Language of document : ECLI:EU:T:2012:106

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 mars 2012 (*)

« Recours en annulation – FEOGA, FEAGA et Feader – Dépenses effectuées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Autorité régionale – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑453/10,

Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development (Royaume-Uni), représenté par MM. K. Brown, solicitor, et D. Wyatt, QC,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme P. Van den Wyngaert, MM. P. Rossi et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2010/399/UE de la Commission, du 15 juillet 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 184, p. 6),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), constitue le règlement de base en ce qui concerne le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) créés dans le cadre dudit règlement.

2        L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement dispose :

« Le FEAGA finance, en gestion partagée entre les États membres et [l’Union], les dépenses suivantes, effectuées conformément au droit [de l’Union] :

a)      les restitutions fixées pour l’exportation des produits agricoles vers les pays tiers ;

b)      les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles ;

c)      les paiements directs aux agriculteurs prévus dans le cadre de la politique agricole commune ;

d)      la contribution financière de [l’Union] aux actions d’information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur de [l’Union] et dans les pays tiers, dont la réalisation est effectuée par l’intermédiaire des États membres sur la base des programmes, autres que ceux visés à l’article 4, retenus par la Commission. »

3        L’article 4 du règlement n° 1290/2005 prévoit que le Feader finance en gestion partagée entre les États membres et l’Union européenne la contribution financière de l’Union aux programmes de développement rural exécutés conformément à la législation de l’Union relative au soutien au développement rural par le Feader.

4        Selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, les organismes payeurs sont les services ou les organismes des États membres qui, en ce qui concerne les paiements qu’ils effectuent ainsi que la communication et la conservation des informations, offrent suffisamment de garanties pour que, en substance, l’éligibilité des demandes soit contrôlée avant l’ordonnancement du paiement, les paiements soient comptabilisés de manière exacte et exhaustive, les contrôles prévus soient entrepris, les documents requis présentés dans les délais et lesdits documents soient accessibles et conservés de façon à garantir leur intégrité, leur validité et leur lisibilité. Selon le paragraphe 2 de cette disposition, les États membres agréent comme organismes payeurs les services ou les organismes répondant aux conditions prévues audit paragraphe 1 et, selon son paragraphe 3, communiquent à la Commission des Communautés européennes, lorsque plusieurs organismes sont agréés, les références du service ou de l’organisme chargé des missions mentionnées audit paragraphe.

5        L’article 9 du règlement n° 1290/2005 dispose :

« 1.      Les États membres :

a)      prennent, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de [l’Union], et en particulier pour :

i)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA et le Feader ;

ii)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

iii)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences ;

b)      mettent en place un système de gestion et de contrôle efficace comportant la certification des comptes et une déclaration d’assurance fondée sur la signature du responsable de l’organisme payeur agréé.

2.      La Commission veille à ce que les États membres s’assurent de la légalité et de la régularité des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, ainsi que du respect des principes de la bonne gestion financière et, à ce titre, exerce les actions et contrôles suivants :

a)      elle s’assure de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres des systèmes de gestion et de contrôle ;

b)      elle effectue les réductions ou suspensions de tout ou partie des paiements intermédiaires et applique les corrections financières requises, notamment en cas de défaillance des systèmes de gestion et de contrôle ;

c)      elle s’assure du remboursement du préfinancement et procède, le cas échéant, au dégagement d’office des engagements budgétaires.

3.      Les États membres informent la Commission des dispositions et des mesures prises en vertu du paragraphe 1 et, pour ce qui concerne les programmes de développement rural, des mesures prises pour la gestion et le contrôle, conformément à la législation [de l’Union] relative au soutien au développement rural par le Feader, afin de protéger les intérêts financiers de [l’Union]. »

6        L’article 14 du règlement n° 1290/2005 précise :

« 1.      Les crédits nécessaires pour financer les dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, sont mis à la disposition des États membres par la Commission, sous forme de remboursements mensuels, ci-après dénommés ‘paiements mensuels’, sur la base des dépenses effectuées par les organismes payeurs agréés, pendant une période de référence.

