Language of document : ECLI:EU:T:2017:144

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 mars 2017 (*)

« Concurrence – Concentrations – Règlement (CE) n° 139/2004 – Services internationaux de distribution express de petits colis dans l’EEE – Acquisition de TNT Express par UPS – Décision déclarant la concentration incompatible avec le marché intérieur – Effets probables sur les prix – Analyse économétrique – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑194/13,

United Parcel Service, Inc., établie à Atlanta, Géorgie (États-Unis), représentée initialement par MM. A. Ryan, B. Graham, solicitors, Mes W. Knibbeler et P. Stamou, avocats, puis par M. Ryan, Mes Knibbeler, Stamou, A. Pliego Selie, F. Hoseinian et P. van den Berg, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. T. Christoforou, N. Khan, A. Biolan, N. von Lingen et H. Leupold, puis par MM. Christoforou, Khan, Biolan et Leupold, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

FedEx Corp., établie à Memphis, Tennessee (États-Unis), représentée initialement par Mme F. Carlin, barrister, M. G. Bushell, solicitor, et Me Q. Azau, avocat, puis par Mme Carlin, M. Bushell et Me N. Niejahr, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 431 de la Commission, du 30 janvier 2013, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Parties à la concentration

1        United Parcel Service, Inc. (ci-après « UPS » ou la « requérante ») et TNT Express NV (ci-après « TNT ») opèrent à l’échelle mondiale dans le secteur des services spécialisés de transport et de logistique.

2        Dans l’Espace économique européen (EEE), UPS et TNT (ci-après, prises ensemble, les « parties à la concentration ») sont présentes sur les marchés des services internationaux de distribution express de petits colis.

3        Ces services sont ceux pour lesquels le prestataire s’engage à distribuer dans un autre pays des petits colis en un jour.

4        Ils sont fournis par des réseaux internationaux de distribution aérienne et au sol qui reposent sur l’intégration d’un certain nombre d’actifs (centres de tri locaux, plateformes terrestres et aériennes, véhicules routiers, avions, notamment).

5        Au sein de l’EEE, FedEx Corp. (ci-après « FedEx » ou l’« intervenante ») et DHL opèrent également sur les marchés desdits services.

2.     Procédure administrative

6        Le 15 juin 2012, la requérante a notifié à la Commission européenne son projet d’acquisition de TNT (ci-après la « concentration »), en application de l’article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1, ci-après le « règlement sur les concentrations »), tel que mis en œuvre par le règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004 (JO 2004, L 133, p. 1).

7        Par la concentration, UPS envisageait d’acquérir le contrôle de l’ensemble de TNT, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement sur les concentrations, par une offre publique d’achat de droit néerlandais.

8        Par décision du 20 juillet 2012, la Commission a estimé que la concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et a engagé une procédure d’examen approfondi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement sur les concentrations.

9        Le 26 juillet et le 5 septembre 2012, la Commission a prolongé de dix jours ouvrables le délai d’adoption d’une décision finale, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, second alinéa, du règlement sur les concentrations.

10      Le 19 octobre 2012, la Commission a adressé aux parties à la concentration une communication des griefs (ci-après la « CG »), conformément à l’article 18 du règlement sur les concentrations.

11      Les parties à la concentration ont répondu à la CG le 6 novembre 2012.

12      Le 12 novembre 2012, s’est tenue une audition au cours de laquelle la requérante, assistée de ses conseils économiques externes, a été entendue.

13      Par ailleurs, des tiers justifiant d’un intérêt suffisant, parmi lesquels DHL et FedEx, ont été admis à présenter leurs observations.

14      Durant la procédure administrative, FedEx a, par ailleurs, assisté à plusieurs réunions avec la Commission et lui a communiqué différentes observations ainsi que des documents internes.

15      La Commission a autorisé les conseils juridiques externes de la requérante à examiner, dans un local de sauvegarde de données, les 26 et 29 octobre 2012, des extraits confidentiels de documents internes transmis par FedEx.

16      Le 29 novembre 2012, la requérante a, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, présenté une première série de mesures correctives visant à mettre en conformité la concentration avec le marché intérieur.

17      Le 16 décembre 2012, la requérante a proposé une deuxième série de mesures correctives.

18      Le 21 décembre 2012, la Commission a adressé à la requérante une lettre d’exposé des faits.

19      Le 3 janvier 2013, la requérante a proposé une troisième série de mesures correctives.

20      Par décision C(2013) 431, du 30 janvier 2013, la Commission a déclaré que la concentration notifiée était incompatible avec le marché intérieur et avec l’accord EEE (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express) (ci-après la « décision attaquée »).

3.     Décision attaquée

21      Par la décision attaquée, la Commission a déclaré la concentration incompatible avec le marché intérieur et avec l’accord sur l’Espace économique européen en application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, en considérant que la concentration constituerait une entrave significative à une concurrence effective (ci-après une « ESCE ») dans quinze États membres de l’EEE, mais pas dans quatorze autres États.

22      Dans la décision attaquée, la Commission a fait état de considérations tenant aux marchés en question, aux effets de la concentration en termes de concurrence et aux engagements des parties à la concentration.

 Sur les marchés

 Sur l’offre

23      Aux considérants 17 à 35 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la concentration ne causerait pas d’ESCE sur les marchés du fret aérien, des commissionnaires expéditeurs et de la logistique contractuelle.

24      Dans la décision attaquée, la Commission a décrit l’industrie du transport des petits colis (considérants 36 à 48) et analysé les économies d’échelle des services en cause à l’aune de la densité des réseaux et de l’étendue des zones couvertes (considérants 49 à 56).

25      Aux considérants 57 à 60 de la décision attaquée, la Commission a souligné que les services en question étaient hautement différenciés, en termes de délai de livraison, de couverture géographique, au départ et à l’arrivée, et de qualité pour ce qui est de la fiabilité, de la sécurité, des horaires, de la globalité du service et de la traçabilité.

26      Dans la décision attaquée, la Commission a analysé le marché des services de transport des petits colis du côté de l’offre et distingué les intégrateurs, en en précisant les caractéristiques comme suit :

« (62) Les « intégrateurs » sont caractérisés par cinq éléments de base : en premier lieu, la propriété de tous les moyens de transport ou un contrôle opérationnel total sur eux, y compris un réseau aérien avec des vols réguliers, par lesquels une large proportion des volumes traités par la compagnie est transportée. En deuxième lieu, une couverture géographique suffisante à un niveau mondial. En troisième lieu, un modèle en étoile autour de plaques tournantes (« hub et spoke »). En quatrième lieu, un réseau informatique exclusif, de manière à ce que toutes les données pertinentes passent dans un réseau. En cinquième et dernier lieu, les intégrateurs ont la réputation de livrer de façon crédible des colis à temps (la crédibilité appelée « de bout en bout »). Il existe quatre intégrateurs dans le monde entier, qui opèrent tous en Europe : UPS, TNT, DHL et FedEx.

(63)      Le principal facteur de différenciation d’un intégrateur est qu’il a un contrôle opérationnel sur l’ensemble de la logistique de la livraison des petits colis de l’origine à la destination (y compris le transport aérien), en sorte qu’il peut assurer une livraison conformément à un engagement horaire. L’intégrateur traite avec l’expéditeur, utilise ses propres ressources pour fournir toutes les diverses étapes de la chaîne de transport et livre l’expédition au destinataire. La propriété ou au moins un contrôle opérationnel de toutes les ressources nécessaires pour opérer une livraison signifie qu’il existe moins d’étapes dans la chaîne, autrement très longue, d’entreprises concernées. »

27      Dans cette catégorie, la Commission a placé UPS (considérants 64 à 67), TNT (considérants 68 à 71), DHL (considérants 73 à 77) et FedEx (considérants 78 à 81).

28      La Commission a distingué, premièrement, les intégrateurs, deuxièmement, les opérateurs historiques, dont Royal Mail, La Poste, PostNL et Austrian Post, opérant également sur la base de réseaux internationaux (considérants 82 à 84), troisièmement, les entreprises nationales de transport de petits colis opérant également, dans une moindre mesure que les intégrateurs et sur la base de partenariats, sur les marchés des services en question (considérants 85 et 86), quatrièmement, les commissionnaires expéditeurs, opérant également sur lesdits marchés en sous-traitant souvent ces activités aux intégrateurs (considérant 87), cinquièmement, les plus petites entreprises de courrier opérant sur la base de relations privilégiées avec des clients locaux (considérant 88) et, sixièmement, les simples intermédiaires revendeurs des services en question (considérant 89).

