Language of document : ECLI:EU:T:2013:272

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

28 mai 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire tridimensionnelle représentant la forme d’une bouteille cylindrique – Motif absolu de refus »

Dans l’affaire T‑178/11,

Voss of Norway ASA, établie à Oslo (Norvège), représentée par Mes F. Jacobacci et B. La Tella, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral et Mme V. Melgar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Nordic Spirit AB (publ), établie à Stockholm (Suède),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 12 janvier 2011 (affaire R 785/2010-1), relative à une procédure de nullité entre Nordic Spirit AB (publ) et Voss of Norway ASA,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 juillet 2011,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 19 octobre 2011,

à la suite de l’audience du 5 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 décembre 2004, la requérante, Voss of Norway ASA, a obtenu, auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)], l’enregistrement, sous le numéro 3156163, de la marque communautaire tridimensionnelle reproduite ci-après (ci-après la « marque contestée ») :

Image not found

2        Les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        Classe 32 – Bières ; boissons non alcooliques, eau ;

–        Classe 33 – Boissons alcooliques à l’exclusion de la bière.

3        Le 17 juillet 2008, Nordic Spirit AB (publ) (ci-après « la demanderesse en nullité ») a présenté une demande en nullité de la marque contestée, sur le fondement, d’une part, de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, en liaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), b), c), d) et e) (i), (ii) et (iii), dudit règlement [devenus respectivement article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 et article 7 paragraphe 1, sous a), b), c), d) et e) (i), (ii) et (iii), de ce même règlement] et, d’autre part, de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

4        Par décision du 10 mars 2010, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son entièreté.

5        En substance, la division d’annulation a considéré que seules les marques s’écartant sensiblement de la norme dans le secteur pertinent étaient distinctives. Elle a identifié le secteur pertinent comme étant celui des boissons et des contenants pour boissons. Elle a estimé que les boîtes cylindriques étaient utilisées pour contenir les bouteilles, et non les boissons elles-mêmes, que les deux exemples de bouteilles en verre cylindriques, présentées par la demanderesse en annulation, n’étaient pas accompagnés d’informations concernant leur présence sur le marché et que la marque contestée différait des canettes en aluminium. La division d’annulation a indiqué que ses trois membres « n’avaient pas connaissance de la présence, sur le marché communautaire, en mai 2003, de bouteilles utilisées pour vendre des boissons se présentant sous la même forme que la marque communautaire » et qu’ils étaient plutôt habitués aux bouteilles présentant une forme incurvée, soit en leur milieu, soit dans leur partie supérieure. Elle en a conclu que la forme de la marque contestée n’était pas « courante » sur le marché des boissons et que, en raison du contraste entre le corps transparent et le capuchon, celle-ci se distinguait, dans une large mesure, des bouteilles existantes et pouvait, à ce titre, faire office de marque. Elle a rejeté, pour le surplus, les autres griefs avancés par la demanderesse en nullité.

6        Le 6 mai 2010, la demanderesse en nullité a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 12 janvier 2011 (affaire R 785/2010-1), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’annulation et a accueilli la demande en nullité (ci-après la « décision attaquée »).

8        La chambre de recours considère que la marque contestée a été décrite par la requérante comme étant une « bouteille tridimensionnelle » et que la protection a été sollicitée pour une bouteille, et pas seulement pour la représentation d’une bouteille (point 12 de la décision attaquée). Selon la chambre de recours, pour être enregistrable, cette bouteille doit, par conséquent, posséder un caractère distinctif (point 15 de la décision attaquée). Elle estime toutefois qu’il résulte de la jurisprudence que les consommateurs moyens – en l’espèce les acheteurs de boissons alcooliques ou non alcooliques dans l’ensemble de l’Union européenne (point 15 de la décision attaquée) – ne choisissent habituellement pas un produit, ou ne le différencient pas du produit d’un concurrent, sur la seule base de son design ou du design de son emballage. Ils prêtent en revanche attention à des éléments – verbaux ou graphiques, c’est-à-dire des mots, des noms, des emblèmes, des dispositifs, des images, etc. – présents sur le produit ou sur son emballage, qui l’informent de façon plus fiable sur l’origine du produit (point 18 de la décision attaquée). La chambre de recours estime que cette jurisprudence est fondée sur le bon sens ainsi que sur une expérience pratique du comportement des consommateurs à l’égard des produits en général, qui se traduit, pour lesdits consommateurs, par la recherche instinctive d’un élément verbal ou graphique sur le produit ou sur son contenant qui les renseignera sur l’origine industrielle ou commerciale du produit et ceux-ci se serviront de cet élément pour différencier ce produit des produits identiques provenant d’autres entreprises.

