Language of document : ECLI:EU:T:2012:553

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 octobre 2012 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services de maintenance, développement et support d’applications informatiques – Rejet des offres de la requérante et attribution des marchés à un autre soumissionnaire – Critères de sélection – Critères d’attribution – Obligation de motivation – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑447/10,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et M. Dermitzakis, avocats,

partie requérante,

contre

Cour de justice de l’Union européenne, représentée par M. T. Lefèvre, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Cour de justice du 12 juillet 2010 par laquelle elle a rejeté les offres de la requérante pour les lots nos 1 et 2 de l’appel d’offres CJ 7/09, du 11 novembre 2009, pour la maintenance, le développement et le soutien des applications informatiques (JO 2009, S 217-312293), ainsi que de toutes les autres décisions liées de la Cour de justice, y compris celle d’attribuer les contrats respectifs aux contractants retenus, et, d’autre part, une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société active dans le secteur des technologies de l’information et des communications.

2        Par un avis du 11 novembre 2009, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2009, S 217-312293), sous la référence CJ 7/09, la Cour de justice de l’Union européenne a lancé un appel d’offres portant sur la maintenance, le développement et le soutien des applications informatiques.

3        Il ressort du point 3 du cahier des charges que l’appel d’offres portait sur une mise à disposition d’une équipe pour la maintenance, le développement et le soutien d’applications informatiques. Selon les informations figurant aux points 3.5.2 et 3.5.3 du cahier des charges, le nombre indicatif des membres de l’équipe intra muros s’élevait à approximativement 22 personnes et les soumissionnaires devaient prévoir également une équipe extra muros.

4        Le point 5 du cahier des charges est intitulé « Analyse des offres ».

5        Le point 5.3 du cahier des charges concerne l’examen des critères de sélection. Selon le point 5.3.2.1 du cahier des charges et son annexe H, la capacité d’un soumissionnaire de mettre à la disposition de la Cour de justice une équipe disposant des compétences techniques minimales est examinée notamment à l’aide des 34 curriculum vitae soumis par les soumissionnaires.

6        Le point 5.4 du cahier des charges porte sur l’examen des critères d’attribution. Il prévoit que les deux lots seront attribués aux offres économiquement les plus avantageuses.

7        Les points 5.4.1.1 à 5.4.1.2 du cahier des charges, qui concernent les critères de qualité, sont formulés comme suit :

« 5.4.1.1 Critères techniques : Aspects communs aux deux lots

Cette partie compte pour 50 points sur 70.

La majorité des aspects analysés le sont à la lumière de l’information fournie dans l’Annexe E. Ils sont analysés en tenant compte des spécificités du lot pour lequel l’offre est soumise. Les pondérations indiquées entre parenthèses sont appliquées à ces aspects pour le calcul du score d’ensemble du critère de qualité.

–        Garanties sur la stabilité de l’équipe (7 points)

Il sera tenu compte de la nature du lien juridique entre le soumissionnaire et les personnes proposées.

–        Garanties concernant l’acquisition des compétences (7 points)

Approche proposée pour assurer le transfert de compétences au sein de l’équipe et vers les fonctionnaires de la Cour de justice.

Approche proposée pour assurer une bonne transition des produits du développement vers la maintenance.

Approche proposée pour la gestion rationnelle des connaissances acquises pendant les projets et d’autres bonnes pratiques.

–        Garanties sur la maîtrise des calendriers des travaux (10 points)

–        Assurance-qualité (10 points) : garanties apportées par l’organisation sur la qualité des livrables.

–        Proposition pour la phase de démarrage du contrat (3 points) : approche proposée pour les travaux de prise de connaissance des systèmes d’information existants ou en développement.

–        La qualité technique de l’équipe proposée (10 points) : la compétence, l’expérience, l’organisation et la formation de l’équipe proposée dans le domaine du lot et notamment les profils disponibles et la couverture des technologies de la Cour de justice par les compétences techniques disponibles, sachant que la Cour de justice demande un minimum de personnes par profil ; sachant également qu’elle fera appel ponctuellement à de la consultance sur des points techniques spécifiques et/ou avancés, et que la société doit donc montrer qu’elle possède l’expérience et les ressources lui permettant de répondre efficacement à ces demandes et ainsi assister l’équipe prestataire en place à la Cour de justice (y compris l’expert technique – voir la description des profils et le tableau des profils disponibles) si elles ne peuvent être satisfaites efficacement par cette équipe. La compétence de l’équipe proposée en ce qui concerne l’utilisation du français comme langue de travail écrite et parlée est aussi prise en compte.

Les [curriculum vitae] fournis sont analysés pour leur qualité au-delà de leurs caractéristiques minimales requises pour la sélection. Toute surestimation manifeste de l’expérience des candidats constitue un facteur négatif dans l’analyse de l’offre.

–        Qualité du dossier d’offre (3 points) : le dossier d’offre lui-même est considéré comme représentatif de la qualité des documents produits par le soumissionnaire et, à ce titre, sa qualité propre (présentation, clarté, efficacité d’expression, manière de présenter l’information dans les documents fournis cités en référence, qualité rédactionnelle, etc.) entre en ligne de compte pour l’évaluation qualitative de l’offre.

5.4.1.2 Éléments spécifiques selon les lots

Cette partie compte pour 20 points sur 70.

Lot 1 (Développement)

–        Éléments techniques réutilisables (10 points).

–        Garanties quant à la bonne évaluation des coûts de développement (10 points).

Lot 2 (Maintenance)

–        Gestion de la charge (10 points) : organisation mise en place pour absorber les pics de charge de maintenance.

–        Garanties sur la maîtrise du large portefeuille de technologies, y compris celles générant une faible charge de travail (10 points). »

8        Le 29 janvier 2010, la requérante a soumis ses offres pour les lots nos 1 et 2 à la Cour de justice en réponse à l’appel d’offres susmentionné.

9        Le 9 juillet 2010, le comité d’évaluation des offres a conclu que la requérante n’était pas exclue et satisfaisait à tous les critères de sélection, mais que, sur la base des critères d’attribution, ses offres n’étaient pas économiquement les plus avantageuses.

10      Le 12 juillet 2010, la Cour de justice a envoyé à la requérante une lettre l’informant qu’elle ne s’était pas vu attribuer les marchés, car, au terme de la phase d’attribution, ses offres n’avaient pas été considérées comme étant les meilleures. Elle a indiqué à la requérante qu’elle pouvait être informée plus en détail sur les raisons justifiant le rejet de ses offres, notamment les caractéristiques et les avantages relatifs des offres retenues.

