Language of document : ECLI:EU:T:2018:166

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

22 mars 2018 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Obligation de motivation – Exception d’illégalité – Proportionnalité – Base juridique – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑242/16,

Edward Stavytskyi, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par M. J. Grayston, solicitor, Mes P. Gjørtler, G. Pandey et D. Rovetta, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et J.-P. Hix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée initialement par M. E. Paasivirta et Mme S. Bartelt, puis par MM. Paasivirta et L. Baumgart, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2016/318 du Conseil, du 4 mars 2016, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2016, L 60, p. 76), et du règlement d’exécution (UE) 2016/311 du Conseil, du 4 mars 2016, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2016, L 60, p. 1), en ce que le nom du requérant a été maintenu sur la liste des personnes, entités et organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, D. Spielmann et Z. Csehi, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Edward Stavytskyi, est un ancien ministre de l’Énergie et de l’Industrie du charbon de l’Ukraine.

2        Le 5 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/119/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26).

3        Les considérants 1 et 2 de la décision 2014/119 précisent ce qui suit :

« (1) Le 20 février 2014, le Conseil a condamné dans les termes les plus fermes tout recours à la violence en Ukraine. Il a demandé l’arrêt immédiat de la violence en Ukraine et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a demandé au gouvernement ukrainien de faire preuve d’une extrême retenue et aux responsables de l’opposition de se désolidariser de ceux qui mènent des actions extrêmes, et notamment recourent à la violence.

(2)       Le 3 mars 2014, le Conseil [est] convenu d’axer les mesures restrictives sur le gel et la récupération des avoirs des personnes identifiées comme étant responsables du détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, et des personnes responsables de violations des droits de l’homme, en vue de renforcer et de soutenir l’[É]tat de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine. »

4        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119 dispose ce qui suit :

« 1.       Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.       Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

5        Les modalités des mesures restrictives en cause sont définies aux paragraphes suivants du même article.

6        Le 5 mars 2014, le Conseil a également adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 208/2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1).

7        Conformément à la décision 2014/119, le règlement no 208/2014 impose l’adoption des mesures restrictives en cause et définit les modalités desdites mesures restrictives en des termes identiques, en substance, à ceux de ladite décision.

8        Les noms des personnes visées par la décision 2014/119 et par le règlement no 208/2014 apparaissent sur la liste figurant à l’annexe de ladite décision et à l’annexe I dudit règlement (ci-après la « liste en cause ») avec, notamment, la motivation de leur inscription. Le nom du requérant n’apparaît pas sur la liste en cause.

9        La décision 2014/119 et le règlement no 208/2014 ont été modifiés par la décision d’exécution 2014/216/PESC du Conseil, du 14 avril 2014, mettant en œuvre la décision 2014/119 (JO 2014, L 111, p. 91), et par le règlement d’exécution (UE) no 381/2014 du Conseil, du 14 avril 2014, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2014, L 111, p. 33) (ci-après les « actes d’avril 2014 »).

10      Par les actes d’avril 2014, le nom du requérant a été ajouté sur la liste en cause, avec les informations d’identification « ancien ministre de l’[É]nergie et de l’[I]ndustrie du charbon » et la motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d’Ukraine. »

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2014, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation des actes d’avril 2014, en ce qu’ils le visaient. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑486/14.

12      La décision 2014/119 a également été modifiée par la décision (PESC) 2015/143 du Conseil, du 29 janvier 2015 (JO 2015, L 24, p. 16), entrée en vigueur le 31 janvier 2015. Quant aux critères de désignation des personnes visées par les mesures restrictives en cause, il ressort de l’article 1er de la décision 2015/143 que l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119 est remplacé par le texte suivant :

« 1.       Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et aux personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

Aux fins de la présente décision, les personnes identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien incluent des personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes :

a)      pour détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel détournement ; ou

b)      pour abus de pouvoir en qualité de titulaire de charge publique dans le but de se procurer à lui-même ou de procurer à un tiers un avantage injustifié, causant ainsi une perte pour les fonds ou avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel abus. »

13      Le règlement (UE) 2015/138 du Conseil, du 29 janvier 2015, modifiant le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 24, p. 1), a apporté des changements à ce dernier, conformément à la décision 2015/143.

14      La décision 2014/119 et le règlement no 208/2014 ont été ultérieurement révisés par la décision (PESC) 2015/364 du Conseil, du 5 mars 2015, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 62, p. 25), et par le règlement d’exécution (UE) 2015/357 du Conseil, du 5 mars 2015, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 62, p. 1). Dans la décision 2015/364, l’article 5 de la décision 2014/119 a été remplacé par un nouveau texte, prorogeant les mesures restrictives en cause jusqu’au 6 mars 2016. Dans le règlement d’exécution 2015/357, l’annexe I du règlement no 208/2014 a été remplacée par un nouveau texte, modifiant les mentions concernant 18 personnes.

15      Par la décision 2015/364 et le règlement d’exécution 2015/357, le nom du requérant a été maintenu sur la liste en cause, avec les informations d’identification « ancien ministre de l’[É]nergie et de l’[I]ndustrie du charbon » et la motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics. »

16      Le requérant n’a pas formé de recours à l’encontre de la décision 2015/364 ni du règlement d’exécution 2015/357.

17      Par courrier du 6 novembre 2015, le Conseil a communiqué au requérant une lettre du bureau du procureur général d’Ukraine (ci-après le « BPG ») au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, du 8 septembre 2015, concernant les procédures pénales dont il faisait l’objet en Ukraine.

18      Le requérant a répondu à ce courrier par une lettre du 11 décembre 2015.

19      Le 15 décembre 2015, le Conseil a transmis au requérant une lettre du BPG du 30 novembre 2015 portant sur les procédures pénales le concernant.

20      Le requérant a présenté ses observations à cet égard, une première fois, par lettre du 5 janvier 2016 et, une seconde fois, par lettre du 24 février 2016. À cette dernière occasion, le requérant a notamment signalé, d’une part, que, par l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), le Tribunal avait annulé les actes d’avril 2014, en constatant, en substance, que son nom avait été inscrit sur la liste en cause sans que le Conseil disposât de preuves suffisantes et, d’autre part, que la lettre du BPG du 30 novembre 2015 n’était pas une telle preuve, de sorte que son nom ne devait pas être maintenu sur ladite liste.

21      Le 4 mars 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/318 modifiant la décision 2014/119 (JO 2016, L 60, p. 76), et le règlement d’exécution (UE) 2016/311, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2016, L 60, p. 1) (ci-après les « actes attaqués »), par lesquels il a prorogé jusqu’au 6 mars 2017 l’application des mesures restrictives en cause, et ce sans modifier la motivation concernant le requérant, telle que reprise au point 15 ci-dessus.

22      Par lettre du 7 mars 2016, le Conseil a notifié au requérant les actes attaqués et a répondu, de manière conjointe, à ses lettres du 11 décembre 2015, du 5 janvier 2016 et du 24 février 2016.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mai 2016, le requérant a introduit le présent recours.

24      Le 16 août 2016, le Conseil a déposé le mémoire en défense, suivi, le 20 septembre 2016, d’une demande motivée, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, visant à obtenir que le contenu de certains documents annexés à la requête et audit mémoire ne soit pas cité dans les documents afférents à cette affaire auxquels le public a accès.

