Language of document : ECLI:EU:T:2013:630

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 décembre 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale ECOFORCE – Marque communautaire figurative antérieure ECO FORTE – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑361/12,

Premiere Polish Co. Ltd, établie à Cheltenham (Royaume-Uni), représentée par MM. C. Jones et M. Carter, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. I. Harrington, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Donau Kanol GmbH & Co. KG, établie à Ried im Traunkreis (Autriche),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 8 juin 2012 (affaire R 851/2011-4), relative à une procédure d’opposition entre Donau Kanol GmbH & Co. KG et Premiere Polish Co. Ltd,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 novembre 2012,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 décembre 2009, la requérante, Premiere Polish Co. Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ECOFORCE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Préparations et substances, toutes pour la blanchisserie ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser, détartrer et abraser ; savons ; succédanés de la térébenthine ; produits et substances de décapage de peinture et de laques ; matériaux de peinture pour toilettes ; produits et substances antistatiques ; et additifs de rinçage ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2010/039, du 1er mars 2010.

5        Le 11 mars 2010, Donau Kanol GmbH & Co. KG a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire figurative antérieure comportant notamment les éléments verbaux « eco » et « forte » écrits en jaune sur un fond vert, enregistrée le 4 mai 2009 sous le numéro 7243173 reproduite ci-après :


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7        La marque antérieure était enregistrée notamment pour les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Le 4 avril 2011, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

10      Le 19 avril 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition. Donau Kanol n’a pas déposé d’observations en réponse à ce recours.

11      Par décision du 8 juin 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré qu’il existait entre les marques en conflit un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, étant donné l’identité des produits visés par ces marques et compte tenu de leur faible degré de similitude visuelle, de leur degré élevé de similitude phonétique et de leur similitude conceptuelle, en ce qui concerne le public de certains États membres de l’Union européenne, ainsi que du caractère distinctif moyen de la marque antérieure. Elle a estimé que les différences visuelles étaient insuffisantes pour permettre au consommateur qui manifeste un degré d’attention moyen de distinguer lesdites marques sans risque de confusion.

12      S’agissant plus spécialement de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a, sur le plan visuel, d’abord indiqué que les éléments verbaux « eco » et « forte » occupaient une place centrale dans la marque antérieure, que le mot « forte » n’y avait pas un rôle dominant par rapport au mot « eco » et que les éléments figuratifs n’y étaient que d’une importance secondaire, au vu de leur caractère essentiellement décoratif dans la perception du public pertinent. Elle a ensuite relevé que sept des huit lettres composant la marque demandée et les éléments verbaux de la marque antérieure étaient non seulement identiques mais également positionnées selon la même séquence. Dès lors, malgré les éléments figuratifs de la marque antérieure, qui n’avaient pas d’équivalents dans la marque demandée, la chambre de recours a décelé l’existence d’un faible degré de similitude visuelle entre les deux marques. Sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé que les marques étaient hautement similaires, la seule différence résidant dans les syllabes finales des deux signes, qui, en raison de la voyelle commune « e », pouvaient également présenter des similitudes phonétiques. Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré qu’il existait, entre les deux marques, une similitude conceptuelle en ce qui concerne les consommateurs de certains États membres de l’Union, notamment anglophones et francophones, dans la mesure où ces derniers reconnaissaient les éléments « eco », « forte » et « force ». En revanche, pour le reste des consommateurs, la comparaison conceptuelle des deux signes était neutre. D’une manière générale, la chambre de recours a observé que, considéré globalement, aucun des signes en conflit n’avait de signification dans l’une des langues de l’Union.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit, dans son intégralité, à sa demande d’enregistrement de marque communautaire ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant la chambre de recours ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle fait valoir, en substance, que la chambre de recours a méconnu cette disposition dans la mesure où elle aurait dû conclure que les signes en conflit étaient suffisamment différents des points de vue visuel, phonétique et conceptuel et qu’il n’existait entre eux aucun risque de confusion pour le public pertinent.

16      L’OHMI réfute les arguments de la requérante et soulève une fin de non-recevoir à l’encontre du deuxième chef de conclusions de celle-ci.

17      À titre liminaire, le Tribunal estime opportun d’examiner la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante, visant à faire droit, dans son intégralité, à la demande d’enregistrement de marque communautaire ou, à titre subsidiaire, à renvoyer l’affaire devant la chambre de recours. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée]. Partant, les conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de faire droit à la demande d’enregistrement sont irrecevables.

