Language of document : ECLI:EU:T:2019:440

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL
(quatrième chambre)

13 juin 2019 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑328/18,

Naturgy Energy Group, SA, anciennement Gas Natural SDG, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Mes F. E. González Díaz et V. Romero Algarra, puis par Mes González Díaz et B. Holles, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes P. Němečková et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 7733 final de la Commission, du 27 novembre 2017, ouvrant une procédure formelle d’examen concernant la mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales au charbon [aide d’État SA.47912 (2017/NN)] (JO 2018, C 80, p. 20),


rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mai 2018, la requérante, Naturgy Energy Group SA, a introduit une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 7733 final de la Commission, du 27 novembre 2017, relative à l’aide d’État SA.47912 (2017/NN), ouvrant une procédure formelle d’examen concernant la mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales au charbon (JO 2018, C 80, p. 20, ci-après la « décision attaquée »).

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 septembre 2018, EDP España SA a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

3        La demande en intervention d’EDP España a été signifiée à la requérante et à la Commission, conformément à l’article 144, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 octobre 2018, la requérante a indiqué ne pas soulever d’objections à l’encontre de cette demande. La requérante a, par ailleurs, présenté une demande de traitement confidentiel de la requête et de certains documents annexés à l’égard d’EDP España.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 octobre 2018, la Commission s’est opposée à la demande en intervention d’EDP España.

 En droit

6        En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

7        Il ressort d’une jurisprudence constante que la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir. À cet égard, il convient, notamment, de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où celle-ci est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (ordonnance du président de la Cour du 21 décembre 2016, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, non publiée, EU:C:2016:1006, points 9 et 10 et jurisprudence citée, et ordonnance du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2003:38, point 26). Il appartient au demandeur en intervention d’apporter les éléments nécessaires pour prouver qu’il satisfait aux conditions rappelées ci-dessus [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 17 octobre 2011, Gesamtverband der deutschen Textil- und Modeindustrie e.a./Conseil e.a., C‑3/11 P(I), non publiée, EU:C:2011:665, point 31, et ordonnance du 11 mai 2015, Bayerische Motoren Werke/Commission, T‑671/14, non publiée, EU:T:2015:322, point 16].

8        En l’espèce, pour justifier d’un intérêt à la solution du litige, EDP España avance deux arguments.

9        Le premier est tiré de sa participation à la procédure administrative ayant abouti à la décision attaquée.

10      Le second est tiré de sa qualité de bénéficiaire de l’aide litigieuse. Aux considérants 9 à 11 de la décision attaquée, la société Hidroeléctrica del Cantábrico, S.A.U. aurait été identifiée en tant que bénéficiaire par la Commission. Cette société serait devenue EDP España. Selon EDP España, dans l’hypothèse où la décision attaquée serait annulée, sa situation juridique s’en verrait sensiblement modifiée et elle ne serait plus soumise au risque d’une éventuelle récupération de la prétendue aide reçue.

11      La Commission objecte qu’aucun de ces motifs n’est de nature à fonder un intérêt direct et actuel à la solution du litige. D’une part, la Commission soutient que la participation d’EDP España à la procédure administrative n’implique pas, en elle-même, l’existence d’un intérêt à la solution du litige. D’autre part, elle fait valoir qu’il appartient à EDP España de prouver qu’elle continue de bénéficier de la mesure en cause, ce que celle-ci n’a pas fait. Les tableaux n° 2 et 3 de la décision attaquée, cités par EDP España, se réfèreraient uniquement aux versements de l’aide à son profit jusqu’en 2016.

12      À cet égard, il est vrai, comme le relève à juste titre la Commission, que la participation d’EDP España à la procédure administrative ne suffit pas, en tant que telle, à établir un intérêt à la solution du litige (voir, en ce sens, ordonnances du 27 mars 2012, Ellinikos Chrysos/Commission, T‑262/11, non publiée, EU:T:2012:160, point 17, et du 26 avril 2018, Valencia Club de Fútbol/Commission, T‑732/16, non publiée, EU:T:2018:237, point 15).

13      Toutefois, comme le souligne EDP España, selon la jurisprudence, le bénéficiaire d’une aide d’État, dans le cadre d’un litige qui concerne cette aide, justifie d’un intérêt à la solution de ce litige (voir ordonnances du 6 avril 2017, Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters e.a./Commission, T‑79/16, non publiée, EU:T:2017:313, point 7 et jurisprudence citée, et du 3 octobre 2018, Verband Deutscher Alten und Behindertenhilfe et CarePool Hannover/Commission, T‑69/18, non publiée, EU:T:2018:659, point 16).

14      Il importe de relever que, s’agissant d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il a été déjà jugé qu’une telle décision emporte des effets juridiques autonomes, lorsque, au vu des conclusions qu’elle contient, elle produit un effet immédiat, certain et suffisamment contraignant sur l’État membre qui en est destinataire et le ou les bénéficiaires de la mesure d’aide sous examen. Il s’agit donc d’une décision qui, par son seul effet et sans que d’autres mesures prises par la Commission ou une autre autorité soient nécessaires, oblige l’État membre destinataire à adopter une ou plusieurs mesures afin de s’y conformer (arrêt du 16 octobre 2014, Alro/Commission, T‑517/12, EU:T:2014:890, point 35, et ordonnance du 8 décembre 2015, Italie/Commission, T‑673/14, non publiée, EU:T:2015:969, point 25).