25      Le 13 septembre 2016, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire, au soutien des conclusions du Conseil. Par décision du 25 octobre 2016, le président de la sixième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande, sur le fondement de l’article 144, paragraphe 4, du règlement de procédure, les parties principales n’ayant pas soulevé de questions de confidentialité.

26      La phase écrite de la procédure a été close le 30 janvier 2017, après le dépôt de la réplique, du mémoire en intervention, des observations du requérant sur ce mémoire et de la duplique, incluant les observations du Conseil sur ledit mémoire.

27      Les parties principales n’ont pas présenté de demande d’audience dans le délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure. La demande à cette fin que le requérant a déposée après l’expiration dudit délai n’a pas été versée au dossier, par décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 5 avril 2017.

28      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir d’office la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, a posé une question aux parties principales pour réponse écrite. Le Conseil a répondu à la question du Tribunal par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 juillet 2017, suivi, le 3 août 2017, d’une demande, fondée sur l’article 66 du règlement de procédure, visant à obtenir que le contenu de certains documents annexés audit mémoire ne soit pas cité dans les documents afférents à cette affaire auxquels le public a accès. La réponse du requérant à cette même question a été déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2017.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 20 septembre 2017. À cette occasion, le Tribunal a invité le requérant à produire sa lettre du 27 août 2014 adressée au Conseil, dont il avait cité un extrait, avec la date erronée du 28 août 2014, dans sa réponse écrite à la question du Tribunal mentionnée au point 28 ci-dessus. Ce même jour, le requérant a déposé au greffe du Tribunal le document en question.

30      Par décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 27 septembre 2017, la phase orale de la procédure a été close.

31      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

32      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

33      Lors de l’audience, le Conseil a complété ses conclusions, en précisant que, à titre subsidiaire, en cas d’annulation des actes attaqués, il demandait au Tribunal, en substance, de maintenir les effets de la décision 2014/119, telle que modifiée en dernier lieu par la décision 2016/318, jusqu’à ce que l’annulation du règlement no 208/2014, tel que modifié en dernier lieu par le règlement 2016/311, prît effet.

 En droit

34      À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens, tirés, le premier, de l’illégalité du critère de désignation prévu à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, telle que modifiée par la décision 2015/143, et à l’article 3, paragraphe 1 bis, du règlement no 208/2014, tel que modifié par le règlement 2015/138 (ci-après le « critère pertinent »), le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation commise en ce que le fait qu’il soit visé par une procédure pénale devant les autorités ukrainiennes ne constituerait pas une base factuelle suffisante et, le quatrième, d’une erreur concernant la base juridique, en ce que les mesures restrictives le concernant ne relèveraient pas de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), mais de la coopération internationale en matière pénale.

35      Au vu des liens existant entre certains arguments soulevés dans le cadre de moyens différents, il convient de considérer que le requérant invoque, en substance, premièrement, la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, l’illégalité, le caractère disproportionné ainsi que l’absence de base juridique du critère pertinent et, troisièmement, des erreurs manifestes d’appréciation commises lors de l’application de ce critère à son cas.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

36      En premier lieu, le requérant fait valoir que la motivation sur la base de laquelle son nom a été maintenu sur la liste en cause par les actes attaqués, qui coïncide avec celle reprise au point 15 ci-dessus, est générale et stéréotypée, étant donné qu’elle se limite à reprendre les termes utilisés dans la définition du critère pertinent.

37      En second lieu, le requérant soutient que le Conseil ne peut pas compléter ladite motivation par les informations contenues dans la lettre du 7 mars 2016 (voir point 22 ci-dessus), dans la mesure où un acte juridique devrait contenir lui-même une motivation suffisante. En tout état de cause, les informations complémentaires résultant de cette lettre, à l’instar de celles que le Conseil avait fournies au requérant pendant la procédure ayant abouti à l’adoption des actes attaqués, ne constitueraient pas une motivation suffisante.

38      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

39      Aux termes de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, « [l]es actes juridiques sont motivés ».

40      En vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités, le droit à une bonne administration comprend notamment « l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions ».

41      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être adaptée à la nature de l’acte attaqué et au contexte dans lequel celui-ci a été adopté. Elle doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce (voir arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 94 et jurisprudence citée).

42      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, d’une part, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. D’autre part, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 95 et jurisprudence citée).

43      En particulier, la motivation d’une mesure de gel d’avoirs ne saurait, en principe, consister uniquement en une formulation générale et stéréotypée. Sous les réserves énoncées au point 42 ci-dessus, une telle mesure doit, au contraire, indiquer les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère que la réglementation pertinente est applicable à l’intéressé (voir arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 96 et jurisprudence citée).

44      Il convient enfin de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (arrêt du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 60 et 61).

45      En l’espèce, il est à relever que la motivation retenue lors du maintien du nom du requérant dans la liste en cause (voir point 15 ci-dessus) est spécifique et concrète et énonce les éléments qui constituent le fondement dudit maintien, à savoir la circonstance qu’il fait l’objet de procédures pénales engagées par les autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics.

46      En outre, le maintien des mesures restrictives à l’égard du requérant est intervenu dans un contexte connu par celui-ci, qui avait été informé lors des échanges avec le Conseil, notamment des lettres du BPG des 8 septembre et 30 novembre 2015 (voir points 17 et 19 ci-dessus), sur lesquelles il est constant entre les parties que le Conseil a fondé le maintien desdites mesures (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54 et jurisprudence citée, et du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 88). Dans ces lettres sont indiqués le nom de l’autorité chargée des enquêtes, les numéros et les dates d’ouverture des procédures pénales engagées, notamment, à l’égard du requérant, les faits qui lui sont reprochés, le nom des autres personnes et organismes concernés, et le montant des fonds publics prétendument détournés, les articles pertinents du code pénal ukrainien ainsi que la circonstance que le requérant a été informé par écrit du fait qu’il était soupçonné. En particulier, la lettre du 30 novembre 2015 précise ce qui suit :

[confidentiel] (1)

47      Par ailleurs, les actes attaqués sont intervenus dans un contexte qui comporte aussi les échanges entre le requérant et le Conseil dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45).

48      En ce qui concerne les précisions que le Conseil a fournies dans la lettre du 7 mars 2016, il convient de relever que, ainsi que le fait observer à juste titre ce dernier, cette lettre, qui contient des motifs complémentaires, intervenue lors d’un échange de documents entre le Conseil et le requérant, peut être prise en considération lors de l’examen de ces actes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, point 47 et jurisprudence citée).

49      Dès lors, il y a lieu d’apprécier la motivation des actes attaqués également à la lumière des précisions que le Conseil a apportées dans la lettre du 7 mars 2016, en réponse aux lettres du requérant (voir points 20 à 22 ci-dessus), qui ont trait, en substance, aux différences entre les actes attaqués et ceux qui étaient en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), et au fait que les plaintes du requérant concernant le déroulement de la procédure en Ukraine devaient être traitées par les autorités de ce pays et non par le Conseil. En tout état de cause, il doit être relevé que, mises à part ces deux précisions, le contenu de la lettre du 7 mars 2016 coïncide largement avec celui des actes attaqués et de la correspondance échangée auparavant entre le Conseil et le requérant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, points 48 et 49).

