Language of document : ECLI:EU:C:2017:63

Édition provisoire

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 janvier 2017 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Coordination des prix de vente et échange d’informations commerciales sensibles – Infraction unique et continue – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C‑614/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 novembre 2013,

Masco Corp., établie à Taylor (États-Unis),

Hansgrohe AG, établie à Schiltach (Allemagne),

Hansgrohe Deutschland Vertriebs GmbH, établie à Schiltach,

Hansgrohe Handelsgesellschaft mbH, établie à Wiener Neudorf (Autriche),

Hansgrohe SA/NV, établie à Bruxelles (Belgique),

Hansgrohe BV, établie à Westknollendam (Pays-Bas),

Hansgrohe SARL, établie à Antony (France),

Hansgrohe Srl, établie à Villanova d’Asti (Italie),

Hüppe GmbH, établie à Bad Zwischenahn (Allemagne),

Hüppe GesmbH, établie à Laxenburg (Autriche),

Hüppe Belgium SA/NV, établie à Woluwé Saint-Étienne (Belgique),

Hüppe BV, établie à Alblasserdam (Pays-Bas),

représentées par Mes D. Schroeder et S. Heinz, Rechtsanwälte, ainsi que par Mme B. Fischer, advocate, mandatée par M. J. Temple Lang, solicitor,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. L. Malferrari et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de M. B. Kennelly, barrister,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, Mme M. Berger, MM. E. Levits, S. Rodin (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2015,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Masco Corp., Hansgrohe AG, Hansgrohe Deutschland Vertriebs GmbH, Hansgrohe Handelsgesellschaft mbH, Hansgrohe SA/NV, Hansgrohe BV, Hansgrohe SARL, Hansgrohe Srl, Hüppe GmbH, Hüppe GesmbH, Hüppe Belgium SA/NV et Hüppe BV demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission (T‑378/10, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2013:469,), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation partielle de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2        Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 9 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

3        Les requérantes, à savoir Masco Corp., une entreprise américaine, et certaines de ses filiales européennes, parmi lesquelles Hansgrohe AG et Hüppe GmbH, fabriquent des articles de robinetterie ainsi que des enceintes de douche et leurs accessoires.

4        Le 15 juillet 2004, les requérantes ont informé la Commission européenne de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3) ou, à défaut, d’une réduction du montant des amendes susceptibles de leur être infligées. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amendes au profit des requérantes, conformément au point 8, sous a), et au point 15 de cette communication.

5        Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision litigieuse par laquelle elle a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises, dont les requérantes, auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004, et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien.

6        La Commission a considéré que les pratiques anticoncurrentielles en cause faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les entreprises concernées et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait des installations sanitaires pour salles de bains appartenant à l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et leurs accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits »).

7        Pour ces motifs, la Commission a, à l’article 2 de la décision litigieuse, considéré que ces 17 entreprises avaient participé à une infraction unique et avaient, partant, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992.

8        Toutefois, en ce qui concerne les requérantes, la Commission a indiqué, à l’article 2, premier alinéa, point 1, de ladite décision, qu’elle ne leur imposait aucune amende.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2010, les requérantes ont formé un recours en annulation contre la décision litigieuse devant le Tribunal en invoquant un moyen unique, tiré de ce que la Commission avait conclu à tort qu’elles avaient participé à une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains.

10      Par ce moyen, les requérantes faisaient grief à la Commission d’avoir commis des erreurs, d’une part, dans la détermination des éléments constitutifs d’une infraction unique et de la participation d’entreprises à une telle infraction et, d’autre part, dans l’appréciation des éléments factuels retenus pour la constatation d’une infraction unique et de la participation des requérantes à cette infraction.

11      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties

12      Les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle concerne les requérantes ;

–        de condamner la Commission aux dépens, et

–        de prendre toute autre mesure que la Cour estimerait appropriée.