9        Selon la chambre de recours, les consommateurs ne se fieront pas, en revanche, au contour ou à la forme du produit ou de son contenant, à moins d’avoir été exposés à ce contour ou à cette forme pendant une période suffisamment longue et d’avoir appris à la reconnaître « au premier coup d’œil », sans même devoir chercher un élément verbal ou graphique pour en déterminer l’origine, à l’instar des bouteilles de Coca-Cola (point 19 de la décision attaquée). La chambre de recours estime que c’est la raison pour laquelle la jurisprudence, relative au caractère distinctif de marques consistant en l’apparence d’un produit ou de son contenant, mentionne « [qu’] il peut s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif de ce type de marque que celui de marques verbales ou figuratives ». Elle considère que cette jurisprudence est « fondée sur le fait notoire que très peu de produits proposés sur le marché ne comportent aucun élément graphique [destinés à les identifier] et que les consommateurs ne sont pas, pour cette raison, habitués à effectuer un choix parmi des produits ou des emballages non marqués » (points 19 et 20 de la décision attaquée).

10      Selon la chambre de recours, cela s’applique au marché des boissons alcooliques et non alcooliques dans l’Union, une fraction infime de ces boissons étant en effet proposée à la vente dans des contenants ne comportant aucun élément verbal ou graphique, la norme dans ce secteur étant d’apposer une étiquette sur la bouteille ou de graver ou imprimer un mot ou une marque figurative sur celle-ci. Elle considère que le type de pratique de marquage auquel le public pertinent est exposé doit ainsi être pris en considération lors de l’appréciation de l’aptitude du signe à constituer une marque (point 21 de la décision attaquée).

11      La chambre de recours précise que le fait que les boissons, telles le whisky, l’eau minérale et le jus d’orange, « ne soient jamais vendues dans des bouteilles non marquées mais soient invariablement vendues dans des récipients comportant un ‘élément verbal ou graphique’ est […] un facteur décisif pour déterminer si la bouteille non marquée peut faire office, en tant que telle, de marque », ce qui a, selon elle, été reconnu par une jurisprudence constante (points 24 à 29 de la décision attaquée). Ainsi, selon elle, eu égard à la jurisprudence suivant laquelle les consommateurs attribuent, en premier lieu, une simple fonction de conditionnement aux bouteilles dans lesquelles de tels produits sont contenus [arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d'une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811], il y a lieu de considérer que les consommateurs liront l’étiquette apposée sur la bouteille pour identifier l’origine du produit et distinguer celui-ci des autres produits (point 22 de la décision attaquée). Les consommateurs sont ainsi capables, fait-elle valoir, de distinguer le contenant d’un produit de la marque de ce produit, dans la mesure où les producteurs et les vendeurs ont toujours respecté cette distinction lorsqu’ils commercialisent des produits, selon la chambre de recours (point 23 de la décision attaquée). Elle considère que la jurisprudence, depuis 2005, invite donc de plus en plus clairement à apprécier le caractère distinctif d’une marque constituée exclusivement du design d’un produit ou de son emballage, non dans l’abstrait, mais par référence aux pratiques de marquage retenues habituellement sur le marché pertinent (points 29 et 30 de la décision attaquée).

12      La chambre de recours estime que, en l’espèce, ne sont étayées par aucun élément de preuve les assertions de la requérante suivant lesquelles le consommateur moyen est, au contraire, capable de percevoir la forme de l’emballage des produits concernés comme une indication de leur origine commerciale, dans la mesure où cette forme présente des caractéristiques qui sont suffisantes pour retenir son attention. Elle considère que ces assertions ne sont, dès lors, « plus suffisante[s] pour garantir le respect des normes définies par la jurisprudence [rappelée] précédemment », dans la mesure où elles vont à l’encontre de l’expérience pratique et des pratiques de marquage établies. Elle considère en outre que la requérante n’a pas fourni la raison pour laquelle, si les consommateurs étaient capables d’identifier l’origine commerciale sur la seule base des formes des contenants, les producteurs ajouteraient systématiquement des éléments verbaux et figuratifs à ces contenants. Selon la chambre de recours, c’est en réalité parce que les producteurs ne sont, au contraire, pas certains que les formes à elles seules – même dans le cas de formes extrêmement originales et fantaisistes – permettent aux consommateurs de différencier les produits quant à leur origine commerciale et fonctionnent ainsi en tant que marques, qu’ils procèdent de la sorte (point 31 de la décision attaquée).

13      La chambre de recours estime, par ailleurs, qu’aucune preuve n’a été produite par la requérante pour établir que c’était à tort que la demanderesse en nullité faisait valoir que les bouteilles d’eau minérale ou contenant toute autre boisson comportaient invariablement des éléments verbaux et figuratifs et, pour cette raison, que les consommateurs avaient pour habitude d’identifier l’origine commerciale sur la base de ces éléments, et non sur la base du design de la bouteille (point 33 de la décision attaquée).

