Language of document : ECLI:EU:T:2013:479

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

16 septembre 2013 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la BEI – Évaluation – Promotion – Exercice d’évaluation et de promotion 2008 – Décision du comité de recours – Portée du contrôle – Rapport d’appréciation – Exception d’illégalité – Délai raisonnable – Demande d’annulation – Demande indemnitaire – Litispendance »

Dans l’affaire T‑618/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 28 septembre 2011, De Nicola/BEI (F‑13/10, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Carlo De Nicola, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté par Me L. Isola, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par M. T. Gilliams et Mme F. Martin, puis par MM. Gilliams et G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi (rapporteur) et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Carlo De Nicola, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 28 septembre 2011, De Nicola/BEI (F‑13/10, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, premièrement, à l’annulation de la décision du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI) du 23 septembre 2009, portant rejet de sa demande de revoir son rapport d’appréciation pour l’année 2008 (ci-après le « rapport litigieux »), deuxièmement, à l’annulation du rapport litigieux, troisièmement, à l’annulation de tous les actes connexes, consécutifs et préalables et, en tout état de cause, du guide de la procédure d’évaluation 2008, des décisions de promotion et de la décision de refus de sa promotion au titre de l’exercice de 2008, quatrièmement, à la condamnation de la BEI à réparer les préjudices moraux et matériels que le requérant estime avoir subis et, cinquièmement, à l’adoption de certaines mesures d’organisation de la procédure et de certaines mesures d’instruction.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 16 à 36 de l’arrêt attaqué.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 12 février 2010, le requérant a demandé, premièrement, l’annulation de la décision du comité de recours rejetant sa demande de revoir le rapport litigieux, deuxièmement, l’annulation dudit rapport, troisièmement, l’annulation, notamment, du guide de la procédure d’évaluation 2008, des décisions de promotion et de la décision de refus de sa promotion au titre de l’exercice de 2008, quatrièmement, la condamnation de la BEI à réparer les préjudices moraux et matériels qu’il estime avoir subis et, cinquièmement, l’adoption de certaines mesures d’organisation de la procédure et de certaines mesures d’instruction.

4        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours du requérant dans son intégralité et l’a condamné à supporter ses propres dépens et la moitié des dépens de la BEI.

5        Dans le cadre d’observations sur la portée des conclusions en annulation de la décision du comité de recours, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit (points 44 et 45 de l’arrêt attaqué) :

« 44      Ainsi qu’il a été déjà jugé par le Tribunal, des conclusions dirigées contre la prise de position du comité de recours institué par la Banque en matière d’évaluation des membres du personnel n’ont pas de contenu autonome et ont pour effet de saisir le juge du rapport d’appréciation contre lequel un tel recours administratif a été introduit (arrêt du 8 mars 2011, point 131, et la jurisprudence citée). Plus généralement, la décision du comité de recours n’a pas de contenu autonome par rapport à l’ensemble des décisions contestées devant ce comité.

45      En l’espèce, le requérant conclut à l’annulation de la décision du comité de recours en ce qu’elle rejette la contestation formée à l’encontre du rapport d’appréciation 2008. De telles conclusions doivent être analysées comme visant ce rapport. En outre, il ressort tant des conclusions contenues dans le mémoire d’appel du requérant du 7 mai 2009 devant le comité de recours que de sa requête que le requérant demande également l’annulation de la décision de refus de promotion. En conséquence, les conclusions dirigées contre la décision de ce comité doivent être analysées comme tendant à l’annulation non seulement du rapport d’appréciation 2008, mais aussi de la décision de refus de promotion. »

6        S’agissant de la recevabilité des conclusions en annulation du guide de la procédure d’évaluation 2008, le Tribunal de la fonction publique a jugé ce qui suit (points 52 à 59 de l’arrêt attaqué) :

« 52      Dans ses écritures, le requérant n’a pas excipé de l’illégalité du guide de la procédure d’évaluation 2008 mais en a demandé expressément et directement l’annulation, par voie d’action, sur le fondement de l’article 41 du règlement du personnel.

53      Les litiges purement internes entre la Banque et ses employés sont soumis à un régime particulier, fixé notamment à l’article 41 du règlement du personnel. Ces litiges, qui s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions de l’Union et leurs fonctionnaires ou agents, sont soumis au contrôle juridictionnel au titre de l’article 270 TFUE (arrêt du Tribunal de première instance du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, points 98 à 101).

54      Or, l’article 41 du règlement du personnel permet seulement aux membres du personnel de saisir les juridictions de l’Union des différends d’ordre individuel. Si les membres du personnel peuvent, sous certaines conditions, dans le cadre d’un litige d’ordre individuel, exciper de l’illégalité de mesures de portée générale, ils ne sont pas recevables à en demander directement l’annulation. Il convient d’ailleurs de relever, sur ce point, une certaine analogie avec les dispositions de l’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le ‘statut’) qui prévoient que, pour pouvoir être qualifiée d’acte faisant grief, une mesure doit notamment renfermer une prise de position définitive de l’administration à l’égard de la situation individuelle du fonctionnaire (arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Agne-Dapper/Commission, T‑35/05, T‑61/05, T‑107/05, T‑108/05 et T‑139/05, point 56).

55      En l’espèce, le guide de la procédure d’évaluation 2008 vise à produire des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes, à savoir les agents de la Banque, envisagée de manière générale et abstraite. Il constitue une mesure de portée générale. Ainsi, les conclusions tendant à son annulation ne peuvent être regardées comme étant relatives à des différends d’ordre individuel au sens des dispositions précitées de l’article 41 du règlement du personnel. Ce guide ne peut dès lors faire l’objet d’un recours direct par le requérant (voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 juillet 1981, Bowden e.a./Commission, 153/79, point 13 ; arrêts du Tribunal de première instance du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T‑192/99, points 61 et 62, et la jurisprudence citée, et du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, point 132). Les conclusions susmentionnées sont, dès lors, irrecevables.

56      En tout état de cause, à supposer que les conclusions à fin d’annulation susmentionnées puissent néanmoins être regardées comme une exception d’illégalité, ladite exception serait à la fois irrecevable et infondée.

57      En effet, en vertu des points 10 et 11.1 du guide de la procédure d’évaluation 2008, la Banque doit veiller à ce que la notation soit ‘conforme à la courbe de répartition recommandée (10 % de notes A, 30 % de notes B+)’.

58      Or, en l’espèce, il n’apparaît pas que la décision d’attribuer la note B au requérant ait été prise en application directe de la règle dont l’intéressé invoque l’illégalité. En effet, le requérant ne donne aucune précision permettant d’apprécier si sa note a été diminuée aux fins de respecter les limites litigieuses de 10 % et 30 %. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les personnes chargées de l’évaluation du requérant se soient efforcées de respecter ces limites au niveau de l’unité dont dépendait ce dernier. Par ailleurs, une déclaration éventuelle d’illégalité de la règle en cause n’aurait nullement pour effet de contraindre la Banque à reconnaître au requérant le bénéfice de la note A ou de la note B+ qu’il revendique. Par conséquent, même à supposer qu’elle soit soulevée, l’exception d’illégalité formée à l’encontre des points 10 et 11.1 du guide de la procédure d’évaluation 2008 serait irrecevable.

59      En tout état de cause, cette exception ne serait pas fondée. En effet, la Banque n’a pas fait un usage manifestement inapproprié de son pouvoir d’appréciation en matière d’évaluation et de promotion en encadrant comme elle l’a fait la liberté de jugement des évaluateurs. La règle établissant les limites de 10 % et 30 % est en effet objective, transparente, conforme au principe de promotion fondé sur le mérite professionnel énoncé à l’article 23 du règlement du personnel et soucieuse du respect des contraintes budgétaires pesant sur les institutions et organes de l’Union (voir, en ce sens, à propos de dispositions semblables arrêt du 30 novembre 2009, point 176). »

7        S’agissant de la recevabilité des conclusions en annulation des décisions de promotion, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit (points 61 à 65 de l’arrêt attaqué) :

« 61      Il a été jugé que la procédure de conciliation de l’article 41 du règlement du personnel et la procédure d’appel spécifique en matière d’appréciation annuelle prévue par une communication administrative de la Banque poursuivent le même objectif que la procédure précontentieuse obligatoire instituée par l’article 90 du statut. Ces procédures visent également à permettre un règlement amiable des différends, en donnant à la Banque la possibilité de revenir sur l’acte contesté et au membre du personnel concerné la faculté d’accepter la motivation à la base de cet acte et de renoncer, le cas échéant, à l’introduction d’un recours. Par ailleurs, la réglementation de la Banque ne prévoit pas les modalités de la coordination entre ces deux procédures. En matière de rapports d’appréciation, la décision de recourir alternativement à l’une ou l’autre d’entre elles, ou aux deux ensemble, parallèlement ou successivement, est ainsi laissée à l’appréciation du membre du personnel concerné, sous réserve du respect du délai indicatif fixé par les communications administratives pertinentes pour la demande de saisine du comité d’appel (arrêt du 8 mars 2011, point 136, et la jurisprudence citée).

62      Dans ce contexte, un délai de trois mois courant à compter du jour de la communication de l’acte faisant grief à l’employé concerné ou, le cas échéant, de l’issue négative de la procédure d’appel ou de l’échec de la procédure de conciliation doit en principe être considéré comme raisonnable, à condition toutefois, d’une part, que l’éventuelle procédure d’appel se soit déroulée dans un délai raisonnable et, d’autre part, que l’intéressé ait formulé son éventuelle demande de conciliation dans un délai raisonnable après avoir reçu communication de l’acte lui faisant grief. Plus précisément, l’institution de ces deux procédures facultatives, respectivement par l’article 41 du règlement du personnel et par les communications au personnel susmentionnées, liant la Banque conduit nécessairement à la conclusion que, si un membre du personnel demande successivement l’ouverture de la procédure d’appel puis celle de la procédure de conciliation, le délai pour l’introduction d’un recours devant le Tribunal ne commence à courir qu’à partir du moment où cette dernière procédure a échoué, dès lors que le membre du personnel a formulé sa demande de conciliation dans un délai raisonnable après l’achèvement de la procédure d’appel (arrêt du 8 mars 2011, point 137, et la jurisprudence citée).

63      Or, dans le présent litige, d’une part, il est constant que le requérant a eu connaissance au plus tard le 7 mai 2009 des décisions de promotion, dès lors qu’il a annexé à sa demande de saisine du comité de recours, datée du 7 mai 2009, une liste des promotions au titre de l’année 2008.

64      D’autre part, il est également constant qu’à compter de la prise de connaissance des décisions de promotion, le requérant n’a pas saisi dans le délai raisonnable de trois mois la commission de conciliation prévue par les dispositions de l’article 41 du règlement du personnel ni le comité de recours. Certes, le requérant a saisi le comité de recours le 7 mai 2009. Toutefois, dans son recours devant ce comité, il n’a pas expressément contesté les décisions de promotion. Quant à la demande de saisine de la commission de conciliation, elle n’a été présentée que le 14 octobre 2009, soit plus de cinq mois après la prise de connaissance des décisions de promotion.

65      Il s’ensuit que les conclusions aux fins d’annulation des décisions de promotion doivent être rejetées comme tardives. »

8        S’agissant de la recevabilité des conclusions dirigées contre le rapport litigieux et contre la décision de refus de promotion, le Tribunal de la fonction publique a jugé ce qui suit (points 70 à 80 de l’arrêt attaqué) :

« 70      Aux termes de l’article 42 du règlement de procédure, ‘[l]es parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation jusqu’à la fin de l’audience, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit dûment justifié’.

71      En l’espèce, le requérant n’établit pas que les documents qu’il produit, datés de l’année 2010 et portant au demeurant sur une période postérieure à l’introduction de la requête, n’auraient pu être communiqués en même temps que sa réponse du 12 février 2011 au courrier du Tribunal du 20 décembre 2010 et à celui de la Banque du 10 janvier 2011, lesquels étaient relatifs à la recevabilité de la requête. Le requérant ne justifiant pas son retard dans la présentation de cette nouvelle offre de preuve, celle-ci doit être rejetée.

