Language of document : ECLI:EU:C:2019:919

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

31 octobre 2019 (*)

« Manquement d’État – Ressources propres – Association des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) à l’Union européenne – Décision 91/482/CEE – Article 101, paragraphe 2 – Admission à l’importation dans l’Union en exemption de droits de douane des produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l’état vers l’Union – Certificats d’exportation EXP – Délivrance irrégulière de certificats par les autorités d’un PTOM – Article 4, paragraphe 3, TUE – Principe de coopération loyale – Responsabilité de l’État membre entretenant des relations particulières avec le PTOM concerné – Obligation de compenser la perte de ressources propres de l’Union causée par la délivrance irrégulière de certificats d’exportation EXP – Importations d’aluminium en provenance d’Anguilla »

Dans l’affaire C‑391/17,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 30 juin 2017,

Commission européenne, représentée par MM. A. Caeiros, J.‑F. Brakeland, L. Flynn et S. Noë, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mmes J. Kraehling, G. Brown et R. Fadoju ainsi que par M. S. Brandon, en qualité d’agents, assistés de MM. K. Beal, QC, et P. Luckhurst, barristers, puis par MM. S. Brandon et F. Shibli, en qualité d’agents, assistés de MM. K. Beal, QC, et P. Luckhurst, barristers,

partie défenderesse,

soutenu par :

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. K. Bulterman et P. Huurnink ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, M. Safjan, S. Rodin, présidents de chambre, MM. J. Malenovský, L. Bay Larsen, T. von Danwitz (rapporteur), Mme C. Toader, MM. C. Vajda, F. Biltgen et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme L. Hewlett, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 octobre 2018,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 février 2019,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas compensé la perte des ressources propres qui auraient dû être constatées et mises à la disposition du budget de l’Union européenne conformément aux articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement (CEE, Euratom) no 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 1989, L 155, p. 1), si des certificats d’exportation n’avaient pas été délivrés en violation de l’article 101, paragraphe 2, de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne (JO 1991, L 263, p. 1, ci-après la « décision PTOM »), pour les importations d’aluminium en provenance d’Anguilla pendant la période 1999/2000, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 5 du traité CE (devenu article 10 CE puis article 4, paragraphe 3, TUE).

 Le cadre juridique

 Le droit international

2        La charte des Nations unies a été signée à San Francisco le 26 juin 1945. L’article 73, sous b), de cette charte, qui figure au chapitre XI de celle-ci, intitulé « Déclaration relative aux territoires non autonomes », dispose :

« Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d’administrer des territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l’obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et de sécurité internationales établi par la présente Charte et, à cette fin :

[...]

b.       de développer leur capacité de s’administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement ».

 Le droit de l’Union

 Le traité CE

3        Les faits à l’origine du manquement reproché sont à la fois antérieurs et postérieurs à l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam ayant modifié le traité CE. Toutefois, les dispositions pertinentes pour le présent recours en manquement sont restées en substance identiques. L’article 5 du traité CE (devenu article 10 CE) était libellé comme suit :

« Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.

Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité. »

4        Cette disposition a, en substance, été remplacée par l’article 4, paragraphe 3, TUE.

5        La quatrième partie de ce traité, intitulée « L’association des pays et territoires d’outre-mer », regroupait les articles 131 à 137 de celui-ci (devenus, après modification, articles 182 CE à 188 CE puis articles 198 à 204 TFUE). Aux termes dudit article 131 (devenu, après modification, article 182 CE puis article 198 TFUE) :

« Les États membres conviennent d’associer à la Communauté les pays et territoires non européens entretenant avec la Belgique, le Danemark, la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières. Ces pays et territoires, ci-après dénommés “pays et territoires”, sont énumérés à la liste qui fait l’objet de l’annexe IV du présent traité.

Le but de l’association est la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l’établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble.

Conformément aux principes énoncés dans le préambule du présent traité, l’association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu’ils attendent. »

6        L’article 133, paragraphe 1, dudit traité (devenu, après modification, article 184, paragraphe 1, CE puis article 200, paragraphe 1, TFUE) prévoyait :

« Les importations originaires des pays et territoires bénéficient à leur entrée dans les États membres de l’élimination totale des droits de douane qui intervient progressivement entre les États membres conformément aux dispositions du présent traité. »

7        Selon l’article 136 du même traité (devenu, après modification, article 187 CE puis article 203 TFUE) :

« Pour une première période de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du présent traité, une convention d’application annexée à ce traité fixe les modalités et la procédure de l’association entre les pays et territoires et la Communauté.

Avant l’expiration de la convention prévue à l’alinéa ci-dessus, le Conseil statuant à l’unanimité établit, à partir des réalisations acquises et sur la base des principes inscrits dans le présent traité, les dispositions à prévoir pour une nouvelle période. »

8        L’article 227, paragraphes 1 et 3, du traité CE (devenu, après modification, article 299, paragraphes 1 et 3, CE puis article 52, paragraphe 1, TUE et article 355, paragraphe 2, TFUE) disposait :

« 1.       Le présent traité s’applique au Royaume de Belgique, au Royaume de Danemark, à la République fédérale d’Allemagne, à la République hellénique, au Royaume d’Espagne, à la République française, à l’Irlande, à la République italienne, au Grand-Duché de Luxembourg, au Royaume des Pays-Bas, à la République d’Autriche, à la République portugaise, à la République de Finlande, au Royaume de Suède et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. 

[...]

3.       Les pays et territoires d’outre-mer dont la liste figure à l’annexe IV du présent traité font l’objet du régime spécial d’association défini dans la quatrième partie de ce traité.

Le présent traité ne s’applique pas aux pays et territoires d’outre-mer entretenant des relations particulières avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord qui ne sont pas mentionnés dans la liste précitée. »

9        La liste figurant à l’annexe IV du traité CE (devenue, après modification, annexe II du traité CE puis annexe II du traité FUE), intitulée « Pays et territoires d’outre-mer auxquels s’appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité », visait, notamment, Anguilla.

 Le règlement no 1552/89

10      Les articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement no 1552/89 régissaient, à l’époque des faits, les conditions dans lesquelles les États membres étaient tenus de constater et de mettre à disposition du budget de l’Union les ressources propres de celle-ci, parmi lesquelles figuraient les droits de douane.

 La décision PTOM

11      Les premier et troisième considérants de la décision PTOM étaient libellés comme suit :

« [C]onsidérant qu’il est nécessaire d’établir pour une nouvelle période les dispositions applicables à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne, ci-après dénommés “PTOM” ; que ces dispositions s’appliquent aux territoires relevant de la République française, aux pays et territoires relevant du Royaume-Uni, aux pays relevant du royaume des Pays-Bas et, pour partie, au Groenland ;

[...]

considérant que la Communauté a ouvert de longue date son marché aux produits originaires des PTOM, de même qu’à ceux des États ACP ; qu’il convient, eu égard aux relations particulières entre la Communauté et les PTOM fondées sur les dispositions du traité et en particulier sa quatrième partie, d’améliorer ses dispositions en octroyant aux PTOM une plus grande souplesse quant aux règles d’origine pour les produits originaires des PTOM et en adoptant des dispositions nouvelles quant à certains produits non originaires des PTOM ».

12      Conformément à l’article 1er de cette décision, celle-ci avait pour objet de promouvoir et d’accélérer le développement économique, culturel et social et le renforcement des structures économiques des PTOM énumérés à l’annexe I de ladite décision. Le point 5 de cette annexe visait Anguilla en tant que PTOM « relevant du [Royaume-Uni] ».

13      L’article 6, premier alinéa, de la décision PTOM disposait :

« Dans le cadre de leurs compétences respectives, les autorités participant à la procédure de partenariat visée à l’article 10 examinent périodiquement les résultats de l’application de celle-ci et donnent les avis et impulsions nécessaires à la réalisation des objectifs de la présente décision. »

14      Aux termes de l’article 10 de cette décision :

« Afin de permettre aux autorités locales compétentes des PTOM d’être davantage impliquées dans la mise en œuvre des principes de l’association des PTOM à la CEE, tout en respectant les compétences des pouvoirs centraux respectifs des États membres concernés, il est institué une procédure consultative fondée sur le principe du partenariat entre la Commission, l’État membre et le PTOM. 

Ce partenariat, dont les modalités sont fixées aux articles 234, 235 et 236 de la présente décision, permettra d’examiner les réalisations acquises dans le cadre de l’association et de débattre des problèmes se posant éventuellement dans les relations entre les PTOM et la Communauté. »

15      L’article 101, paragraphe 2, de ladite décision était libellé comme suit :

« Les produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l’état vers la Communauté sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d’effet équivalent à condition qu’ils :

–        aient acquitté, dans le PTOM concerné, des droits de douane ou taxes d’effet équivalent d’un niveau égal ou supérieur aux droits de douane applicables dans la Communauté à l’importation de ces mêmes produits originaires de pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée,

–        n’aient pas fait l’objet d’exemption ou de restitution, totale ou partielle, de droits de douane ou de taxes d’effet équivalent,

–        soient accompagnés d’un certificat d’exportation. »

16      Conformément à l’article 108, paragraphe 1, second tiret, de la décision PTOM, les conditions d’admission, dans l’Union, des produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM, et les méthodes de coopération administrative qui s’y rapportent, étaient définies à l’annexe III de celle-ci.

