Language of document : ECLI:EU:C:2022:187

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 10 mars 2022 (1)

Affaire C716/20

RTL Television GmbH

contre

Grupo Pestana S.G.P.S., S.A.,

SALVOR – Sociedade de Investimento Hoteleiro, S.A.

[demande de décision préjudicielle introduite par le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal)]

« Renvoi préjudiciel – Droit d’auteur et droits voisins – Radiodiffusion par satellite et retransmission par câble – Notion de “retransmission par câble” – Distribution au public simultanée et intégrale par câble d’une émission d’un programme télévisé destiné à être capté par le public – Fournisseur de distribution qui n’est pas un organisme de radiodiffusion – Distribution sur les téléviseurs de chambres d’hôtel »






1.        Une chaîne de télévision est-elle en droit d’empêcher la mise en ondes et de percevoir une redevance pour la retransmission de ses programmes gratuits, reçus par un établissement hôtelier au moyen d’une antenne parabolique et diffusés par câble coaxial dans ses chambres au bénéfice des clients ? Cette retransmission constitue-t-elle une « retransmission par câble » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83/CEE (2) et peut-elle conférer des droits spécifiques à la chaîne de télévision, dès lors qu’il existe une réglementation nationale qui semble élargir le catalogue des droits conférés par le droit de l’Union ?

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

2.        L’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83 s’énonce comme suit :

« 3.      Aux fins de la présente directive, on entend par “retransmission par câble” la retransmission simultanée, inchangée et intégrale par câble ou par un système de diffusion par ondes ultracourtes pour la réception par le public d’une transmission initiale provenant d’un autre État membre, sans fil ou avec fil, notamment par satellite, de programmes de télévision ou de radio destinés à être captés par le public [...] »

3.        L’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/83, intitulé « Droit de retransmission par câble », dispose que :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les retransmissions par câble d’émissions provenant d’autres États membres se déroulent sur leur territoire dans le respect des droits d’auteur et droits visions en vigueur et sur la base de contrats individuels ou collectifs conclus entre les titulaires des droits d’auteur et de droits voisins et les distributeurs par câble. »

4.        L’article 9 de la directive 93/83, intitulé « Exercice du droit de retransmission par câble », énonce au paragraphe 1 :

« 1.      Les États membres veillent à ce que le droit des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins d’accorder ou de refuser l’autorisation à un câblo-distributeur pour la retransmission par câble d’une émission ne puisse être exercé que par une société de gestion collective. »

5.        Aux termes de l’article 3 de la directive 2001/29/CE (3), intitulé « Droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés » :

« 1.      Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

2.      Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement :

[...]

d)      pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite.

3.      Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article. »

6.        L’article 8 de la directive 2006/115/CE (4), intitulé « Radiodiffusion et communication au public », énonce à son paragraphe 3 :

« 3.      Les États membres prévoient pour les organismes de radiodiffusion le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la rediffusion de leurs émissions par le moyen des ondes radioélectriques, ainsi que la communication au public de leurs émissions lorsque cette communication est faite dans des lieux accessibles au public moyennant paiement d’un droit d’entrée. »

B.      Le droit portugais

7.        Aux termes de l’article 176, paragraphes 9 et 10, du Código do Direito de Autor e dos Direitos Conexos (code portugais du droit d’auteur et des droits voisins, ci-après le « CDADC ») (5) :

« 9.      L’organisme de radiodiffusion est l’entité qui émet du son ou des images, l’émission s’entendant comme la transmission de sons ou d’images, ou leur représentation, séparément ou cumulativement, avec ou sans fil, notamment par ondes hertziennes, fibres optiques, câble ou satellite, destinée à la réception par le public.

10.      La retransmission est l’émission simultanée par un organisme de radiodiffusion d’une émission provenant d’un autre organisme de radiodiffusion. »

8.        Aux termes de l’article 187 du CDADC :

« 1.      Les émetteurs ont le droit d’autoriser ou d’interdire :

a)      la retransmission de leurs émissions par le moyen des ondes radioélectriques ;

b)      la fixation de leurs émissions sur un support physique, qu’il s’agisse d’émissions transmises avec ou sans fil ;

c)      la reproduction de la fixation de leurs émissions, lorsqu’elles n’ont pas été autorisées ou s’il s’agit d’une fixation éphémère et que la reproduction a des fins autres que celles pour lesquelles elle a été faite ;

d)      la mise à la disposition du public de leurs émissions, avec ou sans fil, y compris par câble ou par satellite, lui permettant d’y accéder à partir d’un endroit et à un moment choisis individuellement ;

e)      la communication au public de leurs émissions, lorsque cette communication est faite dans un lieu public et moyennant le paiement de droits d’entrée.

2.      Les droits prévus au présent article ne s’appliquent pas à un distributeur par câble qui se borne à retransmettre les émissions des organismes de radiodiffusion.

3.      Il est présumé que la personne dont le nom ou la dénomination a été indiqué comme tel dans l’émission en question est, selon une pratique constante, titulaire de droits voisins dans une émission. »

9.        Aux termes de l’article 3, intitulé « Définitions », et de l’article 8, intitulé « Extension aux titulaires de droits voisins », du décret-loi no 333/97 (6) :

« Article 3

Aux fins du présent décret-loi, on entend par :

a)      “satellite” : tout dispositif artificiel placé dans l’espace permettant la transmission de signaux de radiodiffusion destinés à la réception par le public ;

b)      “communication au public par satellite” : l’acte d’introduction, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, de signaux porteurs de programmes destinés à être captés par le public dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre ;

c)      “retransmission par câble” : la distribution au public, traitée simultanément et intégralement par câble, d’une émission primaire de programmes de télévision ou de radio destinés à la réception par le public.