2.      Jusqu’au versement des paiements mensuels par la Commission, les moyens nécessaires pour procéder aux dépenses sont mobilisés par les États membres en fonction des besoins de leurs organismes payeurs agréés. »

7        L’article 15, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1290/2005 dispose :

« 1.      Les paiements mensuels sont effectués par la Commission, sans préjudice des décisions visées aux articles 30 et 31, pour les dépenses effectuées par les organismes payeurs agréés des États membres au cours du mois de référence.

2.      La Commission décide, selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3, des paiements mensuels qu’elle effectue, sur la base d’une déclaration de dépenses des États membres et des renseignements fournis, conformément à l’article 8, paragraphe 1, en tenant compte des réductions ou des suspensions appliquées conformément à l’article 17.

3.      Les paiements mensuels sont versés à l’État membre au plus tard le troisième jour ouvrable du deuxième mois qui suit celui au cours duquel les dépenses ont été effectuées. »

8        L’article 31, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1290/2005, intitulé « Apurement de conformité », prévoit :

« 1.      La Commission décide des montants à écarter du financement [de l’Union] lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles [de l’Union], selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3.

2.      La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à [l’Union].

3.      Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement. »

9        Pour les dépenses effectuées avant le 16 octobre 2006, date d’entrée en vigueur des articles 30 et 31 du règlement n° 1290/2005, le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), qui a été abrogé par le règlement n° 1290/2005, prévoyait, en son article 7, paragraphe 4, des règles analogues à celles établies à l’article 31 du règlement n° 1290/2005.

10      Le règlement (CE) n° 883/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005, en ce qui concerne la tenue des comptes des organismes payeurs, les déclarations de dépenses et de recettes et les conditions de remboursement des dépenses dans le cadre du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 1), dispose, en son article 5, paragraphe 1 :

« 1.      Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives aux déclarations de dépenses et de recettes concernant le stockage public, visées à l’article 6, les dépenses et les recettes affectées déclarées par les organismes payeurs au titre d’un mois correspondent aux paiements et aux encaissements effectivement réalisés au cours de ce mois.

[…]

Toutefois :

[…]

c)      les corrections décidées par la Commission, dans le cadre de l’apurement des comptes et de l’apurement de conformité, sont déduites ou ajoutées directement par la Commission aux paiements mensuels visés, selon le cas, à l’article 10, paragraphe 2, ou à l’article 11, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission. Toutefois, les États membres incluent les montants correspondants à ces corrections dans la déclaration établie au titre du mois pour lequel les corrections sont effectuées. »

11      Le règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), précise, en son article 11 :

« 1.      Si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément à la réglementation [de l’Union], elle communique ces constatations à l’État membre concerné et lui indique les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation.

La communication fait référence au présent article. L’État membre répond dans un délai de deux mois à compter de la réception de la communication et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation du délai de réponse.

À l’expiration du délai de réponse, la Commission convoque une réunion bilatérale et les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à [l’Union].

2.      Dans les deux mois suivant la réception du procès-verbal de la réunion bilatérale visée au paragraphe 1, troisième alinéa, l’État membre communique les informations éventuellement demandées au cours de la réunion ainsi que toute information complémentaire qu’il juge utile au traitement du dossier.

Dans des cas justifiés et sur demande motivée de l’État membre, la Commission peut accorder une prolongation de la période visée au premier alinéa. La demande en est adressée à la Commission avant le terme de ladite période.

Au terme de la période visée au premier alinéa, la Commission communique officiellement à l’État membre les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité. Cette communication présente l’évaluation des dépenses que la Commission envisage d’exclure du financement [de l’Union] en vertu de l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 et fait référence à l’article 16, paragraphe 1, du présent règlement.

3.      L’État membre informe la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation [de l’Union], en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Après avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 du présent règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005, visant à exclure du financement [de l’Union] les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation [de l’Union] jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives.

Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement [de l’Union], la Commission peut prendre en compte toute information transmise par l’État membre après le terme de la période visée au paragraphe 2 si cela est nécessaire pour mieux estimer le préjudice financier causé au budget [de l’Union], dès lors que le retard dans la transmission desdites informations est justifié par des circonstances exceptionnelles.