17      Aux termes de l’article 234 de cette décision :

« L’action communautaire s’appuie autant que possible sur une concertation étroite entre la Commission, l’État membre dont relève un PTOM et les autorités locales compétentes du PTOM.

Cette concertation est ci-après dénommée “partenariat”. »

18      L’article 235, paragraphes 1 et 2, de ladite décision prévoyait :

« 1.      Le partenariat porte sur la programmation, la préparation, le financement, le suivi et l’évaluation des actions menées par la Communauté dans le cadre de la présente décision, ainsi que sur tout problème se posant dans les relations entre les PTOM et la Communauté.

2.       À cette fin, des groupes de travail d’association des PTOM, de caractère consultatif et composés des trois partenaires cités à l’article 234, peuvent être créés soit par zone géographique de PTOM, soit par groupe de PTOM relevant d’un même État membre, à la demande notamment des PTOM concernés. Ces groupes sont constitués :

–        soit sur une base ad hoc, pour traiter de problèmes spécifiques,

–        soit sur une base permanente, pour la période restant à courir dans le cadre de la décision d’ association ; dans ce cas, ils se réunissent au moins une fois par an, pour faire le point sur l’exécution de la présente décision ou pour traiter des autres questions citées au paragraphe 1. »

19      Selon l’article 237 de la même décision :

« Sous réserve des dispositions particulières en ce qui concerne les relations entre PTOM et les départements français d’outre-mer qui y sont prévues, la présente décision s’applique aux territoires où le traité instituant la Communauté économique européenne est d’application et selon les conditions prévues par ledit traité, d’une part, et aux territoires des PTOM, d’autre part. »

20      L’article 2 de l’annexe III de la décision PTOM, intitulé « Certificat d’exportation EXP », disposait, à ses paragraphes 1 et 6 :

« 1.      La preuve du respect des dispositions de l’article 101 paragraphe 2 de la décision est apportée par un certificat d’exportation EXP dont le modèle figure à l’annexe I de la présente annexe.

[...]

6.      La délivrance du certificat d’exportation EXP est effectuée par les autorités douanières du PTOM d’exportation, si les marchandises peuvent être considérées comme étant en libre pratique au sens de l’article 101 paragraphe 2 de la décision. »

21      L’article 7 de cette annexe, intitulé « Contrôle des certificats d’exportation EXP », prévoyait :

« 1.      Le contrôle a posteriori des certificats d’exportation EXP est effectué par sondage et chaque fois que les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes fondés quant à l’authenticité du document ou quant à l’exactitude des renseignements relatifs à l’origine réelle des produits en cause.

[...]

6.      Lorsque la procédure de contrôle ou toute autre information disponible semble indiquer que les dispositions de la présente annexe sont transgressées, le PTOM effectue, de sa propre initiative ou à la demande de la Commission, les enquêtes nécessaires, ou prend des dispositions pour que ces enquêtes soient effectuées avec l’urgence voulue en vue de déceler et de prévenir pareilles transgressions. La Commission peut participer à ces enquêtes.

[...]

7.      Les contestations qui n’ont pas pu être réglées entre les autorités douanières de l’État d’importation et celles du PTOM d’exportation ou qui soulèvent un problème d’interprétation de la présente annexe sont soumises au comité de législation douanière.

[...] »

22      Ainsi qu’il ressort, notamment, de la communication COM(77)210 final de la Commission, du 13 juin 1977, sur l’état de l’Union douanière de la Communauté économique européenne, le comité de législation douanière, institué par le Conseil et présidé par un représentant de la Commission, est composé de représentants des États membres.

 Le code des douanes et le règlement d’application

23      L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO 2000, L 311, p. 17) (ci-après le « code des douanes »), disposait :

« Hormis les cas visés à l’article 217 paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque :

[...]

b)       le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ; 

[...] »

24      Aux termes de l’article 239, paragraphe 1, de ce code :

« Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238 :

–        à déterminer selon la procédure du comité,

–        qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin, sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnées à des conditions particulières. »

25      Le règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1335/2003 de la Commission, du 25 juillet 2003 (JO 2003, L 187, p. 16) (ci-après le « règlement d’application »), comportait, au titre III de sa partie IV, intitulé « Recouvrement du montant de la dette douanière », les articles 868 à 876 bis, qui régissaient les demandes présentées au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes. L’article 873, premier alinéa, de ce règlement était libellé comme suit :

« Après consultation d’un groupe d’experts composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité afin d’examiner le cas d’espèce, la Commission prend une décision établissant soit que la situation examinée permet de ne pas prendre en compte a posteriori des droits en cause, soit qu’elle ne le permet pas. »

26      L’article 874 dudit règlement disposait :

« La notification de la décision visée à l’article 873 doit être faite à l’État membre concerné dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, dans un délai d’un mois à compter de la date d’expiration du délai visé audit article.

La Commission informe les États membres des décisions adoptées afin d’aider les autorités douanières à statuer dans les situations dans lesquelles des éléments de fait et de droit comparables se présentent. »

27      L’article 875 de ce même règlement prévoyait :

« Lorsque la décision visée à l’article 873 établit que la situation examinée permet de ne pas prendre en compte a posteriori les droits en cause, la Commission peut préciser les conditions dans lesquelles les États membres peuvent ne pas prendre en compte a posteriori les droits dans des cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent. »

28      Le chapitre 3 du titre IV, relatif au remboursement et à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation, de la partie IV du règlement d’application était intitulé « Dispositions spécifiques relatives à l’application de l’article 239 du [code des douanes] ». Il comprenait une section 2, relative aux décisions à prendre par la Commission, dans laquelle figuraient les articles 905 à 909 de ce règlement. L’article 907 de celui-ci disposait, à son premier alinéa :

« Après consultation d’un groupe d’experts, composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité afin d’examiner le cas d’espèce, la Commission prend une décision établissant soit que la situation particulière examinée justifie l’octroi du remboursement ou de la remise, soit qu’elle ne le justifie pas. »

29      L’article 908 de ce règlement prévoyait :

« 1.      La notification de la décision visée à l’article 907 doit être faite à l’État membre concerné dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, dans un délai d’un mois à compter de la date d’expiration du délai visé audit article.

La Commission informe les États membres des décisions adoptées afin d’aider les autorités douanières à statuer sur les cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent.

2.      Sur la base de la décision de la Commission, notifiée dans les conditions prévues au paragraphe 1, l’autorité de décision statue sur la demande qui lui a été présentée.

3.      Lorsque la décision visée à l’article 907 établit que la situation particulière examinée justifie l’octroi du remboursement ou de la remise, la Commission peut préciser les conditions dans lesquelles les États membres peuvent rembourser ou remettre les droits dans des cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent. »

 Le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002

30      Le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1) (ci-après le « règlement financier »), dispose, à son article 73 bis :

« Sans préjudice des dispositions de la réglementation spécifique et de l’application de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés, les créances détenues par les Communautés sur des tiers, ainsi que les créances détenues par des tiers sur les Communautés, sont soumises à un délai de prescription de cinq ans.

La date à retenir pour le calcul du délai de prescription et les conditions d’interruption de ce délai sont fixées dans les modalités d’exécution ».

 Le règlement (CE, Euratom) no 2342/2002

31      L’article 85 ter du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1605/2002 (JO 2002, L 357, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 478/2007 de la Commission, du 23 avril 2007 (JO 2007, L 111, p. 13) (ci-après le « règlement d’exécution »), intitulé « Règles en matière de délais de prescription », énonce, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Le délai de prescription pour les créances détenues par les Communautés sur des tiers commence à courir à compter de la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit [...]. »

 Le droit du Royaume-Uni

32      En vertu du droit du Royaume-Uni, Anguilla est un territoire britannique d’outre-mer qui constitue un espace unique avec les autres territoires britanniques d’outre-mer et le Royaume-Uni, sans toutefois faire partie de ce dernier.

33      Anguilla dispose d’une constitution prévoyant l’institution d’un gouverneur, d’un conseil exécutif, d’une assemblée, d’une commission des services publics et d’une commission des services judiciaires.

34      Le gouvernement britannique est responsable internationalement des relations extérieures des territoires britanniques d’outre-mer, tels qu’Anguilla. En outre, selon un principe constitutionnel, le Parlement britannique dispose d’un pouvoir pour légiférer à l’égard de ces territoires.

 Les faits à l’origine du litige

35      Au cours de l’année 1998, Anguilla et Corbis Trading (Anguilla) Ltd (ci-après « Corbis »), société établie à Anguilla, ont mis en place un régime de transbordement dans le cadre duquel des importations d’aluminium en provenance de pays tiers étaient déclarées en douane à Anguilla puis transportées vers l’Union.

36      Les autorités d’Anguilla ont délivré, au cours des années 1998 et 1999, des certificats d’exportation EXP (ci-après les « certificats EXP ») pour la réexportation de livraisons d’aluminium originaire de pays tiers, ayant fait l’objet d’une opération de transbordement à Anguilla, à destination de l’Union.