50      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les actes attaqués, placés dans leur contexte, énoncent à suffisance de droit les éléments de droit et de fait qui en constituent, d’après leur auteur, le fondement.

51      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant portant sur le caractère prétendument stéréotypé de la motivation le concernant.

52      À cet égard, il y a lieu de relever que, si les considérations figurant dans cette motivation sont les mêmes que celles sur le fondement desquelles d’autres personnes physiques mentionnées dans la liste en cause ont été soumises à des mesures restrictives, elles visent néanmoins à décrire la situation concrète du requérant, qui, au même titre que d’autres personnes, a, d’après le Conseil, fait l’objet de procédures judiciaires présentant un lien avec des investigations portant sur des détournements de fonds publics en Ukraine (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 115).

53      Les autres arguments du requérant, concernant notamment le fait qu’aucun juge ukrainien n’aurait approuvé la procédure en cours à son égard et que le détournement qui lui est reproché vise des biens immobiliers, qui, par définition, ne peuvent pas être transférés en dehors de l’Ukraine, ont trait au bien-fondé des motifs repris au point 15 ci-dessus. Il en découle que, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 44 ci-dessus, ceux-ci ne doivent pas être examinés dans le cadre des griefs du requérant portant sur la violation de l’obligation de motivation, mais plutôt dans le cadre de ses griefs contestant le bien-fondé du maintien de son nom sur la liste en cause.

54      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les griefs du requérant ayant trait à la violation de l’obligation de motivation.

 Sur l’illégalité, le caractère disproportionné et l’absence de base juridique du critère pertinent

55      En premier lieu, le requérant soutient que le critère pertinent, tel que prévu par la décision 2015/143 et par le règlement 2015/138 (ci-après les « actes de janvier 2015 ») est illégal au sens de l’article 277 TFUE, dans la mesure où, par les actes de janvier 2015, le Conseil aurait rendu possible l’adoption de mesures restrictives à l’égard de personnes « faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes », alors que la jurisprudence du Tribunal imposerait comme condition que cette enquête ait reçu l’approbation d’une autorité judiciaire. Dans ce contexte, le requérant précise que la décision du tribunal de district [confidentiel] (ci-après le « tribunal de district ») du 3 octobre 2014 (ci-après la « décision du tribunal de district du 3 octobre 2014 »), mentionnée dans la lettre du BPG du 30 novembre 2015 et produite par le Conseil en annexe au mémoire en défense, se limite à ordonner la saisie [confidentiel], mais ne contient aucune motivation autre que celle concernant le fait qu’une enquête pénale le visant a été ouverte. Dès lors, cette décision ne pourrait pas être considérée comme une approbation judiciaire.

56      Le Conseil et la Commission contestent les arguments du requérant.

57      À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que les arguments du requérant reposent sur une interprétation erronée de l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45). En effet, dans ledit arrêt, le Tribunal, en se référant notamment à l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93, points 57 à 61), a rappelé que l’identification d’une personne comme étant responsable d’une infraction de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien n’impliquait pas forcément une condamnation pour une telle infraction. Il est certes vrai que le Tribunal a fait droit au recours. Cependant, pour parvenir à ce résultat, il ne s’est pas appuyé sur le fait que la preuve sur laquelle le Conseil s’était fondé pour inscrire le nom du requérant sur la liste en cause n’émanait pas d’une juridiction pénale, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93). Bien au contraire, le Tribunal a mis en avant le fait que, si ladite preuve provenait d’une haute instance judiciaire d’un pays tiers, à savoir le BPG, celle-ci ne contenait qu’une affirmation générale et générique liant le nom du requérant, parmi ceux d’autres anciens hauts fonctionnaires, à une enquête qui, en substance, visait à vérifier l’existence même de faits de détournement de fonds. La raison de l’annulation décidée par le Tribunal ne résidait donc pas dans la source de la preuve utilisée par le Conseil, mais dans le contenu de celle-ci, qui n’apportait pas d’éléments factuels concrets et spécifiques sur les faits ou sur les comportements reprochés au requérant par les autorités ukrainiennes (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil, T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45, points 44 à 47).

58      Dès lors, c’est à tort que le requérant s’appuie sur l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), pour chercher à établir une règle générale, que les actes de janvier 2015 auraient violée en introduisant le critère pertinent, selon laquelle, pour que le Conseil puisse adopter des mesures restrictives à l’égard d’une personne faisant l’objet d’une enquête pénale menée par les autorités ukrainiennes pour détournement de fonds publics, cette enquête doit nécessairement avoir été approuvée par une juridiction pénale.

59      Deuxièmement, la jurisprudence postérieure à l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), a confirmé que le BPG est l’une des plus hautes autorités judiciaires en Ukraine, dès lors qu’il agit, dans cet État, en qualité de ministère public dans l’administration de la justice pénale et mène des enquêtes préliminaires dans le cadre de procédures pénales (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, points 41 et 93). De même, il a déjà été jugé que des preuves émanant du BPG, pourvu que leur contenu soit suffisamment précis, peuvent justifier l’adoption de mesures restrictives à l’égard de personnes faisant l’objet de procédures pénales pour détournement de fonds publics (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 114), ainsi que le fait remarquer à juste titre le Conseil.

60      Troisièmement, à titre surabondant, il y a lieu de rappeler, à l’instar du Conseil, que le tribunal de district, par sa décision du 3 octobre 2014 de saisir [confidentiel], a considéré que les éléments ayant justifié l’ouverture d’une enquête à l’égard du requérant étaient susceptibles de justifier également la saisie de biens appartenant à celui-ci. Ce faisant, le tribunal de district a, en substance, entériné les résultats de l’enquête.

61      Au vu de toutes ces considérations, force est de constater que les présents arguments du requérant ne démontrent pas que le critère pertinent est illégal au sens de l’article 277 TFUE. De même, il y a lieu d’écarter le premier argument du requérant mentionné au point 53 ci-dessus.

62      En second lieu, le requérant fait valoir que, à la lumière de la jurisprudence issue notamment de l’arrêt du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil (T‑348/14, EU:T:2016:508), le Conseil, sous peine de violer le principe de proportionnalité, ne peut utiliser le critère pertinent pour adopter des mesures restrictives qu’à l’égard de personnes étant soupçonnées d’avoir commis des détournements de fonds publics susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’Ukraine, eu égard aux montants concernés, au type de fonds ou d’avoirs détournés ou au contexte dans lequel ils se sont produits. En dehors de ces cas, les éventuelles interventions de la part des institutions de l’Union liées à des procédures pénales en cours dans un pays tiers ne feraient pas partie de la PESC, mais de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière, de sorte que, pour éviter la violation de l’article 40 TUE, elles devraient être adoptées sur des bases juridiques autres que l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE, étant précisé que le recours à ce dernier présuppose l’adoption préalable d’une décision relevant de la PESC.

63      Le Conseil et la Commission contestent les arguments du requérant.

64      À titre liminaire, il convient d’observer que les parties s’accordent sur le fait que la jurisprudence a reconnu que des mesures restrictives prises en application du critère pertinent peuvent être légitimement adoptées sur la base de l’article 29 TUE et de l’article 215 TFUE, pourvu que les faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics dont les personnes visées sont soupçonnées présentent des caractéristiques telles qu’ils sont susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques du pays en cause, eu égard aux montants concernés, au type de fonds ou d’avoirs détournés ou au contexte dans lequel ils se sont produits.