72      En tout état de cause, même sans tenir compte de ces documents, le Tribunal est en mesure d’admettre la recevabilité des conclusions susvisées.

73      En effet, il convient au préalable de rappeler que l’article 41 du règlement du personnel prévoit que les différends autres que ceux relatifs à des sanctions disciplinaires font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque. Ce même article précise que, ‘[l]orsque la commission doit se réunir, l’un des membres est désigné par le président de la Banque, le deuxième par l’intéressé – ces deux désignations ayant lieu dans le délai d’une semaine à partir de la demande d’une des parties à l’autre’.

74      Aucune règle interne de la Banque ne fixe le délai dans lequel le personnel de la Banque devrait saisir le juge au cas où cette dernière n’ouvre pas la procédure de conciliation en s’abstenant, comme en l’espèce, de désigner l’un des membres de la commission de conciliation. La présente situation est différente de celle où la procédure de conciliation a échoué, le délai de recours commençant alors à courir à la date de cet échec (arrêt du 8 mars 2011, point 137, et la jurisprudence citée).

75      Il résulte des dispositions susmentionnées de l’article 41 du règlement du personnel que, lorsque, comme en l’espèce, un membre du personnel de la Banque saisit la commission de conciliation d’un différend autre que ceux relatifs à des sanctions disciplinaires, la Banque est tenue de désigner l’un des membres de cette commission. La Banque, dans cette hypothèse, ne saurait légalement refuser d’ouvrir la procédure de conciliation.

76      Dans ces circonstances particulières, l’inaction du président de la Banque, qui s’abstient de désigner un membre de la commission de conciliation dans le délai d’une semaine prescrit par l’article 41 du règlement du personnel, est de nature à créer une incertitude dans l’esprit du membre du personnel sur le sort de sa demande de conciliation. De ce fait, cette abstention ne saurait être regardée comme ayant fait naître, dès l’expiration de ce délai d’une semaine, une décision implicite de rejet de nature à faire courir les délais de recours contentieux.

77      Pour autant, il serait dommageable à l’exigence de sécurité juridique que, dans le silence des textes, le délai dans lequel les actes de la Banque doivent être contestés varie en fonction de la nature des procédures en cause, notamment de leur plus ou moins grande analogie avec la procédure de réclamation prévue, pour les fonctionnaires et les autres agents de l’Union, par l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 juin 2011, De Nicola/BEI, F‑49/10, point 71), ou qu’aucun délai ne soit fixé pour saisir la juridiction compétente.

78      Il y a dès lors lieu de considérer, en s’inspirant de l’article 90 du statut, que, dans le cas où un membre du personnel de la Banque demande que la commission de conciliation soit saisie de différends autres que ceux relatifs à des sanctions disciplinaires et que la Banque s’abstient de désigner son représentant dans cette commission, cette abstention fait naître une décision implicite de rejet de la demande de conciliation dans un délai de quatre mois suivant la réception, par la Banque, de ladite demande. Le membre du personnel de la Banque dispose alors d’un délai raisonnable de trois mois, courant à compter de la naissance de cette décision implicite, pour saisir le Tribunal.

79      En l’espèce, le requérant a demandé la saisine de la commission de conciliation le 14 octobre 2009 et il est constant que cette demande a été reçue le jour même par la Banque. La Banque s’étant abstenue de désigner son représentant, le requérant disposait d’un délai de sept mois, jusqu’au 14 mai 2010, pour introduire son recours. Or, celui-ci a été enregistré au greffe du Tribunal le 12 février 2010. La circonstance que le recours ait été formé avant l’expiration du délai au terme duquel une décision implicite de rejet de la demande de conciliation est intervenue n’est pas de nature à emporter le rejet des présentes conclusions comme prématurées. En effet, l’application par analogie de l’article 90 du statut a pour seul objet de déterminer, en l’absence d’indications dans le règlement du personnel de la Banque, le délai de recours, non de donner naissance à un acte faisant grief permettant au juge d’exercer son contrôle.

80      La Banque n’est dès lors pas fondée à soutenir que les conclusions tendant à l’annulation du rapport d’appréciation 2008 et de la décision de refus de promotion, présentées le 12 février 2010, seraient tardives. »

9        S’agissant de la recevabilité des conclusions indemnitaires, le Tribunal de la fonction publique a jugé, notamment, ce qui suit (points 97 à 103 de l’arrêt attaqué) :

« En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée du caractère définitif des actes ayant causé le préjudice allégué

97      Un fonctionnaire qui n’a pas attaqué en temps utile une décision de l’AIPN lui faisant grief ne peut contourner cette forclusion en présentant un recours en responsabilité fondé sur l’illégalité prétendue de cette décision. Un requérant ne saurait donc, par le biais d’une demande en indemnité, chercher à obtenir un résultat identique à celui que lui aurait procuré le succès d’un recours en annulation qu’il a omis d’intenter en temps utile (arrêts de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission, 59/65, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87). Par ailleurs, si un fonctionnaire est en droit, sans demander l’annulation d’un acte faisant grief, d’introduire, sur le fondement d’une prétendue illégalité de cet acte, une action tendant uniquement à son indemnisation pour le préjudice que cet acte lui a causé, de telles conclusions indemnitaires ne sont recevables que si elles ont été présentées dans les délais de recours contentieux applicables à l’acte en cause (arrêt du Tribunal du 21 février 2008, F‑4/07, Skoulidi/Commission, points 50 et 70). Enfin, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des règles de prescription applicables en droit italien, la Banque n’y étant pas soumise.

98      En l’espèce, en demandant la réparation du préjudice matériel qu’il aurait subi du fait qu’il n’a pas été promu depuis de nombreuses années, le requérant cherche à obtenir un résultat identique à celui que lui aurait procuré le succès d’un recours en annulation à l’encontre des décisions de refus de promotion prises par la Banque à son encontre.

99      Or, les recours dirigés contre les refus de promotion opposés au requérant au titre des années 1996 et 1997 ont été définitivement rejetés par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI, précité). La requête contestant la réintégration du requérant dans la fonction E à compter du 23 février 2001 a également été définitivement rejetée par le Tribunal de première instance (arrêt du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, précité). Si le requérant a formé des recours contre les refus de promotion qui lui ont été opposés au titre des exercices 2006 et 2007 et si le présent recours contient des conclusions dirigées contre une nouvelle décision de refus au titre de l’exercice 2008, il n’est pas contesté que l’intéressé n’a pas formé de recours à l’encontre d’autres décisions de refus de promotion. Le requérant n’a notamment pas contesté la décision du 9 mars 2005 par laquelle le directeur des ressources humaines, tout en l’informant qu’il reprenait ses fonctions à compter du 16 avril 2005, l’a maintenu à la fonction E.

100      Les refus de promotion autres que ceux édictés au titre des années 2006, 2007 et 2008 étant devenus définitifs, les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel causé par ces refus de promotion sont, dans cette mesure, irrecevables.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l’application de l’exception de litispendance

101      Par un recours enregistré sous le numéro F‑55/08, le requérant a demandé au Tribunal, notamment, de réparer le préjudice moral et matériel que lui aurait causé la Banque. Dans ce recours, le requérant faisait valoir, comme dans la présente requête, que ce préjudice résulterait notamment du harcèlement moral qu’il aurait subi et de l’arrêt de la progression de sa carrière consécutif aux refus de promotion dont il a fait l’objet pendant de nombreuses années. Le Tribunal a rejeté ces conclusions aux points 252 à 269 de son arrêt du 30 novembre 2009. Le requérant a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt devant le Tribunal de l’Union européenne, qui a été enregistré sous la référence T‑37/10 P.

102      Ainsi et alors même que ce litige est pendant devant le Tribunal de l’Union européenne et non pas le Tribunal de céans, la Banque est fondée à soutenir que les conclusions contenues dans le présent recours, en tant qu’elles ont trait au préjudice allégué par le requérant jusqu’à l’exercice de promotion 2007 inclus, se heurtent, en tout état de cause, à l’exception de litispendance et doivent, en conséquence, être rejetées comme irrecevables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2010, Marcuccio/Commission, F‑1/10, point 54, et la jurisprudence citée).

103      Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires ne sont recevables qu’en ce qu’elles tendent à la réparation du préjudice qu’aurait subi le requérant au cours de l’année 2008. »

10      Sur le fond, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions tendant à l’annulation du rapport litigieux, y compris du guide de la procédure d’évaluation 2008 (points 108 à 111 et 114 à 116 de l’arrêt attaqué), les conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus de promotion (point 117 de l’arrêt attaqué), les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours (point 118 de l’arrêt attaqué), ainsi que le surplus des conclusions indemnitaires, relatives au préjudice allégué au titre de l’année 2008 (points 119 à 121 de l’arrêt attaqué).

11      En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du guide de la procédure d’évaluation 2008, le Tribunal de la fonction publique a énoncé ce qui suit (points 108 à 111 de l’arrêt attaqué) :

« 108  Ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des personnes chargées de l’évaluation. En effet, la Banque, à l’instar des autres institutions et organes de l’Union, dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer le travail des membres de son personnel. Le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur les appréciations contenues dans un rapport d’appréciation annuelle d’un membre du personnel de la Banque ne porte que sur les éventuelles irrégularités de forme, les erreurs de fait manifestes entachant ces appréciations, ainsi que sur un éventuel détournement de pouvoir. En vertu du guide de la procédure d’évaluation 2008, la fixation des objectifs est partie intégrante de l’évaluation annuelle. Les choix effectués par la Banque en la matière relèvent du même pouvoir d’appréciation, particulièrement large, que celui dont elle dispose dans l’évaluation proprement dite des performances d’un membre de son personnel. Ils ne peuvent donc faire l’objet que d’un contrôle juridictionnel restreint, limité, sur les questions de fond, à la censure d’une éventuelle erreur manifeste d’appréciation ou d’un éventuel détournement de pouvoir (arrêt du 30 novembre 2009, point 126).

109      En l’espèce, contrairement à ce qu’affirme le requérant, il n’apparaît pas de manière évidente que les objectifs, qui lui ont été fixés pour 2008, méconnaissent le paragraphe 9.1 du guide de la procédure d’évaluation 2008, lequel exige, pour cette rubrique, que les objectifs soient ‘spécifiques, réalistes, mesurables, limités dans le temps et acceptés par l’évalué’ (‘SMART’).

110      D’abord, le guide de la procédure d’évaluation 2008 prévoit que les objectifs ne doivent être ‘SMART’ que ‘dans la mesure du possible’. Ensuite, ainsi que le soutient la Banque sans être contredite sur ce point, les objectifs en cause ont été assignés à l’ensemble de l’unité à laquelle le requérant appartient et ces objectifs ont été acceptés par tous les collègues du requérant. Par ailleurs, dans les commentaires que le requérant a insérés dans son rapport d’évaluation, il a lui-même indiqué, en détail, comment il serait parvenu à atteindre les objectifs qui lui avaient été assignés, ce qui contredit, au moins en partie, sa thèse suivant laquelle il serait impossible de les mesurer. Enfin et surtout, s’il est vrai que la formulation des objectifs pour 2008 est assez générale, il n’en demeure pas moins que, pour l’essentiel, les objectifs énoncés se situent dans la continuité des missions déjà confiées au requérant dans le domaine de l’analyse des risques et dans le soutien à la mise en œuvre du projet ‘Bâle II’.

111      Il s’ensuit que le requérant n’établit pas qu’en lui assignant les objectifs susmentionnés pour l’année 2008 la Banque aurait méconnu les dispositions du guide de la procédure d’évaluation 2008. »

12      Pour ce qui est du « moyen » tiré de ce que le requérant a atteint ses objectifs, le Tribunal de la fonction publique a exposé ce qui suit (points 114 à 116 de l’arrêt attaqué) :

« 114  Le requérant a obtenu la note B, qui correspond à une ‘performance répondant aux attentes’ au sens du point 11.1 du guide de la procédure d’évaluation 2008.