[...]

Article 8

Les dispositions des articles 178, 184 et 187 du CDADC, ainsi que des articles 6 et 7 du présent décret-loi s’appliquent aux artistes, aux producteurs d’enregistrements sonores et vidéo et aux organismes de diffusion en ce qui concerne la communication au public par satellite de leurs exécutions, enregistrements sonores, enregistrements vidéo et émissions, ainsi que pour la retransmission par câble. »

II.    Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.      RTL TELEVISION GmbH est une société établie en Allemagne qui a pour activité la diffusion de programmes radio et télévisés à travers diverses chaînes destinées à être captées par le grand public.

11.      Ladite société diffuse des programmes télévisés par ses chaînes de télévision au moyen d’un « signal ouvert », c’est-à-dire sans que la réception desdits programmes dans les logements privés soit subordonnée au paiement d’une redevance.

12.      RTL Television (ci-après « RTL »), l’une des chaînes de télévision appartenant à la société susmentionnée, opère sur le territoire de plusieurs États membres en offrant plusieurs programmes télévisés (films, séries, spectacles, documentaires, événements sportifs, informations et rubriques d’actualités) à leurs spectateurs.

13.      Ces programmes, bien que destinés au public résidant en Allemagne, en Autriche et en Suisse, peuvent être captés au moyen de signaux satellites sur l’ensemble du territoire européen, et donc également au Portugal, par la simple utilisation d’une antenne parabolique.

14.      RTL a conclu plusieurs contrats de licence avec des opérateurs de télévision et avec des établissements hôteliers situés dans différents États membres de l’Union.

15.      Le Grupo Pestana S.G.P.S. (ci-après le « Grupo Pestana ») est la société mère de l’un des plus grands groupes portugais opérant dans le secteur hôtelier, dont fait également partie sa filiale Salvor, Sociedade de Investimento Hoteleiro, S.A. (ci-après « Salvor »). Cette dernière, dont le capital est détenu à 98,8 % par le Grupo Pestana, exploite plusieurs hôtels au Portugal et, notamment, les hôtels D. João II et Alvor Praia.

16.      Comme le souligne RTL, les hôtels D. João II et Alvor Praia ont, au moins entre mai 2013 et février 2014, reçu les émissions du satellite de RTL au moyen d’antennes paraboliques qui y étaient installées, et ils les ont diffusées, à travers un réseau de câbles coaxiaux, vers les téléviseurs installés dans les chambres.

17.      C’est pourquoi RTL a introduit un recours devant le Tribunal da Propriedade Intelectual (tribunal de la propriété intellectuelle, Portugal) contre le Grupo Pestana et Salvor, tendant à voir déclarer que la réception et la retransmission des émissions de la chaîne RTL dans les chambres des hôtels D. João II et Alvor Praia constituaient un acte de communication au public des émissions de RTL au sens de l’article 187, paragraphe 1, sous e), du CDADC et un acte de retransmission de ces émissions au sens des articles 3 et 8 du décret-loi no 333/97 et seraient donc, en tant que telles, soumises à une autorisation préalable de RTL.

18.      RTL souligne notamment que, conformément à l’article 187, paragraphe 1, sous e), du CDADC, en cas d’acte de communication au public d’œuvres protégées, les organismes de radiodiffusion jouissent d’une série de droits, tels que celui d’autoriser ou d’interdire la communication au public de leurs émissions.

19.      Ces droits auraient été, selon RTL, ultérieurement étendus par l’article 8 du décret-loi no 333/97, en vertu duquel les organismes de radiodiffusion ont le droit d’autoriser ou d’interdire la retransmission par câble de leurs émissions, comprise dans les termes de l’article 3, sous c), de ce décret-loi à savoir également dans le cas de « distribution au public, traitée simultanément et intégralement par câble, d’une émission primaire de programmes de télévision ou de radio destinés à la réception par le public ».

20.      Le Tribunal da Propriedade Intelectual (tribunal de la propriété intellectuelle) a cependant rejeté le recours de RTL en observant que la transmission des émissions de télévision de la chaîne RTL dans les chambres des hôtels appartenant au Grupo Pestana et à la société Salvor pouvait être considérée comme étant un acte de communication au public, mais que les conditions d’exercice du droit exclusif prévu à l’article 187, paragraphe 1, sous e), du CDADC n’étaient pas remplies.

21.      Le Tribunal da Propriedade Intelectual (tribunal de la propriété intellectuelle) jugeait également que le cas d’espèce ne pouvait pas être considéré comme étant un acte de retransmission, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’un acte effectué par un organisme de radiodiffusion.

22.      RTL a interjeté appel du jugement du Tribunal da Propriedade Intelectual (tribunal de la propriété intellectuelle) devant le Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne, Portugal).

23.      Le Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne) a confirmé les constatations effectuées en première instance et, partant, a rejeté les prétentions de RTL.

