Language of document : ECLI:EU:C:2024:325

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 18 avril 2024 (1)

Affaire C119/23

Virgilijus Valančius

contre

Lietuvos Respublikos Vyriausybė

en présence de :

Lietuvos Respublikos Seimo kanceliarija,

Lietuvos Respublikos Prezidento kanceliarija,

Saulius Lukas Kalėda

[demande de décision préjudicielle formée par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie)]

« Renvoi préjudiciel – Procédure nationale de sélection d’un candidat en vue de la nomination d’un juge du Tribunal de l’Union européenne – Article 19, paragraphe 2, TUE – Article 254 TFUE – Exigence que le candidat offre toutes les garanties d’indépendance – Indépendance de la justice – Groupe d’experts indépendants – Critères de sélection – Liste de mérite des candidats »






I.      Introduction

1.        La nomination des juges du Tribunal est régie par l’article 19, paragraphe 2, TUE et l’article 254 TFUE. Ces dispositions – qui sont relativement brèves et rédigées en des termes similaires – énoncent, entre autres, que les juges « sont nommés d’un commun accord [...] par les gouvernements des États membres, après consultation du comité prévu par l’article 255 », et « choisis parmi les personnes offrant toutes les garanties d’indépendance et possédant la capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles ».

2.        Les principes établis par ces dispositions sont-ils applicables aux procédures nationales de sélection des candidats aux fonctions de juge du Tribunal que proposeront les gouvernements des États membres ? Dans l’affirmative, l’exigence d’indépendance inscrite dans ces dispositions fait-elle peser sur les États membres des obligations spécifiques quant à l’organisation et au déroulement de ces procédures ? Plus précisément, le droit de l’Union interdit-il à un État membre, qui a mis en place un groupe d’experts indépendants ayant pour mission d’évaluer les candidats et d’établir une liste de mérite sur laquelle figurent les candidats répondant aux exigences de compétence professionnelle et d’indépendance, de choisir parmi les candidats figurant sur cette liste un candidat autre que le candidat le mieux classé ?

3.        Ce sont là, en substance, les questions clés que pose la présente affaire.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

4.        Aux termes de l’article 1er de la décision 2010/124/UE du Conseil, du 25 février 2010, relative aux règles de fonctionnement du comité prévu à l’article 255 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (2) (ci-après le « comité de l’article 255 »), ces règles sont reprises à l’annexe de cette décision. Les points 6 à 8 des règles de fonctionnement sont rédigés comme suit :

« 6.      Saisine du comité et demande d’informations complémentaires

Dès que le gouvernement d’un État membre propose un candidat, le secrétariat général du Conseil transmet cette proposition au président du comité.

Le comité peut demander au gouvernement dont émane la proposition de lui transmettre des informations complémentaires ou d’autres éléments qu’il juge nécessaires à ses délibérations.

7.      Audition

Sauf lorsqu’il s’agit d’une proposition ayant pour objet le renouvellement d’un mandat de juge ou d’avocat général, le comité entend le candidat dans le cadre d’une audition non publique.

8.      Motivation et présentation de l’avis

L’avis rendu par le comité est motivé. La motivation énonce les raisons essentielles sur lesquelles le comité a fondé son avis.

L’avis du comité est transmis aux représentants de gouvernements des États membres. [...] »

B.      Le droit lituanien

5.        L’article 52, paragraphe 3, du Lietuvos Respublikos Vyriausybės įstatymas (loi de la République de Lituanie sur le gouvernement), du 19 mai 1994 (3), dispose :

« Le gouvernement propose les candidats aux fonctions de juges de la Cour de justice de l’Union européenne et du Tribunal de l’Union européenne [(ci-après le “Tribunal”)] après avoir obtenu l’accord du président de la République et avoir consulté le parlement suivant les modalités prévues par le [Lietuvos Respublikos] Seimo statutas [(statut du parlement de la République de Lituanie)]. »

6.        Les points 2 à 4, 13, 15, 19, 21 et 22 du Pretendento į Europos Sąjungos bendrojo teismo teisėjus atrankos tvarkos aprašas (description de la procédure de sélection des candidats aux fonctions de juge du Tribunal de l’Union européenne), dans sa version applicable au principal, arrêtée par décret no 1R‑65 du ministre de la Justice de la République de Lituanie du 9 mars 2021, énoncent :

« 2.      Le groupe de travail procédant à la sélection (ci-après le “groupe de travail”) est constitué par arrêté du premier ministre de la République de Lituanie. Le groupe de travail est composé de sept personnes. Ses membres sont le ministre de la Justice de la République de Lituanie (qui préside le groupe de travail) ainsi qu’un représentant du parlement, du président de la République, de la Teisėjų taryba [(Conseil de la magistrature)], de l’école de droit de l’université Mykolas Romeris, de la faculté de droit de l’université de Vilnius ainsi que de la faculté de droit de l’université Vytautas Didysis. Un fonctionnaire du ministère de la Justice est nommé secrétaire du groupe de travail.

3.      Le groupe de travail, ayant égard aux six critères de sélection des candidats aux fonctions de juge du [Tribunal] énoncés dans les traités sur lesquels est fondée l’Union européenne et précisés dans le sixième rapport d’activité du [comité de l’article 255] [...] informe le public de l’ouverture de la procédure de sélection par communication publiée sur le site Internet du ministère de la Justice, invitant les personnes qui satisfont auxdits critères de sélection à soumettre un dossier de candidature à la procédure de sélection [...].

4.      Le groupe de travail fixe le délai, qui ne saurait être inférieur à dix jours ouvrables, dans lequel les candidats doivent soumettre au ministère de la Justice leur dossier de candidature à la procédure de sélection. [...]

[...]

13.      La sélection comprend une évaluation des candidats au regard des critères visés au point 3 de la description de la procédure de sélection sur la base des documents présentés par les candidats et un entretien de sélection. [...]

[...]

15.      Au cours de la sélection, les candidats sont évalués au regard des six critères visés au point 3 : les capacités juridiques, l’expérience professionnelle, l’aptitude à exercer des fonctions juridictionnelles, les connaissances linguistiques, l’aptitude à travailler en équipe dans un environnement international dans lequel sont représentées plusieurs traditions juridiques, les garanties d’indépendance, d’impartialité, de probité et d’intégrité que les candidats présentent.

[...]

19.      À l’issue de la sélection, chaque membre du groupe de travail note le candidat en lui attribuant entre 1 et 10 points. La note la plus basse est de 1 point et la note la plus élevée de 10 points. Les points attribués par les membres du groupe de travail sont additionnés. Une liste de mérite des candidats est établie sur la base des résultats obtenus. Tous les candidats qui satisfont selon le groupe de travail aux critères de sélection des juges du [Tribunal] sont inscrits sur la liste de mérite, quel que soit le nombre de points obtenus.