115      Si le requérant soutient qu’il aurait évité à un collègue de commettre une grave erreur et qu’il aurait effectué pendant une durée de deux mois un travail non prévu dans les objectifs initiaux, ces allégations sont sérieusement contestées par la Banque. En tout état de cause, ces allégations, à les supposer même établies, ne sont, à elles seules, pas de nature à établir que le requérant aurait justifié de mérites exceptionnels ou particulièrement élevés démontrant qu’en lui attribuant la note B la Banque aurait entaché son rapport d’évaluation d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses mérites.

116      Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation du rapport d’appréciation 2008 doivent être rejetées. »

13      Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus de promotion et celles dirigées contre la décision du comité de recours (points 117 et 118 de l’arrêt attaqué). Selon le Tribunal de la fonction publique, d’une part, les conclusions tendant à l’annulation du rapport litigieux étant rejetées et le requérant ne soulevant aucun moyen spécifique à l’encontre de la décision de refus de promotion, les conclusions visant cette dernière décision doivent également être rejetées (point 117). D’autre part, dès lors que les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours se confondent avec celles visant les décisions contestées devant ce comité, elles doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ces dernières conclusions (point 118).

14      Le Tribunal de la fonction publique a également rejeté le surplus des conclusions indemnitaires, relatives au préjudice allégué au titre de l’année 2008, en se fondant sur les motifs suivants (points 119 à 122 de l’arrêt attaqué) :

« En ce qui concerne le préjudice matériel

119      Le requérant fait valoir qu’il aurait subi un préjudice matériel en n’ayant bénéficié d’aucune promotion depuis de nombreuses années. Toutefois, dès lors que les conclusions tendant à l’annulation du refus de promotion au titre de l’exercice 2008 sont rejetées, les conclusions indemnitaires directement liées à ce refus, seules recevables, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

En ce qui concerne le préjudice moral

120      Dans son arrêt du 30 novembre 2009, le Tribunal a estimé, quant aux divers préjudices moraux allégués, relatifs à la perte de prestige, aux troubles dans les conditions d’existence du requérant et de sa famille, ou au préjudice moral stricto sensu, que l’intéressé ne produisait pas d’éléments venant au soutien de ses allégations (point 268). Dans le cadre du présent litige, il convient d’examiner si le requérant a subi un préjudice moral à compter de l’année 2008.

121      Si le requérant soutient qu’il aurait été tourné ‘en dérision sur une base quotidienne’ par ses collègues et mis à ‘l’isolement’, il n’apporte aucune pièce probante à l’appui de cette allégation. En particulier, il ne résulte pas des nombreux courriers électroniques produits à l’instance par le requérant et la Banque que l’intéressé aurait été victime de moqueries permanentes de la part de ses collègues ou qu’il aurait été isolé de son environnement normal de travail. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que la Banque lui aurait retiré des fonctions, il ne ressort d’aucun document que des fonctions lui auraient été retirées au cours de l’année 2008. Enfin, si l’intéressé soutient que la Banque aurait répandu des accusations calomnieuses à son encontre et impliquant sa famille, il n’apporte, à nouveau, aucun commencement de preuve au soutien de ces allégations. Le requérant n’établit donc pas qu’il aurait subi un préjudice moral consécutif au prétendu harcèlement moral de la Banque. Il convient d’ailleurs de relever, à cet égard, que la Banque a accordé au requérant certaines facilités alors qu’aucun texte ou principe ne la contraignait à y consentir. En effet, le requérant bénéficie, depuis le 1er octobre 2007, de la possibilité de travailler depuis son domicile italien durant la journée du lundi, ce qui lui permet de rester à Rome ce jour-là, après avoir passé le week-end dans cette ville. La Banque l’autorise également à voyager le mardi matin entre Rome et Luxembourg, son lieu de son travail.

122      Il s’ensuit que le surplus des conclusions indemnitaires de la requête doit être rejeté. »

15      En outre, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction, dès lors que, « [e]u égard, d’une part, aux éléments du dossier et, d’autre part, aux motifs du présent arrêt, ces mesures ne présent[ai]ent pas d’utilité pour la solution du litige » (point 125 de l’arrêt attaqué).

16      Enfin, le Tribunal de la fonction publique a décidé, en vertu de l’article 87, paragraphe 2, de son règlement de procédure, de condamner le requérant à ne supporter, outre ses propres dépens, que la moitié des dépens exposés par la BEI, puisque celle-ci avait illégalement refusé d’ouvrir la procédure de conciliation (point 128 de l’arrêt attaqué).

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

17      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 6 décembre 2011, le requérant a formé le présent pourvoi.

18      Le 24 février 2012, la BEI a déposé le mémoire en réponse.

19      Par lettre motivée déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2012, le requérant a demandé, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, à être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à la demande du requérant et a ouvert la procédure orale.

21      Par lettre du 26 novembre 2012, au titre de mesures d’organisation de la procédure en vertu de l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à se prononcer, à l’audience, sur les conséquences qu’il convenait de tirer, pour la solution du présent litige, de l’arrêt du Tribunal du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, non encore publié au Recueil (ci-après l’« arrêt du 27 avril 2012 »).

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 12 mars 2013.

23      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « réformer totalement » l’arrêt attaqué ;

–        faire droit aux conclusions de la requête introductive de première instance ;

–        condamner la BEI aux dépens des deux instances.

24      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable et/ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens de la présente instance.

 En droit

 Résumé des moyens de pourvoi

25      Le requérant invoque essentiellement six moyens.

26      Premièrement, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer, à suffisance, sur la légalité de la décision du comité de recours et, en particulier, d’avoir méconnu la portée du pouvoir de contrôle dudit comité lorsqu’il est appelé à examiner un recours d’un membre du personnel de la BEI visant à contester le bien-fondé de l’évaluation contenue dans son rapport d’appréciation.

27      Deuxièmement, le requérant fait valoir, en substance, que l’examen par le Tribunal de la fonction publique de la légalité du rapport litigieux est vicié par plusieurs erreurs, omissions et défauts de motivation.

28      Troisièmement, le requérant remet en cause le rejet par le Tribunal de la fonction publique de sa demande d’annulation des décisions de promotion comme tardive et irrecevable.

29      Quatrièmement, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir rejeté à tort comme irrecevable son exception d’illégalité du guide de la procédure d’évaluation 2008 en tant qu’il impose des limites quantitatives au nombre des membres du personnel de la BEI pouvant bénéficier des notes A et B+.

30      Cinquièmement, le requérant soutient que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a rejeté sa demande indemnitaire pour incompétence du juge de première instance et comme irrecevable, notamment pour cause de litispendance.

31      Sixièmement, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas examiné et répondu, à suffisance, à sa demande de « mesures d’organisation de la procédure ».

 Sur le premier moyen, tiré de l’omission de se prononcer à suffisance sur la légalité de la décision du comité de recours

32      Dans le cadre du premier moyen, le requérant conteste la légalité des points 44, 45 et 118 de l’arrêt attaqué et reproche au Tribunal de la fonction publique, en substance, d’avoir omis de se prononcer, à suffisance, sur la légalité de la décision du comité de recours et, en particulier, d’avoir méconnu la portée du pouvoir de contrôle dudit comité lorsqu’il est appelé à examiner un recours d’un membre du personnel de la BEI visant à contester le bien-fondé de l’évaluation contenue dans son rapport d’appréciation.

33      Bien que, dans ses écritures, la BEI estime, en substance, que les conclusions visant à contester des décisions du comité de recours n’ont pas de contenu autonome et doivent donc être comprises comme visant à contester le rapport litigieux (voir point 44 de l’arrêt attaqué, et la jurisprudence qui y est citée), elle a admis à l’audience que son argumentation en défense se heurtait aux considérations développées par le Tribunal dans son arrêt du 27 avril 2012 (point 21 supra, points 38 à 57) et que l’arrêt attaqué devait être annulé sur ce point.

34      À cet égard, le Tribunal relève, à titre liminaire, que, même si le libellé du point 7 de l’annexe A de la communication relative à l’exercice d’évaluation 2008 ne coïncide pas intégralement avec celui du point 6 de la décision de la BEI du 27 juin 2006 ayant fait l’objet de l’affaire T‑37/10 P, les modifications mineures apportées ne sont pas de nature à remettre en cause l’interprétation fournie par le Tribunal dans son arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, quant aux compétences de contrôle dudit comité de recours. En effet, d’une part, le passage de texte « invalider la procédure d’appréciation ou toute affirmation contenue dans le formulaire d’évaluation et/ou […] modifier les notes individuelles […] et la note de mérite résultant de l’évaluation globale de la performance de l’appelant » (point 6 de la décision de la BEI du 27 juin 2006) correspond largement à la formulation « annuler l’évaluation du membre du personnel ou invalider certaines des affirmations contenues dans le rapport d’appréciation et/ou […] modifier la note de mérite finale qui est le résultat de l’évaluation globale de la performance de l’appelant » (point 7 de l’annexe A de la communication relative à l’exercice d’évaluation 2008). D’autre part, ladite communication contient des règles portant sur le contenu de la requête, notamment sur l’évocation de « faits précis » et sur la demande de témoignages, sur la tenue d’une audience, y compris à l’aide de témoins, ainsi que sur la possibilité pour le comité de recours de demander, après annulation de l’évaluation, une nouvelle appréciation de la part de l’évaluateur, qui sont analogues à celles figurant dans la décision du 27 juin 2006.

35      Il en découle que, ainsi que l’a reconnu la BEI à l’audience (voir point 33 ci-dessus), l’appréciation du Tribunal, exposée aux points 40 à 42 de son arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, s’applique par analogie au cas d’espèce.

36      Ainsi, il convient de relever, premièrement, que le point 7 de l’annexe A de la communication relative à l’exercice d’évaluation 2008 établit une règle interne de portée générale, dûment publiée et mise en œuvre, qui, indépendamment de son caractère juridiquement contraignant ou non au sens strict, limite l’exercice du pouvoir d’appréciation de la BEI en matière d’organisation de ses structures et de gestion de son personnel, et dont les membres de ce personnel peuvent se prévaloir devant le juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 septembre 2003, McAuley/Conseil, T‑165/01, RecFP p. I‑A‑193 et II‑963, point 44, et du 1er mars 2005, Mausolf/Europol, T‑258/03, RecFP p. I‑A‑45 et II‑189, point 25, et la jurisprudence qui y est citée), afin que celui-ci assure son respect au regard des principes généraux de droit, tels que le principe d’égalité de traitement et celui de la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 211, et arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié au Recueil, point 141).

37      Deuxièmement, la possibilité d’« invalider certaines des affirmations contenues dans le rapport d’appréciation » implique que le comité de recours est habilité à réapprécier le bien-fondé de chacune de ces affirmations avant de la censurer. La portée de cette compétence dépasse donc clairement celle du seul pouvoir de contrôle de légalité et d’annulation du dispositif d’un acte, dans la mesure où elle englobe la possibilité d’invalider même les motifs justifiant l’adoption de son dispositif, quelle que soit leur importance dans l’économie de la motivation dudit acte. Ce pouvoir de contrôle entier du comité de recours est confirmé par la compétence qui lui est expressément reconnue pour « modifier la note de mérite finale qui est le résultat de l’évaluation globale de la performance de l’appelant ». En effet, une modification de la note de mérite de l’intéressé implique que ce comité contrôle de manière détaillée l’ensemble des appréciations des mérites figurant dans le rapport contesté quant à l’existence d’éventuelles erreurs d’appréciation, de fait ou de droit, et qu’il puisse, le cas échéant, se substituer à l’évaluateur pour procéder à une nouvelle appréciation de ces mérites (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, point 41).