 Sur la demande

29      Aux considérants 90 à 94 de la décision attaquée, la Commission a analysé le marché des services de transport de petits colis du côté de la demande en y faisant état d’une grande fragmentation. En effet, elle a relevé que la demande était constituée de clients occasionnels et de grands clients internationaux, ces derniers représentant une part sensible du chiffre d’affaires des fournisseurs sur les marchés en question. Elle a également relevé que la demande était constituée de services express et de services différés et qu’elle était très variable en termes de parcours. Elle a enfin précisé que la demande consistait en un recours à un seul ou à différents fournisseurs selon les services en question, selon la taille et les préférences des clients, les petits clients privilégiant en général un seul fournisseur pour tous les services (groupage), alors que les grands clients avaient recours soit au même fournisseur pour tous les services (groupage), soit à différents fournisseurs pour différents services, soit encore à différents fournisseurs pour les mêmes services.

30      Au considérant 95 de la décision attaquée, la Commission a affirmé qu’il résultait de ses études du marché que le recours à un seul fournisseur pour l’ensemble des services (groupage) ne constituait pas la tendance prédominante.

31      La Commission a précisé, au considérant 96 de la décision attaquée, ne pas avoir rapporté, dans la CG, les détails de ses analyses de marché, dès lors que les résultats n’étaient pas concluants pour établir une tendance générale, à l’exception du fait que les grands clients tendaient à avoir recours à différents fournisseurs.

32      Au considérant 97 de la décision attaquée, la Commission a rejeté l’argument des parties à la concentration qui soutenaient que le recours à un seul fournisseur pour l’ensemble des services générait une pression concurrentielle sur les prix de chaque service.

 Sur la fixation des prix

33      Aux considérants 98 à 151 de la décision attaquée, la Commission a analysé les modalités de fixation des prix sur le marché des services de transport des petits colis.

34      Elle a fait état de l’existence de négociations individuelles pour la majorité des clients (considérants 114 et 115), de l’importance du profil de chaque client (considérants 116 à 123), de la prise en compte de la pression concurrentielle et de la volonté des clients (considérants 124 à 131) et du fait que les différences de prix ne pouvaient pas entièrement s’expliquer par des différences de coûts (considérants 132 à 134).

35      Après avoir exposé la position des parties à la concentration (considérants 135 à 147), la Commission a conclu à l’existence de prix différenciés (considérants 148 à 151).

 Sur la définition du marché pertinent

36      Dans la décision attaquée, la Commission a défini le marché pertinent, matériellement et géographiquement, pour ce qui est des services concernés, à savoir le transport de petits colis – et non de fret – (considérants 152 à 164) d’un pays à un autre à l’intérieur de l’EEE – et non les transports domestiques ou les transports internationaux à l’extérieur de l’EEE – (considérants 165 à 187) en express – et non en différé – (considérants 188 à 226), quelles que soient la distance parcourue (considérants 227 à 231) et la qualité du service (considérants 232 à 237), les contrats étant négociés à l’échelon national pour ce type de services (considérants 239 à 243).

37      Ainsi, la Commission a retenu que les services en question en l’espèce étaient les services internationaux de distribution express de petits colis à l’intérieur de l’EEE (ci-après les « services en cause »).

 Sur les effets de la concentration sur la concurrence

38      À titre introductif et pour résumer son appréciation d’ensemble, la Commission a, au considérant 244 de la décision attaquée, relevé ce qui suit : 

« (244) Bien que les marchés géographiques pertinents soient nationaux, il est utile d’examiner le marché de la distribution express des petits colis à l’intérieur de l’EEE tout d’abord d’un point de vue pan-européen. La distribution express à l’intérieur de l’EEE est une industrie en réseau – comme l’a reconnu UPS – exigeant des opérateurs d’assurer une présence dans tous les pays. La présence exigée entraîne à son tour des investissements dans les infrastructures tout au long de la chaine de valeur (enlèvement, tri, lignes de transport, plaques tournantes, réseau aérien, avions et livraison). Bien que ces investissements puissent être réduits par une externalisation d’éléments de la chaîne de valeur vers des tiers, l’externalisation réduit le contrôle sur le réseau et, au bout du compte, la qualité des services rendus ainsi que l’efficacité opérationnelle. Les sociétés offrant des services haut de gamme dans l’industrie de la distribution express à l’intérieur de l’EEE avec un réseau de transport express homogène couvrant tous les pays de l’EEE sont les intégrateurs, lesquels ont le contrôle le plus serré sur leur réseau. En tant que tels, les acteurs non-intégrés ne sont pas en mesure d’exercer une pression concurrentielle suffisante sur les intégrateurs. Le plus petit intégrateur sur le marché européen, FedEx, n’exerce pas une pression concurrentielle suffisante sur les parties à la concentration et DHL. De plus, aucune entrée future d’ampleur suffisante ni aucune expansion éventuelle par des acteurs existants comme FedEx ne semble suffisamment probable et rapide pour contrecarrer les effets préjudiciables attendus de la perte de concurrence causée par la transaction. En outre, ni la puissance d’achat ni les rendements ne sembleraient suffisants pour contrebalancer la perte de concurrence dans les délais pertinents pour l’appréciation de cette concentration. »

 Sur les non-intégrateurs

39      Aux considérants 245 à 510 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les entreprises qui ne disposaient pas d’un réseau intégré de distribution de petits colis (ci-après les « non-intégrateurs ») exerçaient une pression concurrentielle faible.

–       Sur les filiales de La Poste et de Royal Mail

40      S’agissant des filiales de La Poste, DPD, et de Royal Mail, GLS, la Commission a retenu leur couverture réduite (considérants 253 à 284), la perception des clients en termes d’offres alternatives à celle des intégrateurs (considérants 285 à 295), en particulier pour ce qui est de la qualité des services (considérants 396 à 411), notamment quant aux délais de livraison (considérants 412 à 420), leur absence des marchés longue distance (considérants 296 à 309) et leurs réseaux routiers ne leur permettant d’assurer un service express que sur de courtes distances (considérants 310 à 318).

41      La Commission a également considéré que la fourniture des services en cause avec recours à des sous-traitants pour le transport aérien révélait des désavantages structurels par rapport aux intégrateurs (considérants 319 à 374) et qu’une extension de la couverture géographique des filiales de La Poste, DPD, et de Royal Mail, GLS, était improbable (considérants 375 à 395).

42      Sur la base de ses études de marché, la Commission a considéré que les clients des parties à la concentration avaient recours à DPD et à GLS pour les services domestiques et les services standards (considérants 421 à 423), les informations fournies par les parties à la concentration et relatives au recours à plusieurs fournisseurs confirmant la présence limitée des filiales de La Poste et de Royal Mail sur les marchés des services en cause (considérants 424 à 426).

43      Au soutien de son analyse, la Commission a fait état de preuves empiriques sur la présence et les activités des filiales de La Poste et de Royal Mail, telles que fournies par UPS (considérants 424 à 434), par TNT (considérants 435 à 439), par FedEx et par DHL (considérants 440 à 450), pour asseoir sa conclusion sur la pression concurrentielle faible des filiales de La Poste et de Royal Mail (considérants 451 et 452).

–       Sur les autres opérateurs postaux

44      Aux considérants 453 à 468 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que la plupart, sinon l’intégralité, des opérateurs postaux en Europe fournissaient des services de livraison express de petits colis, mais que seuls les développements des filiales de La Poste et de Royal Mail avaient laissé une empreinte européenne leur permettant, dans une mesure limitée, de concurrencer les intégrateurs sur les marchés des services en cause (considérant 453), ces considérations valant pour Austrian Post (considérant 455), PostNL (considérant 456), Posten Norge (considérant 457) et PostNord (considérant 458).

45      Au considérant 459 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, si presque tous les opérateurs postaux publics étaient membres de la Coopérative Express Mail Service (EMS) regroupant des administrations postales au sens de la constitution de l’Union postale universelle (UPU), la qualité de leurs services dépendait de chaque opérateur et était en tout état de cause inférieure à celle des opérateurs commerciaux.

46      La Commission a souligné que tous les opérateurs historiques n’offraient d’autres services express intra-EEE que pour les courriers et que les autres revendaient les services auprès des intégrateurs (considérants 460 et 461).