[...]

21.      À l’issue de la sélection, le président du groupe de travail soumet au gouvernement les projets d’actes en vue de proposer la candidature du candidat le mieux classé aux fonctions de juge du [Tribunal], joignant le procès-verbal de la réunion du groupe de travail avec son annexe (la liste de mérite des candidats établie par le groupe de travail, indiquant le nombre de points obtenus par les candidats) et le curriculum vitae du candidat le mieux classé.

22.      L’indication du candidat aux fonctions de juge du [Tribunal] le mieux classé par le groupe de travail a uniquement un caractère de recommandation au gouvernement, qui, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la loi sur le gouvernement, propose le candidat aux fonctions de juge du [Tribunal]. »

III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

A.      La procédure de sélection litigieuse

7.        Le requérant au principal, M. Virgilijus Valančius (ci-après le « requérant »), a été nommé, sur proposition du gouvernement lituanien, juge du Tribunal le 13 avril 2016. Son mandat a pris fin le 31 août 2019, mais il a continué d’exercer les fonctions de juge du Tribunal après cette date en application de l’article 5 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (4).

8.        Par une décision du 31 juillet 2019, le gouvernement lituanien a demandé au président de la République lituanienne et au parlement lituanien de donner leur accord à la candidature de M. Virgilijus Valančius pour un nouveau mandat. Comme, faute de consensus entre les trois institutions nationales concernées, cette proposition n’a pas abouti, un appel à candidatures en vue de la sélection d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal a été publié au cours du mois de mai 2021. Parallèlement, le groupe de travail a été constitué par arrêté du premier ministre et les règles régissant le déroulement de la procédure de sélection ont été arrêtées par décret du ministre de la Justice.

9.        Le 10 mai 2021, le groupe de travail a évalué les candidats potentiels, établissant une liste de huit candidats qu’il a jugés répondre aux critères de sélection des juges, classés par ordre décroissant des notes obtenues (ci-après la « liste de mérite »). Le requérant était identifié sur la liste de mérite comme étant le candidat le plus apte.

10.      Le 11 mai 2021, le ministère de la Justice a proposé la candidature du requérant au gouvernement lituanien.

11.      Le 6 avril 2022, le gouvernement lituanien a soumis pour accord au président de la République de Lituanie et au parlement lituanien la candidature de la personne dont le nom figurait sur la liste de mérite en deuxième position. Par décision du 4 mai 2022, le gouvernement lituanien, eu égard à l’accord du président de la République de Lituanie et du parlement lituanien, a proposé la candidature de cette personne aux fonctions de juge du Tribunal (ci-après la « première décision de proposition »).

12.      Le 5 juillet 2022, le comité de l’article 255 a rendu un avis défavorable sur cette candidature.

13.      Le 14 septembre 2022, le gouvernement lituanien a demandé au président de la République de Lituanie et au parlement lituanien d’approuver la candidature de la personne occupant la troisième place sur la liste de mérite des candidats aux fonctions de juge du Tribunal, M. Saulius Lukas Kalėda. Ayant obtenu l’accord de ces deux institutions, le gouvernement lituanien a décidé de présenter la candidature de cette personne (ci-après la « seconde décision de proposition ») (5).

14.      Sa candidature ayant recueilli l’avis favorable du comité de l’article 255, M. Kalėda a été nommé juge du Tribunal par les représentants des gouvernements des États membres le 15 septembre 2023 et a prêté serment au cours de l’audience du Tribunal du 27 septembre 2023, date à laquelle le mandat de juge du Tribunal du requérant a pris fin.

B.      La procédure au principal et la procédure devant la Cour

15.      Le 18 mai 2022, le requérant a introduit devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie) un recours en annulation de la première décision de proposition, tendant notamment à ce qu’il soit fait injonction au gouvernement lituanien de rouvrir les procédures de consultation et de proposition d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal suivant les modalités prévues par la loi, en soumettant pour consultation et proposition le nom du candidat le mieux classé par le groupe de travail. Dans ce cadre, le requérant soutenait que la procédure nationale de sélection d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal (ci-après la « procédure nationale en cause »), telle qu’elle avait été mise en œuvre, violait les principes découlant de l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et de l’article 254, deuxième alinéa, TFUE. Par la suite, le requérant a étendu la portée de son recours de sorte à viser également la seconde décision de proposition (6).

16.      Le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius), ayant des doutes quant à l’interprétation qu’il convenait de faire des dispositions précitées du droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 254 TFUE, aux termes duquel peuvent être choisies à titre de membres du Tribunal de l’Union européenne des personnes “offrant toutes les garanties d’indépendance et possédant la capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles”, lu en conjonction avec l’article 19, paragraphe 2, TUE, exige-t-il qu’un État membre sélectionne un candidat aux fonctions de juge du [Tribunal] exclusivement sur la base de critères professionnels ?

2)      Une pratique nationale, telle que celle en cause dans la présente affaire, suivant laquelle le gouvernement d’un État membre, responsable de proposer un candidat aux fonctions de juge du [Tribunal], met en place, afin de garantir la transparence de la sélection de ce candidat, un groupe d’évaluation des candidats composé d’experts indépendants – lequel comité, sur la base de critères de sélection clairs et préétablis et après audition de tous les candidats, établit une liste de mérite et, comme le prévoit une procédure préétablie, soumet au gouvernement le nom du candidat ayant obtenu la meilleure évaluation en ce qui concerne ses capacités et compétences professionnelles –, mais le gouvernement propose aux fonctions de juge de l’Union non pas le candidat le mieux placé sur la liste de mérite mais un autre candidat, est-elle compatible avec l’exigence que le juge offre toutes les garanties d’indépendance ainsi qu’avec les autres conditions d’accès aux fonctions de juge énoncées à l’article 254 TFUE, lu en conjonction avec l’article 19, paragraphe 2, TUE, sachant que le juge nommé de façon peut‑être illégale peut influencer les décisions que prendra le [Tribunal] ? »

17.      Par décision du président de la Cour du 26 septembre 2023, une demande d’information a été adressée à la juridiction de renvoi, afin de savoir si le fait que M. Kalėda avait été nommé juge du Tribunal par décision des représentants des gouvernements des États membres du 15 septembre 2023 avait une incidence sur l’objet du litige au principal et, dans l’affirmative, si la juridiction de renvoi souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle. Par courrier du 10 octobre 2023, la juridiction de renvoi a indiqué que cette nomination était sans incidence sur l’objet du litige au principal et qu’elle entendait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

18.      Des observations écrites ont été présentées par le requérant, les gouvernements lituanien, tchèque, hongrois, néerlandais, polonais et suédois, ainsi que par la Commission européenne. Le requérant, les gouvernements lituanien, tchèque, irlandais et polonais ainsi que la Commission ont également participé à l’audience du 16 janvier 2024.