37      Des doutes quant à la conformité du régime de transbordement mis en place à Anguilla à l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM ayant été soulevés, les Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration fiscale et douanière du Royaume-Uni) ont, au mois de novembre 1998, procédé à une enquête à l’issue de laquelle ils ont établi un rapport constatant que les entreprises européennes agissant en tant qu’importateurs d’aluminium à Anguilla, dans un premier temps, acquittaient des droits de douane à Anguilla et obtenaient un certificat EXP pour ces importations d’aluminium et, dans un second temps, se voyaient octroyer une « aide au transport ». Selon les constatations figurant dans ce rapport, ladite « aide au transport » était versée auxdites entreprises par Corbis, qui obtenait le remboursement des montants versés au titre de cette aide par les autorités d’Anguilla. Considérant que le régime de transbordement mis en place à Anguilla avait, en substance, été établi aux fins de restituer des droits de douane, ledit rapport concluait que le versement d’une telle « aide au transport » devait être considéré comme une restitution partielle des droits de douane acquittés à Anguilla, contraire à l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM.

38      Les résultats de l’enquête réalisée par l’administration fiscale et douanière du Royaume-Uni ont été transmis à l’unité de coordination de la lutte antifraude de la Commission (UCLAF).

39      Le 18 février 1999, l’UCLAF a publié une communication en vertu de l’article 45 du règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1) (ci-après la « communication sur l’assistance mutuelle »). Dans cette communication, l’UCLAF a fait part des informations reçues par l’administration fiscale et douanière du Royaume-Uni quant au régime de transbordement mis en place à Anguilla, telles que résumées au point 37 du présent arrêt. Estimant que des certificats EXP délivrés dans de telles conditions étaient incompatibles avec l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM, l’UCLAF a recommandé aux autorités des États membres de rejeter tous les certificats EXP délivrés par les autorités d’Anguilla et de prendre des mesures de sauvegarde, en demandant aux importateurs une garantie ou un dépôt au titre des droits de douane dus à l’entrée dans l’Union.

40      Le 28 mai 2003, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a rendu un rapport de mission conjoint (ci-après le « rapport de l’OLAF de 2003 ») portant sur les certificats EXP délivrés par les autorités d’Anguilla au cours des années 1998 et 1999. Au point 4.2 de ce rapport, l’OLAF relevait que, tout au long de cette période, les procédures douanières en vigueur à Anguilla étaient demeurées inchangées et que les entreprises ayant agi en tant qu’importatrices des livraisons d’aluminium à Anguilla étaient mentionnées, dans les certificats EXP délivrés par les autorités d’Anguilla, en tant qu’exportatrices de ces marchandises. Selon les constatations figurant au point 4.2 dudit rapport, l’« aide au transport » versée aux importateurs de l’Union était également restée inchangée pendant ladite période, même si Corbis avait modifié le contenu des factures adressées aux autorités d’Anguilla, lesquelles ne mentionnaient plus séparément l’« aide au transport » versée par Corbis. Le point 4.3 du rapport de l’OLAF de 2003 ajoutait que l’incitatif économique versé sous forme d’une telle aide s’élevait, en règle générale, à 25 dollars des États-Unis (USD) par tonne d’aluminium importée dans l’Union via Anguilla et pouvait, dans certains cas, excéder ce montant. Il était, par ailleurs, indiqué, à ce même point 4.3, les noms des sociétés importatrices dans l’Union ayant reçu des versements au titre de cette « aide au transport », ainsi que le montant total de ces versements.

41      Par la décision REC 03/2004 (C/2004/5358), du 28 décembre 2004 (ci-après la « décision REC 03/2004 »), la Commission a considéré, en ce qui concerne le cas particulier d’une importation en Italie, par une entreprise italienne, de 41 lingots d’aluminium originaire de pays tiers sous forme brute non allié, effectuée le 1er avril 1999 et couverte d’un certificat EXP délivré par les autorités d’Anguilla, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation. Dans cette décision, la Commission a relevé que, dans le cadre de l’enquête menée par l’Union et certains États membres sur le régime de transbordement à Anguilla à partir de l’année 1998, il avait été établi que les opérateurs économiques procédant à la mise en libre pratique d’aluminium à Anguilla pouvaient bénéficier du versement d’une « aide au transport » s’élevant à un montant de 25 USD par tonne de ce métal, aide versée sur la base d’une décision individuelle adoptée par les autorités d’Anguilla. S’agissant de la compatibilité des certificats EXP délivrés dans le contexte de l’octroi d’une telle aide avec l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM, la Commission a relevé, au point 9 de ladite décision, ce qui suit :

« Ayant examiné la manière dont les dispositions de l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM ont été appliquées à Anguilla, les services de la Commission ont conclu qu’il existait un lien entre le paiement des droits de douane et les versements subséquents de l’aide au transport, que le dispositif mis en place dans ce territoire (perception des droits de douane suivie du versement d’une aide au transport) n’était pas conforme aux dispositions de l’article 101, paragraphe 2, précité et que le versement de l’aide au transport devait en fait être interprété comme une restitution partielle de droits de douane. De ce fait, les marchandises ne pouvaient pas être admises à l’importation dans la Communauté en exemption de droits de douane. »

42      Dans sa décision REC 03/2004, la Commission a, en outre, considéré que les autorités d’Anguilla avaient délivré des certificats EXP alors qu’elles connaissaient ou auraient dû raisonnablement connaître la non-conformité du dispositif qu’elles avaient mis en place au regard de ces dispositions. À cet égard, les points 21 et 22 de cette décision soulignaient ce qui suit :

« (21) [I]l convient de constater qu’en l’espèce, certains éléments sont de nature à démontrer que les autorités compétentes d’Anguilla savaient ou, à tout le moins, auraient dû raisonnablement savoir que les marchandises pour lesquelles elles délivraient des certificats EXP ne remplissaient pas les conditions requises pour pouvoir bénéficier du traitement favorable à l’importation dans la Communauté.

(22)       De plus, il convient de noter que les exportations d’aluminium vers l’Union européenne en provenance d’Anguilla ont connu au cours des années 1998 et 1999 une progression importante, progression dont les autorités d’Anguilla ne pouvaient ignorer qu’elle était liée à l’octroi de l’aide au transport susmentionnée, même si ladite aide était versée par une administration locale distincte de celle chargée de la collecte des droits de douane lors de la mise en libre pratique à Anguilla et de la délivrance des certificats EXP. »

43      La Commission a néanmoins constaté, aux points 24 à 28 de cette décision, que l’erreur commise par les autorités d’Anguilla n’était pas décelable par un opérateur de bonne foi, au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, ce qui était le cas de l’entreprise italienne importatrice en cause.

44      Au point 31 de ladite décision, la Commission a, conformément à l’article 875 du règlement d’application, précisé dans les termes suivants les conditions dans lesquelles les États membres peuvent, en vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, ne pas prendre en compte a posteriori les droits à l’importation dans des cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent :

« Sont comparables en fait et en droit au cas d’espèce les demandes de non prise en compte a posteriori, déposées dans les délais légaux, concernant des opérations d’importation dans la Communauté en provenance d’Anguilla lorsque les circonstances dans lesquelles les opérations d’importation ont été effectuées sont comparables en fait et en droit à celles ayant donné lieu au cas d’espèce. Les intéressés ne devront en aucune manière avoir été impliqués dans les opérations d’acheminement des marchandises depuis le pays d’exportation jusqu’à l’entrée dans le territoire douanier communautaire, via Anguilla. Ils devront avoir acheté les marchandises en vertu d’un contrat DDP (delivered duty paid). Ils ne devront intervenir qu’en tant qu’importateur des marchandises dans la Communauté ou en tant que représentant d’un tel importateur. Enfin, ils ne devront pas être réputés liés à leur fournisseur, à l’exportateur à Anguilla, à des personnes ayant participé à l’acheminement des marchandises depuis le pays d’exportation jusque dans la Communauté ou au Gouvernement d’Anguilla. [...] Enfin, les intéressés devront n’avoir commis ni manœuvre, ni négligence manifeste. »

45      Dans la décision REM 03/2004 [(2006) 2030], du 24 mai 2006 (ci-après la « décision REM 03/2004 »), la Commission s’est prononcée sur un régime de transbordement mis en place à Saint-Pierre et Miquelon pour des importations dans l’Union d’aluminium originaire de pays tiers via ce PTOM, régime qui impliquait également la perception de droits de douane suivie du versement d’une « aide au transport » de 25 USD par tonne de ce métal aux opérateurs économiques procédant à la mise en libre pratique d’aluminium dans ledit PTOM. La Commission a encore considéré qu’un tel régime n’était pas conforme à l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM et que les autorités de ce même PTOM savaient ou auraient dû raisonnablement savoir que les conditions de délivrance d’un certificat EXP n’étaient pas remplies. Dans ces conditions, elle a conclu qu’il convenait de procéder à la remise des droits à l’importation, en vertu de l’article 239 du code des douanes. La Commission a, par ailleurs, confirmé son appréciation du régime de transbordement mis en place à Anguilla, en précisant, sur le fondement de l’article 908 du règlement d’application, que les États membres peuvent rembourser ou remettre les droits à l’importation « concernant des opérations d’importation dans [l’Union] en provenance de Saint-Pierre et Miquelon, d’Anguilla et des Antilles néerlandaises, lorsque les circonstances dans lesquelles les opérations d’importation ont été effectuées sont comparables en fait et en droit à celles ayant donné lieu au cas d’espèce ».

