Language of document : ECLI:EU:T:2011:767

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 décembre 2011(*)

« FEDER – Réduction d’un concours financier – Intervention structurelle communautaire dans la région de la Martinique – Recours en annulation – Marchés publics – Directive 93/37/CEE – Notion de ‘subvention directe’ – Notion d’‘équipements sportifs, récréatifs et de loisirs’ – Obligation de motivation – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire T‑488/10,

République française, représentée par Mme E. Belliard, M. G. de Bergues et Mme N. Rouam, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Dintilhac et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 5229 de la Commission, du 28 juillet 2010, relative à la suppression d’une partie de la participation du Fonds européen de développement régional (FEDER) au titre du document unique de programmation de l’objectif n° 1 pour une intervention structurelle communautaire dans la région de la Martinique en France,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par décision C (2000) 3493, du 21 décembre 2000, la Commission des Communautés européennes a approuvé le document unique de programmation pour les interventions structurelles communautaires dans la région de la Martinique relevant de l’objectif n° 1 en France, pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2006, qui prévoit une participation du Fonds européen de développement régional (FEDER) à hauteur de 17 150 000 euros, au titre de la mesure « Aides directes aux entreprises touristiques et autres opérateurs touristiques ».

2        Au cours de l’année 2003, la société martiniquaise des villages de vacances (SMVV), qui assure l’exploitation du village de vacances Les Boucaniers du Club Méditerranée en Martinique (ci-après le « club Les Boucaniers »), a décidé d’y entreprendre des travaux de rénovation et d’extension.

3        Le 3 août 2004, le conseil régional de la Martinique s’est prononcé en faveur du versement d’une subvention régionale d’un montant de 2 492 750 euros, correspondant à 5 % du montant total, estimé à 49 981 446 euros, du projet de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers, dont le maître d’ouvrage était la SMVV.

4        Par décision C (2004) 4142, du 18 octobre 2004, la Commission a fixé à 12 460 000 euros le niveau de la participation communautaire audit projet, soit 24,93 % du coût total éligible au titre de ce projet estimé à 49 980 000 euros. Le plan de financement annexé à cette décision précise que l’ensemble des dépenses publiques est de 31 650 000 euros, dont, outre la participation communautaire, 16 690 000 euros pour l’État français et 2 500 000 euros pour la Région Martinique.

5        Le 24 mars 2005, la Région Martinique et la SMVV ont signé la convention de développement régional dans le cadre de laquelle la SMVV s’est engagée à réaliser sur une période de deux ans au maximum l’opération de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers. Le plan de financement annexé à cette convention précise que le total des besoins était de 49 981 446 euros dont 18 335 213 euros étaient financés par un apport en fonds privés de la SMVV, 16 689 733 euros par un apport « SNC (défiscalisation) », 2 492 750 euros par l’aide du conseil régional et 12 460 000 euros par l’aide du FEDER.

6        Du 25 juin au 13 juillet 2007, la Cour des comptes des Communautés européennes a audité le projet en cause. Par lettre du 11 février 2008, elle a adressé aux autorités françaises des constatations préliminaires de son audit. Elle a fait valoir, notamment, le non-respect de la procédure de passation de marchés publics pour les travaux de rénovation et d’extension, dès lors que ce projet aurait été financé à plus de 50 % par des pouvoirs adjudicateurs. Selon la Cour des comptes, en tenant compte de la subvention du FEDER à hauteur de 12 460 000 euros, de la subvention régionale à hauteur de 2 500 000 euros et de la subvention étatique à hauteur de 16 690 000 euros, cette dernière prenant la forme d’une défiscalisation en application de l’article 199 undecies B du code général des impôts français, ce projet était financé à 63,33 % par des aides publiques. La Cour des comptes a fait référence, à cet égard, notamment à l’article 2 de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), selon lequel les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que les pouvoirs adjudicateurs respectent ou fassent respecter les dispositions de cette directive lorsqu’ils subventionnent directement à plus de 50 % un marché de travaux passé par une entité autre qu’eux-mêmes.

7        Par lettre du 20 mai 2008, les autorités françaises ont répondu à la Cour des comptes en contestant notamment que la défiscalisation en cause puisse être considérée comme une subvention directe au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37. En outre, elles ont fait valoir que les travaux de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers ne constituaient pas des travaux relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs au sens du paragraphe 2 de cet article, selon lequel le paragraphe 1 du même article ne concerne que les marchés figurant dans la classe 50, groupe 502, de la nomenclature générale des activités économiques dans les Communautés européennes (NACE) et les marchés qui portent sur les travaux de bâtiment relatifs aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires et aux bâtiments à usage administratif. Lesdits travaux n’entreraient donc pas dans le champ d’application dudit paragraphe 1.

8        Par lettre du 19 juin 2008, la Cour des comptes a confirmé ses constatations préliminaires relatives au projet de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers.