11      Le même jour, la requérante a envoyé à la Cour de justice une lettre lui demandant de l’informer, dans un délai de 14 jours, notamment sur les points suivants relatifs aux deux lots de l’appel d’offres :

–        les notes accordées à ses offres ainsi qu’à celles des soumissionnaires retenus pour chaque critère technique d’attribution, accompagnées d’une analyse approfondie des points forts et des points faibles de ses offres ainsi que de celles des soumissionnaires retenus, expliquant les avantages relatifs et les services supplémentaires ou de meilleure qualité offerts par les soumissionnaires retenus par rapport à ses offres ;

–        le contenu du rapport du comité d’évaluation pour les lots nos 1 et 2.

12      La Cour de justice a répondu par lettre du 22 juillet 2010. Dans celle-ci, elle a d’abord indiqué, dans deux tableaux, les notes obtenues, d’une part, par la requérante et, d’autre part, par les soumissionnaires retenus. Ces tableaux indiquaient non seulement la note globale et les notes pour l’ensemble des critères de qualité et l’ensemble des critères de prix, mais aussi les notes attribuées pour chaque sous-critère de qualité mentionné aux points 5.4.1.1 et 5.4.1.2 du cahiers des charges ainsi que pour chaque sous-critère de prix. En dessous de ces tableaux, la Cour de justice a observé que ces notes montraient que, en dépit de leur qualité, les offres de la requérante avaient été classées à une position inférieure à celle des offres sélectionnées, au vu des critères examinés pour chaque lot, et que les détails des points alloués pour chaque critère lui permettaient d’identifier les points forts et les points faibles de ses offres.

13      Ensuite, la Cour de justice a exposé les raisons principales pour lesquelles les offres de la requérante avaient été considérées comme étant de moindre qualité, à savoir « l’absence d’éléments concrets pour appliquer les moyens proposés », « le peu d’indications quant aux compétences fonctionnelles de gestion dans le domaine de la Cour », « la faiblesse relative de la procédure assurant le transfert du développement vers la maintenance en ce qui concerne le critère des garanties concernant l’acquisition des compétences » et « le nombre réduit d’éléments garantissant la stabilité de l’équipe ».

14      Enfin, la Cour de justice a exposé les raisons pour lesquelles les offres retenues avaient été estimées plus avantageuses. Elle a précisé que les principales raisons pour lesquelles la qualité de l’offre du consortium @LEX a été jugée élevée étaient, notamment, « une gestion efficace de l’échéancier » et « la qualité de la fourniture des services requis ». De même, les principales raisons pour lesquelles la qualité de l’offre du consortium Logica a été jugée élevée étaient, notamment, « la présentation concrète des procédures et méthodes » ainsi que « les détails garantissant que le soumissionnaire allait fournir les services requis d’une manière optimale ».

15      Le 28 juillet 2010, la requérante a envoyé une nouvelle lettre à la Cour de justice, dans laquelle elle se plaignait notamment de la motivation insuffisante fournie. Dans ce contexte, elle a reproché à la Cour de justice de ne pas lui avoir communiqué une copie du rapport d’évaluation et d’avoir refusé de fournir des informations même élémentaires sur ses offres et sur les offres des soumissionnaires retenus. Ensuite, la requérante a réitéré sa demande d’obtenir une motivation détaillée de la décision du 12 juillet 2010.

16      Par lettre du 6 août 2010, la Cour de justice a d’abord indiqué que, tout en estimant avoir pleinement respecté la jurisprudence en ce qui concerne l’obligation de motivation en cas de rejet d’une offre dans une procédure de passation de marché communautaire, elle acceptait de joindre à sa lettre un extrait du rapport d’évaluation pour les lots nos 1 et 2. Un document intitulé « Procès verbal d’évaluation et de classement des offres déclarées conformes » était annexé à cette lettre.

17      Le même jour, la requérante a envoyé une nouvelle lettre à la Cour de justice, dans laquelle elle a critiqué le fait que l’extrait du rapport d’évaluation ne contenait pas de justification concernant les notes accordées par le comité d’évaluation à ses offres et à celles des soumissionnaires retenus.

18      Le 12 août 2010, la Cour de justice a envoyé une lettre indiquant que, dans ses lettres précédentes, elle avait fourni à la requérante toutes les informations requises concernant l’appel d’offres.

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 septembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

20      Par lettre du 2 décembre 2011, le Tribunal a demandé à la Cour de justice de répondre à des questions et de produire des documents dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, conformément à l’article 64 de son règlement de procédure. La Cour de justice a fait suite à cette demande dans le délai imparti.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 25 janvier 2012.

22      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de ses offres, ainsi que toutes les autres décisions liées de la Cour de justice, y compris celles d’attribuer les contrats respectifs aux contractants retenus ;

–        condamner la Cour de justice à lui verser des dommages-intérêts pour le préjudice subi au titre de la procédure d’appel d’offres en question pour un montant de 5 millions d’euros ;

–        condamner la Cour de justice à lui verser des dommages-intérêts pour le préjudice subi au titre de la perte d’opportunité et pour le préjudice porté à sa réputation et à sa crédibilité pour un montant de 500 000 euros ;

–        condamner la Cour de justice aux dépens.

23      La Cour de justice demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      Au cours de l’audience, la requérante a renoncé à son premier moyen, tiré d’une violation de l’article 93, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1525/2007 du Conseil, du 17 décembre 2007 (JO L 343, p. 9) (ci-après le « règlement financier »).

 En droit

1.     Sur la demande en annulation 

 Sur la recevabilité de la demande en annulation

25      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’annuler la décision de rejet de ses offres, ainsi que toutes les autres décisions liées de la Cour de justice, y compris celles d’attribuer les contrats respectifs aux contractants retenus.

26      Dans la mesure où la requérante demande l’annulation de la décision du 12 juillet 2010, par laquelle la Cour de justice a rejeté ses offres pour les lots nos 1 et 2 de l’appel d’offres et a décidé d’attribuer les contrats concernant ces lots à d’autres soumissionnaires, cette demande est recevable.

27      En revanche, la demande d’annulation est irrecevable dans la mesure où la requérante demande l’annulation d’autres décisions liées à la décision du 12 juillet 2010. En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 96). Or, en l’espèce, la requérante ne précise pas quelles autres décisions sont visées en dehors de la décision du 12 juillet 2010 et ne développe aucune argumentation au soutien de sa demande d’annulation de ces autres décisions.

28      Par conséquent, il convient d’examiner uniquement le bien-fondé de la demande d’annulation visant la décision du 12 juillet 2010, par laquelle la Cour de justice a rejeté les offres de la requérante pour les lots nos 1 et 2 de l’appel d’offres et a décidé d’attribuer les contrats concernant ces lots à d’autres soumissionnaires (ci-après la « décision attaquée »).