24.      RTL a formé un recours en révision exceptionnel contre l’arrêt du Tribunal da Relação de Lisboa (cour d’appel de Lisbonne) devant le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal) qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La notion de “retransmission par câble” figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive [93/83] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle couvre non seulement la diffusion simultanée d’émissions par un organisme de radiodiffusion autre que celui dont elles émanent, mais aussi la distribution au public, traitée simultanément et entièrement par câble, d’une émission primaire de programmes de télévision ou de radio destinés à la réception par le public (que la personne qui effectue cette distribution au public soit ou non un organisme de radiodiffusion) ?

2)      La distribution, simultanément, des émissions d’une chaîne de télévision, diffusées par satellite, au moyen des différents téléviseurs installés dans les chambres d’hôtel, par câble coaxial, constitue-t-elle une retransmission de ces émissions, assimilable à la notion énoncée à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive [93/83] ? »

III. Analyse juridique

A.      Observations liminaires

25.      Les deux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi peuvent être résumées, en substance, en une seule : une chaîne de télévision est‑elle en droit d’empêcher la mise en ondes et de percevoir une redevance pour la retransmission de ses émissions, reçues par un établissement hôtelier au moyen d’une simple antenne parabolique et diffusées par câble coaxial dans ses chambres au bénéfice des clients ?

26.      La prétention de la partie requérante au principal repose sur l’idée que la réglementation portugaise étendrait les droits dont jouit la chaîne de télévision à l’égard des tiers qui effectuent des actes de communication au public sur le fondement du droit de l’Union, lorsque cette retransmission s’effectue « par câble ».

27.      En d’autres termes, le droit portugais, en transposant la directive 93/83, aurait introduit en faveur des chaînes de télévision le droit de pouvoir interdire la retransmission de leurs programmes et, en tout état de cause, de pouvoir prétendre au paiement d’une redevance dans les situations où quelqu’un les retransmet « par câble » en clair.

28.      Selon la ligne d’interprétation de RTL, suivie, non sans quelques doutes, par la juridiction nationale, le législateur portugais aurait introduit une notion de « distributeur par câble » autre que celle qui découle du droit de l’Union : ceux qui exercent cette activité professionnellement au moyen de réseaux câblés classiques seraient, en suivant cette interprétation, assimilés aux personnes, telles que les entreprises hôtelières, qui captent le signal en clair par le satellite et le reproduisent, au moyen d’un câble coaxial, dans les chambres de leurs clients.

29.      La question tourne donc autour de la notion de « retransmission par câble » et, surtout, du point de savoir qui peut être considéré comme étant un « distributeur par câble », c’est-à-dire s’il est nécessaire que cette personne soit elle-même un organisme de radiodiffusion, s’il suffit qu’elle utilise une quelconque technologie « par câble » ou si, en revanche – et cela me semble être la solution la plus correcte –, il doit s’agir d’un « distributeur professionnel par câble » opérant par l’intermédiaire de réseaux traditionnels par câble.

30.      Il me semble, dans la ligne de ce que la Commission européenne a fait valoir de manière convaincante dans ses observations écrites et à l’audience, que des situations telles que celle en cause en l’espèce relèvent, en revanche, de la catégorie de la communication au public, dans les conditions prévues par le droit de l’Union pour que la retransmission d’un programme télévisé en clair puisse donner lieu à des droits spécifiques en faveur des chaînes de télévision.

31.      À titre liminaire, il me semble utile de préciser d’emblée, conformément à la jurisprudence de la Cour, qu’il existe deux catégories de personnes pouvant faire valoir des droits de propriété intellectuelle relatifs à des émissions télévisuelles : d’une part, les auteurs des œuvres concernées et, d’autre part, les organismes de radiodiffusion, ou chaînes de télévision (7).

32.      S’agissant des chaînes de télévision, elles peuvent invoquer le droit de fixation de leurs émissions prévu à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2006/115, ou le droit de communication au public de leurs émissions énoncé à l’article 8, paragraphe 3, de cette même directive, ou bien le droit de reproduction des fixations de leurs émissions, entériné par l’article 2, sous e), de la directive 2001/29 (8).

33.      Dans un souci de clarté de mon exposé, j’examinerai ensemble les questions juridiques sur lesquelles reposent les propositions de réponse aux deux questions préjudicielles, eu égard à leur lien étroit, et je proposerai une seule réponse nuancée.

34.      Mon analyse partira d’une description synthétique des finalités et de la nature de la directive 93/83, ainsi que du contexte historique et technologique dans lequel elle a été adoptée, de l’examen des notions de « câble », de « retransmission par câble » et de « distributeur par câble », au moyen d’une approche synthétique des différentes directives invoquées et de la jurisprudence pertinente de la Cour.

35.      Je parviendrai ainsi au cœur de la question, à savoir le rapport entre la notion de « retransmission par câble » et celle de « communication au public » pour qualifier la situation en cause dans la présente affaire.

1.      Finalité et contexte de la directive 93/83

36.      Les dispositions de la directive 93/83, qui a été adoptée en réponse à l’avènement de nouvelles technologies pour les « opérateurs par câble », doivent être replacées dans leur contexte historique et technologique spécifique et lues à la lumière de la jurisprudence de la Cour pour parvenir à une interprétation systématique et cohérente de celles-ci, par rapport aux règles européennes en matière de propriété intellectuelle.

