Language of document : ECLI:EU:T:2006:201

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 juillet 2006 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban – Gel des fonds – Droits fondamentaux – Jus cogens – Contrôle juridictionnel – Recours en annulation et en indemnité »

Dans l’affaire T‑49/04,

Faraj Hassan, demeurant à Brixton (Royaume-Uni), représenté par MM. E. Grieves, barrister, et H. Miller, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. S. Marquardt et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Enegren et C. Brown, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2049/2003 de la Commission, du 20 novembre 2003, modifiant pour la vingt‑cinquième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 303, p. 20), et, d’autre part, une demande d’indemnité,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       Aux termes de l’article 24, paragraphe 1, de la charte des Nations unies, signée à San Francisco (États-Unis) le 26 juin 1945, les membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) « confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité, le Conseil de sécurité agit en leur nom ».

2       Aux termes de l’article 25 de la charte des Nations unies, « [l]es membres de l’[ONU] conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente charte ».

3       Selon l’article 41 de la charte des Nations unies :

« Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les membres des Nations unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. »

4       En vertu de l’article 48, paragraphe 2, de la charte des Nations unies, les décisions du Conseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales « sont exécutées par les membres des Nations unies directement et grâce à leur action dans les organismes internationaux appropriés dont ils font partie ».

5       Selon l’article 103 de la charte des Nations unies, « [e]n cas de conflit entre les obligations des membres des Nations unies en vertu de la présente charte et leurs obligations en vertu de tout accord international, les premières prévaudront ».

 Antécédents du litige

6       Le 15 octobre 1999, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1267 (1999), par laquelle il a, notamment, condamné le fait que des terroristes continuent d’être accueillis et entraînés et que des actes de terrorisme soient préparés, en territoire afghan, réaffirmé sa conviction que la répression du terrorisme international est essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales et déploré que les Taliban continuent de donner refuge à Usama bin Laden (Oussama ben Laden dans la plupart des versions françaises des documents adoptés par les institutions communautaires) et de lui permettre, ainsi qu’à ses associés, de diriger un réseau de camps d’entraînement de terroristes à partir du territoire tenu par eux et de se servir de l’Afghanistan comme base pour mener des opérations terroristes internationales. Au paragraphe 2 de cette résolution, le Conseil de sécurité a exigé que les Taliban remettent sans plus tarder le nommé Oussama ben Laden aux autorités compétentes. Afin d’assurer le respect de cette obligation, le paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999) dispose que tous les États devront, notamment, « [g]eler les fonds et autres ressources financières, tirés notamment de biens appartenant aux Taliban ou contrôlés directement ou indirectement par eux, ou appartenant à, ou contrôlés par, toute entreprise appartenant aux Taliban ou contrôlée par les Taliban, tels qu’identifiés par le comité créé en application du paragraphe 6 ci-après, et veiller à ce que ni les fonds ou autres ressources financières en question ni tous autres fonds ou ressources financières ainsi identifiés ne soient mis à la disposition ou utilisés au bénéfice des Taliban ou de toute entreprise leur appartenant ou contrôlée directement ou indirectement par les Taliban, que ce soit par leurs nationaux ou par toute autre personne se trouvant sur leur territoire, à moins que le comité n’ait donné une autorisation contraire, au cas par cas, pour des motifs humanitaires ».

7       Au paragraphe 6 de la résolution 1267 (1999), le Conseil de sécurité a décidé de créer, conformément à l’article 28 de son règlement intérieur provisoire, un comité du Conseil de sécurité composé de tous ses membres (ci-après le « comité des sanctions »), chargé notamment de veiller à la mise en œuvre, par les États, des mesures imposées par le paragraphe 4, d’identifier les fonds ou autres ressources financières visés audit paragraphe 4 et d’examiner les demandes de dérogation aux mesures imposées par ce même paragraphe.

8       Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre cette résolution, le Conseil a adopté, le 15 novembre 1999, la position commune 1999/727/PESC, relative aux mesures restrictives à l’encontre des Taliban (JO L 294, p. 1). L’article 2 de cette position commune prescrit le gel des fonds et autres ressources financières détenus à l’étranger par les Taliban, dans les conditions définies dans la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité.

9       Le 14 février 2000, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE et 301 CE, le règlement (CE) n° 337/2000, concernant l’interdiction des vols et le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 43, p. 1).

10     Le 19 décembre 2000, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1333 (2000) exigeant, notamment, que les Taliban se conforment à la résolution 1267 (1999), en particulier en cessant d’offrir refuge et entraînement aux terroristes internationaux et à leurs organisations et en remettant Oussama ben Laden aux autorités compétentes pour qu’il soit traduit en justice. Le Conseil de sécurité a décidé, en particulier, de renforcer l’interdiction des vols et le gel des fonds imposés conformément à la résolution 1267 (1999). C’est ainsi que le paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) dispose que tous les États devront, notamment, « [g]eler sans retard les fonds et autres actifs financiers d’Oussama ben Laden et des individus et entités qui lui sont associés, tels qu’identifiés par le [comité des sanctions], y compris l’organisation Al‑Qaida, et les fonds tirés de biens appartenant à Oussama ben Laden et aux individus et entités qui lui sont associés ou contrôlés directement ou indirectement par eux, et veiller à ce que ni les fonds et autres ressources financières en question, ni tous autres fonds ou ressources financières ne soient mis à la disposition ou utilisés directement ou indirectement au bénéfice d’Oussama ben Laden, de ses associés ou de toute autre entité leur appartenant ou contrôlée directement ou indirectement par eux, y compris l’organisation Al‑Qaida, que ce soit par leurs nationaux ou par toute autre personne se trouvant sur leur territoire ».

11     Dans cette même disposition, le Conseil de sécurité a chargé le comité des sanctions de tenir, sur la base des informations communiquées par les États et les organisations régionales, une liste à jour des individus et entités que ledit comité a identifiés comme associés à Oussama ben Laden, y compris l’organisation Al‑Qaida.

12     Au paragraphe 17 de la résolution 1333 (2000), le Conseil de sécurité a demandé à tous les États membres et à toutes les organisations internationales ou régionales, dont l’ONU et les institutions spécialisées, de se conformer strictement aux dispositions de ladite résolution, nonobstant l’existence de tous droits conférés ou obligations imposées par un accord international.

13     Au paragraphe 23 de la résolution 1333 (2000), le Conseil de sécurité a décidé que les mesures imposées, notamment, au titre du paragraphe 8, seraient appliquées pendant douze mois et qu’à la fin de cette période il déterminerait si elles devaient être prorogées pendant une nouvelle période dans les mêmes conditions.

14     Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre cette résolution, le Conseil a adopté, le 26 février 2001, la position commune 2001/154/PESC, concernant des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre des Taliban et modifiant la position commune 96/746/PESC (JO L 57, p. 1). L’article 4 de cette position commune dispose :

« Les fonds et autres actifs financiers d’Oussama ben Laden et des personnes et entités associées à celui-ci, telles que les a identifiées le [comité des sanctions], seront gelés, et aucuns fonds ou autres ressources financières ne seront mis à la disposition d’Oussama ben Laden, ni des personnes et entités associées à celui-ci, telles que les a identifiées le [comité des sanctions], conformément aux dispositions de la [résolution 1333 (2000)]. »

15     Le 6 mars 2001, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE et 301 CE, le règlement (CE) n° 467/2001, interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan, et abrogeant le règlement n° 337/2000 (JO L 67, p. 1). Ce règlement met en œuvre, dans la Communauté, les mesures prévues par la résolution 1333 (2000) du Conseil de sécurité et par la position commune 2001/154/PESC.

16     Le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe les mesures à imposer à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al‑Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés. Cette résolution prévoit en substance, en ses paragraphes 1 et 2, le maintien des mesures, notamment le gel des fonds, imposées par le paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999) et par le paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000). Conformément au paragraphe 3 de la résolution 1390 (2002), ces mesures seront réexaminées par le Conseil de sécurité douze mois après leur adoption, délai au terme duquel soit il les maintiendra, soit il décidera de les améliorer.

17     Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre cette résolution, le Conseil a adopté, le 27 mai 2002, la position commune 2002/402/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al‑Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746, 1999/727, 2001/154 et 2001/771/PESC (JO L 139, p. 4). L’article 3 de cette position commune prescrit, notamment, la poursuite du gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes, entreprises et entités visés dans la liste établie par le comité des sanctions conformément aux résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000).

18     Le 27 mai 2002, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, le règlement (CE) n° 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement n° 467/2001 (JO L 139, p. 9).

19     L’article 1er du règlement n° 881/2002 définit ce qu’il y a lieu d’entendre par « fonds », par « gel des fonds », par « ressources économiques » et par « gel de ressources économiques ».

20     Aux termes de l’article 2 du règlement n° 881/2002 :

« 1.      Tous les fonds et ressources économiques appartenant à, en possession de ou détenus par une personne physique ou morale, un groupe ou une entité désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I sont gelés.

2.      [Aucuns] fonds ne [doivent] être mis, directement ou indirectement, à la disposition [ou] utilisé[s] au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I.

3.      Aucune ressource économique ne doit […] être mise, directement ou indirectement, à la disposition [ou] utilisée au bénéfice des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités désignés par le comité des sanctions et énumérés à l’annexe I, de manière à leur permettre d’obtenir des fonds, des biens ou des services. »

21     L’annexe I du règlement n° 881/2002 contient la liste des personnes, entités et groupes visés par le gel des fonds imposé par l’article 2 (ci-après la « liste litigieuse »).

22     L’annexe II du règlement n° 881/2002 contient la liste des autorités nationales compétentes aux fins de la mise en œuvre de ce règlement.

23     Aux termes de l’article 7 du règlement n° 881/2002 :

« 1. La Commission est habilitée :

–       à modifier ou à compléter l’annexe I sur la base de recensements effectués soit par le Conseil de sécurité des Nations unies, soit par le comité des sanctions, et

–       à modifier l’annexe II sur la base d’informations fournies par les États membres.

2. Sans préjudice des droits et obligations des États membres au titre de la charte des Nations unies, la Commission entretient avec le comité des sanctions tous les contacts nécessaires à la bonne mise en œuvre du présent règlement. »

24     Depuis lors, la liste litigieuse a été modifiée ou complétée à de nombreuses reprises par des règlements de la Commission adoptés sur la base des recensements effectués par le comité des sanctions.