4.      En ce qui concerne le FEAGA, les montants à déduire du financement [de l’Union] sont soustraits par la Commission des paiements mensuels correspondant aux dépenses effectuées au cours du deuxième mois suivant la décision au titre de l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005.

En ce qui concerne le Feader, les montants à déduire du financement [de l’Union] sont soustraits par la Commission du paiement intermédiaire suivant ou du paiement final.

Toutefois, à la demande de l’État membre, lorsque l’importance des montants à déduire le justifie, et après consultation du comité des Fonds agricoles, la Commission peut décider d’appliquer les déductions à une autre date.

5.      Le présent article s’applique, mutatis mutandis, aux recettes affectées au sens de l’article 34 du règlement (CE) n° 1290/2005. »

12      S’agissant des dépenses effectuées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) avant l’application du règlement n° 1290/2005, l’article 8 du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), contenait, quant à la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie », des dispositions analogues à celles prévues à l’article 11 du règlement n° 885/2006.

 Antécédents du litige et décision attaquée

13      Lors d’un audit effectué par la Commission en 2006, des carences ont été identifiées dans la gestion et le contrôle par le requérant, le Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development (ministère de l’Agriculture et du Développement rural nord-irlandais), du régime de paiement unique en Irlande du Nord.

14      La Commission, après avoir examiné les procédures appliquées par le requérant et en se fondant sur les contrôles sur place effectués par ses propres services dans plusieurs parcelles, a identifié des carences relatives, d’abord, au système d’identification des parcelles agricoles (SIPA) et au système d’information géographique (SIG), ensuite, aux contrôles sur place effectués par les inspecteurs du requérant et, enfin, à l’application des sanctions et des récupérations rétroactives.

15      Par la décision 2010/399/UE, du 15 juillet 2010, adoptée à la suite d’une procédure d’apurement de conformité appliquée conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et, en ce qui concerne les dépenses effectuées après le 16 octobre 2006, à l’article 31 du règlement n° 1290/2005, la Commission a écarté du financement de l’Union des dépenses effectuées par certains États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du FEAGA et du Feader (JO L 184, p. 6, ci-après la « décision attaquée »), en raison de leur non-conformité aux règles de l’Union.

16      Il ressort des considérants 1 à 6 de la décision attaquée que la Commission a procédé aux vérifications nécessaires dans le cadre de la politique agricole commune et a communiqué les résultats aux États membres concernés, lesquels ont eu la possibilité de demander l’ouverture d’une procédure de conciliation. Ladite procédure a été utilisée dans certains cas et les rapports qui ont été émis à son issue ont été examinés par la Commission. En particulier, selon le considérant 4 de la décision attaquée, il ressort des vérifications effectuées, des discussions bilatérales et des procédures de conciliation qu’une partie des dépenses déclarées par les États membres ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier d’un financement au titre du FEOGA, section « Garantie », du FEAGA et du Feader. L’évaluation des montants à écarter en raison de leur non-conformité a été communiquée par la Commission aux États membres dans le cadre d’un rapport de synthèse.

17      L’article 1er de la décision attaquée est libellé ainsi :

« Les dépenses des organismes payeurs agréés des États membres déclarées au titre du FEOGA, section ‘Garantie’, au titre du FEAGA ou au titre du Feader et indiquées à l’annexe sont écartées du financement de l’Union européenne en raison de leur non-conformité aux règles de l’Union européenne. »

18      L’article 2 de la décision attaquée dispose :

« Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, le Grand-Duché de Luxembourg, la République de Hongrie, la République d’Autriche, la République de Slovénie, la République slovaque, la République de Finlande et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sont les destinataires de la présente décision. »

19      Le requérant conteste la décision attaquée uniquement en ce qui concerne la correction financière forfaitaire de 5 % appliquée à certaines dépenses effectuées en Irlande du Nord correspondant à des aides à la surface engagées au cours de l’exercice financier 2007, d’un montant de 18 600 258,71 euros, et ce en raison de faiblesses dans le SIPA-SIG et dans les contrôles sur place.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, le requérant a introduit le présent recours.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2011, la Commission a, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d’irrecevabilité. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 11 mars 2011.

