Language of document : ECLI:EU:T:2012:315

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 juin 2012 (*)

« Programme opérationnel du Fonds de cohésion et du FEDER géré par l’Espagne (Programme opérationnel FSE Lutte contre la discrimination 2007-2013) – Demande de paiement intermédiaire – Décision d’interrompre le délai de paiement pour une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle – Recours en annulation – Recevabilité – Article 87, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1083/2006 »

Dans les affaires T‑264/10 et T‑266/10,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. C. Urraca Caviedes et Mme B. Conte, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la Commission du 10 mai (T‑264/10) et du 11 mai 2010 (T‑266/10) informant les autorités espagnoles de l’interruption du délai pour le règlement de certaines demandes de paiement intermédiaire présentées par le Royaume d’Espagne,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 (JO L 210, p. 25), établit les règles générales régissant les fonds structurels et le Fonds de cohésion.

2        En ce qui concerne l’affaire T-264/10, le Royaume d’Espagne a présenté, le 18 décembre 2009, une demande de paiement intermédiaire d’un montant de 37 320 854 euros, relative au programme opérationnel d’intervention du Fonds social européen (FSE) de lutte contre la discrimination dans le cadre des objectifs de convergence et de compétitivité régionale et d’emploi en Espagne.

3        Dans l’affaire T-266/10, le Royaume d’Espagne a présenté, le 10 décembre 2009, une demande de paiement intermédiaire d’un montant de 6 509 540,26 euros, relative au programme opérationnel d’intervention communautaire du FSE dans le cadre de l’objectif de compétitivité régionale et d’emploi de la Communauté autonome du Pays basque en Espagne.

4        Par lettres du 10 mai 2010 (T‑264/10) (ci-après la « décision du 10 mai 2010 ») et du 11 mai 2010 (T‑266/10) (ci-après la « décision du 11 mai 2010 ») (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »), le directeur général de la direction générale (DG) « Emploi, affaires sociales et égalité des chances » de la Commission européenne a indiqué à la représentation permanente du Royaume d’Espagne auprès de l’Union européenne qu’elle interrompait le délai pour le règlement de certaines demandes de paiement intermédiaire.

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 16 juin 2010, le Royaume d’Espagne a introduit les présents recours.

6        Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        déclarer le bien-fondé de la demande de paiement d’intérêts par la Commission, en raison du retard intervenu dans le paiement effectif des demandes intermédiaires indûment paralysées ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        en vertu de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, faire droit à la demande de mesure d’administration de la preuve consistant en ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire les documents établissant que des États membres se trouvent dans une situation identique en ce qui concerne la présentation des audits des systèmes, ainsi que les documents justifiant les mesures adoptées à l’égard de ces États membres.

7        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter les recours comme irrecevables ;

–        à titre subsidiaire, rejeter les recours comme non fondés ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

8        Les parties entendues en leurs observations sur la jonction, le Tribunal considère, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, de son règlement de procédure, qu’il y a lieu de joindre les affaires T‑264/10 et T‑266/10 aux fins de l’arrêt.

 Sur la recevabilité

9        La Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, soutient que les recours en annulation sont irrecevables au motif que les lettres contestées par lesquelles l’ordonnateur délégué a interrompu le délai des paiements intermédiaires ne sont pas des actes susceptibles de recours.

10      Selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, Rec. p. I‑6513, point 26 ; arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T‑81/97, Rec. p. II‑2889, point 21, et du 29 janvier 2002, Van Parys et Pacific Fruit Company/Commission, T‑160/98, Rec. p. II‑233, point 60).

11      Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, il résulte de cette même jurisprudence que, en principe, ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts de la Cour IBM/Commission, point 10 supra, point 10, et du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C‑147/96, Rec. p. I‑4723, point 26 ; ordonnance du Tribunal du 2 juin 2004, Pfizer/Commission, T‑123/03, Rec. p. II‑1631, point 22, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Allemagne/Commission, T‑314/04 et T‑414/04, non publié au Recueil, point 38).

12      Il n’en irait autrement que si des actes ou des décisions pris au cours de la procédure préparatoire non seulement réunissaient les caractéristiques juridiques ci-dessus décrites, mais constituaient eux-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à l’institution de statuer sur le fond (arrêt IBM/Commission, point 10 supra, point 11, et ordonnance Pfizer/Commission, point 11 supra, point 23).

