Language of document : ECLI:EU:T:2013:66

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre) 

7 février 2013 (*)

« Dumping – Importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie – Demande de réexamen intermédiaire partiel – Réexamen au titre de l’expiration des mesures – Valeur normale – Prix à l’exportation – Articles 1er, 2 et article 11, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 384/96 [devenus articles 1er, 2 et article 11, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 1225/2009] »

Dans l’affaire T‑459/08,

EuroChem Mineral and Chemical Company OAO (EuroChem MCC), établie à Moscou (Russie), représentée initialement par Mes P. Vander Schueren et B. Evtimov, avocats, puis par Me Evtimov et M. D. O’Keeffe, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes G. Berrisch et G. Wolf, avocats, puis de Me Berrisch,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et M. França, en qualité d’agents,

et par

Fertilizers Europe, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par M. B. O’Connor, solicitor, et Me S. Gubel, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre le règlement (CE) n° 661/2008 du Conseil, du 8 juillet 2008, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, et d’un réexamen intermédiaire partiel conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 384/96 (JO L 185, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, M. H. Kanninen (rapporteur) et Mme M. E. Martins Ribeiro, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La réglementation de base antidumping est constituée par le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22)].

2        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (devenu article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1225/2009) dispose :

« 1.      Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2.      Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur. »

3        Aux termes de l’article 2 du règlement de base (devenu article 2 du règlement n° 1225/2009) :

« 1.      La valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur.

Lorsque l’exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou bien ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs.

Les prix pratiqués entre des parties paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d’opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s’il est établi que ces prix ne sont pas affectés par cette relation.

[…]

2. Les ventes du produit similaire destiné à la consommation sur le marché intérieur du pays exportateur sont normalement utilisées pour déterminer la valeur normale si le volume de ces ventes représente 5 % ou plus du volume des ventes du produit considéré dans la Communauté.

Toutefois, un volume des ventes inférieur peut être utilisé, par exemple, lorsque les prix pratiqués sont considérés comme représentatifs du marché concerné.

3. Lorsqu’aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Il peut être considéré qu’il existe une situation particulière du marché pour le produit concerné au sens de la phrase précédente, notamment lorsque les prix sont artificiellement bas, que l’activité de troc est importante ou qu’il existe des régimes de transformation non commerciaux.

4.      Les ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays exportateur ou les ventes à destination d’un pays tiers à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires (fixes et variables), majorés des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ne peuvent être considérées comme n’ayant pas lieu au cours d’opérations commerciales normales en raison de leur prix et ne peuvent être écartées de la détermination de la valeur normale que s’il est déterminé que de telles ventes sont effectuées sur une période étendue en quantités substantielles et à des prix qui ne permettent pas de couvrir tous les frais dans un délai raisonnable.

Si les prix qui sont inférieurs aux coûts au moment de la vente sont supérieurs aux coûts moyens pondérés pendant la période d’enquête, il est considéré que ces prix permettent de couvrir les frais dans un délai raisonnable.

[…]

5.      Les frais sont normalement calculés, sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré. Si les frais liés à la production et à la vente du produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres de la partie concernée, ils sont ajustés ou déterminés sur la base d’autres producteurs ou exportateurs du même pays, ou, lorsque ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, sur toute autre base raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs.

Il est tenu compte d’éléments de preuve soumis concernant la juste répartition des frais, à condition qu’il soit démontré que ce type de répartition a été utilisé de manière constante dans le passé. En l’absence d’une méthode plus appropriée, la préférence est accordée à un système de répartition des frais fondé sur le chiffre d’affaires. À moins qu’il n’en ait déjà été tenu compte dans la répartition des frais visée au présent alinéa, les frais sont ajustés de manière appropriée en fonction des éléments non renouvelables des frais dont bénéficie la production future et/ou courante.

Lorsque, pendant une partie de la période nécessaire à la couverture des coûts, ces derniers sont affectés par l’utilisation d’installations de production nouvelles requérant des investissements supplémentaires substantiels et par de faibles taux d’utilisation des capacités en raison d’opérations de démarrage ayant lieu pendant tout ou partie de la période d’enquête, les frais moyens de la période de démarrage sont ceux applicables, en vertu des règles de répartition susmentionnées, à la fin de cette phase et sont inclus à ce niveau, pour la période concernée, dans les frais moyens pondérés visés au paragraphe 4, deuxième alinéa. La durée de la phase de démarrage est déterminée en fonction des circonstances propres au producteur ou à l’exportateur concerné, mais n’excède pas une partie initiale appropriée de la période nécessaire à la couverture des coûts. Pour cet ajustement des frais applicables au cours de la période d’enquête, les informations relatives à une phase de démarrage s’étendant au-delà de cette période sont prises en compte dans la mesure où elles sont fournies avant les visites de vérification et dans les trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête.

6.      Les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire par l’exportateur ou le producteur faisant l’objet de l’enquête. Lorsque ces montants ne peuvent être ainsi déterminés, ils peuvent l’être sur la base :

a)       de la moyenne pondérée des montants réels établis pour les autres exportateurs ou producteurs faisant l’objet de l’enquête à l’égard de la production et des ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays d’origine ;

b)       des montants réels que l’exportateur ou le producteur en question a engagés ou obtenus à l’égard de la production et des ventes, au cours d’opérations commerciales normales, de la même catégorie générale de produits sur le marché intérieur du pays d’origine ;

c)       de toute autre méthode raisonnable, à condition que le montant correspondant au bénéfice ainsi établi n’excède pas le bénéfice normalement réalisé par d’autres exportateurs ou producteurs lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine.

7.      a)       Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

            Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

[…]

10.      Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. On évitera de répéter les ajustements, en particulier lorsqu’il s’agit de différences relatives aux rabais, aux remises, aux quantités ou aux stades de commercialisation […]

[…] 

i)       Commissions

Un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. Le terme ‘commissions’ couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

[…] »

4        L’article 11, paragraphes 1 à 3 et 5, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 1 à 3 et 5, du règlement n° 1225/2009) prévoit ce qui suit :

« 1.      Une mesure antidumping ne reste en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer un dumping qui cause un préjudice.

2.      Une mesure antidumping expire cinq ans après son institution ou cinq ans après la date de la conclusion du réexamen le plus récent ayant couvert à la fois le dumping et le préjudice, à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice […]

3.      La nécessité du maintien des mesures peut aussi être réexaminée, si cela se justifie, à la demande de la Commission ou d’un État membre ou, sous réserve qu’une période raisonnable d’au moins un an se soit écoulée depuis l’institution de la mesure définitive, à la demande d’un exportateur, d’un importateur ou des producteurs de la Communauté contenant des éléments de preuve suffisants établissant la nécessité d’un réexamen intermédiaire.

Il est procédé à un réexamen intermédiaire lorsque la demande contient des éléments de preuve suffisants que le maintien de la mesure n’est plus nécessaire pour contrebalancer le dumping et/ou que la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable au cas où la mesure serait supprimée ou modifiée ou que la mesure existante n’est pas ou n’est plus suffisante pour contrebalancer le dumping à l’origine du préjudice […]

[…]

5.      Les dispositions pertinentes du présent règlement concernant les procédures et la conduite des enquêtes, à l’exclusion de celles qui concernent les délais, s’appliquent à tout réexamen effectué en vertu des paragraphes 2, 3 et 4. Ces réexamens sont effectués avec diligence et normalement menés à leur terme dans les douze mois à compter de la date de leur ouverture […] »

5        Les considérants 3 et 4 du règlement (CE) n° 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002, modifiant le règlement de base (JO L 305, p. 1), énoncent :

« (3) L’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 384/96 dispose, entre autres, que lorsque les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable, du fait d’une situation particulière du marché, la valeur normale doit être calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs. Il y a lieu de mieux définir les circonstances pouvant être considérées comme constituant une situation particulière du marché dans laquelle les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Ces circonstances peuvent, par exemple, être liées à la pratique du troc et à l’existence d’autres régimes de transformation non commerciaux, ou à d’autres entraves au marché. En conséquence, les signaux du marché peuvent ne pas refléter correctement l’offre et la demande, ce qui peut avoir une incidence sur les coûts et prix correspondants et peut aussi entraîner un décalage des prix nationaux par rapport aux prix du marché mondial et aux prix d’autres marchés représentatifs. Il est évident que toutes les précisions données dans ce contexte ne peuvent pas être exhaustives compte tenu de la grande variété des éventuelles situations particulières du marché ne permettant pas une comparaison valable.