 Sur le bien-fondé de la demande en annulation

29      Ayant renoncé à son premier moyen, tiré d’une violation de l’article 93, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement financier, la requérante fonde sa demande en annulation de la décision attaquée sur trois moyens, à savoir un moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation (deuxième moyen), un moyen tiré d’une violation du principe de non-discrimination (troisième moyen) et un moyen tiré d’une confusion entre les critères de sélection et d’attribution (quatrième moyen).

30      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le quatrième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une confusion entre les critères de sélection et les critères d’attribution

31      Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante reproche à la Cour de justice d’avoir violé l’article 138 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) n° 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO L 111, p. 13) (ci-après les « modalités d’exécution »), en évaluant les curriculum vitae des membres des équipes proposées par les soumissionnaires non seulement dans le cadre de la phase de sélection, mais aussi dans le cadre de la phase d’attribution.

32      Ce moyen se divise en deux branches, tirées, d’une part, d’une confusion entre les phases de sélection et d’attribution et, d’autre part, du non-respect par la Cour de justice de la limitation de l’utilisation des curriculum vitae pour la phase de sélection.

–       Sur la première branche, tirée d’une confusion entre les phases de sélection et d’attribution

33      La requérante reproche à la Cour de justice d’avoir confondu la phase de sélection et la phase d’attribution en évaluant les curriculum vitae des membres de l’équipe proposée dans les deux phases.

34      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier, « [les] marchés sont attribués sur la base des critères d’attribution applicables au contenu de l’offre, après vérification, sur la base des critères de sélection définis dans les documents d’appel à la concurrence, de la capacité des opérateurs économiques non exclus en vertu des articles 93 et 94 et de l’article 96, paragraphe 2, [sous] a)[, du même règlement] ».

35      Il s’ensuit qu’une distinction doit être opérée entre les critères de sélection et les critères d’attribution. En effet, si, en théorie, le règlement financier et les modalités d’exécution n’excluent pas que la vérification de l’aptitude des soumissionnaires et l’attribution du marché aient lieu simultanément, il n’en demeure pas moins que ces deux opérations sont distinctes et qu’elles sont régies par des règles différentes (arrêt du Tribunal du 8 décembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑39/08, non publié au Recueil, point 18 ; voir, par analogie, arrêts de la Cour du 20 septembre 1988, Beentjes, 31/87, Rec.p. 4635, point 16, et du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C‑532/06, Rec.p. I‑251, point 26).

36      Dans le cadre de la phase de sélection, la vérification de l’aptitude des soumissionnaires est effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément à l’article 137 des modalités d’exécution, dont le premier paragraphe prévoit que, notamment dans les procédures de passation des marchés publics ayant pour objet la prestation de services, la capacité technique et professionnelle des opérateurs économiques est évaluée en tenant compte, notamment, de leur savoir-faire, de leur efficacité, de leur expérience et de leur fiabilité.

37      En revanche, les modalités et les critères d’attribution du marché sont réglés à l’article 138 des modalités d’exécution, dont le paragraphe 2 dispose que l’offre économiquement la plus avantageuse est celle qui présente le meilleur rapport entre la qualité et le prix, compte tenu de critères justifiés par l’objet du marché. Cette disposition contient une liste non limitative de critères, tels que le prix proposé, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, le coût d’utilisation, la rentabilité, le délai d’exécution ou de livraison, le service après-vente et l’assistance technique. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent donc déterminer d’autres critères d’attribution que ceux mentionnés à l’article 138, paragraphe 2, des modalités d’exécution, à condition que ces critères visent à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (voir, par analogie, arrêts Beentjes, point 35 supra, point 19, et Lianakis e.a., point 35 supra, point 29).

38      Il s’ensuit que l’examen du pouvoir adjudicateur dans le cadre de la phase d’attribution doit porter sur la qualité des offres elles-mêmes et non sur les critères de sélection, comme la capacité technique des soumissionnaires, qui ont déjà été vérifiés lors de la phase de sélection des soumissionnaires et qui ne peuvent pas être à nouveau pris en compte aux fins de la comparaison des offres (arrêts du Tribunal du 26 février 2002, Esedra/Commission, T‑169/00, Rec. p. II‑609, point 158, et du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, Rec. p. II‑2627, point 86).

39      Partant, sont exclus des critères d’attribution ceux qui ne visent pas à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, mais qui sont liés essentiellement à l’appréciation de l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché en question (voir, par analogie, arrêt Lianakis e.a., point 35 supra, point 30).

40      Par conséquent, l’utilisation, dans la phase d’attribution, d’un critère fondé sur l’expérience des soumissionnaires n’est pas conforme à l’article 138 des modalités d’exécution, dans la mesure où il s’agit d’un critère visant à établir l’aptitude du soumissionnaire à exécuter un marché et non à déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse (arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 35 supra, point 23 ; voir, par analogie, arrêts de la Cour Lianakis e.a., point 35 supra, point 31, et du 12 novembre 2009, Commission/Grèce, C‑199/07, Rec. p. I‑10669, point 56).

41      Par ailleurs, un critère appréciant la capacité d’un soumissionnaire de mettre à la disposition du pouvoir adjudicateur une équipe issue de ses ressources propres n’est pas un critère d’attribution au sens de l’article 138 des modalités d’exécution. En effet, dans la mesure où un tel critère vise, au moins pour partie, l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché, il ne se rapporte pas uniquement à la qualité des prestations de services. Partant, il ne vise pas uniquement à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (arrêt du Tribunal du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, non encore publié au Recueil, point 148).

42      En revanche, un critère fondé sur les compétences techniques et l’expérience professionnelle des membres de l’équipe qu’un soumissionnaire propose pour l’exécution d’un contrat-cadre peut, dans certaines situations, constituer un critère d’attribution au sens de l’article 138 des modalités d’exécution. Tout d’abord, il convient de rappeler que les critères d’attribution ne doivent pas nécessairement tous être de nature quantitative (arrêt Evropaïki Dynamiki/BEI, point 41 supra, point 147). Ensuite, il y a lieu de constater que, dans la double hypothèse où un contrat-cadre porte sur des services à caractère hautement technique et où l’objet exact des services à fournir doit être déterminé au fur et à mesure de l’exécution de ce contrat, les compétences techniques et l’expérience professionnelle des membres de l’équipe proposée sont susceptible de se répercuter sur la qualité des services rendus dans le cadre d’un tel contrat. Dans une telle hypothèse, les compétences techniques et l’expérience professionnelle peuvent donc déterminer la valeur technique de l’offre d’un soumissionnaire et, par conséquent, sa valeur économique.