38      Troisièmement, cette appréciation est corroborée par les règles procédurales prévues aux points 12 à 17 de l’annexe A de la communication relative à l’exercice d’évaluation 2008, qui prévoient, d’une part, que le mémoire de l’appelant doit contenir, notamment, les « faits précis » sur lesquels le comité de recours doit rendre une conclusion ou une recommandation et ceux sur lesquels, le cas échéant, il y aura des témoignages et, d’autre part, la tenue d’une audience. Ces règles procédurales permettent ainsi une réappréciation complète des faits pertinents à l’origine de l’évaluation des mérites de l’appelant, notamment à la suite d’une audience et à l’aide de témoins. Enfin, si le point 8 de l’annexe A de la communication relative à l’exercice d’évaluation 2008 autorise le comité de recours à invalider la « procédure d’appréciation annuelle » et à demander un « nouvel exercice d’appréciation » de la part de l’évaluateur, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agit que d’une faculté complétant le pouvoir de ce comité de procéder lui-même à une telle appréciation des mérites de l’intéressé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, point 42).

39      Au regard des considérations qui précèdent, il convient d’apprécier si, en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a méconnu les principes déterminant la portée du pouvoir de contrôle du comité de recours.

40      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, d’une part, que « des conclusions dirigées contre la prise de position du comité de recours […] n’[avaient] pas de contenu autonome et [avaient] pour effet de saisir le juge du rapport d’appréciation contre lequel un tel recours administratif a été introduit » et, d’autre part, que « la décision du comité de recours n’a[vait] pas de contenu autonome par rapport à l’ensemble des décisions contestées devant ce comité ». Aux termes du point 45 de l’arrêt attaqué, notamment, les conclusions tendant « à l’annulation de la décision du comité de recours en ce qu’elle rejette la contestation formée à l’encontre du rapport d’appréciation 2008 […] doivent être analysées comme visant ce rapport ». C’est sur le fondement de cette prémisse que le Tribunal de la fonction publique a conclu, au point 118 de l’arrêt attaqué, que « les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours se confond[aient] avec celles visant les décisions contestées devant ce comité », de sorte qu’elles devaient « être rejetées par voie de conséquence du rejet de ces dernières conclusions ».

41      Or, à l’instar de ce que le Tribunal a déjà jugé aux points 43 à 50 de son arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, de telles affirmations de principe du Tribunal de la fonction publique, même si elles ne se prononcent pas explicitement sur la portée du contrôle que le comité de recours est tenu d’exercer, se heurtent tant au pouvoir de contrôle entier dudit comité qu’à l’exigence selon laquelle ses décisions doivent être soumises à un contrôle de légalité effectif du juge de l’Union. En outre, le Tribunal de la fonction publique a commis la même erreur que dans son arrêt du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, RecFP p. I‑A‑1‑469 et II‑A‑1‑2529), en inversant l’ordre d’appréciation des moyens dirigés, d’abord, contre la décision du comité de recours et, ensuite, contre le rapport litigieux (voir arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, points 51 à 56).

42      Ainsi, s’agissant du premier aspect, même à considérer que les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours aient pour effet de saisir le juge de l’Union du rapport d’appréciation contre lequel un recours administratif a été introduit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 132), cette circonstance ne justifie pas, en elle-même, que le juge de l’Union se limite à l’examen des conclusions dirigées contre le rapport litigieux, voire renonce complètement au contrôle du bien-fondé de la décision du comité de recours, dans la mesure où ce comité est doté d’un pouvoir de contrôle entier l’autorisant à substituer ses appréciations à celles figurant dans ledit rapport, pouvoir dont le Tribunal de la fonction publique ne saurait, pour sa part, se prévaloir. En effet, l’éventuelle renonciation erronée par le comité de recours à un tel contrôle entier équivaut à soustraire à l’intéressé une instance de contrôle prévue par la réglementation interne de la BEI et lui fait donc grief, de sorte qu’elle doit pouvoir être soumise au contrôle du juge de première instance (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, points 46 et 49).

43      S’agissant du second aspect, à savoir l’inversion de l’ordre de contrôle des moyens, il y a lieu de rappeler que, alors même que le requérant avait demandé, à titre principal, d’annuler la décision du comité de recours, à l’instar de son approche dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2009, point 41 supra, le Tribunal de la fonction publique n’a rejeté les griefs dirigés contre cette décision qu’après avoir apprécié les griefs dirigés contre le rapport litigieux, en se fondant exclusivement sur les considérations confirmant la légalité au fond dudit rapport et sans examiner les griefs remettant en cause spécifiquement la légalité de la décision du comité de recours (point 118 de l’arrêt attaqué). Or, compte tenu du pouvoir de contrôle entier du comité de recours au titre du point 7 de l’annexe A de la communication relative à l’exercice d’évaluation 2008, il est logiquement impossible de conclure que, en l’absence d’un tel examen des motifs de refus retenus par le comité de recours, les conclusions dirigées contre sa décision doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions dirigées contre le rapport d’appréciation. En effet, eu égard à ce pouvoir de contrôle entier, qui est de ce fait plus large que celui du juge, en ce qui concerne les appréciations contenues et les notes attribuées dans le rapport litigieux, il était indispensable pour le juge de première instance de vérifier, certes dans le cadre de son contrôle restreint (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE, T‑178/00 et T‑341/00, Rec. p. II‑4035, point 69), si et dans quelle mesure ledit comité s’était acquitté de ce devoir de contrôle entier conformément aux règles applicables. C’est précisément en raison de ce contrôle entier que les effets juridiques d’une décision du comité de recours ne coïncident pas nécessairement avec ceux d’un rapport d’appréciation soumis à son contrôle et peuvent, partant, faire autrement grief, ce dont le juge doit apprécier la légalité s’il en est saisi (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, points 52 à 54).

44      Par conséquent, il y a lieu de constater que, ainsi que la BEI l’a reconnu à l’audience, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit, et il convient d’accueillir le présent moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs, d’omissions et de défauts de motivation viciant l’examen de la légalité du rapport litigieux

45      Dans le cadre de son deuxième moyen, le requérant rappelle que ce n’est qu’à titre subsidiaire par rapport à sa demande d’annulation de la décision du comité de recours qu’il avait demandé l’annulation du rapport litigieux, en ce qui concerne tant les objectifs que l’évaluation qui y sont contenus. Il réitère son argumentation avancée en première instance selon laquelle l’« évaluation » exposée dans le rapport litigieux aurait été établie par des supérieurs « de mauvaise foi » et, en tout état de cause, sans tenir compte des conditions difficiles que lesdits supérieurs lui avaient infligées et dans lesquelles il était contraint de travailler. Eu égard à ces difficultés quotidiennes, prouvées par « une longue série de faits », la note attribuée au requérant serait viciée. En effet, s’il avait été évalué de manière impartiale, au regard d’objectifs « plus conformes » et avait bénéficié des mêmes « opportunités, attentions et directives » que celles offertes à ses collègues, il aurait mérité une note supérieure, voire la note A. En outre, le requérant rappelle avoir invoqué une « violation de la réglementation établie de manière autonome par la BEI », qui serait « symptomatique de l’illégalité de son comportement », ses supérieurs n’ayant pas respecté les dispositions régissant l’évaluation des membres du personnel de la BEI.

46      En particulier, le requérant reproche à la BEI de n’avoir pas pris en considération certains aspects de son travail. Or, le Tribunal de la fonction publique se serait limité à tenir compte des seuls passages exposés dans la partie « En fait » de la requête de première instance, auxquels le requérant aurait renvoyé expressément, au soutien de son moyen, dans la partie « En droit » de ladite requête, ce qui satisferait aux exigences de l’article 35, paragraphe 1, sous e), de son règlement de procédure. Cette approche serait viciée par un « excès de pouvoir, parce que la référence à [cette disposition] n’est pas pertinente et que l’arrêt [attaqué] est ambigu à un point tel qu’il ne permet pas d’identifier avec exactitude et certitude quels sont les moyens de fait qui n’ont pas été reçus », ce qui aurait, notamment, empêché le requérant d’exercer ses droits de la défense. Toutefois, selon le requérant, l’objet du litige est déterminé par « tous les actes » émanant des parties, de sorte que, à défaut de compréhension du juge de la pertinence de certains faits et avant de les exclure, « il aurait dû examiner le mémoire en défense de la BEI et vérifier si […] celle-ci n’aurait pas exactement compris la raison d’être de ce récit et sa pertinence ». L’arrêt devrait donc être complètement « réformé » sur ce point.

47      Ainsi, le Tribunal de la fonction publique aurait omis de statuer sur plusieurs faits déterminants pour l’appréciation des performances du requérant, en ce compris le caractère inapproprié des objectifs et de ses effets sur son évaluation ainsi que la mauvaise foi des évaluateurs et son incidence sur l’objectivité de cette évaluation, ce qui constituerait un motif suffisant pour annuler l’arrêt attaqué. Le requérant précise, notamment, que le Tribunal de la fonction publique aurait dû s’exprimer sur « la raison pour laquelle [s]a performance n’aurait pas pu être ‘très bonne’ ». Dans ce contexte, le juge de première instance aurait méconnu qu’il devait se limiter à examiner la seule légalité de l’acte aux fins de son annulation, et ni statuer « au fond » ni « affirmer ou nier que, en l’absence de l’illégalité invoquée, l’évaluation aurait ou n’aurait pas été très bonne ou exceptionnelle ». Le requérant en conclut que le rapport litigieux doit aussi être annulé en ce qu’il ne lui attribue pas la note A ou la note B+ et ne propose pas sa promotion à la fonction D.

48      S’agissant des objectifs qui lui ont été assignés, le requérant rappelle avoir demandé, conformément aux instructions internes pertinentes, des objectifs spécifiques, réalistes, mesurables, limités dans le temps et acceptés par l’évalué (ci-après les « critères SMART »). Ainsi, ces objectifs ne devraient pas être vagues et devraient se référer au comportement de l’intéressé pour que sa performance puisse être évaluée concrètement et objectivement. Or, les objectifs assignés au requérant – contre son gré – ne rempliraient pas ces exigences, ceux-ci étant vagues et non mesurables, non spécifiques et ne tenant pas compte de son développement futur et de ses besoins de formation. Le requérant précise avoir démontré ses tentatives continues d’ouvrir un dialogue à cet égard et le refus constant de ses supérieurs et collègues. Aucun de ces griefs n’aurait été pris en considération par le Tribunal de la fonction publique (points 106 et 107 de l’arrêt attaqué). En outre, le point 108 de l’arrêt attaqué serait vicié par « une motivation illogique, contradictoire et, partant, seulement apparente ». De même, selon le requérant, en substance, les motifs intenables invoqués aux points 109 et 110 de l’arrêt attaqué visent à renverser la charge de la preuve au profit de la BEI, à laquelle il revient de définir correctement les critères SMART, ce qu’elle a pourtant omis de faire dans le cas d’espèce. Par ailleurs, la circonstance que les objectifs énoncés s’inscrivent dans la continuité des missions attribuées au requérant ne justifierait pas de les considérer comme n’ayant pas de « qualité essentielle ». Enfin, le Tribunal de la fonction publique aurait omis de prendre en considération les autres griefs du requérant, à savoir le fait que les objectifs doivent également porter sur le comportement de l’intéressé, qu’il faut privilégier les objectifs de développement, prendre en considération le développement futur de la carrière et identifier les besoins en formation, que ces objectifs ne doivent pas avoir un caractère de « support » et que l’évaluateur doit tenir compte des responsabilités assumées par le membre du personnel, alors que les objectifs assignés au requérant n’auraient pas inclus de telles responsabilités.

49      La BEI conteste les arguments du requérant et conclut au rejet du présent moyen.

50      À titre liminaire, le Tribunal rappelle, d’une part, qu’il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant celui-ci portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par ce dernier (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 mars 2000, Parlement/Bieber, C‑284/98 P, Rec. p. I‑1527, point 30 ; ordonnances de la Cour du 10 mai 2001, FNAB e.a./Conseil, C‑345/00 P, Rec. p. I‑3811, point 28, et du 9 novembre 2007, Lavagnoli/Commission, C‑74/07 P, non publiée au Recueil, point 20). D’autre part, il découle de cette disposition ainsi que de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34 ; du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 15, et ordonnance Lavagnoli/Commission, précitée, point 21).