(4)       Il convient de fournir des indications sur la marche à suivre si, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 384/96, les registres ne tiennent pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans des cas où, du fait d’une situation particulière du marché, les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. Dans ces circonstances, les données pertinentes doivent être obtenues de sources qui ne sont pas affectées par de telles distorsions. Il peut s’agir des coûts d’autres producteurs ou exportateurs établis dans le même pays ou, si ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, de toute autre source raisonnable, notamment les informations émanant d’autres marchés représentatifs. Les données pertinentes peuvent être utilisées soit pour l’ajustement de certains éléments des registres de la partie concernée, soit, si ce n’est pas possible, pour la détermination des coûts de cette partie. »

6        L’article 2.2.1.1 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping de 1994 »), qui figure à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), dispose :

« Aux fins du paragraphe 2, les frais seront normalement calculés sur la base des registres de l’exportateur ou du producteur faisant l’objet de l’enquête, à condition que ces registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur et tiennent compte raisonnablement des frais associés à la production et à la vente du produit considéré. Les autorités prendront en compte tous les éléments de preuve disponibles concernant la juste répartition des frais, y compris ceux qui seront mis à disposition par l’exportateur ou le producteur au cours de l’enquête, à condition que ce type de répartition ait été traditionnellement utilisé par l’exportateur ou le producteur, en particulier pour établir les périodes appropriées d’amortissement et de dépréciation et procéder à des ajustements concernant les dépenses en capital et autres frais de développement. À moins qu’il n’en ait déjà été tenu compte dans la répartition visée au présent alinéa, les frais seront ajustés de manière appropriée en fonction des éléments non renouvelables des frais dont bénéficie la production future et/ou courante, ou des circonstances dans lesquelles les frais ont été affectés, pendant la période couverte par l’enquête, par des opérations de démarrage d’une production. »

 Antécédents du litige

7        Le 15 avril 2002, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 658/2002, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie (JO L 102, p. 1). Ce règlement a été modifié par le règlement (CE) n° 945/2005, du 21 juin 2005 (JO L 160, p. 1).

8        Le 30 août 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu une demande de réexamen intermédiaire partiel au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base. Cette demande a été déposée par la requérante, EuroChem Mineral and Chemical Company OAO (EuroChem MCC), dénommée antérieurement Open Joint Stock Company « Mineral and Chemical Company EuroChem ».

9        Ayant déterminé, après consultation du comité consultatif, qu’il existait des éléments de preuve suffisants pour justifier un réexamen intermédiaire, la Commission a publié, le 30 novembre 2005, un avis d’ouverture d’un réexamen intermédiaire partiel, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (JO C 300, p. 8).

10      Le 17 janvier 2007, à la suite de la publication, le 19 juillet 2006, d’un avis d’expiration prochaine (JO C 167, p. 17), la Commission a été saisie d’une demande de réexamen au titre de l’expiration des mesures, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Cette demande a été déposée par l’Association européenne des fabricants d’engrais.

11      Ayant conclu, après consultation du comité consultatif, à l’existence d’éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, la Commission a publié, le 14 avril 2007, un avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (JO C 81, p. 2).

12      L’enquête de réexamen intermédiaire partiel portant sur les importations d’EuroChem MCC, et effectuée conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, a couvert la période allant du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005.

13      L’enquête relative au réexamen au titre de l’expiration des mesures a couvert la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2007. L’examen des tendances utiles à l’évaluation de la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice a porté sur la période allant du 1er janvier 2003 au 31 mars 2007.

14      Toutes les parties intéressées ont été informées des faits et considérations essentiels sur la base desquels il a été envisagé de recommander la modification des mesures antidumping définitives appliquées à la requérante et de maintenir un droit antidumping définitif sur le nitrate d’ammonium (ci-après le « NA » ou le « produit concerné ») originaire de Russie. Toutes les parties intéressées qui l’ont demandé et qui ont indiqué qu’il y avait des raisons particulières pour les entendre ont été entendues.

15      Le 8 juillet 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 661/2008 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, et d’un réexamen intermédiaire partiel conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (JO L 185, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). Aux termes du règlement attaqué, le Conseil a décidé, en vertu de l’article 1er, de modifier, en ce qui concerne la requérante, les mesures antidumping applicables au NA originaire de Russie et, en vertu de l’article 2, d’instituer des mesures antidumping définitives applicable à ce produit. La requérante, producteur-exportateur en Russie, est l’une des entreprises visées par les droits antidumping définitifs institués par le règlement attaqué.

16      Le considérant 8 du règlement attaqué ainsi que les considérants 31, 32 et 34 à 39 du même règlement, relatifs à l’établissement de la valeur normale dans le cadre du réexamen intermédiaire partiel, sont ainsi rédigés :

« (8)  La demande de réexamen au titre de l’expiration des mesures invoquait pour motif le fait que l’expiration des mesures était susceptible de se traduire par la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice subi par l’industrie communautaire. L’une des parties a estimé que la Commission aurait dû ouvrir d’office et en parallèle un réexamen intermédiaire concernant à la fois le dumping et le préjudice, afin de tenir compte des changements de circonstances liés à l’élargissement de l’Union européenne en 2004 et 2007. Par plusieurs avis publiés au Journal officiel de l’Union européenne […], la Commission a invité les parties intéressées à demander l’ouverture de réexamens intermédiaires, à condition de présenter des éléments de preuve démontrant que les mesures auraient été sensiblement différentes si elles avaient été basées sur des données prenant en considération les nouveaux États membres. Aucune demande de cette nature, ni aucun élément de preuve probant, n’ont été soumis à la Commission. À cet égard, il convient de noter qu’en l’absence de tels éléments de preuve, l’élargissement en tant que tel n’est pas un motif de réexamen suffisant. Ces arguments ont donc dû être rejetés.

[…]

(31)       Un seul type de produit a été exporté vers la Communauté, de sorte que la valeur normale a été calculée par rapport à celui-ci. Il a été vérifié si les ventes effectuées dans le cadre d’opérations commerciales normales au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base étaient suffisamment nombreuses. Les prix de vente sur le marché intérieur pour chaque transaction ont été comparés au coût total de production.

(32) À cet égard, il convient de noter que les coûts énergétiques, notamment pour l’électricité et le gaz, représentent une proportion majeure du coût de fabrication et une proportion significative du coût total de production. Pour déterminer si les ventes ont été effectuées au cours d’opérations commerciales normales, il a également été vérifié si les coûts de production et de vente du produit concerné étaient correctement enregistrés dans les documents comptables des parties concernées.

[…]

(34)       En ce qui concerne les fournitures de gaz, les données publiées par des sources internationalement reconnues et spécialisées dans les marchés énergétiques ont permis d’établir que le prix payé par Eurochem équivalait à un cinquième environ du prix à l’exportation du gaz naturel en provenance de Russie. En outre, toutes les données disponibles indiquent que les prix intérieurs du gaz en Russie étaient des prix réglementés, nettement inférieurs aux prix du marché payés pour le gaz naturel aux États-Unis, au Canada, au Japon et dans l’Union européenne, par exemple. Ces quatre marchés totalisent 46 % de la consommation mondiale de gaz et les prix intérieurs qui y sont pratiqués semblent refléter raisonnablement les coûts. Ces marchés du gaz peuvent donc être considérés comme représentatifs au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. Les informations disponibles donnent également à penser que les prix de vente du gaz russe sur le marché intérieur ne couvrent même pas les coûts du fournisseur de gaz, la société Gazprom.

(35) Compte tenu de ce qui précède, il a été considéré que les prix du gaz payés par NAK Azot au cours de la période d’enquête ne pouvaient pas être utilisés pour calculer le coût de production du produit concerné conformément à la première phrase de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base. Par conséquent, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, les coûts, c’est-à-dire, dans le cas présent, les coûts supportés par NAK Azot pour la fourniture de gaz, ont dû être ajustés pour refléter les coûts liés à la production et à la vente du produit similaire au cours de la PERI. Étant donné que le présent réexamen se limite au niveau du dumping pratiqué par Eurochem, il n’a pas été possible de procéder à un ajustement basé sur les prix non faussés payés par d’autres producteurs ou exportateurs établis en Russie, car les données requises n’étaient pas disponibles. Dès lors, il a été considéré qu’il convenait de baser l’ajustement, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, sur des informations relatives à d’autres marchés représentatifs. Dans le cas présent, le prix a été établi sur la base du prix moyen du gaz russe vendu à l’exportation à la frontière germano-tchèque, net des frais de transport (ci-après dénommé ‘prix Waidhaus ajusté’).