15      Il importe de préciser que, à la différence d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure en cours d’exécution, une décision de cette nature visant une mesure qui n’est plus en cours d’exécution n’entraîne pas la suspension du versement de l’aide en cause et n’emporte donc pas d’effet juridique autonome à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, Alro/Commission, T‑517/12, EU:T:2014:890, points 27 et 36, et ordonnance du 8 décembre 2015, Italie/Commission, T‑673/14, non publiée, EU:T:2015:969, points 22 et 26).

16      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée est une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de la mesure d’incitation environnementale adoptée par le Royaume d’Espagne en faveur des centrales au charbon. Il n’est pas contesté non plus que, lors de l’adoption de la décision attaquée, cette mesure était en cours d’exécution et que l’obligation de suspension de l’aide litigieuse, telle que rappelée au considérant 52 de la décision attaquée, a été imposée au Royaume d’Espagne à la date d’adoption de la décision attaquée, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

17      Ainsi que cela ressort de l’annexe A.3 de la demande d’intervention d’EDP España, la société Hidroeléctrica del Cantábrico, identifiée dans la décision attaquée en tant que bénéficiaire de l’aide visée, est devenue la société EDP España. Il s’ensuit qu’EDP España a été un bénéficiaire de la mesure visée par la décision attaquée. Ce constat est confirmé aux considérants 9 à 11 de ladite décision, qui contiennent, respectivement, les tableaux nos 1 à 3 lesquels font apparaître Hidroeléctrica del Cantábrico comme bénéficiaire de l’aide litigieuse pour ses centrales Aboño 2 et Soto de Ribera 3.

18      Pour déterminer si, conformément à la jurisprudence rappelée au point 7 ci-dessus, EDP España peut justifier d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige, il convient toutefois d’examiner si elle bénéficiait encore de l’aide litigieuse à la date de l’adoption de la décision attaquée.

19      À cet égard, comme indiqué au considérant 5 de la décision attaquée, les centrales électriques qui utilisaient le charbon comme combustible principal pouvaient bénéficier de la mesure litigieuse si elles satisfaisaient à trois conditions cumulatives. Conformément aux considérants 6 et 8 de la même décision, l’octroi de l’aide, automatique dès que ces conditions avaient été satisfaites, était limité à une période de 10 ans prenant cours à la date de la décision approuvant l’acte de mise en service des usines de désulfuration subventionnées. Aucune possibilité d’interrompre les versements de l’aide avant l’expiration de la période de 10 ans, ni une nécessité de renouvellement des versements au cours de cette période, n’étaient prévues par le mécanisme applicable.

20      En l’espèce, ainsi que cela ressort du tableau n° 3 de la décision attaquée, invoqué par EDP España, ses deux centrales, à savoir celles de Aboño 2 et de Soto de Ribera 3, ont commencé à bénéficier de l’aide, respectivement, en 2007 et en 2008. Par conséquent, conformément aux modalités d’octroi de l’aide litigieuse, telle que décrites dans la décision attaquée, l’expiration de la période de versement de l’aide litigieuse de 10 ans aurait dû avoir lieu en 2016, pour la centrale Aboño 2, et en 2017, pour la centrale Soto de Ribera 3.

21      Or, la décision attaquée a été adoptée le 27 novembre 2017. Dès lors, en ce qui concerne la centrale Aboño 2, EDP España ne recevait plus des versements en 2017. Quant à la centrale Soto de Ribera 3, les versements se sont poursuivis au cours de l’année 2017. En tout état de cause, EDP España n’a apporté aucun élément afin de démontrer à quel moment au cours de l’année 2017 le dernier versement en vertu de l’aide litigieuse a eu lieu. En particulier, il n’est pas établi que, au 27 novembre 2017, elle en bénéficiait toujours.

22      Cependant, il résulte de la jurisprudence que l’obligation de suspendre l’exécution de la mesure en cause peut ne pas être l’unique effet juridique d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 30).

23      EDP España invoque le risque de récupération l’aide en cause auprès des bénéficiaires de celle-ci en vertu d’une éventuelle décision finale clôturant la procédure formelle d’examen. À cet égard, il y a lieu de constater que, en l’espèce, l’obligation de récupérer l’aide ne découlerait pas directement de la décision attaquée qui ne la prévoit pas. En effet, cette obligation résulterait, le cas échéant, d’une éventuelle décision de la Commission déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et clôturant la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2014, Alro/Commission, T‑517/12, EU:T:2014:890, point 40, et du 16 octobre 2014, Alpiq RomIndustries et Alpiq RomEnergie/Commission, T‑129/13, non publié, EU:T:2014:895, point 38).

24      Il ressort des considérations exposées ci-dessus qu’EDP España n’a pas établi, comme il lui appartient, conformément à la jurisprudence citée au point 7 ci-dessus, qu’elle est touchée directement par la décision attaquée et que son intérêt à l’issue du litige est certain au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice.

25      Partant, la demande en intervention doit être rejetée sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la demande de traitement confidentiel de la requérante.

 Sur les dépens

26      Conformément aux articles 144, paragraphe 6, et 134 du règlement de procédure et en l’absence de conclusions des parties principales quant aux dépens afférents à la présente demande en intervention, il convient d’ordonner que les parties principales et EDP España supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      La demande en intervention d’EDP España, SA, est rejetée.

2)      Naturgy Energy Group, SA, la Commission européenne et EDP España, SA, supporteront chacun leurs propres dépens afférents à la demande en intervention.

Fait à Luxembourg, le 13 juin 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

H. Kanninen


*      Langue de procédure : l’espagnol.