13      Enfin, si des mesures de nature purement préparatoire ne peuvent en tant que telles faire l’objet d’un recours en annulation, les illégalités éventuelles qui les entachent peuvent être invoquées à l’appui du recours dirigé contre l’acte définitif dont elles constituent un stade d’élaboration (arrêts de la Cour IBM/Commission, point 10 supra, point 12, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 333 ; arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Caló/Commission, T‑108/92, RecFP p. I‑A‑59 et II‑213, point 13, et ordonnance Pfizer/Commission, point 11 supra, point 24).

14      Il y a tout d’abord lieu de souligner que, conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006, les paiements intermédiaires doivent être effectués dans les deux mois à compter de la demande de paiement.

15      Le délai de paiement peut toutefois être interrompu. En effet, l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006 prévoit que le délai de paiement peut être interrompu par l’ordonnateur délégué pour une période maximale de six mois si, dans le rapport d’un organisme d’audit national ou communautaire, il existe des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

16      En l’espèce, la Commission soutient que les décisions attaquées, par lesquelles l’ordonnateur délégué a interrompu le délai de paiement, ne sont pas des actes fixant définitivement sa position, qu’elles n’ont pas de caractère définitif et qu’il s’agit uniquement de mesures préliminaires ou préparatoires.

17      Or, ces lettres ont eu pour effet d’interrompre le délai de deux mois imparti à la Commission pour effectuer les paiements intermédiaires prévus aux articles 85 et suivants du règlement n° 1083/2006. Les lettres contestées ont donc produit des effets juridiques autonomes contraignants de nature à affecter les intérêts du Royaume d’Espagne.

18      À cet égard, la Commission se contente de souligner que les décisions attaquées ont eu pour effet de lui permettre de procéder à certaines vérifications dans le cadre de sa responsabilité générale d’exécution du budget. Cette considération ne remet toutefois pas en cause le fait que lesdites décisions ont produit et continuent de produire des effets juridiques de nature à léser les intérêts du Royaume d’Espagne.

19      De plus, ainsi que le souligne à juste titre le Royaume d’Espagne, le fait de considérer qu’une décision visant à interrompre le délai de paiement n’est pas un acte attaquable aurait pour effet d’exclure du contrôle juridictionnel toutes les mesures d’interruption du délai de paiement.

20      La circonstance que l’article 91, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 prévoit que l’interruption du délai de paiement cesse dès que l’État membre a pris les mesures qui s’imposent ou à l’expiration d’un délai maximal de six mois ne remet pas en cause le fait que ces mesures constituent elles-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à l’institution de statuer sur le fond.

21      La Commission fait également valoir en vain qu’il ne s’agit que de mesures provisoires du fait qu’elles pourraient être suivies d’une décision de suspension des paiements intermédiaires, prise sur la base de l’article 92 du règlement n° 1083/2006, voire d’une décision d’annulation de tout ou partie de la participation communautaire au programme opérationnel en application de l’article 99 dudit règlement. En effet, l’existence de mesures éventuelles de suspension du paiement ou d’annulation de la participation communautaire ne remet pas en cause le fait que la mesure d’interruption du délai de paiement relève d’une procédure distincte, qui peut exister de façon autonome. En particulier, l’interruption du délai de paiement n’est pas obligatoirement suivie d’une procédure de suspension. Ainsi qu’il a été souligné au point 20 ci-dessus, si la Commission ne prend aucune décision de suspension dans les six mois à dater de la mesure d’interruption du délai de paiement, le fait de considérer que ladite mesure n’est pas un acte attaquable impliquerait qu’il n’est pas possible de contrôler si l’interruption du délai de paiement était justifiée.

22      En tout état de cause, le caractère provisoire de la mesure n’en fait pas moins une mesure à part entière, produisant des effets juridiques (voir, en ce sens et par analogie, en ce qui concerne une mesure de suspension des paiements d’une durée maximale de trois mois, arrêt du Tribunal du 18 juin 2010, Luxembourg/Commission, T‑549/08, Rec. p. II‑2477).

23      En adoptant les décisions attaquées, la Commission ne s’est pas limitée à informer le Royaume d’Espagne qu’elle disposait d’éléments suggérant une insuffisance importante dans les contrôles, mais elle a tiré des conséquences de ce constat sur le plan juridique, à savoir l’interruption des délais de paiement intermédiaire. Il ne s’agit donc pas d’une simple indication que la Commission engage une procédure d’adoption de la décision de réduction du concours communautaire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 22 novembre 2007, Investire Partecipazioni/Commission, T‑418/05, non publiée au Recueil, point 37).