25     Le 20 décembre 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1452 (2002), destinée à faciliter le respect des obligations en matière de lutte antiterroriste. Le paragraphe 1 de cette résolution prévoit un certain nombre d’exceptions au gel des fonds et des ressources économiques imposé par les résolutions 1267 (1999), 1333 (2000) et 1390 (2002), qui pourront être accordées pour des motifs humanitaires par les États, sous réserve de l’approbation du comité des sanctions.

26     Le 17 janvier 2003, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1455 (2003), qui vise à améliorer la mise en œuvre des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002). Conformément au paragraphe 2 de la résolution 1455 (2003), ces mesures seront de nouveau améliorées dans douze mois ou plus tôt s’il y a lieu.

27     Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1452 (2002) du Conseil de sécurité, le Conseil a adopté, le 27 février 2003, la position commune 2003/140/PESC, concernant des exceptions aux mesures restrictives imposées par la position commune 2002/402 (JO L 53, p. 62). L’article 1er de cette position commune prévoit que, lorsqu’elle mettra en œuvre les mesures visées à l’article 3 de la position commune 2002/402, la Communauté européenne tiendra compte des exceptions autorisées par la résolution 1452 (2002) du Conseil de sécurité.

28     Le 27 mars 2003, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 561/2003, modifiant, en ce qui concerne les exceptions au gel des fonds et des ressources économiques, le règlement n° 881/2002 (JO L 82, p. 1). Au considérant 4 de ce règlement, le Conseil indique que, compte tenu de la résolution 1452 (2002), il est nécessaire d’ajuster les mesures imposées par la Communauté.

29     Aux termes de l’article 1er du règlement n° 561/2003 :

« L’article suivant est inséré dans le règlement […] n° 881/2002 :

‘Article 2 bis

1.      L’article 2 ne s’applique pas aux fonds ou aux ressources économiques lorsque :

a)      l’une quelconque des autorités compétentes des États membres, recensées dans l’annexe II, a établi, à la demande d’une personne physique ou morale intéressée, que ces fonds ou ces ressources économiques sont :

i)      nécessaires à des dépenses de base, y compris celles qui sont consacrées à des vivres, des loyers ou des remboursements de prêts hypothécaires, des médicaments et des frais médicaux, des impôts, des primes d’assurance et des services collectifs ;

ii)      destinés exclusivement au paiement d’honoraires professionnels raisonnables et au remboursement de dépenses correspondant à des services juridiques ;

iii)      destinés exclusivement au paiement de charges ou frais correspondant à la garde ou à la gestion de fonds ou ressources économiques gelés, ou

iv)      nécessaires pour des dépenses extraordinaires, et

b)      cela a été notifié au comité des sanctions, et

c)      i)     dans le cas de l’utilisation des fonds établie en vertu des points a) i), ii) et iii), le comité des sanctions n’a pas émis, dans les quarante-huit heures suivant la notification, d’objection à cette utilisation, ou

ii)      dans le cas de l’utilisation des fonds établie en vertu du point a) iv), le comité des sanctions a approuvé cette utilisation.

2.      Toute personne souhaitant bénéficier des dispositions visées au paragraphe 1 adresse sa demande à l’autorité compétente pertinente de l’État membre recensée dans l’annexe II.

L’autorité compétente indiquée à l’annexe II est tenue de notifier, par écrit, à la personne qui a présenté la demande ainsi qu’à tout(e) autre personne, entité ou organisme reconnu(e) comme étant directement concerné(e) si la demande a été accordée.

L’autorité compétente informe également les autres États membres de l’octroi ou non de la dérogation demandée.

3.      Les fonds libérés et transférés au sein de la Communauté afin de faire face à des dépenses ou ayant été admis au titre du présent article ne sont pas soumis à d’autres mesures restrictives en application de l’article 2.

[…]’ »

30     Le 12 novembre 2003, le comité des sanctions a adopté un addendum à sa liste consolidée des entités et personnes devant être soumises au gel des fonds en vertu des résolutions 1267 (1999), 1333 (2000) et 1390 (2002) (voir communiqué de presse SC/7920 dudit comité du 14 novembre 2003). Cet addendum comprend, notamment, le nom du requérant, identifié comme étant une personne associée à l’organisation Al-Qaida sous la mention suivante :

« 29. *Name : 1 : FARAJ 2 : FARJ 3 : HASSAN 4 : AL SAADI

Title : na Designation : na DOB : 28.11.1980 POB : Líbia Good quality a.k.a. : a) Mohamed Abdulla Imad, POB : Gaza, DOB : 28.11.1980 b) Muhamad Abdullah Imad, POB : Giordania, DOB : 28.11.1980 c) Imad Mouhamed Abdellah, POB : Palestine, DOB : 28.11.1980, Domicili : Viale Bligny 42, Milan, Italy Low quality a.k.a. : Hamza ‘the Libyan’ Nationality : na Passport no. : na National identification no. : na Address : na Listed on : 12 Nov. 2003 Other information : na. »

31     Le 20 novembre 2003, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 2049/2003, modifiant pour la vingt-cinquième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 303, p. 20). Aux termes de l’article 1er et du point 2, sous a), de l’annexe de ce règlement, l’annexe I du règlement n° 881/2002 est modifiée en ce sens que la mention suivante est ajoutée sous la rubrique « Personnes morales, groupes et entités » :

« Faraj Farj Hassan AL SAADI, Viale Bligny 42, Milan, Italie. Lieu de naissance : Libye. Date de naissance : 28 novembre 1980. [alias a) MOHAMED ABDULLA IMAD. Lieu de naissance : Gaza. Date de naissance : 28 novembre 1980 ; b) MUHAMAD ABDULLAH IMAD. Lieu de naissance : Jordanie. Date de naissance : 28 novembre 1980 ; c) IMAD MOUHAMED ABDELLAH. Lieu de naissance : Palestine. Date de naissance : 28 novembre 1980 ; d) HAMZA ‘le LIBYEN’]. »

32     Le 30 janvier 2004, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1526 (2004) qui vise, d’une part, à améliorer la mise en œuvre des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002), et, d’autre part, à renforcer le mandat du comité des sanctions. Conformément au paragraphe 3 de la résolution 1526 (2004), ces mesures devaient encore être améliorées dans les 18 mois suivant l’adoption, ou avant si cela était nécessaire.

33     Aux termes du paragraphe 18 de la résolution 1526 (2004), le Conseil de sécurité « encourage vigoureusement tous les États à informer, dans la mesure du possible, les personnes et entités inscrites sur la liste du [comité des sanctions] des mesures prises à leur encontre, des directives du [comité des sanctions] et de la résolution 1452 (2002) ».

34     Le 29 juillet 2005, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1617 (2005). Celle-ci prévoit, notamment, le maintien des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002). Conformément au paragraphe 21 de la résolution 1617 (2005), ces mesures seront réexaminées dans 17 mois ou avant, si besoin est, en vue de les renforcer éventuellement.

 Procédure

35     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2004, le requérant a introduit le présent recours, dirigé contre le Conseil et la Commission.

36     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

37     Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 octobre 2005, le requérant a demandé au Tribunal de l’admettre au bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite, au titre de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal, dans sa version alors en vigueur.

38     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 25 octobre 2005.

39     Par mesure d’organisation de la procédure du président de la deuxième chambre du Tribunal du 24 janvier 2006, le requérant a été invité à produire, dans un délai à fixer par le greffe, la notification d’une autorité compétente visée à l’article 2 bis, paragraphe 2, du règlement n° 881/2002, établissant qu’il a introduit une demande de dérogation à l’article 2 de ce règlement, en vue d’obtenir le bénéfice de l’aide judiciaire dans le cadre de la présente procédure, pour un montant devant être inférieur à 10 000 euros, et que cette demande de dérogation a été accordée dans le respect de ces mêmes dispositions.

40     Sous couvert d’une lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 7 mars 2006, le requérant a produit la notification en question, sous la forme d’une « Licence » délivrée le 21 février 2006 par la Financial Sanctions Unit de la Bank of England.

41     Par ordonnance du 3 avril 2006, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis le requérant au bénéfice de l’aide judiciaire, a désigné ses actuels avocats pour le représenter et a autorisé le versement d’un montant de 4 000 euros en leur faveur.

 Conclusions des parties

42     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       à titre principal, annuler en tout ou en partie le règlement n° 881/2002 tel qu’amendé par le règlement n° 2049/2003, ou ce seul dernier règlement ;

–       à titre subsidiaire, déclarer inapplicables au requérant les règlements nos 881/2002 et 2049/2003 ;

–       ordonner toute autre mesure qui lui paraîtra appropriée ;

–       condamner le Conseil aux dépens ;

–       condamner le Conseil à payer des dommages et intérêts.

43     Lors de l’audience, le requérant a précisé que son recours n’était dirigé contre les règlements nos 881/2002 et 2049/2003 que pour autant que ceux-ci le concernent directement et individuellement, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès‑verbal de l’audience.

44     Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       à titre principal, rejeter les demandes en annulation et en déclaration d’inapplicabilité des règlements nos 881/2002 et 2049/2003 comme irrecevables en tant qu’elles sont dirigées contre le Conseil ;

–       à titre subsidiaire, rejeter lesdites demandes en annulation et en déclaration d’inapplicabilité comme non fondées ;

–       rejeter la demande en indemnité comme irrecevable ou comme non fondée ;

–       condamner le requérant aux dépens.

45     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter la demande en indemnité comme irrecevable ;

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens.

 En fait

46     Le requérant se déclare de nationalité libyenne, marié et père d’un enfant qui résiderait actuellement avec sa mère au Pakistan. Il expose qu’il est détenu à la prison de Brixton (Royaume-Uni), dans l’attente de l’issue d’une procédure d’extradition engagée à la demande des autorités italiennes. Celles-ci l’accuseraient d’être lié à la mise en place et à la direction d’une organisation terroriste et d’un réseau de faux papiers. Le requérant conteste formellement les accusations de terrorisme et affirme avoir introduit une demande d’asile au Royaume‑Uni.

 Sur la demande en annulation

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

47     Le Conseil soutient, en premier lieu, que la demande principale en annulation du règlement n° 881/2002 est irrecevable, car introduite hors délai, ce règlement ayant été publié le 29 mai 2002.

