Language of document : ECLI:EU:T:2011:399

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

18 juillet 2011(*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Délai raisonnable pour présenter une demande en indemnité – Tardiveté – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑450/10 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 9 juillet 2010, Marcuccio/Commission (F‑91/09, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Luigi Marcuccio, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, N. J. Forwood et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, le requérant, M. Luigi Marcuccio, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 9 juillet 2010, Marcuccio/Commission (F‑91/09, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté, en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé, le recours visant en substance à obtenir une indemnisation du préjudice qu’il aurait subi en raison de la conduite prétendument illégale de la Commission des Communautés européennes dans le cadre du traitement de données médicales le concernant.

 Faits à l’origine du litige et procédure en première instance

2        Les faits à l’origine du litige, pertinents pour l’appréciation du présent pourvoi, sont énoncés dans l’ordonnance attaquée dans les termes suivants :

« 9      Dans le présent litige, les préjudices allégués par le requérant ont pour origine l’invitation qui lui a été faite de se soumettre à des examens médicaux nécessaires à l’appréciation de son éventuelle invalidité.

10      Par note du 24 novembre 2003 du docteur Manc., médecin-conseil membre du service médical de la Commission, le requérant a été invité, ‘dans le cadre de la commission d’invalidité’, à se présenter au laboratoire du service médical à Bruxelles, le 8 décembre 2003, pour y effectuer divers examens médicaux et être reçu en consultation par ledit médecin-conseil.

11      Le requérant aurait reçu cette note le 3 décembre 2003 à son domicile à Tricase. Constatant alors qu’il était dans l’impossibilité de se rendre à Bruxelles pour ces examens, le requérant a chargé son frère de contacter le docteur Manc. par téléphone, depuis le Royaume-Uni, pour lui faire part de cet empêchement.

12      Le 4 décembre 2003, selon le requérant, ou le 5, selon la Commission, une personne s’étant annoncée au téléphone comme le frère du requérant a prévenu le docteur Manc. dudit empêchement, motivé par des raisons de santé.

13      Par note du 4 décembre 2003, envoyée le 9 décembre et parvenue à la Commission le 17 décembre 2003, selon le requérant, ou le 18 selon la Commission, le requérant a informé le docteur Manc. de son impossibilité de se présenter aux examens du 8 décembre à Bruxelles. À cette note était annexé un certificat médical du docteur Z., indiquant que l’intéressé souffrait ‘d’une lombalgie et d’une gonalgie DX qui l’empêchaient de se déplacer’.

14      Le 8 décembre 2003, le requérant ne s’est pas présenté au service médical de la Commission à Bruxelles, où les examens devaient être effectués.

15      Par note du 9 décembre 2003 (ci-après la ‘note du 9 décembre 2003’), M. M., chef du service médical, a demandé au docteur D., directeur de l’organisme local du service national de santé de Maglie (Italie) (ci-après l’‘AUSL’) de procéder à une visite médicale de contrôle afin de vérifier l’incapacité effective du requérant à se présenter à la visite. Dans cette note, envoyée par télécopie, M. M. précisait qu’une procédure d’invalidité avait été ouverte, en raison de la durée du congé de maladie du requérant (plus de 365 jours), et que l’intéressé s’était livré à de nombreuses manœuvres visant à retarder la convocation de la commission d’invalidité. M. M. indiquait que le docteur Manc. était le médecin désigné par la Commission au sein de la commission d’invalidité. Il était également mentionné dans cette note que le requérant avait été invité à se présenter à un examen médical à Bruxelles le 8 décembre 2003 et qu’il ne s’y était pas rendu, sans pour autant adresser par télécopie de certificat médical au service médical de la Commission alors qu’il connaissait le numéro de télécopieur utile, pour l’avoir utilisé dans le passé.

16      Le requérant précise dans son recours qu’il avait appris, ‘après le 3 décembre 2003 et avant la fin de cette année-là’, que la Commission avait envoyé une note le concernant à l’AUSL. Il affirme qu’il aurait par conséquent demandé en temps utile à la Commission une copie de tous les documents le concernant et qui avaient été préalablement envoyés à l’AUSL.

17      Dans le cadre du contrôle médical visé dans la note du 9 décembre 2003, le requérant a répondu à deux convocations médicales de l’AUSL, les 11 et 15 décembre 2003. Par note du 14 janvier 2004, le directeur de l’AUSL a conclu que le requérant devait être considéré comme en congé de maladie pour 30 jours à compter du 12 janvier 2004.

18      Le requérant prétend n’avoir reçu une copie de la note du 9 décembre 2003 qu’en mai 2004.

19      Par lettre à l’[autorité investie du pouvoir de nomination, ci-après l’‘AIPN’] du 9 septembre 2008 (ci-après la ‘demande du 9 septembre 2008’), le requérant a présenté une demande tendant notamment à ce que la Commission soit condamnée à lui verser la somme de 300 000 euros, en réparation des préjudices que la note du 9 décembre 2003 lui auraient causés. Dans cette demande, il faisait valoir que ladite note lui aurait occasionné de graves préjudices moraux et ‘existentiels’, en particulier en portant indûment à la connaissance de tiers des informations confidentielles le concernant, en ne précisant pas clairement quelles questions médicales le docteur D. devait traiter, en mettant en cause son comportement dans la conduite de la procédure d’invalidité et en exigeant, sans qu’aucune règle le prescrive, l’envoi par télécopie d’un certificat médical justificatif d’absence.