43      C’est en tenant compte de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé du moyen de la requérante, selon lequel la Cour de justice a violé l’article 138 des modalités d’exécution en examinant les curriculum vitae soumis dans ses offres une première fois dans le cadre de la phase de sélection et une seconde fois dans le cadre de la phase d’attribution.

44      Dans ce contexte, il convient d’examiner l’ensemble des points du cahier des charges portant sur les curriculum vitae.

45      En application du point 4.4.4.6 du cahier des charges et de son annexe H, les soumissionnaires étaient tenus de soumettre, pour chaque lot, 34 curriculum vitae de personnes disposant de certains profils requis (chef de projet, responsable de projet, analyste programmeur expérimenté et non expérimenté, expert technique). Il résulte notamment du point 3.1 du cahier des charges que l’équipe proposée par le soumissionnaire pour l’exécution du contrat doit, en principe, être constituée de ces 34 personnes. Au point 4.4.4.6 du cahier des charges, la Cour de justice a expliqué la raison pour laquelle 34 curriculum vitae devaient être soumis, alors qu’il ressortait du point 3.5.2 du cahier des charges que la taille approximative de l’équipe intra muros était limitée à 22 personnes. Selon la Cour de justice, cet écart avait comme objectif d’assurer que les soumissionnaires retenus disposeraient de suffisamment de ressources humaines pour, d’une part, former non seulement l’équipe intra muros, mais aussi l’équipe extra muros et, d’autre part, compenser d’éventuelles fluctuations de personnel.

46      Par ailleurs, il ressort du point 4.4.4.8 du cahier des charges et de son annexe H que les soumissionnaires ne pouvaient pas se borner à soumettre les 34 curriculum vitae susmentionnés. Ils devaient également indiquer un nombre nettement supérieur de personnes ayant les profils requis et pouvant être mises à la disposition de la Cour de justice pour d’éventuelles missions dans ses locaux. Cependant, les soumissionnaires ne devaient pas déposer de curriculum vitae pour ces personnes.

47      Les critères pour l’examen des 34 curriculum vitae auquel la Cour de justice a procédé dans le cadre de la phase de sélection sont déterminés au point 5.3.2.1 du cahier des charges. En application de ce point et à l’aide des informations contenues dans les annexes G et H du cahier des charges, la Cour de justice a analysé si les soumissionnaires étaient capables de mettre à sa disposition une équipe pour les services intra et extra muros disposant des compétences techniques minimales ainsi que des personnes supplémentaires disposant de ces compétences afin de faire face à d’éventuels besoins de la Cour de justice. Dans ce contexte, la Cour de justice a examiné notamment si les 34 curriculum vitae soumis par la requérante correspondaient aux exigences minimales des différents profils requis. Toutefois, comme il ressort du point 5.3.2.1 du cahier des charges, la Cour de justice se réservait le droit de contrôler toutes les données inscrites dans les tableaux figurant aux annexes G et H ainsi que dans les curriculums vitae « par tous les moyens possibles ». Elle se réservait donc le droit d’examiner également la capacité des soumissionnaires de mettre d’autres personnes à sa disposition pour faire face à d’éventuels besoins supplémentaires.

48      L’examen des curriculum vitae prévu au point 5.3.2.1 du cahier des charges visait donc à apprécier l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché, conformément à l’article 137 des modalités d’exécution.

49      L’examen des curriculum vitae des membres de l’équipe proposée auquel la Cour de justice a procédé dans le cadre de la phase d’attribution est prévu au point 5.4.1.1 du cahier des charges. Selon ce point, un des critères examinés dans le cadre de la phase d’attribution est la compétence, l’expérience, l’organisation et la formation de l’équipe proposée dans le domaine du lot respectif. Il ressort de ce point que la Cour de justice a examiné ce critère notamment à l’aide des 34 curriculum vitae soumis. L’analyse des curriculum vitae dans ce contexte était différente de celle à laquelle la Cour de justice avait procédé dans le cadre de la phase de sélection, puisqu’elle ne se limitait pas à examiner si les curriculum vitae présentaient les caractéristiques minimales requises, mais visait à évaluer la qualité technique de l’équipe proposée.

50      Il y a lieu d’examiner si un tel examen est conforme à l’article 138 des modalités d’exécution.

51      À titre liminaire, il convient de relever que, en application des points 5.4 et 5.5 du cahier des charges, le mode d’attribution des marchés en cause était celui de l’offre économiquement la plus avantageuse.

52      Or, force est de constater que l’examen des curriculum vitae auquel la Cour de justice a procédé dans le cadre de la phase d’attribution visait à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse.

53      Dans ce contexte, en premier lieu, il convient de rappeler que la qualité technique et l’expérience professionnelle des membres de l’équipe proposée par un soumissionnaire pour l’exécution du contrat-cadre peuvent correspondre à un critère permettant d’établir la valeur technique d’une offre. Tel est notamment le cas dans la double hypothèse où l’équipe proposée doit fournir des services à caractère hautement technique et où l’objet exact des services devant être fournis n’est pas encore déterminé dans le contrat-cadre, mais doit l’être au fur et à mesure de l’exécution de ce contrat (voir point 42 ci-dessus).

54      En l’espèce, l’appel d’offres portait sur la mise à disposition d’une équipe devant fournir des services de développement, de maintenance et de soutien d’applications de technologie de l’information. La nature exacte de ces services n’était pas encore déterminée et devait l’être au fur et à mesure de l’exécution du contrat. La qualité technique et l’expérience professionnelle de l’équipe proposée avaient donc une influence sur la valeur technique de l’offre et donc sur sa valeur économique, ainsi qu’il ressort du contenu de l’appel d’offres.

55      À cet égard, la Cour de justice relève à juste titre que les applications de technologie de l’information qui font l’objet des lots nos 1 et 2 sont utilisées par le personnel de la Cour de justice. L’efficacité et la rapidité dont fait preuve une équipe dans le cadre du traitement de problèmes concernant le maintien de ces applications ou dans le cadre du développement de nouvelles applications sont donc susceptibles de se répercuter sur l’efficacité du travail d’une grande partie du personnel de la Cour de justice et pourrait donc avoir un impact non négligeable sur les frais de gestion encourus par celle-ci. Par conséquent, l’examen des curriculum vitae permet de déterminer la valeur technique de l’offre d’un soumissionnaire et, par conséquent, sa valeur économique.