47      Aux considérants 462 à 466 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’études de marché démontrant que les revendeurs n’exerçaient pas de pression concurrentielle sur les intégrateurs.

–       Sur les réseaux de coopération

48      Aux considérants 469 à 477 de la décision attaquée, la Commission a fait état de certains réseaux de coopération fonctionnant de manière très variable, tels que NetExpress (considérant 470) et EuroExpress (considérant 471), préservant l’autonomie de chacun de leurs membres (considérant 472) et n’exerçant pas, en tout état de cause, de pression concurrentielle sur les parties à la concentration sur les marchés des services en cause (considérants 473 à 477).

–       Sur les commissionnaires expéditeurs

49      Après avoir rapporté la position d’UPS (considérants 478 à 484), la Commission a considéré que, tout en fournissant des services de distribution de petits colis dont certains intra-EEE, les commissionnaires expéditeurs ne représentaient pas une concurrence forte sur ces marchés et n’exerçaient donc pas une pression concurrentielle sur les marchés des services en cause (considérants 487 à 507).

–       Conclusion sur les non-intégrateurs

50      Aux considérants 508 et 510 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les opérateurs terrestres, les opérateurs historiques, les réseaux de coopération et les commissionnaires expéditeurs exerçaient une pression concurrentielle réduite sur les intégrateurs sur les marchés des services en cause, tant du point de vue de la demande que de celui de l’offre, notamment eu égard à leurs parts de marché extrêmement faibles par rapport à celles des intégrateurs.

 Sur les intégrateurs

–       FedEx

51      La Commission a retenu, aux considérants 511 à 625 de la décision attaquée, que, parmi les intégrateurs, FedEx était un concurrent faible en Europe, eu égard à son chiffre d’affaires sur les marchés des services en cause et à sa couverture de l’EEE (considérants 513 à 526), à son réseau au sein de l’EEE (considérants 528 à 533), à ses désavantages en termes de coûts au sein de l’EEE (considérants 534 à 546), à sa présence sur les marchés domestiques et différés (considérants 547 à 552), la force de FedEx se vérifiant principalement sur les marchés hors EEE (considérants 553 à 564), ainsi qu’à la perception de FedEx par les clients (considérants 565 à 577) et par les concurrents (considérants 578 à 589), FedEx étant plus faible sur les marchés des services en cause (considérants 590 à 598).

52      Aux considérants 599 à 622 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur l’expansion de FedEx au sein de l’EEE.

53      La Commission a conclu, aux considérants 623 à 625 de la décision attaquée, que FedEx affichait un retard concurrentiel sur les marchés des services en cause qui ne pouvait suffisamment être comblé, à très court terme, par ses projets d’expansion, en termes de couverture et de densité de son réseau dans les pays de l’EEE, pour permettre de contrer les autres intégrateurs sur leurs réseaux de distribution express au sein de l’EEE.

–       DHL

54      Aux considérants 626 à 630 de la décision attaquée, la Commission a souligné que, selon les parties à la concentration, DHL était le concurrent le plus important en Europe sur les marchés des services en cause, en termes de parts de marché (considérant 626), de couverture géographique (considérant 627) ainsi qu’en raison du développement et de la densité de son réseau au sein de l’EEE (considérant 628).

 Sur la proximité de la concurrence

–       Considérations générales sur la proximité concurrentielle d’UPS et de TNT sur un « marché différencié »

55      Aux considérants 631 à 635 de la décision attaquée, la Commission a exposé ce qui suit :

« (631) Dans la présente section, la Commission présente une analyse de l’étroitesse de la relation de concurrence, ce qui démontre que TNT et UPS sont en effet de proches concurrents sur le marché de la distribution express à l’intérieur de l’EEE. L’analyse montre que DHL est également un proche concurrent des parties, tandis que, ainsi qu’il est démontré aux sections 7.3 et 7.2.1, FedEx et les entreprises de premier plan non-intégrées DPD et GLS sont des concurrents plus éloignés des parties.

(632) L’analyse est utile pour déterminer quelles sociétés actives sur le marché de la distribution express à l’intérieur de l’EEE offre des produits qui sont des proches substituts entre eux, et est éclairante sur le niveau de pression concurrentielle que ces entreprises exercent actuellement.

(633) Une telle analyse est particulièrement pertinente sur un marché segmenté comme celui en cause, où les produits et services présentent différentes caractéristiques. Un des plus importants facteurs de segmentation du marché de la distribution express à l’intérieur de l’EEE est la couverture des origines et des destinations qui sont proposées par un transporteur spécifique (ce qui signifie les pays de l’EEE à partir desquels et vers lesquels les petits colis express peuvent être transportés, et l’étendue de la couverture des territoires géographiques à l’intérieur de ces pays). Il existe également d’autres facteurs de différentiation comme les caractéristiques qualitatives du service (fiabilité, qualité du système de suivi et de repérage, et la proposition de services spécifiques comme les livraisons haut de gamme, matinales ou pour midi ou des traitements particuliers).

(634) La combinaison de divers facteurs de différentiation du service avec l’approche commerciale des prestataires concernés par l’offre (ou une procédure de sélection des consommateurs similaire) détermine à quel point les divers prestataires seront de proches substituts lorsqu’ils seront en concurrence envers les consommateurs. La Commission a donc non seulement analysé les entreprises à l’égard de leurs caractéristiques essentielles (comme la couverture de leurs services), mais également évalué le degré de leur substituabilité du point de vue des consommateurs sur la base de tous les éléments disponibles, notamment l’évaluation par les consommateurs issue des études de marché, une analyse de l’offre et l’analyse des entretiens de sortie de TNT.

(635) L’objectif de l’analyse est non seulement de déterminer le niveau de concurrence entre les deux entreprises en concentration, mais également d’identifier les autres entreprises qui représentent actuellement des proches substituts des parties à la concentration sur ce marché segmenté. Ce qui est particulièrement pertinent en l’espèce, car tous les éléments disponibles suggèrent qu’au sein du marché segmenté concerné, un ensemble très limité de prestataires sont actuellement en étroite concurrence entre eux par rapport aux autres entreprises présentes sur le marché. »

–       Perception des clients selon les études de marché

56      La Commission a, aux considérants 636 à 652 de la décision attaquée, fait état des réponses des clients à ses questionnaires concernant la proximité de la concurrence sur les marchés des services en cause, établissant nettement, selon elle, une proximité concurrentielle des parties à la concentration et de DHL.

–       Comparaison des dessertes et des couvertures de livraison pour différents services express

57      Au considérant 653 de la décision attaquée, la Commission a souligné que l’un des facteurs différenciant le plus les sociétés fournissant les services en cause était l’étendue de la couverture des pays d’origine et de destination, dès lors que cela déterminait la possibilité pour le client d’expédier un petit colis par un service express donné (tôt le matin, le midi ou à toute heure de la journée) d’une origine déterminée vers une destination donnée.

58      Aux considérants 654 à 658, la Commission a comparé, d’une part, les intégrateurs entre eux et, d’autre part, les intégrateurs et les filiales de La Poste et de Royal Mail, pour conclure, au considérant 659, que, pour les clients exigeant une large couverture géographique à l’intérieur de l’EEE pour les services en cause, les parties à la concentration étaient très probablement les plus proches en termes de substituabilité de services.

–       Sur les horaires de livraison et les services premium

59      Aux considérants 660 et 661 de la décision attaquée, la Commission a souligné qu’un autre des facteurs différenciant les sociétés fournissant les services en cause avait trait aux heures de livraison – le marché étant divisé en trois segments, à savoir le segment « Avant 10 heures », le segment « Avant 12 heures » et le segment « À toute heure de la journée » –, notamment concernant certains produits, les services matinaux étant perçus comme des services premium.

60      Sur la base de son analyse, la Commission a considéré que les parties à la concentration étaient fortement concurrentes avec DHL, en face d’une offre relativement faible des non-intégrateurs sur les services premium (considérants 662 à 665).

–       Sur la qualité des services

61      Au considérant 666 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que, « [e]n tant qu’intégrateurs principaux, les caractéristiques qualitatives des services des parties comme le suivi et le repérage ou divers services complémentaires sont semblables l’un à l’autre, à la différence des compagnies non-intégrées (comme DPD et GLS) qui sont des substituts éloignés des services des parties eu égard aux divers critères de qualité, ainsi qu’il est expliqué à la section relative aux non-intégrateurs (notamment à la section 7.2.1.7, expliquant pourquoi les services internationaux de distribution express à l’intérieur de l’EEE de La Poste et Royal Mail sont perçus comme étant des substituts éloignés des services des parties eu égard aux divers critères de qualité). ».