20      La demande du 9 septembre 2008, rédigée en langue italienne, a été adressée le même jour à la Commission par télécopie puis par envoi recommandé. La Commission admet dans sa décision de rejet de la réclamation que cette demande a été enregistrée dès le 9 septembre 2008 auprès de l’unité ‘Recours’ de la direction générale du personnel et de l’administration, compétente pour la traiter. En l’absence de réponse de la Commission, ladite demande a été implicitement rejetée le 9 janvier 2009.

21      Par lettre du 16 mars 2009, rédigée en langue italienne, le requérant a formé une réclamation à l’encontre de la décision implicite de rejet de la demande du 9 septembre 2008.

22      Par décision du 30 juin 2009, rédigée en langue française, l’AIPN a rejeté la réclamation, aux motifs que la demande du 9 septembre 2008, faute d’avoir été introduite dans un délai raisonnable, était irrecevable, et que, en tout état de cause, les prétentions indemnitaires du requérant n’étaient pas fondées (ci-après la ‘décision de rejet de la réclamation’). Le requérant a souhaité pouvoir disposer de la traduction en langue italienne de la décision de rejet de la réclamation. La Commission a communiqué cette traduction au requérant par note du 8 septembre 2009, que le requérant précise avoir reçue le 17 septembre 2009. »

3        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 30 octobre 2009, le requérant a introduit un recours qui a été enregistré sous la référence F‑91/09.

4        Ainsi qu’il ressort de l’ordonnance attaquée, le requérant a conclu, en première instance, à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        A : déclarer l’inexistence ou, à titre subsidiaire, annuler la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté la demande du 9 septembre 2008 ;

–        B : en tant que de besoin, déclarer l’inexistence ou, à titre subsidiaire, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        C : en tant que de besoin, établir les faits générateurs des dommages allégués ;

–        D : en tant que de besoin, déclarer l’illégalité de chacun des faits générateurs de ces dommages et a fortiori de leur ensemble ;

–        E : condamner la Commission à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation desdits dommages, ou toute autre somme inférieure ou supérieure que le Tribunal de la fonction publique estimera juste et équitable ;

–        F : condamner la Commission à lui verser les intérêts sur cette somme, à compter du jour où la Commission a reçu la demande du 9 septembre 2008 et jusqu’au paiement effectif de ladite somme, au taux de 10 % par an et avec capitalisation annuelle ;

–        G : condamner la Commission à lui rembourser l’intégralité des dépens de la procédure, y compris les frais d’une éventuelle expertise qui serait diligentée par le Tribunal de la fonction publique à la demande d’une des parties ou d’office ;

–        H : décider, à titre de mesures d’instruction et en tant que de besoin, d’une part, qu’il soit procédé à une expertise afin d’établir l’existence des conditions d’engagement de la responsabilité de la Commission et de tout fait pertinent aux fins de l’arrêt qui sera rendu et d’autre part, que soient auditionnés comme témoins sa mère et son frère ainsi qu’un chirurgien spécialiste en neurologie et en psychiatrie, particulièrement au fait des dommages allégués.

5        La Commission a conclu, en première instance, à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        rejeter le recours comme irrecevable et/ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens en vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique.

 Sur l’ordonnance attaquée

6        Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours du requérant en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé, en application de l’article 76 de son règlement de procédure, et ce pour les motifs suivants :

« Sur les conclusions indemnitaires (chefs de conclusions A, B, E et F)

32      Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, il incombe aux fonctionnaires ou aux agents de saisir, dans un délai raisonnable, l’institution de toute demande tendant à obtenir de l’Union une indemnisation en raison d’un dommage qui serait imputable à celle-ci, ce à compter du moment où ils ont eu connaissance de la situation dont ils se plaignent (arrêts du Tribunal de première instance du 5 octobre 2004, Sanders e.a./Commission, T‑45/01, Rec. p. II‑3315, point 62, et Eagle e.a./Commission, T‑144/02, Rec. p. II‑3381, points 60, 65 et 66, et la jurisprudence citée).

33      Le caractère raisonnable du délai doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (arrêt Eagle e.a./Commission, précité, point 66).

34      Il convient également, à cet égard, de tenir compte du point de comparaison offert par le délai de prescription de cinq ans prévu en matière d’action en responsabilité non contractuelle par l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, bien que ce délai ne trouve pas à s’appliquer dans les litiges entre l’Union et ses agents (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, points 7, 10 et 11). Le Tribunal de première instance en a conclu, au point 71 de l’arrêt Eagle e.a./Commission, précité, que les intéressés, dès lors qu’ils estimaient faire l’objet d’un traitement discriminatoire illégal, auraient dû adresser une demande à l’institution tendant à ce qu’elle prenne les mesures propres à réparer cette situation et à y mettre fin dans un délai raisonnable qui n’aurait pu excéder cinq ans à compter du moment où ils avaient eu connaissance de la situation dont ils se plaignaient (voir également arrêt du Tribunal du 1er février 2007, Tsarnavas/Commission, F‑125/05, non encore publié au Recueil, point 71).