24      Il convient également de relever que l’interruption du délai de paiement doit être justifiée au regard des critères prévus à l’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006. Si ces critères ne sont pas remplis, une telle mesure ne saurait être admise. La circonstance qu’il s’agit d’une nouvelle mesure prévue dans le règlement n° 1083/2006 et que cette mesure n’existait pas dans le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1), n’enlève rien au fait qu’elle produit des effets de droit, même si ceux-ci sont limités dans le temps, à savoir de six mois au maximum.

25      Le caractère attaquable de la mesure d’interruption des délais de paiement intermédiaire ne saurait être remis en cause par la circonstance que ladite mesure ne constitue pas une étape obligatoire à l’adoption d’une mesure de suspension et que cette dernière peut donc être directement adoptée sans devoir passer par la phase d’interruption. En effet, lorsque la Commission met en œuvre une mesure d’interruption des délais de paiement intermédiaire, elle est tenue de respecter les critères énoncés à l’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006.

26      Dans le même sens, s’il est vrai que la condition imposée par l’article 92, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, à savoir la démonstration de l’existence d’une insuffisance grave du système de gestion et de contrôle du programme opérationnel, est plus restrictive que la simple démonstration de l’existence d’éléments suggérant une telle insuffisance, requise par l’article 91, paragraphe 1, du même règlement, il n’en demeure pas moins que la Commission se doit d’opérer ladite démonstration.

27      Ainsi, la circonstance qu’une telle démonstration puisse reposer sur la satisfaction de critères d’un niveau d’exigence moindre ne peut que demeurer sans incidence sur la nature de la procédure conduisant à l’adoption d’une mesure d’interruption des délais de paiement. Une telle mesure demeure, en effet, le résultat d’une procédure indépendante, mise en œuvre selon des critères qui lui sont propres.

28      Par ailleurs, ne saurait prospérer l’argument de la Commission selon lequel le caractère préliminaire de l’interruption du délai résulterait des décisions attaquées elles-mêmes, en ce que celles-ci indiquent que, à défaut d’observations ou de mesures correctrices, la Commission pourra immédiatement suspendre tout ou partie des paiements intermédiaires en application de l’article 92 du règlement n° 1083/2006. En effet, ce faisant, la Commission se limite à mentionner dans les décisions attaquées qu’une procédure de suspension existe et qu’elle peut l’actionner si elle n’est pas satisfaite des mesures correctrices. Il n’en demeure pas moins, ainsi que le souligne à juste titre le Royaume d’Espagne, qu’il n’existe aucun lien obligatoire entre les démarches préalables à l’ouverture de la procédure prévue audit article 92 du règlement n° 1083/2006 et la déclaration ou l’absence de déclaration de l’interruption du délai de paiement.

29      Il résulte de tout ce qui précède que les recours en annulation contre les décisions attaquées doivent être déclarés recevables.

 Sur le fond

 Sur le chef de conclusions visant à l’annulation des décisions attaquées

30      À l’appui des recours en annulation, le Royaume d’Espagne invoque six moyens d’annulation, tirés de la violation, respectivement, de l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1083/2006, de la stratégie de contrôle approuvée par la Commission, du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime, du principe de proportionnalité et de l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006.

31      Il y a tout d’abord lieu d’examiner le bien-fondé du sixième moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006.

32      Le Royaume d’Espagne soutient que les décisions attaquées ont été adoptées postérieurement au délai de paiement de deux mois prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 et qu’elles sont, par conséquent, entachées d’illégalité.

33      Il y a lieu de souligner que l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 indique que, « [s]ous réserve des disponibilités budgétaires, et s’il n’y a pas de suspension des paiements au titre de l’article 92, la Commission effectue le paiement intermédiaire dans un délai n’excédant pas deux mois à compter de l’enregistrement auprès de la Commission d’une demande de paiement remplissant les conditions mentionnées à l’article 86. »

34      De même, il convient de rappeler que, selon l’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, le délai de paiement peut être interrompu par l’ordonnateur délégué pour une période maximale de six mois si, dans le rapport d’un organisme d’audit national ou communautaire, il existe des éléments probants suggérant une insuffisance importante dans le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle.