–       Sur la pratique des offres

62      Aux considérants 667 à 684 de la décision attaquée, la Commission a, sur la base des données d’UPS (considérants 668 à 674), de TNT (considérants 675 à 681) et de DHL (considérants 682 à 684), considéré que les parties à la concentration, pour ce qui avait trait à la pratique des offres, étaient proches sur le plan concurrentiel, de même que DHL, contrairement à FedEx et aux non-intégrateurs.

–       Sur la captivité des clients de TNT

63      La Commission a analysé, aux considérants 685 à 701 de la décision attaquée, le contenu des entretiens organisés par TNT avec ses clients sur les raisons de leurs changements de fournisseurs.

–       Conclusion sur la proximité de la concurrence

64      Aux considérants 702 à 711 de la décision attaquée, la Commission a considéré, tout en répondant aux observations des parties à la concentration en réponse à la CG, qu’UPS et TNT étaient de proches concurrents de DHL sur les marchés des services en cause.

 Sur l’affectation de la pression concurrentielle sur des marchés « extrêmement différenciés »

65      Aux considérants 712 à 714 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la concentration réduirait, sur certains marchés, le nombre de fournisseurs des services en cause, intégrateurs et non-intégrateurs, de quatre à trois.

66      Aux considérants 715 à 720 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la concentration réduirait, sur certains marchés, le nombre de fournisseurs intégrateurs des services en cause de trois à deux, eu égard à la position de FedEx.

67      Aux considérants 721 à 726 de la décision attaquée, la Commission a mesuré l’effet probable de la concentration sur les prix et, aux considérants 727 à 740, rapporté l’analyse d’UPS sur les effets de la concentration sur les prix.

 Sur les barrières à l’entrée et à l’expansion sur les marchés des services en cause

68      Au considérant 741 de la décision attaquée, la Commission a considéré ce qui suit : 

« (741) L’entrée ou l’expansion sur le marché de la distribution express à l’intérieur de l’EEE doit être examinée selon deux dimensions différentes : l’offre de produits et l’étendue géographique. Quelle que soit la dimension, les barrières à l’entrée ou à l’expansion sont similaires et peuvent être résumées comme suit : un nouvel entrant sur le marché de la distribution express à l’intérieur de l’EEE devrait monter i) une infrastructure informatique, ii) une infrastructure de tri dans toute l’EEE et iii) un réseau aérien. Comme l’a démontré l’absence d’entrée importante lors de ces vingt dernières années et l’issue de l’étude de marché, ces barrières sont très élevées et ne peuvent pas être surmontées au moyen de l’externalisation. »

69      Au soutien de son appréciation, la Commission a fait valoir, premièrement, l’absence de tout nouvel entrant majeur durant les 20 dernières années (considérants 742 à 746), deuxièmement, l’appréciation du marché ratione materiae et ratione loci (considérants 747 à 750), troisièmement, la nécessité pour un nouvel entrant sur les marchés des services en cause de construire une infrastructure sur l’ensemble de l’EEE (considérants 751 et 752), quatrièmement, celle de disposer d’un réseau technologique propriétaire (considérants 753 à 759), cinquièmement, celle de disposer d’une infrastructure de triage sur l’ensemble de l’EEE (considérants 760 à 765) et, sixièmement, celle de disposer de son propre réseau de transport aérien (considérants 766 à 780).

70      En conclusion, la Commission a retenu ce qui suit aux considérants 781 et 782 :

« (781) Les barrières à l’entrée ou à l’expansion sont cumulatives étant donné que tout nouvel entrant sur le marché de la distribution express à l’intérieur de l’EEE devrait les surmonter simultanément afin d’offrir des services de livraison concurrentiels avec ceux proposés par les acteurs les plus puissants. Faire concurrence efficacement nécessite de monter un réseau de distribution express à l’intérieur de l’EEE, tant en termes d’offre de produits que d’étendue géographique. Partant, le nouvel entrant devrait monter une infrastructure sophistiquée dans l’ensemble de l’EEE, comprenant des centres de tri, assurer un réseau vaste et dense d’enlèvement et de livraison [« Pick-Up & Delivery » (PUD)], créer un réseau aérien, un réseau au sol et des lignes de transport ainsi qu’un réseau informatique sophistiqué. Tous ces éléments génèrent des coûts, des risques et un temps importants.

(782) De plus, afin d’assurer un rendement en termes de coûts et donc d’apporter une concurrence effective, l’entrée ou l’expansion doivent intervenir à une échelle suffisante et atteindre une densité de réseau suffisante. Du fait que l’activité de livraison des petits colis est une industrie en réseau, les économies d’échelle et la densité sont déterminantes (ainsi qu’il est expliqué à la section 6.1.3), et y parvenir peut exiger un temps très long. Avant que des économies d’échelle suffisantes soient réalisées, les opérateurs devraient s’exposer à des coûts et des risques importants, et peuvent ne pas être en mesure d’exploiter l’activité de manière rentable pendant une période importante avant d’obtenir un retour sur investissements. Cette complexité accroît les difficultés d’entrée et d’expansion sur ce marché. »

 Sur la probabilité, les délais et la suffisance d’entrées ou d’expansion pour contrer les potentiels effets anticoncurrentiels de la concentration

71      Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que ni les projets d’expansion de FedEx (considérant 783) ni ceux des autres opérateurs (considérants 784 à 787) ne permettraient de contrer toute stratégie anticoncurrentielle mise en place par les parties à la concentration (considérant 788).

 Sur l’existence d’une puissance d’achat compensatrice

72      Sur la question de l’existence d’une puissance d’achat compensatrice, la Commission a, à titre liminaire, rappelé ce qui suit :

« (789) La puissance d’achat compensatrice est définie dans les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales comme ‘le pouvoir de négociation qu’un acheteur détient à l’égard d’un vendeur dans ses pourparlers commerciaux, en raison de sa taille, de son importance commerciale pour le vendeur en question et de sa capacité à s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs’. Elle se rapporte à la capacité des grands acheteurs d’arracher, dans des marchés en aval concentrés, des concessions de prix de la part des fournisseurs.

(790) Les lignes directrices dressent une liste non-exhaustive de sources possibles de puissance d’achat compensatrice, y compris la capacité que détient un grand acheteur de se reporter sur d’autres fournisseurs, d’encourager le développement ou l’entrée [de concurrents] ou de refuser d’acheter certains produits des parties à la concentration si celles-ci augmentent les prix des produits pour lesquels la concentration entraîne une diminution de la concurrence. »

73      Aux considérants 791 à 799 de la décision attaquée, la Commission a, après avoir rapporté la position d’UPS (considérant 791), conclu que « les clients n’ont pas la capacité d’exercer une puissance d’achat compensatrice suffisante pour contrer une augmentation des prix sur le marché de la distribution express à l’intérieur de l’EEE après la concentration ».

 Sur la position de TNT en l’absence de la concentration

74      La Commission a, aux considérants 800 à 806 de la décision attaquée, considéré qu’il y avait lieu de tenir compte de la couverture actuelle et de la capacité concurrentielle de TNT et rejeté l’argument d’UPS tiré de la dégradation potentielle de la position de TNT sur les services long-courriers express.

 Sur les gains d’efficacité escomptés de la concentration

75      Pour ce qui est des gains d’efficacité escomptés de la concentration, la Commission a, à titre introductif, rappelé, aux considérants 807 à 816 de la décision attaquée, les critères fixés dans les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5).

76      Aux considérants 817 à 848 de la décision attaquée, la Commission a analysé les gains d’efficacité allégués par les parties à la concentration, en termes de réductions des coûts par des synergies opérationnelles (considérants 822 à 831), de synergies du réseau aérien (considérants 832 à 837) et de synergies de gestion et de coûts d’administration (considérant 838), ainsi que les arguments des parties à la concentration quant à la vérifiabilité de leurs données (considérants 839 à 841) et la répartition des réductions prévues par services et par zones géographiques (considérants 842 à 848).

77      Aux considérants 849 à 921 de la décision attaquée, la Commission a apprécié les gains d’efficacité allégués par les parties à la concentration et leur vérifiabilité (considérants 850 à 892), les bénéfices procurés aux consommateurs (considérants 893 à 906), la spécificité de la concentration (considérants 907 à 910) et les calculs des synergies (considérants 911 à 921).