65      Dans ce contexte, il doit être rappelé que les objectifs du traité UE concernant la PESC sont énoncés, notamment, à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE, qui prévoit ce qui suit :

« L’Union définit et mène des politiques communes et des actions et œuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin […] de consolider et de soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international. »

66      Cet objectif a été mentionné au considérant 2 de la décision 2014/119, repris au point 3 ci-dessus.

67      À cet égard, il doit être observé que la jurisprudence a établi que des objectifs tels que celui mentionné à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE avaient vocation à être atteints par un gel d’avoirs dont le champ d’application était, comme en l’espèce, restreint aux personnes identifiées comme étant responsables du détournement de fonds publics ainsi qu’aux personnes, entités ou organismes qui leur étaient liés, c’est-à-dire à des personnes dont les agissements étaient susceptibles d’avoir obéré le bon fonctionnement des institutions publiques et des organismes leur étant liés (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 44 ; du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 68, et du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 85).

68      De même, il y a lieu d’observer que le respect de l’État de droit est l’une des valeurs premières sur lesquelles repose l’Union ainsi qu’il ressort de l’article 2 TUE comme des préambules du traité UE et de la Charte. Le respect de l’État de droit constitue, en outre, une condition préalable à l’adhésion à l’Union, en vertu de l’article 49 TUE. La notion d’État de droit est également consacrée, sous la formulation alternative de « prééminence du droit », dans le préambule de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 87).

69      La jurisprudence de la Cour et de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que les travaux du Conseil de l’Europe, à travers la Commission européenne pour la démocratie par le droit, fournissent une liste non exhaustive des principes et des normes qui peuvent s’inscrire dans la notion d’État de droit. Parmi ceux-ci figurent les principes de légalité, de sécurité juridique et d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif ; des juridictions indépendantes et impartiales ; un contrôle juridictionnel effectif, y compris le respect des droits fondamentaux, et l’égalité devant la loi [voir, à cet égard, la liste des critères de l’État de droit adoptée par la Commission européenne pour la démocratie par le droit lors de sa 106e session plénière (Venise, 11-12 mars 2016)]. En outre, dans le cadre de l’action extérieure de l’Union, certains instruments juridiques mentionnent notamment la lutte contre la corruption en tant que principe inscrit dans la notion d’État de droit [voir, par exemple, le règlement (CE) no 1638/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 2006, arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat (JO 2006, L 310, p. 1)] (arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 88).

70      Par ailleurs, il convient de rappeler que la poursuite de crimes économiques, tels que le détournement de fonds publics, est un moyen important pour lutter contre la corruption et que cette lutte constitue, dans le cadre de l’action extérieure de l’Union, un principe inscrit dans la notion d’État de droit (arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 116).

71      Cependant, s’il ne peut être exclu que certains comportements concernant des faits de détournement de fonds publics soient en mesure de porter atteinte à l’État de droit, il ne saurait être admis que tout fait de détournement de fonds publics, commis dans un pays tiers, justifie une intervention de l’Union dans le but de renforcer et de soutenir l’État de droit dans ce pays, dans le cadre de ses compétences en matière de PESC. Pour que puisse être établi qu’un détournement de fonds publics est susceptible de justifier une action de l’Union dans le cadre de la PESC, fondée sur l’objectif de consolider et de soutenir l’État de droit, il est, à tout le moins, nécessaire que les faits contestés soient susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques du pays concerné (arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 89).

72      Il en découle que le critère pertinent ne peut être considéré comme étant conforme à l’ordre juridique de l’Union que dans la mesure où il est possible de lui attribuer un sens compatible avec les exigences des règles supérieures au respect desquelles il est soumis, et plus précisément avec l’objectif de renforcer et de soutenir l’État de droit en Ukraine. Par ailleurs, cette interprétation permet de respecter la large marge d’appréciation dont le Conseil bénéficie pour définir les critères généraux d’inscription, tout en garantissant un contrôle, en principe complet, de la légalité des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux (voir arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 90 et jurisprudence citée).

73      Partant, le critère pertinent doit être interprété en ce sens qu’il ne vise pas, de façon abstraite, tout fait de détournement de fonds publics, mais qu’il vise plutôt des faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics qui, eu égard au montant ou au type de fonds ou d’avoirs détournés ou au contexte dans lequel ils se sont produits, sont, à tout le moins, susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’Ukraine, notamment aux principes de légalité, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, du contrôle juridictionnel effectif et d’égalité devant la loi, et, en dernier ressort, de porter atteinte au respect de l’État de droit dans ce pays. Ainsi interprété, ce critère est conforme et proportionné aux objectifs pertinents du traité UE (arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 91).

74      Au vu de cette jurisprudence, que les parties ne remettent pas en cause, il y a lieu de conclure que le critère pertinent, ainsi interprété, n’est pas illégal et pouvait être introduit par des actes fondés sur l’article 29 TUE et sur l’article 215 TFUE, qui constituent donc des bases juridiques appropriées.

75      Il en découle aussi que, par la prévision du critère pertinent, le Conseil n’a pas violé l’article 40, premier alinéa, TUE, selon lequel la mise en œuvre de la PESC n’affecte pas l’application des procédures et l’étendue respective des attributions des institutions prévues par les traités pour l’exercice des compétences de l’Union visées aux articles 3 à 6 TFUE.

76      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter dans leur ensemble les griefs du requérant, tirés de l’illégalité, du caractère disproportionné et de l’absence de base juridique du critère pertinent.

77      Il convient, cependant, d’examiner si le Conseil, lors de l’application au cas du requérant du critère pertinent, interprété dans le sens indiqué notamment au point 73 ci-dessus, a commis des erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation commises lors de l’application du critère pertinent au cas du requérant

78      Le requérant rappelle que le Conseil supporte la charge de la preuve lorsqu’il adopte des mesures restrictives à l’égard d’une personne et que toute décision prise dans ce contexte doit reposer sur une base factuelle suffisamment solide, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

79      Plus particulièrement, le requérant fait valoir, premièrement, le caractère insuffisant des informations dont le Conseil disposait quant aux faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens qui lui étaient reprochés, deuxièmement, l’absence d’atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’Ukraine et, troisièmement, l’existence d’irrégularités affectant la procédure pénale le concernant.

80      Avant d’examiner en détail les arguments du requérant, il convient de rappeler quelques principes sur le contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal dans le cadre du contentieux des mesures restrictives et sur les obligations incombant au Conseil.

  Sur le contrôle juridictionnel et sur les obligations du Conseil

81      Selon la jurisprudence, il appartient au juge de l’Union, dans le cadre de son contrôle juridictionnel des mesures restrictives, de reconnaître au Conseil une large marge d’appréciation pour la définition des critères généraux délimitant le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de telles mesures (voir, en ce sens, arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 120, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41).

82      Toutefois, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur une liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou à tout le moins l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés de façon suffisamment précise et concrète (voir arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 36 et jurisprudence citée).