22      Le requérant conclut, dans sa requête, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut, dans son exception d’irrecevabilité, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

24      Le requérant conclut, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ou, à titre subsidiaire, la joindre au fond, conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure ;

–        réserver les dépens.

 En droit

25      Selon l’article 114, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur l’exception d’irrecevabilité est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

26      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’entendre les parties en leurs explications orales.

27      À titre liminaire, le requérant fait valoir, dans la requête, qu’il est compétent en matière de politique agricole commune et qu’il est un organisme payeur agréé à cette même fin. Il indique que l’Assemblée d’Irlande du Nord exerce le pouvoir législatif régional sur ce territoire, en sorte qu’elle adopte les lois dans les domaines ayant fait l’objet d’un transfert de compétences au profit de l’Irlande du Nord et contrôle l’activité des ministres et des ministères. Il rappelle que la politique agricole commune, y compris la gestion du régime de paiement unique en Irlande du Nord, est un domaine transféré.

28      Le requérant souligne également que la Cour a jugé, au point 12 de l’arrêt du 16 juillet 2009, Horvath (C‑428/07, Rec. p. I‑6355), que, d’après les termes tant de la législation adoptée au cours de l’année 1998 par le Parlement du Royaume-Uni que du « Devolution Memorandum of Understanding » qui, sous la forme d’une déclaration d’intention politique, complète cette dernière, il appartient aux autorités régionales de mettre en œuvre, dans leurs sphères respectives de compétences, les obligations qui découlent du droit de l’Union et que ces autorités ne peuvent agir ou légiférer d’une manière incompatible avec celui-ci. Par ailleurs, il rappelle que la Cour a ajouté que cette législation sur ledit transfert de compétences avait conféré aux ministres du Royaume-Uni un pouvoir résiduel d’intervention lorsque cela était nécessaire pour assurer le respect de ces obligations.

29      Le requérant précise, d’une part, que le financement des administrations régionales se fait principalement par des dotations globales émanant du gouvernement central et, d’autre part, que les paiements de l’Union destinés à financer les dépenses agricoles du Royaume-Uni sont versés au gouvernement central de ce dernier, les corrections financières étant déduites de ces paiements. Il indique que, antérieurement à l’année 2006, l’un des ministères du gouvernement central finançait les dépenses agricoles sur le territoire des administrations régionales et constituait des provisions financières pour couvrir les exclusions du financement de l’Union ou les refus de financement sur le territoire d’une administration régionale.

30      Le requérant ajoute que le Trésor du Royaume-Uni a décidé, en 2005, que les fonds européens devaient être transférés aux administrations régionales et que les refus de financement affectant les administrations régionales seraient couverts par l’administration compétente. Les refus de financement ainsi que les fonds de l’Union auraient donc été transférés aux administrations régionales. Des dispositions transitoires auraient, par ailleurs, prévu l’ouverture d’un crédit fixe auprès du ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales pouvant être utilisé par une administration régionale afin de compenser les refus de financement européen qui, dans les cas contraires, seraient transférés à l’administration régionale. Ainsi, pour l’Irlande du Nord, ce crédit se serait élevé à la somme de 11,2 millions de livres sterling (GBP), somme qui, selon les déclarations de ce dernier ministère, pouvait être utilisée pour compenser les refus de financement intervenus au cours de n’importe quelle année de déclaration. En l’occurrence, la totalité de ce crédit serait destinée à couvrir environ 73 % du coût des refus de financement décidés pour l’Irlande du Nord pour l’année 2006. Ainsi, la dette du requérant au titre des 27 % restants (soit 5,02 millions d’euros sur une somme totale de refus de financement de 18 600 258,71 euros) aurait été inscrite dans ses comptes.