48     Le Conseil soutient, en deuxième lieu, que la demande principale en annulation du règlement n° 2049/2003 est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre lui, dès lors que c’est la Commission, et non le Conseil, qui est l’auteur de cet acte.

49     Le Conseil soutient, en troisième lieu, que la demande subsidiaire en déclaration d’inapplicabilité du règlement n° 881/2002 est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre lui. Il invoque, en ce sens, la jurisprudence selon laquelle la possibilité que donne l’article 241 CE d’invoquer l’inapplicabilité d’un règlement ne constitue pas un droit d’action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente (arrêt de la Cour du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, Rec. p. 2141, point 17 ; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, CSF et CSME/Commission, T‑154/94, Rec. p. II‑1377, point 16). Ladite demande subsidiaire ne serait donc recevable qu’à l’égard de la Commission, en tant qu’accessoire de la demande en annulation du règlement n° 2049/2003.

50     Le Conseil soutient, en quatrième lieu, que la demande subsidiaire en déclaration d’inapplicabilité du règlement n° 2049/2003 est irrecevable, puisque le requérant a valablement introduit une demande en annulation de ce règlement dans le délai légal.

51     Le requérant répond, en premier lieu, que la demande principale en annulation du règlement n° 881/2002 est recevable dès lors qu’elle a été formée, conformément à l’article 230, cinquième alinéa, CE, dans un délai de deux mois à compter du jour où il en a eu connaissance. En effet, il n’aurait eu connaissance de ce règlement que lorsque a été publié le règlement n° 2049/2003, dans lequel son nom figure. Le requérant estime, dès lors, que le délai de recours n’a commencé à courir qu’à compter du jour où ce dernier règlement a été publié. Le requérant ajoute qu’il n’aurait d’ailleurs pas été recevable à agir en annulation du règlement n° 881/2002 avant la promulgation du règlement n° 2049/2003.

52     Le requérant répond, en deuxième lieu, que la demande principale en annulation du règlement n° 2049/2003 est recevable en tant qu’elle est dirigée contre le Conseil, au motif que l’adoption du règlement n° 2049/2003 n’a été rendue possible que dans le cadre mis en place par le règlement n° 881/2002. Il serait essentiel que le Tribunal puisse contrôler la légalité du règlement n° 881/2002, car, selon le requérant, c’est ce règlement qui abroge les droits normalement conférés par le droit communautaire. Cette question serait distincte de celle qui a trait à la légalité des actes pris par la Commission au titre de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 881/2002.

 Appréciation du Tribunal

53     S’agissant des deux premiers points de recevabilité soulevés par le Conseil à l’égard de la demande principale en annulation du règlement n° 881/2002 tel qu’amendé par le règlement n° 2049/2003 ou de ce seul dernier règlement (voir points 47 et 47 ci-dessus), il convient d’observer que, à l’origine, le règlement n° 881/2002 du Conseil, adopté le 27 mai 2002, ne concernait pas le requérant, dont le nom n’était pas repris dans la liste de l’annexe I. Celui-ci n’aurait donc pas été recevable à demander l’annulation de ce règlement au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Toutefois, le règlement n° 2049/2003 de la Commission a modifié ladite liste, précisément pour y ajouter (notamment) le nom du requérant, à la suite d’une mise à jour de la liste du comité des sanctions (voir points 30 et 31 ci-dessus). C’est ainsi que, en l’espèce, à compter de la date d’entrée en vigueur du règlement n° 2049/2003, le règlement n° 881/2002, tel que modifié par cet acte, doit être considéré comme visant nommément le requérant.

54     À cet égard, il convient de tenir compte du rôle particulier assigné à la Commission par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 881/2002, disposition qui habilite cette dernière institution à modifier ou à compléter la liste de l’annexe I de ce règlement, sur la base des recensements effectués par le comité des sanctions (voir point 23 ci-dessus). Les règlements par lesquels la Commission modifie ou complète ladite liste diffèrent ainsi des règlements d’exécution communément adoptés par cette institution au titre de l’article 211, quatrième tiret, CE, aux termes duquel la Commission, en vue d’assurer le fonctionnement et le développement du marché commun, exerce les compétences que le Conseil lui confère pour l’exécution des règles qu’il établit. En effet, tout en constituant des mesures d’exécution du règlement n° 881/2002, lesdits règlements de la Commission modifient directement un élément du dispositif même dudit règlement.

55     Dans ces conditions, le Tribunal considère que le requérant est indifféremment recevable à demander l’annulation soit du seul règlement n° 2049/2003, soit du règlement n° 881/2002 tel que modifié par le règlement n° 2049/2003, pour autant que ces actes le concernent directement et individuellement.

56     Il s’ensuit également que la demande en annulation du règlement n° 881/2002 ne saurait être considérée comme tardive puisqu’elle n’est pas dirigée contre le règlement n° 881/2002 dans sa version d’origine, mais contre la version de ce règlement issue du règlement n° 2049/2003. Dans cette mesure, le premier chef d’irrecevabilité soulevé par le Conseil doit donc être rejeté.

57     Quant à la question de savoir contre quelle(s) institution(s) la présente demande en annulation doit être formellement dirigée, il y a lieu de relever, d’une part, que, la Commission étant l’auteur du règlement n° 2049/2003, la demande en annulation de ce règlement peut à l’évidence être dirigée contre cette institution.

58     D’autre part, en raison du rôle particulier assigné à la Commission par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 881/2002, et compte tenu des éléments relevés au point 54 ci-dessus, la demande en annulation de ce règlement, tel que modifié par le règlement n° 2049/2003, peut également être valablement dirigée contre le Conseil, en tant qu’auteur dudit règlement n° 881/2002 ainsi modifié.

59     Au demeurant, cette solution est conforme au principe selon lequel les actes pris sur la base d’une délégation de compétences sont normalement imputés à l’institution délégante, de sorte que le recours contre l’acte de l’organe délégataire est recevable en tant que dirigé contre l’institution délégante (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune de la CECA, 7/56 et 3/57 à 7/57, Rec. p. 81, 113, et du 17 juillet 1959, Snupat/Haute Autorité, 32/58 et 33/58, Rec. p. 275, 298 ; arrêt du Tribunal du 19 février 1998, DIR International Film e.a./Commission, T‑369/94 et T‑85/95, Rec. p. II‑357, points 52 et 53). En l’espèce, la Commission exerçant une compétence conférée au Conseil par les articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, sur la base d’une délégation expresse de pouvoirs qui lui a été consentie à cette fin, le recours contre les actes qu’elle prend au titre de cette compétence peut être dirigé contre le Conseil.

60     Il convient donc de rejeter le deuxième chef d’irrecevabilité soulevé par le Conseil.

61     S’agissant des troisième et quatrième chefs d’irrecevabilité soulevés par le Conseil à l’égard des demandes subsidiaires en déclaration d’inapplicabilité des règlements nos 881/2002 et 2049/2003 (voir points 49 et 50 ci-dessus), ils sont à rejeter compte tenu de la réponse apportée aux deux premiers points.

 Sur le fond

62     Au soutien de ses conclusions visant à l’annulation des règlements nos 881/2002 et 2049/2003 (ci-après les « règlements attaqués »), le requérant invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de ses droits fondamentaux et du principe général de proportionnalité. Ses griefs concernent plus particulièrement, d’une part, la violation alléguée du droit à la propriété et au respect de la vie privée et familiale et, d’autre part, la violation alléguée du droit d’être entendu et du droit à un procès équitable. Le requérant excipe, en outre, de l’illégalité du règlement n° 881/2002, pour violation des mêmes droits et principe.

63     Il convient d’examiner ensemble les arguments tirés de la violation des droits fondamentaux et du principe de proportionnalité. En effet, la vérification d’une violation éventuelle des droits fondamentaux du requérant par les règlements attaqués comprend nécessairement une évaluation du respect du principe de proportionnalité par ces actes au regard de l’objectif qu’ils poursuivent (conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour du 30 mai 2006, Parlement/Conseil, C‑317/04, non encore publiées au Recueil, point 107).

 Arguments des parties

–       Sur la violation alléguée des droits fondamentaux en général

64     Le requérant rappelle que, aux termes de l’article 6, paragraphe 2, UE, l’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »), et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. Selon lui, les règlements attaqués violent lesdits droits fondamentaux et principes généraux.

65     À cet égard, le requérant conteste que le Conseil et la Commission aient été tenus d’adopter les règlements attaqués sans pouvoir tenir compte des droits fondamentaux et principes généraux en question. En tant qu’institutions de l’Union, le Conseil et la Commission seraient d’abord et essentiellement liés par le droit communautaire. En l’espèce, le recours serait dirigé contre des actes adoptés au mépris de ce droit. La circonstance que le Conseil aurait décidé de se lier au système de sanctions instauré par le Conseil de sécurité serait sans pertinence à cet égard, dès lors que, selon le requérant, cette décision est elle‑même viciée à la base.

66     Le requérant fait plus spécifiquement valoir que la Communauté n’est pas membre des Nations unies et qu’elle n’est donc pas soumise aux obligations qui incombent, en cette qualité, aux États membres de l’ONU. En particulier, la Communauté ne serait pas liée par le principe suivant lequel les obligations des membres de l’ONU au titre de la charte des Nations unies ont la primauté sur toutes leurs autres obligations internationales. Il serait donc erroné de soutenir que les résolutions en cause du Conseil de sécurité ont la primauté sur le droit communautaire.

67     Le requérant soutient également que, sous peine d’une violation du droit à un contrôle juridictionnel effectif, le Tribunal peut et doit exercer un entier contrôle de la légalité des règlements attaqués, au vu de l’ensemble des moyens du recours.

68     Le Conseil et la Commission contestent les arguments du requérant en se référant aux arrêts du Tribunal du 21 septembre 2005, Yusuf et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (T‑306/01, non encore publié au Recueil, actuellement sous pourvoi, ci-après l’« arrêt Yusuf ») et Kadi/Conseil et Commission (T‑315/01, non encore publié au Recueil, actuellement sous pourvoi, ci-après l’« arrêt Kadi »).