46      Pendant la période allant du mois de mars 1999 au mois de juin 2000, il a été procédé à l’importation en Italie d’aluminium originaire de pays tiers, sur présentation de certificats EXP délivrés par les autorités d’Anguilla au cours de l’année 1999. Pendant cette dernière année, lesdites autorités ont délivré douze certificats EXP.

47      Au cours des années 2006 et 2007, les autorités italiennes ont informé la Commission qu’elles avaient pris plusieurs décisions accordant une remise des droits à l’importation concernant l’importation d’aluminium en provenance d’Anguilla sur la base des décisions REC 03/2004 et REM 03/2004. À la demande de la Commission, les autorités italiennes lui ont fourni des informations supplémentaires au cours de l’année 2010.

48      Par lettre du 8 juillet 2010, la Commission a demandé au Royaume-Uni, en se fondant sur l’article 5 du traité CE (devenu article 10 CE puis article 4, paragraphe 3, TUE), de compenser la perte des ressources propres de l’Union qui résultait, selon elle, de ce que les autorités d’Anguilla avaient délivré des certificats EXP incompatibles avec l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM, empêchant les autorités italiennes de percevoir des droits de douane sur les importations en cause. Dans cette lettre, la Commission précisait que tout retard affectant la compensation de cette perte donnerait lieu à des intérêts de retard.

49      Ladite lettre a été suivie par un échange de correspondance entre la Commission et le Royaume-Uni.

 La procédure précontentieuse

50      Le 27 septembre 2013, la Commission a adressé au Royaume-Uni une lettre de mise en demeure par laquelle elle demandait à celui-ci de compenser la perte de ressources propres correspondant aux droits de douane qui avaient fait l’objet des décisions de remise rendues par les autorités italiennes, sur le fondement des décisions REC 03/2004 et REM 03/2004.

51      Par lettre du 21 novembre 2013, le Royaume-Uni a répondu à cette mise en demeure en réfutant toute responsabilité pour les actes commis par Anguilla et toute violation du droit de l’Union.

52      Le 17 octobre 2014, la Commission a envoyé au Royaume-Uni un avis motivé, auquel cet État membre a répondu en maintenant sa position.

53      Le Royaume-Uni n’ayant pas procédé à la compensation demandée, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

54      La Commission soutient que le Royaume-Uni est tenu, en vertu du principe de coopération loyale consacré à l’article 5 du traité CE (devenu article 10 CE puis article 4, paragraphe 3, TUE), de compenser la perte de ressources propres traditionnelles résultant du fait que, selon elle, les autorités d’Anguilla ont délivré, au cours de l’année 1999, douze certificats EXP en violation des dispositions de la décision PTOM et, ce faisant, empêché les autorités italiennes de recouvrer les droits de douane afférents aux importations en cause. À cet égard, elle précise que son recours vise à faire constater que le Royaume-Uni a manqué à cette obligation de compensation, indépendamment du montant de cette perte qu’elle ne demande pas à la Cour de déterminer.

55      En premier lieu, la Commission considère que le Royaume-Uni doit, en tant qu’État membre, assumer la responsabilité des actes adoptés et des négligences commises par les autorités d’Anguilla contraires à la décision PTOM, compte tenu des relations particulières qu’il entretient avec son PTOM, lequel, selon la Commission, n’est pas un État indépendant et fait partie intégrante de ce Royaume.

56      La Commission ajoute que le Royaume-Uni ne saurait invoquer l’autonomie administrative dont jouit Anguilla pour justifier l’inobservation de ses obligations résultant du principe de coopération loyale. Au demeurant, le Royaume-Uni conserverait les pouvoirs nécessaires pour éviter que les actes ou les omissions de ce PTOM entraînent une perte de ressources propres pour le budget de l’Union. En particulier, le Parlement britannique disposerait d’un pouvoir illimité pour légiférer pour les PTOM du Royaume-Uni.

57      En deuxième lieu, la Commission rappelle que le principe de coopération loyale impose aux États membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union. En l’espèce, la délivrance irrégulière de certificats EXP par les autorités d’Anguilla aurait empêché le recouvrement des droits de douane et la mise à disposition de ces droits au budget de l’Union en tant que ressources propres. Or, en s’abstenant de compenser cette perte de ressources propres, le Royaume-Uni aurait entravé le bon fonctionnement du système de ressources propres de l’Union, dans la mesure où ladite perte devrait être compensée par l’ensemble des États membres au moyen d’une augmentation de la ressource propre fondée sur le revenu national brut. Dès lors, la protection du budget de l’Union exigerait que le Royaume-Uni puisse être tenu pour responsable de la violation, par les autorités d’Anguilla, de la décision PTOM et de compenser la perte de ressources en résultant.

58      La Commission soutient, en troisième lieu, que, en l’absence de compensation de la perte de ressources propres en cause, le Royaume-Uni est tenu de payer des intérêts de retard sur le montant correspondant à cette perte. Selon la Commission, l’obligation de payer de tels intérêts de retard ne se fonde pas sur la réglementation de l’Union en matière de ressources propres, mais elle fait partie de l’obligation de coopération loyale, compte tenu du lien indissociable existant entre l’obligation de constater les ressources propres de l’Union, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et, enfin, celle de verser des intérêts de retard.

59      S’agissant des faits à l’origine du manquement reproché au Royaume-Uni, la Commission fait valoir, en se fondant sur le rapport de l’OLAF de 2003, que les autorités d’Anguilla ont délivré, au cours de l’année 1999, douze certificats EXP tout en accordant aux importateurs de l’Union une « aide au transport ». Dans la mesure où l’octroi d’une telle aide devrait être considéré, selon les décisions REC 03/2004 et REM 03/2004, comme une restitution partielle de droits de douane par Anguilla, ces certificats auraient été délivrés en méconnaissance de l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM. Compte tenu des indications figurant dans lesdits certificats ainsi que des déclarations d’importation transmises par les autorités italiennes, ces mêmes certificats auraient été utilisés aux fins d’importation d’aluminium en exemption de droits de douane et, partant, causé une perte de ressources propres de l’Union, perte que le Royaume-Uni aurait manqué de compenser.

60      Le Royaume-Uni, soutenu par le Royaume des Pays-Bas, conteste le manquement qui lui est reproché. En premier lieu, il fait valoir que ni le code des douanes ni la législation de l’Union concernant les ressources propres ni même la décision PTOM ne permettent de tenir Anguilla pour responsable, à l’égard de l’Union, des erreurs commises par ses propres autorités dans l’application de cette décision et de la perte de ressources propres en résultant. Dès lors, le Royaume-Uni ne pourrait pas non plus être considéré comme étant responsable de telles erreurs, au seul motif qu’il est l’État membre auquel Anguilla est rattachée.

61      Selon la jurisprudence de la Cour issue de l’avis  1/78 (Accord international sur le caoutchouc naturel), du 4 octobre 1979 (EU:C:1979:224, point 62), il y aurait lieu de distinguer entre la responsabilité des États membres quant aux relations internationales d’un PTOM et les obligations incombant à ces États, en vertu du droit de l’Union. À cet égard, le Royaume-Uni relève que, conformément à l’article 227, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 299, paragraphe 3, CE puis article 355, paragraphe 2, TFUE), Anguilla serait considérée comme une entité distincte de cet État membre à laquelle les dispositions générales des traités ne s’appliqueraient pas sans référence expresse. Or, la thèse de la Commission étendrait les obligations contenues à l’article 5 du traité CE (devenu article 10 CE puis article 4, paragraphe 3, TUE) aux actions et aux omissions des PTOM, sans que cela soit expressément prévu par le droit de l’Union, en particulier par la décision PTOM. En l’absence de disposition expresse en ce sens, le Royaume-Uni ne saurait être obligé de prévenir toute violation de cette décision par Anguilla et d’en répondre à l’égard de l’Union.

62      Le Royaume-Uni considère que, compte tenu de l’autonomie dont dispose Anguilla selon le droit constitutionnel national, la thèse selon laquelle il serait responsable pour les actes des autorités de ce PTOM est contraire à l’article 4, paragraphe 2, TUE ainsi qu’au principe de droit international coutumier reflété à l’article 73 de la charte des Nations unies. En effet, en vertu du droit constitutionnel national, Anguilla ne ferait pas partie du Royaume-Uni, mais formerait une unité constitutionnelle distincte de celui-ci, disposant d’un large degré d’autonomie, notamment en matière douanière et fiscale. Dans la mesure où Anguilla serait organisée conformément à sa propre constitution écrite, le pouvoir de légiférer dont dispose le Parlement britannique à l’égard d’Anguilla ne lui permettrait pas d’intervenir dans les activités quotidiennes des autorités de ce territoire.

63      En deuxième lieu, le Royaume-Uni soutient que la thèse selon laquelle il serait responsable des actes des autorités d’Anguilla et, de ce fait, tenu de compenser les pertes de ressources propres résultant d’une violation de la décision PTOM par ces autorités ne pourrait pas être fondée sur l’article 5 du traité CE (devenu article 10 CE puis article 4, paragraphe 3, TUE). En effet, aucun élément du libellé de cet article ne prévoirait une telle responsabilité. Ainsi, cette thèse serait contraire au principe de sécurité juridique, celui-ci s’imposant avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible de comporter des charges financières.