37.      La directive 93/83 relative à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble a « une portée certaine et assez limitée, à savoir promouvoir les services paneuropéens de radiodiffusion en facilitant la radiodiffusion par satellite et la retransmission par câble de programmes télévisuels et radiophoniques » (9).

38.      En d’autres termes, cette directive a été adoptée afin de faciliter, d’une part, la radiodiffusion par satellite et, d’autre part, la retransmission par câble, en encourageant, à son article 9, l’octroi de licences pour la retransmission par câble d’un programme par des sociétés de gestion collective (10).

39.      Ladite directive n’a donc pas pour objectif d’octroyer des droits, mais de permettre la pleine utilisation des nouvelles technologies de communication introduites dans cette période historique déterminée (satellite et câble) et, en particulier, de surmonter certaines lacunes du système contractuel au sein du marché pour l’octroi de licences transfrontalières en cas de retransmission par câble (11).

40.      Plus précisément, il ressort de l’article 8 de la directive 93/83 que celle-ci n’impose pas aux États membres d’établir un droit spécifique de retransmission par câble ou de définir la portée de ce droit. Elle prévoit simplement l’obligation pour les États membres de veiller à ce que les retransmissions par câble d’émissions provenant d’autres États membres se déroulent sur leur territoire dans le respect des droits d’auteur et droits voisins en vigueur.

41.      Par ailleurs, cette directive prévoit un degré d’harmonisation minimale en ce sens qu’elle n’exclut pas la possibilité d’envisager des formes de négociation contractuelle des droits liés aux opérations de transmission par satellite et par câble (12).

42.      La Cour précise, en effet, que la directive 93/83 « prévoit une harmonisation minimale de certains aspects de la protection des droits d’auteur et des droits voisins uniquement en cas de communication au public par satellite ou de retransmission par câble d’émissions provenant d’autres États membres » (13).

43.      Les aspects réglementés et harmonisés ont trait, je l’ai dit, à la promotion de l’octroi de licences pour la retransmission par câble d’un programme par des sociétés de gestion collective.

44.      Cependant, comme nous le verrons, cela ne signifie pas que, dans la mise en œuvre de la directive 93/83, les notions du droit de l’Union puissent être utilisées dans un sens autre que celui établi et qu’il puisse en résulter l’attribution de droits en contradiction avec l’interprétation systématique de cette directive.

B.      Sur les questions préjudicielles

1.      Notion de « distributeur par câble »

45.      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, on entend par « retransmission par câble » la retransmission par câble d’une transmission initiale provenant d’un État membre vers un autre. En outre, cette retransmission doit être simultanée, inchangée et intégrale par rapport à la transmission initiale qui peut, elle aussi, avoir lieu sans fil ou avec fil, notamment par satellite. Enfin, il convient de préciser que l’objet de la transmission initiale, et donc de la retransmission, doit consister en des programmes de télévision ou de radio destinés à être captés par le public.

46.      Conformément aux articles 8 et 9 de la directive 93/83, les conditions d’exercice du droit de retransmission par câble doivent être remplies par un « distributeur par câble ».

47.      Cependant, la directive 93/83 ne définit ni la notion de « câble » ni celle de « distributeur par câble », les considérant comme étant acquises et, partant, ne permet pas d’identifier les organismes susceptibles d’effectuer la « retransmission par câble ».

48.      Si la Cour n’a jamais directement abordé cette question dans un arrêt, les propos de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans ses conclusions dans l’affaire ITV Broadcasting e.a. (C‑275/15, EU:C:2016:649) semblent toutefois convaincants et conformes à l’interprétation que nous proposons.

49.      Les observations de l’avocat général Saugmandsgaard Øe concernaient un litige différent de celui en cause en l’espèce, portant non pas sur les droits des organismes de radiodiffusion, mais sur les droits d’auteur. Par ailleurs, les dispositions du droit de l’Union évoquées dans cette procédure n’étaient pas précisément celles de la directive 93/83 (14).

50.      Le raisonnement suivi peut néanmoins être également utile, à mon sens, en l’espèce, dans la mesure où il offre une interprétation convaincante des notions de « câble » et de « distributeur par câble », valable pour l’ensemble des règles relatives aux droits d’auteur et aux droits voisins.

51.      La notion de « câble » n’apparaît pas seulement dans la directive 2001/29, mais elle est également utilisée dans certaines des directives sur lesquelles se fonde la directive 2001/29, à savoir la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 1992, L 346, p. 61), la directive 93/83 et la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (JO 1993, L 290, p. 9).

52.      Compte tenu des exigences de l’unité de l’ordre juridique de l’Union et de sa cohérence, selon l’avocat général Saugmandsgaard Øe, « les notions utilisées par l’ensemble de ces directives doivent avoir la même signification, à moins que le législateur de l’Union n’ait exprimé, dans un contexte législatif précis, une volonté différente » (15).

53.      Aucune de ces directives ne prévoyant de définition de la notion de « câble », il convient donc d’interpréter cette notion à la lumière du contexte (technologique) dans lequel elle s’insère et des objectifs poursuivis par lesdites directives.