–       Sur le grief plus particulièrement tiré de la violation du droit à la propriété et du droit au respect de la vie privée et familiale

69     Le requérant fait valoir que les règlements attaqués ont pour effet, d’une part, de l’empêcher de jouir paisiblement de ses biens et de le priver de toute réelle liberté économique, en violation de l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH. Cette mesure, plus grave que certaines sanctions pénales, aurait également un effet préjudiciable à l’égard des personnes dont il a la charge.

70     D’autre part, le gel de l’ensemble de ses fonds aurait pour effet d’anéantir sa vie privée et familiale, en violation de l’article 8 de la CEDH. De surcroît, le requérant aurait été désigné comme un terroriste et sa réputation ternie au niveau international.

71     Le requérant soutient plus particulièrement que cette mesure est disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, car elle serait fondée uniquement sur son inclusion dans la liste établie par le comité des sanctions, sans mise en balance circonstanciée des intérêts publics et privés en jeu.

72     Lors de l’audience, le requérant a insisté sur les effets particulièrement drastiques qu’entraînerait, pour lui et sa famille, le gel de l’ensemble de ses fonds et ressources économiques. Selon lui, cette mesure le priverait pratiquement de tout moyen de subsistance.

73     Le Conseil et la Commission contestent les arguments du requérant en se référant aux arrêts Yusuf et Kadi.

–       Sur le grief plus particulièrement tiré de la violation du droit d’être entendu

74     Le requérant fait valoir que les règlements attaqués ont été adoptés en violation de son droit d’être entendu, tel qu’il est garanti par l’article 6 de la CEDH. Il fait plus particulièrement grief aux parties défenderesses de ne pas lui avoir donné la possibilité de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus contre lui, que ce soit avant ou après l’adoption des règlements attaqués (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al‑Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 17).

75     Le requérant souligne que le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement a été reconnu comme un droit fondamental (arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec. p. 3137) et que le respect des droits de la défense doit être assuré dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief (arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C‑135/92, Rec. p. I‑2885, point 39 ; voir, également, arrêts de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15, et du 13 février 1979, Hoffmann‑La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 9).

76     En l’espèce, le règlement n° 881/2002 ne prévoirait aucune procédure de consultation de la personne concernée, que ce soit avant ou après le gel de ses fonds. Il serait donc impossible à l’intéressé d’empêcher cette mesure ou d’obtenir ultérieurement sa radiation de la liste litigieuse en contestant sa légalité ou sa pertinence devant les institutions communautaires.

77     Une audition préalable du requérant aurait été d’autant plus impérative en l’espèce que les droits en cause sont fondamentaux, que l’atteinte à ces droits est sévère et prévue pour une durée indéterminée et qu’il n’existe pas de procédure équitable permettant à l’intéressé d’obtenir sa radiation de la liste du comité des sanctions (voir, à cet égard, points 82, 83 et 89 ci-après).

78     Le requérant invoque, au soutien de son argumentation, deux décisions de la US Court of Appeals for the District of Columbia (cour d’appel des États-Unis pour le district de Columbia), datées des 6 et 8 juin 2001, statuant sur la légalité de la proscription, ordonnée par le secrétaire d’État américain, de deux organisations iraniennes accusées d’être des « organisations terroristes étrangères » au sens de l’Anti-Terrorism and Effective Death Penalty Act 1996 (loi de 1996 contre le terrorisme et pour l’efficacité de la peine de mort). Dans ces deux décisions, la cour d’appel fédérale américaine aurait notamment considéré que la proscription sans audition préalable des intéressés violait les règles constitutionnelles de « due process » (traitement équitable), à moins que le secrétaire d’État ne démontre qu’une telle audition menacerait la sécurité des États-Unis ou compromettrait d’autres objectifs de politique étrangère. Ces deux affaires démontreraient que les exigences de procédure ne doivent pas nécessairement être abrogées dans des circonstances telles que celles de l’espèce, et qu’il n’est pas évident que les effets recherchés par les règlements attaqués seraient mis en péril si les intéressés étaient entendus préalablement. À aucun moment, en l’espèce, les parties défenderesses n’auraient fait valoir, et moins encore démontré, qu’une audition préalable du requérant aurait été incompatible avec la sécurité de l’Union européenne ou avec toute autre situation d’urgence liée à celle-ci.

79     Le requérant fait encore valoir que son inscription sur la liste litigieuse, sans audition préalable, est illégale en ce qu’elle procède d’une renonciation à tout pouvoir d’appréciation autonome, la liste du comité des sanctions ayant été purement et simplement « importée » sans aucun examen critique par les institutions communautaires et sans que celles-ci aient eu la possibilité de participer à son élaboration. Dans ce contexte, le requérant rappelle son argumentation selon laquelle la Communauté n’était pas tenue d’adopter la liste du comité des sanctions sans se soumettre aux principes fondamentaux du droit communautaire, dès lors qu’elle n’est pas membre des Nations unies.

80     La mesure en cause serait de surcroît disproportionnée par rapport à l’objectif légitime de restreindre l’assise économique du réseau Al-Qaida. Le requérant souligne qu’il est détenu au Royaume-Uni depuis le 16 mai 2002, de sorte que le risque qu’il ait pu effectuer des opérations financières après avoir été averti de son inscription imminente sur la liste litigieuse était substantiellement réduit. En tout état de cause, les parties défenderesses auraient pu, selon lui, prendre des mesures en vue de limiter sa liberté économique durant la procédure de consultation et d’audition préalable, au lieu d’ordonner le gel immédiat de ses fonds. En procédant de la sorte, elles auraient contribué à l’objectif poursuivi par le comité des sanctions tout en faisant bénéficier le requérant de garanties préliminaires.

81     À supposer même qu’une audition préalable du requérant n’ait pas été appropriée en l’espèce, celui-ci soutient qu’il aurait dû, à tout le moins, bénéficier du droit d’être entendu par la suite, en vue d’obtenir sa radiation de la liste litigieuse. À cet égard, le requérant estime que le Conseil pourrait lui donner la possibilité d’être entendu de manière équitable à propos du bien-fondé de son maintien sur la liste litigieuse, tout en respectant l’esprit de la résolution 1267 (1999) et des autres résolutions qui l’ont suivie. Au cours d’une telle audition, le requérant ne constituerait plus une menace au sens des résolutions en cause puisqu’il serait déjà soumis à des mesures restrictives. Le Conseil serait ainsi en mesure de garantir que la décision correcte sera prise à son égard. Si une telle décision devait entraîner sa radiation de la liste litigieuse, le requérant estime éminemment peu probable que le comité des sanctions soulève des objections, que son action soit compromise ou que la poursuite de ses objectifs soit entravée.

82     Quant à la procédure de radiation de la liste du comité des sanctions prévue par la résolution 1267 (1999) et mise en œuvre par les directives régissant la conduite des travaux de ce comité (voir point 109 ci-après), le requérant considère qu’elle est absolument inefficace et qu’elle enfreint grossièrement le droit d’être entendu de manière équitable.

83     À cet égard, le requérant souligne : i) que l’intéressé n’a pas d’accès direct au comité des sanctions, mais qu’il doit s’adresser à ce comité par l’intermédiaire de l’État membre de sa nationalité ou de sa résidence, lequel consulte alors l’État qui a proposé son inscription sur la liste ; ii) que l’intéressé ne connaît ni les éléments sur la base desquels son nom a été inscrit sur la liste du comité des sanctions, ni l’identité de l’État qui a demandé cette inscription ; iii) que la procédure de radiation ne prévoit aucune règle de compétence ou de procédure concernant les délais ou les modalités d’accès au dossier, et iv) que cette procédure ne prévoit pas davantage de recours au fond devant une juridiction indépendante et impartiale contre la décision de l’État concerné refusant de saisir le comité des sanctions d’une demande de radiation ou contre la décision de ce comité rejetant une telle demande.

84     Dans sa réplique, le requérant ajoute qu’il est à la fois indéfendable et irréaliste de prétendre qu’il devrait approcher le gouvernement du Royaume-Uni ou le gouvernement libyen en vue d’obtenir leur soutien dans le cadre d’une procédure de radiation devant le comité des sanctions. D’une part, le Royaume-Uni manquerait d’objectivité en raison de la procédure d’extradition en cours à l’encontre du requérant. D’autre part, celui-ci aurait tout lieu de craindre des poursuites de la part de la Libye, en tant que suspect dans des affaires de terrorisme.

85     Le Conseil et la Commission contestent les arguments du requérant en se référant aux arrêts Yusuf et Kadi.

86     Quant aux deux décisions de la US Court of Appeals for the District of Columbia invoquées par le requérant (point 78 ci-dessus), la Commission estime qu’elles n’ont aucun rapport avec la présente espèce, dès lors que ces décisions portent sur des mesures adoptées par les seuls États-Unis et non sur des mesures transposant des résolutions du Conseil de sécurité.

–       Sur le grief plus particulièrement tiré de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif

87     Le requérant fait valoir que les règlements attaqués ont été adoptés en violation de son droit à un recours juridictionnel effectif, tel qu’il est garanti par l’article 13 de la CEDH (voir, à cet égard, arrêt de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651). Il soutient qu’il ne bénéficie pas d’un tel recours, en particulier dans le cadre de la présente procédure, lui permettant de contester les allégations factuelles ou d’obtenir des informations au sujet des éléments de fait sur lesquels le comité des sanctions et les parties défenderesses se sont fondés.

88     Sur le fond, le requérant conteste formellement toute implication ou relation avec Oussama ben Laden, Al‑Qaida, les Taliban ou quelque forme de terrorisme que ce soit. Il soutient qu’il aurait été en mesure de le démontrer par toutes voies de droit si un mécanisme équitable avait été mis à sa disposition à cette fin. Le requérant présume que ce sont les poursuites engagées contre lui en Italie, du chef de prétendus actes illicites liés à des « objectifs terroristes », commis à Milan de décembre 2001 à septembre 2002, qui se trouvent à la base de son inscription sur la liste du comité des sanctions. À cet égard, le requérant relève que l’un de ses coïnculpés a été acquitté de toutes les accusations de terrorisme portées contre lui, pour absence de preuves, par décision du juge d’instruction de Milan du 16 septembre 2003. Selon le requérant, il y a tout lieu de croire que les charges retenues contre lui connaîtront le même sort. En tout état de cause, elles ne comporteraient aucun lien avec Oussama ben Laden, Al‑Qaida ou les Taliban.