(36) Le coût de production communiqué par NAK Azot a donc été recalculé afin de tenir compte des prix ajustés du gaz. Sur la base du coût de production ainsi recalculé, il est apparu que la totalité des ventes intérieures du produit qui étaient directement comparables avec le seul type de produit exporté par l’entreprise n’avaient pas dégagé de marge bénéficiaire, ce qui signifie qu’elles n’avaient pas eu lieu au cours d’opérations commerciales normales. La valeur normale a donc dû être construite, ce qui a été fait sur la base du coût de fabrication du type de produit exporté vers la Communauté, après correction du coût du gaz, augmenté d’un montant raisonnable pour tenir compte des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ainsi que du bénéfice, conformément à l’article 2, [paragraphes 3 et 6], du règlement de base.

(37)       Les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ainsi que le bénéfice n’ont pu être établis sur la base du chapeau de l’article 2, paragraphe 6, du règlement de base, étant donné que NAK Azot ne réalisait pas de ventes représentatives du produit concerné sur le marché intérieur dans le cadre d’opérations commerciales normales. L’article 2, paragraphe 6, [sous] a), du règlement de base n’a pas pu être appliqué, car un seul autre producteur (Nevinka Azot) a fait l’objet d’une enquête. L’article 2, paragraphe 6, [sous] b), du règlement de base n’était pas non plus applicable, puisque les coûts de production encourus par NAK Azot pour des produits relevant de la même catégorie générale de biens devraient également faire l’objet d’un ajustement en fonction du coût du gaz, pour les raisons exposées plus haut. Les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux et le bénéfice ont été établis conformément à l’article 2, paragraphe 6, [sous] c), du règlement de base.

(38)       Conformément à l’article 2, paragraphe 6, [sous] c), du règlement de base, les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ont été calculés sur la base d’une méthode raisonnable. Le marché nord-américain a fait apparaître un volume significatif de ventes intérieures et un niveau considérable de concurrence de la part des sociétés tant nationales qu’étrangères. À cet égard, il a été tenu compte d’informations accessibles au public en ce qui concerne les grandes entreprises du secteur des engrais. Il a été constaté que les données correspondantes relatives aux producteurs des pays nord-américains (États-Unis et Canada) étaient celles qui convenaient le mieux aux fins de l’enquête, en raison de la grande disponibilité d’informations financières publiques, fiables et exhaustives sur des sociétés cotées de cette région du monde. Les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux et le bénéfice ont donc été calculés sur la base de la moyenne pondérée des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux et du bénéfice, relatifs aux ventes intérieures de la même catégorie générale de produits (engrais azotés) de trois producteurs nord-américains faisant partie des plus grandes entreprises du secteur des engrais azotés. Ces trois producteurs ayant été considérés comme représentatifs du secteur des engrais azotés (en moyenne plus de 80 % du chiffre d’affaires de la société ou du secteur d’activité), leurs frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux et leur bénéfice ont également été considérés comme représentatifs, pour des sociétés opérant avec succès dans ces secteurs d’activité.

(39) Le pourcentage des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux s’est établi à 6,9 %. La marge bénéficiaire moyenne a été calculée à 9,1 %. Il convient de noter que le montant du bénéfice ainsi établi ne dépasse pas le bénéfice réalisé par les producteurs russes lors de la vente de produits relevant de la même catégorie générale sur leur marché intérieur. »

17      Le considérant 50 du règlement attaqué est libellé de la manière suivante :

« (50)       Compte tenu des conclusions établies concernant le dumping et le caractère durable du changement de circonstances, il convient de modifier le droit antidumping individuel appliqué actuellement aux importations du produit concerné dans le cas d’Eurochem afin de tenir compte de la nouvelle marge de dumping constatée. »

18      Aux considérants 56 à 79 du règlement attaqué, le Conseil a exposé comment la valeur normale a été établie dans le cadre du réexamen au titre de l’expiration des mesures. La motivation retenue est, mutatis mutandis, équivalente à celle développée pour la demande de réexamen, sous réserve de quelques précisions supplémentaires. Au considérant 56 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué ce qui suit :

« La Commission a examiné si les ventes sur le marché intérieur pouvaient être considérées comme ayant été effectuées au cours d’opérations commerciales normales, conformément à l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base. À cet effet, le coût de production du produit fabriqué et vendu sur le marché intérieur par les producteurs-exportateurs ayant coopéré a été analysé. »

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, en ce qu’il lui impose un droit antidumping ainsi qu’à ses filiales de production et à ses sociétés liées, indiquées au considérant 23, sous a) et c), à l’article 1er, paragraphe 2, sous a), et à l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

21      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

22      À la suite d’une demande d’intervention présentée par la Commission le 12 janvier 2009, cette dernière a été, par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal en date du 2 mars 2010, autorisée à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. La Commission a déposé au greffe du Tribunal le 14 avril 2010 un mémoire en intervention, auquel ont répondu la requérante et le Conseil par mémoires, respectivement, des 16 et 23 juillet 2010.

23      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal, en date du 3 février 2009, la présente affaire a été suspendue jusqu’au 3 novembre 2009.

24      À la suite d’une demande d’intervention présentée par Fertilizers Europe le 9 février 2011, cette dernière a été, par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal en date du 11 mai 2011, autorisée à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

25      Dans ses observations écrites sur la demande d’intervention de Fertilizers Europe, déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2011, la requérante estime que la demande de Fertilizers Europe, présentée dans la demande d’intervention, de la voir condamnée aux dépens de Fertilizers Europe est irrecevable, dès lors que l’article 40 du statut de la Cour de justice des Communautés européennes prévoit que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que les conclusions de l’une des parties. Elle ajoute qu’il ressort de la pratique du Tribunal que la condamnation aux dépens exposés par une partie intervenante non institutionnelle tient compte de la pertinence de l’intervention et de l’apport de cette dernière à la clarification des problèmes soumis à l’examen du Tribunal. Or, en l’espèce, si l’intervention de Fertilizers Europe se limite à apporter des observations au cours de la procédure orale, une telle intervention ne contribuerait pas de façon substantielle à l’examen du Tribunal. La requérante demande que Fertilizers Europe soit condamnée à supporter ses propres dépens exposés dans le cadre de cette intervention, conformément à l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal. Elle demande également que Fertilizers Europe soit condamnée à supporter ses dépens dans le cadre de cette même intervention.

26      La requérante ayant déposé le 18 mars 2011 une demande de traitement confidentiel au titre de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, le président de la huitième chambre du Tribunal a, dans la même ordonnance en date du 11 mai 2011, réservé la décision de savoir si la requérante recevrait le rapport d’audience en vue d’identifier les éléments pouvant être considérés comme confidentiels.

27      Par lettre du 14 novembre 2011, le greffe du Tribunal a communiqué le projet de rapport d’audience à la requérante, qui a indiqué, par lettre du 29 novembre 2011, que ce projet ne contenait aucun élément pouvant être considéré comme étant confidentiel.

 En droit

28      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base et/ou d’une forme substantielle ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation et, deuxièmement, de la violation des articles 1er et 2 du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base et/ou d’une forme substantielle ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

29      Par son premier moyen, la requérante invoque la violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base et/ou d’une forme substantielle, en ce que, selon elle, le Conseil et la Commission (ci-après les « institutions ») auraient dû ouvrir de leur propre initiative un réexamen intermédiaire partiel portant sur les aspects relatifs du préjudice, parallèlement au réexamen au titre de l’expiration des mesures. Par conséquent, les institutions auraient commis une erreur manifeste d’appréciation lors du réexamen au titre de l’expiration des mesures.

30      Selon la requérante, la Commission était la seule entité en mesure d’ouvrir un tel réexamen intermédiaire, dès lors qu’elle avait en sa possession suffisamment d’éléments de preuve justifiant l’ouverture d’un tel réexamen, notamment ceux communiqués le 17 janvier 2007 par l’Association européenne des fabricants d’engrais.