83      Selon la jurisprudence, le Conseil n’est pas tenu d’entreprendre, d’office et de manière systématique, ses propres investigations ou d’opérer des vérifications en vue d’obtenir des précisions supplémentaires lorsqu’il dispose déjà d’éléments fournis par les autorités d’un pays tiers pour prendre des mesures restrictives à l’égard de personnes qui en sont originaires et qui y font l’objet de procédures judiciaires (arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 57).

84      À cet égard, ainsi que cela a été observé au point 59 ci-dessus, le BPG est l’une des plus hautes autorités judiciaires ukrainiennes.

85      Certes, il peut être déduit, par analogie, de la jurisprudence en matière de mesures restrictives adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qu’il appartenait, en l’espèce, au Conseil d’examiner avec soin et impartialité les éléments de preuve qui lui avaient été transmis par les autorités ukrainiennes, en particulier les lettres du BPG des 8 septembre et 30 novembre 2015, au regard, en particulier, des observations et des éventuels éléments à décharge présentés par le requérant. Par ailleurs, dans le cadre de l’adoption de mesures restrictives, le Conseil est soumis à l’obligation de respecter le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la Charte, auquel se rattache, selon une jurisprudence constante, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 58 et jurisprudence citée).

86      Toutefois, il résulte également de la jurisprudence que, pour apprécier la nature, le mode et l’intensité de la preuve qui peut être exigée du Conseil, il convient de tenir compte de la nature et de la portée spécifique des mesures restrictives ainsi que de leur objectif (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 59 et jurisprudence citée).

87      À cet égard, ainsi qu’il résulte des considérants 1 et 2 de la décision 2014/119 (voir point 3 ci-dessus), celle-ci s’inscrit dans le cadre plus général d’une politique de soutien de l’Union aux autorités ukrainiennes destinée à favoriser la stabilisation politique de l’Ukraine. Elle répond ainsi aux objectifs de la PESC, qui sont définis, en particulier, à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE en vertu duquel l’Union met en œuvre une coopération internationale en vue de consolider et de soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 60 et jurisprudence citée).

88      C’est dans ce cadre que les mesures restrictives en cause prévoient le gel des fonds et des ressources économiques notamment de personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien. En effet, la facilitation de la récupération de ces fonds renforce et soutient l’État de droit en Ukraine (voir points 69 à 73 ci-dessus).

89      Il s’ensuit que les mesures restrictives en cause ne visent pas à sanctionner des agissements répréhensibles qui seraient commis par les personnes visées ni à les dissuader, par la contrainte, de se livrer à de tels agissements. Ces mesures ont pour seul objet de faciliter la constatation par les autorités ukrainiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de ces détournements. Elles revêtent donc une nature purement conservatoire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 62 et jurisprudence citée).

90      Ainsi, les mesures restrictives en cause, qui ont été édictées par le Conseil sur la base des compétences qui lui sont conférées par les articles 21 et 29 TUE, sont dépourvues de connotation pénale. Elles ne sauraient donc être assimilées à une décision de gel d’avoirs d’une autorité judiciaire nationale d’un État membre prise dans le cadre de la procédure pénale applicable et dans le respect des garanties offertes par cette procédure. Par conséquent, les exigences s’imposant au Conseil en matière de preuves sur lesquelles est fondée l’inscription d’une personne sur la liste de celles faisant l’objet de ce gel d’avoirs ne sauraient être strictement identiques à celles qui s’imposent à l’autorité judiciaire nationale dans le cas susmentionné (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 64 et jurisprudence citée).

91      En l’espèce, ce qu’il importe au Conseil de vérifier, c’est, d’une part, dans quelle mesure les lettres du BPG sur lesquelles celui-ci s’est fondé permettent d’établir que, comme l’indiquent les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause, celui-ci fait l’objet de procédures pénales de la part des autorités ukrainiennes pour des faits susceptibles de relever du détournement de fonds publics et, d’autre part, que ces procédures permettent de qualifier les agissements du requérant conformément au critère pertinent. Ce n’est que si ces vérifications n’aboutissaient pas que, au regard de la jurisprudence rappelée au point 85 ci-dessus, il appartiendrait au Conseil d’opérer des vérifications supplémentaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 65 et jurisprudence citée).

92      Par ailleurs, dans le cadre de la coopération régie par les actes attaqués (voir point 87 ci-dessus), il n’appartient pas, en principe, au Conseil d’examiner et d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels les autorités ukrainiennes se fondent pour conduire des procédures pénales visant le requérant pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 89 ci-dessus, en adoptant les actes attaqués, le Conseil ne cherche pas à sanctionner lui-même les détournements de fonds publics sur lesquels les autorités ukrainiennes enquêtent, mais à préserver la possibilité pour ces autorités de constater lesdits détournements et d’en recouvrer le produit. C’est donc à ces autorités qu’il appartient, dans le cadre desdites procédures, de vérifier les éléments sur lesquels elles se fondent et, le cas échéant, d’en tirer les conséquences en ce qui concerne l’aboutissement de ces procédures. Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du point 90 ci-dessus, les obligations du Conseil dans le cadre des actes attaqués ne sauraient être assimilées à celles d’une autorité judiciaire nationale d’un État membre dans le cadre d’une procédure pénale de gel d’avoirs, ouverte notamment dans le cadre de la coopération pénale internationale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 66).

93      Cette interprétation est confirmée par le point 77 de l’arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C‑220/14 P, EU:C:2015:147), dans lequel la Cour a jugé, dans des circonstances semblables à celles de la présente affaire, qu’il appartenait au Conseil ou au Tribunal de vérifier non pas le bien-fondé des enquêtes dont les requérants faisaient l’objet, mais uniquement le bien-fondé de la décision de gel des fonds au regard de la demande d’entraide des autorités égyptiennes.

94      Certes, le Conseil ne saurait entériner, en toutes circonstances, les constatations des autorités judiciaires ukrainiennes figurant dans les documents fournis par ces dernières. Un tel comportement ne serait pas conforme au principe de bonne administration, ni, d’une manière générale, à l’obligation, pour les institutions de l’Union, de respecter les droits fondamentaux dans le cadre de l’application du droit de l’Union, en vertu de l’application combinée de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, et de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 67).

95      Toutefois, il appartient au Conseil d’apprécier, en fonction des circonstances de l’espèce, la nécessité de mener des vérifications supplémentaires, en particulier de solliciter des autorités ukrainiennes la communication d’éléments de preuve additionnels si ceux déjà fournis se révèlent insuffisants. En effet, il ne pourrait être exclu que des éléments portés à la connaissance du Conseil, soit par les autorités ukrainiennes elles-mêmes, soit d’une autre manière, ne conduisent cette institution à douter du caractère suffisant des preuves déjà fournies par ces autorités. Par ailleurs, dans le cadre de la faculté qui doit être conférée aux personnes visées de présenter des observations concernant les motifs que le Conseil envisage de retenir pour maintenir leur nom sur la liste en cause, ces personnes sont susceptibles de présenter de tels éléments, voire des éléments à décharge, qui nécessiteraient que le Conseil conduise des vérifications supplémentaires. En particulier, s’il n’appartient pas au Conseil de se substituer aux autorités judiciaires ukrainiennes dans l’appréciation du bien-fondé des procédures pénales mentionnées dans les lettres du BPG, il ne peut être exclu que, au regard notamment des observations du requérant, cette institution soit tenue de solliciter auprès des autorités ukrainiennes des éclaircissements concernant les éléments sur lesquels ces procédures sont fondées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 68).