64      En outre, la décision PTOM conférant aux autorités des PTOM un rôle majeur dans les questions d’association, les autorités d’Anguilla auraient contesté l’interprétation de ladite décision invoquée par la Commission et auraient demandé la convocation d’un groupe de travail chargé de traiter tout problème se posant dans les relations entre les PTOM et l’Union, conformément à l’article 235 de la décision PTOM, ainsi que la mise en œuvre de la procédure de partenariat, visée à l’article 7, paragraphe 7, de l’annexe III de cette décision. Selon le Royaume-Uni, la Commission aurait dû appliquer ces mesures prévues par la décision PTOM pour traiter des éventuelles erreurs commises par les autorités d’Anguilla.

65      Le Royaume-Uni ajoute qu’il ne saurait pas non plus être tenu de verser des intérêts de retard, en l’absence de base juridique à cet égard. L’article 11 du règlement no 1552/89 serait inapplicable dans la présente affaire.

66      S’agissant, enfin, des faits à l’origine du manquement qui lui est reproché, le Royaume-Uni conteste l’irrégularité des certificats EXP délivrés au cours de l’année 1999, au motif que la Commission n’aurait pas démontré que ces certificats avaient donné lieu à l’octroi d’une « aide au transport ». À cet égard, il relève que, à partir du mois de novembre 1998, les factures adressées par Corbis aux autorités d’Anguilla ne mentionnaient plus une quelconque « aide au transport », mais se référaient à des « services rendus » par cette société. En outre, le 22 janvier 1999, l’assemblée d’Anguilla aurait adopté une résolution selon laquelle tout produit transitant par Anguilla vers l’Union devait être soumis à un droit de douane équivalent au droit de douane de l’Union applicable à ce produit. En tout état de cause, le Royaume-Uni considère qu’une telle « aide au transport » ne saurait être considérée comme étant une restitution partielle de droits de douane incompatible avec l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM.

67      Selon le Royaume-Uni, la Commission n’a pas non plus démontré que l’éventuelle délivrance irrégulière desdits certificats EXP a entraîné une perte de ressources propres. À cet égard, outre qu’il conteste que ces certificats aient été effectivement produits devant les autorités italiennes, le Royaume-Uni met en doute l’existence d’un lien de causalité entre l’éventuelle délivrance irrégulière desdits certificats et la perte de ressources propres invoquée. En effet, selon lui, si les autorités italiennes avaient adopté les mesures de sauvegarde recommandées dans la communication sur l’assistance mutuelle, les opérateurs concernés auraient éventuellement renoncé à une importation des marchandises en cause dans l’Union. En outre, si les exigences relatives au comportement de ces opérateurs, telles que précisées au point 31 de la décision REC 03/2004, n’avaient pas été remplies, les autorités italiennes auraient dû procéder au recouvrement des droits de douane, de telle sorte que le Royaume-Uni ne saurait être tenu pour responsable à cet égard.

68      Par ailleurs, selon le Royaume-Uni, la jurisprudence issue de l’arrêt du 13 novembre 2014, Nencini/Parlement (C‑447/13 P, EU:C:2014:2372, points 47 et 48), s’oppose, en l’espèce, au constat selon lequel il aurait méconnu la prétendue obligation de compenser le montant, le cas échéant majoré d’intérêts, de la perte de ressources propres résultant de la délivrance irrégulière de certificats EXP par les autorités d’Anguilla. En effet, la Commission aurait introduit le présent recours dix-sept ans après les importations en cause et plus de douze ans après la publication de la décision REC 03/2004 et, partant, après l’expiration du délai raisonnable que la Commission devait respecter, selon cette jurisprudence.

 Appréciation de la Cour

69      À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, si, à l’époque du comportement des autorités d’Anguilla à l’origine du présent recours en manquement, le principe de coopération loyale était consacré à l’article 5 du traité CE et ensuite à l’article 10 CE, ces dispositions avaient, lorsque la Commission a demandé au Royaume-Uni de compenser la perte de ressources propres qui, selon elle, résulte de ce comportement, été remplacées par l’article 4, paragraphe 3, TUE. Il s’ensuit que c’est au regard du principe de coopération loyale tel que consacré à cette dernière disposition que le recours doit être examiné.

70      Conformément à l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, TUE, le Royaume-Uni est, en tant qu’État membre de l’Union, tenu de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de ses obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union.

71      S’il incombe, à cet effet, à toutes les autorités de cet État membre d’assurer le respect des règles du droit de l’Union dans le cadre de leurs compétences, ledit État membre reste, en vertu de l’article 258 TFUE, seul responsable, vis-à-vis de l’Union, du respect des obligations qui résultent de ce droit (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 2012, Byankov, C‑249/11, EU:C:2012:608, point 64 et jurisprudence citée, ainsi que du 13 mai 2014, Commission/Espagne, C‑184/11, EU:C:2014:316, point 43 et jurisprudence citée).

72      Or, ainsi que la Commission l’a précisé dans son mémoire en réplique, le présent recours en manquement est fondé non pas sur des erreurs commises par des autorités du Royaume-Uni, mais sur la responsabilité de cet État membre pour une perte de ressources propres faisant suite à la méconnaissance des dispositions de la décision PTOM régissant la délivrance de certificats EXP par les autorités d’Anguilla.

73      Ainsi qu’il ressort de l’article 227, paragraphe 3, du traité CE, lu en combinaison avec l’annexe IV de celui-ci (devenus article 299, paragraphe 3, CE et annexe II du traité CE puis article 355, paragraphe 2, TFUE et annexe II du traité FUE), Anguilla figurait au nombre des PTOM énumérés dans ladite annexe et était, de ce fait, assujettie au régime spécial d’association défini dans la quatrième partie du traité CE, qui regroupait les articles 131 à 137 de celui-ci (devenus articles 182 CE à 188 CE puis articles 198 à 204 TFUE), régime dont les modalités et les procédures ont été établies par la décision PTOM, sur le fondement de l’article 136 dudit traité (devenu article 187 CE puis article 203 TFUE).

74      Dans ce contexte, il importe de souligner que, si la Cour a jugé que les dispositions générales du traité CE, à savoir celles ne figurant pas dans la quatrième partie de celui-ci, ne sont pas applicables aux PTOM sans référence expresse (arrêt du 5 juin 2014, X et TBG, C‑24/12 et C‑27/12, EU:C:2014:1385, point 45 ainsi que jurisprudence citée), le manquement reproché au Royaume-Uni ne relève pas du cas de figure envisagé par cette jurisprudence. En effet, la Commission ne fait pas valoir que le principe de coopération loyale s’appliquerait à Anguilla, mais elle soutient que le Royaume-Uni est tenu, en vertu de ce principe, de répondre des conséquences d’une délivrance irrégulière de certificats EXP par les autorités d’Anguilla. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 70 du présent arrêt, ledit principe s’impose au Royaume-Uni en tant qu’État membre de l’Union.

75      À la lumière de ces considérations, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, si le Royaume-Uni est, en vertu des obligations lui incombant en tant qu’État membre au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE, responsable, vis-à-vis de l’Union, d’une éventuelle délivrance de certificats EXP par les autorités d’Anguilla en méconnaissance de la décision PTOM, en deuxième lieu, s’il est tenu, en vertu de cette disposition, de compenser le montant, le cas échéant majoré d’intérêts de retard, d’une éventuelle perte de ressources propres de l’Union en résultant et, en troisième lieu, dans l’affirmative, si le manquement reproché au Royaume-Uni est fondé.

 Sur la responsabilité du Royaume-Uni en raison d’une éventuelle délivrance irrégulière de certificats EXP par les autorités d’Anguilla

76      La Commission soutient que c’est en raison des relations particulières liant Anguilla au Royaume-Uni que cet État membre doit répondre, vis-à-vis de l’Union, des actes et des omissions des autorités d’Anguilla lorsque celles-ci ont délivré des certificats EXP en méconnaissance de la décision PTOM.

77      Le Royaume-Uni figure parmi les États membres qui entretiennent, selon l’article 131, premier alinéa, du traité CE (devenu article 182, premier alinéa, CE puis article 198, premier alinéa, TFUE), des « relations particulières » avec des PTOM. Conformément à cette disposition, l’assujettissement de ces pays et territoires au régime spécial d’association défini dans la quatrième partie du traité CE se fondait, à l’époque de cette délivrance, sur ces relations particulières.

78      Lesdites relations particulières se caractérisent par la circonstance que les PTOM ne sont pas des États indépendants, mais constituent des pays et territoires qui dépendent d’un tel État, lequel assure notamment leur représentation sur le plan international [voir, en ce sens, avis 1/78 (Accord international sur le caoutchouc naturel), du 4 octobre 1979, EU:C:1979:224, point 62, et 1/94 (Accords annexés à l’accord OMC), du 15 novembre 1994, EU:C:1994:384, point 17].

79      Conformément à l’article 131 du traité CE (devenu article 182 CE puis article 198 TFUE), l’application du régime spécial d’association défini dans la quatrième partie de ce traité, visant à promouvoir le développement économique, social et culturel des PTOM, ne bénéficie qu’à des pays et territoires entretenant des relations particulières avec l’État membre concerné, lequel a demandé que le régime spécial d’association leur soit rendu applicable. S’agissant en particulier d’Anguilla, qui relève du Royaume-Uni, ce territoire a été ajouté à la liste des PTOM figurant à l’annexe IV du traité CEE (devenue annexe II du traité CE puis annexe II du traité FUE), en vertu de l’article 24, paragraphe 2, de l’acte relatif aux conditions d’adhésion aux Communautés européennes du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et aux adaptations des traités (JO 1972, L 73, p. 14).