31      La requérante prétend que les institutions ne pouvaient pas, pour justifier le réexamen au titre de l’expiration des mesures, présumer une continuation ou une probabilité de réapparition du préjudice pour l’industrie communautaire, dès lors qu’un tel préjudice n’avait pas été établi auparavant pour cette industrie couvrant 27 États membres. La probabilité de réapparition du préjudice aurait dû avoir lieu dans le cadre d’un réexamen intermédiaire partiel et non d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures.

32      Dans la réplique, la requérante a fait valoir qu’elle soulevait le premier moyen également au titre de l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base, qui prévoirait qu’une mesure ne doit s’appliquer que le temps ou dans la mesure nécessaire pour contrebalancer un dumping causant un préjudice à l’industrie communautaire.

33      Toujours dans la réplique, la requérante a fait observer que c’était à tort que le Conseil avait fait valoir, dans le mémoire en défense, qu’elle n’avait pas demandé de réexamen intermédiaire.

34      Enfin, la requérante soutient que le fait que des données de l’Union à 27 États membres aient été utilisées dans le cadre du réexamen au titre de l’expiration des mesures ne ferait pas disparaître l’erreur manifeste d’appréciation.

35      Il y a lieu de relever que la requérante ne démontre pas en quoi la légalité du règlement attaqué pourrait être affectée par l’inaction présumée des institutions. La requérante se limite à soutenir que les institutions auraient dû ouvrir, de leur propre initiative, un réexamen intermédiaire partiel. En outre, il convient de rappeler que l’article 232 CE prévoit la possibilité d’introduire un recours en cas d’inaction de la Commission. Le premier moyen doit donc être rejeté comme inopérant.

36      Au surplus, il convient de rappeler que, si, aux termes de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission peut demander le réexamen du maintien des mesures si cela se justifie, il est de jurisprudence constante que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Il en va de même pour les appréciations techniques complexes, faites par les institutions (voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, Rec. p. II‑6283, point 77, et la jurisprudence citée).

37      Selon la jurisprudence, dans ledit domaine, le contrôle des appréciations des institutions par le juge de l’Union est limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (arrêt EWRIA e.a./Commission, point 36 supra, point 78).

38      La Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination de la nécessité du maintien de mesures antidumping, dans le cadre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (arrêt EWRIA e.a./Commission, point 36 supra, point 79).

39      C’est donc à juste titre que le Conseil a relevé que, indépendamment des élargissements de l’Union à 25 puis 27 États membres, la Commission disposait toujours de son pouvoir d’appréciation lui permettant de décider s’il y avait lieu d’ouvrir un réexamen intermédiaire de sa propre initiative.

40      Il n’apparaît donc pas, en tout état de cause, que la Commission ait commis une erreur manifeste d’appréciation en n’ouvrant pas d’office un réexamen intermédiaire des mesures antidumping en cause à la suite des élargissements à 25 puis 27 États membres.

41      Au demeurant, il convient d’ajouter que la Commission n’avait reçu aucune demande de réexamen intermédiaire partiel, à la suite de la publication d’un avis invitant les entreprises concernées à se manifester, après l’élargissement de l’Union intervenu le 1er mai 2004, étant précisé que la demande de réexamen intermédiaire partiel déposée par la requérante le 30 août 2005 était limitée à la marge de dumping de cette entreprise et n’était pas fondée sur ledit élargissement.

42      Le premier moyen ne peut donc qu’être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation des articles 1er et 2 du règlement de base

43      Par son second moyen, la requérante invoque la violation des articles 1er et 2 du règlement de base. Elle articule ce moyen en trois branches, aux termes desquelles, en substance, elle soutient, en premier lieu, que, pour le calcul de la valeur normale, il a été considéré à tort que les frais liés à la production et à la vente du produit concerné n’étaient pas raisonnablement reflétés dans ses registres comptables et qu’il convenait, en conséquence, de procéder à un ajustement. En deuxième lieu, elle indique que l’ajustement opéré pour le prix du gaz russe a été, à tort, calculé à partir du prix à Waidhaus (Allemagne), que n’a pas été déduit du montant de cet ajustement le droit à l’exportation de 30 % applicable au gaz russe et qu’il a été procédé, à tort, à un ajustement de 15 % pour refléter les coûts locaux de distribution. En troisième lieu, elle soutient qu’ont été déduits à tort de son prix à l’exportation au premier client indépendant les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux ainsi que les commissions des sociétés affiliées qui font partie de l’entité économique unique qu’elle représente.

44      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, lorsque les institutions adoptent, en vertu du règlement de base, des actions de protection antidumping concrètes, elles disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (arrêts de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, point 86, et du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, Rec. p. I‑2817, point 10 ; arrêts du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T‑164/94, Rec. p. II‑2681, point 131 ; du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, Rec. p. II‑427, point 72 ; du 18 septembre 1996, Climax Paper/Conseil, T‑155/94, Rec. p. II‑873, point 98 ; du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec. p. II‑1383, point 63, et du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T‑118/96, Rec. p. II‑2991, point 32).

45      Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur ces appréciations doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence d’un détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, point 19 ; Nippon Seiko/Conseil, 258/84, Rec. p. 1923, point 21 ; du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec. p. I‑781, point 63 ; Rotexchemie, point 44 supra, point 11 ; arrêts Climax Paper/Conseil, point 44 supra, point 98 ; Shanghai Bicycle/Conseil, point 44 supra, point 64, et Thai Bicycle/Conseil, point 44 supra, point 33).

 Sur la première branche du second moyen

46      Dans le cadre de cette première branche, la requérante entend démontrer que, pour le calcul de la valeur normale, les institutions ont à tort retenu le principe de l’ajustement ainsi qu’une méthode destinée aux pays dépourvus d’une économie de marché, ce qui serait contraire non seulement au libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, mais aussi à cette disposition lue en combinaison avec les autres dispositions des articles 1er et 2 du règlement de base (premier grief), ainsi qu’aux dispositions de l’accord antidumping de 1994 (second grief).

–       Sur le premier grief

47      Selon la requérante, le libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base permet aux institutions de vérifier que les principaux frais de production et de vente sont dûment enregistrés et comptabilisés dans les registres des producteurs. En revanche, il ne prévoirait pas que ces institutions puissent vérifier si ces frais sont raisonnables par rapport au niveau des prix sur un autre marché. Le libellé de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base n’impliquerait pas qu’il convienne de vérifier la « fiabilité » des principaux éléments des frais de production et de vente du produit concerné à la lumière des prix ou valeurs d’intrants similaires exportés vers l’Union européenne ou que l’on trouve sur les marchés non réglementés de pays tiers.

48      La requérante soutient, en outre, que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, lu en combinaison avec les autres dispositions de l’article 1er et de l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement, ne permet pas de confirmer le recours à l’ajustement du prix du gaz par les institutions en l’espèce.

49      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base prévoit, d’une part, les critères de la mise à l’écart de la méthode d’établissement de la valeur normale, fondée sur les prix sur le marché intérieur du pays exportateur, et, d’autre part, les méthodes subsidiaires de calcul de cette valeur. Selon cette disposition, l’un des motifs permettant de recourir à une méthode subsidiaire est la circonstance qu’aucune vente de produit similaire n’ait lieu au cours d’opérations commerciales normales.

50      L’article 2, paragraphe 4, du même règlement précise les conditions dans lesquelles les ventes peuvent être considérées comme n’ayant pas lieu au cours d’opérations commerciales normales. Aux termes de cette disposition, les ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays exportateur ou les ventes à destination d’un pays tiers à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires, majorés des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ne peuvent être considérées comme n’ayant pas lieu au cours d’opérations commerciales normales en raison de leur prix et ne peuvent être écartées de la détermination de la valeur normale que s’il est déterminé que de telles ventes sont effectuées sur une période étendue en quantités substantielles et à des prix qui ne permettent pas de couvrir tous les frais dans un délai raisonnable.

51      En l’espèce, il ressort du règlement attaqué et du dossier de la présente affaire que les institutions ont écarté les méthodes primaires de calcul au motif que les ventes n’avaient pas été effectuées dans le cadre d’opérations commerciales normales. Elles ont ensuite eu recours à la méthode prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, selon laquelle la valeur normale du produit est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable (ci-après la « valeur normale construite »).

52      Les parties s’opposent en ce qui concerne la détermination du coût de production du produit concerné en application de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base. Plus précisément, le litige porte sur le calcul du coût que représente le gaz dans la production du produit concerné.