31      Selon le requérant, la recevabilité de son recours serait conforme au respect que l’Union devrait à l’identité nationale du Royaume-Uni, y compris en ce qui concerne l’autonomie régionale (article 4, paragraphe 2, TUE). Ladite recevabilité serait également conforme au bon sens, puisque le requérant qui, en vertu du système constitutionnel dans le cadre duquel il exerce ses compétences, supporte la charge d’un refus de financement serait habilité à contester ce refus. Une telle prérogative n’appartiendrait donc pas à un gouvernement central qui n’aurait pas d’intérêt financier évident ni de motif impérieux le poussant à introduire un tel recours.

32      En premier lieu, il convient de relever qu’il ne saurait être considéré que le transfert de compétences en matière agricole des autorités centrales d’un État membre à des autorités régionales ait eu pour conséquence, en l’espèce, que le recours du requérant, en sa qualité d’autorité régionale compétente, pourrait être assimilé à celui d’un État membre et être de ce fait recevable.

33      Il ressort du dossier que, en l’occurrence, le Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development est l’un des organismes payeurs agréés par le Royaume-Uni en vertu de l’article 6 du règlement n° 1290/2005 et qu’il a, notamment, pour mission de mettre en œuvre la politique agricole commune du gouvernement en Irlande du Nord.

34      Les organismes payeurs sont, ainsi qu’il est indiqué à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, les services ou organismes qui, en ce qui concerne les paiements qu’ils effectuent ainsi que la communication et la conservation des informations, offrent suffisamment de garanties pour que, en substance, l’éligibilité des demandes soit contrôlée avant l’ordonnancement du paiement, les paiements soient comptabilisés de manière exacte et exhaustive, les contrôles prévus soient entrepris, les documents requis présentés dans les délais et lesdits documents soient accessibles et conservés de façon à garantir leur intégrité, leur validité et leur lisibilité. L’article 8, paragraphe 2, dudit règlement précise, en outre, que « [l]es organismes payeurs agréés détiennent les documents justificatifs des paiements effectués et les documents relatifs à l’exécution des contrôles administratifs et physiques prescrits par la législation [de l’Union] et mettent ces documents et informations à la disposition de la Commission ».

35      En revanche, s’agissant du rôle des États membres dans le cadre de la gestion partagée de certaines dépenses agricoles de l’Union, il convient de rappeler qu’ils sont, notamment, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, responsables de l’adoption des mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union. Dans cette perspective, il appartient aux États membres, et non aux organismes payeurs, conformément à l’article 31 dudit règlement, de justifier de la régularité des dépenses engagées et de demander l’ouverture d’une procédure de conciliation avec la Commission.

36      En outre, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que le recours d’une entité régionale ou locale ne peut être assimilé au recours d’un État membre, la notion d’État membre au sens de l’article 263 TFUE ne visant que les autorités gouvernementales des États membres. Cette notion ne saurait être étendue aux gouvernements de régions ou d’autres entités infra-étatiques sans porter atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par le traité (voir arrêt de la Cour du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C‑417/04 P, Rec. p. I‑3881, point 21, et la jurisprudence citée), et ce quelle que soit l’étendue des compétences qui leur sont reconnues (ordonnance de la Cour du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission, C‑180/97, Rec. p. I‑5245, point 6).

37      La Cour a ajouté que, conformément à une jurisprudence constante, s’il incombe à toutes les autorités des États membres, qu’il s’agisse d’autorités du pouvoir central, d’autorités d’un État fédéré ou d’autres entités territoriales, d’assurer le respect des règles du droit de l’Union dans le cadre de leurs compétences, il n’appartient pas aux institutions de l’Union de se prononcer sur la répartition des compétences par les règles institutionnelles de chaque État membre et sur les obligations qui peuvent incomber respectivement aux autorités du pouvoir central de l’État et à celles des autres collectivités territoriales (voir ordonnance Regione Toscana/Commission, point 36 supra, point 7, et la jurisprudence citée).

38      Il résulte des considérations énoncées aux points 36 et 37 ci-dessus que la recevabilité du recours fondée sur l’argument du requérant tiré de l’obligation de respect que l’Union devrait à l’identité nationale du Royaume-Uni, y compris en ce qui concerne l’autonomie régionale, ne saurait être admise, dès lors qu’une telle obligation n’empiète nullement sur les dispositions du traité relatives aux recours juridictionnels. Il s’ensuit qu’aucune incompatibilité avec l’article 4, paragraphe 2, TUE ne saurait être constatée.