80      Ainsi, les termes employés, notamment, au premier considérant ainsi qu’à l’article 234 et à l’article 235, paragraphe 2, de la décision PTOM pour désigner l’État membre « dont relève » un PTOM sont l’expression des relations particulières existant entre eux, selon l’article 131, premier alinéa, du traité CE (devenu article 182, premier alinéa, CE puis article 198, premier alinéa, TFUE). Cette interprétation est corroborée par l’article 1er de la décision PTOM, lu en combinaison avec l’annexe I, point 5, de celle-ci, dont il ressort qu’Anguilla était un PTOM « relevant du [Royaume-Uni] ».

81      En outre, dans le cadre dudit régime spécial d’association, les produits originaires d’Anguilla bénéficiaient, conformément à l’article 133, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 184, paragraphe 1, CE puis article 200, paragraphe 1, TFUE), d’un accès privilégié au marché intérieur en exemption des droits de douane, accès que la décision PTOM étendait, ainsi que l’énonçait son troisième considérant, à certains produits non originaires de ce PTOM. En vertu de l’article 101, paragraphe 2, de cette décision, lu en combinaison avec l’article 108, paragraphe 1, second tiret, ainsi qu’avec l’annexe III de celle-ci, les produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l’état vers l’Union étaient admis à l’importation en exemption de droits de douane et de taxes d’effet équivalent, à condition que ces produits aient acquitté, dans ledit PTOM, des droits de douane ou des taxes d’effet équivalent d’un niveau égal ou supérieur aux droits de douane applicables dans l’Union à l’importation de ces mêmes produits originaires de pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée, n’aient pas fait l’objet d’exemption ou de restitution, totale ou partielle, de droits de douane ou de taxes d’effet équivalent et soient accompagnés d’un certificat EXP.

82      Or, la délivrance de certificats EXP par les autorités d’Anguilla était régie par le droit de l’Union. En effet, selon l’article 2, paragraphes 1 et 6, de l’annexe III de la décision PTOM, laquelle s’appliquait aux territoires des PTOM en vertu de son article 237, ces certificats, établissant la preuve du respect des dispositions de l’article 101, paragraphe 2, de cette décision, devaient être délivrés par les autorités des PTOM. Ainsi, lorsque ces autorités délivraient de tels certificats, elles étaient tenues de respecter les exigences contenues à cet article 101, paragraphe 2.

83      En outre, les procédures prévues par la décision PTOM pour régler les différends ou les problèmes susceptibles d’apparaître dans ce contexte reflétaient le caractère central que revêtaient, pour le régime d’association défini dans la quatrième partie du traité CE, les relations particulières, au sens de l’article 131, premier alinéa, du traité CE (devenu article 182, premier alinéa, CE puis article 198, premier alinéa, TFUE), entre le PTOM concerné et l’État membre dont il relevait.

84      À cet égard, il convient de tenir compte, en particulier, de l’article 7, paragraphe 7, de l’annexe III de la décision PTOM, selon lequel les différends portant sur la légalité de certificats EXP qui ne pouvaient pas être réglés entre les autorités douanières de l’État d’importation et celles du PTOM d’exportation devaient l’être au niveau du comité de législation douanière, dans le cadre d’une procédure à laquelle participait, notamment, un représentant de l’État membre dont relevait le PTOM d’exportation mais pas les autorités locales compétentes de ce PTOM.

85      En outre, s’agissant de la résolution éventuelle de problèmes susceptibles de se poser dans le contexte d’une délivrance irrégulière de certificats EXP dans le cadre du partenariat visé aux articles 234 et 235 de la décision PTOM, force est de constater que ce partenariat ne pouvait se fonder sur un dialogue bilatéral entre le PTOM concerné et la Commission, mais nécessitait une concertation trilatérale à laquelle devaient participer, outre la Commission, l’État membre dont relevait le PTOM et les autorités locales compétentes de celui-ci. Selon l’article 10, premier alinéa, de cette décision, la participation de l’État membre dont relevait le PTOM à cette concertation trilatérale était requise aux fins d’assurer le respect des « compétences des pouvoirs centraux respectifs des États membres concernés ».

86      Dans ces conditions, l’existence de relations particulières, au sens de l’article 131, premier alinéa, du traité CE (devenu article 182, premier alinéa, CE puis article 198, premier alinéa, TFUE), entre le Royaume-Uni et Anguilla est de nature à faire naître une responsabilité spécifique dudit État membre vis-à-vis de l’Union lorsque les autorités de ce PTOM délivrent des certificats EXP en méconnaissance de ladite décision.

87      Le Royaume-Uni conteste néanmoins l’existence d’une telle responsabilité. Premièrement, il soutient qu’il y a lieu de distinguer entre Anguilla et le Royaume-Uni en tant qu’État membre, conformément à la jurisprudence issue de l’avis  1/78 (Accord international sur le caoutchouc naturel), du 4 octobre 1979 (EU:C:1979:224, point 62). Deuxièmement, selon le Royaume-Uni, le système de coopération administrative établi par la décision PTOM permettrait de s’adresser directement aux autorités d’un PTOM, de telle sorte que la Commission ne saurait le tenir pour responsable des actes de ces autorités sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Troisièmement, la reconnaissance d’une telle responsabilité porterait atteinte à l’autonomie constitutionnelle d’Anguilla, en méconnaissance de l’article 4, paragraphe 2, TUE et de l’article 73 de la charte des Nations unies.

88      En ce qui concerne le premier argument, la Cour a certes jugé en substance, au point 62 de l’avis cité au point précédent, que, lorsqu’un État membre conclut un accord international en tant que représentant international d’un PTOM qui relève dudit État, il n’agit pas en qualité d’État membre. Toutefois, ce constat, qui a permis à la Cour de conclure qu’une telle représentation était sans incidence sur la « délimitation des sphères de compétence à l’intérieur de la Communauté », n’est pas pertinent en vue d’apprécier la responsabilité d’un État membre dans le contexte de la délivrance, par les autorités d’un PTOM relevant de cet État membre, de certificats EXP en méconnaissance de la décision PTOM, délivrance qui était régie par les normes du droit de l’Union applicables sur le territoire des PTOM. 

89      S’agissant du deuxième argument du Royaume-Uni, tiré du système de coopération administrative établi par la décision PTOM, il est vrai que, conformément à l’article 7, paragraphe 6, de l’annexe III de cette décision, il incombait aux autorités du PTOM concerné, notamment, d’effectuer les enquêtes nécessaires lorsque la procédure de contrôle visée à l’article 7, paragraphe 1, de cette annexe ou toute autre information disponible semblait indiquer que les dispositions de cette annexe étaient transgressées. Toutefois, d’une part, ce même paragraphe 6 prévoyait que la Commission « peut participer » aux enquêtes visant à déceler et à prévenir des transgressions aux dispositions régissant la délivrance des certificats EXP, sans imposer à celle-ci une obligation à cet égard. D’autre part, si l’article 7, paragraphe 7, de ladite annexe disposait que les litiges survenus à l’occasion de telles enquêtes ou soulevant un problème d’interprétation « sont soumis » à une procédure de règlement des différends, il ressort des termes mêmes de cette dernière disposition que celle-ci visait uniquement les litiges survenant entre l’État d’importation et le PTOM d’exportation et, partant, ne s’imposait pas à la Commission.

90      Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le Royaume-Uni, les dispositions relatives à la concertation dénommée « partenariat » ne s’opposent pas non plus à ce qu’un État membre puisse être tenu pour responsable, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’une délivrance irrégulière de certificats EXP par les autorités de ses PTOM. En effet, aux termes mêmes de l’article 234 de la décision PTOM, l’action de l’Union ne devait s’appuyer qu’« autant que possible » sur cette concertation entre la Commission, l’État membre dont relevait le PTOM et les autorités locales compétentes de ce dernier. En outre, selon l’article 235, paragraphe 2, de cette décision, des groupes de travail d’association « peuvent être créés », à la demande notamment des PTOM concernés, aux fins de traiter tout problème se posant entre les PTOM et l’Union. Ainsi, s’il est vrai que cette procédure de partenariat n’a, en l’occurrence, pas été mise en œuvre, il n’en demeure pas moins que le libellé de ces dispositions indique que celles-ci conféraient à une telle mise en œuvre un caractère facultatif.

91      Le troisième argument, tiré de l’autonomie constitutionnelle d’Anguilla, ne saurait pas non plus prospérer, dès lors que le Royaume-Uni n’expose pas comment la responsabilité d’un État membre pour les actes de ses PTOM, qui est sans préjudice des missions confiées à ces derniers par la décision PTOM, pourrait être de nature à porter atteinte à leur autonomie.

92      Il convient encore d’apprécier le point de savoir pour quels types d’erreurs commises par un PTOM dans le contexte de la délivrance de certificats EXP l’État membre dont il relève doit être tenu responsable.

93      À cet égard, il résulte du principe de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, que les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2010, Stils Met, C‑382/09, EU:C:2010:596, point 44, et du 5 décembre 2017, Allemagne/Conseil, C‑600/14, EU:C:2017:935, point 94).