53      Il est constant que le gaz constitue le principal intrant du produit concerné et que le prix du gaz dont la requérante a bénéficié pour la production dudit produit était réglementé en Russie. Le coût du gaz en tant que tel supporté par la requérante n’est pas litigieux, le Conseil ne soutenant pas que ce coût aurait été autre que celui chiffré dans les registres comptables de la requérante. La requérante reproche au Conseil de ne pas avoir calculé la valeur normale du produit concerné sur la base de ce coût et d’avoir utilisé pour ce calcul un autre prix du gaz, plus élevé, tiré d’un autre marché que le marché intérieur russe.

54      Il ressort de la lecture combinée de l’article 2, paragraphe 3, première phrase, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, et paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de base que, pour la détermination du coût de production, les frais sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête.

55      Les institutions soutiennent que l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de base apporte deux précisions, pouvant se présenter comme deux conditions, à savoir, d’une part, que les registres doivent être tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et, d’autre part, que les registres doivent tenir compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit considéré. La seconde condition permettrait aux institutions de vérifier le caractère « raisonnable » de la prise en compte des frais dans les registres même si les principes comptables généralement acceptés du pays concerné sont respectés et, le cas échéant, d’opérer des ajustements, en se fondant sur d’autres sources d’informations que les registres, conformément à la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base.

56      Il n’est pas soutenu par le Conseil que la première condition ne soit pas remplie en l’espèce. En revanche, il estime que les registres de la requérante ne tiennent pas compte raisonnablement des frais liés à la production du produit concerné, étant donné que le prix du gaz serait artificiellement bas, nettement inférieur aux prix du gaz pratiqués sur les marchés non réglementés. De ce fait, le Conseil aurait été en droit, conformément à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, d’ajuster le prix du gaz sur la base d’informations provenant d’autres marchés représentatifs.

57      Il importe donc d’examiner si le Conseil pouvait écarter le coût du gaz effectivement supporté par la requérante, indiqué dans la comptabilité de celle-ci, pour la production du produit concerné, au motif que ce coût était, selon le Conseil, artificiellement bas en raison de la réglementation du prix du gaz en Russie, et s’il pouvait, en conséquence, ajuster ce coût à la hausse en prenant en considération le prix du gaz sur un marché que le Conseil a considéré comme représentatif.

58      L’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base prévoit que les frais de production sont normalement calculés sur la base des registres comptables de la partie faisant l’objet de l’enquête. Ainsi, les frais sont normalement calculés en utilisant des informations tirées desdits registres.

59      L’article 2, paragraphe 5, deuxième et troisième alinéas, du règlement de base contient des dispositions spécifiques concernant la répartition des frais et les frais de démarrage. Ces dispositions prévoient des possibilités d’ajustement des frais retranscrits dans les registres comptables, ces frais pouvant être adaptés et répartis de manière différente sous certaines conditions.

60      Il ressort également de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base que les registres comptables de la partie concernée ne sont pas pris comme base pour le calcul de la valeur normale si les frais liés à la production d’un produit faisant l’objet d’une enquête ne sont pas raisonnablement reflétés dans ces registres. Dans ce cas, selon la seconde phrase dudit alinéa, les frais sont ajustés ou déterminés sur la base d’autres sources d’information que ces registres. Ces informations peuvent être tirées des frais exposés par d’autres producteurs ou exportateurs ou, lorsque ces dernières informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, de toute autre source d’information raisonnable, y compris les informations émanant d’autres marchés représentatifs.

61      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, relative à la méthode de calcul de ladite valeur, a été insérée par le règlement n° 1972/2002.

62      Il ressort du considérant 4 de ce dernier règlement que l’insertion de ladite seconde phrase visait à fournir des indications sur la marche à suivre si les registres ne tiennent pas raisonnablement compte des frais liés à la production et à la vente du produit considéré, notamment dans des situations particulières du marché où les ventes du produit similaire ne permettent pas une comparaison valable. En pareil cas, les données doivent, selon le même considérant, provenir de sources qui ne sont pas affectées par de telles distorsions.

63      Au même considérant 4 du règlement n° 1972/2002, il est précisé qu’il est possible de recourir aux coûts d’autres producteurs ou exportateurs établis dans le même pays ou, si ces informations ne sont pas disponibles ou ne peuvent être utilisées, à toute autre source raisonnable, notamment les informations émanant d’autres marchés représentatifs. Il ressort également de ce considérant que les données pertinentes peuvent être utilisées soit pour l’ajustement de certains éléments des registres de la partie concernée, soit, si ce n’est pas possible, pour la détermination des coûts de cette partie.

64      En l’espèce, le Conseil a soutenu devant le Tribunal qu’il n’y avait pas d’opérations commerciales normales dès lors que le prix du gaz, l’intrant principal du produit concerné, était réglementé de sorte que ce prix était artificiellement bas sur le marché intérieur. La requérante n’a pas contesté le fait que le prix du gaz sur le marché russe était réglementé et qu’il représentait une part importante du coût du produit concerné.

65      Le prix du gaz en Russie étant réglementé, il y a effectivement lieu de considérer que le coût de production du produit concerné était affecté par une distorsion du marché intérieur russe en ce qui concerne le prix du gaz, ce prix ne résultant pas des forces du marché.

66      Par ailleurs, l’interprétation de la première phrase de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, avancée par la requérante, tendant à calculer les frais de production sur la base des seuls registres comptables de la partie concernée, reviendrait à empêcher en définitive le recours à la valeur normale construite dans un cas, notamment, où les frais de production ne résultent pas d’opérations commerciales normales, bien qu’un tel recours soit expressément prévu à l’article 2, paragraphe 3, du même règlement.

67      Les institutions ont donc pu conclure à bon droit que l’un des éléments des registres de la requérante ne pouvait être considéré comme raisonnable et qu’il convenait, par conséquent, de procéder à son ajustement, en recourant à d’autres sources émanant de marchés qu’elles considéraient comme plus représentatifs et, partant, effectuer l’ajustement du prix du gaz.

68      S’agissant de l’argument selon lequel seul l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base permet aux institutions d’établir la valeur normale par référence non pas aux données relatives aux prix et aux coûts dans le pays exportateur ou d’origine, mais aux données relatives aux prix et aux coûts dans un pays tiers ayant une économie de marché, la requérante soutient que le champ d’application de ladite disposition est limité à une liste exhaustive de pays, dépourvus d’économie de marché. Or, la requérante relève que, à la date d’ouverture de l’enquête relative au réexamen des mesures parvenant à expiration dans la présente affaire, la Fédération de Russie ne figurait pas dans la liste des pays visés. La Fédération de Russie avait obtenu le statut d’économie de marché au niveau national en 2002 et un tel statut constituerait une présomption irréfutable que les coûts des producteurs établis dans ce pays et faisant l’objet d’une enquête seraient suffisamment fiables pour que la valeur normale puisse être calculée sur la base, notamment, de l’article 2, paragraphes 3 à 6, du règlement de base.

69      En l’espèce, la valeur normale n’a pas été établie en se fondant sur l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dès lors que la Fédération de Russie n’était pas, au moment des faits de l’espèce, un pays visé par l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base et que l’article 2, paragraphes 1 à 6, du même règlement était applicable pour lesdits faits. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 60 ci-dessus, l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base permet, sous certaines conditions, de prendre en considération des informations émanant d’autres marchés que le marché du pays exportateur ou d’origine.

70      La requérante ajoute que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base proposée par les institutions aboutirait à plusieurs résultats incohérents.

71      D’une part, le producteur qui profite de prix bas sur le marché domestique des principaux intrants de ses produits serait confronté à un dilemme, à savoir soit ne pas augmenter ses prix, mais avec le risque, alors, d’être considéré comme étant importateur dans l’Union de produits faisant l’objet d’un dumping, soit augmenter ses prix pour éviter toute enquête antidumping, mais avec le risque, alors, d’avoir des prix qui deviennent prohibitifs sur le marché domestique. Les mêmes producteurs, pour éviter l’enquête antidumping, seraient conduits à inscrire dans leurs registres, en violation de leur droit national, non pas le coût réel des intrants de leurs produits, mais le coût moyen de ces intrants sur les marchés étrangers non réglementés.

72      À cet égard, comme le relève à juste titre le Conseil, l’approche des institutions ne contraint pas la requérante à augmenter le prix de ses ventes sur le marché intérieur. La mesure antidumping retenue dans le règlement attaqué ne restreint pas les possibilités pour la requérante de pratiquer les prix qu’elle souhaite sur le marché russe (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, T‑159/94 et T‑160/94, Rec. p. II‑2461, point 196).