9        Par lettre du 29 décembre 2008, les autorités françaises ont contesté les conclusions de la Cour des comptes.

10      Par lettre du 10 juillet 2009, la Commission a adressé aux autorités françaises son analyse des observations de la Cour des comptes et une demande de renseignements complémentaires, à laquelle il a été répondu par lettre du 9 octobre 2009.

11      Par lettre du 19 janvier 2010, la Commission européenne a confirmé sa première analyse et a notifié aux autorités françaises sa position concernant les corrections financières à apporter au projet.

12      Par lettre du 11 février 2010, les autorités françaises, confirmant leur position, ont demandé, conformément à l’article 39, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1), à être invitées à une audience qui s’est tenue le 13 avril 2010.

13      Le 28 juillet 2010, la Commission a décidé de supprimer la totalité de la contribution du FEDER allouée au projet de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers. La décision C (2010) 5229, relative à la suppression d’une partie de la participation du FEDER au titre du document unique de programmation de l’objectif n° 1 pour une intervention structurelle communautaire dans la Région Martinique en France (ci-après la « décision attaquée »), dispose :

« Article premier

La participation du [FEDER] au document unique de programmation de l’objectif n° 1 pour une intervention structurelle communautaire dans la région de [la] Martinique en France, accordée au titre de la décision de la Commission C (2000) 3493, du 21 décembre 2000, est réduite de 12 460 000 euros. Par conséquent, la participation maximale du FEDER à cette intervention s’élève à 461 323 881 euros.

Article 2

Le montant de 12 460 000 euros déclaré indu sera recouvré auprès de la République française. Les modalités de ce recouvrement seront précisées lors de la lettre de clôture du DOCUP.

Article 3

La République française adoptera les mesures appropriées pour informer les bénéficiaires finals de la présente décision.

Article 4

La République française est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2010, la République française a formé le présent recours.

15      Le 8 avril 2011, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité la République française à produire un document. Celle-ci a déféré à cette demande dans le délai imparti.

16      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 22 septembre 2011.

18      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le présent recours ;

–        condamner la République française aux dépens.

 En droit

20      À l’appui de son recours, la République française soulève quatre moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37 en ce que la Commission aurait considéré que les marchés de travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers constituaient des marchés de travaux subventionnés directement à plus de 50 % par des pouvoirs adjudicateurs. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, qu’aurait commise la Commission en considérant que les travaux en cause relevaient d’un marché portant sur des bâtiments relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs au sens de cette disposition. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation en ce que la Commission n’aurait pas exposé de manière claire et non équivoque les raisons pour lesquelles les travaux de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers correspondraient à des travaux relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37. Le quatrième moyen est tiré, à titre subsidiaire, d’une violation du principe de proportionnalité en ce que la Commission aurait retenu un taux de correction de 100 % de la subvention allouée par le FEDER.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37

21      Dans le cadre de ce moyen, la République française fait valoir, en substance, que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37 en ce qu’elle aurait considéré que les marchés de travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers constituaient des marchés de travaux subventionnés directement à plus de 50 % par les pouvoirs adjudicateurs. En calculant le pourcentage de subventions directes accordées par les pouvoirs adjudicateurs, la Commission aurait erronément tenu compte des allégements fiscaux prenant la forme d’une défiscalisation en application de l’article 199 undecies B du code général des impôts français.

22      Selon l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que les pouvoirs adjudicateurs respectent ou fassent respecter les dispositions de ladite directive lorsqu’ils subventionnent directement à plus de 50 % un marché de travaux passé par une entité autre qu’eux-mêmes.

23      Il convient donc d’examiner si les allégements fiscaux prenant la forme d’une défiscalisation en application de l’article 199 undecies B du code général des impôts français tombent sous le coup de la notion de subvention directe au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37.

24      S’agissant, en premier lieu, de la notion de subvention au sens de cette disposition, la République française souligne, en faisant référence à une jurisprudence établie en matière d’aides d’État, que seules les prestations positives relèvent de cette notion.

25      À cet égard, il y a lieu de noter qu’il est vrai que, selon une jurisprudence bien établie, la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE est plus générale que celle de subvention, parce qu’elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑276/02, Rec. p. I‑8091, point 24, et arrêt du Tribunal du 21 mai 2010, France e.a./Commission, T‑425/04, T‑444/04, T‑450/04 et T‑456/04, non encore publié au Recueil, point 213, et la jurisprudence citée).

26      Toutefois, il ne saurait être conclu à partir de cette jurisprudence que la notion de subvention en matière de marchés publics au sens de la directive 93/37 ne comprend que des prestations positives.