54.      L’avocat général Saugmandsgaard Øe poursuit en indiquant que « [s]’agissant du contexte dans lequel s’insère la notion de “câble”, il convient de relever que la notion de “câble” est utilisée, dans toutes les directives concernées, au regard d’autres technologies, notamment celle de la diffusion par “satellite”. La formulation “par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite”, employée à l’article 2, sous e), et à l’article 3, paragraphe 2, sous d), de la directive 2001/29, laisse entendre, d’ailleurs, que les notions de “câble” et de “satellite” constituent, respectivement, les sous-catégories des notions plus larges de “fil” et de “sans fil” » (16).

55.      La directive 93/83 également distingue nettement la « radiodiffusion par satellite » et la « retransmission par câble » et, partant, l’argument de l’avocat général Saugmandsgaard Øe, se référant aux objectifs poursuivis par la directive 2001/29, selon lequel il faut supposer que le législateur de l’Union était parfaitement conscient du choix de la terminologie utilisée dans cette directive, me semble convaincant. En d’autres termes, si le législateur de l’Union avait voulu donner à la notion de « câble », au sens de la directive 2001/29, une signification neutre du point de vue technologique, il convient de considérer qu’il aurait opté pour une notion plus générale ou, à tout le moins, qu’il aurait précisé que la notion de « câble » incluait d’autres technologies (17).

56.      L’avocat général Saugmandsgaard Øe conclut à cet égard que : « [l]’ensemble des considérations qui précèdent milite en faveur de la conclusion selon laquelle la notion de “câble”, employée à l’article 9 de la directive 2001/29, est limitée aux réseaux câblés classiques exploités par des fournisseurs traditionnels de services par câble » (18).

57.      J’estime que cette argumentation est également transposable à la présente affaire : bien que les objectifs de la directive 2001/29 (19) soient différents de ceux de la directive 93/83, je rappelle que celle-ci a pour but de permettre la pleine utilisation des nouvelles technologies de communication introduites à l’époque (satellite et câble) et, en particulier, de surmonter certaines lacunes dans le système contractuel au sein du marché pour l’octroi de licences transfrontalières en cas de retransmission par câble.

58.      Il ne s’agit donc pas, à la lumière du contexte technologique et historique ainsi que des finalités des directives susmentionnées, de fixer le sens d’une notion du droit de l’Union en la rendant insensible à l’évolution technologique, mais seulement d’interpréter le système dans lequel les notions de « câble » et de « retransmission par câble » sont utilisées dans les différentes directives pertinentes, dans le seul but de conclure que le « distributeur par câble » ne peut être qu’une personne qui utilise à des fins professionnelles le réseau traditionnel par câble, qui est la solution de rechange par rapport à celle par satellite dans la summa divisio de la directive 93/83.

59.      Ainsi, s’agissant de la première question préjudicielle, je considère qu’elle pourrait être le fruit d’une confusion terminologique concernant la notion de « retransmission », entre les contenus des différentes sources citées par la juridiction de renvoi.

60.      En effet, il ne me semble pas douteux que la « retransmission par câble » puisse également être effectuée par des personnes qui ne sont pas des organismes de radiodiffusion : il suffit qu’il s’agisse de « distributeurs (professionnels) par câble ».

61.      Cela ne déplace pas pour autant les termes de la question permettant de résoudre l’affaire qui nous occupe et cela met inévitablement l’accent sur la seconde question préjudicielle : ainsi qu’il a été exposé dans les présentes conclusions, la notion de « distributeur par câble » doit avoir son sens traditionnel, compte tenu de la technologie prévalant au moment de l’adoption de la directive 93/83 et, en particulier, des réseaux par câble traditionnels et de leurs distributeurs professionnels.

2.      Notion d’« acte de communication au public » pour les retransmissions dans les établissements hôteliers

62.      Il convient, à mon avis, d’examiner la notion d’« acte de communication au public » qui, comme nous le verrons, se prête mieux à encadrer la présente affaire que celle de « retransmission par câble » figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83.

63.      C’est, en effet, sur le fondement de cette notion que le droit de l’Union confère des droits aux auteurs et, sous certaines conditions, aux émetteurs, en cas de retransmissions par d’autres personnes.

64.      En ce qui concerne la jurisprudence relative à la communication au public par des entreprises hôtelières, la Cour juge dans l’arrêt Egeda (20) que le fait qu’un établissement hôtelier reçoit des signaux de télévision par satellite ou par voie terrestre et les distribue par câble dans ses différentes chambres constitue un acte de communication au public.

65.      Même après l’entrée en vigueur de la directive 2001/29, plusieurs arrêts établissent que l’unité hôtelière qui dispose d’appareils de télévision ou de radio dans ses chambres d’hôtel vers lesquelles elle transmet des signaux de radiodiffusion de programmes procède à la communication d’une radiodiffusion (21).

66.      À l’instar des observations de la Commission, je considère que l’activité d’une unité hôtelière qui transmet le signal reçu dans ses chambres au bénéfice des clients peut être considérée comme étant une communication d’œuvres au public, au regard de l’article 3 de la directive 2001/29 concernant leurs auteurs.

67.      Toutefois, en ce qui concerne les émetteurs, cette activité doit être considérée au sens de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115 (22).

68.      Par conséquent, bien que l’activité de l’unité hôtelière puisse être considérée comme étant une communication au public, les conditions fixées par le droit de l’Union et par la jurisprudence de la Cour (23) pour l’exercice de droits par les émetteurs ont essentiellement pour origine l’avantage économique spécifique dont bénéficie celui qui retransmet le programme de télévision émis en clair par l’organisme de radiodiffusion (par exemple, le billet d’entrée).