51      Ainsi, ne répond pas à ces exigences le pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal de la fonction publique, y compris ceux fondés sur des faits expressément écartés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée en première instance, ce qui échappe à la compétence du Tribunal (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, Rec. p. I‑10091, point 47 ; du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, point 50, et ordonnance de la Cour du 20 mars 2007, Kallianos/Commission, C‑323/06 P, non publiée au Recueil, point 12).

52      Par ailleurs, étant donné que, au titre de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour, le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 2 octobre 2001, BEI/Hautem, C‑449/99 P, Rec. p. I‑6733, point 44 ; du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, Rec. p. I‑5539, point 35, et ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L/Commission, C‑230/05 P, non publiée au Recueil, point 45).

53      C’est au regard des principes jurisprudentiels énoncés ci-dessus qu’il convient d’apprécier les différents griefs avancés par le requérant dans le cadre du présent moyen.

54      En premier lieu, le Tribunal relève que le requérant fait, notamment, grief au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas tenu compte, en raison d’une application erronée de l’article 35, paragraphe 1, sous e), de son règlement de procédure, de la totalité des faits pertinents qu’il a avancés au soutien de sa contestation du rapport litigieux (point 105 de l’arrêt attaqué).

55      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en effet, dans la partie « A. En fait » de sa requête de première instance, le requérant a longuement exposé les éléments de fait, selon lui pertinents, concernant le rapport litigieux. En réalité, il s’agit d’une narration détaillée de la relation difficile de travail qu’entretenait le requérant avec ses collègues et supérieurs ainsi que du déroulement de certains travaux lors de l’année 2008, durant lesquels il aurait été exposé, de la part de ces personnes, à des comportements inéquitables, injustes, discriminatoires et visant à le marginaliser et, partant, constitutifs d’un harcèlement moral. Cette narration est précédée de l’affirmation selon laquelle, d’une part, le requérant a atteint les objectifs qui lui avaient été fixés et, d’autre part, « [t]outefois, ce résultat a été évalué dans l’abstrait, sans prendre en considération les conditions tout à fait anormales dans lesquelles il avait été contraint de travailler durant toute l’année 2008, de sorte que, en l’appréciant à la lumière des difficultés que la [BEI] elle-même avait créées, son résultat était donc bien supérieur à celui qui lui avait été reconnu ». Dans ce contexte, le requérant a également contesté les objectifs qui lui étaient assignés et a exposé ses tentatives itératives, mais vaines, d’engager une discussion à cet égard avec ses supérieurs. En outre, dans la partie « En droit » de la requête de première instance et en particulier sous le titre « Sur l’annulation du rapport d’appréciation », d’une part, le requérant a contesté la légalité des objectifs qui lui avaient été assignés pour l’année 2008 et, d’autre part, concernant « la notation et l’évaluation », le requérant s’est essentiellement limité à affirmer, de manière vague, qu’il avait « atteint tous [c]es objectifs […] et qu’aucun point négatif ne lui a[vait] jamais été reproché par ses supérieurs », qu’il « a[vait] fait preuve d’un esprit d’initiative », ce qui ne semblerait pas avoir été pris en compte, que sa notation « aurait été notablement différente » s’il avait disposé d’objectifs plus clairs et des mêmes opportunités que celles offertes aux autres agents, et que sa participation à certains travaux n’aurait pas été prise en considération aux fins de son évaluation.

56      Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal de la fonction publique était fondé à considérer que le grief principal du requérant visait à contester la légalité des objectifs qui lui avaient été assignés pour l’année 2008 et qui faisaient partie intégrante du rapport litigieux, ce à quoi le Tribunal de la fonction publique répond aux points 108 à 111 de l’arrêt attaqué. En outre, en ce qui concerne le bien-fondé de la notation du requérant, le Tribunal de la fonction publique l’a apprécié aux points 114 à 115 de l’arrêt attaqué, certes en ne tenant compte que de l’argument selon lequel « il aurait évité à un collègue de commettre une grave erreur et […] il aurait effectué pendant une durée de deux mois un travail non prévu dans les objectifs initiaux ».

57      Force est de constater que, en limitant son appréciation aux aspects précités, le Tribunal de la fonction publique n’a pas méconnu la portée de l’article 35, paragraphe 1, sous e), de son règlement de procédure, selon lequel la requête doit contenir les moyens et les arguments de fait et de droit invoqués. En effet, ainsi qu’il a été jugé de manière constante, selon l’article 21 du statut de la Cour, applicable au Tribunal de la fonction publique en vertu de l’article 7 de l’annexe I de ce même statut, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Plus particulièrement, il ressort d’une jurisprudence constante concernant l’article 21 du statut de la Cour - que l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique vise à mettre en œuvre - que la seule énonciation abstraite des moyens dans la requête ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et que les termes « exposé sommaire des moyens », employés dans ce texte, signifient que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, RecFP p. I‑A‑2‑9 et II–A–2–37, points 61 et 62, et la jurisprudence qui y est citée).

58      Cette jurisprudence exige ainsi que la requête expose les griefs et les éléments de fait à l’appui des moyens de manière suffisamment cohérente et intelligible pour ne pas entraver ou empêcher l’exercice du contrôle de légalité par le juge de l’Union. En outre, l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique consacre à cet égard une exigence encore plus précise que celle énoncée à l’article 21 du statut de la Cour et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal en ce qu’il prévoit que la requête contient « les moyens et les arguments de fait et de droit invoqués ».

59      Or, il importe de souligner que, en l’espèce, les arguments du requérant souffrent d’un manque de structure, de clarté et de précision, qui rendent particulièrement difficile la tâche de décortiquer les fondements essentiels en fait et en droit de ses moyens et griefs. Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a exigé, dans l’arrêt attaqué, en substance, que le requérant avançât ses griefs ainsi que les faits à leur appui dans le cadre de la présentation d’un moyen, concernant lequel il lui incombait un devoir de précision au titre de l’article 35, paragraphe 1, sous e), de son règlement de procédure, ou que, à tout le moins, il procédât à des renvois précis aux éléments de fait identifiés dans certains points de l’exposé des faits que le juge de première instance était censé prendre en considération aux fins de l’appréciation d’un tel moyen (point 105 de l’arrêt attaqué).

60      Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique.

61      En deuxième lieu, s’agissant des griefs remettant en cause le bien-fondé de l’examen que le Tribunal de la fonction publique a porté sur la légalité des objectifs assignés au requérant pour l’année 2008, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence établie (arrêt Pflugradt/BCE, point 43 supra, point 69), cet examen relève d’un contrôle de légalité restreint, limité à la recherche par le juge de l’Union d’une erreur manifeste d’appréciation, de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont la BEI dispose pour évaluer le travail des membres de son personnel. Par ailleurs, conformément au point 9, premier alinéa, du guide de la procédure d’évaluation 2008 et à ce que le Tribunal de la fonction publique a exposé, en substance, au point 108 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que la légalité des objectifs, tels qu’insérés dans le formulaire d’évaluation en début d’année, ne peut être appréciée que conjointement avec l’appréciation définitive au regard desdits objectifs, telle que contenue dans le rapport d’appréciation établi en fin d’année.

62      Or, en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a respecté les exigences découlant du principe de contrôle de légalité restreint en considérant, essentiellement, d’une part, que les objectifs en cause ne méconnaissaient pas, de manière évidente, les critères SMART (voir point 48 ci-dessus), tels que prévus par le point 9.1 du guide de la procédure d’évaluation 2008, d’autant qu’ils ne devaient pas être respectés de manière absolue, mais uniquement « [d]ans la mesure du possible », et, d’autre part, que « les[dits] objectifs [avaient] été assignés à l’ensemble de l’unité à laquelle le requérant appart[enai]t et ces objectifs [avaie]nt été acceptés par tous les collègues du requérant » (points 109 et 110 de l’arrêt attaqué), ce qui correspond à la possibilité « de fixer des objectifs au niveau d’une équipe » au titre de la même disposition.

63      Dans la mesure où le requérant conteste cette appréciation factuelle, sans invoquer une dénaturation des faits ou des preuves, elle échappe à la compétence du juge de pourvoi (voir point 52 ci-dessus). Il en va de même du constat du Tribunal de la fonction publique selon lequel « pour l’essentiel, les objectifs énoncés se situent dans la continuité des missions déjà confiées au requérant dans le domaine de l’analyse des risques et dans le soutien à la mise en œuvre du projet ‘Bâle II’ » (point 110 de l’arrêt attaqué) ainsi que de sa prétendue omission de censurer la BEI pour lui avoir attribué des objectifs dépourvus de vraies responsabilités et moins clairs et lui offrant moins d’opportunités que ceux assignés à d’autres membres du personnel. En outre, est manifestement dépourvue d’erreur de droit l’affirmation du Tribunal de la fonction publique, exposée au même point de l’arrêt attaqué, selon laquelle le requérant avait lui-même indiqué, en détail, dans ses commentaires insérés dans le rapport litigieux, « comment il serait parvenu à atteindre les objectifs qui lui avaient été assignés, ce qui contredit, au moins en partie, sa thèse suivant laquelle il serait impossible de les mesurer ».

64      Par ailleurs, dans ce contexte, le requérant ne saurait faire grief au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas pris en considération ses contestations et ses tentatives de discussion prétendument vaines auprès de ses supérieurs au sujet de ses objectifs. En effet, cet aspect n’était mentionné que dans l’exposé des faits de la requête de première instance, dont le Tribunal de la fonction publique n’était pas obligé de tenir compte dans le cadre de son appréciation, en raison du non-respect par le requérant des exigences découlant de l’article 35, paragraphe 1, sous e), de son règlement de procédure (voir points 55 à 60 ci-dessus).

65      En ce que le requérant reproche au juge de première instance d’avoir omis de se prononcer sur ses griefs remettant en cause la légalité des objectifs qui lui étaient assignés au motif que, dans le contexte de son évaluation, ses supérieurs n’ont pas abordé le développement futur de sa carrière et ses besoins de formation, il suffit de constater que ces derniers éléments ne font pas partie intégrante des critères régissant la fixation des objectifs au sens strict, au titre du point 9.1 du guide de la procédure d’évaluation 2008. En effet, ce n’est que de manière indirecte que ces éléments sont rattachés à la fixation desdits objectifs, en vertu du point 13, premier alinéa, dudit guide, qui énonce que « [l]a procédure d’évaluation offre une excellente occasion au membre du personnel et à son manager de discuter des besoins de développement et des aspirations en matière d’évolution de carrière ». En ce même sens, aux termes du second alinéa dudit point 13, « [l]e membre du personnel et son manager identifient ensemble les besoins de formation, tant à court terme, dans le cadre des responsabilités déjà exercés et des objectifs fixés, qu’à long terme, dans l’optique d’améliorer les perspectives de carrière [ ; d]ans l’analyse des besoins, il sera tenu compte des conclusions de l’entretien d’évaluation, notamment en ce qui concerne les domaines dans lesquels les performances et les compétences professionnelles en rapport avec le poste peuvent être consolidées et améliorées, ainsi que pour ce qui est des connaissances et des méthodes de travail nécessaires pour atteindre les objectifs fixés ».

66      En outre, le requérant n’a contesté ni en première instance ni au cours de la présente procédure l’absence de commentaire dans les rubriques « Développement futur » et « Plan d’amélioration de performance » du rapport litigieux. Or, même à supposer que cette absence de commentaire relève d’une méconnaissance des dispositions précitées du guide de la procédure d’évaluation 2008 à l’égard du requérant et qu’elle confirme que, lors de son évaluation, aucune discussion avec ses supérieurs sur son avenir professionnel et sur ses besoins de formation n’a eu lieu, une telle omission ne serait pas de nature à vicier l’arrêt attaqué sur ce point. En effet, en première instance, le requérant n’avait fait que très vaguement allusion – de surcroît essentiellement dans le cadre d’observations liminaires précédant les griefs visant le rapport litigieux – aux exigences prévues par le point 13 du même guide, sans le citer explicitement, et a omis de formuler un grief séparé suffisamment clair et précis à cet égard devant le Tribunal de la fonction publique, de sorte qu’un tel grief ne saurait plus être retenu ou accueilli au stade du pourvoi.