27      En effet, premièrement, il convient de relever que la notion de subvention n’a pas été définie en matière d’aides d’État. Au contraire, c’était pour définir la notion large d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que le terme de subvention a été mentionné dans la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus. Il ne saurait donc être conclu du simple fait que le terme de subvention a été mentionné dans la jurisprudence en matière d’aides d’État, dans le cadre de la définition de la notion d’aides État, que ce terme a également été défini dans l’absolu par le juge de l’Union.

28      Deuxièmement, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, point 41, et la jurisprudence citée). Une expression peut, en effet, avoir une signification différente selon son contexte et les objectifs poursuivis.

29      La directive 93/37 vise, ainsi qu’il résulte de ses deuxième et dixième considérants, à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services en matière de marchés publics de travaux, en vue d’ouvrir ces marchés à une concurrence effective (arrêt de la Cour du 18 janvier 2007, Auroux e.a., C‑220/05, Rec. p. I‑385, point 52 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a., C‑44/96, Rec. p. I‑73, point 43). En outre, la Cour a déjà précisé que l’objectif de ladite directive était d’exclure à la fois le risque qu’une préférence fût donnée aux soumissionnaires ou aux candidats nationaux lors de toute passation de marché effectuée par les pouvoirs adjudicateurs et la possibilité qu’un organisme financé ou contrôlé par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public se laissât guider par des considérations autres qu’économiques (voir arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 52, et la jurisprudence citée). Au regard de ces objectifs, la Cour a déjà jugé que la notion d’organisme de droit public figurant à l’article 1er, sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37 doit recevoir une interprétation fonctionnelle et doit être comprise dans un sens large (arrêts de la Cour Universale-Bau e.a., précité, point 53, et du 27 février 2003, Adolf Truley, C‑373/00, Rec. p. I‑1931, point 43).

30      L’objectif de l’article 2 de la directive 93/37 consiste, d’une part, à prévenir les abus. Cette disposition vise donc à éviter que certains pouvoirs adjudicateurs ne cherchent à éluder la réglementation des marchés publics en confiant à des organismes privés le soin de faire procéder à l’exécution de travaux qui relèvent en réalité des marchés publics et que ces pouvoirs adjudicateurs subventionnent directement à plus de 50 % (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., C‑399/98, Rec. p. I‑5409, I‑5414, point 106). En effet, en substance, il n’y a pas de différence entre le cas où un pouvoir adjudicateur conclut lui-même un contrat avec un entrepreneur et le cas où il subventionne directement à plus de 50 % un marché de travaux passé par une entité autre que lui-même. Afin d’éviter le contournement des dispositions de ladite directive, il convient donc de donner à son article 2 une interprétation fonctionnelle.

31      D’autre part, cette disposition a pour objet d’éviter que, dans des cas où une entité autre qu’un pouvoir adjudicateur n’a pas assez d’intérêt à un marché économique en raison de l’absence d’implication de ses ressources à une partie majoritaire, les entrepreneurs soient choisis sur la base de critères autres que purement économiques et que, donc, l’usage fait par les autorités publiques du produit de l’impôt ne soit dicté par des considérations strictement économiques. Ce risque est atténué, en revanche, lorsque les subventions publiques n’atteignent pas plus de 50 % du marché, le financement majoritaire du projet par l’opérateur privé l’incitant alors à faire preuve de plus de discernement dans la gestion de ses propres deniers (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt Ordine degli Architetti e.a., point 30 supra, points 74, 75 et 106). La disposition en cause vise donc à assurer une passation de marché impartiale, dans les cas où les entités publiques détiennent une influence déterminante.

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’interpréter la notion de subvention, ce qui implique de lui donner une interprétation fonctionnelle et de la comprendre dans un sens large.

33      Par conséquent, bien que, dans le cadre de la définition de la notion d’aide d’État, des prestations positives aient été dénommées « subventions », tel ne peut être le cas dans le domaine des marchés publics, dès lors qu’une telle précision ne s’accorde pas avec les objectifs poursuivis par la directive 93/37 et, en particulier, par son article 2 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 39). En effet, en limitant la notion de subvention aux prestations positives, il serait facile pour les pouvoirs adjudicateurs de contourner les contraintes légales au détriment des intérêts protégés par ladite directive (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt Ordine degli Architetti e.a., point 30 supra, point 106). En outre, peu importe que le risque de choisir les entrepreneurs sur la base de critères autres que purement économiques existe du fait de la passation d’un marché public de travaux directement par un pouvoir adjudicateur ou du fait de la subvention à plus de 50 % d’un marché de travaux par un tel pouvoir. L’effet utile de la directive 93/37 ne serait pas pleinement préservé si l’application de son régime pouvait être exclue du seul fait que les coûts de financement d’un marché sont réduits non par des prestations positives d’une entité publique, mais par des allégements fiscaux. La notion de subvention, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37, n’exclut donc pas les allégements fiscaux en cause permettant, comme des prestations positives, de réduire les coûts de financement d’un marché.