3.      Contexte du litige en cause et réponse aux questions préjudicielles

69.      Après avoir précisé les termes des notions de « retransmission par câble » et de « distributeur par câble » en droit de l’Union et récapitulé la notion de « communication au public », je consacrerai quelques observations à la thèse avancée par le requérant à titre principal, en ce qui concerne en particulier les conditions fixées pour que la communication au public par un hôtel puisse faire naître des droits en faveur de la chaîne de télévision.

70.      Cela, afin de conclure que la situation en cause dans l’affaire au principal relève d’une communication au public et non d’une retransmission par câble.

71.      L’interprétation proposée par le requérant à titre principal – selon laquelle la retransmission de programmes télévisés en clair par les unités hôtelières en faveur de leurs clients dans les chambres représente à la fois une communication au public et une retransmission par câble, de sorte que les chaînes de télévision pourraient ainsi jouir de droits spécifiques en raison du fait que lesdites unités hôtelières sont des « distributeurs par câble » – résulte d’un malentendu.

72.      Le malentendu découle probablement de deux interprétations erronées des dispositions pertinentes du droit de l’Union et, probablement – mais cela fera l’objet d’une appréciation spécifique par la juridiction nationale –, de l’interprétation erronée du droit interne à la lumière de celui de l’Union.

73.      Premièrement, la notion de « retransmission par câble » figurant dans la directive 93/83, ainsi que l’a bien expliqué la Commission dans ses observations et comme exposé dans les présentes conclusions dans le cadre d’une interprétation systématique, est historique et non dynamique et se réfère donc à la retransmission effectuée par une personne qui est professionnellement un opérateur par câble, au moyen de réseaux par câble traditionnels.

74.      Deuxièmement, les conditions de rémunération d’un acte de communication au public, comme mentionné au point précédent, ne résident pas dans la circonstance « subjective » de la nature économique ou entrepreneuriale de la personne qui retransmet une émission en clair (en l’espèce, un groupe hôtelier), mais dans l’avantage économique particulier qu’elle tire de cette retransmission (circonstance « objective »).

75.      Troisièmement, à mon avis, sous réserve de la compétence de la juridiction nationale pour en tirer les conséquences sur le cas d’espèce, l’interprétation donnée par RTL selon laquelle le droit portugais aurait étendu la notion de « retransmission par câble » visée par la directive 93/83 et que, dès lors, eu égard à la nature d’harmonisation minimale de cette directive, les organismes de radiodiffusion jouiraient de droits spécifiques qui ne sont pas reconnus par ladite directive à l’égard de personnes telles que les unités hôtelières, assimilées par voie d’interprétation à des « distributeurs par câble », n’est pas la seule possible et n’est pas conforme au droit de l’Union.

76.      Selon RTL, il serait nécessaire d’interpréter largement l’arrêt Verwertungsgesellschaft Rundfunk (24) en tant qu’il encouragerait les États membres à introduire des droits supplémentaires pour rémunérer des situations telles que celle qui nous occupe. Au Portugal, cela aurait été fait par les règles citées par la juridiction nationale dans la décision de renvoi.

77.      Je ne partage pas les conclusions de RTL.

78.      En effet, j’estime que l’attribution de droits supplémentaires en faveur des chaînes de télévision par rapport à ceux prévus en droit de l’Union aurait dû être plus explicite et, surtout, étayée par des raisons à trouver dans l’interprétation systématique de l’ensemble des règles du droit de l’Union.

79.      À mon avis, l’utilisation de ce mécanisme lourd consistant à placer l’affaire dans le contexte de la retransmission par câble prévue par la directive 93/83, afin d’assimiler des entités telles que les hôtels aux opérateurs par câble traditionnels, ne peut pas conduire aux résultats souhaités.

80.      Je considère que, si le droit de l’Union n’empêche pas, en principe, les législateurs nationaux d’introduire, avec des mécanismes bien définis de gestion individuelle et collective ne provoquant pas de distorsion sur les marchés, des droits supplémentaires par rapport à ceux prévus, en revanche, ce que ne saurait assurément faire le droit national, c’est donner un sens différent à des notions définies par le droit de l’Union.

81.      Il pourrait être permis – et, à mon avis, il est déjà permis en fait – de conclure, sur le fondement de la liberté contractuelle, des accords entre des chaînes de télévision et d’autres personnes – et cela a déjà été le cas, ainsi qu’il ressort du dossier –, mais cela ne signifie pas que l’on puisse déduire du droit de l’Union l’existence de droits subjectifs en ce sens, ni que des dispositions nationales puissent le faire par la seule référence à des notions de droit de l’Union auxquelles un contenu différent serait attribué.

82.      En l’occurrence, il est évident qu’un hôtel ne tire aucun avantage économique spécifique de la retransmission dans les chambres, à l’usage de ses clients, d’émissions de télévision en clair, la fixation du prix de la chambre étant, selon l’expérience commune, totalement indépendante de cette circonstance.

83.      En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Verwertungsgesellschaft Rundfunk (25), la communication d’émissions télévisées et radiophoniques au moyen des appareils de réception équipant les chambres d’un hôtel ne constitue pas une communication effectuée dans un lieu accessible au public moyennant paiement d’un droit d’entrée, le prix d’une chambre d’hôtel constituant la contrepartie d’un service d’hébergement, auquel s’ajoutent, selon la catégorie de l’hôtel, certains services supplémentaires, tels que la mise en ondes d’émissions télévisées et radiophoniques au moyen des appareils de réception dans les chambres, qui sont normalement compris dans le prix de la nuitée (26).