67      Partant, le grief tiré de la méconnaissance par le Tribunal de la fonction publique d’une fixation illégale des objectifs assignés au requérant pour l’année 2008 doit être rejeté également.

68      En troisième lieu, s’agissant des prétendues erreurs et omissions commises par le Tribunal de la fonction publique dans le cadre du contrôle de l’évaluation et de la notation contenues dans le rapport litigieux, il convient de relever que le requérant invite le Tribunal à procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves ayant fait l’objet de l’examen du juge de première instance (voir point 45 ci-dessus), ce qui échappe à la compétence du juge de pourvoi (voir point 51 ci-dessus). À cet égard, il suffit de rappeler que, d’une part, le Tribunal de la fonction publique était fondé à ne pas tenir compte de certains faits avancés par le requérant pour avoir méconnu les exigences découlant de l’article 35, paragraphe 1, sous e), de son règlement de procédure (voir points 55 à 58 ci-dessus) et, d’autre part, ledit Tribunal a rejeté d’autres allégations comme étant non étayées (point 115 de l’arrêt attaqué), sans que le requérant ait invoqué dans son pourvoi une dénaturation des faits ou des preuves dans ce contexte. Enfin, et en tout état de cause, le requérant n’a identifié aucune erreur de droit susceptible de vicier l’appréciation exposée, à titre subsidiaire, au point 115 de l’arrêt attaqué, pour rejeter son grief tiré de ce que sa participation à certains travaux n’aurait pas été prise en considération aux fins de son évaluation.

69      Dès lors, le troisième grief doit être rejeté également et, partant, le deuxième moyen dans sa totalité.

 Sur le troisième moyen, tiré du rejet illégal de la demande d’annulation des décisions de promotion comme tardive et irrecevable

70      Par le troisième moyen, le requérant conteste la légalité du rejet par le Tribunal de la fonction publique de sa demande d’annulation des décisions de promotion comme tardive et irrecevable (points 65 et 117 de l’arrêt attaqué). Selon lui, cette partie de l’arrêt attaqué doit également être « réformée », puisque, en vertu des règles pertinentes, sont promouvables uniquement les membres du personnel de la BEI ayant obtenu la note A ou B+. Ainsi, le requérant n’aurait pas « d’intérêt né et actuel à attaquer les décisions de promotion dans le cadre desquelles sa situation n’a même pas été prise en considération », mais uniquement, « le cas échéant, à partir du moment où, à la suite de la révision de son rapport d’appréciation, il se sera vu attribuer la note A ou B+ ». Dans ces circonstances, son recours ne pourrait pas être tardif, étant donné que « nul ne peut perdre un droit avant même de l’avoir acquis ».

71      À titre subsidiaire, le requérant conteste l’appréciation exposée aux points 61 à 64 de l’arrêt attaqué. Premièrement, les règles régissant les recours devant le comité de recours et l’article 41 du règlement du personnel de la BEI ne prévoiraient pas de délais de déchéance ou de forclusion. Deuxièmement, le Tribunal de la fonction publique aurait interprété de manière stricte la requête déposée devant le comité de recours, alors même qu’elle émanait directement d’un membre du personnel ne disposant d’aucune formation juridique. Troisièmement, ledit Tribunal n’aurait pas indiqué le critère retenu pour interpréter cette requête et n’aurait avancé aucune justification pour ne pas considérer que le recours du requérant contre le refus de sa promotion visait également, de manière implicite, les décisions de promotion. Quatrièmement, le prétendu délai de forclusion commencerait à courir à compter du jour de la communication de l’acte faisant grief. Il en résulterait que, en l’espèce, pour les membres du personnel de la BEI ayant obtenu la note B et ne pouvant pas être promus, le délai de recours contre les décisions de promotion n’aurait pas encore commencé à courir. Selon le requérant, tel ne sera le cas que lorsque la BEI aura modifié son rapport d’appréciation et sa note finale et que son intérêt sera né et actuel. Avant cette date, le requérant ne pourrait pas subir un préjudice en raison d’un acte qui ne le concerne pas.

72      La BEI conteste les arguments du requérant et conclut au rejet du présent moyen.

73      Le Tribunal relève que le requérant ne conteste pas que, lors du dépôt de son recours devant le comité de recours, le 7 mai 2009, il avait connaissance des décisions de promotion, qui étaient intervenues le 18 mars 2009, et qu’il avait même joint la « liste des promotions au titre de l’année 2008 » audit recours, sans pour autant contester lesdites promotions dans ce contexte (points 63 et 64 de l’arrêt attaqué). En effet, à cette occasion, le requérant s’est limité à se plaindre vaguement du refus de sa propre promotion. Ainsi, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a considéré, notamment, que, entre le 7 mai 2009, date de la connaissance avérée du requérant des décisions de promotion, et le 14 octobre 2009, date de sa demande de saisir la commission de conciliation, s’est écoulé un délai de plus de cinq mois. Il en a conclu, au point 65 de l’arrêt attaqué, que les conclusions tendant à l’annulation des décisions de promotion devaient être rejetées « comme tardives », c’est-à-dire comme ayant été déposées en dehors d’un délai raisonnable.

74      Or, s’agissant du principe du délai raisonnable, il y a lieu de rappeler que, dans son arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX-II, non encore publié au Recueil, points 25 à 46), sur lequel les parties avaient l’occasion de se prononcer à l’audience, la Cour a jugé, en substance, que, lorsque la durée d’une procédure n’était pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère « raisonnable » du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause devait être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence. Ainsi, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque cas d’espèce en fonction des circonstances de la cause. Par ailleurs, eu égard à l’impératif de cohérence, il convient d’appliquer la notion de « délai raisonnable » de la même manière lorsqu’elle concerne un recours ou une demande dont aucune disposition du droit de l’Union n’a prévu le délai dans lequel ce recours ou cette demande doivent être introduits. Dans les deux cas, le juge de l’Union est tenu de prendre en considération les circonstances propres de l’espèce.

75      S’agissant plus précisément de l’application de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, la Cour a considéré, au point 39 dudit arrêt, que cette disposition ne fixait pas un délai de recours, mais se limitait à énoncer la compétence du juge de l’Union pour statuer sur les litiges entre la BEI et ses agents, de sorte que ce dernier se trouve, dans le silence dudit règlement, dans l’obligation d’appliquer la notion de délai raisonnable. Elle a précisé que cette notion, qui suppose de prendre en compte toutes les circonstances du cas d’espèce, ne pouvait donc être entendue comme un délai de forclusion spécifique et que, partant, le délai de trois mois prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires ne pouvait s’appliquer par analogie en tant que délai de forclusion aux agents de la BEI lorsqu’ils introduisaient un recours en annulation à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui leur faisait grief.

76      En outre, eu égard au principe de protection juridictionnelle effective, en tant que principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), la Cour a jugé, en substance, aux points 40 à 45 de son arrêt, que, dans un cas où le délai de recours des agents de la BEI contre les actes leur faisant grief n’avait pas été fixé préalablement par une règle du droit de l’Union ni limité conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, il était constant que les agents concernés, eu égard à la jurisprudence de la Cour relative à l’application de la notion de « délai raisonnable », étaient en droit de s’attendre non pas à ce que le juge de l’Union opposât un délai préfix de forclusion à leur recours, mais à ce qu’il se borne à appliquer les critères reconnus par cette jurisprudence pour juger de la recevabilité de celui-ci. Or, selon la Cour, une dénaturation de la notion de délai raisonnable par l’imposition d’un tel délai préfix placerait lesdits agents dans l’impossibilité de défendre leurs droits au moyen d’un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

77      Il convient dès lors d’apprécier si le Tribunal de la fonction publique était fondé à conclure que, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, le requérant n’avait pas respecté un délai raisonnable pour saisir de sa contestation des décisions de promotion soit la commission de conciliation au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, soit le comité de recours. À cet égard, il importe de relever que le juge de pourvoi est compétent pour vérifier la qualification juridique correcte des faits pertinents, tels que constatés par le juge de première instance, au regard du principe du délai raisonnable, le respect dudit délai étant une question de droit (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du Tribunal du 18 juillet 2011, Marcuccio/Commission, T‑450/10 P, non publiée au Recueil, point 31).

78      Toutefois, en l’espèce, il n’y a pas lieu de remettre en cause, au regard du principe du délai raisonnable, la légalité de l’appréciation exposée au point 64 de l’arrêt attaqué, ni la conclusion à laquelle le Tribunal de la fonction publique est arrivé au point 65 dudit arrêt. Il ressort clairement du dossier de première instance que, à l’instar du recours déposé devant le comité de recours, la demande du 14 octobre 2009 de saisir la commission de conciliation ne contenait pas de contestation explicite des décisions de promotion, mais se limitait à renvoyer, de manière générale, aux différends entre le requérant et la BEI concernant son évaluation pour l’année 2008. Dans ces conditions, c’est pour la première fois dans sa requête de première instance, déposée le 12 février 2010, que le requérant a contesté les décisions de promotion, de sorte que plus de neuf mois s’étaient écoulés depuis que le requérant en avait pris connaissance.

79      Or, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, telles que soumises à l’appréciation du Tribunal de la fonction publique, en particulier de l’enjeu du litige pour le requérant, de la complexité du litige et du comportement respectif des parties, un tel délai doit être considéré comme étant déraisonnable. En effet, même à qualifier l’enjeu du présent litige de particulièrement important pour le requérant en raison de la très longue période durant laquelle il attend une promotion, force est de constater que le requérant a reconnu avoir été dûment informé des décisions de promotion des autres membres du personnel de la BEI et que, dès lors, même sans formation juridique et sans l’appui initial d’un conseil, il était en mesure de contester lesdites décisions dans un délai beaucoup plus bref que neuf mois. Par conséquent, même à considérer que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique ait mal déterminé le délai écoulé, susceptible d’être qualifié de déraisonnable, un tel vice ne serait pas, en l’espèce, de nature à vicier sa conclusion d’irrecevabilité, ni le dispositif de l’arrêt attaqué, qui apparaît fondé pour d’autres motifs de droit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 septembre 2003, Biret et Cie/Conseil, C‑94/02 P, Rec. p. I‑10565, point 63, et la jurisprudence qui y est citée).

80      Par ailleurs, c’est à tort que le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir procédé à une interprétation trop restrictive de la portée de son recours déposé devant le comité de recours, qui ne couvrait que très vaguement le refus de sa propre promotion (voir point 73 ci-dessus). Enfin, dans ce contexte, est contradictoire et inopérant l’argument du requérant selon lequel le délai de recours contre les décisions de promotion ne commencerait à courir que lorsque la BEI aura adapté et finalisé son rapport d’appréciation pour l’année 2008 et lorsque « son intérêt sera né et actuel » (voir points 70 et 71 ci-dessus), cet argument démontrant, au contraire, que le requérant estime n’avoir eu, jusqu’à ce stade, aucun intérêt à voir annuler les décisions de promotion.