35      Le délai de cinq ans ne saurait constituer une limite rigide et intangible en deçà de laquelle toute demande serait recevable quels que soient le délai pris par le requérant à saisir l’administration de sa demande et les circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, non encore publiée au Recueil, point 28; arrêt Tsarnavas/Commission, précité, points 76 et 77).

36      En l’espèce, en premier lieu, il convient de déterminer à quel moment le requérant a eu connaissance des faits qu’il estime dommageables.

37      Il ressort des termes mêmes de la requête que le requérant a eu connaissance, ‘après le 3 décembre 2003 et avant la fin de cette année-là’, du fait que la Commission avait envoyé une note le concernant à l’AUSL. Il est en outre constant que le requérant a déféré à deux convocations pour des examens médicaux, les 11 et 15 décembre 2003, réalisés dans le cadre du contrôle médical confié par la Commission au directeur de l’AUSL. Il peut être déduit de ces éléments que le requérant était informé, au plus tard le 11 décembre 2003, des démarches engagées par la Commission à son égard, à savoir la réalisation par l’AUSL d’un contrôle médical aux fins de vérifier s’il était effectivement dans l’incapacité de se présenter à l’examen médical requis par la procédure d’invalidité.

38      En revanche, aucune pièce du dossier ne permet d’établir que le requérant aurait eu connaissance du contenu exact de la note du 9 décembre 2003, en particulier des mentions dont il conteste vivement la teneur, avant le mois de mai 2004, au cours duquel il prétend avoir été destinataire de ladite note. La Commission n’allègue d’ailleurs pas qu’elle aurait transmis cette note au requérant à une date antérieure à mai 2004. Or, les préjudices moraux et existentiels que le requérant invoque ont pour origine non le principe du contrôle médical, auquel l’intéressé s’est normalement soumis, mais le contenu même de cette note.

39      En conséquence, il doit être admis que le requérant a eu connaissance des faits dont il se plaint au plus tard en mai 2004.

40      En second lieu, il y a lieu d’apprécier si le délai d’environ quatre ans et quatre mois au terme duquel le requérant a introduit la demande indemnitaire du 9 septembre 2008 peut être considéré comme raisonnable, au regard des critères retenus par la jurisprudence susmentionnée.

41      D’abord, s’agissant du critère tiré de l’enjeu du litige, force est de constater que la présente affaire a une portée limitée pour le requérant.

42      En effet, les informations contenues dans la note du 9 décembre 2003, critiquées par ce dernier, ont eu essentiellement pour objet de donner au docteur D. les éléments d’explication nécessaires au bon déroulement de la visite médicale de contrôle qu’il était demandé à ce praticien d’effectuer. Certes, il est fait état, dans cette note, du motif d’ouverture de la procédure d’invalidité, à savoir la durée supérieure à 365 jours du congé de maladie du requérant, et du comportement peu coopératif de celui-ci dans la conduite de ladite procédure. Toutefois, ces éléments, de caractère purement administratif, ont été transmis au docteur D. pour que celui-ci soit dûment informé des difficultés rencontrées par la Commission lors des démarches précédemment engagées à l’égard du requérant. Ils n’étaient accompagnés d’aucune donnée relative à l’état de santé et aux affections du requérant.

43      Quant à l’imprécision du mandat confié au docteur D. et à l’exigence de l’envoi par télécopie d’un certificat médical justificatif d’absence, elles ne peuvent être regardées, en tout état de cause, comme à l’origine d’un préjudice sérieux pour le requérant. En effet, le docteur D. n’a pas mis en doute que l’état de santé du requérant justifiait que celui-ci soit placé en congé de maladie.

44      Ensuite, s’agissant du critère relatif à la complexité de l’affaire, il est manifeste qu’il ne saurait davantage plaider en faveur du requérant.

45      En effet, l’intéressé pouvait aisément, dès réception de la note du 9 décembre 2003, avoir connaissance du contenu de celle-ci et apprécier son éventuelle incidence défavorable (voir, par analogie, les faits litigieux dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2007, Marcuccio/Commission, F‑21/07, non encore publiée au Recueil). Le litige est donc particulièrement circonscrit et rien ne permet de comprendre pour quelles raisons le requérant a attendu plus de quatre années avant d’introduire son action indemnitaire.

46      Enfin, s’agissant du critère tiré du comportement des parties, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la Commission aurait fait obstacle ou retardé d’une quelconque manière la prise de connaissance, par le requérant, de la nature ou de l’étendue de ses préjudices. Quant au requérant, il est d’autant moins compréhensible qu’il se soit plaint seulement en 2008 du contenu de la note du 9 décembre 2003 que le contrôle médical diligenté sur la base de ladite note ne lui a pas été défavorable. Le requérant n’allègue d’ailleurs en aucune façon que les informations contenues dans cette note auraient fait l’objet d’une utilisation étrangère aux finalités de ce contrôle ou aux besoins de la procédure d’invalidité ni même que sa situation administrative aurait été modifiée à la suite de ce contrôle. Il n’apparaît donc pas que le délai au terme duquel le requérant a décidé d’engager son action indemnitaire puisse être justifié par l’attitude des parties.