34      À cet égard, il convient également de relever que, dans le droit de l’Union, une subvention n’est pas nécessairement définie comme une prestation positive, ainsi qu’il ressort de l’utilisation de ce terme. En effet, en vertu de l’article 3 du règlement (CE) n° 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (version codifiée) (JO L 188, p. 93), une subvention est réputée exister, notamment, dans les cas où des recettes publiques normalement exigibles sont abandonnées ou ne sont pas perçues et si un avantage est ainsi conféré.

35      La conclusion selon laquelle la notion de subvention au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37 inclut les allégements fiscaux en cause n’est pas infirmée par l’argumentation de la République française tirée des travaux préparatoires de la directive 89/440/CEE du Conseil, du 18 juillet 1989, modifiant la directive 71/305/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 210, p. 1). Il est vrai que la formulation de l’article 1er bis, paragraphe 1, de la directive 89/440, qui correspond à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37, dans sa rédaction issue de la proposition de la Commission, visait à ce que les dispositions de la directive 89/440 soient appliquées dans le cas d’investissements au titre de marchés de travaux financés totalement ou partiellement, directement ou indirectement, par des fonds publics. Cependant, il ne découle pas de la modification de cette formulation initiale, intervenue lors de la procédure d’adoption de la directive 89/440, que seules les prestations positives tombent sous le coup de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37. Si le législateur avait eu l’intention de limiter la notion de subvention aux seules prestations positives, il aurait pu inclure une définition en ce sens à l’article 1er de la directive 89/440 ou à l’article 1er de la directive 93/37 qui contiennent les définitions d’autres notions visées par les dispositions desdites directives, ce qu’il n’a cependant pas fait. En revanche, en ne retenant finalement que les termes « [lorsque les pouvoirs adjudicateurs] subventionnent directement » à l’article 1er bis, paragraphe 1, de la directive 89/440 et à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37, le législateur a clairement et uniquement exclu les subventions à caractère indirect telles que visées par la proposition de la Commission.

36      S’agissant, en second lieu, de l’allégation de la République française selon laquelle les allégements fiscaux en cause ne suffisent pas pour conclure au caractère direct d’une subvention telle que visée par l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37, il convient de relever que ces allégements étaient directement liés au marché de travaux en cause. Ils ne visaient pas à alléger certaines charges générales des personnes concernées. Au contraire, les allégements fiscaux sous forme d’une défiscalisation ont été accordés par la République française au projet de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers spécifiquement pour la réalisation des travaux de rénovation et d’extension en cause, ainsi qu’il ressort, d’une part, du régime prévu par l’article 199 undecies B du code général des impôts, en vertu duquel cette défiscalisation a été accordée, et, d’autre part, de l’agrément en défiscalisation adressé par la direction générale des impôts à l’autorité de gestion le 1er octobre 2004. Cet agrément concerne spécifiquement le projet en cause et indique que « les réductions d’impôt ne pourront être accordées, au titre de l’année au cours de laquelle la mise hors d’eau des bâtiments nouveaux sera réalisée, qu’à concurrence des sommes effectivement versées en paiement du prix des investissements et sous réserve que l’achèvement intervienne avant le 30 juin de l’année qui suit, soit selon l’échéancier actuel de réalisation avant le 30 juin 2006 ».

37      Les allégements fiscaux en cause, qui visent à réduire les coûts de financement du projet, étant directement liés aux investissements réalisés, ils constituent donc une subvention directe au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37.

38      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37

39      Dans le cadre de ce moyen, la République française fait valoir, en substance, que la Commission a erronément considéré que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, les marchés de travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers entraient dans le champ d’application de ladite directive. En effet, en ce qu’elle aurait considéré que ces marchés portaient sur des travaux de bâtiment relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, la Commission aurait violé l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37 qui énumère les marchés entrant dans le champ d’application de ladite directive en vertu du paragraphe 1 du même article.

40      À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, le paragraphe 1 de cet article ne concerne que « les marchés figurant dans la classe 50, groupe 502, de la nomenclature générale des activités économiques dans les Communautés européennes (NACE) et les marchés qui portent sur les travaux de bâtiment relatifs aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires et aux bâtiments à usage administratif ». Ainsi qu’il ressort de l’annexe II à la directive 93/37, la classe 50, groupe 502, de la NACE correspond aux activités professionnelles de génie civil comprenant, notamment, la construction de routes, ponts et voies ferrées.

41      Il convient donc d’examiner si la Commission a, à bon droit, considéré que les marchés de travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers portaient sur des travaux de bâtiment relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37.

42      S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation de la République française selon laquelle les travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers ne constituent pas des travaux de bâtiment relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, dès lors que ces travaux auraient porté, en substance, sur un établissement hôtelier avec restauration, il convient de relever qu’il est constant que lesdits travaux s’inscrivent dans un projet unique consistant en la rénovation complète du club Les Boucaniers.