 Analyse par pays

78      La Commission a, aux considérants 923 à 939 de la décision attaquée, synthétisé ses considérations sur les marchés des services en cause.

79      Aux considérants 940 à 951 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il n’était pas possible de se fier aux parts de marchés soumises par UPS.

80      Par la suite, la décision attaquée a rapporté la position d’UPS et l’appréciation de la Commission sur les effets de la concentration sur les marchés des services en cause en prenant en compte les effets probables de la concentration sur les prix et les gains d’efficacité escomptés de la concentration, pour certains pays de l’EEE, pays par pays, à savoir la Bulgarie (considérants 952 à 1018), la République tchèque (considérants 1019 à 1070), le Danemark (considérants 1071 à 1148), l’Estonie (considérants 1149 à 1193), la Finlande (considérants 1194 à 1240), la Hongrie (considérants 1241 à 1317), la Lettonie (considérants 1318 à 1365), la Lituanie (considérants 1366 à 1415), Malte (considérants 1416 à 1435), les Pays-Bas (considérants 1436 à 1563), la Pologne (considérants 1564 à 1633), la Roumanie (considérants 1634 à 1679), la Slovaquie (considérants 1680 à 1743), la Slovénie (considérants 1744 à 1798) et la Suède (considérants 1799 à 1849).

 Conclusion générale de la Commission dans la décision attaquée sur les effets de la concentration

81      Au considérant 1850 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la concentration constituerait une ESCE sur les marchés des services en cause en Bulgarie, dans la République tchèque, au Danemark, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, à Malte, aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie, en Slovénie, en Slovaquie, en Finlande et en Suède, soit dans quinze pays membres de l’EEE.

 Sur les engagements des parties à la concentration

82      Aux considérants 1851 à 1942 de la décision attaquée, la Commission a rapporté les engagements proposés par les parties à la concentration et, aux considérants 1943 à 2106, son appréciation négative sur lesdits engagements.

 Procédure et conclusions des parties

83      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 avril 2013, la requérante a introduit le présent recours en annulation contre la décision attaquée.

84      Par lettre accompagnant la requête, la requérante a attiré l’attention du Tribunal sur le fait que la requête et ses annexes étaient confidentielles et contenaient des secrets d’affaires la concernant.

85      Partant, en application de l’article 6, paragraphe 3, des instructions au greffier du Tribunal, la requérante a demandé que ces informations ne soient pas mentionnées dans les documents afférents à l’affaire auxquels le public avait accès.

86      De plus, dans l’hypothèse de l’intervention d’un tiers, la requérante a fait part de son intention de demander au Tribunal que ses secrets d’affaires soient expurgés de tout document communiqué à l’intervenante, en application de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

87      Par acte séparé, déposé le même jour au greffe du Tribunal, la requérante a introduit une demande de procédure accélérée au visa de l’article 76 bis du règlement de procédure du 2 mai 1991.

88      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2013, la Commission a accusé réception de la requête de la requérante ainsi que de sa demande de procédure accélérée et a demandé au Tribunal la prolongation du délai imparti pour le dépôt de son mémoire en défense.

89      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 avril 2013, la Commission a présenté ses observations sur la demande de procédure accélérée de la requérante.

90      Par décision du 7 mai 2013, la demande de la requérante de statuer dans la présente affaire par voie de procédure accélérée a été rejetée.

91      Par décision du 7 mai 2013, il a été décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de la Commission de prolongation du délai imparti pour le dépôt de son mémoire en défense.

92      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2013, la Commission a demandé au Tribunal la prolongation du délai imparti pour le dépôt de son mémoire en défense.

93      Le 27 mai 2013, il a été fait droit à cette demande.

94      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2013, la Commission a de nouveau demandé au Tribunal la prolongation du délai imparti pour le dépôt de son mémoire en défense.

95      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2013, FedEx a demandé à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission (ci-après la « demande d’intervention »).

96      Par lettres du greffe du Tribunal du 25 juin 2013, la requérante et la Commission ont été invitées à soumettre leurs observations, au plus tard le 18 juillet 2013, sur la demande d’intervention.

97      Le 2 juillet 2013, il a été fait droit à la demande de la Commission de prolongation du délai imparti pour le dépôt de son mémoire en défense.

98      Par courrier adressé au greffe du Tribunal le 5 juillet 2013, la requérante a demandé de prolonger au 1er août 2013 le délai imparti, dans le cadre de sa demande de traitement confidentiel, pour déposer la version non confidentielle de la requête à l’égard de FedEx, eu égard au volume du dossier et au nombre de données sensibles ainsi qu’au fait que la décision attaquée n’était pas encore accessible au public en raison du traitement en cours par la Commission des nombreuses demandes de confidentialité.

99      La Commission a déposé son mémoire en défense le 9 juillet 2013, puis ses observations sur la demande d’intervention le 10 juillet 2013.

100    Par lettre du greffe du Tribunal du 11 juillet 2013, il a été fait droit à la demande de la requérante de prorogation du délai de dépôt de la version non confidentielle de la requête à l’égard de FedEx.

101    La requérante a déposé ses observations sur la demande d’intervention le 17 juillet 2013.

102    Par actes déposés au greffe du Tribunal le 31 juillet 2013, la requérante a demandé que soient expurgées des actes de procédure signifiés à FedEx, dont la requête et les annexes, certaines pièces confidentielles. La requérante a produit une liste et des versions non confidentielles desdites pièces.

103    Dans sa lettre, tout d’abord, la requérante a fait savoir que, au fil de la procédure, elle étendrait sa demande de confidentialité à l’égard de FedEx à d’autres pièces notifiées au Tribunal, telles que le mémoire en défense de la Commission et la réplique.

104    Ensuite, la requérante a expliqué que les éléments dont elle demandait la confidentialité relevaient de l’analyse des effets de la concentration pour ce qui est des prix et des gains d’efficacité, des informations sur ses stratégies opérationnelle et commerciale ainsi que des données relatives aux engagements qu’elle avait proposés à la Commission durant la procédure administrative.

105    Enfin, la requérante a attiré l’attention du Tribunal sur le fait que certaines pièces du dossier contenaient des informations confidentielles et des secrets d’affaires concernant des tiers, en particulier TNT, aux noms desquels elle estimait ne pas pouvoir demander un traitement confidentiel, tout en indiquant au Tribunal les éléments en cause concernant TNT.

106    Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 août 2013, la Commission a fait valoir ses observations sur la demande de confidentialité en soulignant que certaines pièces du dossier, mais non le mémoire en défense, contenaient des éléments confidentiels concernant TNT et, en substance, que, si la requérante, qui avait introduit ces éléments durant la procédure administrative, estimait effectivement ne pas être en mesure d’étendre sa demande de confidentialité à cet égard, elle devrait elle-même revoir à cet effet le contenu de la requête.

107    Par décision du greffier du 20 août 2013, la requérante a été invitée à régulariser, pour le 5 septembre 2013, des versions non confidentielles expurgées de toutes les données concernant TNT.

108    Le 2 septembre 2013, la requérante a déposé la réplique.

109    Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a, au visa de l’article 64, paragraphe 3, sous e), et paragraphe 4, ainsi que de l’article 65 du règlement de procédure du 2 mai 1991, demandé au Tribunal, au titre des mesures d’organisation de la procédure ou des mesures d’instruction, d’enjoindre à la Commission de produire les documents fournis par FedEx au cours de la procédure administrative.

110    La requérante a précisé que sa demande de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction avait essentiellement trait au moyen du recours tiré de violations des droits de la défense.

111    En date du 5 septembre 2013, la requérante a déposé au greffe du Tribunal une version non confidentielle, à l’égard de FedEx et couvrant TNT, de la requête et de ses annexes, dont l’annexe A.1, à savoir la décision attaquée.

112    Le 5 septembre 2013, la requérante a confirmé que sa demande du 31 juillet 2013 concernait différentes catégories d’éléments, sans toutefois préciser les motifs du caractère prétendument confidentiel de ces éléments.

113    Par décision du Tribunal du 30 septembre 2013, la présente affaire a été réattribuée à la quatrième chambre.

114    Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 21 octobre 2013, FedEx a été admise à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission.