47      Eu égard aux éléments qui précèdent, il y a lieu de conclure, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, que la demande du 9 septembre 2008 n’a pas été soumise à la Commission dans un délai raisonnable. Par conséquent, les conclusions indemnitaires du présent recours (chefs de conclusions A et B) doivent être rejetées comme manifestement irrecevables. Doivent également être rejetées comme manifestement irrecevables, par voie de conséquence, les conclusions tendant au versement d’intérêts moratoires et capitalisés (chefs de conclusions E et F).

Sur les chefs de conclusions C et D

48      Par les chefs de conclusions C et D, le requérant demande au Tribunal, en tant que de besoin, d’établir les faits générateurs des dommages allégués (voir point 19 du présent arrêt) et de déclarer l’illégalité desdits faits générateurs, pris isolément et, a fortiori, dans leur ensemble.

49      De telles conclusions visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé des griefs avancés par l’intéressé au soutien de ses conclusions indemnitaires. Or, ainsi que la Commission le soutient avec raison, il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes], de faire des déclarations en droit. Les conclusions susmentionnées doivent, par suite, être déclarées manifestement irrecevables (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 13).

Sur la demande de mesures d’instruction (chef de conclusions H)

50      S’agissant de l’appréciation de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur l’affaire dont il est saisi (voir par exemple, en ce qui concerne une demande d’audition de témoin, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, points 77 et 78).

51      Dans les circonstances de l’espèce, et eu égard notamment à ce qui a été dit, il n’y a pas lieu de procéder à une expertise ni d’auditionner les témoins cités par le requérant.

52      Le chef de conclusions susmentionné doit donc être rejeté comme manifestement non fondé.

53      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté, en partie comme manifestement irrecevable, en partie comme manifestement non fondé. »

 Sur le pourvoi

7        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, le requérant a formé le présent pourvoi. Le 20 décembre 2010, la Commission a déposé son mémoire en réponse.

8        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2011, le requérant a demandé, conformément à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, de pouvoir déposer un mémoire en réplique. Par décision du 28 janvier 2011, le président de la chambre des pourvois a rejeté cette demande.

9        Par lettre du 6 mars 2011, le requérant a formulé une demande, au titre de l’article 146 du règlement de procédure, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        d’une part, annuler dans sa totalité l’ordonnance attaquée et, d’autre part, déclarer son recours recevable ;

–        à titre principal, faire droit en totalité à ses conclusions formulées en première instance et condamner la Commission aux dépens relatifs tant à la première instance qu’au présent pourvoi ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer la présente affaire au Tribunal de la fonction publique, siégeant en une formation de composition différente, afin qu’il statue une nouvelle fois sur l’affaire.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi au motif qu’il est irrecevable et/ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens relatifs tant à la première instance qu’au présent pourvoi ;

–        à titre subsidiaire, déclarer en tout état de cause que le recours en première instance est non fondé et condamner le requérant aux dépens relatifs tant à la première instance qu’au présent pourvoi.

 En droit

12      En vertu de l’article 145 du règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé la tenue d’une audience (ordonnance du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, non publiée au Recueil, point 21). En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

13      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève trois moyens. Le premier est tiré, en substance, d’erreurs de droit relatives à la déclaration d’irrecevabilité des conclusions indemnitaires (points 32 à 47 de l’ordonnance attaquée). Le deuxième moyen est tiré d’un défaut de motivation de la déclaration d’irrecevabilité des conclusions tendant à ce que le Tribunal de la fonction publique établisse les faits générateurs des dommages allégués et déclare l’illégalité de chacun des faits générateurs de ces dommages et a fortiori de leur ensemble (point 49 de l’ordonnance attaquée). Le troisième moyen est tiré de l’illégalité du rejet du recours en première instance en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé (notamment point 53 de l’ordonnance attaquée).

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit relatives à la déclaration d’irrecevabilité des conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

14      Le requérant considère que le Tribunal de la fonction publique a commis des erreurs de droit consistant en un défaut de motivation de la déclaration d’irrecevabilité de ses conclusions indemnitaires, un défaut de mesures d’instruction, un détournement et une dénaturation des faits, une incohérence, un caractère « déraisonnable, irrationnel, illogique, arbitraire, apodictique, tautologique [et] confus », la violation, la mauvaise interprétation et l’application erronée de l’article 270 TFUE et de l’article 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), ainsi que la violation des principes de sécurité juridique, du droit à la protection juridictionnelle, de la hiérarchie des normes, de la séparation des pouvoirs et de la « subordination du juge à l’ordre juridique », en ce qu’il a déclaré irrecevables ses conclusions indemnitaires au motif qu’elles avaient été présentées au-delà du délai raisonnable commençant à courir à compter du moment où il a eu connaissance de la situation dont il se plaint.

15      Ainsi, le requérant estime que l’affirmation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle les fonctionnaires ou les agents qui souhaitent obtenir des institutions européennes une indemnisation en raison d’un dommage qui lui serait imputable doivent en formuler la demande dans un délai raisonnable à compter du moment où ils ont eu connaissance de la situation dont ils se plaignent est illégale. En effet, la jurisprudence sur laquelle s’appuie le Tribunal de la fonction publique, au point 32 de l’ordonnance attaquée, contreviendrait à l’article 270 TFUE et à l’article 90 du statut, qui constitueraient des normes hiérarchiquement supérieures et ne prévoiraient aucun délai pour l’introduction d’une telle demande. Par ailleurs, admettre qu’une demande au titre de l’article 90 du statut doive être présentée dans un délai raisonnable non fixé au préalable de manière certaine équivaudrait à rendre légitime l’arbitrage du juge saisi de la question. Sa demande au titre de l’article 90 du statut a, selon lui, été engagée en temps utile et est, dès lors, parfaitement recevable, de même que son recours en première instance.

