de justification. Elle affirme qu’elle était donc en droit, conformément aux dispositions de l’article 22, paragraphes 2 et 3, et de l’article 72 du règlement n° 207/2009, d’introduire une action en nullité contre le titulaire de ladite marque communautaire.

15      L’OHMI et l’intervenant contestent cette argumentation.

16      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a constaté, dans le cadre de l’examen de la cause de nullité relative, prévue à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, invoquée par la requérante, que cette dernière n’était pas la titulaire enregistrée des marques qu’elle invoquait et qu’elle n’avait pas obtenu de la part de la titulaire l’autorisation d’introduire une demande en nullité. Elle a considéré qu’il ressortait des documents produits par la requérante qu’elle n’était pas habilitée à invoquer les marques collectives antérieures sur lesquelles elle fondait, notamment, sa demande en nullité.

17      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 56, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, une demande en nullité de la marque communautaire peut être présentée auprès de l’OHMI dans les cas définis à l’article 53, paragraphe 1, dudit règlement par les personnes visées à l’article 41, paragraphe 1, à savoir les titulaires des marques antérieures ainsi que les licenciés habilités par les titulaires de ces marques.

18      Premièrement, il est constant que la requérante n’était pas la titulaire des marques collectives antérieures qu’elle a invoquées au soutien de sa demande en nullité de la marque communautaire.

19      Deuxièmement, il ne ressort des pièces du dossier ni que la requérante possédait une licence ni, en tout état de cause, qu’elle avait été habilitée par la titulaire de ces marques à présenter une demande en nullité auprès de l’OHMI.

20      Troisièmement, s’agissant de la référence à l’article 22, paragraphes 2 et 3, et à l’article 72 du règlement n° 207/2009, il y a lieu de rappeler qu’il découle de l’article 22, paragraphe 3, dudit règlement que, sans préjudice des stipulations du contrat de licence, le licencié ne peut engager une procédure relative à la contrefaçon d’une marque communautaire qu’avec le consentement du titulaire de celle-ci. Cet article précise néanmoins que le titulaire d’une licence exclusive peut engager une telle procédure si, après mise en demeure, le titulaire de la marque n’agit pas lui-même en contrefaçon dans un délai approprié. En outre, l’article 72 dudit règlement dispose, notamment, que le paragraphe 3 de son article 22 s’applique à toute personne habilitée à utiliser une marque communautaire collective. Toutefois, force est de constater que ces dispositions ne sont pas applicables aux demandes en nullité, mais aux procédures relatives à la contrefaçon. Il en est de même des dispositions du droit roumain invoquées par la requérante.

21      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la requérante ne pouvait présenter une demande en nullité de la marque communautaire en cause au titre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. Le premier moyen doit donc être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

22      La requérante fait valoir que le demandeur de la marque communautaire en cause était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

23      L’OHMI et l’intervenant contestent cette argumentation.

24      La chambre de recours a estimé que le fait que les marques collectives antérieures n’étaient pas enregistrées au nom de la requérante excluait toute possibilité que l’intervenant ait fait preuve de mauvaise foi à son égard. La chambre de recours a ajouté qu’aucun élément versé au dossier ne démontrait l’existence d’obligations spécifiques auxquelles l’intervenant aurait été tenu. Enfin, la chambre de recours a considéré que l’argumentation de la requérante selon laquelle il existait un lien entre les marques collectives antérieures et l’intervenant était inopérante. La chambre de recours en a conclu que l’intervenant n’avait pas été de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque communautaire.

25      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 prévoit que la nullité de la marque communautaire est déclarée lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

26      Il incombe au demandeur en nullité qui entend se fonder sur ce motif d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque communautaire était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière [voir arrêt du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, EU:T:2012:689, point 21 et jurisprudence citée].

27      En outre, dans son arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, Rec, EU:C:2009:361, point 53), la Cour a indiqué que, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, devaient être pris en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce, et notamment :

–        le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire, prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ;

–        l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ;

–        le degré de protection dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé.

28      Il ressort de la formulation retenue par la Cour dans ledit arrêt que les trois facteurs énumérés au point 27 ci-dessus ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte à l’effet de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement au moment du dépôt de la demande de marque [arrêts du 14 février 2012, Peeters Landbouwmachines/OHMI – Fors MW (BIGAB), T‑33/11, Rec, EU:T:2012:77, point 20, et Pelikan, point 26 supra, EU:T:2012:689, point 26].