115    FedEx a reçu communication de tous les actes de procédure notifiés aux parties, dont les versions non confidentielles de la requête et de ses annexes, telles qu’amendées par la requérante le 5 septembre 2013.

116    Par courrier du 8 novembre 2013, la Commission a fait valoir ses observations sur la demande de mesures d’organisation de la procédure de la requérante du 2 septembre 2013, en concluant au rejet de ladite demande, eu égard à sa tardiveté et à son défaut d’utilité au bon déroulement de la procédure.

117    Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 6 décembre 2013, l’intervenante a formulé des objections circonstanciées concernant la demande de confidentialité de la requérante telle qu’elle lui avait été transmise par le greffe du Tribunal.

118    Le 12 décembre 2013, le greffe du Tribunal a informé l’intervenante que, à la suite de ses objections sur la demande de confidentialité, le délai de dépôt du mémoire en intervention avait été reporté sine die et qu’il serait de nouveau fixé après l’adoption d’une ordonnance sur la confidentialité.

119    Le 30 janvier 2014, la Commission a déposé la duplique.

120    Le même jour, la requérante a complété sa demande de confidentialité concernant la duplique.

121    En date du 20 mars 2014, la requérante a été invitée, concernant sa demande de traitement confidentiel pour ce qui est de l’annexe A.1 de la requête, à savoir de la version non confidentielle de la décision attaquée, à indiquer, pour chaque élément expurgé, quels étaient les motifs fondant sa demande de traitement confidentiel.

122    La requérante a en outre été invitée à ne pas introduire dans sa réponse des éléments, concernant elle-même ou TNT, qu’elle estimerait relever de la confidentialité à l’égard de l’intervenante.

123    En tout état de cause, la requérante a été priée de n’expurger de la version confidentielle de la décision attaquée que les passages strictement nécessaires aux fins d’en protéger la confidentialité à l’égard de l’intervenante.

124    Par courriers du greffe du 3 avril 2014, l’intervenante a été invitée à soumettre ses observations sur la demande de confidentialité à son égard, telle qu’effectivement déposée par la requérante.

125    Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 25 avril 2014, l’intervenante a déclaré ne pas avoir d’objection sur la demande de confidentialité telle qu’effectivement déposée par la requérante.

126    Par courrier du greffe du 8 mai 2014, les parties ont été informées que le délai pour le dépôt du mémoire en intervention était fixé au 20 juin 2014.

127    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 juin 2014, l’intervenante a soumis son mémoire en intervention.

128    La requérante a soumis ses observations sur ledit mémoire le 6 octobre 2014 et en a contesté la recevabilité.

129    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er juillet 2015, la requérante a demandé que le présent recours fasse l’objet d’un traitement prioritaire.

130    Le 16 juillet 2015, en application de l’article 89, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a demandé aux parties de répondre par écrit à des questions.

131    Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

132    Par décision du 4 août 2015, il a été fait droit à la demande de traitement prioritaire, en application de l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure.

133    Par lettre du 4 août 2015 et en application de l’article 89, paragraphe 2, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal a fait droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure déposée par la requérante et a demandé à la Commission de produire certains documents transmis par FedEx durant la procédure administrative.

134    Le 12 août 2015, la Commission a refusé de produire les documents demandés pour garantir leur confidentialité.

135    Par ordonnance en date du 25 septembre 2015, la quatrième chambre du Tribunal a ordonné à la Commission, en application de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, et de l’article 103 du règlement de procédure, de produire les documents demandés.

136    Le 2 octobre 2015, la Commission a produit les documents demandés.

137    Par ordonnance en date du 27 octobre 2015, la quatrième chambre du Tribunal a ordonné à la Commission, en application de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, et de l’article 103 du règlement de procédure, de produire des documents supplémentaires.

138    Par ordonnance en date du 11 décembre 2015, la quatrième chambre du Tribunal a permis, en application de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, et de l’article 103 du règlement de procédure, aux représentants de la requérante de consulter au greffe du Tribunal, sous réserve de la signature d’un engagement de confidentialité, un document confidentiel.

139    Le 17 décembre 2015, les représentants de la requérante ont communiqué au greffe du Tribunal les engagements de confidentialité signés.

140    Du 15 janvier 2016 au 12 février 2016, les représentants de la requérante ont pu consulter au greffe du Tribunal le document confidentiel.

141    Le 12 février 2016, le Tribunal a, en application de l’article 89, paragraphe 2, sous a), du règlement de procédure, invité les parties à transmettre par écrit, le cas échéant, leurs observations sur le document confidentiel dans un délai de deux semaines.

142    La requérante et la Commission ont, respectivement le 26 et le 29 février 2016, transmis au Tribunal leurs observations sur le contenu du document confidentiel consulté dans un local de sauvegarde de données.

143    Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

144    Conformément à l’article 109 du règlement de procédure, le Tribunal a, par lettre du 18 mars 2016, invité les parties à présenter leurs observations sur la nécessité, le cas échéant, de la tenue de l’audience à huis clos partiel.

145    Le 29 mars 2016, la Commission a répondu à l’invitation du Tribunal, en estimant que la tenue de l’audience à huis clos n’était pas nécessaire, à moins que le contenu du document consulté dans un local de sauvegarde de données par les représentants de la requérante à partir du 15 janvier 2016 ne soit abordé.

146    Le 31 mars 2016, la requérante a répondu à l’invitation du Tribunal, en déclarant n’avoir aucune objection à la publicité des débats ni à la tenue d’une audience à huis clos, dans la seule hypothèse toutefois où le contenu du document confidentiel que ses représentants avaient consulté dans un local de sauvegarde de données à partir du 15 janvier 2016 serait abordé.

147    Le même jour, l’intervenante a, pour sa part, estimé nécessaire la tenue de l’audience à huis clos intégral et non partiel ainsi que l’avait suggéré le Tribunal, en raison des nombreuses divergences entre, d’une part, la version non confidentielle de la décision attaquée telle que versée au dossier et, d’autre part, la version publique de la décision attaquée, lesdites divergences étant énumérées en annexe des observations de l’intervenante.

148    Le 5 avril 2016, le Tribunal a décidé, les parties ayant été entendues, de tenir l’audience de plaidoiries à huis clos intégral.

149    Lors de l’audience du 6 avril 2016, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal.

150    Par mesure d’organisation de la procédure du 11 avril 2016, le Tribunal a, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), du règlement de procédure, demandé à la Commission de bien vouloir, d’une part, produire certains documents sur lesquels elle s’était appuyée lors de l’audience du 6 avril 2016 et, d’autre part, répondre à une question par écrit.

151    Le 26 avril 2016, la Commission a produit les documents demandés et répondu dans les délais à la question du Tribunal.

152    Le 8 juin 2016, la requérante a présenté ses observations sur les documents et la réponse adressés par la Commission le 26 avril 2016.

153    Par décision du 4 octobre 2016, le Tribunal a clos la phase orale de la procédure.

154    Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

155    La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux de l’intervenante.

156    L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

157    Au soutien de son recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens. Le premier est tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation, le deuxième, de violations des droits de la défense et, le troisième, de violations de l’obligation de motivation.

158    Le deuxième moyen du recours, qu’il y a lieu d’examiner d’emblée, est divisé, en substance, en quatre branches, tirées de violations des droits de la défense relatives, respectivement, aux effets probables de la concentration sur les prix, aux gains d’efficacité escomptés de la concentration, au positionnement concurrentiel futur de FedEx et au nombre d’États ESCE.

159    Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante rappelle avoir, durant la procédure administrative, échangé avec la Commission leurs analyses de la concentration en termes de prix ainsi que leurs estimations des gains d’efficacité, en calculant les effets nets attendus de la concentration sur les prix des différents marchés nationaux.

160    Or, l’analyse de la concentration en termes de prix figurant dans la décision attaquée différerait notablement de toutes les versions auxquelles la requérante a pu avoir accès durant la procédure administrative, ce qui porterait atteinte à ses droits de la défense.

161    En annexe à la requête, la requérante produit un rapport répertoriant les modifications qui, selon elle, ont été apportées au modèle qu’elle a utilisé et exposant les raisons techniques pour lesquelles elle n’aurait pas été en mesure de reproduire les résultats figurant dans la décision attaquée.

162    La requérante soutient, à la suite de la réponse de la Commission à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal postérieure à l’audience, que le modèle économétrique utilisé dans la décision attaquée est une version hautement restrictive d’une approche non linéaire, voire d’une approche qu’elle qualifie de « linéaire par segments », ce qui n’a fait l’objet d’aucun débat pendant la procédure administrative.