13      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

14      Au soutien de leur pourvoi, les requérantes soulèvent deux moyens. Le premier moyen est tiré de la constatation erronée de la participation des requérantes à une infraction unique. Le second moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de la constatation erronée de la participation des requérantes à une infraction unique

 Argumentation des parties

15      Par leur premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en considérant, premièrement, qu’elles avaient l’intention de contribuer, par leur propre comportement, aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants à l’entente, deuxièmement, qu’elles avaient connaissance du comportement illicite envisagé ou mis en œuvre par les autres entreprises dans la poursuite de ces objectifs et, troisièmement, qu’elles étaient prêtes à en accepter le risque. Ce moyen s’articule en cinq branches.

16      Par la première branche du premier moyen, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir, au point 59 de l’arrêt attaqué, en constatant que les pratiques illicites en cause visaient à permettre aux requérantes de présenter un front commun face aux grossistes pour les trois sous-groupes de produits dont les articles en céramique, manifestement dénaturé des éléments de preuve relatifs à leur intention de contribuer, par leur propre comportement, à l’objectif commun poursuivi par l’ensemble des participants dans le cadre de l’infraction unique. En effet, le considérant 931 de la décision litigieuse, dont fait état le Tribunal au soutien de ses motifs, ne permettrait pas d’aboutir à une telle conclusion. En outre, contrairement aux termes du point 59 de l’arrêt attaqué, les requérantes n’auraient pas reconnu lors de l’audience devant le Tribunal, en réponse aux questions posées par celui-ci, que les pratiques illicites étaient destinées à présenter un front commun face aux grossistes.

17      Par la deuxième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent, à titre subsidiaire que, s’il était considéré que le point 59 de l’arrêt attaqué ne vise pas à établir que les requérantes avaient l’intention de contribuer par leur propre comportement à l’objectif commun poursuivi par l’ensemble des participants à l’infraction unique, le Tribunal n’aurait pas examiné cette question et, par conséquent, n’ayant pas appliqué les critères légaux pertinents, aurait commis une erreur de droit.

18      Par la troisième branche du premier moyen, les requérantes font grief au Tribunal d’avoir dénaturé des éléments de preuve relatifs à la connaissance qu’avaient les requérantes du comportement illicite envisagé ou mis en œuvre par les autres entreprises dans la poursuite de cet objectif. Elles relèvent, à cet égard, que, au point 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à tort, déduit de l’appartenance des requérantes à des organismes de coordination et à des associations multi-produits leur connaissance de l’ensemble des pratiques illicites. Or, l’appartenance des requérantes à de tels organismes et associations en Belgique, en France ou en Italie ne leur aurait pas permis d’avoir connaissance de pratiques de hausse coordonnée des prix des articles en céramique sur les territoires de ces États membres.

19      Par la quatrième branche du premier moyen, les requérantes font grief au Tribunal de ne pas avoir correctement appliqué les critères légaux relatifs à l’établissement de l’infraction unique dans la mesure où celui-ci n’a pas examiné si elles pouvaient raisonnablement prévoir l’ensemble des pratiques anticoncurrentielles relatives aux articles en céramique.

20      Par la cinquième branche du premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en n’ayant pas examiné la question de savoir si elles avaient été prêtes à accepter le risque relatif au comportement envisagé ou mis en œuvre par d’autres entreprises commercialisant des articles en céramique dans la poursuite de l’objectif commun poursuivi par l’ensemble des participants à l’entente. Or, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que cette condition s’appliquerait également dans le cas où une entreprise aurait eu connaissance du comportement illicite envisagé ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite de cet objectif et constituerait l’élément intentionnel requis pour établir la participation de cette entreprise à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels en cause.

21      Selon la Commission, le premier moyen doit être rejeté comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

22      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41, ainsi que du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 156).

23      Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42, ainsi que du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 157).

24      En l’occurrence, par la première branche du premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé des éléments de preuve en ayant constaté, au point 59 de l’arrêt attaqué, que les pratiques illicites en cause consistaient en un front commun opposé par les requérantes aux grossistes pour les trois sous-groupes de produits.