73      D’autre part, selon la requérante, les coûts afférents à la production d’un produit dans un pays doté du statut d’économie de marché pourraient être considérés comme trop bas par rapport aux coûts d’un produit équivalent constatés dans l’Union ou sur d’autres marchés étrangers. L’enquête antidumping menée en l’espèce par les institutions se serait substituée, de façon injustifiée, à la réglementation en matière d’aides d’État et, plus particulièrement, au règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1).

74      À cet égard, il importe de rappeler que le règlement de base et le règlement n° 2026/97 visent, ainsi qu’il ressort du considérant 5 de ce dernier règlement, à fixer, sous une forme suffisamment détaillée, les dispositions d’application de ces deux instruments de défense commerciale.

75      Toutefois, rien n’indique que la question en l’espèce, qui porte sur une réglementation qui oblige Gazprom à fournir, en Russie, le gaz naturel à un prix bas, aurait dû être traitée uniquement sous l’angle des aides d’État. Il importe de relever que la requérante n’a apporté aucun élément en ce sens.

76      Par ailleurs, rien n’indique non plus que le seul fait que la question puisse, éventuellement, être examinée sous l’angle des aides d’État ait été de nature à empêcher les institutions d’analyser la présente affaire également sous l’angle des dispositions du règlement de base.

77      Ainsi que l’a relevé le Conseil à l’audience, la Commission et lui ont déjà été amenés à examiner certaines situations sous l’angle à la fois des aides d’État et du dumping (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, Rec. p. II‑3685).

78      Tout au plus, comme le prévoient l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base et l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 2026/97, aucun produit ne peut être soumis à la fois à des droits antidumping et à des droits compensateurs en vue de remédier à une situation résultant d’un dumping ou de l’octroi d’une subvention à l’exportation.

79      Il résulte de ce qui précède que le premier grief n’est pas fondé.

–       Sur le second grief

80      La requérante considère que les dispositions du règlement de base ont pour objet de mettre en œuvre les règles de l’accord antidumping de 1994 et que les institutions doivent interpréter et appliquer les dispositions du règlement de base conformément à un tel accord.

81      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE (arrêts de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 53, et du Tribunal du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T‑45/06, Rec. p. II‑2399, point 87).

82      Toutefois, dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’occurrence où l’acte de l’Union renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (arrêts de la Cour Petrotub et Republica/Conseil, point 81 supra, point 54, et du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec. p. I‑7723, point 30 ; arrêt Reliance Industries/Conseil et Commission, point 81 supra, point 88).

83      Il ressort du considérant 5 du règlement de base que ce dernier a notamment pour objet de transposer dans le droit de l’Union, dans toute la mesure du possible, les règles nouvelles et détaillées contenues dans l’accord antidumping de 1994, au rang desquelles figurent, en particulier, celles relatives au calcul de la marge de dumping, et ce afin d’assurer une application appropriée et transparente desdites règles (arrêt Petrotub et Republica/Conseil, point 81 supra, point 55).

84      La Communauté a, dès lors, adopté le règlement de base pour satisfaire à ses obligations internationales découlant de l’accord antidumping de 1994 et, par l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, elle a entendu donner exécution aux obligations particulières que comporte l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 (voir, en ce sens, arrêt Petrotub et Republica/Conseil, point 81 supra, point 56).

85      Il s’ensuit que l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base doit être interprété, dans la mesure du possible, à la lumière de l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 (voir, en ce sens, arrêts Petrotub et Republica/Conseil, point 81 supra, point 57, et Reliance Industries/Conseil et Commission, point 81 supra, point 91, et la jurisprudence citée).

86      Pour cela, en premier lieu, il importe de relever que la requérante fait référence à l’un des derniers projets avant l’adoption de l’accord antidumping de 1994 qui prévoyait, en ce qui concerne les dispositions qui deviendraient l’article 2.2.1.1 dudit accord, que « les frais ser[aie]nt normalement calculés conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur, dans la mesure où lesdits principes reflètent raisonnablement les frais associés à la production et à la vente du produit considéré ». Il ressortirait d’un tel libellé que l’objet initial de l’article 2.2.1.1 dudit accord et, par voie de conséquence, de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base était de s’assurer que le producteur faisant l’objet de l’enquête applique de bonnes règles comptables, reflétant objectivement les frais réels supportés par le producteur faisant l’objet de l’enquête, et non de vérifier si les prix des intrants payés par le producteur correspondent aux prix des marchés non réglementés.

87      Toutefois, le fait d’invoquer la version d’une disposition sous forme de projet ne suffit pas à démontrer que l’intention des rédacteurs de ladite disposition est restée inchangée, surtout s’il apparaît que le libellé de la disposition, dans sa version finale, se révèle différent de celui de la disposition correspondante, dans sa version au stade de projet, ainsi que le souligne à juste titre, en substance, le Conseil.

88      En second lieu, il apparaît que le libellé de la disposition de l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping de 1994 ne présente pas de différences significatives avec le texte de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de base, visant à ce que les registres soient tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays exportateur et qu’ils tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit concerné.

89      Toutefois, comme l’a souligné à juste titre le Conseil, les dispositions visées à la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base ne sont pas indiquées dans l’accord antidumping de 1994. Le recours à une interprétation à la lumière de l’accord antidumping de 1994 ne paraît donc pas pouvoir s’exercer pleinement en ce qui concerne ces dispositions visant la situation où les frais du produit concerné ne sont pas raisonnablement reflétés dans les registres.

90      Le second grief n’est donc pas fondé.

91      Il ressort de tout ce qui précède que la première branche du second moyen n’est pas fondée.

 Sur la deuxième branche du second moyen

92      La requérante invoque une violation de l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, seconde phrase, du règlement de base, une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’un défaut de motivation, en ce que, par le règlement attaqué, le Conseil aurait retenu l’ajustement du prix du gaz payé sur la base du prix à Waidhaus, n’aurait pas déduit du montant de l’ajustement les taxes à l’exportation de 30 % applicables au gaz russe et aurait procédé à un ajustement vers le haut de 15 % pour tenir compte des coûts locaux de distribution. La requérante conteste, à cet égard, la conclusion figurant au considérant 35 du règlement attaqué.

93      Celle-ci est rédigée de la sorte :

« [I]l a été considéré qu’il convenait de baser l’ajustement, conformément à l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, sur des informations relatives à d’autres marchés représentatifs. Dans le cas présent, le prix a été établi sur la base du prix moyen du gaz russe vendu à l’exportation à la frontière germano-tchèque, net des frais de transport […] »

94      D’une part, la requérante considère que, si les institutions avaient choisi une base différente, telle que le prix à l’exportation du gaz russe vers les États baltes ou tout marché représentatif connaissant les niveaux de prix du gaz les plus proches de ses niveaux de prix du gaz, la marge de dumping aurait été négative ou différente. Les institutions auraient dû choisir une « base raisonnable » au sens de l’article 2, paragraphe 5, deuxième phrase, du règlement de base, plutôt que le prix à Waidhaus.

95      L’erreur manifeste d’appréciation résulterait de ce que, tout d’abord, les marchés représentatifs mentionnés par la Commission comme bases possibles de l’ajustement (à savoir l’Union européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada ou le Japon) connaîtraient les prix du gaz les plus élevés du monde et ne seraient pas proches des niveaux de prix du gaz de la requérante.

96      Ensuite, l’ajustement relatif au prix du gaz aurait été pratiqué sur la base d’un prix intracommunautaire, à savoir la frontière germano-tchèque, reflétant non seulement les coûts de production et de vente du gaz, mais aussi la marge bénéficiaire intracommunautaire de la plate-forme Waidhaus. La base d’ajustement retenue reviendrait à considérer que, pour la plus grande partie de ses coûts totaux de production, la requérante serait basée à la frontière germano-tchèque et achèterait le gaz directement sur le marché de Waidhaus. Or, le fait de placer la requérante dans une position où elle produirait le produit concerné en Russie, tout en payant les droits à l’exportation et les marges intracommunautaires, ne constituerait pas une « base raisonnable » au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

97      Enfin, le marché de Waidhaus serait uniquement le reflet de la situation géographique de Waidhaus, à savoir être sur la voie des principaux gazoducs russes entre la Russie et l’Union européenne, et du nombre de contrats de livraison de gaz ainsi que du volume de gaz négocié. Ces facteurs ne seraient pas pertinents pour qualifier le prix du gaz à Waidhaus de « base raisonnable ».