96      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier les arguments spécifiques du requérant (voir point 79 ci-dessus).

 Sur le caractère suffisant des informations dont le Conseil disposait quant aux faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens reprochés au requérant

97      Le requérant fait valoir que, tout comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), les lettres du BPG sur lesquelles le Conseil s’est fondé, en particulier celle du 30 novembre 2015, ne fournissent pas assez de détails concernant le détournement de fonds qui lui est reproché et n’expliquent pas comment il aurait pu obtenir la somme de [confidentiel] hryvnias ukrainiennes (UAH) qui y est mentionnée. En outre, le requérant fait remarquer que ce prétendu détournement a trait à des biens immobiliers qui, de par leur nature même, se situent toujours en Ukraine et ne peuvent pas être transférés à l’étranger. Dès lors, seules les autorités ukrainiennes pourraient mener des actions permettant de récupérer les biens en cause, alors que le gel de fonds du requérant décidé par le Conseil n’aurait aucune incidence sur ce prétendu détournement. Par ailleurs, le requérant fait valoir que les biens dont il est question dans la lettre du BPG du 30 novembre 2015 sont supposés avoir fait l’objet d’un transfert [confidentiel] dans les années 2006 et 2007 et que, pendant la période suivant ce transfert, différentes autorités ukrainiennes ayant eu à apprécier la légalité de cette transaction commerciale ont jugé que les plaintes à cet égard étaient sans fondement. Ladite lettre ne préciserait pas s’il s’agit bien de la même transaction ni les motifs pour lesquels il est actuellement allégué que le requérant a détourné les biens immobiliers en cause.

98      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

99      Il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), le requérant a eu gain de cause, notamment au motif que le Conseil avait adopté des mesures restrictives à son égard sans connaître les faits de détournement de fonds publics qui étaient spécifiquement reprochés à celui-ci par les autorités ukrainiennes. En effet, la lettre du BPG sur laquelle le Conseil s’était fondé ne contenait qu’une affirmation générale et générique liant le nom du requérant, parmi ceux d’autres anciens hauts fonctionnaires, à une enquête qui, en substance, visait à vérifier l’existence même de faits de détournement de fonds publics. Bien qu’elle indiquât la nature de l’infraction que le requérant était soupçonné d’avoir commise aux termes du code pénal ukrainien, à savoir une appropriation de fonds de l’État ukrainien sanctionnée par l’article 191 dudit code, la lettre ne fournissait aucune précision sur l’établissement des faits que l’enquête conduite par les autorités ukrainiennes était en train de vérifier et, encore moins, sur la responsabilité individuelle, ne fût-ce que présumée, du requérant à leur égard. Ainsi, cette lettre ne pouvait pas constituer une base factuelle suffisamment solide pour permettre au Conseil de conclure que les faits reprochés au requérant étaient susceptibles, d’une part, d’être qualifiés de détournement de fonds publics et, d’autre part, de remettre en cause l’état de droit en Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil, T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45, points 41, 44, 47 et 48).

100    Or, force est de constater que les lettres du BPG qui constituent le fondement des actes attaqués en l’espèce, en particulier la lettre du 30 novembre 2015, fournissent davantage d’informations que celles qui se trouvaient dans la lettre qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45).

101    En effet, cette lettre contient les informations reprises au point 46 ci-dessus.

102    Il est également indiqué que ces faits correspondent à l’infraction pénale définie à l’article 191, paragraphe 5, du code pénal ukrainien, qui a trait au détournement de biens d’autrui par conspiration ourdie par un groupe de personnes, portant sur un montant particulièrement élevé.

103    De même, il est signalé qu’un avis de suspicion concernant le requérant a été émis [confidentiel] et que ce dernier a été inscrit sur la liste des personnes recherchées au niveau international [confidentiel].

104    En outre, il est indiqué que, au cours de l’enquête, des biens appartenant au requérant et à sa famille ont été saisis à la demande de l’enquêteur, par la décision du tribunal de district du 3 octobre 2014.

105    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le Conseil disposait d’informations suffisamment précises lorsqu’il a adopté les actes attaqués.

106    Quant à l’argument du requérant ayant trait au fait que, en l’espèce, il s’agirait de détournement des biens immobiliers, qui ne peuvent pas, par leur nature, être transférés en dehors de l’Ukraine, il convient d’observer que le critère pertinent ne prévoit pas que, pour qu’une personne puisse être désignée, il doit exister un risque que les fonds publics qu’elle est soupçonnée d’avoir détournés soient transférés à l’étranger. Ainsi, la référence au détournement de fonds publics, dans le cas où elle est fondée, suffit, à elle seule, à justifier les mesures restrictives à l’égard du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 129).

107    À cet égard, il résulte de la jurisprudence que la notion de détournement de fonds publics englobe tout acte qui consiste en l’utilisation illicite de ressources appartenant aux collectivités publiques, ou qui sont placées sous leur contrôle, à des fins contraires à celles auxquelles ces ressources sont destinées, en particulier à des fins privées. Pour relever de ladite notion, cette utilisation doit ainsi avoir comme conséquence une atteinte portée aux intérêts financiers de ces collectivités et donc avoir causé un préjudice susceptible d’être évalué en termes financiers (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, CW/Conseil, T‑224/14, non publié, EU:T:2016:375, point 89).

108    Au demeurant, il est à relever que cette interprétation de la notion en cause aboutit à une définition analogue à celle de la notion de « détournement de fonds de l’Union » qui est visée à l’article 4, paragraphe 3, de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2017, relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (JO 2017, L 198, p. 29). En effet, conformément à cet article, « on entend par “détournement” le fait, pour un agent public auquel est confiée, directement ou indirectement, la gestion de fonds ou d’avoirs d’engager ou de dépenser des fonds ou de s’approprier ou d’utiliser des avoirs d’une manière contraire aux fins prévues pour ces derniers, portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, CW/Conseil, T‑224/14, non publié, EU:T:2016:375, point 90).

109    Une telle interprétation, large, de la notion en cause s’impose afin d’assurer le plein effet utile de la décision 2014/119, en vue de la réalisation de ses objectifs de renforcement de l’État de droit en Ukraine. Compte tenu, par ailleurs, du caractère purement conservatoire de la mesure litigieuse, le principe général du droit de l’Union de légalité des délits et des peines, consacré par l’article 49, paragraphe 1, première phrase, de la Charte, d’une part, et celui de la présomption d’innocence, consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, d’autre part, ne sont pas applicables en l’espèce et ne sauraient, par conséquent, s’opposer à une telle interprétation large (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, CW/Conseil, T‑224/14, non publié, EU:T:2016:375, point 91 et jurisprudence citée).

110    En l’espèce, ainsi que le fait remarquer à juste titre le Conseil, le détournement de fonds ou d’avoirs publics décrit dans la lettre du 30 novembre 2015, tant qu’il persiste et qu’il n’y a pas été remédié, par exemple en vertu d’une décision judiciaire devenue définitive, cause une perte pour l’État ukrainien, qui est privé de ses droits de propriété, d’utilisation et de jouissance sur les fonds ou avoirs détournés, y compris les recettes que ces derniers pourraient générer.