25      Il convient de relever, à cet égard, que, ainsi qu’il ressort de la lecture de ce point, le Tribunal ne s’est, en tout état de cause, fondé sur cette constatation qu’à titre surabondant pour établir l’existence et la nature d’un plan d’ensemble permettant de caractériser une infraction unique, cette appréciation découlant en effet, selon le Tribunal, de nombreux autres éléments relevés par la Commission dans la décision litigieuse.

26      Partant, dès lors que l’argumentation soulevée par les requérantes dans le cadre de la première branche du premier moyen n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal aux points 58 et 62 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission pouvait à bon droit conclure à l’existence d’une infraction unique, cette branche doit être rejetée comme étant inopérante (voir, en ce sens, ordonnances du 28 octobre 2004, Commission/CMA CGM e.a., C‑236/03 P, non publiée, EU:C:2004:679, points 30 à 32, ainsi que du 21 octobre 2014, Mundipharma/OHMI, C‑669/13 P, non publiée, EU:C:2014:2308, point 36).

27      Par les deuxième, quatrième et cinquième branches du premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal, en substance, de ne pas avoir examiné si les conditions énumérées au point 22 du présent arrêt étaient remplies, et plus particulièrement, en premier lieu, si elles entendaient contribuer par leur propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants à l’infraction unique, en deuxième lieu, si elles pouvaient raisonnablement prévoir l’ensemble des comportements anticoncurrentiels relatifs aux articles en céramique et, en troisième lieu, si elles étaient prêtes à en accepter le risque.

28      Il convient de rappeler, à cet égard, que, ainsi qu’il découle d’une jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal ne saurait, en principe, être tenu de répondre aux moyens et aux arguments qui n’ont pas été soulevés, ou qui ne l’ont pas été d’une manière suffisamment claire et précise, en cours de procédure et notamment dans la requête introductive d’instance (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 121, et du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission, C‑271/13 P, non publié, EU:C:2014:175, points 17 à 19).

29      Or, en l’espèce, il résulte de l’examen de la requête introductive d’instance et du mémoire en réplique déposés au greffe du Tribunal, en particulier des points de cette requête et de ce mémoire invoqués par les requérantes au soutien du présent pourvoi que, bien qu’ayant contesté avoir eu connaissance de l’ensemble des pratiques collusoires touchant aux trois sous-groupes de produits, les requérantes n’avaient soulevé, devant le Tribunal, aucun argument tiré de l’absence de contribution par leur comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants, en raison du fait qu’elles ne pouvaient pas raisonnablement prévoir l’ensemble des comportements infractionnels reprochés et qu’elles n’étaient pas prêtes à accepter le risque lié à ces comportements.

30      Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir expressément examiné ces questions dans l’arrêt attaqué. S’agissant de l’argument tiré de ce que le Tribunal n’aurait pas examiné si les requérantes pouvaient raisonnablement prévoir l’ensemble des comportements infractionnels reprochés et si elles étaient prêtes à en accepter le risque, il convient en outre de constater que, dès lors que le Tribunal a, aux points 61 et 82 de l’arrêt attaqué, considéré que les requérantes avaient eu connaissance de ces comportements, il n’avait pas à vérifier si elles pouvaient raisonnablement prévoir lesdits comportements et en avaient accepté le risque, les deux conditions étant, ainsi qu’il ressort du point 23 du présent arrêt, alternatives.

31      Dans la mesure où l’argumentation soulevée par les requérantes vise à démontrer que les conditions exposées au point 23 du présent arrêt ne sont pas remplies en l’espèce, celle-ci ne saurait être examinée au stade du pourvoi.

32      En effet, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, dans le cadre du pourvoi, la compétence de la Cour est, en principe, limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les juges du fond (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, FLSmidth/Commission, C‑238/12 P, EU:C:2014:284, point 42, et du 22 mai 2014, ASPLA/Commission, C‑35/12 P, EU:C:2014:348, point 39).