29      Il y a donc lieu de considérer que, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il peut également être tenu compte de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque communautaire (arrêt BIGAB, point 28 supra, EU:T:2012:77, point 21), ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé ledit dépôt (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juin 2010, Internetportal und Marketing, C‑569/08, Rec, EU:C:2010:311, point 52).

30      Enfin, la Cour a ajouté que, aux fins d’apprécier l’existence de la mauvaise foi, il convenait également de prendre en considération l’intention du demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 41). La Cour a précisé que l’intention du demandeur au moment pertinent était un élément subjectif qui devait être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 42).

31      En l’espèce, il convient de relever que la requérante se borne à faire état, sous la forme d’une liste relativement brève et sans davantage de précision, de certains éléments qui, selon elle, seraient de nature à établir la mauvaise foi de l’intervenant lors du dépôt de sa demande d’enregistrement de marque communautaire.

32      Premièrement, la requérante affirme que toutes les sociétés habilitées à utiliser les marques collectives antérieures disposaient des mêmes droits sur ces marques et qu’aucun tiers ne disposait du droit de déposer l’une quelconque de ces marques.

33      À cet égard, et par analogie, la Cour a jugé que le fait qu’un tiers utilise depuis longtemps un signe pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec la marque demandée et que ce signe jouit d’un certain degré de protection juridique est l’un des facteurs pertinents pour apprécier l’existence de la mauvaise foi du demandeur (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 46).

34      En effet, dans un tel cas, le demandeur pourrait bénéficier des droits conférés par la marque communautaire dans le seul but de concurrencer déloyalement un concurrent utilisant un signe qui, en raison de ses mérites propres, a déjà obtenu un certain degré de protection juridique (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 47).

35      Cela étant, il ne saurait être exclu que, même dans de telles circonstances, et, notamment, lorsque plusieurs producteurs utilisaient, sur le marché, des signes identiques ou similaires pour des produits identiques ou similaires prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, le demandeur poursuive, par l’enregistrement de ce signe, un objectif légitime (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 48).

36      Par ailleurs, la Cour a estimé que, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, pouvait être pris en considération le degré de notoriété dont jouit un signe au moment du dépôt de la demande présentée en vue de son enregistrement en tant que marque communautaire (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 51). En effet, un tel degré de notoriété pourrait précisément justifier l’intérêt du demandeur à assurer une protection juridique plus étendue à son signe (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 52).

37      En l’espèce, il est constant que les entreprises roumaines productrices de roulements étaient initialement détenues par l’État. Les roulements étaient commercialisés dans le monde entier sous les marques collectives URB détenues par le Centrala industriala de rulmanti si organe d’asamblare (CIROA, usine de fabrication de roulements et de dispositifs de fixations industrielles), qui était le département du ministère de l’Industrie chargé de contrôler les producteurs de roulements roumains. Lorsque le processus de privatisation a été mis en œuvre, les actifs du CIROA ont été transférés à S.C. URB, une société privée qui, ainsi qu’il a été indiqué au point 5 ci-dessus, était la titulaire des marques antérieures. Pour autant, plusieurs sociétés, au nombre desquelles figuraient la requérante et la société S.C. RULMENTI SA Barlad, dont l’intervenant est le gérant et l’actionnaire, étaient habilitées à utiliser les marques collectives antérieures.

38      S’agissant de l’argument de la requérante tel qu’exposé au point 32 ci-dessus, il convient de noter qu’il ne ressort pas clairement du dossier que cette dernière avait le droit d’utiliser les marques collectives antérieures à la date à laquelle l’intervenant a déposé sa demande de marque communautaire. En effet, il ressort tant des écritures de l’OHMI que de la décision de la division d’annulation, que, en 2002, le Regulament de utilizare al marcii (règlement roumain relatif à l’utilisation des marques collectives antérieures) a été modifié et que, à la suite de cette modification, ce règlement ne comprenait plus la liste des entreprises habilitées à utiliser lesdites marques collectives. En outre, l’article 2 de la version modifiée dudit règlement disposait que seul un accord de franchise géré par le titulaire des marques collectives antérieures pouvait habiliter un tiers à les utiliser. Or, la requérante n’était pas partie à cet accord à la date à laquelle l’intervenant a déposé sa demande de marque communautaire, ce qui signifie que, depuis l’année 2002, elle n’était plus habilitée à utiliser les marques collectives antérieures. À cet égard, il convient de noter que, dans ses écritures, la requérante précise qu’elle conteste, depuis son origine, la légalité du Regulament de utilizare al marcii établi par S.C. URB. Elle affirme également que ce règlement a été annulé par un jugement du Tribunalul Bucureşti (tribunal de Bucarest, Roumanie), du 5 juin 2012, confirmé le 13 février 2013 par un arrêt de la Curtea de apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest). Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêt soit définitif, l’intervenant précisant en effet qu’un pourvoi en cassation a été introduit devant la Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute cour de cassation et de justice, Roumanie). En tout état de cause, il est constant que ces décisions juridictionnelles ont été rendues à des dates postérieures à celle à laquelle l’intervenant a déposé sa demande de marque communautaire, à savoir le 10 novembre 2008. Par suite, à cette dernière date, la requérante, d’une part, et l’intervenant et la société S.C. RULMENTI Barlad, d’autre part, ne disposaient pas des mêmes droits sur les marques collectives antérieures. Dès lors, la prémisse sur laquelle est fondé l’argument de la requérante est erronée et ledit argument ne peut qu’être écarté.