43      Il convient de rappeler que, afin d’examiner si les marchés de travaux en cause portaient sur des travaux de bâtiment relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, il y a lieu de se baser sur la vocation d’ensemble du club Les Boucaniers et non sur les travaux entrepris. À cet égard, il convient de relever que, en examinant, dans la décision attaquée, le projet consistant en une rénovation complète du club Les Boucaniers, la Commission a analysé l’applicabilité de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37 en ce sens.

44      Cela étant, la République française et la Commission ont des vues divergentes concernant la qualification du club Les Boucaniers. Alors que, selon la Commission, les marchés de travaux en cause portaient sur la rénovation et l’extension de ce village de vacances en tant qu’équipement sportif, récréatif et de loisirs, la République française souligne que tel n’est pas le cas et que lesdits marchés portaient sur des travaux relatifs au club Les Boucaniers en tant qu’établissement hôtelier avec restauration. Selon la République française, les équipements sportifs, récréatifs et de loisirs de ce village de vacances n’ont qu’un caractère accessoire. Le club Les Boucaniers serait un hôtel, qui aurait été classé village de vacances dans la catégorie tourisme « Grand confort » par arrêté du 12 mars 2008 du préfet de la Région Martinique. En vertu du code du tourisme français, un village de vacances serait un centre d’hébergement, qui fait l’objet d’une exploitation globale de caractère commercial ou non, destiné à assurer des séjours de vacances, selon un prix forfaitaire comportant, outre la pension, l’usage d’équipements communs, d’installations sportives et de distractions collectives.

45      La République française souligne à cet égard que, aux fins de qualifier le club Les Boucaniers, il convient de prendre en compte sa composante principale déterminée sur la base de critères objectifs tels que la surface occupée par les différents équipements, la répartition du chiffre d’affaires et la proportion du personnel qui est affecté à chaque catégorie d’équipements. Il s’ensuivrait que la composante principale est celle dédiée à l’activité « Hébergement et restauration ». En effet, 47,7 % de la surface occupée par des équipements serait occupée par des équipements hôteliers et de restauration et seulement 19,5 % de la surface occupée par des équipements serait occupée par des équipements sportifs et de loisirs. 63 % du personnel serait affecté à l’activité hôtelière et de restauration et seulement 15 % du personnel aux activités sportives et de loisirs. En outre, les équipements sportifs et de loisirs seraient destinés essentiellement à l’usage des clients qui séjournent au club Les Boucaniers. En 2010, les ventes de séjours auraient représenté 91 % du chiffre d’affaires de la SMVV. La mise à disposition des équipements sportifs et de loisirs à des clients à la journée constituerait une composante marginale des activités du village de vacances, soit 2 % du chiffre d’affaires de la SMVV en 2010. S’agissant du coût des travaux de rénovation et d’extension du village de vacances, qui illustrent, selon la République française, la qualification du club Les Boucaniers comme établissement hôtelier avec restauration, 68,4 % du coût total éligible au titre de ce projet porteraient sur les équipements d’hébergement et de restauration et seulement 10,6 % sur les équipements sportifs, récréatifs et de loisirs. En ce qui concerne les équipements mixtes, les surfaces, le nombre des employés et le coût des travaux seraient également en grande partie rattachables aux activités d’hébergement et de restauration.

46      Par ailleurs, la République française se prévaut de la jurisprudence selon laquelle, dans le cas d’un contrat mixte entre un pouvoir adjudicateur et un entrepreneur, dont les différents volets sont liés d’une manière inséparable et forment ainsi un tout indivisible, l’opération en cause doit être examinée dans son ensemble de manière unitaire aux fins de sa qualification juridique et être appréciée sur la base des règles qui régissent le volet qui constitue l’objet principal ou l’élément prépondérant du contrat. L’objet principal du marché de travaux en cause serait la rénovation des équipements d’hébergement et de restauration.

47      Premièrement, s’agissant de la qualification du club Les Boucaniers par les autorités françaises en vertu du code du tourisme français, il y a lieu de constater que la définition d’un marché de travaux au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37 relève du domaine du droit de l’Union et doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme. Étant donné que le paragraphe 2 dudit article ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, la qualification juridique du club Les Boucaniers en droit français n’est pas pertinente afin de juger si les travaux passés pour sa rénovation et son extension tombent sous le coup de la notion de travaux relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Auroux e.a., point 29 supra, point 40, et du 16 juillet 2009, Infopaq International, C‑5/08, Rec. p. I‑6569, point 27).