111    Le fait que, à la suite des mesures restrictives prévues dans les actes attaqués, les fonds du requérant dans l’Union soient provisoirement gelés contribue à faciliter la tâche des autorités ukrainiennes de récupération des fonds et d’avoirs publics détournés, dans l’hypothèse où le requérant serait condamné, et complètent les mesures adoptées au niveau national, telles que la saisie des biens ordonnée par le tribunal de district (voir point 104 ci-dessus).

112    En effet, dans l’hypothèse où les accusations envers le requérant seraient reconnues comme étant fondées par les juridictions ukrainiennes et que celles-ci ordonneraient le recouvrement des fonds détournés, ce dernier pourra être effectué, notamment, en utilisant les fonds que le requérant pourrait avoir placés dans l’Union. À cet égard, il importe peu de savoir si ces éventuels fonds trouvent leur origine dans la transaction qui fait l’objet de l’enquête visant le requérant, étant donné que ce qui compte est de faciliter le recouvrement par l’État ukrainien de fonds qui n’auraient jamais dû lui être soustraits.

113    En ce qui concerne l’argument par lequel le requérant, en substance, fait valoir que le Conseil a omis de procéder à des vérifications supplémentaires sur les faits qui lui sont reprochés dans la lettre du 30 novembre 2015, qui remonteraient aux années 2006-2007 et sur lesquels, par la suite, se seraient prononcées plusieurs autorités ukrainiennes, en rejetant comme étant sans fondement les plaintes qui avaient été introduites à cet égard (ci-après l’« argument en cause »), il y a lieu de relever que le requérant n’a pas été en mesure de démontrer qu’il avait invoqué l’argument en cause devant le Conseil, avant l’adoption des actes attaqués.

114    En effet, premièrement, dans sa réponse écrite à la question du Tribunal l’invitant à préciser quand et dans quels termes il avait soulevé l’argument en cause devant le Conseil, le requérant n’a produit aucun document permettant d’établir qu’il avait invoqué un tel argument avant l’adoption des actes attaqués. Ainsi, dans la lettre du 27 août 2014 qu’il mentionne dans sa réponse et qui a été produite à la suite de l’audience (voir point 29 ci-dessus), ne se trouvent que des vagues références au fait que le requérant a été visé par « l’enquête [confidentiel] » et qu’il « a toutefois été, peu de temps après, exclu de ladite enquête et n’a depuis lors plus jamais été poursuivi dans le cadre de celle-ci ». Le requérant n’a pas fourni de précision concernant l’objet de cette enquête et les raisons de son exclusion de celle-ci.

115    Deuxièmement, le Conseil, dans sa réponse écrite à la question du Tribunal visée au point 114 ci-dessus, a confirmé avoir pris connaissance de l’argument en cause seulement lorsque le greffe du Tribunal lui a notifié la requête dans la présente affaire. Par ailleurs, le Conseil a précisé que, après avoir appris l’existence d’un tel argument, il a procédé à des vérifications supplémentaires, en demandant des explications aux autorités ukrainiennes, qui lui ont répondu dans les termes indiqués dans le document de travail du Conseil du 18 novembre 2016 produit devant le Tribunal. Toutefois, cette démarche du Conseil et la réponse des autorités ukrainiennes ne sont pas pertinentes aux fins de la présente affaire, dès lors que la légalité des actes attaqués doit être appréciée dans le contexte qui existait au moment de leur adoption (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée).

116    Troisièmement, au cours de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le requérant a admis avoir soulevé l’argument en cause pour la première fois dans la requête par laquelle la présente affaire a été introduite, tout en soulignant qu’il incombait au Conseil de vérifier de manière proactive si les faits sur lesquels il se fondait étaient corrects. Il a été pris acte de cette réponse dans le procès-verbal de l’audience.

117    Quatrièmement, en réponse à d’autres questions du Tribunal posées lors de l’audience, le requérant a également admis que, dans sa lettre du 5 janvier 2016 (voir point 20 ci-dessus), contenant ses observations sur la lettre du BPG du 30 novembre 2015, il n’avait pas invoqué l’argument en cause, puisque ses avocats n’avaient pas encore été informés par leur client de la circonstance selon laquelle les faits mentionnés dans cette dernière lettre remontaient aux années 2006-2007 et avaient déjà été examinés par plusieurs autorités ukrainiennes.

118    Dans ces circonstances, force est de conclure que le requérant n’avait pas fourni au Conseil des éléments susceptibles de déclencher l’obligation pour ce dernier de procéder à des vérifications supplémentaires, conformément à la jurisprudence rappelée au point 95 ci-dessus. Dès lors, le Conseil pouvait légitimement se limiter à se fonder sur les éléments que les autorités ukrainiennes lui avaient déjà fournis.

119    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les présents arguments du requérant ainsi que son second argument repris au point 53 ci-dessus.

 Sur l’atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’État ukrainien

120    Le requérant soutient que le Conseil n’a jamais expliqué en quoi les faits qui lui étaient reprochés étaient susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’Ukraine.

121    En premier lieu, le Conseil soulève une fin de non-recevoir contre les présents arguments du requérant, qui n’auraient été invoqués que dans la réplique et ne rempliraient pas les conditions prévues pour soulever des arguments nouveaux. En second lieu, le Conseil, soutenu par la Commission, conteste sur le fond ces arguments.

122    En ce qui concerne la fin de non-recevoir invoquée par le Conseil, il y a lieu de rappeler que, certes, aux termes de l’article 84 du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

123    Toutefois, la jurisprudence a précisé qu’un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. Par ailleurs, les arguments dont la substance présente un lien étroit avec un moyen énoncé dans la requête introductive d’instance ne peuvent être considérés comme des moyens nouveaux et leur présentation est admise au stade de la réplique ou de l’audience (voir arrêt du 12 septembre 2012, Italie/Commission, T‑394/06, non publié, EU:T:2012:417, point 48 et jurisprudence citée).

124    Or, en l’espèce, le requérant, dans la requête, avait cité textuellement le point 48 de l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), où était évoquée la question de savoir si le Conseil disposait d’éléments de preuve lui permettant d’établir si certains faits pouvaient remettre en cause l’État de droit en Ukraine.

125    Dans la réplique, le requérant avait développé cet argument, au vu notamment des principes établis dans la jurisprudence rendue entre-temps, qui ont été rappelés aux points 71 à 73 ci-dessus. À cet égard, il y a lieu d’observer que, certes, une jurisprudence qui n’a fait que confirmer une situation de droit que le requérant connaissait, en principe, au moment où il a introduit son recours ne saurait être considérée comme un élément nouveau permettant la production d’un moyen nouveau (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2014, Deltafina/Commission, C‑578/11 P, EU:C:2014:1742, points 75 et 76, et du 12 juillet 2001, Banatrading/Conseil, T‑3/99, EU:T:2001:187, point 49 et jurisprudence citée). Cependant, il en va différemment lorsqu’il s’agit d’une jurisprudence qui fournit des précisions telles que celles visées auxdits points.

126    Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil doit être rejetée.