81      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré du rejet illégal de l’exception d’illégalité du guide de la procédure d’évaluation 2008 comme irrecevable en tant qu’il impose des limites quantitatives au nombre des membres du personnel de la BEI pouvant bénéficier des notes A et B+

82      À l’appui de son quatrième moyen, le requérant rappelle que, à l’audience de première instance, il a précisé ses conclusions en ce sens qu’elles tendaient à exciper de l’illégalité du guide de la procédure d’évaluation 2008 dans la seule mesure où ledit guide imposait des limites quantitatives au nombre des membres du personnel de la BEI pouvant bénéficier des notes A et B+. Le Tribunal de la fonction publique aurait néanmoins déclaré lesdites conclusions irrecevables au motif qu’elles visaient un acte de portée générale (point 55 de l’arrêt attaqué). En outre, ce serait à tort que le Tribunal de la fonction publique a rejeté également l’exception d’illégalité, telle que précisée par le requérant (point 56 de l’arrêt attaqué), alors même que les règles de conduite de la BEI, telles que le guide de la procédure d’évaluation 2008, devraient être soumises à un contrôle juridictionnel à l’aune des règles supérieures de droit À cet égard, le requérant réitère, en substance, les griefs soulevés en première instance à l’encontre des critères de notation prévus par ce guide, qui donneraient lieu, compte tenu de leur caractère vague, à des abus, à la violation des droits et au favoritisme, griefs que le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas examinés.

83      S’agissant des limites quantitatives imposées pour l’attribution de la note A ou B+, le requérant estime qu’un nombre maximal de ces notes a pour effet de transformer, de manière illégale, « la valeur absolue de l’appréciation annuelle en une appréciation à caractère relatif » et de permettre à la BEI de justifier des abus en affirmant qu’il n’est pas possible de dépasser lesdites limites quantitatives. La BEI aurait fait preuve de sensibilité à l’égard de ces griefs en ayant ultérieurement supprimé les limites quantitatives contestées, ce qui confirmerait implicitement que lesdites limites ne servaient pas l’objectif déclaré, à savoir la nécessité de promouvoir les meilleurs agents et de respecter les contraintes budgétaires. Dans ces circonstances, l’appréciation exposée aux points 57 à 59 de l’arrêt attaqué pour justifier le rejet de la demande du requérant ne serait « qu’apparente et démentie par les faits ». En outre, le point 55 de l’arrêt attaqué serait intenable, notamment, en ce qu’il n’obéirait pas à la règle de logique en vertu de laquelle toute limite quantitative affecte la « distribution naturelle », de sorte qu’il n’incombait pas au requérant de démontrer que sa note avait été diminuée pour respecter les limites de 10 et de 30 %.

84      La BEI conteste les arguments du requérant et conclut au rejet du présent moyen.

85      Le Tribunal relève que, dans le cadre du présent moyen, le requérant reproche, en substance, au Tribunal de la fonction publique, d’une part, d’avoir mal interprété sa demande tendant à exciper de l’illégalité de la règle du guide de la procédure d’évaluation 2008 imposant des limites quantitatives au nombre des membres du personnel de la BEI pouvant bénéficier des notes A et B+ et, d’autre part, de ne pas avoir donné suite à cette demande. À cet égard, il convient de rappeler également que le requérant avait déjà soulevé une exception d’illégalité quant à une règle analogue dans le cadre de l’affaire F‑55/08, que le Tribunal de la fonction publique avait rejetée comme irrecevable, ce que le Tribunal a finalement entériné dans son arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra (points 67 et 68).

86      Or, le premier grief doit être rejeté comme inopérant, le Tribunal de la fonction publique ayant effectivement examiné les contestations du requérant, en dépit de leur manque de clarté, comme relevant soit d’une demande d’annulation, soit d’une exception d’illégalité, auxquelles ledit Tribunal a respectivement fourni une réponse complète (points 53 à 55 et points 56 à 59 de l’arrêt attaqué).

87      Le second grief vise essentiellement à contester l’appréciation des faits et des preuves du juge de première instance concernant la question de savoir si la règle imposant des limites quantitatives au nombre des membres du personnel de la BEI pouvant bénéficier des notes A et B+ a pu avoir une incidence sur la notation du requérant, ce que ce juge a exclu au regard des pièces du dossier (point 58 de l’arrêt attaqué). Toutefois, cette appréciation échappe à la compétence du juge de pourvoi et est, de surplus, dépourvue d’erreur de droit (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, point 69). En outre, le requérant a omis de contester la considération du Tribunal de la fonction publique, exposée au point 58 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « une déclaration éventuelle d’illégalité de la règle en cause n’aurait nullement pour effet de contraindre la B[EI] à reconnaître au requérant le bénéfice de la note A ou de la note B+ qu’il revendique », considération analogue à celle dont la légalité a d’ailleurs également été reconnue par le Tribunal dans son arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra (point 69).

88      Enfin, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté, à titre subsidiaire, l’exception d’illégalité sur le fond (point 59 de l’arrêt attaqué), il suffit de constater que le grief pertinent du requérant est inopérant, dès lors que, même à le supposer fondé, il n’est pas de nature à remettre en cause le rejet, à titre principal, comme irrecevable de ladite exception, ni le dispositif de l’arrêt attaqué, qui apparaît fondé pour d’autres motifs de droit (voir, en ce sens, arrêt Biret et Cie/Conseil, point 79 supra, point 63, et la jurisprudence qui y est citée).

89      Dans ces conditions, le quatrième moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le cinquième moyen, tiré du rejet illégal de la demande indemnitaire pour incompétence du juge de première instance et comme irrecevable, notamment pour cause de litispendance

90      Dans le cadre du cinquième moyen, le requérant rappelle le contenu de sa demande de réparation des préjudices matériels et moraux, telle que soulevée en première instance et contestée par la BEI À cet égard, le requérant conteste les points 97 à 99 de l’arrêt attaqué déclarant irrecevable la demande indemnitaire en ce qui concerne l’absence de promotion définitive avant le 9 mars 2005. Ce faisant, le Tribunal de la fonction publique aurait illégalement soulevé d’office une fin de non-recevoir et aurait, en substance, dénaturé la demande du requérant, seul le premier des préjudices invoqués ayant été directement lié à l’entrave au progrès de sa carrière. Toutefois, tel ne serait le cas ni du préjudice matériel découlant de la perte de la compétence professionnelle acquise et de la déqualification professionnelle ni des préjudices moraux. En tout état de cause, les règles de procédure pertinentes n’imposeraient pas au requérant de demander la réparation des préjudices dans le cadre de la même instance que celle ayant pour objet l’annulation d’un acte ou la constatation d’un comportement illicite de l’employeur.

91      S’agissant de l’exception de litispendance liée à la prétendue identité de la demande indemnitaire avec celle invoquée dans les affaires F‑55/08 et F‑59/09, le requérant soutient, en substance, que le Tribunal de la fonction publique a accueilli cette exception sans disposer de base légale appropriée dans son règlement de procédure à cet effet et en faisant illégalement usage d’un fait connu de lui par connaissance personnelle (point 101 de l’arrêt attaqué). En outre, la BEI n’aurait pas apporté la preuve de l’identité desdites demandes indemnitaires. En tout état de cause, même en admettant une telle identité, ces demandes auraient été introduites devant des instances judiciaires différentes.

92      S’agissant de la demande de réparation du préjudice matériel, le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a omis de tenir compte de la perte des compétences professionnelles acquises et de la déqualification professionnelle et de l’examiner, alors même qu’elles n’étaient pas liées à l’absence de promotion. Pour ce qui est du rejet de la demande de réparation des préjudices moraux, notamment au motif que le requérant n’avait pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait, le requérant rétorque essentiellement que c’est le comportement de l’employeur qui fait l’objet du contrôle de légalité du juge et qui « est en soi source de responsabilité, dès lors qu’il constitue un fait illicite ». Toutefois, contrairement à ce principe, reconnu par la jurisprudence administrative italienne, le juge de première instance aurait, en l’espèce, omis d’examiner la légalité du comportement de la BEI et de se prononcer sur sa responsabilité.

93      La BEI conteste les arguments du requérant et conclut au rejet du présent moyen.

94      Le Tribunal rappelle que, par le présent moyen, le requérant conteste la légalité des points 97 à 99, 101 et 102 ainsi que 119 à 121 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal de la fonction publique a exposé les raisons pour lesquelles il a rejeté les demandes indemnitaires comme soit irrecevables, soit non fondées.

95      S’agissant du rejet des demandes indemnitaires du requérant comme irrecevables au motif qu’il n’aurait pas attaqué, en temps utile, les décisions de refus de promotion qui seraient à l’origine des préjudices subis, il y a lieu de relever que le Tribunal de la fonction publique s’est fondé, certes sans la citer directement, sur la jurisprudence selon laquelle, en substance, un fonctionnaire ne saurait, par le biais d’une demande tendant au paiement de dommages-intérêts, contourner l’irrecevabilité d’une demande visant l’illégalité du même acte et tendant aux mêmes fins pécuniaires, de sorte que l’irrecevabilité d’une demande en annulation, notamment pour cause de tardiveté, entraîne celle de la demande en indemnité, étroitement liée à la demande en annulation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑250/04, RecFP p. I‑A‑2‑191 et II‑A‑2‑1251, points 38 et 39).

96      En l’espèce, ainsi que le constate le Tribunal de la fonction publique, aux points 97 à 100 de l’arrêt attaqué, toutes les décisions de refus de promotion du requérant, à l’exception de celles concernant les années 2006 (faisant l’objet de l’affaire F‑55/08, pendante devant le Tribunal de la fonction publique à la suite du renvoi ordonné par le Tribunal dans son arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra), 2007 (faisant l’objet des affaires F‑59/09 et T‑264/11 P) et 2008 (faisant l’objet de la présente procédure), sont devenues définitives et donc inattaquables au moyen d’une demande d’annulation. Par conséquent, le requérant ne saurait plus remettre en question leur légalité par le biais d’une demande indemnitaire, dont le succès présuppose l’obtention par le requérant d’un constat d’illégalité prononcé par le juge, sous peine de contourner le caractère définitif desdites décisions et des délais de recours qui y sont afférents.

97      Dès lors, les griefs dirigés contre les points 97 à 99 de l’arrêt attaqué ne peuvent être accueillis.

98      S’agissant de l’exception de litispendance, il convient de rappeler qu’un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, qui est fondé sur les mêmes moyens et qui tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, Rec. p. I‑10043, point 64, et du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié au Recueil, point 58), sans qu’il soit besoin que cette exception soit prévue par une règle explicite de droit. Or, en l’espèce, eu égard à l’identité des parties, des moyens et des demandes, à savoir la demande indemnitaire réitérée ayant déjà fait l’objet des affaires F‑55/08 et T‑37/10 P, et, partant, de l’objet du litige, le Tribunal de la fonction publique était obligé de tenir compte de l’exception de litispendance et de rejeter la nouvelle demande comme étant irrecevable. À cet égard, la distinction opérée par le requérant entre les différentes instances juridictionnelles ne saurait prospérer, dès lors que la substance de l’objet du litige est restée la même dans toutes ces instances.

99      Par conséquent, il y a lieu de constater que les points 101 à 103 de l’arrêt attaqué sont également dépourvus d’erreur de droit.

100    S’agissant du grief tiré de ce que, dans le cadre de l’appréciation du préjudice matériel, exposée au point 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique aurait omis de tenir compte de la perte des compétences professionnelles et de la déqualification professionnelle du requérant et de les examiner, ces aspects n’étant pas liés au refus de sa promotion en 2008, force est de constater que, tant dans la requête de première instance qu’au cours de la présente instance, le requérant n’a ni soulevé ni contesté, de manière suffisamment claire et précise, un caractère éventuellement lacunaire du rapport litigieux à cet égard (voir point 66 ci-dessus). Or, même à supposer que, lors de l’exercice d’évaluation 2008, la BEI ait méconnu, au détriment du requérant, les exigences découlant du point 13 du guide de la procédure d’évaluation 2008, en ce qu’elle n’a pas envisagé de discuter ou de tenir compte, du « développement futur » du requérant, ni d’établir pour lui un « plan d’amélioration de performance », le requérant ne serait pas recevable à remettre en cause cette omission, non appréciée par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, au seul stade du pourvoi. En effet, d’une part, l’examen et le constat de l’éventuel défaut de discuter ou de tenir compte du développement professionnel du requérant relèvent d’une appréciation factuelle et des preuves pour laquelle le juge de première instance est seul compétent et qui échappe au contrôle du juge de pourvoi, sauf en cas de dénaturation que le requérant n’a pas soulevée en l’espèce (voir la jurisprudence citée aux points 50 et 52 ci-dessus). D’autre part, le requérant n’avait fait que très vaguement allusion – de surcroît seulement dans le cadre d’observations liminaires précédant les griefs visant le rapport litigieux – aux exigences prévues par le point 13 du guide de la procédure d’évaluation 2008, sans le citer explicitement, et a omis de formuler un grief séparé suffisamment clair et précis à cet égard devant le Tribunal de la fonction publique (voir point 66 ci-dessus), de sorte qu’un tel grief ne saurait plus être retenu ou accueilli au stade du pourvoi. De même, au soutien de sa demande en réparation, en première instance, le requérant s’était limité à invoquer, de manière tout aussi vague, « la perte de l’expérience acquise et la déqualification professionnelle » et une « violation du devoir de renforcer [s]a capacité professionnelle », de sorte que ce grief ne saurait pas non plus être accueilli à ce stade.