163    En effet, la requérante prétend que la Commission a plutôt utilisé un modèle linéaire à l’intérieur de chaque intervalle de fluctuation.

164    Par ailleurs, elle souligne qu’il est contraire à la pratique économique d’utiliser au stade de l’estimation et au stade de la prévision, qui constituent les deux temps de l’analyse économétrique de la Commission, deux variables de concentration différentes.

165    En effet, pour représenter le degré de concentration sur le marché, la Commission aurait utilisé au stade de l’estimation une variable de concentration discrétisée, conformément aux recommandations de la requérante en ce sens, tandis que, au stade de la prévision, elle aurait maintenu une variable continue.

166    Partant, la requérante fait valoir que, en maintenant au stade de la prévision une telle variable, la Commission n’analyse pas l’évolution du prix d’un intervalle de fluctuation à un autre, mais seulement l’évolution du prix au sein de chaque intervalle de fluctuation.

167    S’agissant desdits intervalles, la requérante ajoute que ceux-ci n’ont pas été élaborés par elle, mais choisis de manière arbitraire par la Commission.

168    La requérante ne pourrait dès lors contester utilement la fiabilité du modèle économétrique en cause, retenu par la Commission dans la décision attaquée, ni les divergences entre les résultats de la Commission et ceux calculés par elle-même dans sa dernière analyse économétrique soumise à la Commission le 16 novembre 2012.

169    Le fait qu’elle ne puisse reproduire les résultats de la Commission révélerait que la Commission ne l’a pas entendue avant de modifier, notablement et à son détriment, un modèle économétrique déterminant pour le contenu de la décision attaquée.

170    Or, si la Commission l’avait entendue sur les modifications en question avant d’adopter la décision attaquée, la requérante aurait été en mesure de vérifier les résultats retenus dans la décision attaquée et, surtout, de faire valoir son point de vue quant au caractère approprié d’une modification aussi importante.

171    Par ailleurs, tout en renvoyant à l’examen de la troisième branche du deuxième moyen, relative au positionnement concurrentiel futur de FedEx, la requérante soutient, en substance, qu’elle n’a pas eu accès aux données de couverture de FedEx en 2015 suffisamment tôt lors de la procédure administrative et, partant, qu’elle n’a pas été en mesure de faire valoir des mesures correctives adaptées.

172    Pour sa part, la Commission conteste, à titre principal, la recevabilité des arguments juridiques et économiques de la requérante, en ce qu’ils sont énoncés dans une annexe de la requête, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale.

173    Selon la Commission, la requête ne contient aucune explication des différences alléguées, sinon par référence à une annexe, de sorte que ses arguments sont irrecevables, en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991, dès lors que la requête ne comprend pas les éléments essentiels du moyen.

174    La requérante rejette cette exception d’irrecevabilité, dès lors que les éléments essentiels de son argumentation sont manifestement présents dans le corps même de la requête et que le renvoi opéré à l’annexe A.6 de la requête n’avait que pour objet d’étayer de façon technique ces principaux arguments.

175    En effet, il serait précisé dans la requête que le modèle économétrique en cause est substantiellement différent de tous les modèles économétriques que la requérante a pu examiner lors de la phase administrative et que cela est notamment corroboré par le fait que la requérante n’a pas réussi à comprendre totalement ledit modèle ni à vérifier les résultats en découlant.

176    À titre subsidiaire, la Commission soutient que la première branche du deuxième moyen du recours est inopérante et, en tout état de cause, non fondée.

177    Tout d’abord, son analyse finale des effets probables de la concentration en termes de prix ne serait pas substantiellement différente de celle soumise par la requérante, ainsi que cela ressortirait d’une annexe de son mémoire en défense.

178    Selon la Commission, comme cela est indiqué aux considérants 727 à 740 de la décision attaquée, les modifications opérées ont concerné, d’une part, les hypothèses de modèle économétrique envisageables quant aux effets d’un renforcement de la concentration sur les niveaux initiaux des prix et, d’autre part, la variable de concentration à retenir.

179    Ensuite, la Commission allègue qu’elle n’était pas tenue d’entendre la requérante avant d’adopter le modèle économétrique en cause.

180    Au soutien de cette allégation, la Commission fait observer que la requérante a présenté cinq études relativement tard lors de la procédure administrative, mais que, pour autant, toutes les études ont fait l’objet de discussions intenses lors des différentes réunions-bilan. La Commission précise que la dernière étude de la requérante, en date du 16 novembre 2012, a également fait l’objet d’observations préliminaires lors de la réunion-bilan du 11 décembre 2012 et que, au regard de la date tardive à laquelle la dernière étude a été soumise, son « appréciation finale a dû être laissée à la décision » attaquée.

181    Enfin, la Commission soutient que sa démarche est conforme à la jurisprudence relative aux droits de la défense en matière de concentrations, en ce sens que, dès lors que la décision ne saurait être une copie de la CG, elle est en droit de réviser ou d’ajouter des éléments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés et des réponses apportées par la requérante lors de la procédure administrative, sous réserve que la décision attaquée formule les mêmes griefs que ceux exposés dans la CG, ce qui serait le cas en l’espèce.

182    Dans la réplique, en premier lieu, la requérante soutient que, si la Commission avait erronément considéré qu’elle n’avait pas le droit de présenter des études mises à jour en novembre 2012, la Commission aurait dû utiliser exactement la même analyse de la concentration des prix dans la décision attaquée que celle utilisée dans la CG, en lui permettant de contester les erreurs de fond de cette analyse devant le Tribunal, dès lors qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission peut rejeter des arguments soulevés dans la réponse à la CG sur le fondement d’arguments et de motifs non mentionnés dans la CG, mais qu’elle ne peut pas se fonder sur d’autres éléments que ceux exposés dans la CG.

183    En l’espèce, la Commission aurait pu, tout au plus, rejeter les études présentées par la requérante en novembre 2012 sans l’auditionner davantage. Cependant, selon la requérante, la Commission ne pouvait pas renoncer à l’entendre, parce qu’elle avait manipulé les méthodes et les résultats de ces études afin d’utiliser les nouveaux résultats pour s’opposer à la concentration, comme un contrepoids à des éléments qu’elle avait retenus postérieurement à la CG, à savoir les gains d’efficacité et les projets d’expansion de FedEx.

184    En second lieu, la « tardiveté » alléguée par la Commission des mémoires de la requérante serait le résultat de la conduite de la Commission elle-même au cours de la procédure administrative.

185    Dans la duplique, la Commission allègue que, pour que soit retenue une violation des droits de la défense à l’encontre de la requérante, encore faut-il que cette dernière démontre que la Commission s’est fondée sur l’analyse économétrique en cause pour étayer son grief et que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence à ladite analyse. La Commission ajoute que la requérante aurait également dû prouver que ses appréciations dans la décision attaquée en termes d’ESCE auraient été différentes si avait dû être écartée comme moyen de preuve ladite analyse.

186    Or, il ressortirait de la décision attaquée que, sur les marchés danois et néerlandais, une ESCE a été retenue alors même que l’effet net attendu résultant de l’analyse économétrique en cause était négatif, de sorte que les appréciations de la Commission, selon lesquelles une ESCE était probable sur lesdits marchés, n’auraient pas été différentes si avait dû être écartée comme moyen de preuve ladite analyse.

187    À cet égard, il convient pour le Tribunal de relever que, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante conteste non le bien-fondé de l’analyse économétrique en cause, objet du premier moyen pris en sa première branche, mais l’opposabilité du modèle économétrique en cause, retenu par la Commission dans la décision attaquée, dès lors qu’il ne lui aurait pas été soumis avant l’adoption de la décision attaquée, en violation de son droit d’être entendue et, plus largement, de ses droits de la défense.

188    Dans ce contexte, les parties s’opposent sur la question de savoir si le modèle économétrique en cause, retenu par la Commission dans la décision attaquée, diffère du dernier modèle économétrique soumis à la requérante par la Commission durant la procédure administrative et, le cas échéant, dans quelle mesure.

189    Avant d’apprécier le bien-fondé de l’argumentation de la requérante, il convient d’en vérifier la recevabilité, laquelle est contestée par la Commission.