16      Toutefois, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où l’affirmation du Tribunal de la fonction publique au point 32 de l’ordonnance attaquée serait retenue, le requérant formule les considérations suivantes.

17      Il estime que le délai raisonnable, en l’absence d’une disposition réglementaire spécifique sur le sujet, ne peut être inférieur au délai de prescription quinquennal prévu par l’article 46 du statut de la Cour. Le requérant considère que la non-application ou le non-respect du critère de la prescription quinquennale dans un sens qui lui serait défavorable entraînerait une violation du droit à la protection juridictionnelle et une violation des principes de sécurité juridique et de la confiance légitime dans la mesure où il se verrait retirer son droit à connaître d’avance et avec certitude le délai permettant d’obtenir la réparation de son préjudice par une institution. Ainsi, en l’espèce, le requérant affirme que, dès lors qu’il avait introduit sa demande de réparation du préjudice dans un délai inférieur à cinq ans à compter du moment où il a eu connaissance de la situation dont il se plaint, ladite demande a été introduite en temps utile.

18      Par ailleurs, même en admettant que le critère de la prescription quinquennale ne soit qu’un élément de comparaison pertinent dans l’appréciation du caractère raisonnable du délai pour introduire une demande en indemnité au titre de l’article 90 du statut, le requérant estime que le Tribunal de la fonction publique aurait dû exposer les raisons précises pour lesquelles il s’écarte, en l’espèce, du critère de la prescription quinquennale. Le requérant considère que l’affirmation du Tribunal de la fonction publique, énoncée au point 35 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle le délai de cinq ans ne saurait constituer une limite rigide et intangible en deçà de laquelle toute demande serait recevable quels que soient le délai pris par le requérant à saisir l’administration de sa demande et les circonstances de l’espèce, est apodictique et dépourvue de motivation.

19      Enfin, en tout état de cause, même à admettre qu’une demande en indemnité doive être introduite dans un délai raisonnable sans que ce délai puisse être connu des parties préalablement, le requérant estime que le Tribunal de la fonction publique a erronément appliqué les critères retenus par la jurisprudence indiquée au point 33 de l’ordonnance attaquée.

20      Ainsi, premièrement, s’agissant de l’argument du Tribunal de la fonction publique relatif au critère de l’enjeu du litige selon lequel la présente affaire a une portée limitée pour le requérant (points 41 et 42 de l’ordonnance attaquée), il fait valoir que le niveau prétendument limité du caractère préjudiciable ou illégal de la divulgation des informations en cause ainsi que le caractère de ces dernières n’ont rien à voir avec la portée de la controverse contenue dans la note du 9 décembre 2003. En outre, seule la personne ayant subi le préjudice serait susceptible d’en établir la portée.

21      Deuxièmement, s’agissant de l’argument du Tribunal de la fonction publique selon lequel le litige n’est pas complexe, mais circonscrit (point 45 de l’ordonnance attaquée), le requérant affirme que les considérations du Tribunal de la fonction publique sont dépourvues de motivation et ont un caractère apodictique, dès lors que le caractère circonscrit allégué est vague et imprécis. À cet égard, il souligne que le Tribunal de la fonction publique n’a pas indiqué dans quel délai le requérant aurait dû présenter sa demande en indemnité pour ne pas se le voir reprocher par le juge de première instance.

22      Troisièmement, s’agissant des considérations du Tribunal de la fonction publique relatives au comportement des parties (point 46 de l’ordonnance attaquée), le requérant fait valoir qu’aucune de ces considérations n’a de pertinence. D’abord, il n’aurait jamais affirmé que la Commission avait fait obstacle ou retardé sa prise de connaissance de la nature ou de l’étendue de ses préjudices. Ensuite, le comportement pertinent des parties serait celui adopté à l’occasion de la présentation de la demande en indemnité et non celui adopté au moment où le requérant aurait subi le préjudice. En tout état de cause, le requérant souligne que le dommage qu’il se plaint d’avoir subi existait du fait de la simple divulgation des données confidentielles le concernant. L’utilisation ultérieure éventuelle de ces dernières ou les conséquences de cette divulgation illégale sur la situation administrative du requérant aurait seulement causé des dommages supplémentaires.

23      La Commission estime que le premier moyen du requérant est dénué de fondement.

 Appréciation du Tribunal

24      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un litige entre un fonctionnaire et une institution dont il dépend ou dépendait, et visant à la réparation d’un dommage, relève, lorsqu’il trouve son origine dans le lien d’emploi qui unit l’intéressé à l’institution, du champ d’application de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du statut (voir ordonnance du Tribunal du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, non encore publiée au Recueil, point 12, et la jurisprudence citée).