101    Par conséquent, le grief tiré d’une mauvaise appréciation du préjudice matériel doit être rejeté, sans qu’il soit besoin d’apprécier si le Tribunal de la fonction publique était fondé à conclure à l’irrecevabilité de la demande en réparation dudit préjudice au motif que cette demande était liée au refus de promotion du requérant en 2008 (point 119 de l’arrêt attaqué).

102    S’agissant de la demande de réparation des préjudices moraux (point 121 de l’arrêt attaqué), il suffit de constater que le requérant demande une nouvelle appréciation des faits et des preuves de la part du juge de pourvoi pour laquelle celui-ci n’est pas compétent (voir points 50 et 52 ci-dessus) et qu’il ne ressort pas du raisonnement du Tribunal de la fonction publique que celui-ci ait méconnu les règles d’administration ou de la répartition de la charge de la preuve, ce que le requérant ne fait d’ailleurs pas valoir.

103    Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’omission illégale d’examiner et de répondre, à suffisance, à la demande de mesures d’instruction

104    Au soutien du sixième moyen, le requérant se limite à réitérer ses conclusions de première instance que le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas jugé utile d’examiner pour statuer (point 125 de l’arrêt attaqué). La BEI conclut au rejet du présent moyen.

105    À cet égard, le Tribunal rappelle que, ainsi qu’il l’a déjà jugé, dans son arrêt du 27 avril 2012 point 21 supra (points 97 à 101), concernant un moyen analogue du requérant, il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant celui-ci portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par ce dernier. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge de pourvoi (voir la jurisprudence citée aux points 50 et 52 ci-dessus).

106    À plus forte raison, aux fins de cette appréciation des faits et des preuves, il incombe au seul juge de première instance de décider si et dans quelle mesure il est nécessaire de procéder à des mesures d’organisation de la procédure ou à des mesures d’instruction. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi et de choisir les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction aptes à cet effet (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 319, et ordonnance de la Cour du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, non publiée au Recueil, point 138).

107    En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a estimé ne pas devoir donner suite aux demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction du requérant, de telles mesures ne présentant pas d’utilité pour la solution du litige eu égard, d’une part, aux éléments du dossier et, d’autre part, aux motifs de l’arrêt attaqué (point 125 de l’arrêt attaqué), appréciation qui échappe à la compétence du juge de pourvoi. Par ailleurs, le requérant n’avance aucun argument susceptible de faire apparaître que, à cet égard, le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit.

108    Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable.

109    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir pour partie le pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il est vicié par l’erreur de droit constatée aux points 34 à 44 ci-dessus.

 Sur le recours introduit en première instance

110    Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et statue lui-même sur le litige. Toutefois, il renvoie l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé.

111    En l’espèce, le Tribunal dispose des éléments nécessaires pour statuer sur le recours de première instance.

112    Dès lors que le requérant a succombé dans ses deuxième à sixième moyens de pourvoi, l’arrêt attaqué est devenu définitif en tant qu’il a rejeté les deuxième à cinquième chefs de conclusions du recours de première instance (voir point 3 ci-dessus), à l’exception du premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision du comité de recours (voir points 34 à 44 ci-dessus).

113    Dès lors, il appartient au Tribunal d’examiner uniquement le premier chef de conclusions du recours de première instance (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 18 juin 2009, Commission/Traore, T‑572/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑39 et II‑B‑1‑223, points 53 à 56).

114    À cet égard, il y a lieu d’apprécier si l’erreur de droit commise par le Tribunal de la fonction publique, telle que constatée aux points 34 à 44 ci-dessus, était susceptible de vicier également sa qualification des faits ainsi que la conclusion finale à laquelle il était parvenu dans le cadre de l’appréciation du premier chef de conclusions.

115    Ainsi qu’il ressort clairement des constatations factuelles du Tribunal de la fonction publique et des pièces du dossier de première instance, à la différence de la situation à l’origine de l’arrêt du 27 avril 2012, point 21 supra, dans sa décision attaquée devant le Tribunal de la fonction publique en l’espèce, le comité de recours n’a pas considéré que son contrôle était limité à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation viciant l’évaluation dans le rapport litigieux. En effet, dans le cadre de l’examen du bien-fondé de cette évaluation, le comité de recours s’est borné à constater, « d’une part, que l[e requérant] ne contest[ait] aucune des appréciations faites par le notateur dans le cadre des différentes rubriques du formulaire d’évaluation et, d’autre part, que le notateur consid[érait] que la performance d[u requérant] s’[était] améliorée par rapport à l’année 2007 et qu’il [avait] rempli les attentes par rapport aux objectifs et [aux] responsabilités fixés ». Le comité de recours en a conclu « qu’il n’y [avait] aucune contradiction entre la note B que l[e requérant avait] reçue et qui [était] définie comme ‘meets all expectations’ [et] l’ensemble de ces appréciations » (point 12 de la décision du comité du recours). Ledit comité a ajouté que, « [s]’agissant de la recommandation faite par le [d]irecteur général [au requérant] de traiter plus directement avec ses collègues au lieu de le faire par le biais de courriers électroniques, [il] consid[érait] qu’une telle recommandation n’[était] en rien anormale, abusive ou illégale » et que celle-ci « s’inscri[vai]t dans les limites des compétences conférées aux responsables d’un service à l’égard des personnes placées sous sa responsabilité ».

116    À cet égard, il y a lieu de préciser que, en effet, dans son recours interne du 7 mai 2009, dont le contenu a fait l’objet d’un débat contradictoire à l’audience de pourvoi, ainsi que le constate le comité de recours, le requérant n’avait pas avancé des contestations claires et précises à l’égard des évaluations contenues dans le rapport litigieux, contestations qui déterminaient cependant la portée du litige porté devant ledit comité et à l’aune desquelles celui-ci devait apprécier la légalité dudit rapport. Ainsi, le requérant n’avait pas contredit l’appréciation de ses évaluateurs aux termes de laquelle, afin de justifier l’attribution de la note B « meets all expectations », notamment (voir point 32 de l’arrêt attaqué) :

« Durant l’année 2008, la performance d[u requérant] s’est améliorée comparée à celle atteinte l’année précédente. [Il] a rempli les attentes par rapport aux objectifs fixés […] Surtout, il a pris une plus grande part dans les projets communs et ses contributions ont été plus visibles et appréciées. Il n’en demeure pas moins, cependant, qu’il devrait s’efforcer d’interagir plus directement avec les collègues et s’engager dans un dialogue direct plutôt que de se reposer presque exclusivement sur des échanges de courriers électroniques. »

117    Or, dans son recours interne du 7 mai 2009, au lieu de contester ces éléments d’appréciation, ce qui lui aurait été possible même sans formation juridique et sans soutien d’un conseil, le requérant s’est limité, premièrement, à se plaindre des conditions difficiles de travail et du prétendu harcèlement moral auquel il prétend avoir été exposé de la part de ses collègues, deuxièmement, à résumer les responsabilités et les objectifs qui lui étaient assignés au cours de l’année 2008 pour prétendre qu’il les aurait atteints, sans pour autant les contester véritablement, et, troisièmement, à brièvement rappeler ses contributions principales pendant cette période.

118    Toutefois, dans ces circonstances et, surtout, en l’absence de griefs suffisamment clairs et précis dirigés contre l’évaluation en tant que telle des performances et des mérites du requérant, le comité de recours n’était pas appelé à effectuer, en vertu du point 7 de l’annexe A de la communication relative à l’exercice d’évaluation 2008, un examen plus approfondi du bien-fondé du rapport litigieux. Par conséquent, le requérant ne saurait reprocher, dans sa requête de première instance, au comité de recours, de s’être « déclaré incompétent sur le fond de l’appréciation », d’avoir « refusé de prendre en considération [certains] arguments du requérant » ainsi que d’avoir « dénaturé [s]a demande » et « omis de réexaminer l’évaluation contestée » et « les objectifs imposés au requérant ».

119    En ce qui concerne plus particulièrement le grief du requérant selon lequel le comité de recours aurait dû tenir compte des conditions difficiles dans lesquelles il travaillait et du prétendu harcèlement moral exercé par ses collègues, il suffit de relever que le requérant n’avait pas clairement exposé si et dans quelle mesure, selon lui, ce grief était susceptible d’avoir une incidence sur son évaluation et/ou sur la note attribuée. En effet, à cet égard, il s’était limité à demander au comité de recours, de manière très générale et vague, « d’apprécier les faits ci-dessus, y compris ceux exposés dans les annexes […], et tout autre élément de fait disponible qui pourrait être utile, le cas échéant, également au regard de toute clarification que ce comité demandera à l’audience, afin de recommander des modifications de son évaluation, de la note B, du bonus qui [lui] avait été payé en raison de cette note, du refus de promotion […], ainsi que de déterminer le montant de dommages et intérêts pour le harcèlement moral continu et le blocage de sa carrière ».

120    Il en résulte que le premier chef de conclusions du recours de première instance et, partant, ledit recours dans son intégralité doivent être rejetés.

 Sur les dépens

121    Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

122    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de ce règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

123    En l’espèce, la BEI ayant succombé quant au premier moyen de pourvoi et le requérant ayant succombé quant aux deuxième à sixième moyens de pourvoi ainsi qu’au premier chef de conclusions du recours de première instance, il y a lieu de juger que la BEI supportera la moitié de ses propres dépens et le requérant la moitié des dépens exposés par la BEI ainsi que ses propres dépens afférents tant à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique qu’à la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 28 septembre 2011, De Nicola/BEI (F‑13/10) est annulé, en ce qu’il rejette les conclusions de M. Carlo De Nicola tendant à l’annulation de la décision du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI).

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      Le recours introduit par M. De Nicola devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑13/10 est rejeté.

4)      M. De Nicola supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la BEI afférents tant à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique qu’à la présente instance.

5)      La BEI supportera la moitié de ses propres dépens afférents tant à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique qu’à la présente instance.

Jaeger

Azizi

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

Sur le pourvoi

Procédure et conclusions des parties

En droit

Résumé des moyens de pourvoi

Sur le premier moyen, tiré de l’omission de se prononcer à suffisance sur la légalité de la décision du comité de recours

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs, d’omissions et de défauts de motivation viciant l’examen de la légalité du rapport litigieux

Sur le troisième moyen, tiré du rejet illégal de la demande d’annulation des décisions de promotion comme tardive et irrecevable

Sur le quatrième moyen, tiré du rejet illégal de l’exception d’illégalité du guide de la procédure d’évaluation 2008 comme irrecevable en tant qu’il impose des limites quantitatives au nombre des membres du personnel de la BEI pouvant bénéficier des notes A et B+

Sur le cinquième moyen, tiré du rejet illégal de la demande indemnitaire pour incompétence du juge de première instance et comme irrecevable, notamment pour cause de litispendance

Sur le sixième moyen, tiré de l’omission illégale d’examiner et de répondre, à suffisance, à la demande de mesures d’instruction

Sur le recours introduit en première instance

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.