39      En second lieu, il convient, toutefois, de rappeler que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une entité régionale ou locale peut, dans la mesure où elle jouit de la personnalité juridique en vertu du droit national, former un recours contre les actes dont elle est destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

40      Dans ces conditions, dès lors que la décision attaquée a été notifiée par la Commission, notamment, au Royaume-Uni, il y a lieu de vérifier que le requérant est recevable à former un recours en annulation contre ladite décision et, plus particulièrement, s’il est directement et individuellement concerné par celle-ci.

41      Pour démontrer qu’il est directement concerné par la décision attaquée, d’une part, le requérant fait valoir qu’il a totalement épuisé le crédit qui lui était ouvert pour couvrir les refus de financement pouvant intervenir au cours de n’importe quelle année de déclaration. D’autre part, l’obligation pour le requérant de financer les 5,02 millions d’euros restants aurait créé un besoin de financement qui aurait nécessité une inscription de cette dette dans ses comptes. Le requérant souligne également que, ainsi qu’il ressort d’une lettre du 15 février 2011 qui lui a été adressée par le ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales du Royaume-Uni, toute exclusion appliquée dans le cadre de la gestion de la politique agricole commune en Irlande du Nord doit être financée par lui.

42      En ce qui concerne la condition relative à l’affectation directe, il résulte d’une jurisprudence constante que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que, en premier lieu, la mesure de l’Union contestée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, en second lieu, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, point 45, et la jurisprudence citée).

43      La Cour a précisé, en faisant référence aux arrêts du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), et du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309), qu’il en va de même, à titre exceptionnel, lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte en cause est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêt Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, point 42 supra, points 46 et 58).

44      S’agissant du premier critère, le Tribunal a considéré, à propos d’un recours en annulation introduit par le bénéficiaire d’aides de l’Union analogues à celles visées dans la décision attaquée contre une décision de la Commission refusant la prise en charge de ces aides par le FEOGA, qu’une telle décision ne concerne que les rapports financiers entre la Commission et l’État membre concerné (ordonnance du Tribunal du 25 avril 2001, Coillte Teoranta/Commission, T‑244/00, Rec. p. II‑1275, point 41).

45      Il y a lieu de considérer qu’il en est de même dans la présente espèce.

46      À cet égard, il convient d’observer que la décision attaquée est précisément fondée, eu égard à la date d’engagement des dépenses, sur l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et sur l’article 31 du règlement n° 1290/2005, intitulé « Apurement de conformité », et que c’est dans le cadre des seules relations entre la Commission et les États membres que se déroulent les opérations tendant à vérifier le respect par les États membres de la réglementation pertinente. Il ressort en particulier de ces dispositions que le résultat des vérifications n’est notifié qu’aux États membres et que la procédure de conciliation est prévue pour permettre de concilier les positions respectives de la Commission et des États membres.

47      En ce qui concerne la décision attaquée, il est certes exact que son article 1er précise que « [l]es dépenses des organismes payeurs agréés des États membres déclarées au titre du FEOGA, section ‘Garantie’, au titre du FEAGA ou au titre du Feader et indiquées à l’annexe sont écartées du financement de l’Union européenne en raison de leur non-conformité aux règles de l’Union européenne ».

48      Toutefois, la Commission ne tire pour seule conséquence de la mention, dans la décision attaquée, des organismes payeurs que l’exclusion desdites dépenses du financement de l’Union. Elle n’attache, en revanche, à ladite mention aucun effet juridique obligatoire à l’égard du requérant (voir, en ce sens, ordonnance Coillte Teoranta/Commission, point 44 supra, point 46).

49      Par ailleurs, le fait que, en raison de la décision attaquée, les montants réclamés constituent automatiquement une dette à la charge du budget national de l’État membre concerné ne saurait avoir directement d’influence en ce qui concerne le requérant, dès lors que la réglementation de l’Union applicable n’implique aucune obligation quant à la situation juridique de ce dernier.