25      Ensuite, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la circonstance que l’article 270 TFUE et l’article 90 du statut ne fixent aucun délai pour l’introduction d’une demande en réparation d’un dommage ne rend pas illégale l’exigence d’un délai raisonnable pour l’introduction d’une telle demande. En effet, l’application de ces dispositions, notamment à une demande en réparation d’un dommage, doit se faire dans le respect des principes généraux de droit de l’Union européenne que sont les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

26      Or, ces principes généraux font obstacle, dans le silence des textes, à ce que les institutions et les personnes physiques ou morales puissent agir sans aucune limite de temps, risquant ainsi, notamment, de mettre en péril la stabilité de situations juridiques acquises, et requièrent le respect d’un délai raisonnable (voir arrêt du Tribunal du 5 octobre 2004, Sanders e.a./Commission, T‑45/01, Rec. 2004 p. II‑3315, point 59).

27      Ainsi, la remise en cause, au-delà d’un délai raisonnable, d’un fait générateur d’un dommage causé par une institution européenne dans le cadre de ses relations avec ses agents affecte la sécurité des relations juridiques entre ladite institution et ses agents et expose le budget de l’Union à des dépenses attachées à un fait générateur trop éloigné dans le temps (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2004, Eagle e.a./Commission, T‑144/02, Rec. p. II‑3381, point 62). Le principe de sécurité juridique requiert dès lors que les agents présentent dans un délai raisonnable leurs demandes en indemnité à la suite d’un dommage qui leur aurait été causé par une institution européenne dans le cadre de leurs relations avec celle-ci.

28      Partant, c’est à juste titre que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 32 de l’ordonnance attaquée, que les fonctionnaires ou les agents qui souhaitent obtenir de l’Union une indemnisation en raison d’un dommage qui serait imputable à celle-ci devaient agir dans un délai raisonnable à compter du moment où ils ont eu connaissance de la situation dont ils se plaignent.

29      En ce que le requérant considère que son recours a été introduit dans un délai raisonnable dès lors qu’il l’a été dans un délai inférieur au délai prévu par l’article 46, paragraphe 1, du statut de la Cour, il convient de rappeler que le litige en l’espèce relève du champ d’application de l’article 270 TFUE et des articles 90 et 91 du statut, de sorte qu’il se situe en dehors du champ d’application de l’article 46 du statut de la Cour. En tout état de cause, à titre indicatif, la référence au délai prévu à l’article 46 du statut de la Cour peut être considérée comme un plafond (ordonnance Marcuccio/Commission, point 24 supra, point 25). Partant, ainsi que l’indique le Tribunal de la fonction publique au point 35 de l’ordonnance attaquée, la circonstance qu’une demande ait été introduite en deçà de cinq années à compter de la prise de connaissance par l’intéressé de la situation dont il se plaint ne suffit pas pour considérer que ladite demande a été introduite dans un délai raisonnable.

30      En ce que le requérant allègue un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée quant aux raisons pour lesquelles le Tribunal de la fonction publique s’est écarté du critère de la prescription quinquennale, il convient de relever qu’il ressort des points 28 et 29 ci-dessus que ce grief se fonde sur une compréhension manifestement erronée de la pertinence de la prescription quinquennale pour l’appréciation du délai raisonnable en l’espèce. En outre et en tout état de cause, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal de la fonction publique doit être considérée comme remplie dès lors que l’ordonnance attaquée fait apparaître le raisonnement suivi par le Tribunal de la fonction publique de sorte que le Tribunal soit en mesure d’exercer son contrôle juridictionnel (voir ordonnance du Tribunal du 23 mars 2010, Marcuccio/Commission, T‑16/09 P, non encore publiée au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée). Or, le Tribunal de la fonction publique a clairement exposé, au point 34 de l’ordonnance attaquée, que, pour apprécier le délai raisonnable, il convenait également de tenir compte du point de comparaison offert par le délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 46 du statut de la Cour, bien que ce délai ne trouve pas à s’appliquer dans les litiges entre les institutions de l’Union et leurs agents. De plus, au point 35 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a exposé qu’il avait déjà été jugé que ce délai de cinq ans ne saurait constituer une limite rigide et intangible en deçà de laquelle toute demande serait recevable quels que soient le délai pris par le requérant pour saisir l’administration de sa demande et les circonstances de l’espèce. Partant, le grief du requérant tiré d’un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée est manifestement non fondé.

31      Par ailleurs, en ce que le requérant conteste l’appréciation faite par le Tribunal de la fonction publique du respect du délai raisonnable pour l’introduction de son recours en indemnité, il convient de rappeler que la détermination du délai d’introduction d’un recours est une question de droit et que, à défaut de délai prévu par la réglementation applicable pour introduire une demande en indemnité découlant du lien d’emploi entre un fonctionnaire et l’institution dont il dépend, ladite demande doit être introduite dans un délai raisonnable, qui est déterminé au regard des circonstances de l’espèce. À cet égard, si le Tribunal de la fonction publique constate et apprécie souverainement les faits pertinents, sous réserve d’une dénaturation de ceux-ci, il les qualifie ensuite juridiquement au regard du principe du respect d’un délai raisonnable, sous le contrôle du Tribunal (voir ordonnance du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, point 24 supra, point 27).