18      En ce qui concerne le fond du présent litige, le Tribunal rappelle, tout d’abord, que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), point i), du même règlement, il convient d’entendre par marque antérieure une marque communautaire dont la date de dépôt précède celle de la demande d’une autre marque communautaire.

19      Ensuite, selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

20      Enfin, lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou services en cause sur ce territoire. Toutefois, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

21      En l’espèce, le Tribunal relève que seule est débattue devant lui la question de savoir si c’est sans erreur que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient suffisamment semblables pour pouvoir conclure à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. En effet, s’agissant du public pertinent, la requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles les produits en cause étaient des produits de consommation courante destinés au grand public et le public pertinent était composé des consommateurs finaux dans l’Union, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. S’agissant des produits en cause, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits désignés par les marques en conflit étaient identiques.

 Sur la comparaison des signes

22      La requérante allègue, en premier lieu, qu’il n’existerait entre les signes en conflit aucune similitude visuelle ou, tout au plus, un très faible degré de similitude visuelle. En deuxième lieu, il n’existerait aucune similitude phonétique ou, tout au plus, un faible degré de similitude phonétique entre lesdits signes. En troisième lieu, la marque antérieure aurait une signification conceptuelle claire, qui découlerait de ses éléments figuratifs, contrairement à la marque demandée, laquelle serait dénuée d’une telle signification.

23      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

24      À cet égard, le Tribunal rappelle que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. Le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I-4529, point 35, et la jurisprudence citée).

25      Plus précisément, en présence d’une marque complexe, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 24 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 24 supra, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

26      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner, à titre liminaire, l’argument de la requérante selon lequel c’est à tort que la chambre de recours aurait conclu que les éléments verbaux de la marque figurative antérieure devaient être perçus comme correspondant à l’expression « eco forte ». Un tel examen liminaire s’impose car, au sein d’un signe composé à la fois d’éléments verbaux et d’éléments figuratifs, le positionnement des éléments verbaux non seulement influe sur la perception visuelle de ce signe, mais en détermine également la perception auditive par le public pertinent.

27      À cet égard, la requérante allègue que la chambre de recours aurait omis de prendre en considération la place dominante de l’élément « forte », la présence d’une ligne jaune sous ce mot, la taille nettement plus grande de la lettre « f », ainsi que le rôle de l’élément rond de la forme d’un « o » suivant le groupe de lettres « ec » et, le cas échéant, le caractère faiblement distinctif de l’élément « eco ».

28      Or, le Tribunal relève que la chambre de recours a correctement estimé, aux points 16 et 17 de la décision attaquée, que, mis en présence de la marque figurative antérieure, le consommateur moyen issu du public pertinent percevrait les éléments verbaux de ladite marque comme étant constitué des mots « eco » et « forte », lus dans cet ordre. D’une part, il ne saurait être soutenu que la partie supérieure de ces éléments verbaux sera perçue comme étant « ec » ou « ec-o » au lieu de « eco », étant donné l’identité des polices de caractères utilisées pour le groupe de lettres « ec » et l’élément « o », l’emplacement de ce dernier à la suite desdites lettres ainsi que sa taille, à peine supérieure à celle des caractères qui le précède. D’autre part, l’ordre de lecture des deux éléments verbaux « eco » et « forte » ne pourra être, comme l’allègue la requérante, inverse de celui indiqué par la chambre de recours, tant à cause de la tendance du public pertinent à lire de haut en bas et de gauche à droite qu’en raison de l’absence d’une différence de taille notable entre les deux éléments en cause, qui soit de nature à attribuer à l’un d’eux un caractère clairement dominant.

29      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’allégation de la requérante, prétendument fondée sur le paragraphe c) de la décision de la division d’opposition, selon laquelle le terme « eco » aurait un faible caractère distinctif, ce qui aurait pour conséquence que les consommateurs, lorsqu’ils se rappellent la marque figurative antérieure, soit omettraient ce terme, soit le placeraient après le terme « forte ». En effet, il convient de constater, à l’instar de l’OHMI, que la chambre de recours s’est bornée à indiquer, au point 20 de la décision attaquée, que, pour une partie du public pertinent, à savoir les consommateurs comprenant le terme « eco » comme signifiant « écologique », les deux signes seraient conceptuellement similaires à cet égard. Or, il suffit de relever que cette constatation de la chambre de recours ne se rapporte pas à l’analyse visuelle des deux marques et n’est, par ailleurs, pas contestée par la requérante. Du reste, cette dernière n’apporte aucune preuve au soutien de son allégation selon laquelle l’élément verbal « eco » s’avère négligeable dans la perception par le public pertinent de la marque figurative antérieure.