50      En effet, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, relevé, et que le requérant l’a admis dans ses écritures, en application de l’article 11, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 885/2006, la correction financière est appliquée, en ce qui concerne le FEAGA, en déduisant le montant correspondant de la demande de remboursement d’un État membre de toute autre dépense effectuée par celui-ci au cours du deuxième mois suivant la décision d’apurement de conformité. Par ailleurs, conformément à l’article 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, dudit règlement, en ce qui concerne le Feader, les montants à déduire du financement de l’Union sont soustraits par la Commission du paiement intermédiaire suivant ou du paiement final. Ainsi, toutes les demandes de remboursement de dépenses engagées par un État membre sont prises en compte dans leur globalité, sans aucune prise en considération de l’organisme payeur qui les a engagées. Seul le budget de l’État est affecté par la décision de la Commission d’exclure certaines dépenses.

51      Il s’ensuit que la décision de refus de financement affecte directement le budget national de l’État membre concerné.

52      Certes, cette décision comporte des conséquences quant au budget du requérant, puisque, à la suite de la décision attaquée, son budget est réduit du montant des dépenses qu’il a engagées et dont le financement a été refusé par la Commission. Toutefois, ces conséquences découlent non pas de la réglementation de l’Union ou de la décision attaquée, mais de la seule décision du Royaume-Uni.

53      Il résulte de ce qui précède que, eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 42 ci-dessus, le premier critère selon lequel la mesure de l’Union contestée doit produire directement des effets sur la situation juridique du particulier n’est pas rempli en l’espèce.

54      S’agissant du second critère, il convient de rappeler, ainsi que l’a relevé l’avocat général Mme Kokott au point 54 de ses conclusions sous l’arrêt Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, point 42 supra (Rec. p. I‑7996), ce qui suit :

« L’interposition d’une volonté autonome du destinataire entre la décision et ses répercussions sur le requérant implique que celui-ci n’est pas affecté directement. Si la décision du destinataire n’est imposée juridiquement ni par le droit [de l’Union] ni par la décision concrète de la Commission, mais qu’elle repose sur une décision autonome de l’État membre, il n’existe alors aucun lien direct entre la décision de la Commission et le requérant. »

55      Or, il ne résulte ni de la décision attaquée ni du droit de l’Union en général que le gouvernement du Royaume-Uni était tenu de faire supporter par le budget du Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development les dépenses visées dans la décision attaquée et dont la Commission a refusé le financement.

56      À la différence de la pratique généralement suivie par la Commission en matière d’aides d’État déclarées incompatibles avec le marché commun, dont les décisions contiennent des dispositions enjoignant aux États membres de procéder à la récupération des sommes indues auprès des bénéficiaires des aides, la décision attaquée n’a nullement imposé à l’État membre concerné l’obligation de récupérer les sommes auprès du bénéficiaire final (voir, en ce sens, ordonnance Coillte Teoranta/Commission, point 44 supra, point 45, et arrêt Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, point 42 supra, point 61). Il ne saurait en être différemment d’une décision qui ne comporte pas l’obligation à la charge de l’État membre concerné d’imputer ces sommes au budget du requérant.

57      En vertu du droit de l’Union, le Royaume-Uni n’était précisément pas tenu de faire supporter par le budget du Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development les dépenses dont le financement a été refusé par la Commission en raison d’une insuffisance des contrôles, la décision attaquée se contentant d’imputer cette somme en déduction des sommes dues au Royaume-Uni et la répartition de cette somme au niveau national relevant des seules autorités nationales, sans interposition aucune ni revendication de la part de la Commission.

58      Les considérations qui précèdent ne sauraient être infirmées par l’argument du requérant selon lequel l’obligation de remboursement serait mise automatiquement à sa charge au titre de normes de nature constitutionnelle adoptées en 1998 et par lesquelles le Royaume-Uni a adopté une législation prévoyant un transfert (« devolution ») de compétences dans certains domaines à l’Écosse, au pays de Galles et à l’Irlande du Nord, en particulier dans le domaine de la politique agricole commune en général, ce que la Cour aurait constaté dans l’arrêt Horvath, point 28 supra (points 12 à 15).