48      Deuxièmement, il convient de relever que, ainsi que la Commission l’allègue, le club Les Boucaniers est un concept intégré regroupant à la fois l’hébergement, la restauration, les activités sportives, récréatives et de loisirs ainsi que les équipements communs. Il ne s’agit pas seulement d’un hôtel qui offre, à titre accessoire, l’utilisation de ses équipements sportifs tels qu’une piscine, mais d’un établissement dans lequel les clients passent la plupart de leur temps de vacances afin de bénéficier des activités sportives, récréatives ou de loisirs proposées, comme notamment la natation, le ski nautique, le wakeboard, le tennis, la planche à voile, la plongée libre, le fitness, le kayak, le basket, le beach-volley, le football, le volley-ball et la pétanque. Ainsi qu’il ressort du dossier, le club Les Boucaniers propose à ses clients une formule tout compris qui inclut l’ensemble des activités sportives, récréatives et de loisirs et, en même temps, l’hébergement et la restauration. En outre, l’image de marque de ce village de vacances est déterminée par ces activités, ainsi qu’il ressort également du dossier. Par conséquent, à supposer même que les surfaces et le nombre des employés du club Les Boucaniers soient en grande partie rattachables aux activités d’hébergement et de restauration, celui-ci se caractérise par ces activités qui constituent le noyau du concept de ce village de vacances et qui forment la partie essentielle et, en tout état de cause, nécessaire de ce concept. Cela est corroboré par le fait que ces activités sont également accessibles aux personnes de passage qui peuvent en profiter sans être hébergées, même si le chiffre d’affaires correspondant est marginal par rapport au chiffre d’affaires total du village. Au vu de ce qui précède, le club Les Boucaniers en tant que tel revêt le caractère d’équipement sportif, récréatif et de loisirs au sens large.

49      À cet égard, il convient également de relever que la jurisprudence mentionnée par la République française relative à la qualification des contrats mixtes entre un pouvoir adjudicateur et un entrepreneur (arrêts de la Cour du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki e.a., C‑145/08 et C‑149/08, non encore publié au Recueil, point 48, et du 22 décembre 2010, Mehiläinen et Terveystalo Healthcare, C‑215/09, non encore publié au Recueil, point 36) n’est pas pertinente, dès lors que, en l’espèce, il ne convient pas de déterminer quel est l’objet des contrats des travaux en cause, mais d’examiner si le projet en cause tombe sous le coup d’une des catégories visées à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37.

50      Troisièmement, s’agissant de l’argumentation de la République française selon laquelle seulement 10,6 % du coût des travaux concernant la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers portait sur les équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, il convient de rappeler que le projet en cause est un projet unique portant non seulement sur des travaux relatifs à la piscine, au spa, à l’espace fitness, au tennis et au terrain omnisports, mais également sur les locaux, les espaces ou les facilités ayant pour objet de permettre des activités sportives, récréatives ou de loisirs. La ventilation du coût des travaux, telle qu’effectuée par la République française, ne saurait donc remettre en cause la considération selon laquelle la notion de marchés de travaux relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs inclut également les marchés de travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers.

51      En deuxième lieu, la République française fait valoir que, en interprétant la notion d’équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, il convient de faire référence à la NACE, qui serait une référence essentielle dans la directive 93/37. La NACE établirait une distinction entre, d’une part, les activités de restauration et d’hébergement et, d’autre part, les services récréatifs et culturels, qui incluraient les activités sportives.

52      À cet égard, il y a lieu de relever que le législateur s’est référé à deux catégories de marchés distinctes à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, à savoir, d’une part, aux marchés correspondant à la catégorie figurant dans la classe 50, groupe 502, de la NACE et, d’autre part, aux marchés qui portent sur les travaux de bâtiment relatifs aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires et aux bâtiments à usage administratif.

53      Il ne ressort pas de la directive 93/37 que la NACE a une pertinence générale pour celle-ci, de sorte qu’elle serait, outre la première catégorie, également pertinente concernant la seconde catégorie de marchés visée à l’article 2, paragraphe 2, de la directive en cause. En effet, les activités professionnelles correspondant à la classe 50, groupe 502, de la NACE sont précisées à l’annexe II de la directive 93/37. Cette annexe II contient, pour ce qui est de cette directive, la liste des activités professionnelles correspondant à la NACE. L’annexe II ne fait aucunement référence aux activités professionnelles mentionnées au titre de la seconde catégorie de marchés. En outre, la référence à cette annexe à l’article 1er, sous a), de la directive 93/37 ne saurait davantage plaider en faveur d’une pertinence générale de la NACE pour ladite directive, dès lors que cette référence est expressément limitée à l’une des trois situations visées par cette disposition. Pour ce qui est de la mention de la NACE à l’avant-dernier considérant de la directive 93/37, celui-ci rappelle seulement que l’annexe II fait référence à la NACE et il ne contient donc aucune considération concernant la pertinence générale de la NACE au titre de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37.

54      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la République française, la NACE est sans pertinence pour l’interprétation de la notion d’équipements sportifs, récréatifs et de loisirs telle que visée à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37.