56      En deuxième lieu, il convient de constater que l’examen des curriculum vitae prévu au point 5.4.1.1 du cahier des charges n’avait pas comme objectif d’examiner si les profils respectifs satisfaisaient aux exigences minimales. Il visait à apprécier la valeur technique des équipes proposées par les différentes offres afin de pouvoir comparer leur valeur économique, comme le prévoit l’article 138 des modalités d’exécution.

57      En troisième lieu, il y a lieu de relever que, en examinant les 34 curriculum vitae, la Cour de justice a apprécié la qualité technique de l’offre. En effet, il ressort notamment du point 3.1 du cahier des charges que l’équipe devant être mise à sa disposition devait en principe être constituée parmi les 34 personnes pour lesquelles un curriculum vitae avait été soumis.

58      Par conséquent, l’examen des curriculum vitae auquel la Cour de justice a procédé dans le cadre de la phase d’attribution en application du point 5.4.1.1 du cahier des charges visait à déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

59      Ce constat est corroboré par le point 4.4.3 du cahier des charges, selon lequel le prix demandé par un soumissionnaire peut dépendre du profil de l’équipe standard proposée à la Cour de justice.

60      Ledit constat n’est pas remis en cause par le fait que la Cour de justice a rappelé, au point 5.4.1.1 du cahier des charges, que les soumissionnaires devaient montrer qu’ils possédaient l’expérience et les ressources leur permettant de répondre efficacement à ses demandes et devaient assister l’équipe prestataire en place si les demandes ne pouvaient pas être satisfaites efficacement par cette équipe.

61      Certes, dans la mesure où la Cour de justice a fait référence à l’expérience et aux ressources du soumissionnaire, il s’agit de critères qui pourraient concerner, à tout le moins partiellement, la capacité des soumissionnaires à exécuter le contrat.

62      Toutefois, il ne peut être déduit du point 5.4.1.1 du cahier des charges que la Cour de justice a examiné l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le contrat dans le cadre de la phase d’attribution. En effet, il ressort de la formulation de ce point, notamment des mots « sachant que », qu’il s’agit d’un simple rappel des exigences que la Cour de justice a examinées pendant la phase de sélection. Ce rappel ne change rien au fait que le critère examiné en application du point 5.4.1.1 du cahier des charges était celui de la qualité de l’équipe proposée et que l’évaluation des 34 curriculum vitae visait donc à examiner la qualité technique de l’équipe proposée.

63      La Cour de justice n’a donc pas violé l’article 138 des modalités d’exécution en examinant les curriculum vitae une première fois dans le cadre de la phase de sélection et une seconde fois dans le cadre de la phase d’attribution. Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du quatrième moyen.

–       Sur la seconde branche, tirée du non-respect par la Cour de justice de la limitation de l’utilisation des curriculum vitae pour la phase de sélection

64      La requérante reproche à la Cour de justice d’avoir examiné les curriculum vitae dans le cadre de la phase d’attribution, alors qu’elle les avait soumis uniquement pour la phase de sélection.

65      Cette seconde branche du quatrième moyen n’est pas fondée.

66      En effet, comme la Cour de justice l’a relevé à bon droit, il ressort clairement du point 5.4.1.1 du cahier des charges que la Cour de justice allait analyser les curriculum vitae non seulement dans le cadre de la phase de sélection, mais aussi dans le cadre de la phase d’attribution.

67      La seconde branche doit donc être rejetée, de même que le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

68      La requérante reproche à la Cour de justice d’avoir violé l’obligation de motivation au sens de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution. Elle avance, en substance, que la Cour de justice n’a pas suffisamment motivé le rejet de ses offres, ni donné suffisamment d’informations quant aux avantages relatifs des offres sélectionnées. Par ailleurs, elle demande au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure visant à la production de certains documents.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

69      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Cour de justice, à l’instar des autres institutions, dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, Rec. p. 2215, point 20, et arrêt TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, point 38 supra, point 47).

70      Il convient également de relever que, lorsqu’une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union européenne dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑387/08, non publié au Recueil, point 31).

71      Pour la passation de marchés publics de services, l’obligation de motivation est concrétisée dans l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149 des modalités d’exécution, dont il ressort qu’un pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, tout d’abord, d’informer immédiatement les soumissionnaires écartés du rejet de leur offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires qui en font la demande expresse, les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite.

72      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêts du Tribunal du 14 juillet 1995, Koyo Seiko/Conseil, T‑166/94, Rec. p. II‑2129, point 103, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 70 supra, point 38).

73      En outre, il importe de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

74      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il y a lieu d’examiner si la Cour de justice a violé son obligation de motivation. Pour déterminer si, en l’espèce, il est satisfait aux exigences de l’obligation de motivation prévue par le règlement financier et les modalités d’exécution, il convient d’examiner les lettres de la Cour de justice du 12 et du 22 juillet 2010, envoyée à la requérante à la suite de la demande d’obtention d’informations complémentaires sur le rejet de l’offre, ainsi que du 6 août 2010.

–       Sur la lettre du 12 juillet 2010

75      En l’espèce, la Cour de justice a informé la requérante, par sa lettre du 12 juillet 2010, qu’elle avait rejeté ses offres. Dans sa lettre, tout d’abord, la Cour de justice s’est limitée à signaler que les offres de la requérante n’avaient pas été les meilleures. Ensuite, elle a informé la requérante de la possibilité de demander des renseignements additionnels sur les motifs du rejet de ses offres, notamment sur les caractéristiques et les avantages relatifs des offres retenues et le nom des soumissionnaires retenus. Enfin, elle a indiqué que certains détails des offres précitées ne seraient pas communiqués si cette communication faisait obstacle à l’application des lois, était contraire à l’intérêt public, portait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pouvait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci.

76      Quoique revêtant à certains égards un caractère stéréotypé, cette lettre a été rédigée conformément aux dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. Cependant, il convient de rappeler que cette disposition exige également d’un pouvoir adjudicateur de communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire à tout soumissionnaire écarté ayant fait une offre recevable qui en a fait la demande par écrit.

–       Sur la lettre du 22 juillet 2010

77      À la suite de la demande de la requérante du 12 juillet 2010 visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision attaquée, la Cour de justice a envoyé à cette dernière une deuxième lettre, le 22 juillet 2010.

78      S’agissant de cette lettre, il importe de relever, en premier lieu, que la Cour de justice a répondu à la demande écrite de la requérante du 12 juillet 2010 dans le respect du délai maximal de quinze jours de calendrier, à compter de la réception de ladite demande, tel que prévu par l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution.