30      Au vu de l’examen de cet argument liminaire, c’est sans erreur que la chambre de recours a conclu que les éléments verbaux de la marque figurative antérieure correspondent à « eco forte ».

31      S’agissant, en premier lieu, de la comparaison visuelle des signes en conflit, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir isolé les éléments verbaux « eco forte » au sein de la marque antérieure et de n’avoir pas pris en compte l’élément figuratif floral très dominant, après l’avoir considéré comme décoratif et non distinctif.

32      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les éléments verbaux, dans le cas d’une marque composée tant d’éléments verbaux que d’éléments figuratifs, doivent généralement être considérés comme étant plus distinctifs que les éléments figuratifs, voire comme dominants, dès lors que le public pertinent gardera en mémoire les éléments verbaux pour identifier la marque concernée, les éléments figuratifs étant plutôt perçus comme des éléments décoratifs [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, Rec. p. II‑2897, point 40 ; du 15 novembre 2011, Hrbek/OHMI – Outdoor Group (ALPINE PRO SPORTSWEAR & EQUIPMENT), T‑434/10, non publié au Recueil, point 55 ; du 31 janvier 2012, Cervecería Modelo/OHMI – Plataforma Continental (LA VICTORIA DE MEXICO), T‑205/10, non publié au Recueil, point 46, et du 2 février 2012, Almunia Textil/OHMI – FIBA-Europe (EuroBasket), T‑596/10, non publié au Recueil, point 36].

33      En l’espèce, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours, au point 15 de la décision attaquée, selon laquelle les éléments verbaux de la marque antérieure sont clairement dominants et occupent une position centrale dans le signe, avant d’observer que les signes ECO FORTE et ECOFORCE comprennent les mêmes lettres placées dans le même ordre, à l’exception d’une seule lettre (« t » ou « c »).

34      En effet, eu égard à la composition de la marque antérieure, ce sont ces éléments verbaux, écrits en lettres majuscules et dans une police de caractères très lisible, qui sont immédiatement perceptibles. Ils se détachent en jaune sur un fond vert et sont entourés de deux éléments figuratifs banals et d’importance visuelle limitée. Ceux-ci consistent, d’une part, en une ligne horizontale soulignant l’élément « forte » et, d’autre part, en des pétales d’une fleur stylisée, placées autour de la lettre « o », de taille supérieure, faisant partie du mot « eco ».

35      Certes, l’élément figuratif de la marque antérieure ne doit nullement être négligé dans le cadre d’une appréciation d’ensemble de la similitude des signes en conflit, comme le rappelle à juste titre la requérante. Toutefois, compte tenu du nombre limité des couleurs utilisées, à savoir le jaune et le vert, et du caractère banal de l’agencement des formes autour de l’élément verbal et de l’absence de caractère distinctif particulier de celles-ci, l’élément figuratif de la marque antérieure n’est pas susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci. Ainsi, il n’a pas été établi en l’espèce que l’élément figuratif de la marque antérieure eût un contenu sémantique propre et qu’il se présentât sous une configuration élaborée au point d’être en mesure d’influencer de façon substantielle l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure.

36      C’est donc sans erreur que la chambre de recours a estimé que les éléments verbaux de la marque antérieure étaient susceptibles de dominer l’impression d’ensemble produite dans l’esprit du public pertinent et que, sur le plan visuel, il existait un faible degré de similitude entre les signes en conflit. En outre, la chambre de recours a dûment pris en compte l’élément figuratif de la marque antérieure, qu’elle a considéré comme étant à l’origine du faible degré de similitude visuelle.