59      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’une distinction telle que celle en l’espèce, tirée du droit interne, ne saurait avoir une quelconque incidence sur la condition de l’affectation directe du requérant (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, C‑15/06 P, Rec. p. I‑2591, point 35).

60      Enfin, la jurisprudence issue des arrêts Piraiki-Patraiki e.a./Commission et Dreyfus/Commission, point 43 supra, dont se prévaut le requérant, et dans lesquels la Cour, pour rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission dans lesdites affaires, s’est fondée sur la faculté purement théorique dont disposait le destinataire d’une décision de la Commission pour ne pas la mettre en œuvre, dès lors qu’il n’y avait aucun doute quant à cette mise en œuvre, a été prise, ainsi que la Cour l’a elle-même souligné au point 58 de l’arrêt Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, point 42 supra, à titre exceptionnel.

61      En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, point 43 supra, il s’agissait d’une situation dans laquelle la Commission avait, à la suite d’une demande qui lui avait été adressée par un État membre, adopté une décision autorisant ce dernier à limiter l’importation de produits en provenance de Grèce. Ledit État membre avait donc adopté, conformément à la décision de la Commission, une décision en ce sens. La Cour a jugé que les sociétés ayant, avant la décision de la Commission, signé des contrats de livraison des produits en cause pouvaient introduire, devant les juridictions de l’Union, un recours à l’encontre de la décision de la Commission autorisant la limitation d’importation desdits produits. En effet, ladite décision ayant été adoptée à la suite d’une demande de l’État membre concerné, il était, selon la Cour, purement théorique que ce dernier n’utilise pas l’autorisation qu’il avait obtenue de la Commission.

62      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dreyfus/Commission, point 43 supra, la Commission avait informé une société appartenant à la Fédération de Russie (ci-après la « société d’État ») qu’elle pouvait négocier des achats de blé, ce que cette société d’État avait fait en concluant des contrats avec la société Dreyfus. La Commission a, en substance, approuvé ces contrats. En raison de retards dans la mise en place du crédit documentaire, le délai de livraison a dû être reporté. Le prix du blé ayant, entre-temps, considérablement augmenté, la société d’État et la société Dreyfus étaient convenues d’un prix supérieur. La Commission, qui devait financer ladite opération, a toutefois refusé le financement communautaire desdites livraisons au motif que les conditions qui avaient été préalablement déterminées entre elle et la société d’État n’avaient pas été respectées, et ce alors même que les livraisons de blé s’étaient poursuivies. La Cour a considéré que le refus de financement communautaire rendait improbable le respect par la société d’État de ses obligations contractuelles à l’égard de son partenaire de droit privé, dès lors, précisément, qu’elle ne bénéficiait plus dudit financement, et a jugé que le recours introduit à l’encontre de la décision de refus de financement adoptée par la Commission était recevable.

63      Ainsi que le relève l’avocat général Mme Kokott au point 63 de ses conclusions sous l’arrêt Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, point 54 supra, dans ces deux affaires ayant donné lieu à l’arrêt, une appréciation des faits a conduit la Cour à considérer opportuns des cas restreints d’exception au principe selon lequel un tiers n’est pas concerné par une décision de la Commission lorsque le destinataire de ladite décision conserve une marge d’appréciation.

64      Or, cette jurisprudence n’est pas applicable au cas d’espèce, dès lors que la décision attaquée ne fait pas suite à une demande de l’État membre concerné en ce sens ou ne s’inscrit pas dans un contexte factuel très spécifique, tel que celui en cause, en particulier, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dreyfus/Commission, point 43 supra.

65      Il y a donc lieu de conclure que le requérant ne satisfait pas à l’une des conditions de recevabilité posées par l’article 263 TFUE, à savoir celle relative à l’affectation directe, en sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir s’il est individuellement concerné par la décision attaquée ou si celle-ci est un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

66      Il résulte des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Le Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 mars 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : l’anglais.