35      Il ressort de la lecture combinée de ces deux articles que le délai de paiement qui, aux termes de l’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 1083/2006, peut être interrompu est celui de deux mois visé à l’article 87, paragraphe 2, du même règlement.

36      Une fois que ce délai de deux mois a pris fin, il n’est plus possible de l’interrompre. Partant, il doit être considéré que, à l’expiration du délai précité, la Commission ne peut plus adopter de mesure visant à interrompre celui-ci et a donc l’obligation de payer.

37      Toutefois, si elle estime que la protection des intérêts financiers de l’Union l’exige, il est permis à la Commission, en application de l’article 92 du règlement n° 1083/2006, de suspendre l’obligation de paiement qui lui incombe.

38      Il s’ensuit qu’il convient de déterminer si les décisions attaquées ont été prises dans le délai de deux mois prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 et si la Commission a pris une décision de suspendre l’obligation de paiement lui incombant.

39      En premier lieu, il importe de préciser que, en l’espèce, les demandes de paiement des 10 et 18 décembre 2009, mentionnées aux points 2 et 3 ci-dessus, constituent les premières demandes de paiement intermédiaire présentées par le Royaume d’Espagne à la Commission dans les programmes opérationnels concernés.

40      À cet égard, l’article 85 du règlement n° 1083/2006 prévoit que le premier paiement intermédiaire d’un programme opérationnel doit être effectué conformément à l’article 71, paragraphe 2, du même règlement.

41      L’article 71, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 énonce que l’État membre doit transmettre à la Commission un rapport qui présente les résultats d’une évaluation de la mise en place des systèmes de gestion et de contrôle et un avis sur leur conformité avec certaines dispositions du règlement n° 1083/2006. Il dispose également que le rapport est réputé accepté et le premier paiement intermédiaire est effectué dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit rapport lorsque l’avis ne contient aucune réserve et en l’absence d’observations de la part de la Commission.

42      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où la Commission reçoit une première demande de paiement avant que l’État membre ne lui ait transmis le rapport visé à l’article 71, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006, le délai de deux mois prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 ne commence à courir qu’à dater de la réception dudit rapport.

43      En ce qui concerne l’affaire T-264/10, la première demande de paiement intermédiaire a été présentée avant la transmission du rapport d’évaluation de la mise en place des systèmes de gestion et de contrôle. Il est constant que la Commission a reçu ledit rapport à la date du 3 mars 2010 et que ce n’est qu’à cette date que le délai prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 a commencé à courir.

44      La Commission ne conteste pas que la décision du 10 mai 2010 est intervenue postérieurement à l’expiration du délai de deux mois ayant couru à compter de la date de réception du rapport visé à l’article 71, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006.

45      À cet égard, la Commission fait valoir en vain que, avant de prendre la décision d’interruption du délai de paiement, elle a préféré attendre que le Royaume d’Espagne lui transmette différents rapports d’audit. Est tout aussi dénuée de pertinence l’explication selon laquelle, dans un esprit de coopération loyale, elle a préféré attendre les résultats d’une réunion technique qui devait se tenir le 29 avril 2010 à Madrid (Espagne), relative aux difficultés engendrées par le programme opérationnel en question.

46      Les circonstances avancées par la Commission pour justifier le retard dans la prise de décision d’interrompre le délai de paiement n’ont, en effet, pas d’incidence sur le fait que ledit délai avait expiré et qu’il lui était donc juridiquement impossible de l’interrompre.

47      Force est de conclure, par conséquent, que la décision du 10 mai 2010 a été adoptée postérieurement au terme du délai prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006.

48      Dans l’affaire T-266/10, la première demande de paiement intermédiaire a également été présentée avant la transmission du rapport d’évaluation de la mise en place des systèmes de gestion et de contrôle. Les parties s’accordent sur le fait que la Commission a reçu ledit rapport le 9 mars 2010 et que ce n’est qu’à cette date que le délai prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 a commencé à courir.

49      La Commission soutient que le règlement n° 1083/2006 établit une distinction entre l’interruption décidée par l’ordonnateur délégué et la communication des motifs de l’interruption. Elle fait observer que la décision d’interrompre le délai de paiement a été prise le 7 mai 2010 et que celle-ci a été communiquée dans les deux jours ouvrables. Elle estime ainsi que l’obligation d’informer immédiatement l’État membre et l’autorité de certification des motifs de l’interruption a été respectée.