37      S’agissant, en deuxième lieu, de la similitude phonétique des signes, la requérante, d’une part, allègue que la marque antérieure sera prononcée en deux mots, « eco » et « forte », séparés par une pause naturelle et avec une accentuation plus prononcée sur la lettre « f », et, d’autre part, conteste les similitudes phonétiques relevées par la chambre de recours, au motif qu’il serait notoire que la lettre « e » placée à la fin d’un mot pourrait, selon les langues de l’Union, se prononcer comme un « i » long ou un « e » court, ou encore être muette.

38      Ainsi, la chambre de recours a considéré, au point 19 de la décision attaquée, que les deux signes étaient fortement similaires, la seule différence entre les deux résidant dans leur dernière syllabe, respectivement « te » pour la marque antérieure et « ce » pour la marque demandée. La chambre de recours a toutefois estimé que, dans la mesure où ces deux syllabes contenaient la voyelle « e », elles pouvaient également présenter une certaine similitude phonétique.

39      À cet égard, le Tribunal observe que les huit lettres composant les signes ECO FORTE et ECOFORCE sont, à l’exception de l’avant-dernière, identiques et apparaissent dans le même ordre. Or, même si les avant-dernières lettres « t » et « c » pourraient influencer la prononciation en une ou deux syllabes des termes « force » ou « forte » dans certaines langues de l’Union, leur incidence sur la prononciation globale des éléments verbaux des signes ne peut être que très réduite, de sorte que le public pertinent, auquel un message oral serait adressé dans le cadre de l’acquisition d’un produit de la marque ECOFORCE, pourrait être amené à le confondre avec un produit de la marque ECO FORTE. Force est, dès lors, de constater que les marques en conflit présentent un degré de similitude phonétique élevé, eu égard à l’identité séquentielle non seulement des lettres, mais également, et surtout, des syllabes constituant les éléments verbaux des signes en conflit.

40      Par ailleurs, s’il n’est pas exclu que la marque antérieure puisse être prononcée en deux mots, « eco » et « forte », séparés par une pause naturelle et avec une accentuation plus prononcée sur la lettre « f », comme il est allégué par la requérante, il convient de relever, à l’instar de l’OHMI, que le consommateur moyen pourra ne pas dissocier ces mots, qui sont courts et n’ont pas un sens propre pour au moins une partie du public pertinent.

41      Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient hautement similaires d’un point de vue phonétique.

42      S’agissant, en troisième lieu, de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, la requérante soutient, d’une part, que la chambre de recours a commis une erreur en assimilant le sens du mot « forte » de la marque antérieure à celui de « force » de la marque demandée pour ce qui est des consommateurs anglophones et francophones, capables d’attribuer aux deux mots les significations distinctes de « point fort » et de « force physique », et, d’autre part, que la comparaison conceptuelle des deux signes en conflit implique la prise en considération de significations de nature florale de l’élément figuratif de la marque antérieure.

43      Le Tribunal relève, d’emblée, que la requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours, au point 20 de la décision attaquée, selon lesquelles les éléments verbaux de marques en conflit seront perçus globalement comme des mots inventés, n’ayant de signification propre dans aucune des langues de l’Union, et selon lesquelles, pour au moins une partie du public pertinent, en l’occurrence celui composé de consommateurs qui ne sont pas en mesure d’attribuer un sens quelconque aux éléments verbaux « eco », « forte » ou « force » des marques en conflit, la comparaison conceptuelle des signes demeure neutre.

44      Pour ce qui concerne, d’une part, le sens des mots « forte » et « force », il convient de relever qu’il est constant entre les parties que le terme « forte » évoque l’idée de « point fort », tandis que celui de « force » correspond à la notion de « force physique ». Or, selon les dictionnaires latins, ces termes sont tous deux dérivés du mot latin « fortis », signifiant principalement « fort, puissant », outre le sens secondaire de « brave, courageux ». Par leurs structures verbale, phonétique et sémantique, lesdits termes conservent un lien étroit, qui demeure facilement perceptible par le consommateur anglophone ou francophone, lequel les reconnaîtra facilement comme étant des mots faisant partie de son vocabulaire de base. Ainsi, bien qu’il existe une différence grammaticale manifeste entre le mot « force », qui est un nom commun tant en français qu’en anglais, et le mot « forte », qui peut être respectivement un nom, un adjectif ou un adverbe en anglais, en français et en italien, il ne peut pas être contesté que le concept qu’ils évoquent dans l’esprit du consommateur est substantiellement le même, à savoir celui de puissance ou de vigueur. De plus, il convient de souligner que ce lien est encore plus étroit en français, langue dans laquelle le terme « forte » peut être compris comme étant l’adjectif féminin dérivé directement du substantif « force ».