55      En troisième lieu, la République française fait valoir que l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37 porte seulement sur des catégories de marchés qui relèvent par nature des besoins traditionnels des collectivités publiques, comme la construction d’écoles, d’hôpitaux ou de complexes sportifs, et vise, par conséquent, des équipements sportifs, récréatifs et de loisirs qui sont ouverts à tous et non ceux qui sont réservés à une clientèle privée. Selon la République française, ces marchés ont en commun de porter sur des bâtiments ayant un lien avec des missions d’intérêt général.

56      Force est de constater que la liste des marchés visés à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37 revêt le caractère d’une énumération limitative. Le législateur a donc effectué un certain choix parmi les marchés visés à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, passés par une entité autre qu’un pouvoir adjudicateur et subventionnés directement à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur.

57      Contrairement à ce qu’allègue la République française, la notion d’équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, n’exige pas l’existence d’un lien avec les besoins traditionnels des collectivités publiques ou avec des missions d’intérêt général.

58      Ainsi que la Commission l’affirme, un tel critère n’est pas mentionné à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37 qui contient une énumération de différents marchés de travaux, indépendants les uns des autres, qui entrent dans le champ d’application du paragraphe 1 dudit article.

59      Afin d’interpréter la notion d’équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, il y a lieu de tenir compte des objectifs poursuivis par la directive 93/37 et, en particulier, par son article 2. À cet égard, il convient de rappeler que cette directive vise à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services en matière de marchés publics de travaux et que l’objectif de l’article 2 de ladite directive consiste, d’une part, à prévenir les abus et, d’autre part, à éviter que le choix des entrepreneurs soit effectué sur la base de critères autres que purement économiques en ce qui concerne les marchés de travaux majoritairement financés par des entités publiques. Il en résulte une interprétation fonctionnelle et large dudit article 2 (voir points 29 à 31 ci-dessus).

60      L’appréciation du cas d’espèce doit donc être effectuée de façon à assurer que l’effet utile de la directive n’est pas compromis (voir, en ce sens, arrêt Ordine degli Architetti e.a., point 30 supra, point 55).

61      En l’espèce, si l’on considérait, ainsi que la République française l’allègue, qu’il résulte d’une interprétation systématique que la notion d’équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, exige l’existence d’un lien avec les besoins traditionnels des collectivités publiques ou avec des missions d’intérêt général, cette notion serait interprétée d’une manière restrictive, ce qui n’est cependant pas en accord avec les objectifs mentionnés au point 59 ci-dessus.

62      Il est vrai que, ainsi que la République française l’affirme, l’objet large et ambitieux de la directive 93/37, s’il convient d’en tenir compte dans l’interprétation de celle-ci, ne doit pas faire croire que, en se fondant sur le but de ce texte, son champ d’application puisse être étendu sans limites et que, dès lors, une interprétation exclusivement fonctionnelle de la directive, menée uniquement à la lumière des objectifs de base fixés par celle-ci, est admissible (voir, par analogie, conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt de la Cour du 25 mars 2010, Helmut Müller, C‑451/08, Rec. p. I‑2673, I‑2678, point 35).

63      Toutefois, en n’exigeant pas le critère visé par la République française, tiré du lien des équipements considérés avec les besoins traditionnels des collectivités publiques ou avec des missions d’intérêt général, la notion en cause se détermine non seulement par les objectifs de la directive 93/37 et, en particulier, de son article 2, mais également par référence aux conditions objectives qui sont définies à l’article 2, paragraphe 2, de ladite directive elle-même (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt Helmut Müller, point 62 supra, point 39). En effet, le libellé de cette disposition désigne certaines catégories de marchés spécifiques et ne mentionne pas de critère limitant la notion d’équipements sportifs, récréatifs et de loisirs dans le sens visé par la République française.

64      L’exigence d’un tel critère ne résulte pas non plus de la définition de la notion de marchés publics de travaux mentionnée à l’article 1er de la directive 93/37. En effet, il convient de relever que les éléments nécessaires pour conclure à l’existence d’un marché public de travaux sont énumérés à l’article 1er, sous a), de cette directive. Ainsi, l’existence d’un marché public de travaux nécessite notamment la conclusion d’un contrat entre un entrepreneur et un pouvoir adjudicateur. Au contraire, dans le cas de l’application de l’article 2 de cette directive, un pouvoir adjudicateur n’est pas impliqué dans la conclusion d’un contrat. Néanmoins, pour que les marchés de travaux passés par une entité autre qu’un pouvoir adjudicateur puissent également tomber sous le coup des dispositions de la directive 93/37, le législateur a expressément ouvert le champ d’application de ladite directive à certains marchés non publics déterminés. Toutefois, les conditions dans lesquelles les dispositions de la directive 93/37 sont applicables pour ces marchés sont exclusivement fixées à l’article 2 de cette directive. Il s’ensuit que, ainsi que la Commission l’allègue, les conditions dans lesquelles un marché de travaux tombe sous le coup de l’article 2 de la directive 93/37 doivent être déterminées indépendamment de la définition de la notion de marchés publics de travaux mentionnée à l’article 1er de cette directive. Contrairement à ce qu’allègue la République française, les autres conditions visées à l’article 1er, sous a), de cette directive, pour conclure à l’existence d’un marché public de travaux, ne sont donc pas non plus pertinentes pour l’appréciation du cas d’espèce.