1.     Sur la recevabilité de la première branche du deuxième moyen

190    La Commission conteste la recevabilité de la première branche du deuxième moyen du recours, tirée d’une violation des droits de la défense de la requérante pour ce qui est des effets probables de la concentration sur les prix, en ce que ne seraient pas satisfaites les exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

191    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition ainsi d’ailleurs qu’à ceux de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle, le cas échéant, sans autre information à l’appui.

192    Il faut également rappeler qu’il est notamment nécessaire, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 40).

193    En l’espèce, la requérante fait valoir que la Commission a violé ses droits de la défense en modifiant sensiblement, sans l’entendre à cet égard, le modèle économétrique qu’elle lui avait soumis concernant les effets probables de la concentration sur les prix.

194    Or, force est de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels la requérante fonde la première branche de son deuxième moyen sont immédiatement intelligibles à la lecture de la requête. En effet, si la requérante opère, certes, un renvoi à l’annexe A.6 de la requête pour corroborer les modifications alléguées, l’argumentation sur laquelle elle se fonde pour critiquer le recours à l’analyse économétrique en cause ressort, même sommairement, du texte de la requête elle-même.

195    Au surplus, d’une part, force est également de constater que la Commission a été en mesure, dans son mémoire en défense, de répondre à la première branche du deuxième moyen invoquée par la requérante, renforçant ainsi l’idée que, si la présentation de la première branche du deuxième moyen dans la requête est, certes, peu détaillée, le contenu de ladite branche est clair.

196    D’autre part, le Tribunal, s’il a eu besoin de se référer à l’annexe A.6 pour apprécier les preuves corroborant la première branche du deuxième moyen, n’a pas eu besoin de rechercher et d’identifier dans l’annexe A.6 de la requête les arguments venant au soutien de la première branche du deuxième moyen.

197    Il ressort des considérations qui précèdent que la présente branche du deuxième moyen est recevable au regard des exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

2.     Sur le bien-fondé de la première branche du deuxième moyen

198    En ce qu’il est pris en sa première branche, relative aux effets probables de la concentration sur les prix, le deuxième moyen implique de vérifier si les droits de la défense de la requérante ont été affectés par les conditions dans lesquelles l’analyse économétrique en cause a reposé sur un modèle économétrique différent de celui ayant fait l’objet d’un débat contradictoire durant la procédure administrative.

199    À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le respect des droits de la défense est un principe général du droit de l’Union européenne énoncé dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui doit être garanti dans toutes les procédures, y compris les procédures devant la Commission en matière de concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 247).

200    Il a de même été jugé que le principe du contradictoire, faisant partie des droits de la défense, exige que l’entreprise concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de ses allégations (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C-413/06 P, EU:C:2008:392, point 61 et jurisprudence citée).

201    En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des considérants 721 à 740 de la décision attaquée, la Commission s’est notamment appuyée sur l’analyse économétrique en cause pour identifier le nombre d’États ESCE.

202    À cet égard, la Commission a adopté la version finale de son modèle économétrique le 21 novembre 2012, soit plus de deux mois avant l’adoption de la décision attaquée, le 30 janvier 2013, ainsi qu’il ressort précisément des documents transmis par la Commission en annexe de son mémoire en duplique.

203    Il ressort également des pièces du dossier que la version finale du modèle économétrique n’a fait l’objet d’aucune communication à la requérante, dans la mesure où, selon la Commission, cette dernière était superflue en ce qu’elle résultait de ses nombreux échanges ayant eu lieu pendant la procédure administrative avec la requérante.

204    En effet, la Commission souligne, en substance, que le modèle final, tel qu’il est présenté dans la décision attaquée, ne s’écarte que marginalement des modèles ayant fait l’objet de discussions avec la requérante pendant la procédure administrative.

205    Si de nombreuses similitudes peuvent être, certes, soulignées entre le modèle économétrique final et ceux discutés pendant la procédure administrative, il n’en demeure pas moins que, s’agissant des modifications apportées, ces dernières ne sauraient être pour autant considérées comme négligeables.

206    En effet, il ressort précisément des observations de la Commission et de la requérante formulées à l’issue de l’audience que la Commission s’est appuyée sur deux variables différentes entre, d’une part, le stade de l’estimation statistique des effets de la perte d’un concurrent sur les prix et, d’autre part, le stade de la prévision de l’analyse des effets de l’opération sur les prix.

207    Ainsi, la Commission s’est appuyée sur une variable discrétisée au stade de l’estimation et sur une variable continue au stade de la prévision.

208    Or, si l’utilisation d’une variable discrétisée a fait l’objet de discussions itératives pendant la procédure administrative, il ne ressort pas du dossier que tel serait également le cas de l’application de variables différentes aux différents stades qui composent l’analyse économétrique.

209    Dès lors, la Commission ne saurait alléguer qu’elle n’avait pas l’obligation de communiquer à la requérante le modèle final de l’analyse économétrique avant l’adoption de la décision attaquée.

210    Partant, les droits de la défense de la requérante ont été méconnus, de sorte qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée, pour autant que la requérante ait suffisamment démontré non que, à défaut de cette irrégularité procédurale, la décision attaquée aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu avoir une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, point 57).

211    À cet égard, premièrement, il y a lieu de souligner que la Commission s’est fondée sur l’analyse économétrique pour conclure à l’existence d’États ESCE.

212    En effet, au moment de la CG, la Commission avait, ainsi qu’elle l’a relevé lors de l’audience, conclu provisoirement à l’existence de 29 États ESCE sur la base d’une analyse économétrique démontrant une hausse importante des prix à l’issue de la concentration.

213    Par ailleurs, ainsi que la Commission le reconnaît expressément, les résultats ultérieurs de l’analyse économétrique démontrant une hausse moins importante des prix l’ont conduite également à réduire à quinze le nombre d’États ESCE dans la décision attaquée.

214    Deuxièmement, la requérante a déjà été en mesure, pendant la procédure administrative, d’influer de manière significative sur l’élaboration du modèle économétrique proposé par la Commission, dans la mesure où elle a soulevé des problèmes techniques auxquels elle a apporté des solutions, ainsi que le reconnaît expressément la Commission.

215    Partant, eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que la requérante aurait pu, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, mieux assurer sa défense en disposant, avant l’adoption de cette dernière, de la version finale de l’analyse économétrique arrêtée par la Commission le 21 novembre 2012.

216    Une telle appréciation ne saurait être remise en cause par la circonstance, alléguée par la Commission, selon laquelle ses conclusions se fondent sur un vaste ensemble d’informations, d’une part, quantitatives, au sein desquelles figure l’analyse économétrique, et, d’autre part, qualitatives.

217    En effet, ainsi que cela a été relevé au point 213 du présent arrêt, la Commission reconnaît expressément s’être notamment appuyée sur les nouveaux résultats de l’analyse économétrique pour réduire le nombre d’États ESCE après la CG, de sorte que lesdits résultats ont pu, dans certains États à tout le moins, faire échec aux informations qualitatives prises en compte par la Commission.

218    Dès lors, il y a lieu de considérer que la requérante a été privée d’une information qui, si elle lui avait été transmise en temps utile, aurait pu lui permettre de faire valoir des résultats différents des effets de l’opération sur les prix, lesquels auraient pu entraîner une reconsidération de la portée des informations qualitatives prises en compte par la Commission et, partant, une baisse du nombre d’États ESCE.

219    En second lieu, l’appréciation du respect des droits de la défense dans le cadre du contrôle des concentrations doit, certes, tenir compte de l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement sur les concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 701).

220    Il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, ainsi que le reconnaît la Commission dans ses écrits, l’analyse économétrique était déjà très stable avant la réunion-bilan du 20 novembre 2012, soit plus de deux mois avant le 30 janvier 2013, date de la décision attaquée, de sorte qu’il était loisible à la Commission, à tout le moins, de communiquer à la requérante les éléments essentiels composant le modèle économétrique retenu.

221    Partant, il y a lieu de conclure que la Commission a violé les droits de la défense de la requérante en ne lui communiquant pas la version finale de son modèle économétrique.

222    Par conséquent, il convient d’accueillir le deuxième moyen du recours, pris en sa première branche, et d’annuler dans son intégralité la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres branches du deuxième moyen, ni les autres moyens du recours.

 Sur les dépens

223    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2013) 431 de la Commission, du 30 janvier 2013, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express), est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à payer, outre ses propres dépens, ceux d’United Parcel Service, Inc.

3)      FedEx Corp. supportera ses propres dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mars 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.