32      En l’espèce, concernant, premièrement, le critère d’appréciation du délai raisonnable relatif à l’enjeu du litige pour le requérant, le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les faits en considérant, au point 41 de l’ordonnance attaquée, que la présente affaire avait une portée limitée pour le requérant. En effet, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a constaté au point 42 de l’ordonnance attaquée, la note du 9 décembre 2003 ne contenait aucune donnée relative à l’état de santé et aux affections du requérant. Le Tribunal de la fonction publique pouvait à bon droit considérer au même point de cette ordonnance que les informations contenues dans cette note sur la durée supérieure à 365 jours du congé de maladie du requérant et sur le comportement de celui-ci dans la conduite de la procédure d’invalidité n’avaient qu’un caractère purement administratif. À l’instar du Tribunal de la fonction publique, il convient de relever que des informations ont eu essentiellement pour objet de donner au docteur D. les éléments d’explication nécessaires au bon déroulement de la visite médicale de contrôle qu’il était demandé à ce praticien d’effectuer.

33      S’agissant, deuxièmement, du critère relatif à la complexité de l’affaire, il ressort du point 45 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal de la fonction publique a, au regard des faits litigieux dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 14 décembre 2007, Marcuccio/Commission (F‑21/07, non encore publiée au Recueil), motivé l’absence de complexité de l’affaire. En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel le Tribunal de la fonction publique n’a pas indiqué dans quel délai il aurait dû présenter sa demande en indemnité pour ne pas se le voir reprocher, il convient de relever qu’il n’appartient pas au juge de l’Union de faire des déclarations en droit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9).

34      Troisièmement, quant au critère relatif au comportement des parties, il convient d’observer que le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les faits en considérant, au point 46 de l’ordonnance attaquée, que le délai au terme duquel le requérant a décidé d’engager son action indemnitaire ne pouvait être justifié par l’attitude des parties. En effet, contrairement à ce qu’allègue le requérant, le comportement pertinent des parties n’est pas uniquement celui adopté à l’occasion de la présentation de la demande en indemnité. En revanche, il y a lieu d’examiner le comportement des parties à compter de la prise de connaissance par l’intéressé de la situation dont il se plaint (voir, en ce sens, arrêt Eagle e.a./Commission, point 27 supra, point 66). S’il est vrai que le Tribunal de la fonction publique a examiné, dans le cadre de son appréciation du comportement des parties, d’abord le comportement de la Commission avant cette prise de connaissance, il a fait, par la suite, également référence à la période après la prise de connaissance. En ce qui concerne les faits appréciés par ledit Tribunal à cet égard, il ne ressort pas du dossier de façon manifeste qu’ils ont été dénaturés. En tout état de cause, le requérant ne fait valoir aucun comportement de la Commission susceptible de justifier le caractère raisonnable du délai en cause.

35      Au vu des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation de la déclaration d’irrecevabilité des conclusions tendant à ce que le Tribunal de la fonction publique établisse les faits générateurs des dommages allégués et déclare l’illégalité de chacun des faits générateurs de ces dommages et a fortiori de leur ensemble

 Arguments des parties

36      Le requérant conteste le rejet comme manifestement irrecevables, par le Tribunal de la fonction publique, de ses conclusions visant à ce que ledit Tribunal établisse les faits générateurs des dommages allégués et déclare l’illégalité de chacun des faits générateurs de ces dommages et a fortiori de leur ensemble. Ni l’établissement desdits faits générateurs ni la déclaration demandée n’auraient valeur de déclaration de principe. Ils seraient, en revanche, des instruments et des préalables à la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice subi et, en outre, nécessaires et inévitables afin de motiver de manière cohérente la conclusion du Tribunal de la fonction publique en ce sens.

37      La Commission considère que le deuxième moyen du requérant doit être rejeté au motif qu’il est dénué de fondement et, en tout état de cause, inopérant.

 Appréciation du Tribunal

38      Tout d’abord, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique a clairement exposé, au point 49 de l’ordonnance attaquée, son raisonnement ayant conduit à déclarer manifestement irrecevable la demande tendant à ce qu’il établisse les faits générateurs des dommages allégués et déclare l’illégalité de chacun des faits générateurs de ces dommages et a fortiori de leur ensemble. En effet, le Tribunal de la fonction publique expose audit point, en invoquant l’arrêt du Tribunal du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement (T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 13), que la demande du requérant est manifestement irrecevable au motif qu’il ne lui appartient pas de faire des déclarations en droit et que les conclusions en cause visent en réalité à lui faire reconnaître le bien-fondé des griefs avancés par le requérant au soutien de ses conclusions indemnitaires. Partant, selon la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, le grief du requérant tiré d’un défaut de motivation du rejet de sa demande, tendant à ce que le Tribunal de la fonction publique établisse les faits générateurs des dommages allégués et déclare l’illégalité de chacun des faits générateurs de ces dommages et a fortiori de leur ensemble, est manifestement non fondé (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 15 septembre 2010, Marcuccio/Commission, T‑157/09 P, non encore publiée au Recueil, point 53).