79      Forcer est de constater, en deuxième lieu, que la Cour de justice a indiqué les noms des consortiums retenus pour les lots nos 1 et 2 ainsi que les noms de leurs membres, tel que le prévoit l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

80      Il convient donc d’examiner, en troisième lieu, si la lettre du 22 juillet 2010 contient une description des caractéristiques et des avantages des offres retenues qui satisfait aux exigences de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

81      Cette lettre contenait les deux tableaux suivants :

Lot 1 : Développement des systèmes d’information

Points disponibles

European Dynamics

@Lex

Critères de qualité

70

45,40

55,92

Aspects communs aux deux lots

50

31,40

39,92

Garanties sur la stabilité de l’équipe

7

2,58

5,00

Garanties concernant l’acquisition des compétences

7

4,00

5,33

Garanties sur la maîtrise des calendriers des travaux

10

6,33

8,00

Assurance qualité

10

7,67

8,67

Proposition pour la phase de démarrage du contrat

3

1,87

2,50

Qualité technique de l’équipe proposée

10

7,10

7,92

Qualité du dossier d’offre

3

2,05

2,50

Lot 1 – Développement

20

14,00

16,00

Éléments techniques réutilisables

10

7,00

9,00

Garanties quant à la bonne évaluation des coûts de développement

10

7,00

7,00

Critères de prix

30

27,89

24,13

Montants forfaitaires des prestations de démarrage

6

4,00

6,00

Prix par unité de temps proposés pour les prestations

24

23,89

18,13

Total

100

73,29

80,05



Lot 2 : Maintenance des systèmes d’information

Points disponibles

European Dynamics

Logica

Critères de qualité

70

43,95

61,97

Aspects communs aux deux lots

50

30,15

44,37

Garanties sur la stabilité de l’équipe

7

2,58

5,92

Garanties concernant l’acquisition des compétences

7

3,83

6,42

Garanties sur la maîtrise des calendriers des travaux

10

5,25

9,00

Assurance qualité

10

7,67

9,08

Proposition pour la phase de démarrage du contrat

3

1,87

3,00

Qualité technique de l’équipe proposée

10

7,10

8,20

Qualité du dossier d’offre

3

2,05

2,75

Lot 2 – Maintenance

20

13,80

17,60

Gestion de la charge

10

7,20

9,00

Garanties sur la maîtrise du large portefeuille de technologies

10

6,80

8,60

Critères de prix

30

27,89

26,44

Montants forfaitaires des prestations de démarrage

6

4,00

6,00

Prix par unité de temps proposés pour les prestations

24

23,89

20,44

Total

100

71,84

88,41


82      La Cour de justice a constaté dans ladite lettre que les offres de la requérante avaient été classées à une position inférieure à celle des offres retenues sur la base des critères examinés pour chaque lot et a relevé que les détails des points alloués pour chaque critère permettaient d’identifier les points les plus forts et les plus faibles des offres de la requérante.

83      En outre, la Cour de justice a indiqué les raisons principales pour lesquelles les offres de la requérante ont été considérées comme étant de moindre qualité, à savoir, « l’absence d’éléments concrets pour appliquer les moyens proposés », « le peu d’indications quant aux compétences fonctionnelles de gestion dans le domaine de la Cour », « la faiblesse relative de la procédure assurant le transfert du développement vers la maintenance en ce qui concerne le critère des garanties pour l’acquisition des compétences » et « le nombre réduit d’éléments garantissant la stabilité de l’équipe ».

84      Par ailleurs, la Cour de justice a mentionné les raisons principales pour lesquelles les offres retenues ont été considérées comme étant meilleures.

85      Quant à l’offre du consortium @LEX pour le lot n° 1, elle a indiqué que les principales raisons étaient, notamment, « une gestion efficace de l’échéancier » et « la qualité de la fourniture des services requis ».

86      Quant à l’offre du consortium Logica pour le lot n° 2, elle a constaté que les principales raisons étaient, notamment, « la présentation concrète des procédures et des méthodes » et « les détails garantissant que le soumissionnaire fournirait les services requis d’une manière optimale ».

87      Force est de constater que la motivation contenue dans la lettre du 22 juillet 2010 ne satisfait pas aux exigences de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

88      Tout d’abord, il convient de relever que, contrairement à ce qu’avance la Cour de justice, les notes indiquées dans les tableaux susmentionnés ne constituent pas en elles-mêmes une motivation suffisante.

89      Certes, ces tableaux indiquaient non seulement les notes globales attribuées aux différentes offres, mais aussi les notes concernant les sous-critères. Ils permettaient donc à la requérante de comparer directement pour chaque sous-critère les notes attribuées par la Cour de justice à ses offres et aux offres des soumissionnaires retenus.

90      Toutefois, ces notes en elles-mêmes ne lui permettaient pas de connaître les raisons pour lesquelles elles avaient été attribuées à ses offres et aux offres des soumissionnaires retenus.

91      Contrairement à ce qu’avance la Cour de justice, les critères d’attribution prévus au point 5.4.1.1 du cahier des charges ne permettaient pas à la requérante de comprendre la justification des notes attribuées. Il est vrai que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce et qu’il convient donc d’examiner si la requérante pouvait comprendre la justification de ces notes en prenant en compte les indications contenues dans le cahier des charges. Cependant, ces critères laissaient une marge d’appréciation non négligeable à la Cour de justice.

92      Or, comme il a été exposé ci-dessus, le corollaire de la marge d’appréciation dont jouit la Cour de justice en matière d’offres publiques est une motivation qui fait état des éléments de fait et de droit sur lesquels la Cour de justice a fondé son appréciation. Ce n’est qu’à la lumière de ces éléments que la partie requérante est réellement en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles ces notes ont été attribuées. Seule une telle motivation lui permet donc de faire valoir ses droits et au Tribunal d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 octobre 2011, Alfastar Benelux/Conseil, T‑57/09, non publié au Recueil, points 38 et 39).

93      Eu égard à la marge d’appréciation non négligeable que les critères d’attribution prévus au point 5.4.1.1 du cahier des charges laissaient à la Cour de justice, les notes indiquées dans les deux tableaux ne pouvaient pas en elles-mêmes constituer une motivation suffisante.

94      Ensuite, il convient de constater que les commentaires de la Cour de justice sur les offres retenues et les offres de la requérante ne font pas apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement, de façon à permettre à la requérante de connaître les justifications du rejet de ses offres.