94      Or, compte tenu du caractère préférentiel et dérogatoire du régime douanier dont bénéficiaient les produits non originaires des PTOM, dans les conditions prévues à l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM, lu en combinaison avec l’article 108, paragraphe 1, second tiret, ainsi qu’avec l’annexe III de celle-ci, l’obligation rappelée au point précédent s’impose avec une rigueur particulière en l’espèce. Dès lors, la responsabilité vis-à-vis de l’Union incombant à l’État membre dont relève un PTOM s’étend, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, à toute erreur commise par les autorités de ce PTOM, dans le contexte de la délivrance de certificats EXP. Ainsi, doit être rejeté l’argument du Royaume-Uni selon lequel, en substance, il ne saurait être tenu pour responsable d’une éventuelle délivrance irrégulière de certificats EXP par les autorités d’Anguilla, au motif que ladite délivrance est intervenue antérieurement à la clarification, par la décision REC 03/2004, de la portée des exigences posées à l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM.

95      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que le Royaume-Uni est, en vertu des obligations lui incombant en tant qu’État membre au titre de l’article 131, premier alinéa, du traité CE (devenu article 182, premier alinéa, CE puis article 198, premier alinéa, TFUE) ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, TUE, responsable, vis-à-vis de l’Union, d’une éventuelle délivrance par les autorités d’Anguilla, de certificats EXP en méconnaissance de la décision PTOM [voir, par analogie, arrêt de ce jour, Commission/Pays-Bas (Responsabilité pour l’action d’un PTOM), C‑395/17, point 97].

 Sur l’obligation de compenser une éventuelle perte de ressources propres, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE

96      Il est de jurisprudence constante que, en vertu du principe de coopération loyale, les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une violation du droit de l’Union. Dès lors, il incombe aux autorités des États membres de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes les mesures nécessaires afin de remédier à une violation de ce droit (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 2007, Jonkman e.a., C‑231/06 à C‑233/06, EU:C:2007:373, points 37 et 38 ; du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16 et C‑197/16, EU:C:2017:589, point 35 et jurisprudence citée, ainsi que du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C‑597/17, EU:C:2019:544, point 54).

97      Dans la mesure où la délivrance d’un certificat EXP en méconnaissance de l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM empêche, dans les conditions prévues à l’article 220, paragraphe 2, sous b), et à l’article 239 du code des douanes, les autorités de l’État membre d’importation concerné de percevoir les droits de douane qu’elles auraient dû percevoir en l’absence d’un tel certificat EXP, la perte de ressources propres traditionnelles de l’Union en résultant constitue la conséquence illicite d’une violation du droit de l’Union. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, une telle perte doit être compensée soit par une autre ressource propre, soit par une adaptation des dépenses (voir, par analogie, arrêts du 15 novembre 2005, Commission/Danemark, C‑392/02, EU:C:2005:683, point 54, et du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne, C‑105/02, EU:C:2006:637, point 88).

98      Dès lors, l’État membre qui est responsable, vis-à-vis de l’Union, de la délivrance irrégulière d’un tel certificat est tenu, conformément au principe de coopération loyale, de prendre toutes les mesures nécessaires afin de remédier à cette violation du droit de l’Union et, en particulier, doit compenser la perte de ressources propres en résultant [voir, par analogie, arrêt de ce jour, Commission/Pays-Bas (Responsabilité pour l’action d’un PTOM), C‑395/17, point 100].

99      En ce qui concerne, plus particulièrement, le point de savoir si le montant d’une telle perte de ressources propres doit, le cas échéant, être majoré d’intérêts de retard, il suffit de relever que la seule compensation du montant des droits de douane qui n’ont pas pu être perçus ne saurait suffire à effacer les conséquences illicites d’une délivrance irrégulière d’un certificat EXP.

100    Cette interprétation ne saurait être mise en cause par l’argument tiré du principe de sécurité juridique invoqué par le Royaume-Uni, selon lequel une telle obligation de compensation ne saurait exister en l’absence de disposition expresse concernant celle-ci en droit de l’Union. En effet, l’obligation de compenser la perte de ressources propres résultant d’une délivrance irrégulière de certificats EXP ne constitue qu’une expression particulière de l’obligation, découlant du principe de coopération loyale, selon laquelle les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires afin de remédier à une violation du droit de l’Union et d’en effacer les conséquences illicites. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante rappelée au point 96 du présent arrêt, cette dernière obligation s’étend à toutes les conséquences illicites d’une violation de ce droit, notamment à celles qui sont de nature financière, telles que celles en cause en l’espèce.

101    Toutefois, les intérêts de retard ne commencent à courir qu’à partir de la date de la demande adressée à l’État membre concerné visant à compenser la perte de ressources propres.

102    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que l’État membre qui est responsable vis-à-vis de l’Union d’une délivrance irrégulière de certificats EXP par un PTOM relevant de celui-ci est tenu, conformément au principe de coopération loyale, de compenser une éventuelle perte de ressources propres, majorée, le cas échéant, d’intérêts de retard.

 Sur le manquement reproché

103    La Commission soutient que, au cours de l’année 1999, les autorités d’Anguilla ont délivré douze certificats EXP en méconnaissance de l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM, que cette délivrance irrégulière a causé à l’Union une perte de ressources propres et que le Royaume-Uni a manqué à son obligation de compenser cette perte.

104    S’agissant, en premier lieu, de la prétendue irrégularité des certificats EXP en cause, la Commission fait valoir que les décisions REC 03/2004 et REM 03/2004 ainsi que le rapport de l’OLAF de 2003 suffisent à démontrer une telle irrégularité. En revanche, selon le Royaume-Uni, il appartient à la Commission d’établir, aux fins du présent recours en manquement, le caractère irrégulier de chacun de ces certificats.

105    À cet égard, en ce qui concerne les décisions REC 03/2004 et REM 03/2004, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 875 et à l’article 908, paragraphe 3, du règlement d’application, lorsque la Commission adopte, en vertu des articles 873 et 907 de ce règlement, une décision établissant que la situation examinée permet de ne pas prendre en compte a posteriori les droits en cause, elle peut préciser les conditions dans lesquelles les États membres peuvent prendre une décision analogue dans des cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro, C‑407/16, EU:C:2017:817, point 68).

106    Les décisions REC 03/2004 et REM 03/2004 constituent des décisions comportant de telles constatations. Dans ces décisions, la Commission a constaté que les autorités d’Anguilla et de Saint-Pierre et Miquelon avaient octroyé le versement, au cours des périodes concernées, d’une « aide au transport » s’élevant à un montant de 25 USD par tonne d’aluminium aux opérateurs économiques ayant procédé, d’abord, à la mise en libre pratique d’aluminium dans ces PTOM et, ensuite, à la réexportation de cette marchandise vers l’Union. La Commission a considéré que, dans ces circonstances, le versement d’une telle aide présentait un lien avec le paiement antérieur des droits de douane et constituait une restitution partielle de ces droits, ce qui impliquait que les certificats EXP délivrés par lesdites autorités étaient contraires à l’article 101, paragraphe 2, deuxième tiret, de la décision PTOM. Selon les appréciations figurant dans lesdites décisions, l’existence d’une « aide au transport » présentant ces caractéristiques a été identifiée comme l’élément déterminant aux fins de conclure à la méconnaissance de cette disposition.

107    Or, selon la jurisprudence, les appréciations de fait et de droit figurant dans une décision, telle que les décisions REC 03/2004 et REM 03/2004, s’imposent à tous les organes de l’État membre destinataire de celle-ci et, dans les conditions précisées par la Commission, aux organes des autres États membres, dans des cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriental Foods Trading, C‑375/07, EU:C:2008:645, point 64 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 octobre 2017, Aqua Pro, C‑407/16, EU:C:2017:817, point 69).

108    De surcroît, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où un rapport de l’OLAF contient des éléments pertinents en ce qui concerne, notamment, le comportement des autorités douanières du PTOM d’exportation, ce rapport peut être pris en compte pour déterminer si un cas donné présente des éléments de fait et de droit comparables à celui ayant fait l’objet d’une décision de la Commission prise sur le fondement des articles 873 et 907 du règlement d’application (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro, C‑407/16, EU:C:2017:817, points 55 et 70).

109    En l’espèce, il convient de relever que la décision REC 03/2004 et le rapport de l’OLAF de 2003 concernent les pratiques douanières d’un même PTOM, à savoir Anguilla. En outre, ce rapport a constaté, à son point 4.2, que les procédures douanières en vigueur à Anguilla et, en dépit d’une modification des mentions figurant sur les factures adressées par Corbis aux autorités de ce PTOM, l’octroi d’une incitation économique versée aux importateurs de l’Union sous forme d’une « aide au transport » étaient demeurés inchangés au cours des années 1998 et 1999. Par ailleurs, les certificats EXP en cause ont tous été délivrés au cours de l’année 1999 par les autorités d’Anguilla à des entreprises que le point 4.3 dudit rapport a identifiées comme étant bénéficiaires de cette aide.

110    Ainsi, les constatations figurant dans le rapport de l’OLAF de 2003 permettent de démontrer que les autorités d’Anguilla avaient délivré les certificats EXP en cause tout en accordant une telle « aide au transport ». En se fondant sur ce rapport, la Commission a dès lors exposé de manière circonstanciée, dans le cadre du présent recours, que ces certificats avaient été délivrés dans une situation présentant des éléments de fait et de droit comparables à celle ayant fait l’objet de la décision REC 03/2004.