IV.    Analyse

19.      Par ses deux questions, qui peuvent être examinées ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 19, paragraphe 2, TUE et l’article 254 TFUE font obstacle à une législation ou une pratique nationales suivant lesquelles le gouvernement d’un État membre, qui a mis en place un groupe d’experts indépendants ayant pour mission d’évaluer les candidats et d’établir une liste de mérite sur laquelle figurent les candidats qui répondent aux exigences de compétence professionnelle et d’indépendance inscrites dans les traités de l’Union, peut sélectionner parmi les candidats figurant sur cette liste un candidat autre que le candidat le mieux classé.

20.      Avant de me pencher sur le fond de cette question, j’examinerai plusieurs questions préliminaires d’ordre procédural.

A.      Questions d’ordre procédural : la compétence de la Cour, la recevabilité de la demande de décision préjudicielle et la nécessité d’une réponse

21.      Plusieurs des gouvernements des États membres qui ont présenté des observations ont avancé toute une série d’arguments contestant la compétence de la Cour ou la recevabilité de la demande de décision préjudicielle ou qu’il y ait lieu que la Cour réponde aux questions posées par la juridiction de renvoi. Bien que ces parties aient, dans une certaine mesure, présenté leurs arguments sans distinguer strictement entre ces trois questions, je les examinerai néanmoins séparément.

1.      La compétence

22.      En premier lieu, quelques gouvernements étaient d’avis que la Cour n’avait pas compétence pour répondre aux questions qui lui ont été posées. Selon eux, comme la procédure suivant laquelle un gouvernement propose un candidat est uniquement régie par le droit national, les dispositions du droit de l’Union que la juridiction de renvoi cherche à faire interpréter ne sont pas applicables au principal. Certains gouvernements soulignent également la complexité de la procédure de nomination aux fonctions de juge du Tribunal, dont le point final est l’adoption d’une décision prise d’un commun accord par les représentants des gouvernements des États membres qui n’est pas soumise au contrôle de légalité exercé par la Cour. Ils soutiennent que la Cour ne saurait, a fortiori, avoir compétence pour statuer sur la légalité de la phase nationale de cette procédure complexe.

23.      À cet égard, je commencerai par souligner que les questions préjudicielles posées concernent la portée de l’article 19, paragraphe 2, TUE et de l’article 254 TFUE, une question qui requiert d’interpréter ces dispositions du droit primaire de l’Union et relève dès lors pleinement de la compétence de la Cour au titre de l’article 267 TFUE (7).

24.      Je rappellerai par ailleurs qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, si l’organisation de la justice dans les États membres relève de la compétence de ces derniers, il n’en demeure pas moins que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres sont tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union. Il peut en aller de la sorte, notamment, s’agissant de règles nationales relatives à l’adoption de décisions de nomination des juges et, le cas échéant, de règles afférentes au contrôle juridictionnel applicable dans le contexte de telles procédures de nomination (8). Il me semble que ce principe doit a fortiori s’appliquer s’agissant de la réglementation nationale concernant l’adoption de décisions destinées – comme je l’expliquerai plus loin – à faire partie du processus de nomination des membres de la Cour de justice de l’Union européenne.

25.      En outre, je ne suis pas convaincu qu’il soit possible d’établir une analogie entre la présente affaire et les affaires dans lesquelles la Cour a déclaré ne pas avoir compétence, en vertu de l’article 263 TFUE, pour contrôler la validité d’actes adoptés par les représentants des gouvernements des États membres, agissant en qualité non pas de membres du Conseil, mais de représentants de leur gouvernement, et exerçant ainsi collectivement les compétences des États membres, comme c’est le cas des décisions de nomination des membres de la Cour de justice de l’Union européenne (9).

26.      Les décisions litigieuses ne sont pas des actes ayant un caractère intergouvernemental, mais des actes adoptés par les autorités lituaniennes sur la base du droit national. Il est tout à fait possible de considérer ces actes, comme le soutiennent plusieurs gouvernements, comme des actes préliminaires en ce sens qu’ils constituent une étape d’une procédure complexe débouchant sur l’adoption d’une décision de nature intergouvernementale. Il n’en demeure pas moins, cependant, que, si les décisions litigieuses – qui produisent indubitablement un certain effet juridique – sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel en droit national, le fait que la Cour n’a pas compétence concernant un autre acte, distinct (la décision de nomination prise par les représentants des gouvernements des États membres), est dépourvu de toute pertinence aux fins de déterminer si elle peut (ou, plutôt, doit) répondre à des questions qui lui ont été déférées conformément à l’article 267 TFUE, pourvu que ces questions portent sur l’interprétation du droit de l’Union.

2.      La recevabilité

27.      En deuxième lieu, plusieurs gouvernements ont argué que les questions préjudicielles posées étaient irrecevables, au motif qu’il n’était pas nécessaire que ces questions reçoivent une réponse pour que la juridiction de renvoi puisse trancher le litige dont elle était saisie. Les arguments avancés à l’appui de cette position sont au nombre de deux : i) il n’entre pas dans les compétences de la juridiction de renvoi de prendre les mesures sollicitées par le requérant (une injonction adressée au gouvernement), puisque cela reviendrait à exercer les prérogatives appartenant au gouvernement en matière de politique étrangère, et ii) les questions sont hypothétiques, dans la mesure où la procédure nationale en cause – à supposer même que les dispositions du droit de l’Union en cause soient considérées s’appliquer – a en tout état de cause été mise en œuvre d’une manière conforme à ces dispositions.

28.      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. La Cour ne peut refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (10).

29.      Je ne vois en l’espèce aucun élément qui soit propre à renverser cette présomption. De fait, la juridiction de renvoi est bien saisie d’un litige réel, dans le cadre duquel le requérant a invoqué les dispositions du droit de l’Union que les questions préjudicielles visent à faire interpréter (11). Les questions de savoir si les dispositions du droit de l’Union invoquées sont effectivement applicables à ce litige et, dans l’affirmative, si elles ont été respectées concernent le fond des questions préjudicielles posées et ne sauraient dès lors conduire à une irrecevabilité de celles-ci (12).

30.      L’argument tiré de ce que la juridiction de renvoi n’a prétendument pas le pouvoir de contrôler les décisions litigieuses ou de prendre les mesures spécifiquement sollicitées par le requérant ne me semble pas davantage convaincant. Il est bien établi que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national doivent être résolues au regard du cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude (13). Savoir si l’action pendante devant la juridiction de renvoi est recevable ou si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles applicables régissant les procédures nationales sont des questions qui échappent à la compétence de la Cour au titre de l’article 267 TFUE (14).