95      Certes, contrairement à ce qu’avance la requérante, l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier n’exige pas nécessairement du pouvoir adjudicateur de mettre le rapport d’évaluation à la disposition du soumissionnaire évincé ou de procéder à une analyse comparative minutieuse de l’offre retenue et de l’offre du soumissionnaire évincé (ordonnance de la Cour du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑561/10 P, non publiée au Recueil, points 25 et 27). En effet, l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier ne s’oppose pas par principe à ce qu’un pouvoir adjudicateur s’acquitte de son obligation de motivation par des commentaires succincts sur l’offre retenue et sur l’offre rejetée.

96      Toutefois, afin de satisfaire aux exigences de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, les commentaires du pouvoir adjudicateur doivent être suffisamment précis pour permettre à la partie requérante de connaître les éléments de fait et de droit sur la base desquels le pouvoir adjudicateur a rejeté ses offres et a retenu les offres d’autres soumissionnaires.

97      Or, en l’espèce, les commentaires de la Cour de justice ne permettaient pas à la requérante de connaître ces éléments.

98      Dans son premier commentaire sur l’offre de @Lex pour le lot n° 1, la Cour de justice a retenu que la « gestion efficace de l’échéancier » militait en faveur de cette offre. Ce commentaire fait donc référence au critère de qualité intitulé « Garanties sur la maîtrise des calendriers des travaux », mentionné au point 5.4.1.1 du cahier des charges. Or, force est de constater que ce commentaire se borne à refléter le résultat de l’appréciation de la Cour de justice et ne donne aucun élément de fait qui justifie cette appréciation. Par conséquent, il ne permet pas à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’offre de @Lex pour le lot n° 1 était supérieure à sa propre offre à cet égard.

99      Dans son second commentaire sur l’offre de @Lex pour le lot n° 1, la Cour de justice a fait état de « la qualité de la fourniture des services requis ». Il peut seulement être déduit de ce commentaire que la Cour de justice était satisfaite par la qualité de l’offre. Un commentaire aussi vague ne permet pas à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles la Cour de justice a préféré l’offre de @Lex à la sienne.

100    Dans ses deux commentaires portant sur l’offre de Logica pour le lot n° 2, la Cour de justice a fait état, d’une part, de « la présentation concrète des procédures et méthodes » ainsi que, d’autre part, des « détails garantissant que le soumissionnaire fournirait les services requis d’une manière optimale ». Le contenu de ses deux commentaires est limité. Il s’agit de commentaires de nature générale ne visant pas des critères de qualité spécifiques. Par ailleurs, même si ces commentaires reflètent le résultat de l’appréciation de la Cour de justice, ils ne permettent pas de connaître les éléments sur lesquels la Cour de justice a fondé son appréciation.

101    Quant aux commentaires de la Cour de justice sur les offres de la requérante, il convient de constater à titre liminaire que la Cour de justice n’a pas distingué l’offre de la requérante pour le lot n° 1 de celle pour le lot n° 2 et que ses commentaires visent donc ses offres pour les deux lots.

102    Par son premier commentaire, la Cour de justice a critiqué « l’absence d’éléments concrets pour appliquer les moyens proposés ». Elle a donc constaté un manque d’éléments concrets dans les offres de la requérante, sans toutefois faire état des éléments qu’elle attendait. Certes, au regard de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, qui exige de décrire les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, un tel commentaire aurait pu être suffisant si la Cour de justice avait exposé en quoi les offres des soumissionnaires retenus contenaient des éléments plus concrets. Or, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, les commentaires de la Cour de justice sur les offres retenues sont très généraux et ne font pas état d’éléments concrets.

103    Le deuxième commentaire de la Cour de justice vise « le peu d’indications quant aux compétences fonctionnelles de gestion dans le domaine de la Cour ». Il convient de constater que la compréhension de ce commentaire n’est pas évidente. Or, même s’il était admis que la requérante pouvait comprendre que la Cour de justice lui reprochait de ne pas avoir pris en compte ses exigences spécifiques, ce commentaire ne serait pas suffisamment concret. En effet, la Cour de justice a omis de mentionner les indications qu’elle attendait des offres de la requérante ou de faire état des indications contenues dans les offres retenues.

104    Par son troisième commentaire sur les offres de la requérante, la Cour de justice a critiqué le « nombre réduit d’éléments garantissant la stabilité de l’équipe ». Certes, il est évident que ce commentaire visait le sous-critère intitulé « Garanties sur la stabilité de l’équipe », mentionné au point 5.4.1.1 du cahier des charges. Toutefois, le contenu du commentaire reste très vague et ne permet pas à la requérante de connaître les éléments que la Cour de justice attendait d’elle ou les éléments qui ont justifié des notes plus élevées pour les offres retenues.

105    Dans son quatrième commentaire portant sur les offres de la requérante, la Cour de justice a critiqué « la faiblesse relative de la procédure qui assure le transfert du développement vers la maintenance en ce qui concerne le critère des garanties concernant l’acquisition des compétences ». Bien qu’il soit évident que ce commentaire se réfère au critère intitulé « Garanties concernant l’acquisition des compétences », mentionné au point 5.4.1.1 du cahier des charges, force est de constater que son contenu reste extrêmement vague. En effet, il ne permet pas d’identifier les éléments sur lesquels la Cour de justice a fondé son appréciation.

106    Par conséquent, il convient de conclure que les commentaires de la Cour de justice ne constituaient pas une motivation suffisante, même s’ils étaient lus en combinaison avec les notes indiquées dans le tableau.

107    Dans ce contexte, il convient de rejeter l’argument de la Cour de justice selon lequel les offres de la requérante restaient abstraites et théoriques et selon lequel la requérante aurait pu identifier les éléments de ses offres qui étaient concernés par les commentaires à l’aide du contenu de ses propres offres. En effet, même à considérer que les offres de la requérante étaient abstraites et théoriques, il convient de constater que la motivation fournie par la Cour de justice n’a, en l’espèce, pas été suffisante. En effet, afin d’exposer les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue comme l’exige l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur doit au moins faire mention des éléments qui auraient dû figurer dans les offres de la requérante ou des éléments contenus dans les offres retenues.

108    La lettre du 22 juillet 2010 ne constituait donc pas une motivation suffisante.

–       Sur la lettre du 6 août 2010

109    À la suite de la demande de la requérante du 28 juillet 2010, la Cour de justice a communiqué à cette dernière, par lettre du 6 août 2010, un document intitulé « Procès verbal d’évaluation et de classement des offres déclarées conformes ».