45      Il y a, dès lors, lieu de conclure que, les éléments « forte » et « force » des deux signes en conflit ayant des sens semblables, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’ils présentaient une similitude conceptuelle pour une partie du public pertinent.

46      Pour ce qui concerne, d’autre part, les prétendues significations de nature florale de l’élément figuratif de la marque antérieure, la comparaison conceptuelle des deux signes en conflit n’implique guère leur prise en considération. En effet, la requérante n’établit aucunement en quoi ledit élément figuratif serait susceptible d’attribuer à la marque antérieure une signification concrète, de nature florale ou autre, dans l’esprit du public pertinent. Il y a lieu de considérer, à l’instar de l’OHMI et pour les raisons évoquées aux points 34 à 36 ci-dessus, que les caractéristiques figuratives de la marque antérieure ne sont pas à même d’attribuer à celle-ci une signification conceptuelle différente et d’écarter toute similitude conceptuelle avec la marque demandée.

47      Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient une certaine similitude conceptuelle, telle qu’exposée au point 20 de la décision attaquée.

 Sur le risque de confusion

48      La requérante conteste l’appréciation du risque de confusion entre les signes en conflit qu’a opérée la chambre de recours. D’une part, celle-ci aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas dûment compte du mode habituel de commercialisation des produits concernés, lequel passerait par une sélection visuelle sur des rayons de magasins et devrait conférer une importance prépondérante à la perception visuelle dans l’appréciation du risque de confusion. D’autre part, elle aurait accordé une importance insuffisante aux différences visuelles entre les signes en conflit, y compris aux éléments figuratifs de la marque antérieure.

49      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

50      À cet égard, le Tribunal rappelle que l’appréciation du risque de confusion dans l’esprit du public pertinent dépend de nombreux facteurs et doit se faire globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 24 supra, point 34, et du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C‑498/07 P, Rec. p. I‑7371, point 59, et la jurisprudence citée). En outre, elle implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié au Recueil, points 44 et 45 ; voir également arrêt du Tribunal du 8 mars 2013, Mayer Naman/OHMI – Daniel e Mayer (David Mayer), T‑498/10, non publié au Recueil, point 48, et la jurisprudence citée].

51      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il y a lieu de confirmer la conclusion de la chambre de recours, au point 23 de la décision attaquée, selon laquelle il existait un risque de confusion entre les marques en conflit, après avoir pris en considération les facteurs suivants : l’identité des produits en cause, le caractère distinctif moyen de la marque antérieure, le faible degré de similitude visuelle, le degré élevé de similitude phonétique ainsi que la similitude conceptuelle en ce qui concerne le public de certains États membres. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 21 ci-dessus, les produits de la marque demandée et ceux couverts par la marque antérieure sont, d’une part, destinés à une même catégorie de consommateurs et, d’autre part, identiques. En outre, l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, en tenant compte principalement de leurs éléments distinctifs et dominants, à savoir les éléments verbaux « eco forte » et « ecoforce », et accessoirement des éléments figuratifs moyennement distinctifs de la marque antérieure, est, au vu du faible degré de similitude visuelle, du degré de similitude phonétique élevé et de la similitude conceptuelle pour le public de certains États membres, notamment francophone ou anglophone, entre ces éléments, susceptible d’entraîner entre lesdits signes, pour des produits identiques, un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

52      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait omis d’examiner le mode de commercialisation habituel des produits en cause. En effet, s’il est exact que les instances de l’OHMI peuvent prendre en considération les modalités objectives de commercialisation des produits, en particulier dans la perspective de déterminer l’importance respective à accorder aux aspects visuel, phonétique et conceptuel des marques en conflit lors de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient, en l’occurrence, de relever que, comme la chambre de recours l’a estimé à juste titre, les différences visuelles entre les deux signes sont, en tout état de cause, insuffisantes pour contrebalancer les autres critères pris en compte pour l’appréciation globale du risque de confusion. Partant, l’allégation tirée des modalités objectives de commercialisation des produits est inopérante.

53      Aucun des arguments invoqués par la requérante au soutien de son moyen unique n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Premiere Polish Co. Ltd est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 décembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.