89     Lors de l’audience, le requérant a plus particulièrement soutenu que les conclusions auxquelles était parvenu le Tribunal, dans les arrêts Yusuf (en particulier points 344 et 345) et Kadi (en particulier points 289 et 290), n’étaient pas transposables au cas d’espèce. Selon lui, il n’existe pas de mécanisme effectif de réexamen des mesures individuelles de gel des fonds décidées par le Conseil de sécurité. À cet égard, le requérant a fait valoir que la procédure de radiation mise en œuvre par le comité des sanctions était essentiellement politique et qu’elle ne garantissait donc aucune protection juridictionnelle effective, surtout si, comme ce serait le cas en l’espèce, l’intéressé se trouve en butte à l’hostilité du gouvernement du pays de sa résidence ou de sa nationalité.

90     Le Conseil et la Commission contestent les arguments du requérant en se référant aux arrêts Yusuf et Kadi.

 Appréciation du Tribunal

91     Sous réserve du point de droit spécifique relatif à la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, qui sera examiné aux points 126 et 127 ci-après, le Tribunal s’est déjà prononcé, dans les arrêts Yusuf (points 226 à 346) et Kadi (points 176 à 291), sur tous les points de droit que soulèvent les parties dans le cadre du moyen unique invoqué au soutien du présent recours.

92     À cette occasion, le Tribunal a notamment constaté ce qui suit :

–       du point de vue du droit international, les obligations des États membres de l’ONU au titre de la charte des Nations unies l’emportent sur toute autre obligation de droit interne ou de droit international conventionnel, y compris, pour ceux d’entre eux qui sont membres du Conseil de l’Europe, sur leurs obligations au titre de la CEDH et, pour ceux d’entre eux qui sont également membres de la Communauté, sur leurs obligations au titre du traité CE (arrêts Yusuf, point 231, et Kadi, point 181) ;

–       cette primauté s’étend aux décisions contenues dans une résolution du Conseil de sécurité, conformément à l’article 25 de la charte des Nations unies (arrêts Yusuf, point 234, et Kadi, point 184) ;

–       bien qu’elle ne soit pas membre des Nations unies, la Communauté doit être considérée comme liée par les obligations résultant de la charte des Nations unies, de la même façon que le sont ses États membres, en vertu même du traité l’instituant (arrêts Yusuf, point 243, et Kadi, point 193) ;

–       d’une part, la Communauté ne peut violer les obligations incombant à ses États membres en vertu de la charte des Nations unies ni entraver leur exécution et, d’autre part, elle est tenue, en vertu même du traité par lequel elle a été instituée, d’adopter, dans l’exercice de ses compétences, toutes les dispositions nécessaires pour permettre à ses États membres de se conformer à ces obligations (arrêts Yusuf, point 254, et Kadi, point 204) ;

–       en conséquence, les arguments invoqués à l’encontre des règlements attaqués et fondés, d’une part, sur l’autonomie de l’ordre juridique communautaire par rapport à l’ordre juridique issu des Nations unies et, d’autre part, sur la nécessité d’une transposition des résolutions du Conseil de sécurité dans le droit interne des États membres, conformément aux dispositions constitutionnelles et aux principes fondamentaux de ce droit, doivent être écartés (arrêts Yusuf, point 258, et Kadi, point 208) ;

–       le règlement n° 881/2002, adopté au vu de la position commune 2002/402, constitue la mise en œuvre, au niveau de la Communauté, de l’obligation qui pèse sur ses États membres, en tant que membres de l’ONU, de donner effet, le cas échéant par le moyen d’un acte communautaire, aux sanctions à l’encontre d’Oussama ben Laden, du réseau Al‑Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, qui ont été décidées et ensuite renforcées par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies (arrêts Yusuf, point 264, et Kadi, point 213) ;

–       dans ce contexte, les institutions communautaires ont agi au titre d’une compétence liée, de sorte qu’elles ne disposaient d’aucune marge d’appréciation autonome (arrêts Yusuf, point 265, et Kadi, point 214) ;

–       au regard des considérations énoncées ci-dessus, l’affirmation d’une compétence du Tribunal pour contrôler de manière incidente la légalité des décisions du Conseil de sécurité ou du comité des sanctions à l’aune du standard de protection des droits fondamentaux tels qu’ils sont reconnus dans l’ordre juridique communautaire ne saurait se justifier ni sur la base du droit international ni sur la base du droit communautaire (arrêts Yusuf, point 272, et Kadi, point 221) ;

–       les résolutions en cause du Conseil de sécurité échappent donc en principe au contrôle juridictionnel du Tribunal et celui-ci n’est pas autorisé à remettre en cause, fût-ce de manière incidente, leur légalité au regard du droit communautaire ; au contraire, le Tribunal est tenu, dans toute la mesure du possible, d’interpréter et d’appliquer ce droit d’une manière qui soit compatible avec les obligations des États membres au titre de la charte des Nations unies (arrêts Yusuf, point 276, et Kadi, point 225) ;

–       le Tribunal est néanmoins habilité à contrôler, de manière incidente, la légalité des résolutions en cause du Conseil de sécurité au regard du jus cogens, entendu comme un ordre public international qui s’impose à tous les sujets du droit international, y compris les instances de l’ONU, et auquel il est impossible de déroger (arrêts Yusuf, point 277, et Kadi, point 226) ;

–       le gel des fonds prévu par le règlement n° 881/2002 ne viole ni le droit fondamental des intéressés à disposer de leurs biens ni le principe général de proportionnalité, à l’aune du standard de protection universelle des droits fondamentaux de la personne humaine relevant du jus cogens (arrêts Yusuf, points 288 et 289, et Kadi, points 237 et 238) ;

–       dès lors que les résolutions en cause du Conseil de sécurité ne prévoient pas un droit d’audition des intéressés par le comité des sanctions avant leur inscription sur la liste litigieuse et qu’aucune norme impérative relevant de l’ordre public international ne paraît exiger une telle audition dans les circonstances de l’espèce, les arguments tirés de la violation alléguée d’un tel droit doivent être rejetés (arrêts Yusuf, points 306, 307 et 321, et Kadi, points 261 et 268) ;

–       en particulier, dans ces circonstances, où est en cause une mesure conservatoire limitant la disponibilité des biens des intéressés, le respect des droits fondamentaux de ceux-ci n’impose pas que les faits et éléments de preuve retenus à leur charge leur soient communiqués, dès lors que le Conseil de sécurité ou son comité des sanctions estiment que des motifs intéressant la sûreté de la communauté internationale s’y opposent (arrêts Yusuf, point 320, et Kadi, point 274) ;

–       les institutions communautaires n’étaient pas non plus tenues d’entendre les intéressés avant l’adoption du règlement n° 881/2002 (arrêt Yusuf, point 329) ou dans le contexte de son adoption et de sa mise en œuvre (arrêt Kadi, point 259) ;

–       dans le cadre d’un recours en annulation tel que celui de l’espèce, le Tribunal exerce un entier contrôle de la légalité des règlements attaqués quant au respect, par les institutions communautaires, des règles de compétence ainsi que des règles de légalité externe et des formes substantielles qui s’imposent à leur action ; le Tribunal contrôle également la légalité des règlements attaqués au regard des résolutions du Conseil de sécurité que ces règlements sont censés mettre en œuvre, notamment sous l’angle de l’adéquation formelle et matérielle, de la cohérence interne et de la proportionnalité des premiers par rapport aux secondes ; le Tribunal contrôle encore la légalité des règlements attaqués et, indirectement, la légalité des résolutions en cause du Conseil de sécurité, au regard des normes supérieures du droit international relevant du jus cogens, notamment les normes impératives visant à la protection universelle des droits de la personne humaine (arrêts Yusuf, points 334, 335 et 337, et Kadi, points 279, 280 et 282) ;

–       en revanche, il n’incombe pas au Tribunal de contrôler indirectement la conformité des résolutions en cause du Conseil de sécurité elles-mêmes avec les droits fondamentaux tels qu’ils sont protégés par l’ordre juridique communautaire ; il n’appartient pas davantage au Tribunal de vérifier l’absence d’erreur d’appréciation des faits et des éléments de preuve que le Conseil de sécurité a retenus à l’appui des mesures qu’il a prises ni encore, sous réserve du cadre limité défini au tiret précédent, de contrôler indirectement l’opportunité et la proportionnalité de ces mesures (arrêts Yusuf, points 338 et 339, et Kadi, points 283 et 284) ;

–       dans cette mesure, les intéressés ne disposent d’aucune voie de recours juridictionnel, le Conseil de sécurité n’ayant pas estimé opportun d’établir une juridiction internationale indépendante chargée de statuer, en droit comme en fait, sur les recours dirigés contre les décisions individuelles prises par le comité des sanctions (arrêts Yusuf, point 340, et Kadi, point 285) ;

–       la lacune ainsi constatée au tiret précédent dans la protection juridictionnelle des requérants n’est pas en soi contraire au jus cogens, dès lors que : i) le droit d’accès aux tribunaux n’est pas absolu ; ii) en l’espèce, la limitation du droit d’accès des intéressés à un tribunal résultant de l’immunité de juridiction dont bénéficient en principe, dans l’ordre juridique interne des États membres, les résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies doit être tenue pour inhérente à ce droit ; iii) une telle limitation est justifiée tant par la nature des décisions que le Conseil de sécurité est amené à prendre au titre dudit chapitre VII que par le but légitime poursuivi, et iv) en l’absence d’une juridiction internationale compétente pour contrôler la légalité des actes du Conseil de sécurité, l’instauration d’un organe tel que le comité des sanctions et la possibilité, prévue par les textes, de s’adresser à lui à tout moment pour obtenir le réexamen de tout cas individuel, au travers d’un mécanisme formalisé impliquant les gouvernements concernés, constituent une autre voie raisonnable pour protéger adéquatement les droits fondamentaux des intéressés tels qu’ils sont reconnus par le jus cogens (arrêts Yusuf, points 341 à 345, et Kadi, points 286 à 290) ;

–       les arguments invoqués à l’encontre des règlements attaqués et tirés de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif doivent par conséquent être rejetés (arrêts Yusuf, point 346, et Kadi, point 291).