98      D’autre part, le Conseil aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation et entaché le règlement attaqué d’un défaut de motivation en ce qu’il aurait refusé de déduire les droits de 30 % à l’exportation du gaz russe, tout en déduisant les frais de transport, ainsi qu’il résulte des termes du considérant 35 du règlement attaqué.

99      Le raisonnement suivi serait incohérent et contradictoire, car, selon la requérante, de la même manière que les consommateurs russes n’ont pas à payer le transport du gaz de Russie à Waidhaus, ce qui a conduit à déduire les frais de transport du gaz, aurait dû être déduit aussi le droit de 30 % prélevé à l’exportation du gaz de Russie, droit que la requérante ne supporte jamais pour la production du produit concerné en Russie.

100    La requérante ajoute que, même si les institutions entendaient sanctionner le régime de doubles prix appliqué par les autorités russes dans le secteur du gaz, cela ne devait pas dispenser lesdites institutions de leur obligation de fonder l’ajustement relatif au prix du gaz sur une base raisonnable au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base.

101    À cet égard, s’agissant, tout d’abord, du choix du prix de Waidhaus comme prix de référence, il importe de relever que les institutions ne sont pas tenues de prendre en considération tous les prix de référence possibles dans le cadre d’une procédure antidumping, mais doivent être amenées à examiner de façon approfondie les éventuelles propositions formulées par les parties, en cas de doute sur le choix du prix de référence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec. p. I‑5163, point 32).

102    En l’espèce, il n’apparaît pas que, dans le règlement attaqué, le Conseil ait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant le choix du prix à Waidhaus, qui apparaît raisonnable à plusieurs titres.

103    Il n’est pas contesté que Waidhaus soit le principal point d’arrivée des livraisons de gaz russe dans l’Union. Il ressort du dossier que Waidhaus est une ville allemande située sur la voie des principaux gazoducs russes entre la Russie et l’Union et se trouve être, en termes de nombre de contrats négociés d’approvisionnement en gaz ainsi que de volume de gaz concerné, le premier point d’arrivée du gaz exporté par les producteurs russes dans l’Union.

104    Le prix du gaz négocié en ce lieu est donc celui facturé par les vendeurs russes à leurs clients européens et non un prix intracommunautaire, contrairement à ce que tente de soutenir la requérante dans la requête.

105    Ensuite, compte tenu du volume de gaz concerné et du nombre de contrats négociés, rien n’indique que le prix du gaz russe à Waidhaus ne soit pas le résultat de forces du marché exemptes de distorsions.

106    La requérante a invoqué la décision de la Commission du 8 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (affaire COMP/39.401 – E.ON/GDF) (résumé au JO C 248, p. 5), pour soutenir que l’entente sanctionnée par une telle décision avait eu des effets sur les données utilisées par la Commission pour calculer l’ajustement dans la présente affaire. Selon elle, il résulte de ladite décision que le prix du gaz russe à Waidhaus ne serait pas le résultat des forces du marché.

107    Or, il suffit de constater que, si cette décision porte bien sur des ventes de gaz en provenance de Russie, elle concerne seulement l’examen d’un accord de répartition des marchés en Allemagne et en France entre E.ON et GDF pour les ventes de gaz à leurs clients. Elle ne vise pas l’examen du marché d’exportation du gaz russe en gros à destination de l’ensemble de l’Union, ni l’examen des relations de E.ON et GDF avec leur fournisseur de gaz russe.

108    Enfin, si la requérante conteste que le prix de Waidhaus soit bien plus élevé que celui du gaz vendu sur le marché intérieur russe, elle n’a pas soutenu qu’il soit bien supérieur à celui négocié au Royaume-Uni, aux États-Unis ou au Canada. La requérante a affirmé que les prix du gaz en provenance du Qatar, de Trinidad, d’Australie et de Libye étaient inférieurs au prix de Waidhaus, sans pour autant préciser si le gaz importé de ces pays correspondait à un volume significatif ou représentatif pour l’Union. Les institutions n’ont donc pas choisi le prix de référence le plus élevé du marché. Il n’est, en outre, pas certain que le prix du gaz à l’exportation vers les États baltes ne soit pas comparable à celui du gaz qui transite par Waidhaus.

109    S’agissant, par ailleurs, de la décision de ne pas déduire les taxes à l’exportation prélevées en Russie, seuls les frais de transports faisant l’objet d’une déduction, la requérante soutient qu’elle est incohérente et erronée et invoque, à cet égard, une affaire ayant donné lieu au règlement (CE) n° 954/2006 du Conseil, du 27 juin 2006, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier, originaires de Croatie, de Roumanie, de Russie et d’Ukraine, abrogeant les règlements (CE) n° 2320/97 et (CE) n° 348/2000, clôturant le réexamen intermédiaire et le réexamen au titre de l’expiration des mesures des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et clôturant les réexamens intermédiaires des droits antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires, entre autres, de Russie et de Roumanie et de Croatie et d’Ukraine (JO L 175, p. 4).

110    Le Conseil répond que, dans cette affaire, la Commission et lui n’ont procédé qu’à une déduction des droits d’accises dus pour les ventes intérieures de gaz, mais à aucune déduction des taxes à l’exportation..

111    Il ressort en effet du considérant 97 du règlement n° 954/2006 que les coûts du gaz russe ont été ajustés en prenant pour base le prix du gaz exporté vers les pays d’Europe occidentale, hors frais de transport et droits d’accises. Il n’est pas fait référence aux taxes à l’exportation, contrairement à ce que la requérante prétend.

112    En tout état de cause, le Conseil a justifié l’absence de déduction des taxes à l’exportation par le fait que la tarification opérée par Gazprom n’était pas influencée par le montant des taxes à l’exportation. Il a également ajouté que ce prix était seulement influencé par celui que les clients de Gazprom étaient disposés à payer. À l’audience, le Conseil a réitéré son analyse selon laquelle c’est le prix payé à Waidhaus qui importe, sans qu’il soit pertinent de savoir ce que ce prix comprend.

113    Or, il apparaît que la requérante n’a pas été en mesure d’expliquer ni de démontrer en quoi la tarification opérée par Gazprom à Waidhaus aurait pu être influencée par le montant des taxes à l’exportation.

114    Il convient donc de considérer que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne déduisant pas lesdites taxes du prix payé à Waidhaus.

115    La requérante se bornant également à contester, sans plus d’éléments, le caractère raisonnable des coûts locaux de distribution retenus pour le calcul de la valeur normale construite, il convient aussi de considérer que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

116    Au demeurant, il importe de relever que, dans la mesure où avaient été déduits les frais de transport pour le calcul du prix du gaz, il apparaît logique d’ajuster par ailleurs ce calcul en prenant en compte les coûts locaux de distribution.

117    Au considérant 42 du règlement attaqué, que la requérante n’a pas contesté, le Conseil a précisé la raison pour laquelle il a décidé de procéder à un ajustement par le haut pour tenir compte des coûts locaux de distribution. Le Conseil a, à cet égard, indiqué que les exportateurs russes n’avaient pas été en mesure de fournir des informations ou des éléments de preuve supplémentaires permettant de déterminer si les coûts de distribution étaient effectivement compris dans le prix de Waidhaus. Il a ajouté que, dans la mesure où les clients sur le marché intérieur russe achetaient du gaz auprès de fournisseurs locaux, il convenait de considérer qu’ils payaient, tout au moins pour les services de vente, les coûts locaux de distribution qui, en tant que tels, n’étaient pas inclus dans le prix non ajusté de Waidhaus.

118    Enfin, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée d’un défaut de motivation concernant le refus de déduire les taxes à l’exportation du gaz russe et l’ajustement opéré pour les coûts locaux de distribution. En effet, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte notamment des informations qui ont été communiquées à la requérante et des observations qu’elle a soumises durant la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T‑410/06, Rec. p. II‑879, point 127).

119    En l’occurrence, il ressort des annexes A2, A6 et A7 de la requête que la requérante a été informée des conclusions relatives aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ainsi que de l’absence de déduction des taxes à l’exportation et de l’ajustement vers le haut pour les coûts locaux de distribution en ce qui concerne le calcul de la valeur normale, ce qui dispensait le Conseil de réitérer ces explications dans le corps du règlement attaqué, pour s’en tenir aux motifs de fait et de droit constituant le fondement dudit règlement. Figurent à ce titre au point 76 du règlement attaqué des précisions sur la raison pour laquelle il a été procédé à l’ajustement des coûts locaux de distribution, comme indiqué au point 117 ci-dessus.