31.      Il n’appartient dès lors pas non plus à la Cour d’apprécier si les autorités nationales compétentes ont, ou non, correctement appliqué au cours de la procédure nationale en cause les principes découlant des dispositions applicables du droit de l’Union. Aux fins de la présente affaire, il suffit de souligner que les parties au principal sont en désaccord sur ce point et que la juridiction de renvoi a sollicité l’aide de la Cour pour pouvoir trancher. Cela suffit pour déclarer la demande de décision préjudicielle recevable. Dans le cadre d’une procédure de décision préjudicielle, le rôle de la Cour est de clarifier l’interprétation correcte des dispositions du droit de l’Union en cause et celui de la juridiction de renvoi d’appliquer ces dispositions, telles qu’interprétées, aux faits spécifiques de l’affaire dont elle est saisie (15), en tirant, en cas de violation desdites dispositions, toutes les conséquences qui s’imposent (16).

3.      La nécessité d’une réponse

32.      En troisième lieu, certains gouvernements soutiennent que, M. Kalėda ayant entre-temps pris ses fonctions, la procédure au principal n’a plus d’objet, ce qui implique qu’il n’est plus nécessaire de répondre aux questions posées. Ils estiment que, même à supposer que la procédure nationale en cause ait porté atteinte aux droits du requérant (quod non), il n’est plus possible de prendre les mesures auxquelles tend son action : la décision de la juridiction de renvoi serait sans incidence sur la validité de la décision des représentants des gouvernements des États membres de nommer M. Kalėda juge du Tribunal.

33.      À cet égard, il convient de se rappeler que la procédure préjudicielle suppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant une juridiction nationale, dans le cadre duquel celle-ci est appelée à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel (17).

34.      En ce qui concerne la présente affaire, je suis d’accord avec ces gouvernements sur le fait que, même à supposer que la juridiction de renvoi annule les décisions litigieuses, cela n’aurait aucune incidence directe sur la validité de la décision des représentants des gouvernements des États membres de nommer M. Kalėda juge du Tribunal. À cet égard, je relèverai en passant qu’il semble être constant entre les parties que M. Kalėda répond aux exigences inscrites dans les traités. Il me semble de même que le chef de demande du requérant tendant à ce que la juridiction de renvoi rouvre la procédure de sélection d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal n’a désormais plus d’objet dans la mesure où le poste que cette procédure visait à pourvoir n’est plus vacant.

35.      Il peut être utile d’ajouter, dans un souci d’exhaustivité, que la vérification du point de savoir si un candidat donné répond aux exigences de compétence et d’indépendance inscrites dans les traités est une tâche qui incombe en dernier ressort aux représentants des gouvernements des États membres et que cette évaluation ne saurait faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par les juridictions de l’Union ou nationales. Une fois nommé, un membre de la Cour ne peut être destitué de ses fonctions de manière automatique en conséquence d’une erreur (prétendument ou réellement) commise au cours de la procédure de sélection au niveau national. Cela irait à l’encontre du principe d’inamovibilité des juges (18).

36.      Cela ne signifie pas, toutefois, qu’il soit impossible de remédier à des erreurs commises au cours du processus de nomination. L’article 6 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose que « [l]es juges ne peuvent être relevés de leurs fonctions ni déclarés déchus de leur droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu que si, au jugement unanime des juges et des avocats généraux de la Cour de justice, ils ont cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de leur charge. [...] Lorsque l’intéressé est un membre du Tribunal ou d’un tribunal spécialisé, la Cour décide après consultation du tribunal concerné » (19).

37.      Il découle de cette disposition que si, postérieurement à la nomination d’un juge, un quelconque élément susceptible de faire douter de ce que l’évaluation par les représentants des gouvernements des États membres ait été effectuée sur la base d’informations complètes, correctes et véridiques devait se faire jour, alors la Cour pourrait enquêter sur ce point et décider le cas échéant d’ouvrir la procédure prévue à l’article 6 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il pourrait en aller ainsi, par exemple, dans le cas où un candidat a sciemment fourni aux autorités nationales compétentes ou au comité de l’article 255 des informations trompeuses ou de faux documents (20).

38.      Il convient de noter par ailleurs que le pouvoir de la Cour d’examiner ce type de questions postérieurement à la nomination se définit comme ayant un caractère d’obligation et non de pouvoir discrétionnaire de large portée. Ainsi que la Cour l’a jugé de façon constante, y compris dans l’affaire Simpson (une affaire concernant un vice entachant la procédure de nomination d’un juge du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne de l’époque), il découle du droit fondamental à un tribunal indépendant, impartial et préalablement établi par la loi, inscrit à l’article 47 de la Charte, que « toute juridiction a l’obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue un tel tribunal lorsque surgit sur ce point un doute sérieux. Cette vérification est nécessaire à la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer au justiciable. En ce sens, un tel contrôle constitue une formalité substantielle dont le respect relève de l’ordre public et doit être vérifié d’office » (21).

39.      En dépit de ce qui précède, il ne me semble pas manifeste que le présent litige soit désormais dépourvu d’objet. En effet, interrogée sur ce point par la Cour, la juridiction de renvoi a déclaré que la procédure au principal était toujours en cours et qu’elle considérait qu’il n’y avait pas lieu de retirer le renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, puisqu’elle avait toujours besoin d’une réponse à ses questions pour pouvoir trancher le litige (22). Par ailleurs, le requérant a déclaré au cours de l’audience – sans être contredit par le gouvernement lituanien – que, lorsque la procédure reprendra après la suspension ordonnée par la juridiction de renvoi en application de l’article 267 TFUE, il lui sera possible de modifier ses chefs de demande pour solliciter, par exemple, un jugement déclaratoire, qui constituera en lui-même une réparation de son préjudice moral, ou l’octroi de dommages et intérêts.

40.      Par conséquent, compte tenu des informations fournies tant par la juridiction de renvoi que par les parties au principal, je suis d’avis qu’une réponse aux questions préjudicielles est toujours nécessaire à la juridiction de renvoi pour que celle-ci puisse trancher le litige dont elle est saisie.

B.      Sur le fond

41.      La procédure et les conditions de nomination des juges du Tribunal sont régies par l’article 19, paragraphe 2, TUE et l’article 254 TFUE. Ces dispositions, qui sont rédigées en des termes similaires, exigent que les juges du Tribunal soient notamment : i) « choisis parmi les personnes offrant toutes les garanties d’indépendance et possédant la capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles » et ii) « nommés d’un commun accord [...] par les gouvernements des États membres », après consultation du comité de l’article 255.