39      Par ailleurs, si la requérante ajoute qu’aucun tiers ne disposait du droit de déposer l’une quelconque de ces marques, elle s’abstient, dans ses écritures, d’exposer les éléments qui viendraient conforter cette allégation.

40      Deuxièmement, la requérante avance que l’intervenant ne dispose pas d’un intérêt légitime à faire enregistrer les marques collectives antérieures.

41      Toutefois, il est compréhensible, d’un point de vue commercial, que l’intervenant ait souhaité étendre la protection qui lui était conférée par le Regulament de utilizare al marcii en faisant enregistrer l’une de ces marques en tant que marque communautaire. En effet, durant la période qui a précédé le dépôt de sa demande d’enregistrement, l’intervenant a réalisé son chiffre d’affaires relatif aux produits de la marque URB dans plusieurs États membres, ce qui est susceptible de justifier le dépôt d’une demande d’enregistrement de marque communautaire (voir, en ce sens, arrêt BIGAB, point 28 supra, EU:T:2012:77, point 23). En outre, la requérante s’abstient, dans ses écritures, d’exposer les éléments qui seraient susceptibles d’établir que la demande d’enregistrement en cause revêtait un caractère artificiel et était dénuée de logique sur le plan commercial pour l’intervenant.

42      Troisièmement, la requérante soutient que l’intervenant tente en réalité de l’évincer du marché.

43      À cet égard, il convient de relever que la Cour a jugé que l’intention d’empêcher un tiers de commercialiser un produit pouvait, dans certaines circonstances, caractériser la mauvaise foi du demandeur (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 43). Elle a ajouté que tel était notamment le cas lorsqu’il s’avérait, ultérieurement, que le demandeur avait fait enregistrer en tant que marque communautaire un signe sans l’intention de l’utiliser, uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 44).

44      Sur ce point, il suffit de relever qu’il n’est pas contesté que l’intervenant a commercialisé des produits sous la marque URB dans plusieurs États membres après la date de l’enregistrement en cause. En outre, la requérante ne démontre pas que l’intention de l’intervenant était de l’évincer du marché.

45      Quatrièmement, si la requérante fait valoir qu’il n’y a aucune logique à conclure un accord de licence avec un tiers en ce qui concerne une marque pour l’utilisation de laquelle une habilitation existe déjà depuis plusieurs années, sauf à tenter, de mauvaise foi, de nuire aux intérêts des autres sociétés habilitées à utiliser ladite marque, une telle circonstance est sans rapport avec la question de savoir si l’intervenant était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire en cause.

46      Cinquièmement, la requérante fait valoir que l’intervenant a agi de mauvaise foi étant donné qu’il savait que la société S.C. RULMENTI Barlad était l’une des sociétés habilitées à utiliser les marques collectives antérieures.

47      À cet égard et par analogie, il suffit d’indiquer que la Cour a jugé que la circonstance que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, depuis longtemps un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, pour que soit établie l’existence de la mauvaise foi du demandeur (arrêt Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, point 27 supra, EU:C:2009:361, point 40). Or, dans la mesure où il résulte des points 32 à 45 ci-dessus que les autres motifs invoqués par la requérante ne permettent pas d’établir l’existence de la mauvaise foi de l’intervenant, cette circonstance n’est pas suffisante pour parvenir à une telle conclusion.

48      Il résulte de tout ce qui précède que le second moyen doit être écarté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI. L’intervenant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Urb Rulmenti Suceava SA est condamnée aux dépens.

3)      M. Harun Adiguzel supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.