65      Il s’ensuit que, en considérant que les marchés de travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers portaient sur des travaux de bâtiment relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37, la Commission n’a pas commis d’erreur.

66      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée

67      La République française fait valoir que la Commission n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée, en n’exposant pas de manière claire et non équivoque les raisons pour lesquelles les travaux de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers correspondraient à des travaux relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37. La Commission n’aurait pas expliqué les considérations, au point 32 de la décision attaquée, selon lesquelles la dénomination « Équipements sportifs, récréatifs et de loisirs » revêtait un caractère générique et selon lesquelles les établissements en question étaient mentionnés sous forme de catégories. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas expliqué comment le caractère prétendument générique de cette dénomination l’aurait amenée à considérer que les travaux de rénovation et d’extension en cause constituaient des travaux portant sur de tels équipements.

68      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec. p. I‑10901, point 26, et la jurisprudence citée). Il en est ainsi d’autant plus lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d’élaboration de l’acte litigieux et connaissent donc les raisons qui sont à la base de cet acte (voir arrêt de la Cour du 11 septembre 2003, Autriche/Conseil, C‑445/00, Rec. p. I‑8549, point 99, et la jurisprudence citée).

69      En l’espèce, il convient de relever que la Commission a indiqué, au point 31 de la décision attaquée, que le projet de rénovation du club Les Boucaniers était un projet unique qui comprenait notamment la création de nouveaux équipements de loisirs (piscine, spa, espace fitness, tennis, terrain omnisports). Au point 32 de la décision attaquée, elle a ensuite indiqué que les travaux concernant ce projet correspondaient à des travaux relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs tels que cités dans la deuxième partie de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37. À cet égard, elle a considéré, au même point de la décision attaquée, que la notion d’équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, étant une des catégories visées à cette disposition, revêtait un caractère générique, de sorte que cette disposition ne pouvait être interprétée restrictivement dans l’objectif de ladite directive qui serait l’amélioration de la transparence dans les marchés de travaux. Par la suite, la Commission a considéré, au point 34 de la décision attaquée, que les dénominations génériques de la deuxième catégorie de marchés visés à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37 ne correspondaient pas à des rubriques de la NACE.

70      En outre, au point 32 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle partageait l’avis de la Cour des comptes selon lequel les travaux en cause correspondaient bien à des travaux relatifs à des équipements sportifs, récréatifs et de loisirs. Par la lettre du 19 juin 2008 aux autorités françaises, la Cour des comptes avait expliqué son raisonnement à cet égard. Elle avait considéré que le projet en cause était une rénovation de village de vacances, c’est-à-dire des travaux de bâtiments relatifs à des équipements sportifs, récréatifs et de loisirs. Selon la Cour des comptes, un « équipement » pouvait tout aussi bien être privé que public.

71      Dès lors, au vu des explications données dans la décision attaquée et pendant la procédure administrative, la Commission a, à suffisance de droit, expliqué le raisonnement selon lequel les marchés de travaux passés pour la rénovation et l’extension du club Les Boucaniers portaient sur des travaux de bâtiment relatifs aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 93/37.

72      Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré, à titre subsidiaire, d’une violation du principe de proportionnalité

73      La République française fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité en retenant un taux de correction de 100 % de la subvention du FEDER. Selon elle, étant donné que la part des travaux concernant les équipements sportifs, récréatifs et de loisirs représente un peu moins de 10 % du projet, la Commission aurait dû effectuer une correction correspondant à environ 10 % du montant de la subvention allouée par le FEDER.

74      En l’espèce, l’irrégularité consiste en un non-respect des règles de marchés publics telles que visées également à l’article 12 du règlement n° 1260/1999. Étant donné que le projet de rénovation et d’extension du club Les Boucaniers constitue un projet unique qui ne saurait donc être divisé selon ses différentes parties (voir points 42 et 50 ci-dessus), le montant du concours concerné par ladite irrégularité comprend le montant total du concours prévu pour le projet en cause. C’est donc l’intégralité du financement dudit projet qui a fait l’objet d’une irrégularité de sorte que l’intégralité du concours financier a erronément été imputée au FEDER. Dès lors, la question d’une limitation de la correction sur la base du principe de proportionnalité ne se pose pas.

75      Le quatrième moyen doit donc être rejeté.

76      Au vu de tout ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

78      La République française ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République française est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : le français.