42.      La première question au cœur de la présente affaire est de savoir si l’exigence, imposée par ces dispositions, que les juges du Tribunal soient choisis parmi les personnes offrant toutes les garanties d’indépendance (l’« exigence d’indépendance ») fait peser sur les États membres une quelconque obligation en ce qui concerne la procédure de sélection des candidats à ces fonctions qu’ils proposeront.

43.      La plupart des gouvernements qui ont présenté des observations ont répondu à cette question par la négative. Ils soulignent que l’article 19, paragraphe 2, TUE et l’article 254 TFUE concernent la procédure selon laquelle les candidats sont nommés en qualité de juges, à savoir la procédure qui se déroule après qu’un État membre a proposé un candidat. Ces dispositions ne contiennent en revanche aucune règle spécifique quant à la façon dont les États membres doivent sélectionner les candidats. Dès lors, soutiennent ces gouvernements, la procédure de sélection des candidats relève de la compétence exclusive des États membres, qui jouissent à cet égard d’un pouvoir véritablement discrétionnaire.

44.      J’expliquerai plus loin pourquoi je ne partage pas ce point de vue. Avant de répondre à ces arguments, cependant, il convient de faire quelques remarques liminaires concernant la notion d’« indépendance des juges » et ses implications dans des situations telles que celle en cause au principal.

1.      Une seule notion d’« indépendance des juges »

45.      La Cour a jugé de façon constante que l’article 19 TUE concrétise la valeur essentielle de l’État de droit affirmée à l’article 2 TUE (23), confiant la charge d’assurer le contrôle juridictionnel dans l’ordre juridique de l’Union à la Cour de justice de l’Union européenne et aux juridictions nationales (24). La Cour a précisé que le droit à un contrôle juridictionnel effectif par un tribunal indépendant – qui est désormais inscrit à l’article 47 de la Charte – est « inhéren[t] à un État de droit » (25). La Cour a par ailleurs jugé que la garantie d’indépendance – qui comporte deux aspects, l’indépendance au sens strict et l’impartialité (26) – est inhérente à la mission de juger et s’impose dès lors tant au niveau de l’Union (pour les membres de la Cour de justice de l’Union européenne) qu’au niveau des États membres (pour les membres des juridictions nationales, qui peuvent être appelés à statuer sur des questions liées à l’application ou à l’interprétation du droit de l’Union) (27).

46.      La Cour a par ailleurs précisé que la garantie d’indépendance postule l’existence de règles régissant l’administration de la justice qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de l’organe juridictionnel à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent (28).

47.      Une jurisprudence constante exige plus spécifiquement l’existence de deux séries de règles. Une première série de règles – qui pourrait être considérée comme ayant un caractère ex ante – visent à garantir que seules puissent être nommées en qualité de juge des personnes qui sont et apparaissent comme étant indépendantes. Ces règles comprennent les conditions de fond et les modalités procédurales présidant à l’adoption des décisions de nomination (29). Une seconde série de règles – que l’on pourrait qualifier d’ayant un caractère ex post – visent à garantir que les personnes nommées en qualité de juges exercent leurs fonctions juridictionnelles de telle manière qu’aucun doute objectivement justifié ne puisse exister quant à leur indépendance. Ces règles comprennent, entre autres, celles définissant les causes d’abstention, de récusation et de révocation des magistrats (30) ainsi que des règles régissant d’autres aspects de leur activité (31).

48.      Il découle ainsi expressis verbis de la jurisprudence précitée que le droit de l’Union ne connaît qu’une seule notion d’« indépendance des juges » (32), qui s’applique de la même manière aux juridictions de l’Union et aux juridictions nationales. À cette fin, les différents systèmes juridiques doivent notamment comprendre des règles qui régissent la nomination des juges, adoptées par le pouvoir législatif (33) et libellées d’une façon suffisamment claire, précise et exhaustive (34), aptes à sauvegarder l’indépendance, tant réelle qu’apparente, des juges (35).

49.      Ce point ayant été clarifié, la question suivante qu’il y a lieu d’examiner est celle de savoir si, et dans l’affirmative de quelle manière, les principes décrits aux points précédents des présentes conclusions peuvent s’appliquer dans une situation telle que celle en cause au principal.

2.      La procédure de sélection des candidats aux fonctions de juge du Tribunal

50.      À ce stade, je dois revenir aux objections, mentionnées au point 43 des présentes conclusions, que plusieurs gouvernements avaient soulevées en ce qui concerne l’applicabilité à la procédure nationale en cause des principes découlant de l’article 19, paragraphe 2, TUE et de l’article 254 TFUE.

51.      Certes, considérées isolément, la procédure et les décisions adoptées par le gouvernement lituanien à son issue ne concernent pas la nomination d’un juge, puisqu’elles mènent uniquement à la sélection d’un candidat à ces fonctions. Ce point ne revêt cependant, à mon avis, aucune importance dans le présent contexte. Pour dire la vérité, les arguments avancés à cet égard par certains gouvernements me frappent comme étant extrêmement formalistes.

52.      Les procédures nationales de sélection des candidats et les décisions par lesquelles ces procédures se concluent font partie intégrante d’un processus d’ensemble qui mène à la nomination des juges du Tribunal. Ce processus comporte trois étapes distinctes : la première a lieu au niveau national (en vue de la sélection du candidat), la deuxième au niveau de l’Union (devant le comité de l’article 255 (36)) et la troisième au niveau intergouvernemental (lorsque les représentants des gouvernements des États membres adoptent une décision).

53.      Chacune de ces trois étapes constitue une phase nécessaire du processus. En particulier, les représentants des gouvernements des États membres ne peuvent prendre de décision sur la nomination d’un membre de la Cour de justice de l’Union européenne que si une proposition formelle a été présentée à cette fin par un gouvernement national (et la personne concernée auditionnée par le comité de l’article 255).

54.      Selon moi, il ne peut faire de doute que – compte tenu du silence des traités sur ce point – les États membres jouissent d’une marge de manœuvre importante quant à l’organisation, la structure et la mise en œuvre de la procédure de sélection de leurs candidats. Ils peuvent mettre en place une procédure standard qui sera applicable pour toutes les nominations similaires ou, au contraire, recourir chaque fois à une procédure ad hoc. Ces procédures peuvent être relativement simples et élémentaires ou être composées de plusieurs étapes procédurales, par exemple en faisant participer différents organes ou institutions à la procédure de sélection.

55.      L’approche suivie à cet égard par le comité de l’article 255, qui a déclaré que l’existence d’« une procédure nationale de sélection ouverte, transparente et rigoureuse » était un élément favorable lors de l’évaluation de l’aptitude d’un candidat, alors que l’absence d’une telle procédure ne saurait à elle seule constituer un motif permettant de considérer un candidat comme étant inapte à exercer les fonctions (37), me semble dès lors assez raisonnable.

