Language of document : ECLI:EU:T:2016:9

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 janvier 2016 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑368/13 DEP,

Boehringer Ingelheim International GmbH, établie à Ingelheim am Rhein (Allemagne), représentée par Me V. von Bomhard, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Lehning entreprise SARL, établie à Sainte-Barbe (France), représentée par Me P. Demoly, avocat,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du 10 février 2015, Boehringer Ingelheim International/OHMI – Lehning entreprise (ANGIPAX) (T‑368/13, EU:T:2015:81),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Gervasoni et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 2013, la requérante, Boehringer Ingelheim International GmbH, a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision rendue par la cinquième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), le 29 avril 2013, dans l’affaire R 571/2012‑5, concernant l’opposition formée par elle à l’encontre de l’enregistrement en tant que marque communautaire de la marque verbale ANGIPAX.

2        Par l’arrêt du 10 février 2015, Boehringer Ingelheim International/OHMI – Lehning entreprise (ANGIPAX) (T‑368/13, EU:T:2015:81), le Tribunal a rejeté le recours et a condamné la requérante aux dépens.

3        Par courriel du 19 mars 2015, l’intervenante a écrit à la requérante afin que cette dernière lui règle le montant des dépens, estimés à 17 020,25 euros. Par courriel du 20 mars 2015, la requérante a considéré que le montant réclamé était injustifié, en sorte qu’elle a proposé le paiement d’une somme de 4 500 euros. À la suite de correspondances entre les parties, l’intervenante a proposé, par courriel du 20 avril 2015, le paiement de la somme de 10 850 euros, soit 10 000 euros au titre de la procédure devant le Tribunal et 850 euros au titre du montant ordonné dans le cadre de la procédure administrative. Par courriel du 18 mai 2015, la requérante a refusé cette proposition et a maintenu sa proposition de paiement des dépens à hauteur de 4 500 euros.

4        Le 1er juin 2015, l’intervenante a réitéré sa demande et a transmis à la requérante une copie des factures correspondant aux dépenses engagées. Elle a indiqué que, faute de paiement avant le 15 juin 2015, elle serait contrainte de saisir le Tribunal d’une demande de taxation des dépens. Par courriel du 1er juillet 2015, la requérante a rejeté la demande de l’intervenante et a assumé le fait qu’une requête en taxation des dépens allait être déposée devant le Tribunal, si cela n’avait pas encore été fait.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2015, l’intervenante a formé, au titre de l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, une demande de taxation des dépens par laquelle elle a demandé à celui-ci de fixer le montant des dépens récupérables à 18 520,25 euros, dont 1 500 euros générés dans le cadre de la procédure en taxation des dépens.

6        La requérante conteste le montant de la demande et propose le versement d’une somme globale de 4 500 euros. Elle considère, en substance, que le représentant de l’intervenante ne pouvait pas, en sa qualité d’avocat expérimenté et compétent en la matière, consacrer des heures à se familiariser avec la procédure devant le Tribunal. Elle rappelle que l’affaire était simple et qu’elle n’avait soulevé qu’un seul moyen. En outre, la requérante rappelle que l’intervenante a soulevé une fin de non-recevoir qui a été rejetée par le Tribunal et a déposé un mémoire inutile en ce qui concerne le refus de la tenue d’une audience, qui a été déclaré irrecevable.

 Conclusions des parties

7        L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer à 18 520,25 euros le montant des dépens dus par la requérante.

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer à 4 500 euros le montant des dépens récupérables.

 En droit

9        L’intervenante fait valoir que le montant des dépens récupérables mentionné au point 5 ci-dessus est justifié par des notes d’honoraires d’avocats précises et considère qu’un tel montant n’est pas excessif, eu égard à la jurisprudence applicable en la matière.

10      Il résulte de l’article 170 du règlement de procédure que, lorsqu’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations.

11      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [voir ordonnance du 25 janvier 2007, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Polo/Lauren (ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB), T‑214/04 DEP, EU:T:2007:16, point 13 et jurisprudence citée].

12      Il importe également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union européenne n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils [voir ordonnance du 7 janvier 2008, Rodrigues Carvalhais/OHMI – Profilpas (PERFIX), T‑206/04 DEP, EU:T:2008:2, point 8 et jurisprudence citée].