127    En ce qui concerne le bien-fondé des présents arguments du requérant, il y a lieu de relever que les faits pour lesquels le requérant est poursuivi par les autorités ukrainiennes ont trait au détournement de fonds importants, qui s’élèvent à [confidentiel] d’UAH ([confidentiel]).

128    Par ailleurs, les faits reprochés au requérant s’insèrent dans un contexte plus large où une partie non négligeable de l’ancienne classe dirigeante ukrainienne est soupçonnée d’avoir commis de graves infractions dans la gestion des ressources publiques, menaçant ainsi sérieusement les fondements institutionnels et juridiques du pays et portant notamment atteinte aux principes de légalité, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, du contrôle juridictionnel effectif et d’égalité devant la loi (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 117). À cet égard, il y a lieu de souligner que, selon la lettre du 30 novembre 2015, le requérant est soupçonné [confidentiel].

129    Or, la facilitation de la récupération des fonds prétendument détournés par le requérant, ensemble avec celle des fonds prétendument détournés par d’autres personnes visées par les mesures restrictives en cause, relève de l’objectif de renforcement de l’État de droit. Dans ce contexte, il convient de noter que les mesures restrictives en cause facilitent et complètent les efforts déployés par les autorités ukrainiennes pour récupérer les fonds publics détournés, dont atteste, par exemple, la décision du tribunal de district du 3 octobre 2014. Dès lors, le gel des fonds décidé par le Conseil renforce l’efficacité de l’initiative prise au niveau national.

130    Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence évoquée au point 67 ci-dessus, les mesures restrictives en question contribuent, de manière efficace, dans leur ensemble et compte tenu des fonctions exercées par le requérant au sein de l’ancienne classe dirigeante ukrainienne, à faciliter la poursuite des crimes de détournement de fonds publics commis au détriment des institutions ukrainiennes et permettent qu’il soit plus aisé, pour les autorités ukrainiennes, d’obtenir la restitution du fruit de tels détournements. Cela permet de faciliter, dans l’hypothèse où les poursuites judiciaires se révéleraient fondées, la répression, par des moyens judiciaires, des actes allégués de corruption commis par des membres de l’ancien régime, contribuant ainsi au soutien de l’État de droit dans ce pays (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 118).

131    Au vu de ces considérations, il y a lieu de rejeter les présents arguments du requérant.

 Sur les irrégularités affectant la procédure pénale concernant le requérant

132    Le requérant fait valoir que, en dépit des observations qu’il lui avait soumises, le Conseil n’a pas tenu compte du fait que la procédure pénale en cours à son égard en Ukraine était irrégulière, dès lors que l’exigence, prévue par le droit national, de réalisation de l’enquête préliminaire dans les deux mois suivant l’émission de l’avis de suspicion n’avait pas été respectée. Ainsi, cette enquête serait prescrite. Une autre irrégularité serait constituée par le fait que, pendant un certain temps, il n’y aurait pas eu de procureur général en fonction en Ukraine, en raison de conflits internes, de sorte que la procédure pénale en cause aurait été conduite par un procureur général adjoint, qui aurait signé la lettre du 30 novembre 2015. Dans ce contexte, le requérant indique également que son nom ne figure plus sur la liste des personnes recherchées au niveau international établie par l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol).

133    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

134    Premièrement, il y a lieu de relever que, par analogie avec ce qui a été observé aux points 91 à 95 ci-dessus en ce qui concerne la possibilité que le Conseil soit tenu de demander des éclaircissements aux autorités ukrainiennes quant aux éléments sur lesquels sont fondées les procédures pénales que celles-ci mènent, ce dernier n’est en principe pas tenu d’apprécier la conformité de ces procédures aux règles procédurales applicables selon le droit ukrainien.

135    En l’espèce, dans la lettre du 11 décembre 2015 (voir point 18 ci-dessus) le requérant avait attiré l’attention du Conseil sur les dispositions de droit ukrainien fixant des délais pour la durée des enquêtes préliminaires et sur la prescription.

136    Le Conseil a ignoré les observations du requérant jusqu’à la lettre du 7 mars 2016, dans laquelle il a indiqué que d’éventuelles plaintes concernant la manière dont le cas du requérant était traité en Ukraine devaient être adressées aux autorités ukrainiennes et traitées par celles-ci.

137    Cependant, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que le requérant n’a jamais exactement expliqué quelles étaient, selon le droit ukrainien, les conséquences juridiques du non-respect du délai normalement prévu pour une enquête préparatoire.

138    Par ailleurs, dans sa lettre du 11 décembre 2015, le requérant semble admettre que le fait que la personne concernée par une enquête préliminaire ait pris la fuite puisse suspendre la prescription, bien qu’il indique que, dans un tel cas, l’enquête ne peut porter que sur la recherche du suspect. Or, une telle enquête est une étape préalable nécessaire pour que la procédure pénale sur le détournement de fonds publics puisse se poursuivre.

139    En ce qui concerne la preuve qu’il avait pris la fuite, le requérant soutient que le Conseil, lors de l’adoption des actes attaqués, ne disposait pas de la lettre du BPG du 25 juillet 2016, [confidentiel]. Toutefois, il convient de relever que, ainsi que le fait remarquer le Conseil, le fait que le requérant se cachait pouvait être déduit des informations résultant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 2016, Stavytskyi/Conseil (T‑486/14, non publié, EU:T:2016:45), le requérant ayant fourni comme seule adresse celle de ses avocats, tout comme il l’a fait en l’espèce, du reste. Ces informations étaient connues du Conseil lors de l’adoption des actes attaqués.

140    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le Conseil pouvait légitimement estimer que les observations du requérant ne remettaient pas en cause l’existence d’une procédure pénale à son égard pour des faits de détournement de fonds publics.

141    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument du requérant portant sur la vacance, pendant la période où les lettres du BPG des 8 septembre et 30 novembre 2015 ont été rédigées, du poste de procureur général d’Ukraine, il suffit de relever, en tout état de cause, à l’instar du Conseil, que ces lettres ont été signées par le procureur général adjoint, qui, en tant que haut fonctionnaire du Parquet général, était habilité à fournir des informations sur les enquêtes menées sur le requérant.

142    Troisièmement, s’agissant de la question de savoir si le nom du requérant figurait sur la liste d’Interpol concernant les personnes recherchées au niveau international, il y a lieu d’observer que le critère pertinent ne fait référence qu’à l’existence d’une procédure pénale en Ukraine, sans mentionner le fait que la personne concernée soit ou non recherchée au niveau international. Dès lors, ainsi que le Conseil l’a admis lors de l’audience, en répondant à une question du Tribunal, la présence du nom du requérant sur ladite liste est un simple élément de contexte, qui ne saurait avoir aucune valeur déterminante. En tout état de cause, il résulte des preuves produites par le Conseil que, au moment de l’adoption des actes attaqués, le nom du requérant figurait sur cette liste.

143    Dans ces circonstances, les présents arguments du requérant doivent être écartés.

144    Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent recours dans son ensemble. Partant, il n’est pas nécessaire de statuer sur la demande (voir point 33 ci-dessus), présentée à titre subsidiaire par le Conseil, de maintenir les effets de la décision 2014/119, telle que modifiée en dernier lieu par la décision 2016/318.

 Sur les dépens

145    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

146    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Edward Stavytskyi supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.