56.      Dans ce contexte, il peut être opportun de rappeler que, ainsi que la Cour l’a dit pour droit de manière constante, aucune disposition du droit de l’Union (y compris les articles 2 et 19 TUE) n’impose aux États membres un modèle constitutionnel précis régissant les rapports et l’interaction entre les différents pouvoirs étatiques, notamment en ce qui concerne la définition et la délimitation des compétences de ceux‑ci (38). La Cour a par ailleurs jugé que, comme il ressort de l’article 4, paragraphe 2, TUE, l’Union respecte l’identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, de telle sorte que ces États disposent d’une certaine marge d’appréciation pour assurer la mise en œuvre des principes de l’État de droit (39).

57.      Partant, la Cour a jugé, en ce qui concerne la nomination des juges nationaux, que le seul fait que la législation nationale prévoyait que les décisions en cause soient adoptées par ou après avoir consulté le président (40), le premier ministre (41) ou les organes législatifs (42) de l’État n’était en principe pas en soi un élément susceptible de mettre en doute l’indépendance des juges à l’égard de ces institutions. La Cour a également jugé que l’intervention d’organes consultatifs, par exemple composés d’autres juges, pouvait, à la condition que ces organes soient eux-mêmes suffisamment indépendants, contribuer à une objectivisation de ce processus, en encadrant la marge de manœuvre dont disposaient les autres institutions participant au processus. L’intervention de tels organismes ne saurait toutefois être considérée comme étant nécessaire (43). Il n’est par ailleurs pas en soi problématique que l’institution investie du pouvoir de décision jouisse d’un certain pouvoir d’appréciation lors de la sélection des candidats qui seront nommés (44).

58.      Tout cela étant dit, la Cour a précisé en jurisprudence constante que l’importante marge de manœuvre dont disposent les États membres pour structurer le rapport entre les différents pouvoirs, définir leur architecture juridictionnelle et – ce qui n’est pas le moins important – réglementer le processus de nomination en ce qui concerne les juges nationaux ne les dispense pas de respecter le droit de l’Union. Les États membres sont en particulier tenus de se conformer à l’exigence d’indépendance des juridictions qui découle des articles 2 et 19 TUE (45). En effet, ainsi que l’ai exposé au point 24 des présentes conclusions, il ressort d’une jurisprudence constante que, si l’organisation de la justice dans les États membres relève de la compétence de ces derniers, il n’en demeure pas moins que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres sont tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union.

59.      Ces principes doivent nécessairement s’appliquer en ce qui concerne le processus de nomination des juges du Tribunal, et ce à chacune de ses trois étapes. Il me semble artificiel et déraisonnable d’arguer que la première étape de ce processus doive, en dépit de son caractère essentiel et du rôle déterminant que joue la décision par laquelle elle s’achève, être considérée comme étant une « zone échappant au droit de l’Union » (46). De fait, ce n’est pas un hasard que, dans sa jurisprudence relative à l’indépendance des juges, la Cour ait si souvent fait référence au processus de nomination des juges (47), ce que je comprends comme englobant toutes les différentes étapes procédurales qui débouchent à la fin sur la nomination formelle des juges.

60.      Il me semble cependant tout aussi clair qu’aucune étape ne saurait être considérée isolément : ce qui importe vraiment est la manière dont l’ensemble du processus, composé des différentes étapes, peut objectivement être perçu par le public (48).

61.      Dans ces conditions, je suis d’avis qu’un État membre ne saurait être considéré se conformer au droit de l’Union si la procédure nationale de sélection des candidats aux fonctions de membre de la Cour de justice de l’Union européenne, telle qu’elle a été conçue par le législateur national ou simplement telle qu’elle est mise en œuvre, dans la pratique, par les autorités compétentes (49), est susceptible de mettre en péril l’intégrité de l’ensemble du processus de nomination et, par voie de conséquence, du résultat de ce processus (50). Il en va ainsi lorsque, malgré l’existence de dispositions du droit de l’Union régissant, d’une part, les deux autres étapes du processus de nomination (51) et, d’autre part, d’autres aspects de l’activité juridictionnelle visant à garantir que l’exercice de cette activité soit à l’abri de toute influence extérieure (52), la procédure de sélection des candidats est telle qu’elle peut faire naître des doutes justifiés quant à l’indépendance de la personne choisie.

62.      Pour donner quelques exemples extrêmes : il en irait ainsi, par exemple, d’un appel à candidatures qui exige, à titre de condition à remplir par les candidats, l’appartenance à un parti politique donné, ou d’une décision sélectionnant un candidat qui a ouvertement déclaré (à la presse, devant un organe ou comité public, etc.) qu’il agirait dans l’intérêt de son État d’origine ou conformément aux instructions de l’institution qui l’a sélectionné.

63.      Je ne peux donc pas non plus souscrire à l’argument avancé par certains gouvernements selon lequel la décision de savoir si un candidat donné répond aux exigences inscrites dans les traités est une tâche confiée au seul comité de l’article 255.

64.      Il va sans dire que le comité de l’article 255 est à cet égard appelé à jouer un rôle déterminant. En effet, la vérification de « l’adéquation des candidats à l’exercice des fonctions de juge et d’avocat général de la Cour de justice et du Tribunal » constitue la raison d’être même de ce comité. Il est, selon moi, de même assez clair que l’institution du comité de l’article 255 – dont les origines remontent au « comité consultatif » envisagé dans ce qu’il est convenu d’appeler le « rapport Due », publié au cours du mois de janvier 2000 (53), et dans le rapport final du Cercle de discussion sur le fonctionnement de la Cour de justice, datant du mois de mars 2003 (54) – n’était pas prévue pour constituer un simple exercice depure forme, mais à effectivement « placer la barre plus haut » pour les États membres (55).

65.      Il n’en demeure pas moins que le comité de l’article 255 est un organe purement consultatif, qui émet un avis dépourvu de caractère contraignant. Son rôle ne saurait être compris comme étant celui d’unique organe chargé, seul, de la tâche de vérifier la compétence professionnelle et l’indépendance des candidats. Pour les raisons exposées ci-dessus, il appartient, selon moi, à tous les acteurs institutionnels impliqués dans le processus (autorités nationales, comité de l’article 255 et représentants des gouvernements des États membres), agissant chacun dans les limites de ses compétences et à un stade donné du processus, d’assurer que ces exigences soient respectées.

66.      C’est donc à la lumière des principes exposés aux points précédents des présentes conclusions que j’examine à présent les questions posées par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius), telles que reformulées au point 19 des présentes conclusions.