14      La chambre de recours ajoute que la requérante n’a, par ailleurs, pas réfuté l’assertion de la demanderesse en nullité, étayée par des éléments de preuve, selon laquelle elle commercialise d’ores et déjà de l’eau minérale en bouteilles sous la marque contestée et que ces bouteilles portent le terme « voss » peint de manière frappante. Elle considère que, pour le consommateur moyen de l’Union,  « voss » est un élément distinctif et sera, par conséquent, utilisé pour distinguer l’eau minérale de la requérante des produits concurrents (point 34 de la décision attaquée).

15      La chambre de recours considère en outre que, bien que rien n’empêche la requérante d’utiliser plus d’une marque pour différencier ses produits, il est peu probable que les consommateurs percevront deux marques distinctes. Ils percevront au contraire la bouteille comme un contenant présentant un design spécifique et VOSS comme la marque de l’eau minérale. Ainsi, elle estime que, en l’espèce, ils ne percevront qu’une seule marque et non deux, à savoir l’élément verbal « voss », affiché de manière frappante sur la bouteille. Elle considère, en outre, que la façon dont la requérante identifie ses produits tend à confirmer qu’elle ne considère pas la bouteille en soi comme un indicateur de leur origine. Elle souligne, à cet égard, que l’affirmation de la requérante selon laquelle le consommateur moyen est parfaitement capable de percevoir la bouteille comme étant la marque de l’eau minérale « aurait été plus convaincante si la bouteille ne portait pas la marque VOSS ou s’il n’était accordé qu’une importance marginale à l’élément [‘voss’] » (point 34 de la décision attaquée).

16      La chambre de recours en conclut que rien n’indique que, sur le marché des boissons, les consommateurs de l’Union ont pour habitude de présumer une origine commerciale en se fondant sur la forme du contenant. Les informations disponibles et l’expérience pratique suggèrent en revanche, selon elle, que les producteurs de boissons n’attendent pas du consommateur qu’il présume l’origine commerciale d’un produit sur la base de l’aspect des bouteilles, mais à partir d’éléments bidimensionnels (mots et/ou images) présents sur celles-ci (point 35 de la décision attaquée).

17      La chambre de recours considère, enfin, que la forme de la bouteille en cause ne diverge pas significativement de la forme des autres contenants utilisés pour des boissons alcooliques ou non alcooliques dans l’Union, mais qu’elle n’en est qu’une variante (point 36 de la décision attaquée). Elle précise que la forme en cause est un cylindre parfait, que la grande majorité des bouteilles disponibles sur le marché ont une partie cylindrique et que, pour les consommateurs, il est naturel que les bouteilles de boissons alcooliques ou non alcooliques possèdent une forme cylindrique, même s’ils savent qu’il existe également des bouteilles non cylindriques (point 37 de la décision attaquée). Quant à l’absence de goulot, qui, selon la requérante, distinguerait sa bouteille des autres bouteilles disponibles dans le commerce, la chambre de recours considère qu’elle donne lieu à une variante des formes existantes et ne peut être considérée comme une différence significative. Elle estime, en outre, qu’il n’est même pas certain, si l’on se fonde sur la représentation de la marque contestée, que la bouteille n’ait pas de goulot, le bouchon n’étant, en effet, pas transparent (point 38 de la décision attaquée). Elle considère de plus que c’est à tort que la requérante a allégué que sa bouteille se distinguait par son bouchon cylindrique non transparent, cet élément pouvant difficilement être qualifié de distinctif, dès lors que de nombreuses bouteilles sont scellées avec un bouchon réalisé dans un matériau et dans une couleur différents de ceux du corps de la bouteille (point 39 de la décision attaquée). Elle rejette aussi l’argumentation de la requérante selon laquelle la bouteille se distinguerait par le rapport entre sa hauteur et sa largeur, dès lors qu’il est peu probable, selon elle, que les consommateurs percevront les proportions de la bouteille comme frappantes (point 40 de la décision attaquée). Elle note, enfin, qu’il est établi que la forme en cause a déjà été commercialisée dans le passé, même si elle a été abandonnée (point 41 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son entièreté ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      La requérante soulève quatre moyens.

21      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009, en ce que, en substance, la chambre de recours aurait fondé son raisonnement sur des éléments non portés à la connaissance de la requérante et sur lesquels elle n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue.

22      Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 99 du règlement n° 207/2009 et de la règle 37, sous b), iv), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1, remplacé par le règlement n° 207/2009) (ci-après le « règlement d’exécution »), en ce que la chambre de recours aurait indûment fait supporter à la requérante la charge de la preuve du caractère distinctif de la marque contestée, alors que celle-ci était enregistrée et jouissait d’une présomption de validité.