84.      Enfin, la thèse avancée par RTL dans ses observations et réitérée avec insistance à l’audience, selon laquelle l’interprétation proposée, qui est également soutenue par la Commission, risquerait de causer un préjudice grave au système du droit d’auteur en Europe, est dénuée de fondement.

85.      Tout d’abord, les prétentions de RTL en tant qu’organisme de radiodiffusion n’ont aucune incidence sur les droits des auteurs qui, comme nous l’avons vu dans les présentes conclusions et comme on le sait, sont régis par le droit de l’Union indépendamment des droits en faveur des organismes de radiodiffusion (lorsqu’ils ne sont pas aussi techniquement les auteurs des programmes, mais émettent, comme c’est le cas en l’espèce, des programmes télévisés gratuits).

86.      Ensuite, même si l’on devait considérer les droits des organismes de radiodiffusion, il est notoire que les droits découlant de la retransmission de programmes télévisés varient considérablement dans le système du droit de l’Union en fonction du modèle commercial choisi : le système de télévision à péage prévoit un type de rémunération spécifique par les utilisateurs privés et commerciaux (même si c’est normalement de manière différenciée), tandis que la retransmission gratuite assure à l’organisme de radiodiffusion une rémunération au moyen de la publicité.

87.      En effet, le cas de la transmission de chaînes « payantes » pour lesquelles un complément spécifique au prix de la chambre est normalement demandé au client est tout à fait différent et donne donc lieu à la reconnaissance de droits économiques (une redevance) en faveur de l’organisme de radiodiffusion (27).

88.      Il est trompeur de superposer ces deux modèles commerciaux.

89.      C’est, en revanche, précisément en suivant l’interprétation proposée par RTL qu’il y aurait un risque d’incertitude dans l’interprétation, dès lors qu’on sortirait du cadre actuel décrit : la retransmission par câble est uniquement celle opérée par des opérateurs par câble professionnels, et la communication au public, quel que soit le système de retransmission, permet la rémunération des organismes de radiodiffusion en fonction du modèle commercial adopté dans les conditions clairement fixées par le droit de l’Union et par la jurisprudence de la Cour.

90.      En revanche, on entrerait dans un cadre dans lequel, en substance, la personne qui retransmet des programmes de télévision gratuits par câble coaxial au sein d’une structure, du seul fait qu’elle est une entité exerçant une activité d’entreprise, est assimilable à un opérateur par câble professionnel. Il est très difficile d’interpréter la distinction entre les personnes qui exercent effectivement des activités commerciales et celles qui assurent également des services publics ou les particuliers qui exercent des activités commerciales.

91.      S’agissant, enfin, de l’existence d’accords spécifiques en raison desquels certains organismes de radiodiffusion auraient obtenu, par contrat, une rémunération pour la retransmission de programmes en clair par des groupes hôteliers, elle ne déplace pas les termes de la question et ne remet pas en cause le bien-fondé de l’interprétation proposée.

92.      Il s’agit, en effet, d’accords obtenus par voie de négociation, toujours possibles et non interdits par le droit de l’Union, mais il ne saurait en être déduit que le droit de l’Union reconnaîtrait certains droits aux organismes de radiodiffusion ni que les droits nationaux pourraient les reconnaître en donnant une signification différente à des notions définies en droit de l’Union.

4.      Conséquences pour la juridiction de renvoi

93.      Je consacrerai encore quelques considérations finales à la question du droit interne en cause en l’espèce, en précisant quelques notions déjà évoquées dans les présentes conclusions.

94.      Après avoir précisé les termes dans lesquels, à mon sens, le droit de l’Union doit être interprété, il me reste à formuler quelques considérations pour offrir des éléments à la juridiction de renvoi afin d’apprécier si le droit de l’État membre où a lieu le litige au principal est ou non conforme au droit de l’Union.

95.      En effet, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’appliquer les principes du droit de l’Union au droit national et d’apprécier ainsi la possibilité d’en donner une interprétation conforme.

96.      S’il relève, certes, en principe du pouvoir discrétionnaire des États membres d’introduire des dispositions nationales plus favorables pour protéger non seulement les auteurs, mais également les organismes de radiodiffusion, dans les limites fixées par le droit de l’Union, j’ajouterai cependant quelques observations, dans la ligne de ce qui précède.

97.      La directive 93/83 ne confère pas de droits spécifiques aux organismes de radiodiffusion, mais poursuit d’autres objectifs, à savoir faciliter la radiodiffusion par satellite et la retransmission par câble, en favorisant l’octroi de licences pour la retransmission par câble d’un programme par des sociétés de gestion collective.

98.      Les notions de « câble », de « retransmission par câble » et de « distributeur par câble », même si elles ne sont pas expressément définies dans la directive 93/83, peuvent être déduites des finalités de celle-ci, du contexte historique et technologique dans lequel elle a été adoptée, de l’économie générale des directives pertinentes et, partant, doivent être considérées comme étant des notions du droit de l’Union.