3.      La procédure nationale en cause

67.      Il découle des considérations qui précèdent que, pour résoudre les problèmes que soulève la présente affaire, la question clé est de savoir si la procédure nationale en cause, telle qu’elle a été conçue ou appliquée par les autorités lituaniennes, est de nature à mettre en péril l’intégrité du processus de nomination du juge du Tribunal concerné.

68.      C’est en principe à la juridiction de renvoi qu’il appartient de porter cette appréciation, à la lumière de l’ensemble des circonstances pertinentes. En vue d’aider cette juridiction, je préciserai cependant que je ne vois aucun élément, de droit ou de fait, systémique ou circonstanciel (56), qui, à lui seul ou considéré en conjonction avec d’autres (57), pourrait faire naître des doutes objectivement justifiés dans l’esprit des justiciables quant à l’indépendance du candidat aux fonctions de juge du Tribunal proposé par le gouvernement lituanien.

69.      Premièrement, il semble important de souligner – d’emblée – que toutes les personnes inscrites sur la liste de mérite établie par le groupe de travail avaient été considérées par cet organe répondre aux exigences de compétence et d’indépendance inscrites dans les traités de l’Union (58). En outre, ainsi que je l’ai déjà indiqué, il n’existe, d’après ce que je comprends, dans l’affaire au principal aucun élément mettant en doute que M. Kalėda satisfasse effectivement à ces exigences.

70.      Deuxièmement, d’après ce que je comprends, le gouvernement lituanien n’a, dans la procédure nationale en cause, aucunement méconnu le cadre juridique qu’il avait lui-même défini et qu’il est tenu de respecter (59). Il semble en particulier que, en vertu des règles de droit national applicables, le groupe de travail soit un organe consultatif et que sa recommandation concernant la désignation du candidat le mieux classé ne lie pas le gouvernement.

71.      Troisièmement, aucune disposition du droit de l’Union, y compris l’article 19 TUE et l’article 254 TFUE, n’impose aux gouvernements de proposer le candidat qui est, selon eux, « le plus apte » à exercer les fonctions. Les traités de l’Union exigent des candidats, pour pouvoir être nommés en qualité de juge du Tribunal, uniquement de répondre aux deux exigences de compétence et d’indépendance qu’ils énoncent. Si le gouvernement en question considère que plusieurs candidats répondent à ces conditions, il jouit d’un pouvoir d’appréciation qui lui permet de proposer le candidat de son choix.

72.      À cet égard, j’ajouterai que rien n’interdit aux gouvernements de recourir lors de la sélection des candidats à des critères de sélection additionnels, pourvu que ces critères soient compatibles avec ceux de compétence et d’indépendance inscrits dans les traités. Par exemple, cela n’appelle selon moi aucune objection si un gouvernement souhaite tenir également compte de considérations de genre ou d’équilibre géographique (60). Dans le même ordre d’idées, je considère que les critères prévus par la législation lituanienne applicable (capacités juridiques, expérience professionnelle, aptitude à exercer des fonctions juridictionnelles, connaissances linguistiques, aptitude à travailler en équipe dans un environnement international dans lequel sont représentées plusieurs traditions juridiques, garanties d’indépendance, d’impartialité, de probité et d’intégrité (61)) sont parfaitement compatibles avec ceux prévus par les traités.

73.      Cela étant dit, je rappellerai que, ce qui n’est pas dénué d’importance, selon la jurisprudence tant de la Cour de justice (62) que de la Cour européenne des droits de l’homme (63), toute irrégularité qui peut avoir été commise au cours du processus de nomination d’un juge ne met pas nécessairement en doute l’indépendance de ce juge. Tout dépend de la nature de l’irrégularité et des circonstances dans lesquelles elle s’est produite (64). Des doutes sérieux surgissent en particulier lorsque cette irrégularité est d’une nature et d’une gravité telles qu’elle crée un risque réel que d’autres branches du pouvoir (en particulier l’exécutif) – ou, ajouterai-je, toute autre personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé – puissent exercer une influence indue sur ce juge. Des irrégularités mineures, au contraire, ne remettent normalement pas en cause l’indépendance des juges en question.

74.      Il me semble par conséquent qu’aucun des éléments évoqués dans la décision de renvoi ou dans les observations, tant écrites qu’orales, des parties n’est de nature à remettre en question, dans l’esprit des justiciables, l’indépendance du candidat sélectionné par le gouvernement lituanien (65). Je ne vois notamment rien qui puisse amener un observateur objectif à penser que cette personne pourrait, par exemple, se considérer comme étant dans une position de subordination ou de dépendance (66) à l’égard d’une autorité nationale ou serait à tout le moins encline à céder à une influence extérieure (67), directe ou indirecte (68), dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles au sein du Tribunal.

75.      Je suis par conséquent d’avis que la réglementation ou pratique nationale en question, telle qu’elle résulte de la législation nationale applicable (et, autant qu’il soit possible de voir, telle qu’elle a été effectivement appliquée au cours de la procédure nationale en cause), est conforme à l’article 19, paragraphe 2, TUE et à l’article 254 TFUE.

V.      Conclusion

76.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre aux questions dont elle a été saisie à titre préjudiciel par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie) en ce sens que l’article 19, paragraphe 2, TUE et l’article 254 TFUE ne font pas obstacle à une législation ou une pratique nationales suivant lesquelles le gouvernement d’un État membre, qui a mis en place un groupe d’experts indépendants ayant pour mission d’évaluer les candidats et d’établir une liste de mérite sur laquelle figurent les candidats qui répondent aux exigences de compétence professionnelle et d’indépendance inscrites dans les traités de l’Union, peut sélectionner parmi les candidats figurant sur cette liste un candidat autre que le candidat le mieux classé.


1      Langue originale : l’anglais.


2      JO 2010, L 50, p. 18.


3      Žin., 1994, no 43‑772.


4      En vertu de cette disposition, « [s]auf les cas où l’article 6 reçoit application, tout juge continue à siéger jusqu’à l’entrée en fonctions de son successeur ».


5      Les deux décisions de proposition seront appelées ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses ».


6      C’est ce que le requérant a déclaré au cours de l’audience, sans être contredit par le gouvernement lituanien.


7      Voir, de manière similaire, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 76 et jurisprudence citée).


8      Voir, en ce sens, arrêt du 9 janvier 2024, G. e.a. (Nomination des juges de droit commun en Pologne) (C‑181/21 et C‑269/21, EU:C:2024:1, point 57 et jurisprudence citée).


9      Voir, notamment, ordonnance du 16 juin 2021, Sharpston/Conseil et représentants des gouvernements des États membres (C‑685/20 P, EU:C:2021:485, points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée).


10      Voir, entre autres, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 97 et 98 ainsi que jurisprudence citée).