110    Cette lettre n’a pas été envoyée dans le délai de quinze jours suivant la première demande de la requérante du 12 juillet 2010, qui est prévu par l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution. Toutefois, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que le pouvoir adjudicateur concerné n’est pas autorisé à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale. Le contenu du document annexé à cette lettre pourrait donc être pris en compte dans la mesure où il ne s’agissait pas d’une motivation entièrement nouvelle (arrêts du Tribunal du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 58, et Renco/Conseil, T‑4/01, Rec. p. II‑171, point 96)

111    Cependant, force est de constater que le document que la Cour de justice a annexé à la lettre du 6 août 2010 ne contient pas d’éléments pertinents supplémentaires par rapport à la lettre du 22 juillet 2010. En effet, en dehors des deux tableaux qui avaient déjà été communiqués dans la lettre du 22 juillet 2010, il ne contient aucune information susceptible de justifier les notes attribuées aux offres des soumissionnaires retenus et à celles de la requérante pour les critères et les sous-critères mentionnés au point 5.4.1.1 du cahier des charges. Par ailleurs, il ne contient aucun commentaire sur la qualité de ces offres en dehors de la constatation que les offres des soumissionnaires retenus étaient les offres économiquement les plus avantageuses.

112    Quant aux observations de la Cour de justice qui sont postérieures au dépôt de la requête, il suffit de constater qu’elles ne peuvent pas être prises en compte dans le cadre de l’examen du moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

113    Il résulte de ce qui précède que la Cour de justice n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée.

114    Il convient donc de constater que la Cour de justice a violé son obligation de motivation au titre de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les mesures d’organisation de la procédure

115    Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante demande au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure visant à la production, d’une part, de copies détaillées des offres retenues et de celles qui ont été considérées comme étant meilleures que les siennes pour les lots nos 1 et 2 et, d’autre part, d’une copie intégrale du rapport d’évaluation. Or, au vu du résultat de l’examen du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, il n’est pas nécessaire de faire droit à cette demande.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination

116    Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante reproche à la Cour de justice d’avoir violé le principe de non-discrimination en favorisant le contractant en place. L’examen de ce moyen serait prématuré. En effet, en raison de la motivation insuffisante de la décision attaquée, la requérante n’a pas pu faire valoir ses droits d’une manière effective et le Tribunal n’est pas en mesure de statuer définitivement sur la question de savoir si les avantages dont a éventuellement disposé le contractant en place ont pu avoir une incidence sur l’attribution du marché. Une éventuelle demande d’annulation fondée sur la violation du principe de non-discrimination ne saurait donc, le cas échéant, être examinée qu’à la lumière des motifs de la décision qui se substituera à la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Alfastar Benelux/Conseil, point 92 supra, point 51).

2.     Sur la demande en indemnité

117    Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante demande au Tribunal que la Cour de justice soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts en vertu des articles 268 TFUE et 340 TFUE. En premier lieu, elle demande un montant de 5 millions d’euros pour la perte du marché, ce qui correspond, selon elle, au profit brut qu’elle aurait tiré du lot n° 1. En second lieu, elle demande un montant de 500 000 euros pour la perte d’une opportunité et l’atteinte portée à sa réputation et à sa crédibilité.

118    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, l’existence d’un préjudice réel et certain et l’existence d’un lien direct de causalité entre le comportement de l’institution concernée et le préjudice allégué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, Rec. p. II‑2403, point 29).

119    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêts de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81, et du Tribunal du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec. p. II‑4439, point 91).

120    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la l’Union sont remplies.

121    Il convient de relever que la demande en indemnité est fondée sur les mêmes illégalités que celles invoquées à l’appui de la demande en annulation de la décision attaquée.

122    Quant à ces illégalités, tout d’abord, il convient de constater que le quatrième moyen n’est pas fondé. La requérante n’a donc établi aucune illégalité de la décision attaquée à cet égard.

123    Ensuite, il est, certes, vrai que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation et doit être annulée pour ce motif. Toutefois, force est de constater que l’insuffisance de motivation n’établit pas pour autant que l’attribution des marchés aux soumissionnaires retenus constitue une faute ni qu’il existe un lien de causalité entre ce fait et la perte invoquée par la requérante (arrêts Renco/Conseil, point 110 supra, point 89, et Alfastar Benelux/Conseil, point 92 supra, point 49). En effet, rien ne permet de considérer que la Cour de justice aurait attribué le marché en cause à la requérante si la décision attaquée avait été suffisamment motivée. Il s’ensuit que la demande en indemnité pour le prétendu dommage subi du fait de la décision attaquée doit être rejetée comme non fondée dans la mesure où elle est fondée sur l’insuffisance de motivation de cette même décision.

124    Enfin, dans la mesure où cette même demande est fondée sur les illégalités alléguées par la requérante dans le cadre du troisième moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination, elle ne saurait aboutir. En effet, il résulte des considérations développées ci-dessus relatives à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée que la requérante n’a pu faire valoir ses droits d’une manière effective et que le Tribunal n’est pas en position d’exercer valablement son contrôle sur la décision attaquée. Comme la requérante l’avance elle-même, à la suite de la motivation insuffisante de la décision attaquée, elle n’est pas en mesure de démontrer que le lot n° 1 lui aurait certainement été attribué.

125    Il résulte de ce qui précède qu’en ce qui concerne la violation du principe de non-discrimination la demande en indemnité apparaît prématurée et doit être rejetée pour ce motif. Une demande de dommages et intérêts ne saurait, le cas échéant, être examinée qu’à la lumière des motifs de la décision qui se substituera à la décision attaquée, après l’annulation de cette dernière par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt Alfastar Benelux/Conseil, point 92 supra, point 51).

126    Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur les dépens

127    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

128    La Cour de justice ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions et la requérante ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la Cour de justice aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 12 juillet 2010 rejetant les offres soumises par Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE dans le cadre de la procédure d’appel d’offres CJ 7/09, du 11 novembre 2009, pour la maintenance, le développement et le soutien des applications informatiques, et attribuant les marchés à d’autres soumissionnaires est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Cour de justice est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2012.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la demande en annulation

Sur la recevabilité de la demande en annulation

Sur le bien-fondé de la demande en annulation

Sur le quatrième moyen, tiré d’une confusion entre les critères de sélection et les critères d’attribution

–  Sur la première branche, tirée d’une confusion entre les phases de sélection et d’attribution

–  Sur la seconde branche, tirée du non-respect par la Cour de justice de la limitation de l’utilisation des curriculum vitae pour la phase de sélection

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur la violation de l’obligation de motivation

–  Sur la lettre du 12 juillet 2010

–  Sur la lettre du 22 juillet 2010

–  Sur la lettre du 6 août 2010

Sur les mesures d’organisation de la procédure

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination

2.  Sur la demande en indemnité

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.