120    La deuxième branche du second moyen n’est donc pas fondée.

 Sur la troisième branche du second moyen

121    La requérante invoque une violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et une erreur manifeste d’appréciation, en ce que, dans le règlement attaqué, le Conseil a déduit de son prix à l’exportation au premier client indépendant les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux ainsi que les commissions des sociétés affiliées qui font partie de l’entité économique unique qu’elle représente. La requérante conteste, à cet égard, les considérants 40 à 42 du règlement attaqué, notamment en ce que le Conseil a retenu, au considérant 42, les considérations suivantes :

« Conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, des ajustements ont été opérés afin de tenir dûment compte des différences influençant la comparabilité des prix. Lorsqu’ils étaient applicables et étayés par des éléments de preuve vérifiés, des ajustements ont donc été effectués au titre des différences relatives au transport, aux frais de manutention, aux frais de chargement et coûts accessoires, aux coûts d’emballage, au coût du crédit et aux commissions. À cet égard, les ventes à l’exportation ayant lieu par l’intermédiaire des négociants liés mentionnés plus haut et les fonctions de ces négociants liés étant assimilables à celles d’agents travaillant à la commission, un ajustement pour chacun de ces négociants a été apporté au prix à l’exportation, conformément à l’article 2, paragraphe 10, [sous] i), du règlement de base. En l’absence de coopération des importateurs communautaires, cet ajustement a été opéré au niveau de 1,5 % ce niveau reflétant les commissions versées à des agents indépendants participant au commerce du produit concerné, observées lors de l’enquête initiale. »

122    Selon la requérante, les ajustements énumérés à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base ne sont ni obligatoires ni automatiques et la partie qui demande l’ajustement supporte la charge de la preuve.

123    À titre liminaire, il importe de rappeler le contexte factuel pertinent dans lequel les institutions ont appliqué, en l’espèce, l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, qui prévoit que la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences affectant la comparabilité des prix.

124    Pour l’application de ladite disposition, le Conseil a exposé que la requérante et ses sociétés de production ne vendaient pas directement le produit concerné aux clients aux États-Unis. Il a expliqué la manière dont la vente s’effectuait en ces termes. Les sociétés de production, filiales de la requérante, concluaient un contrat d’agence avec celle-ci, qui recevait une commission sur les ventes du produit, en application dudit contrat. La requérante, en qualité de commissionnaire, faisait en sorte que le produit soit vendu par ses sociétés de production à deux sociétés de négoce, ses filiales également, l’une située dans les Îles vierges britanniques, mais dont l’activité a cessé en 2005, et l’autre située en Suisse. Ces sociétés de négoce vendaient le produit concerné au premier client indépendant moyennant une marge.

125    Si la requérante a indiqué avoir contesté ces conclusions au cours de la procédure administrative, il apparaît que c’est uniquement pour faire valoir que toutes les sociétés qui lui étaient affiliées, y compris ses sociétés de production et ses deux sociétés de négoce, étaient détenues, contrôlées et gérées par le même actionnaire, elle-même. Selon cette dernière, Eurochem Moscou et Eurochem Trading exerçaient des fonctions identiques à celles d’un service chargé des ventes à l’exportation pleinement intégré.

126    Il ressort du considérant 42 du règlement attaqué que la valeur normale et le prix à l’exportation ont été comparés sur une base « départ usine ».

127    À cet égard, s’agissant de la valeur normale, celle-ci a été construite sur la base du coût de production du type de produit exporté, après ajustement pour le prix du gaz, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi que les bénéfices. Le considérant 38 du règlement attaqué précise que les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, ont été déterminés sur la base des montants moyens pondérés de trois producteurs nord-américains, faisant partie des plus grandes entreprises du secteur des engrais azotés. Au considérant 39 du même règlement, il est précisé que le montant pour le bénéfice ainsi établi n’excédait pas le bénéfice réalisé par les producteurs russes sur les ventes de produits de la même catégorie générale sur leur marché intérieur.

128    S’agissant du prix à l’exportation, le considérant 41 du règlement attaqué énonce que le prix à l’exportation a été établi sur la base des prix à l’exportation effectivement payés ou à payer pour le produit lors d’une vente à l’exportation du pays exportateur vers l’Union.

129    L’article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit que des ajustements sont possibles.

130    Toutefois, selon la jurisprudence, il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte des différences concernant des facteurs qui affectent les prix et donc leur comparabilité (arrêt du Tribunal du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 94). En d’autres termes, la raison d’être d’un ajustement est de rétablir la symétrie entre valeur normale et prix à l’exportation.

131    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base prévoit qu’un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. La seconde phrase de ladite disposition précise que le terme « commissions » couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

132    Cette seconde phrase de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base résulte de l’article 1er, paragraphe 5, du règlement n° 1972/2002. Aux termes du considérant 6 de ce dernier règlement, la raison d’être de l’introduction de la phrase en question était de spécifier, conformément à la pratique constante des institutions, que ces ajustements devaient aussi être opérés si les parties n’entretenaient pas une relation de commettant à commissionnaire, mais parvenaient au même résultat économique en agissant en tant que vendeur et acheteur.

133    Partant, l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base permet d’opérer un ajustement non seulement au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées, mais aussi au titre de la marge perçue par des opérateurs commerciaux du produit s’ils remplissent des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions (arrêt du Tribunal du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, point 281).

134    En l’espèce, il convient donc d’examiner les rôles respectifs assurés par la requérante, ses sociétés de production et ses sociétés de négoce.

135    Il n’a pas été contesté par la requérante que des commissions ont été payées, conformément au contrat d’agence portant sur les ventes à l’exportation. Le Conseil a souligné que ce contrat était un contrat d’agence à part entière, qui prévoyait même une clause compromissoire.

136    La requérante soutient que les institutions n’ont pas démontré l’incidence de telles commissions sur la comparabilité entre le prix à l’exportation et la valeur normale.

137    Or, il apparaît que le Conseil a indiqué que les commissions versées représentaient une compensation pour des tâches réalisées dans le cadre de fonctions qui étaient assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions et que le paiement de celles-ci ne constituait pas une simple redistribution interne des bénéfices n’ayant pas d’incidence sur la comparabilité des prix.

138    Il n’a pas été contesté que le produit concerné était revendu par la société de négoce, qui fixait un prix comprenant une marge, jouant ainsi le rôle de négociant. Il convient d’ajouter que la requérante n’a pas contesté son propre rôle ni les rôles respectifs de ses sociétés de production et de négoce, tels que rappelés au point 124 ci-dessus, sauf pour soutenir qu’elle et ses sociétés constituaient une entité économique unique.

139    Par ailleurs, si la requérante a soutenu, dans la requête, qu’aucune société de négoce n’avait reçu de marge commerciale à quelque niveau que ce soit, il ressort des éléments recueillis au cours de la procédure administrative, tels que rappelés par le Conseil et non contestés ensuite par la requérante, que, au cours de l’enquête, Eurochem Trading a réalisé un bénéfice global sur l’ensemble des produits vendus ainsi qu’un bénéfice sur les ventes du produit concerné dans l’Union.

140    Il n’apparaît donc pas qu’une violation de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et une erreur manifeste d’appréciation quant à l’application de cette disposition aient été commises en l’espèce.

141    La troisième branche du second moyen n’est donc pas fondée.

142    Il résulte de tout ce qui précède que le second moyen doit être considéré comme non fondé et doit, en conséquence, être rejeté.

143    Il convient, par suite, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

144    S’agissant tout d’abord de l’argument de la requérante selon lequel Fertilizers Europe ne serait pas recevable à demander que ses dépens soient mis à la charge de la requérante, il suffit de constater que les dépens constituent une question accessoire à la procédure principale et que, normalement, seule la partie intervenante a intérêt à demander que ses dépens soient supportés par une autre partie.

145    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil et Fertilizers Europe, conformément aux conclusions de ces derniers.

146    La Commission supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EuroChem Mineral and Chemical Company OAO (EuroChem MCC) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et Fertilizers Europe.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Truchot

Kanninen

Martins Ribeiro

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.