13      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnance ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB, point 11 supra, EU:T:2007:16, point 14 et jurisprudence citée).

14      En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnances du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, point 15, et du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, T‑278/07 P‑DEP, Rec, EU:T:2013:269, point 13).

15      S’agissant de l’appréciation de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer, il appartient au juge de l’Union de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties [voir ordonnance du 17 juin 2015, Mundipharma/OHMI – AFT Pharmaceuticals (Maxigesic), T‑328/12 DEP, EU:T:2015:430, point 18 et jurisprudence citée].

16      Enfin, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, la rétribution horaire dont l’application est demandée doit être prise en considération, dans la mesure où la prise en compte d’un taux horaire d’un niveau élevé n’apparaît appropriée que pour rémunérer les services de professionnels capables de travailler de façon efficace et rapide et doit, par voie de conséquence, avoir pour contrepartie une évaluation nécessairement stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure contentieuse [voir ordonnances Maxigesic, point 15 supra, EU:T:2015:430, point 19 et jurisprudence citée, et du 29 juin 2015, Reber/OHMI – Klusmeier (Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM), T‑530/10 DEP, EU:T:2015:482, point 33 et jurisprudence citée].

17      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

18      En premier lieu, il convient de constater que l’affaire principale n’a ni présenté une importance inhabituelle pour le droit de l’Union ni posé de questions juridiques nouvelles. Par ailleurs, cette affaire ne présentait, quant à son objet et à sa nature, aucune complexité particulière.

19      En deuxième lieu, il y a lieu de relever que, si l’affaire présentait évidemment un certain intérêt économique pour l’intervenante, ainsi qu’elle le revendique dans sa requête en produisant des données à cet effet, cet intérêt économique ne saurait, cependant, être considéré comme étant d’une importance inhabituelle par rapport à d’autres affaires similaires ou significativement différent de celui qui sous-tend toute opposition formée à l’encontre d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire [voir, en ce sens, ordonnances du 19 mars 2009, House of Donuts/OHMI – Panrico (House of donuts), T‑333/04 DEP et T‑334/04 DEP, EU:T:2009:73, point 15, et Maxigesic, point 15 supra, EU:T:2015:430, point 25].

20      En troisième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour l’intervenante, il convient de rappeler que la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (ordonnance ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB, point 11 supra, EU:T:2007:16, point 18).

21      En l’espèce, force est de constater que, si le taux horaire n’est pas, ainsi que le reconnaît d’ailleurs la requérante, excessif, il doit, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 16 ci-dessus, avoir pour contrepartie une évaluation nécessairement stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure contentieuse.

22      La requérante conteste, toutefois, le recours, par le représentant de l’intervenante, à un conseil de propriété intellectuelle, alors même que ledit représentant se présente, ainsi qu’il ressort de son papier à en-tête, comme étant « [s]pécialiste en droit de la propriété intellectuelle ».

23      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (voir ordonnance du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, T‑226/00 DEP et T‑227/00 DEP, Rec, EU:T:2003:61, point 44 et jurisprudence citée).

24      Premièrement, s’agissant du détail des frais exposés par l’intervenante au 26 septembre 2013, à savoir la somme de 1 560 euros, qui concernent l’utilisation de la langue de procédure, s’il est vrai que l’intervenante s’est opposée à l’utilisation de l’anglais dans la procédure au profit du français, la question du choix de la langue n’a pas pu exiger que sept heures y soient consacrées, contrairement à ce qu’allègue l’intervenante, cette dernière se présentant comme étant spécialiste en droit de la propriété intellectuelle.

25      Deuxièmement, s’agissant du détail des frais exposés par l’intervenante au 19 et au 26 décembre 2013, qui concernent l’étude du dossier, la préparation et la rédaction d’un mémoire, il convient de relever que l’intervenante a déposé un mémoire en réponse dont l’argumentation juridique comportait dix pages. Par ailleurs, la requérante n’avait soulevé qu’un moyen dans sa requête, dont l’argumentation juridique comportait quatorze pages, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1). Or, ainsi qu’il a été indiqué au point 18 ci-dessus, la question soulevée n’était ni nouvelle ni complexe. Force est, dès lors, de constater que la préparation du mémoire en réponse de l’intervenante ne se heurtait à aucune difficulté majeure. Enfin, il convient de relever que la phase de la procédure écrite n’a comporté qu’un seul échange de mémoires entre les parties.