23      Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et d’une interprétation erronée de la jurisprudence en ce qui concerne le caractère distinctif des marques tridimensionnelles, en ce que, au test défini par la jurisprudence pour apprécier le caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle lorsqu’il s’agit du conditionnement d’un produit liquide et que la marque est constituée par l’apparence du produit lui-même, test qui consiste à apprécier si la marque diverge de manière significative des normes et habitudes du secteur, la chambre de recours aurait substitué un autre test, fondé sur l’importance à accorder aux étiquettes ou autres pratiques de marquage en vigueur dans le secteur.

24      Enfin, le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et d’une dénaturation des preuves en ce qui concerne la divergence significative par rapport aux normes ou aux habitudes du secteur des boissons, en ce que la chambre de recours aurait erronément conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

25      Lors de l’audience, la requérante a toutefois indiqué qu’elle renonçait à son premier moyen.

26      À titre liminaire, il convient de constater que la décision attaquée repose sur deux piliers de raisonnement distincts et indépendants l’un de l’autre.

27      En effet, aux points 18 à 35 de la décision attaquée (ci-après le « premier pilier »), la chambre de recours considère, en substance, qu’il est un fait notoire que les boissons sont quasiment toujours vendues dans des bouteilles, des canettes ou d’autres emballages revêtus d’une étiquette ou d’un élément verbal ou graphique, que ce sont ces indications qui permettent au consommateur de différencier les produits sur le marché et que la requérante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles il n’en irait pas ainsi.

28      Par ailleurs, aux points 36 à 41 de la décision attaquée (ci-après le « second pilier »), la chambre de recours se livre à une analyse autonome du caractère distinctif de la marque enregistrée pour en conclure, en substance, que la bouteille de la requérante ne se différencie pas de manière significative de la forme des autres bouteilles sur le marché des boissons alcooliques et non alcooliques et n’en est qu’une variante, et qu’elle ne diverge dès lors pas de manière significative des normes et habitudes du secteur. Elle rejette pour le surplus les arguments avancés par la requérante.

29      Interrogées sur ce point lors de l’audience, les parties ont confirmé que la décision attaquée reposait sur deux piliers de raisonnement distincts et indépendants.

30      Il y a lieu, ensuite, de relever que la requérante a précisé, lors de l’audience, que son deuxième moyen n’était dirigé que contre le premier pilier de la décision attaquée.

31      Eu égard aux circonstances de l’espèce, il convient de procéder d’abord à l’examen des troisième et quatrième moyens, en tant qu’ils visent à contester le second pilier de la décision attaquée.

 Sur les troisième et quatrième moyens, tirés respectivement de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et d’une interprétation erronée du caractère distinctif des marques tridimensionnelles ainsi que d’une dénaturation des preuves

32      À l’appui de son troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a fait fi de la jurisprudence et a, de la sorte, donné une interprétation erronée du test applicable à l’examen du caractère distinctif des signes tridimensionnels, lequel suppose d’examiner si le signe diverge de manière significative des normes et habitudes du secteur, lorsqu’il s’agit du conditionnement d’un produit liquide et que ce signe est constituée par l’apparence du produit lui-même.

33      Par son quatrième moyen, la requérante conteste, en substance, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée serait dépourvue de caractère distinctif et considère que sa bouteille diverge de manière significative des normes et habitudes du secteur.

34      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

35      Conformément à l’article 4 du règlement n° 207/2009, la forme d’un produit ou de son conditionnement est susceptible de constituer une marque communautaire, à condition que celle-ci soit propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

36      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

37      Ainsi, les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Rewe Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, point 26, et du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 19].

38      Il ressort d’une jurisprudence bien établie que le caractère distinctif d’une marque, au sens de cette disposition, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, non encore publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée).

39      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 38 supra, point 43, et la jurisprudence citée).

40      En l’espèce, il n’est pas contesté que les produits désignés par la marque enregistrée, à savoir, en substance, les boissons alcooliques et non alcooliques, sont des produits de consommation courante qui s’adressent aux consommateurs finaux. Il n’est par ailleurs pas contesté que le public pertinent est le consommateur moyen de l’Union, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25).

41      Selon une jurisprudence également bien établie, les critères d’appréciation du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle constituée par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 38 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

42      Cependant, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément verbal ou graphique, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle par rapport à celui d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 38 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

43      Plus particulièrement, le conditionnement d’un produit liquide étant un impératif de commercialisation, le consommateur moyen lui attribue, en premier lieu, une simple fonction de conditionnement. Une marque tridimensionnelle constituée d’un tel conditionnement n’est distinctive que si elle permet au consommateur moyen d’un tel produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer le produit concerné de ceux des autres entreprises [arrêt de la Cour du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, Rec. p. I‑1725, point 53, et arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 24, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, Rec. p. I‑5797].

44      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 38 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

45      Partant, il convient de vérifier si la marque demandée diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné.

46      Il ressort du considérant 12 de la décision attaquée que le signe tridimensionnel pour lequel la marque contestée a été enregistrée a été décrit par la requérante comme étant une « bouteille tridimensionnelle » et que la protection a ainsi été sollicitée pour une bouteille, et pas seulement pour la représentation d’une bouteille.