39      Par ailleurs, dans son grief tiré de ce que les conclusions visant à établir lesdits faits générateurs et à déclarer leur illégalité n’auraient pas valeur de déclaration de principe, mais constitueraient des préalables à la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice en cause, le requérant admet expressément que ces conclusions visent à faire reconnaître le bien-fondé des moyens invoqués à l’appui du recours en indemnité. Ainsi, même si le requérant les qualifie de « préalables », ces conclusions doivent être considérées comme ayant pour objet d’obtenir du juge des déclarations en droit au sens de la jurisprudence issue de l'arrêt Jaenicke Cendoya/Commission, point 33 supra. Dès lors, le Tribunal de la fonction publique a conclu à bon droit que de telles conclusions étaient manifestement irrecevables. Par conséquent, ce grief doit être rejeté comme manifestement non fondé (voir, en ce sens, ordonnance du 15 septembre 2010, Marcuccio/Commission, point 38 supra, point 54).

40      Il découle des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé

 Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité du rejet du recours en première instance en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé

 Arguments des parties

41      Le requérant soutient que, compte tenu des erreurs de droit contenues dans l’ordonnance attaquée telles qu’exposées dans les deux premiers moyens de son pourvoi, le Tribunal de la fonction publique a conclu à tort que son recours en première instance était en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé. S’agissant du rejet du recours comme en partie manifestement non fondé, il fait valoir que l’ordonnance attaquée ne contient pas de raisonnement logique du Tribunal de la fonction publique qui permettrait de conclure en ce sens, le caractère non fondé ayant seulement été mentionné au point 53 de l’ordonnance attaquée.

42      Il reproche, en outre, au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir motivé le caractère manifeste de la déclaration comme en partie irrecevable et en partie non fondé de son recours en première instance. Selon le requérant, le grand nombre de points soulevés par l’ordonnance attaquée milite contre le caractère manifeste de l’irrecevabilité partielle du recours en première instance.

43      La Commission considère que le troisième moyen du requérant doit être rejeté au motif qu’il est dénué de fondement.

 Appréciation du Tribunal

44      En vertu de l’article 76 de son règlement de procédure, lorsque le Tribunal de la fonction publique est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou de certaines de ses conclusions ou lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal de la fonction publique peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

45      Le Tribunal de la fonction publique ayant jugé le recours comme en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé, c’est à bon droit qu’il a adopté l’ordonnance attaquée sur le fondement de cette disposition.

46      En outre, le grief du requérant selon lequel le recours n’était ni en partie manifestement irrecevable ni en partie manifestement non fondé au vu des erreurs de droit contenues dans l’ordonnance attaquée exposées dans les deux premiers moyens est manifestement dénué de tout fondement pour les motifs développés aux points 14 à 40 ci-dessus.

47      De plus, en ce qui concerne le caractère prétendument illogique des considérations du Tribunal de la fonction publique concernant le rejet du recours comme en partie manifestement non fondé, il convient de constater que ledit Tribunal a rejeté, au point 52 de l’ordonnance attaquée, la demande de mesures d’instruction du requérant comme manifestement non fondée. Il pouvait donc, à bon droit, conclure, au point 53 de l’ordonnance attaquée, que le recours devait être rejeté pour ce chef de conclusions en partie comme manifestement non fondé.

48      Par ailleurs, s’agissant du caractère manifeste de l’irrecevabilité du recours en première instance, d’une part, et du manque de fondement, d’autre part, il convient d’examiner si, ainsi que le prétend le requérant, le Tribunal de la fonction publique a méconnu l’obligation de motivation qui lui incombe, telle qu’énoncée au point 30 ci-dessus.

49      À cet égard, aux points 32 à 47 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a clairement établi qu’un recours en indemnité tel que celui du requérant devait être introduit dans un délai raisonnable. En tenant compte des circonstances propres à l’affaire en cause, ledit Tribunal a conclu que la demande indemnitaire du requérant n’avait pas été soumise dans un délai raisonnable et que, par conséquent, les conclusions indemnitaires devaient être considérées comme manifestement irrecevables.

50      Le Tribunal de la fonction publique a exposé, au point 49 de l’ordonnance attaquée, que les conclusions tendant à ce qu’il établisse les faits générateurs des dommages allégués et déclare l’illégalité de chacun des faits générateurs de ces dommages et a fortiori de leur ensemble visaient en réalité à lui faire reconnaître le bien-fondé de certains griefs avancés par le requérant au soutien de ses conclusions indemnitaires, ce qui rendait lesdites conclusions manifestement irrecevables. Enfin, le Tribunal de la fonction publique a évalué, aux points 50 à 52 de l’ordonnance attaquée, la demande de mesures d’instruction du requérant et l’a rejetée comme manifestement non fondée.

51      À cet égard, l’argument du requérant selon lequel le recours n’était pas en partie manifestement irrecevable au vu du grand nombre de points soulevés par l’ordonnance attaquée ne saurait prospérer. En effet, un tel critère n’est pas un indicateur pertinent du caractère en partie manifestement irrecevable du recours rejeté par l’ordonnance attaquée, laquelle, aux termes de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, doit être motivée (voir, en ce sens, ordonnance du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, point 24 supra, point 50).

52      Partant, le Tribunal de la fonction publique a clairement fait apparaître son raisonnement quant au caractère manifeste de l’irrecevabilité du recours en première instance, d’une part, et du manque de fondement, d’autre part, de sorte que le grief du requérant tiré d’un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée est manifestement non fondé.

53      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

54      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le pourvoi dans sa totalité comme manifestement non fondé.

 Sur les dépens

55      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de ce même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      Le requérant ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Luigi Marcuccio supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 18 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.