93     Ainsi que le requérant l’a reconnu à l’audience, le Tribunal a répondu de façon exhaustive, à l’occasion de son examen des affaires Yusuf et Kadi, aux arguments de droit substantiellement identiques avancés en l’espèce par les parties dans leurs écritures, dans le cadre du moyen unique invoqué au soutien du présent recours (voir, pour ce qui est des arguments analogues invoqués par les parties dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Yusuf, points 190 à 225 de cet arrêt, et, pour ce qui est des arguments analogues invoqués par les parties dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kadi, points 138 à 175 de cet arrêt). Il en va tout particulièrement ainsi des arguments du requérant en rapport avec le caractère prétendument non contraignant pour la Communauté des résolutions du Conseil de sécurité (points 65, 66 et 79 ci-dessus) et la prétendue violation des droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la CEDH, notamment le droit à la propriété (points 69 et 71 ci-dessus), le droit d’être entendu (points 74 à 84 ci‑dessus) et le droit à un recours juridictionnel effectif (points 67, 87 et 88 ci‑dessus).

94     Quant aux deux décisions de la US Court of Appeals for the District of Columbia (voir point 78 ci-dessus), invoquées par le requérant au soutien de la thèse selon laquelle il aurait pu et dû être entendu par les institutions avant l’adoption du règlement attaqué, elles sont dénuées de toute pertinence en l’espèce, ainsi que l’a relevé à bon droit la Commission (voir point 86 ci-dessus).

95     Il convient néanmoins d’ajouter ce qui suit, en réponse aux arguments plus spécifiquement développés par le requérant à l’audience et concernant, d’une part, la prétendue rigueur excessive de la mesure de gel de l’ensemble de ses fonds et ressources économiques (point 72 ci-dessus) et, d’autre part, la prétendue invalidité, en l’espèce, des conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal, dans les arrêts Yusuf et Kadi, quant à la compatibilité avec le jus cogens de la lacune constatée dans la protection juridictionnelle des intéressés (point 89 ci-dessus).

96     S’agissant, en premier lieu, de la prétendue rigueur excessive du gel des fonds et autres ressources économiques du requérant, il convient de rappeler que l’article 2 bis du règlement n° 881/2002, inséré dans ledit règlement par le règlement n° 561/2003, adopté à la suite de la résolution 1452 (2002), prévoit, entre autres exceptions, que, à la demande des intéressés, et sauf opposition expresse du comité des sanctions, les autorités nationales compétentes déclarent le gel des fonds ou des ressources économiques inapplicable aux fonds ou ressources économiques dont elles ont établi qu’ils sont « nécessaires à des dépenses de base, y compris celles qui sont consacrées à des vivres, des loyers ou des remboursements de prêts hypothécaires, des médicaments et des frais médicaux, des impôts, des primes d’assurance et des services collectifs » (voir point 29 ci-dessus). L’emploi des termes « y compris », repris des termes de la résolution 1452 (2002), indique que ni cette résolution ni le règlement n° 561/2003 n’énumèrent de façon limitative ou exhaustive les « dépenses de base » susceptibles d’être exemptées du gel des fonds. La détermination des types de dépenses susceptibles de répondre à cette qualification est donc laissée, dans une large mesure, à l’appréciation des autorités nationales compétentes, responsables de la mise en œuvre des règlements attaqués, sous la supervision du comité des sanctions. En outre, les fonds nécessaires à n’importe quelle autre « dépense extraordinaire » peuvent désormais être dégelés moyennant autorisation expresse du comité des sanctions.

97     Pour le surplus, il convient certes de reconnaître que le gel des fonds du requérant, sous la seule réserve des exceptions prévues à l’article 2 bis du règlement n° 881/2002, constitue une mesure particulièrement drastique à son égard, susceptible même de l’empêcher de mener une vie sociale normale et de le rendre entièrement dépendant de l’aide sociale octroyée par les autorités du Royaume‑Uni.

98     Force est néanmoins de rappeler que cette mesure constitue un aspect des sanctions décidées par le Conseil de sécurité à l’encontre d’Oussama ben Laden, du réseau Al‑Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, en vue notamment de prévenir la répétition d’attaques terroristes du type de celles commises aux États-Unis le 11 septembre 2001 (arrêts Yusuf, points 295 et 297, et Kadi, points 244 et 246).

99     Or, toute mesure de sanction de ce type comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles, causant ainsi des préjudices à des parties qui n’ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des sanctions (arrêt de la Cour du 30 juillet 1996, Bosphorus, C‑84/95, Rec. p. I‑3953, point 22). L’importance des objectifs poursuivis par la réglementation prévoyant ces sanctions est néanmoins de nature à justifier de telles conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs (arrêt Bosphorus, précité, point 23).

100   Dans l’arrêt Bosphorus, point 99 supra, la Cour a jugé que la saisie d’un aéronef appartenant à une personne ayant son siège dans la République fédérative de Yougoslavie, mais donné en location à un opérateur économique extérieur « innocent » et de bonne foi, n’était pas incompatible avec les droits fondamentaux reconnus par le droit communautaire, au regard de l’objectif d’intérêt général fondamental pour la communauté internationale qui consistait à mettre un terme à l’état de guerre dans la région et aux violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans la République de Bosnie-Herzégovine. Dans l’arrêt Bosphorus c. Irlande du 30 juin 2005 (n° 45036/98, non encore publié au Recueil des arrêts et décisions), la Cour européenne des droits de l’homme a estimé, elle aussi, que la saisie de l’aéronef en question n’avait pas emporté violation de la CEDH (point 167), compte tenu, notamment, de la nature de l’ingérence litigieuse et de l’intérêt général que poursuivaient la saisie et le régime des sanctions (point 166).

101   À plus forte raison doit-il être jugé, dans la présente espèce, que le gel des fonds, avoirs financiers et autres ressources économiques des personnes identifiées par le Conseil de sécurité comme étant associées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban n’est pas incompatible avec les droits fondamentaux de la personne humaine relevant du jus cogens, au regard de l’objectif d’intérêt général fondamental pour la communauté internationale qui consiste à lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme (voir, en ce sens, arrêts Yusuf, point 298, et Kadi, point 247).

102   Il doit être observé par ailleurs que les règlements attaqués et les résolutions du Conseil de sécurité que ces règlements mettent en œuvre n’empêchent pas le requérant de mener une vie personnelle, familiale et sociale satisfaisante, compte tenu des circonstances. Ainsi, selon l’interprétation qu’en a donnée le Conseil à l’audience, et qu’il convient d’approuver, l’usage à des fins strictement personnelles des ressources économiques gelées, telles qu’une maison d’habitation ou un véhicule automobile, n’est pas en soi interdit par ces actes. Il en va de même, a fortiori, en ce qui concerne les biens de consommation courante.

103   Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation portée par le Tribunal dans les arrêts Yusuf et Kadi au regard des arguments plus spécifiquement développés par le requérant à l’audience et concernant la prétendue ineffectivité des exceptions au gel des fonds prévues par le règlement n° 561/2003.

104   S’agissant, en deuxième lieu, de la prétendue invalidité, en l’espèce, des conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal, dans les arrêts Yusuf et Kadi, quant à la compatibilité avec le jus cogens de la lacune constatée dans la protection juridictionnelle des intéressés, le requérant allègue, d’une part, la nature confiscatoire du gel de ses fonds et, d’autre part, l’ineffectivité du mécanisme de réexamen des mesures individuelles de gel des fonds décidées par le Conseil de sécurité et mises en œuvre par les règlements attaqués.

105   En ce qui concerne, premièrement, la nature prétendument confiscatoire du gel des fonds du requérant, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé, dans les arrêts Yusuf (point 299) et Kadi (point 248), que le gel des fonds est une mesure conservatoire qui, à la différence d’une confiscation, ne porte pas atteinte à la substance même du droit de propriété des intéressés sur leurs actifs financiers, mais seulement à leur utilisation. Dans son appréciation de la compatibilité d’une telle mesure avec le jus cogens, en dépit du fait qu’elle n’est pas soumise à un contrôle juridictionnel, le Tribunal a en outre accordé une importance significative à la circonstance que, loin de prévoir des mesures d’une durée d’application illimitée ou indéterminée, les résolutions successivement adoptées par le Conseil de sécurité ont toujours prévu un mécanisme de réexamen de l’opportunité du maintien de ces mesures après un laps de temps de 12 ou 18 mois au plus (arrêts Yusuf, point 344, et Kadi, point 289).

106   Or, le requérant n’a avancé aucun élément ou argument susceptible de remettre en cause le bien-fondé de ces appréciations dans le cas particulier de l’espèce. Au contraire, lesdites appréciations ont été entre-temps confortées par la circonstance que, à l’instar des quatre résolutions qui l’ont précédée (voir points 12, 16, 26 et 32 ci-dessus), la résolution 1617 (2005), adoptée le 29 juillet 2005, soit dans le délai maximal de 18 mois prévu par la précédente résolution 1526 (2004), a de nouveau prévu un mécanisme de réexamen « dans 17 mois ou avant » (voir point 34 ci-dessus).

107   En ce qui concerne, deuxièmement, l’effectivité du mécanisme de réexamen des mesures individuelles de gel des fonds décidées par le Conseil de sécurité et mises en œuvre par les règlements attaqués, il convient de rappeler, outre les constatations résumées au point 92 ci-dessus, que, dans les arrêts Yusuf (points 309 et suivants) et Kadi (points 262 et suivants), le Tribunal a relevé que les intéressés pouvaient s’adresser au comité des sanctions, par l’intermédiaire de leurs autorités nationales, afin d’obtenir soit leur retrait de la liste des personnes visées par les sanctions, soit une exception au gel des fonds.

108   Sur la base des mesures visées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002), et énoncées à nouveau au paragraphe 1 de la résolution 1526 (2004) et de la résolution 1617 (2005), le comité des sanctions est, en effet, chargé de mettre régulièrement à jour la liste des personnes et entités dont les fonds doivent être gelés au titre desdites résolutions.