47      Ce signe tridimensionnel consiste en un récipient cylindrique et transparent, doté d’un bouchon non transparent de même diamètre que le cylindre.

48      Il s’agit par conséquent d’un signe complexe, consistant en un conditionnement de boissons composé de deux éléments, à savoir une forme de base cylindrique et un bouchon non transparent de même diamètre que ledit cylindre.

49      Partant, il convient, aux fins de l’appréciation du caractère distinctif du signe tridimensionnel en cause, de le considérer dans son ensemble. Toutefois, cela n’est pas incompatible avec l’examen successif des différents éléments qui le composent [arrêt Eurocermex/OHMI, point 43 supra, points 22 et 23, et arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 54].

50      Il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré, en substance, que la forme de la bouteille de la requérante ne divergeait pas significativement de la forme des autres contenants utilisés pour des boissons dans l’Union, mais qu’elle n’en était qu’une variante. Elle a relevé, à cet égard, que la forme de la bouteille de la requérante était, certes, un cylindre parfait, mais que la grande majorité des bouteilles disponibles sur le marché avaient une partie cylindrique et que, pour les consommateurs, il était naturel que les bouteilles destinées à contenir des boissons aient une forme cylindrique, même s’ils n’ignoraient pas qu’il existât également des bouteilles non cylindriques. Par ailleurs, elle a estimé que l’absence de goulot n’était qu’une variante des formes existantes et ne pouvait être considérée comme une différence significative, cette absence de goulot n’étant, au demeurant, pas certaine, compte tenu de la représentation de la marque contestée, le bouchon n’étant, en effet, pas transparent. Enfin, la chambre de recours a considéré que le bouchon cylindrique non transparent ne saurait que difficilement être qualifié de distinctif, dans la mesure où de nombreuses bouteilles étaient scellées avec un bouchon réalisé dans un matériau et une couleur différents de ceux du corps de la bouteille (points 36 et suivants de la décision attaquée).

51      En ce qui concerne, tout d’abord, la forme tridimensionnelle de la marque enregistrée, il y a lieu de considérer qu’il est un fait notoire que la grande majorité des bouteilles disponibles sur le marché présentent une partie cylindrique. Partant, pour le consommateur moyen, il est naturel que les bouteilles de boissons – alcooliques ou non alcooliques – possèdent généralement une telle forme. Ainsi, la forme d’un « cylindre parfait » de la bouteille de la requérante, même en admettant que cet élément présente une certaine originalité, ne saurait être considéré comme divergeant significativement des normes ou des habitudes du secteur.

52      S’agissant, ensuite, du bouchon non transparent de même diamètre que la bouteille proprement dite, cet élément peut difficilement être considéré comme une divergence significative par rapport aux normes ou aux habitudes du secteur, dès lors qu’il est un fait notoire que de très nombreuses bouteilles sont fermées par un bouchon réalisé dans un matériau et dans une couleur différents de ceux du corps de la bouteille.

53      Quant au diamètre du bouchon, identique à celui de la bouteille, il ne constitue qu’une variante des formes existantes et ne saurait être considéré comme divergeant significativement des normes ou des habitudes du secteur, même à supposer que l’on admette que cet élément présente une certaine originalité.

54      Le raisonnement de la chambre de recours n’est, par conséquent, entaché d’aucune erreur en ce qui concerne ces trois appréciations.

55      Ainsi, la marque contestée est constituée par une combinaison d’éléments dont chacun, étant susceptible d’être communément utilisé dans le commerce pour le conditionnement des produits visés dans la demande d’enregistrement, est dépourvu de caractère distinctif par rapport à ces produits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 43 supra, point 33).

56      La marque contestée ne constitue ainsi qu’une variante de la forme de base du conditionnement des produits concernés, qui ne permettra pas au consommateur moyen de distinguer le produit en question de ceux d’autres entreprises [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 décembre 2008, Somm/OHMI (Abri ombrageant), T‑351/07, non publié au Recueil, point 27, et du 16 septembre 2009, Alber/OHMI (Poignée), T‑391/07, non publié au Recueil, point 60].

57      Or, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits concernés permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif. Une telle conclusion ne saurait être infirmée que dans l’hypothèse où des indices concrets, tels que, notamment, la manière dont les différents éléments sont combinés, indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, Rec. p. II‑5207, point 40, et arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 43 supra, point 31].