111    Or, si, dans le cadre d’une procédure en manquement engagée en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître que les dispositions du droit de l’Union ne sont pas correctement appliquées en pratique sur le territoire de l’État membre défendeur, il appartient à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les éléments ainsi présentés et les conséquences qui en découlent (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal, C‑398/14, EU:C:2016:61, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée).

112    Cette jurisprudence est transposable à une situation telle que celle qui caractérise la présente affaire, ainsi qu’il découle de la conclusion tirée au point 95 du présent arrêt. Partant, dès lors que la Commission a, comme il ressort du point 110 du présent arrêt, exposé de manière circonstanciée, en se fondant sur le rapport de l’OLAF de 2003, que les certificats EXP en cause avaient été délivrés dans une situation présentant des éléments de fait et de droit comparables à celle ayant fait l’objet de la décision REC 03/2004, elle n’était pas tenue d’apporter, à cette fin, une preuve particulière pour chacun de ces certificats. Au contraire, dans ces conditions, il incombait au Royaume-Uni de contester de manière substantielle et détaillée les constatations figurant dans ce rapport.

113    Or, force est de constater que, en l’occurrence, le Royaume-Uni n’a pas satisfait à cette exigence. En effet, en se bornant à formuler des allégations générales, telles que celles rapportées au point 66 du présent arrêt, il n’a avancé aucun élément concret de nature à remettre en cause le constat, opéré notamment dans la décision REC 03/2004, selon lequel l’aide au transport qui, d’après les constatations figurant dans le rapport de l’OLAF de 2003, avait été accordée dans le cadre de la délivrance des certificats EXP en cause devait être considérée comme étant une restitution partielle de droits de douane.

114    Dans ces conditions, il est établi à suffisance de droit que les certificats EXP en cause ont été délivrés par les autorités d’Anguilla en méconnaissance de l’article 101, paragraphe 2, de la décision PTOM.

115    Aux fins de démontrer, en second lieu, que la délivrance irrégulière des certificats EXP en cause a entraîné une perte de ressources propres, la Commission a versé aux débats, outre ces certificats, notamment, des déclarations d’importation qui lui avaient été transmises par les autorités italiennes. Le Royaume-Uni conteste que ces documents puissent établir la réalité de la perte de ressources propres invoquée par la Commission.

116    À cet égard, il n’est pas contesté entre les parties que l’importation d’aluminium faisant l’objet de la décision REC 03/2004 a été effectuée sur présentation des certificats EXP en cause aux autorités italiennes. En outre, les indications figurant sur ces certificats et ces déclarations d’importation mettent en évidence que, sauf dans deux cas, lesdits certificats ont tous été présentés aux autorités italiennes aux fins d’une importation d’aluminium dans l’Union en exemption des droits de douane. En effet, la description identique de la marchandise en cause et de son origine, l’identité du navire utilisé et de l’entreprise agissant en tant qu’importateur de l’Union et, en particulier, la circonstance selon laquelle lesdites déclarations d’importation mentionnent le numéro de référence desdits certificats EXP démontrent que ceux-ci ont effectivement été soumis à ces autorités.

117    Ainsi, à l’exception de deux cas, la Commission a établi, en se fondant sur les certificats EXP en cause et les déclarations d’importation, que tous ces certificats EXP avaient été présentés aux autorités italiennes.

118    Si la Commission a admis, en réponse à une question de la Cour, que les documents annexés à sa requête ne couvrent pas l’ensemble des importations d’aluminium qu’elle invoque aux fins de son recours en manquement, il importe de relever que la requête de la Commission ne contient pas de demande chiffrée. Du reste, lors de l’audience, celle-ci a souligné que son recours vise à faire constater que le Royaume-Uni a manqué à son obligation de coopération loyale en refusant, dans son principe même, toute compensation de la perte de ressources propres résultant de la délivrance irrégulière des certificats EXP en cause, sans égard au montant de cette perte.

119    Dès lors qu’il est constant que le Royaume-Uni n’a procédé à aucune compensation de cette nature, il n’y a pas lieu d’identifier, aux fins de la présente procédure, l’ensemble des importations d’aluminium effectuées dans l’Union sous présentation des certificats EXP en cause ni le montant de la perte de ressources propres qui en est résulté.

120    En ce qui concerne le point de savoir si la délivrance des certificats EXP en cause a entraîné, de manière certaine, une perte de ressources propres, il y a lieu d’observer que ces certificats EXP, délivrés de manière irrégulière, ont amené les autorités italiennes à admettre de l’aluminium en provenance d’Anguilla à l’importation dans l’Union en exemption de droits de douane et à rendre des décisions de remise et de restitution des droits de douane.

121    Le Royaume-Uni conteste l’existence d’un lien de causalité entre la délivrance irrégulière des certificats EXP en cause et cette perte de ressources propres. Il soutient, en substance, que les autorités italiennes auraient pu éviter cette perte si elles avaient, d’une part, suivi les recommandations figurant dans la communication sur l’assistance mutuelle et, d’autre part, constaté que les exigences relatives au comportement des opérateurs concernés, telles que précisées au point 31 de la décision REC 03/2004, n’étaient pas remplies.

122    Toutefois, l’existence de ce lien de causalité ne saurait être mise en cause par la seule circonstance, invoquée par le Royaume-Uni, que les opérateurs concernés auraient éventuellement renoncé à l’importation des marchandises en cause dans l’Union si les autorités italiennes avaient suivi les recommandations figurant dans la communication sur l’assistance mutuelle. De même, l’allégation du Royaume-Uni selon laquelle les autorités italiennes auraient dû procéder au recouvrement des droits de douane si elles avaient constaté que les opérateurs concernés ne satisfaisaient pas aux exigences précisées au point 31 de la décision REC 03/2004 concerne une hypothèse étrangère à celle qui caractérise la présente affaire, où ces autorités ont procédé, comme il a été exposé, en substance, au point 47 du présent arrêt, à la remise ou à la restitution des droits de douane sur la base de cette décision.

123    Par ailleurs, le Royaume-Uni fait valoir que les principes de sécurité juridique et de bonne administration s’opposent, en l’occurrence, à la possibilité de constater un manquement à l’obligation de compenser cette perte, dès lors que la Commission s’est abstenue de demander une telle compensation dans un délai raisonnable conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du 13 novembre 2014, Nencini/Parlement (C‑447/13 P, EU:C:2014:2372, point 48).

124    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence issue de l’arrêt cité au point précédent concerne l’article 85 ter du règlement d’exécution fixant le point de départ du délai de prescription quinquennal de l’article 73 bis du règlement financier à la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit.

125    Dans ledit arrêt, la Cour a, certes, jugé que, dans le silence des textes applicables, le principe de sécurité juridique exige que l’institution concernée procède à cette communication dans un délai raisonnable, tout en précisant que le délai de communication d’une note de débit doit être présumé déraisonnable lorsque cette communication intervient au-delà d’une période de cinq ans à compter du moment où l’institution a été normalement en mesure de faire valoir sa créance (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2014, Nencini/Parlement, C‑447/13 P, EU:C:2014:2372, points 48 et 49).

126    Toutefois, sans qu’il y ait lieu d’examiner si l’article 73 bis du règlement financier et l’article 85 ter du règlement d’exécution trouvent à s’appliquer à l’obligation de compenser une perte de ressources propres au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE, telle que celle en cause en l’espèce, force est de constater que la Commission n’a, en tout état de cause, pas dépassé le délai de cinq ans au-delà duquel le délai de communication d’une note de débit doit être présumé déraisonnable selon la jurisprudence issue de l’arrêt cité au point précédent. En effet, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de l’article 875 et de l’article 908, paragraphe 3, du règlement d’application, il appartenait aux autorités italiennes de mettre en œuvre les décisions REC 03/2004 et REM 03/2004 et de statuer sur la restitution ou la remise des droits de douane afférents à des importations d’aluminium en provenance d’Anguilla, la Commission n’était pas en mesure de demander au Royaume-Uni la compensation de la perte de ressources propres en résultant avant que les autorités italiennes l’informent sur les décisions qu’elles avaient prises. Or, il est constant entre les parties que les autorités italiennes n’ont fourni cette information à la Commission, ainsi qu’il a été exposé au point 47 du présent arrêt, qu’au cours des années 2006 et 2007. Dès lors, il y a lieu de considérer que celle-ci a respecté ledit délai lorsqu’elle a demandé au Royaume-Uni de procéder à cette compensation au cours de l’année 2010.

127    Par conséquent, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas compensé la perte de ressources propres résultant de la délivrance irrégulière, au regard de la décision PTOM, par les autorités d’Anguilla, de certificats EXP en ce qui concerne des importations d’aluminium en provenance d’Anguilla pendant la période 1999/2000, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE. 

 Sur les dépens

128    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume-Uni et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens.

129    En application de l’article 140, paragraphe 1, du même règlement de procédure, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, le Royaume des Pays-Bas supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      En n’ayant pas compensé la perte des ressources propres résultant de la délivrance irrégulière, au regard de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne, par les autorités d’Anguilla, de certificats d’exportation EXP en ce qui concerne des importations d’aluminium en provenance d’Anguilla pendant la période 1999/2000, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

2)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est condamné aux dépens.

3)      Le Royaume des Pays-Bas supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.