33      Il s’ensuit que les deuxième, quatrième et cinquième branches du premier moyen doivent être écartées comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.

34      Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, les requérantes excipent d’une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal en ce qu’il aurait considéré à tort, aux points 61 et 82 de l’arrêt attaqué, qu’elles avaient eu connaissance de l’ensemble des pratiques illicites dont celles relatives aux articles en céramique qui se sont déroulées en Belgique, en France et en Italie.

35      Il convient de rappeler, à cet égard, que, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 24 septembre 2009, Alcon/OHMI, C‑481/08 P, non publiée, EU:C:2009:579, point 18 ; arrêt du 13 janvier 2011, Media-Saturn-Holding/OHMI, C‑92/10 P, non publié, EU:C:2011:15, point 27, ainsi que ordonnance du 3 mars 2016, AgriCapital/OHMI, C‑440/15 P, non publiée, EU:C:2016:144, point 32).

36      Selon une jurisprudence constante de la Cour, une dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée. Toutefois, cette dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Par ailleurs, lorsqu’un requérant allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, il doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2015, Italie/Commission, C‑280/14 P, EU:C:2015:792, point 52 et jurisprudence citée).

37      Or, il convient de constater que, s’agissant des constatations figurant aux points 61 et 82 de l’arrêt attaqué relatives à la connaissance qu’avaient les requérantes des pratiques illicites en cause, celles-ci n’ont pas, dans leur pourvoi, identifié d’élément de preuve dont l’appréciation par le Tribunal apparaît manifestement erronée, au sens de cette jurisprudence.

38      Ainsi, sous couvert de leur argumentation relative à une prétendue dénaturation des éléments de preuve, les requérantes cherchent, en réalité, à mettre en cause l’appréciation de nature factuelle effectuée par le Tribunal, selon laquelle la Commission pouvait, notamment eu égard aux pratiques de hausse coordonnée de prix au sein des organismes de coordination auxquels les requérantes avaient appartenu, valablement considérer que celles-ci avaient eu connaissance de l’ensemble des pratiques illicites concernées, y compris celles concernant les articles en céramique. Or, une telle appréciation échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi.

39      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la troisième branche du premier moyen comme étant irrecevable.

40      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le premier moyen du pourvoi dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 Argumentation des parties

41      Par leur second moyen, les requérantes critiquent le point 59 de l’arrêt attaqué, en ce que, faute pour le Tribunal d’avoir examiné certains arguments pertinents concernant la participation alléguée des requérantes à une infraction unique, l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation.

42      Le Tribunal aurait omis d’examiner, premièrement, si les requérantes avaient pour objectif de participer, par leur propre comportement, à l’objectif commun poursuivi, deuxièmement, si elles ont pu raisonnablement prévoir l’ensemble des comportements illicites envisagés ou mis en œuvre dans le cadre de la commercialisation des articles en céramique par d’autres entreprises dans la poursuite des objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et, troisièmement, si les requérantes étaient prêtes à accepter le risque relatif à de tels comportements.

43      Ce faisant, le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation.

44      Selon la Commission, le second moyen doit être rejeté comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

45      Il convient de constater que, dans la mesure où le second moyen du pourvoi s’apparente, en substance, aux deuxième, quatrième et cinquième branches du premier moyen, il doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 28 à 33 du présent arrêt.

46      Aucun des moyens invoqués par les requérantes n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

48      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celles-ci aux dépens, il y a lieu de les condamner aux dépens afférents au présent pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Masco Corp., Hansgrohe AG, Hansgrohe Deutschland Vertriebs GmbH, Hansgrohe Handelsgesellschaft mbH, Hansgrohe SA/NV, Hansgrohe BV, Hansgrohe SARL, Hansgrohe Srl, Hüppe GmbH, Hüppe GesmbH, Hüppe Belgium SA/NV et Hüppe BV sont condamnées aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.