11      Il n’est à cet égard guère nécessaire de souligner que l’exigence d’indépendance des juridictions, découlant, entre autres, de l’article 19 TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), bénéficie d’un effet direct, ce qui signifie que le requérant peut en principe l’invoquer pour contester la légalité des décisions litigieuses. Voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, point 78 et jurisprudence citée).


12      Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 90 et jurisprudence citée).


13      Voir, entre autres, arrêt du 14 septembre 2023, Volkswagen Group Italia et Volkswagen Aktiengesellschaft (C‑27/22, EU:C:2023:663, point 40 et jurisprudence citée).


14      Voir, par exemple, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, points 96 et 98).


15      Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi (C‑561/19, EU:C:2021:799, point 30 et jurisprudence citée).


16      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans les affaires jointes Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a. (C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:403, points 90 et 91 ainsi que jurisprudence citée).


17      Voir, à titre d’exemple d’une jurisprudence abondante, arrêt du 2 février 2023, Towarzystwo Ubezpieczeń Ż (Contrats types d’assurance trompeurs) (C‑208/21, EU:C:2023:64, point 41 et jurisprudence citée).


18      En ce qui concerne l’importance de ce principe et la portée des exceptions autorisées, voir, entre autres, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 112 et jurisprudence citée), ainsi que conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Getin Noble Bank (C‑132/20, EU:C:2021:557, points 156 à 161).


19      Voir également article 6 du règlement de procédure de la Cour et article 7 du règlement de procédure du Tribunal.


20      Voir, à cet égard, points 6 et 7 des règles de fonctionnement du comité de l’article 255 (reproduits au point 4 des présentes conclusions).


21      Arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 57). Voir également, plus récemment, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, point 276 et jurisprudence citée).


22      Voir point 17 des présentes conclusions.


23      Voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, point 69 et jurisprudence citée).


24      Voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 32 et jurisprudence citée).


25      Arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 36 et jurisprudence citée).


26      Voir, entre autres, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 121 et 122 ainsi que jurisprudence citée).


27      Voir arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 40 et 42 ainsi que jurisprudence citée).


28      Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015, point 61 et jurisprudence citée).


29      Voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, point 57 et jurisprudence citée).


30      Voir, par exemple, arrêt du 7 septembre 2023, Asociația « Forumul Judecătorilor din România » (C‑216/21, EU:C:2023:628, point 63 et jurisprudence citée).


31      Voir, renvoyant à la jurisprudence, mes conclusions dans l’affaire Asociația « Forumul Judecătorilor din România » (C‑216/21, EU:C:2023:116, point 45).


32      Voir, par analogie, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Getin Noble Bank (C‑132/20, EU:C:2021:557, point 35).


33      Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 129).


34      Voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 136), et du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, points 152 et 154).


35      Au sujet de l’importance des apparences, voir, entre autres, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 127 à 129).


36      Il me semble assez évident que le comité de l’article 255 est un « organe de l’Union » aux fins du droit de l’Union, étant donné, entre autres, que son institution est prévue à l’article 255 TFUE, ses règles de fonctionnement sont fixées par une décision du Conseil (voir point 4 des présentes conclusions) et ses frais de fonctionnement sont à la charge du Conseil (et, dès lors, du budget de l’Union).


37      Voir septième rapport d’activité, adopté le 25 février 2022, p. 11.


38      Voir, par exemple, arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a. (C‑357/19, C‑379/19, C‑547/19, C‑811/19 et C‑840/19, EU:C:2021:1034, point 229 et jurisprudence citée).


39      Voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, point 73).


40      Voir, entre autres, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 147 et jurisprudence citée).


41      Voir arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, points 70 à 72).


42      Voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Land Hessen (C‑272/19, EU:C:2020:535, points 54 à 56).


43      Voir, à titre d’exemple, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 149 et jurisprudence citée).


44      Voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, point 71).


45      Voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle) (C‑430/21, EU:C:2022:99, point 43 et jurisprudence citée).


46      Voir, par analogie, arrêt du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153, point 126).


47      Voir, entre autres, arrêts du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, points 66 et 73) ; du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, points 89 et 125), ainsi que du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, points 141 et 205).


48      Voir, en ce sens, mes conclusions dans l’affaire Asociația « Forumul Judecătorilor din România » (C‑216/21, EU:C:2023:116, point 52).


49      Voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 144).


50      Voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, point 146).


51      Je fais bien entendu référence à l’article 19, paragraphe 2, TUE et aux articles 253 à 255 TFUE.


52      Voir, entre autres, articles 2 à 4 et 18 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, articles 4 et 5 du règlement de procédure de la Cour et article 16 du règlement de procédure du Tribunal.


53      Rapport du groupe de réflexion sur l’avenir du système juridictionnel des Communautés européennes, p. 51.


54      Secrétariat de la Convention européenne, Rapport final du Cercle de discussion sur le fonctionnement de la Cour de justice, CONV 636/03, 25 mars 2003, point 6.


55      Voir, à cet égard, différentes contributions figurant dans Bobek, M., Selecting Europe’s Judges: A Critical Review of the Appointment Procedures to the European Courts, Oxford University Press, Oxford, 2015.


56      Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015, point 77).


57      Voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 152), et conclusions de l’avocat général Bobek dans les affaires jointes Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a. (C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:403, point 152).


58      Voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 64).


59      Voir, à cet égard, arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 61).


60      Voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 66).


61      Ces critères reflètent ceux publiquement annoncés par le comité de l’article 255. Voir, par exemple, septième rapport d’activité, p. 17 à 19. Selon moi, ces critères peuvent être considérés comme des composantes des exigences de compétence professionnelle et d’indépendance inscrites dans les traités.


62      Voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 75), et du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 130).


63      Voir, notamment, arrêts de la Cour EDH du 1er décembre 2020, Guðmundur Andri Ástráðsson c. Islande (CE:ECHR:2020:1201JUD002637418, § 243 à 252), et du 22 juillet 2021, Reczkowicz c. Pologne (CE:ECHR:2021:0722JUD004344719, § 221 à 224).


64      Sur ce point, voir, entre autres, conclusions de l’avocate générale Sharpston dans les affaires Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2019:977, points 85 et 106 à 109).


65      Voir, de manière similaire, arrêt du 29 mars 2022, Getin Noble Bank (C‑132/20, EU:C:2022:235, point 129).


66      Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, EU:C:2021:798, point 147 et jurisprudence citée), ainsi que conclusions de l’avocat général Tanchev dans cette même affaire (EU:C:2021:289, point 84).


67      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Getin Noble Bank (C‑132/20, EU:C:2021:557, points 100, 115 et 129).


68      Voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, point 94 et jurisprudence citée).