58      En l’espèce, il n’apparaît pas qu’il existe de tels indices. En effet, la marque contestée est caractérisée par la combinaison de forme tridimensionnelle d’une bouteille cylindrique transparente et d’un bouchon non transparent de même diamètre que la bouteille proprement dite. La manière dont ces éléments sont combinés en l’espèce ne représente pas davantage que la somme des éléments dont la marque contestée est composée, à savoir une bouteille dotée d’un bouchon non transparent, à l’instar de la plupart des bouteilles destinées à contenir des boissons alcooliques ou non alcooliques sur le marché. Une telle forme est en effet susceptible d’être communément utilisée, dans le commerce, pour le conditionnement des produits visés par l’enregistrement. Il s’ensuit que la manière dont les éléments de la présente marque complexe sont combinés n’est pas non plus susceptible de conférer à celle-ci un caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 43 supra, point 32).

59      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que le consommateur moyen de l’Union percevrait la marque contestée, dans son ensemble, uniquement comme une variante de la forme des produits pour lesquels l’enregistrement de ladite marque est demandé.

60      Il résulte de tout ce qui précède que, aux points 36 et suivants de la décision attaquée, la chambre de recours a concrètement appliqué le test prévu par la jurisprudence pour apprécier le caractère distinctif des signes tridimensionnels, lequel suppose d’examiner si le signe diverge de manière significative des normes et habitudes du secteur, lorsqu’il s’agit du conditionnement d’un produit liquide et que ce signe est constituée par l’apparence du produit lui-même.

61      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être écarté en tant qu’il concerne le second pilier de la décision attaquée.

62      Il résulte également de ce qui précède que la marque contestée, telle qu’elle est perçue par le public pertinent, n’est pas apte à individualiser les produits visés par ladite marque et à les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

63      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par la requérante.

64      Premièrement, la requérante avance l’argument selon lequel la chambre de recours a dénaturé les éléments de preuve figurant dans le dossier en comparant une forme cylindrique avec la section d’un cylindre, une section cylindrique étant en effet une aberration, d’un point de vue mathématique (point 37 de la décision attaquée).

65      Or, il convient de rappeler que la chambre de recours a constaté, audit point, que « la grande majorité des bouteilles disponibles sur le marché [avaie]nt une section cylindrique ».

66      Rien ne permet toutefois de considérer que la chambre de recours a entendu, dans le contexte de la décision attaquée, donner à ces mots une signification mathématique, au sens de la « représentation d’une coupe d’une forme géométrique ». C’est, au contraire, au sens « d’une des parties plus ou moins distinctes en lesquelles quelque chose est ou peut être divisé ou dont celle-ci est constituée » [« any of the more or less distinct parts into which something is or may be divided or from which it is made up », Oxford Dictionary] que ce mot doit être compris au point 37 de la décision attaquée.

67      En effet, la grande majorité des bouteilles ont une partie cylindrique, quand bien même la bouteille, prise dans son ensemble, ne l’est pas, notamment lorsque la bouteille se rétrécit à son sommet pour former le goulot. L’argumentation de la requérante doit, par conséquent, être écartée.

68      Deuxièmement, la requérante estime que la chambre de recours a attribué une valeur à la section du cylindre, alors que le consommateur concerné ne perçoit celle-ci qu’en dernier lieu, dès lors que, avant qu’il ne tienne la bouteille dans la main, celui-ci ne pourra dire que la section est circulaire, elliptique, carrée ou rectangulaire. Il convient toutefois de relever qu’elle ne conteste pas que la forme de la bouteille soit cylindrique, ce qui constitue, en réalité, le seul élément pris en considération par la chambre de recours (voir point 65 supra) aux points 37 et 38 de la décision attaquée. L’argumentation de la requérante à cet égard est, par conséquent, dépourvue de pertinence.

69      Troisièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a omis de tenir compte du fait que la marque enregistrée était une forme cylindrique transparente, à l’exception du bouchon, ce qui crée, selon elle, un contraste avec l’apparence globale de la bouteille. Cependant, il y a lieu de relever que, au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a noté que « la titulaire de la marque all[é]gu[ait] en outre que sa bouteille se distingu[ait] notamment par son bouchon cylindrique qui n’est pas transparent, contrairement au corps de la bouteille », argument rejeté ensuite par la chambre de recours. Il s’ensuit que le grief avancé par la requérante manque en fait.

70      Quatrièmement, la requérante estime que, si la marque contestée était aussi commune et ne divergeait pas de la norme et des habitudes du secteur, la demanderesse en nullité aurait trouvé de nombreux exemples similaires ; or, tel n’a pas été le cas. Elle produit en revanche, en annexe 7 à la requête, un extrait d’une page internet dans laquelle un spécialiste du design, M. S., témoignerait du caractère unique de sa bouteille.

71      Il convient toutefois de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a relevé que, généralement, les bouteilles contenant des boissons alcooliques et non alcooliques présentaient une forme cylindrique et étaient munies d’un bouchon non transparent, ce qui n’est, au demeurant, pas contesté par la requérante, et que la bouteille de celle-ci ne constituait qu’une variante de ces formes habituelles.