26      Il résulte de ce qui précède que la demande de remboursement des frais correspondant aux 25 h 45 de travail consacrées à la seule préparation du mémoire en réponse apparaît manifestement excessive (voir, en ce sens, ordonnance Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM, point 16 supra, EU:T:2015:482, point 43 et jurisprudence citée).

27      Troisièmement, s’agissant du détail des frais exposés par l’intervenante au 30 juin 2014, correspondant à une durée de 3 h 45 de travail consacrées au suivi du dossier devant le Tribunal, alors même que les mémoires avaient été déposés, force est de constater que lesdits frais ne sauraient être considérés comme des frais indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, dès lors qu’ils sont relatifs à l’opposition de l’intervenante à la tenue d’une audience, cette dernière ayant été informée le 22 avril 2014 par le greffe du Tribunal de la demande de la requérante à être entendue dans l’affaire principale.

28      Il convient de rappeler à cet égard que, si la requérante a demandé la tenue d’une audience, l’intervenante s’y est opposée et a adressé, le 15 mai 2014, une lettre en ce sens au Tribunal, lettre qui n’a pas été versée au dossier dans la mesure où elle ne figure pas parmi les actes prévus par le règlement de procédure, ce qu’un spécialiste en droit de la propriété intellectuelle ne pouvait ignorer. Les frais liés à cette démarche, qui sont repris dans le détail des frais exposés par l’intervenante au 30 juin 2014 susmentionnés, ne sauraient dès lors être pris en considération, en sorte qu’ils doivent être intégralement rejetés.

29      Quatrièmement, s’agissant du détail des frais exposés par l’intervenante au 20 novembre 2014, qui concernent uniquement la préparation de l’audience et la tenue de cette dernière, le décompte qui fait état de 18 h 30 de travail est également manifestement excessif. En effet, un avocat expérimenté en la matière ne saurait consacrer autant de temps, dans une affaire telle que celle ayant donné lieu à l’arrêt ANGIPAX, point 2 supra (EU:T:2015:81), à la seule préparation de l’audience de plaidoiries. Par ailleurs, il convient de relever que, alors qu’il est indiqué, dans ledit détail des frais, que les plaidoiries devant le Tribunal ont duré quatre heures, compte-rendu inclus, il ressort du procès-verbal de l’audience que cette dernière n’a pas excédé 1 h 23. Il ne saurait, par ailleurs, être soutenu que la rédaction du compte-rendu de l’audience nécessiterait 2 h 37 de travail.

30      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient de constater que le nombre d’heures total qu’un professionnel capable de travailler de façon efficace et rapide serait amené à consacrer à l’ensemble des tâches liées à la représentation de l’intervenante devant le Tribunal ne saurait être aussi élevé que celui dont cette dernière fait état.

31      Cinquièmement, en ce qui concerne les frais de transport correspondant au déplacement à Luxembourg (Luxembourg) pour un montant de 296 euros, ils sont effectivement justifiés, ainsi que les frais de taxi à Luxembourg pour la somme de 35,50 euros. En revanche, les frais d’hôtellerie, incluant des frais de restauration, doivent être limités à la somme de 250 euros et les frais de taxi à Paris, lieu de résidence du représentant de l’intervenante, doivent être rejetés, au motif qu’ils ne sont pas indispensables aux fins de la procédure contentieuse.

32      Enfin, étant donné que le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, a tenu compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment où il statue, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés par les parties aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (ordonnance du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, Rec, EU:T:2002:13, point 44).

33      Compte tenu de ces considérations, il y a lieu de fixer le montant des dépens à 5 600 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par Boehringer Ingelheim International GmbH à Lehning entreprise SARL est fixé à 5 600 euros.

Fait à Luxembourg, le 12 janvier 2016.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : le français.