109   S’agissant, en particulier, d’une demande de réexamen d’un cas individuel, en vue d’obtenir la radiation de l’intéressé de la liste des personnes visées par les sanctions, les « directives régissant la conduite des travaux du [comité des sanctions] » (ci-après les « directives »), adoptées le 7 novembre 2002, modifiées le 10 avril 2003 et révisées (sans modification substantielle) le 21 décembre 2005, prévoient ce qui suit, en leur section 8, intitulée « Radiation de la liste » :

« a)      Sans préjudice des procédures disponibles, une personne, un groupe, une entreprise ou une entité figurant sur la liste récapitulative du [comité des sanctions] peut présenter au gouvernement du pays dans lequel il réside ou dont il est ressortissant une demande de réexamen de son cas. Le requérant doit motiver sa demande de radiation de la liste, fournir toutes informations pertinentes et demander l’appui du gouvernement.

b)      Le gouvernement auquel la demande est adressée (le ‘gouvernement requis’) doit examiner toutes les informations pertinentes puis contacter bilatéralement le gouvernement qui a initialement proposé l’inscription sur la liste [le ‘gouvernement qui a proposé l’inscription’] pour lui demander un complément d’information et le consulter au sujet de la demande de radiation.

c)      Le gouvernement qui a proposé l’inscription peut aussi demander un complément d’information au pays de résidence ou de nationalité du requérant. Le gouvernement requis et le gouvernement qui a proposé l’inscription peuvent, selon les besoins, consulter le président du [comité des sanctions] au cours de ces consultations bilatérales.

d)      Si, après avoir examiné les informations complémentaires, le gouvernement sollicité souhaite donner suite à une demande de radiation, il doit chercher à convaincre le gouvernement qui a proposé l’inscription de présenter au [comité des sanctions], seul ou avec d’autres gouvernements, une demande de radiation. Dans le cadre de la procédure d’approbation tacite, le gouvernement sollicité peut présenter au [comité des sanctions] une demande de radiation non accompagnée d’une demande du gouvernement qui a proposé l’inscription.

e)      Le [comité des sanctions] prend ses décisions par consensus. Si ses membres ne parviennent pas à un accord sur une question donnée, le président mène de nouvelles consultations propres à favoriser le consensus. Si, à l’issue de ces consultations, aucun consensus ne se dégage, la question est soumise au Conseil de sécurité. Étant donné le caractère spécifique de l’information, le président peut encourager les échanges bilatéraux entre États membres intéressés pour mieux cerner la question avant qu’une décision soit prise. »

110   Le Tribunal a déjà constaté que, par l’adoption de ces directives, le Conseil de sécurité avait entendu tenir compte, dans toute la mesure du possible, des droits fondamentaux des personnes inscrites sur la liste du comité des sanctions et notamment des droits de la défense (arrêts Yusuf, point 312, et Kadi, point 265). L’importance que le Conseil de sécurité attache au respect de ces droits ressort d’ailleurs clairement de sa résolution 1526 (2004). Aux termes du paragraphe 18 de cette résolution, le Conseil de sécurité « encourage vigoureusement tous les États à informer, dans la mesure du possible, les personnes et entités inscrites sur la liste du [comité des sanctions] des mesures prises [contre elles], des directives du [comité des sanctions] et de la résolution 1452 (2002) ».

111   S’il est vrai que la procédure décrite ci-dessus ne confère pas directement aux intéressés eux-mêmes le droit de se faire entendre par ledit comité, seule autorité compétente pour se prononcer, à la demande d’un État, sur le réexamen de leur cas, de sorte qu’ils dépendent, pour l’essentiel, de la protection diplomatique que les États accordent à leurs ressortissants, une telle restriction au droit d’être entendu ne saurait passer pour inadmissible au regard des normes impératives relevant de l’ordre public international. Au contraire, s’agissant de la remise en cause du bien-fondé de décisions ordonnant le gel des fonds d’individus ou d’entités soupçonnés de contribuer au financement du terrorisme international, adoptées par le Conseil de sécurité, par l’intermédiaire de son comité des sanctions, au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies, sur la base des informations communiquées par les États et les organisations régionales, il est normal que le droit des intéressés d’être entendus soit aménagé dans le cadre d’une procédure administrative à plusieurs niveaux, dans laquelle les autorités nationales visées à l’annexe II du règlement attaqué jouent un rôle essentiel (arrêts Yusuf, points 314 et 315, et Kadi, points 267 et 268 ; voir également, par analogie, ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 2 août 2000, « Invest » Import und Export et Invest commerce/Commission, T‑189/00 R, Rec. p. II‑2993).

112   Bien que le comité des sanctions prenne ses décisions par consensus, l’effectivité de la procédure de demande de radiation est garantie, d’une part, par les divers mécanismes formels de consultation propres à favoriser ce consensus, prévus à la section 8, sous b) à e), des directives, et, d’autre part, par l’obligation qui incombe à tous les États membres de l’ONU, y compris ceux qui sont membres de ce comité, d’agir de bonne foi dans le cadre de cette procédure, conformément au principe général de droit international selon lequel tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi (pacta sunt servanda), consacré par l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, conclue à Vienne le 23 mai 1969. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que les directives s’imposent à tous les États membres de l’ONU au titre de leurs obligations juridiques internationales, conformément aux résolutions en cause du Conseil de sécurité. En particulier, il découle du paragraphe 9 de la résolution 1267 (1999), du paragraphe 19 de la résolution 1333 (2000) et du paragraphe 7 de la résolution 1390 (2002) que tous les États sont tenus de coopérer pleinement avec le comité des sanctions dans l’exécution de ses tâches, notamment en lui communiquant les éléments d’information qui peuvent lui être nécessaires au titre desdites résolutions.

113   En ce qui concerne plus particulièrement le gouvernement requis, qui est celui auquel la demande de radiation est adressée et qui est donc, dans la plupart des cas, celui du pays de résidence ou de nationalité de l’intéressé, l’effectivité de cette procédure de radiation est de surcroît garantie par l’obligation qui lui incombe, au titre de la section 8, sous b), des directives, d’examiner toutes les informations pertinentes fournies par l’intéressé puis de contacter bilatéralement le gouvernement qui a proposé l’inscription.

114   Il convient d’ajouter, dans ce contexte, que des obligations particulières incombent aux États membres de la Communauté lorsqu’ils sont saisis d’une demande de radiation.

115   En effet, le comité des sanctions ayant, par ses directives, interprété les résolutions en cause du Conseil de sécurité comme conférant aux intéressés le droit de soumettre une demande de réexamen de leur cas au gouvernement du pays dans lequel ils résident ou dont ils sont ressortissants, en vue d’obtenir leur radiation de la liste litigieuse (voir points 108 et 109 ci-dessus), il y a lieu d’interpréter et d’appliquer dans le même sens le règlement n° 881/2002, qui constitue la mise en œuvre desdites résolutions dans la Communauté (voir, en ce sens, arrêts Yusuf, point 276, et Kadi, point 225). Ce droit doit, dès lors, être qualifié de droit garanti non seulement par lesdites directives, mais également par l’ordre juridique communautaire.

116   Il s’ensuit que, tant dans le cadre de l’examen d’une telle demande que dans le cadre des consultations et démarches entre États qui peuvent en résulter au titre de la section 8 des directives, les États membres sont tenus, conformément à l’article 6 UE, de respecter les droits fondamentaux des intéressés, tels qu’ils sont garantis par la CEDH et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire, dès lors que le respect de ces droits fondamentaux ne paraît pas susceptible de faire obstacle à la bonne exécution de leurs obligations au titre de la charte des Nations unies (voir, a contrario, arrêts Yusuf, point 240, et Kadi, point 190).

117   Les États membres doivent ainsi veiller, dans toute la mesure du possible, à ce que les intéressés soient mis en mesure de faire valoir utilement leur point de vue devant les autorités nationales compétentes, dans le cadre d’une demande de radiation. Par ailleurs, la marge d’appréciation qu’il convient de reconnaître à ces autorités, dans ce contexte, doit être exercée d’une manière qui tienne dûment compte des difficultés que peuvent avoir les intéressés à se ménager une protection effective de leurs droits, eu égard au contexte et à la nature spécifiques des mesures qui les visent.

118   Ainsi, par exemple, les États membres ne seraient pas fondés à refuser d’engager la procédure de réexamen prévue par les directives au seul motif que les intéressés ne sont pas en mesure de fournir des informations précises et pertinentes à l’appui de leur demande, faute pour eux d’avoir pu prendre connaissance, en raison de leur caractère confidentiel, des motifs précis ayant justifié leur inclusion dans la liste litigieuse ou des éléments de preuve sur lesquels ces motifs se fondent.

119   De même, eu égard à la circonstance, rappelée au point 111 ci-dessus, selon laquelle les particuliers n’ont pas le droit de se faire entendre personnellement par le comité des sanctions, de sorte qu’ils dépendent, pour l’essentiel, de la protection diplomatique que les États accordent à leurs ressortissants, les États membres sont-ils tenus de faire diligence pour que le cas des intéressés soit présenté sans retard et de façon loyale et impartiale audit comité, en vue de son réexamen.

120   Il convient d’ajouter que, comme le Tribunal l’a relevé, à la suite du gouvernement du Royaume-Uni, dans les arrêts Yusuf (point 317) et Kadi (point 270), les intéressés ont la possibilité d’introduire un recours juridictionnel fondé sur le droit interne de l’État du gouvernement requis, voire directement sur le règlement attaqué ainsi que sur les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité que celui-ci met en œuvre, contre un éventuel refus abusif de l’autorité nationale compétente de soumettre leur cas, pour réexamen, au comité des sanctions et, plus généralement, contre toute violation, par ladite autorité nationale, du droit des intéressés de demander leur radiation de la liste litigieuse. Lors de l’audience dans la présente affaire, le Conseil a ainsi invoqué, en ce sens, une décision d’une juridiction d’un État membre ayant condamné ledit État membre à demander, sous le bénéfice de l’urgence, au comité des sanctions de radier les noms de deux personnes de la liste litigieuse, sous peine d’une astreinte journalière [tribunal de première instance de Bruxelles (quatrième chambre), jugement du 11 février 2005 dans l’affaire Nabil Sayadi et Patricia Vinck c. État belge].

121   À cet égard, il y a lieu de rappeler également que, selon une jurisprudence constante de la Cour (voir arrêt de la Cour du 8 novembre 2005, Leffler, C‑443/03, Rec. p. I‑9611, points 49 et 50, et la jurisprudence citée), en l’absence de dispositions communautaires, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire. La Cour a précisé que ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des droits qui trouveraient leur origine dans l’ordre juridique interne (principe de l’équivalence) et qu’elles ne peuvent rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité). Le principe d’effectivité doit par ailleurs conduire le juge national à n’appliquer les modalités procédurales prévues par son ordre juridique interne que dans la mesure où elles ne mettent pas en cause la raison d’être et la finalité de l’acte communautaire concerné.