50      De tels arguments ne sauraient prospérer.

51      En effet, force est de constater que, en application de l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement (CEE, Euratom) n° 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO L 124, p. 1), le délai prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 a expiré le 9 mai 2010. Ce jour étant un dimanche, le délai a pris fin, conformément à l’article 2, paragraphe 4, du règlement n° 1182/71, à l’expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant, à savoir le 10 mai 2010.

52      La lettre de la Commission informant le Royaume d’Espagne de l’interruption du délai de paiement lui a été notifiée à la date du 11 mai 2010, à savoir après que le délai prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006 avait pris fin.

53      À cet égard, et contrairement aux affirmations de la Commission, l’adoption de la décision de l’ordonnateur - délégué à la date du 7 mai 2010 n’a pu avoir pour effet d’interrompre le cours du délai de deux mois prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2006. En effet, la décision prise par l’ordonnateur - délégué, selon les termes de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, a pris effet à compter de sa notification à son destinataire, en l’espèce le Royaume d’Espagne (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 mars 1979, Salumificio di Cornuda, 130/78, Rec. p. 867, point 23 ; du 20 novembre 2008, Foselev Sud-Ouest, C‑18/08, Rec. p. I‑8745, point 18, et arrêt du Tribunal du 9 décembre 2010, Pologne/Commission, T‑69/08, non encore publié au Recueil, point 67).

54      Il s’ensuit que la décision du 11 mai 2010 a été adoptée après que le délai prévu à l’article 87, paragraphe 2, du règlement n°1083/2006 avait pris fin.

55      En second lieu, il doit être constaté que, dans le cadre des affaires ayant donné lieu aux décisions attaquées, la Commission n’a adopté aucune décision de suspension des paiements au titre de l’article 92 du règlement n° 1083/2006.

56      Il résulte de tout ce qui précède que les décisions attaquées sont entachées d’illégalité et doivent être annulées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés par le Royaume d’Espagne, ni de se prononcer sur le chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne une mesure d’organisation de la procédure fondée sur l’article 64 du règlement de procédure.

 Sur le chef de conclusions visant à reconnaître le bien-fondé de la demande de paiement d’intérêts de retard

57      Le Royaume d’Espagne estime que, en raison du caractère injustifié de l’interruption des délais de paiement, la Commission devrait s’acquitter des intérêts de retard. Il estime que, sans préjudice de son droit de réclamer les intérêts de retard par la voie administrative auprès de la Commission, il appartient au Tribunal d’analyser la question et de se prononcer sur l’exigibilité desdits intérêts.

58      Il y a lieu de relever que, par ses conclusions visant à faire reconnaître le bien-fondé des demandes de paiement d’intérêts de retard, le Royaume d’Espagne requiert du Tribunal qu’il rende un arrêt déclaratoire. Il suffit de constater que le contentieux de l’Union ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position par le biais d’une déclaration générale ou de principe (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission, T‑33/01, Rec. p. II‑5897, point 171 ; ordonnances du Tribunal du 3 septembre 2008, Cofra/Commission, T‑477/07, non publiée au Recueil, point 21, et du 24 mai 2011, Nuova Agricast/Commission, T‑373/08, non publiée au Recueil, point 46).

59      Partant, ce chef de conclusions doit être rejeté, le Tribunal étant manifestement incompétent pour en connaître.

60      Compte tenu de tout ce qui précède, d’une part, il convient d’annuler les décisions attaquées et de rejeter le chef de conclusions visant à faire reconnaître le bien-fondé de la demande de paiement d’intérêts de retard. D’autre part, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne une mesure d’organisation de la procédure fondée sur l’article 64 du règlement de procédure.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      La Commission ayant succombé pour l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Royaume d’Espagne.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑264/10 et T‑266/10 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les décisions de la Commission européenne des 10 et 11 mai 2010, informant les autorités espagnoles de l’interruption du délai pour le règlement de certaines demandes de paiement intermédiaire présentées par le Royaume d’Espagne, sont annulées.

3)      La demande visant à ce que soit reconnu le bien-fondé de la demande de paiement d’intérêts de retard est rejetée.

4)      Il n’y a pas lieu de statuer sur le chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne une mesure d’organisation de la procédure fondée sur l’article 64 de son règlement de procédure.

5)      La Commission est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.