72      Le fait que la chambre de recours n’ait pas établi qu’il existait sur le marché d’autres bouteilles semblables à celle faisant l’objet de l’enregistrement n’est, par conséquent, pas de nature à infirmer cette appréciation. En outre, il convient de souligner que, même à supposer que la bouteille de la requérante soit unique en son genre, cela ne suffirait pas en soi à établir qu’elle s’écarte de manière significative des normes et habitudes du secteur et qu’elle revêt, de ce fait, un caractère distinctif.

73      L’annexe 7 à la requête est sans incidence sur cette conclusion et, ainsi que le fait valoir à bon droit l’OHMI, cette pièce est, de toute manière, irrecevable, dès lors qu’il s’agit d’un extrait d’une page internet daté du 16 mars 2011, c’est-à-dire postérieur à l’adoption de la décision attaquée, et que les documents produits pour la première fois devant le Tribunal sont irrecevables (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 54).

74      Cinquièmement, la requérante fait valoir que, en considérant que l’absence de goulot ne constitue pas une divergence significative par rapport aux autres bouteilles destinées à contenir des boissons (point 38 de la décision attaquée) et en présumant qu’il pourrait y avoir un goulot sous le bouchon, la chambre de recours dénature les éléments de preuve, dans la mesure où la marque contestée n’a pas de goulot.

75      Il convient, tout d’abord, de relever que la requérante a fait valoir devant la chambre de recours que sa bouteille se différenciait des autres bouteilles sur le marché en ce que celles-ci ont un diamètre qui se rétrécit progressivement vers le sommet, contrairement à la sienne (point 38 de la décision attaquée).

76      Ensuite, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas présumé l’existence d’un goulot, mais s’est bornée à constater – en l’absence de toute autre description de la bouteille, ce qui n’est pas contesté – que, le bouchon n’étant pas transparent, elle ne pouvait avoir la certitude que la bouteille ne présentait aucun goulot, même minime, comme l’affirmait la requérante.

77      Elle a, enfin, considéré à bon droit que cette absence de goulot – telle qu’avancée par la requérante elle-même, à savoir une absence de rétrécissement vers le sommet de la bouteille, celle-ci conservant le même diamètre de la base au sommet – ne donnait lieu qu’à une variante des formes existantes de bouteille obturée par un bouchon, laquelle ne pouvait être considérée comme divergeant de manière significative des normes et habitudes du secteur.

78      La chambre de recours n’a ainsi nullement dénaturé les éléments de preuve qui étaient en sa possession et le grief doit donc être écarté.

79      Sixièmement, la requérante estime, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré séparément la couleur du bouchon, par rapport à la transparence de la bouteille, et le rapport entre la hauteur et la largeur de cette dernière, et a rejeté leur caractère distinctif, en faisant valoir que les bouteilles étaient commercialisées sous une grande variété de formes et de tailles, alors qu’il lui appartenait d’apprécier si, prises dans leur ensemble, les formes des contenants de boissons, telles que la marque contestée, constituaient la norme en 2003, date de l’enregistrement.

80      Il y a lieu de constater que la chambre de recours a, certes, examiné l’apparence non transparente du bouchon au point 39 de la décision attaquée et le rapport entre la hauteur et la largeur de la bouteille, prise dans son ensemble, au point 40 de ladite décision.

81      Elle a, toutefois, conclu, au point 40 de la décision attaquée, que « les consommateurs ne verr[aie]nt [en l’espèce] qu’un cylindre muni d’un bouchon ».

82      Il y a, par conséquent, lieu de considérer que, pour sommaire que fût son argumentation, la chambre de recours a appréhendé dans leur ensemble les différents éléments de la marque – forme cylindrique de la bouteille et bouchon non transparent de même diamètre que celle-ci – pour en conclure que les consommateurs ne verraient là « qu’un cylindre muni d’un bouchon », c’est-à-dire une bouteille d’une forme ne divergeant pas de manière significative des normes et habitudes du secteur.

83      Le grief doit, par conséquent, être écarté.

84      Septièmement, la requérante soutient que, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a dénaturée les éléments de preuve et fait une interprétation erronée du droit en faisant référence à l’existence d’une autre bouteille semblable à la marque contestée. Elle soutient qu’elle a contesté que cette bouteille ait été commercialisée et, à supposer qu’elle l’ait été, qu’il n’était pas établi par la demanderesse en nullité à quel moment, à quel endroit et dans quels volumes elle l’avait été. Or, la chambre de recours a, selon elle, pris en compte ce fait pour considérer que « des variantes d’une même bouteille cylindrique de base apparaiss[ai]ent de temps à autre, en fonction de l’évolution des goûts, des modes et des tendances ». La requérante soutient, en premier lieu, que seule une bouteille a été trouvée, et non pas plusieurs, en deuxième lieu, que la chambre de recours n’a pas pris en considération le facteur temporel pour apprécier la norme et les habitudes du marché concerné, alors que le caractère distinctif doit être apprécié à la date de la demande d’enregistrement, et, troisièmement, que, cette bouteille ayant été retirée du marché depuis de nombreuses années, la chambre de recours aurait, par conséquent, dû considérer que sa bouteille divergeait de manière significative des normes et habitudes du secteur.