122   Il s’ensuit que, dans le cadre d’un recours alléguant une violation, par les autorités nationales compétentes, du droit des intéressés de demander leur radiation de la liste litigieuse, il appartient au juge national d’appliquer, en principe, son droit national tout en veillant à assurer la pleine efficacité du droit communautaire, ce qui peut le conduire à écarter, si besoin est, une règle nationale y faisant obstacle (voir arrêt Leffler, point 121 supra, point 51, et la jurisprudence citée), telle une règle qui exclurait du contrôle juridictionnel le refus des autorités nationales d’agir en vue d’assurer la protection diplomatique de leurs ressortissants.

123   En l’espèce, le requérant n’a pas invoqué de façon concrète et spécifique, devant le Tribunal, un quelconque manque de coopération loyale des autorités du Royaume‑Uni à son égard. S’il s’estime néanmoins victime d’un tel manque de coopération, il lui incombe de se prévaloir, le cas échéant, des possibilités de recours juridictionnel fondé sur le droit interne dont il a été question ci-dessus.

124   En tout état de cause, un tel manque de coopération, à le supposer avéré, n’impliquerait nullement que la procédure de radiation prévue par les directives est, en soi, ineffective (voir, par analogie, ordonnance du président du Tribunal du 15 mai 2003, Sison/Conseil, T‑47/03 R, Rec. p. II‑2047, point 39, et la jurisprudence citée).

125   Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation portée par le Tribunal dans les arrêts Yusuf et Kadi au regard des arguments plus spécifiquement développés par le requérant à l’audience et concernant la prétendue incompatibilité avec le jus cogens de la lacune constatée dans la protection juridictionnelle des intéressés.

126   Enfin, pour autant que les arrêts Yusuf et Kadi ne répondent pas à l’argument du requérant selon lequel le gel de ses fonds entraînerait, outre une violation du droit à la propriété garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH, une violation du droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la CEDH, ainsi qu’une atteinte à sa réputation (voir point 70 ci-dessus), il convient de rappeler que les normes du jus cogens sont les seules au regard desquelles le Tribunal est habilité à exercer, en l’espèce, son contrôle juridictionnel.

127   À supposer même que le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit à la réputation puissent être considérés comme relevant des normes du jus cogens relatives à la protection des droits fondamentaux de la personne humaine, seule une immixtion arbitraire dans l’exercice de ces droits pourrait être considérée comme contraire à ces normes (voir, à cet égard, l’article 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme, aux termes duquel « [n]ul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation ».

128   Or, force est de constater que le requérant n’a pas fait l’objet d’une telle immixtion arbitraire dans l’exercice de ces droits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Yusuf, points 292 à 303, et arrêt Kadi, points 241 à 252).

129   Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la demande en annulation des règlements attaqués doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

130   Le Conseil et la Commission soutiennent que la demande en indemnité est irrecevable.

131   En effet, le requérant se bornerait, dans les conclusions de sa requête, à demander la condamnation du seul Conseil au paiement de dommages et intérêts. La requête elle-même ne contiendrait aucun argument relatif à cette prétention ni aucune référence aux articles 235 CE et 288 CE. Le requérant ne tenterait donc pas de démontrer que les conditions justifiant une demande de dédommagement sont remplies (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42). Une telle demande ne satisferait pas aux dispositions de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal (arrêts du Tribunal du 16 avril 1997, Saint et Murray/Conseil et Commission, T‑554/93, Rec. p. II‑563, points 54 à 59, et du 10 juillet 1997, Guérin automobiles/Commission, T‑38/96, Rec. p. II‑1223, points 42 et 43).

132   En réponse aux arguments avancés par le requérant dans sa réplique, le Conseil et la Commission ajoutent que la demande en indemnité constitue une voie de droit autonome (arrêt de la Cour du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325), qui ne peut pas être traitée comme faisant implicitement partie d’une demande en annulation. Il serait donc nécessaire d’introduire une demande distincte tendant à l’obtention de dommages et intérêts, en fournissant au moins un bref résumé des moyens spécifiques invoqués. Le requérant ne ferait aucun effort en ce sens.

133   Pour autant que la demande en indemnité soit néanmoins jugée recevable, le Conseil soutient qu’elle est, en tout état de cause, dénuée de fondement. Le Conseil expose que, selon la jurisprudence, la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne saurait être engagée qu’en présence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit protégeant les particuliers (arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, Rec. p. I‑3061, point 12). Or, pour les raisons déjà exposées, les règlements attaqués ne violeraient aucune règle de droit en vigueur.

134   Outre l’absence d’arguments de droit, le Conseil relève l’absence d’arguments de fait étayant la demande en indemnité. Or, il incomberait à la partie requérante d’apporter des éléments de preuve au juge communautaire afin d’établir la réalité et l’ampleur du dommage qu’elle prétend avoir subi (arrêt du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 97).

135   En tout état de cause, le Conseil estime que le dommage allégué en l’espèce ne peut pas être imputé à la Communauté, mais uniquement au Conseil de sécurité. Il invoque, en ce sens, l’arrêt du Tribunal du 28 avril 1998, Dorsch Consult/Conseil et Commission (T‑184/95, Rec. p. II‑667, points 73 et 74).

136   Dans sa réplique, le requérant expose que, de même que pour les dépens, l’issue de la demande en indemnité dépend de celle de la demande en annulation, sans qu’il soit besoin, selon lui, de formuler une conclusion distincte en droit. L’élément essentiel serait que la requête vise à obtenir des dommages et intérêts et que les parties défenderesses en aient été averties. Pour autant que de besoin, le requérant soutient que les conditions auxquelles le droit communautaire subordonne le droit à réparation sont remplies, en l’espèce, dès lors que les illégalités alléguées sont établies. Ce ne serait toutefois qu’une fois celles-ci constatées que le juge serait amené à statuer sur l’éventuelle réparation et sur les dépens.

137   Les arguments exposés aux points 69 et 70 ci-dessus suffiraient à démontrer l’effet draconien du règlement n° 881/2002 sur la situation économique du requérant. Par ailleurs, les éléments sur lesquels celui-ci se fonde seraient clairs et manifestes. Quant à la cause du préjudice, le requérant estime que l’argument du Conseil, selon lequel celle-ci serait à trouver dans l’action du Conseil de sécurité, s’effondrera de lui-même si ses conclusions en annulation sont accueillies.

 Appréciation du Tribunal

138   Comme le relèvent le Conseil et la Commission, le requérant s’est borné, dans les conclusions de sa requête, à demander la condamnation du seul Conseil au paiement de dommages et intérêts, non autrement spécifiés. La requête elle-même ne contient aucun développement d’ordre qualitatif ou quantitatif relatif à cette prétention.

139   Or, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, à titre d’exemple récent, arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 64).

140   Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêts Guérin automobiles/Commission, point 131 supra, points 42 et 43, et Chiquita Brands e.a./Commission, point 139 supra, point 65, et la jurisprudence citée).

141   En revanche, une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de la précision nécessaire et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 9 ; arrêts du Tribunal du 8 juin 2000, Camar et Tico/Commission et Conseil, T‑79/96, T‑260/97 et T‑117/98, Rec. p. II‑2193, point 181, et Chiquita Brands e.a./Commission, point 139 supra, point 66).

142   Si la requête ne doit pas impérativement contenir de données chiffrées du préjudice prétendument subi, elle doit, à tout le moins, indiquer clairement les éléments qui permettent d’en apprécier la nature et l’étendue, de façon à ce que l’institution puisse assurer sa défense. Dans de telles circonstances, l’absence de données chiffrées dans la requête n’affecte pas les droits de la défense de la partie défenderesse, à condition que la partie requérante produise lesdites données dans son mémoire en réplique, en permettant ainsi à la partie défenderesse de les discuter aussi bien dans son mémoire en duplique que lors de l’audience (arrêt de la Cour du 9 décembre 1965, Laminoirs de la Providence e.a./Haute Autorité, 29/63, 31/63, 36/63, 39/63 à 47/63, 50/63 et 51/63, Rec. p. 1123, 1155 ; arrêts du Tribunal du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T‑13/96, Rec. p. II‑4073, point 29, et du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 67).

143   En l’espèce, la demande en indemnité contenue dans la requête manque de la plus élémentaire précision et doit, dès lors, être déclarée irrecevable. En effet, à supposer même que la requête contienne les éléments qui permettent d’identifier le comportement reproché aux institutions, elle ne dit rien de la nature et du caractère du préjudice allégué ni des raisons pour lesquelles le requérant estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et ce préjudice.

144   Le requérant n’a même pas sérieusement tenté de remédier à ces défectuosités dans sa réplique. Contrairement à ce que celui-ci y soutient (voir point 136 ci-dessus), les conditions de recevabilité d’une demande en indemnité ne sauraient se réduire à la formulation d’une demande abstraite, comme c’est le cas pour les dépens.

145   En tout état de cause, au vu du dossier et des arguments avancés au soutien de la demande en annulation, la demande en indemnité doit être rejetée comme non fondée dès lors que, premièrement, l’examen de la demande en annulation n’a révélé aucune illégalité susceptible de constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté. Deuxièmement, le requérant n’a avancé aucun élément de preuve permettant d’établir la réalité et l’ampleur du préjudice invoqué. Troisièmement, ce préjudice ne saurait être attribué à l’adoption des règlements attaqués, mais aux résolutions du Conseil de sécurité que ces règlements mettent en œuvre, de sorte que le requérant n’a pas non plus démontré l’existence d’un lien de causalité directe (voir, en ce sens, arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, point 135 supra, points 73 et 74).

146   Le recours doit, dès lors, être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

147   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil et de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le requérant est condamné aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2006.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure

Conclusions des parties

En fait

Sur la demande en annulation

Sur la recevabilité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le fond

Arguments des parties

– Sur la violation alléguée des droits fondamentaux en général

– Sur le grief plus particulièrement tiré de la violation du droit à la propriété et du droit au respect de la vie privée et familiale

– Sur le grief plus particulièrement tiré de la violation du droit d’être entendu

– Sur le grief plus particulièrement tiré de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif

Appréciation du Tribunal

Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.