99.      Pour ces motifs, les dispositions nationales d’un État membre ne sauraient, à mon avis, donner une signification différente à ces notions, même aux fins d’étendre le catalogue des droits des organismes de radiodiffusion.

100. J’estime donc, sous réserve de la compétence de la juridiction nationale pour appliquer les principes exposés dans les présentes conclusions au droit national, qu’une interprétation du droit portugais conforme au droit de l’Union est possible et même souhaitable, en ce sens que, sans préjudice de la possibilité d’accorder des droits supplémentaires aux organismes de radiodiffusion dans les limites fixées par le droit de l’Union, il ne donne pas, même par voie d’interprétation, un contenu différent à des notions déjà définies par le droit de l’Union.

IV.    Conclusion

101. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal) :

La notion de « retransmission par câble », visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, vise la retransmission d’une émission primaire par des distributeurs par câble, qui effectuent cette retransmission en tant qu’opérateurs professionnels dans le cadre d’un réseau par câble conventionnel.

La distribution simultanée des émissions d’une chaîne de télévision, diffusées par satellite, au moyen des différents téléviseurs installés dans les chambres d’hôtel, par câble coaxial, ne constitue pas une « retransmission par câble » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, dès lors que l’unité hôtelière ne saurait être considérée comme étant un distributeur par câble au sens de cette directive.


1      Langue originale : l’italien.


2      Directive du Conseil du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (JO 1993, L 248, p. 15).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10).


4      Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 2006, L 376, p. 28).


5      Décret-loi no 63/85 approuvant le code du droit d’auteur et des droits voisins (Diário da República série I, no 61, du 14 mars 1985, accessible à l’adresse suivante : https://dre.pt/web/guest/legislacao-consolidada/-/lc/34475475/view).


6      Décret-loi du 27 novembre 1997 transposant dans l’ordre juridique interne la directive [93/83] (Diário da República série I-A, no 275, du 27 novembre 1997, accessible à l’adresse suivante : https://dre.pt/web/guest/pesquisa/-/search/406485/details/normal?q=Decreto-Lei+n.%C2%BA%20333%2F97) (ci-après le « décret-loi no 333/97 »).


7      Voir arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 148).


8      Voir arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 150).


9      Rosén, J., « The satellite and cable directive », dans Stamatoudi, A. I., et Torremans, P. (éd.), EU Copyright Law : A Commentary, Edward Elgar Publishing, 2014, p. 206.


10      Stamatoudi, A. I., et Torremans, P., EU Copyright Law : A Commentary, Edward Elgar Publishing, 2014, p. 408.


11      Kur, A., Dreier, T., et Luginbuehl, S., European Intellectual Property Law, Text, Cases and Materials, Elgar, 2019, p. 304 et 305.


12      Voir, en ce sens, considérants 33, 34 et 35.


13      Voir arrêt du 1er mars 2017, ITV Broadcasting e.a. (C‑275/15, EU:C:2017:144, point 21).


14      La juridiction de renvoi demandait, en substance, si la notion de « câble », employée à l’article 9 de la directive 2001/29, était liée à une technologie particulière, limitée aux réseaux câblés classiques exploités par des fournisseurs traditionnels de services par câble, ou si elle avait plutôt une signification neutre sur le plan technologique, susceptible d’englober des services fonctionnellement analogues diffusés grâce à Internet.


15      Voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire ITV Broadcasting e.a. (C‑275/15, EU:C:2016:649, point 70).


16      Voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire ITV Broadcasting e.a. (C‑275/15, EU:C:2016:649, point 72).


17      Voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire ITV Broadcasting e.a. (C‑275/15, EU:C:2016:649, point 73).


18      Voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire ITV Broadcasting e.a. (C‑275/15, EU:C:2016:649, point 74).


19      Répondre, au niveau de l’Union, aux défis de la protection du droit d’auteur et des droits voisins que représentent les nouveaux services de la société de l’information, rendus possibles par Internet.


20      Voir arrêt du 3 février 2000 (C‑293/98, EU:C:2000:66, point 29).


21      Voir observations de la Commission, point 70 et jurisprudence citée.


22      L’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115 dispose que : « [l]es États membres prévoient pour les organismes de radiodiffusion le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la rediffusion de leurs émissions par le moyen des ondes radioélectriques, ainsi que la communication au public de leurs émissions lorsque cette communication est faite dans des lieux accessibles au public moyennant paiement d’un droit d’entrée ».


23      Voir arrêt du 16 février 2017, Verwertungsgesellschaft Rundfunk (C‑641/15, EU:C:2017:131).


24      Arrêt du 16 février 2017 (C‑641/15, EU:C:2017:131).


25      Arrêt du 16 février 2017 (C‑641/15, EU:C:2017:131).


26      Voir arrêt du 16 février 2017, Verwertungsgesellschaft Rundfunk (C‑641/15, EU:C:2017:131, points 24 et 27).


27      Comme le prévoit l’article 3, paragraphe 2, sous d), de la directive 2001/29. En effet, les hôtels en question distribuent, non pas « en différé », mais bien simultanément, par câble coaxial, les émissions de la chaîne de télévision RTL, diffusées par satellite, au moyen des différents appareils de télévision installés dans les chambres de ces hôtels. Il ne s’agit donc pas d’une mise à la disposition du public de fixations d’émissions par un organisme de radiodiffusion comparable à un service de vidéo à la demande.