85      Force est toutefois de constater que l’appréciation de la chambre de recours qui figure au point 41 de la décision attaquée a un caractère surabondant par rapport au raisonnement qu’elle a suivi aux points 36 à 40 de celle-ci pour conclure à l’absence de divergence significative de la bouteille de la requérante par rapport aux normes et habitudes du secteur, ce que confirment les mots « en outre » par lesquels débute le point 41.

86      En effet, la chambre de recours confirme, à juste titre, l’argumentation de la requérante selon laquelle cette bouteille a, certes, été commercialisée dans le passé, mais a été retirée du marché depuis de nombreuses années et cet élément de preuve est, dès lors, non conclusif. Elle se borne, ensuite, à considérer que ce fait « confirme simplement que des variantes d’une même bouteille cylindrique apparaissent de temps à autre, en fonction de l’évolution des goûts, des modes et des tendances », mais sans toutefois en tirer d’autres conclusions.

87      Il y a, par conséquent, lieu de considérer que le point 41 de la décision attaquée demeure sans incidence sur le raisonnement de la chambre de recours quant à l’absence de divergence significative par rapport aux normes et aux habitudes du marché, tel qu’exposé aux points 36 à 40 de ladite décision, et que, partant, l’argumentation de la requérante est inopérante.

88      Enfin, huitièmement, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le signe VOSS étant toujours apposé sur la bouteille, il est peu probable que le consommateur perçoive deux marques et non une, dans la mesure où, selon elle, il n’existe pas d’incompatibilité à ce qu’un contenant sur lequel est toujours apposé un signe puisse néanmoins être identifié en soi comme un indicateur d’origine commerciale.

89      Il convient toutefois de constater que ce moyen manque en fait, dès lors que la chambre de recours ne s’est pas fondée sur le marquage de la bouteille et sur l’apposition du signe VOSS sur celle-ci dans l’appréciation qu’elle a faite de l’absence de divergence significative par rapport aux normes et aux habitudes du secteur telle qu’elle figure aux points 36 à 41 de la décision attaquée.

90      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la marque enregistrée était dépourvue de caractère distinctif et qu’elle ne se distinguait pas réellement des formes de conditionnement du produit fréquemment utilisées dans le secteur des boissons, mais constituait plutôt une variante de ces formes (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 43 supra, point 33).

91      Il ressort de tout ce qui précède que le quatrième moyen doit également être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 99 du règlement n° 207/2009 et de la règle 37, sous b), iv), du règlement d’exécution et sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et d’une interprétation erronée du caractère distinctif des marques tridimensionnelles

92      Ainsi qu’il a été relevé aux points 26 à 29 ci-dessus, il est constant que le second pilier de la décision attaquée est distinct et indépendant de son premier pilier.

93      Par ailleurs, il ressort des considérations exposées aux points 46 à 91 ci-dessus que les moyens dirigés contre le second pilier de la décision attaquée sont rejetés dans la mesure où c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la bouteille de la requérante ne présentait pas de divergence significative par rapport aux normes et aux habitudes du secteur et que la marque enregistrée était, par conséquent, dépourvue de caractère distinctif, et que les appréciations relatives au second pilier de la décision attaquée étaient dépourvues d’erreur.

94      Or, il y a lieu de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif. En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de l’OHMI repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, Rec. p. II‑1, point 62, confirmé sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 24 juin 2010, Kronoply/Commission, C‑117/09 P, non publiée au Recueil).

95      En l’espèce, même à supposer que les moyens dirigés contre le premier pilier de la décision de l’OHMI soient fondés, ce fait n’aurait pas d’influence sur le dispositif de la décision attaquée, dès lors qu’il y a lieu de constater que son second pilier n’est pas entaché d’illégalité. En effet, même à supposer que ce soit à tort que la chambre de recours ait considéré qu’il est un fait notoire que les boissons sont quasiment toujours vendues dans des bouteilles revêtues d’une étiquette ou d’un élément verbal ou graphique, que ce sont ces indications qui permettent au consommateur de différencier les produits sur le marché et que la requérante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles il n’en irait pas ainsi, ces considérations demeureraient sans aucune incidence sur la conclusion constatant l’absence de caractère distinctif de la marque contestée fondée sur les appréciations jugées légales aux points 46 à 91 ci-dessus.

96      Par conséquent, il y a lieu de rejeter comme étant inopérants les moyens dirigés contre le premier pilier de la décision attaquée.

97      En conclusion, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

99      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Voss of Norway ASA est condamnée aux dépens.

Azizi

Frimodt Nielsen

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.