Language of document : ECLI:EU:C:2014:12

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

16 janvier 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 45 TFUE – Directive 2000/78/CE – Différence de traitement fondée sur l’âge – Détermination de la date de référence aux fins de l’avancement sur l’échelle salariale – Délai de prescription – Principe d’effectivité»

Dans l’affaire C‑429/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Innsbruck (Autriche), par décisions du 28 août 2012 et du 16 août 2013, parvenues respectivement à la Cour les 21 septembre 2012 et 22 août 2013, dans la procédure

Siegfried Pohl

contre

ÖBB-Infrastruktur AG,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Pohl, par Mes C. Schöffthaler et U. Willi, Rechtsanwälte,

–        pour ÖBB-Infrastruktur AG, par Me C. Wolf, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. V. Kreuschitz, D. Martin et F. Schatz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des principes généraux du droit de l’Union d’égalité de traitement, d’interdiction de toute discrimination fondée sur l’âge et de la protection de la confiance légitime ainsi que de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), de l’article 45 TFUE et de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Pohl à son ancien employeur, ÖBB-Infrastruktur AG (ci-après «ÖBB»), au sujet de la détermination, lors de son recrutement dans un emploi permanent le 1er juillet 1977, de la date de référence aux fins de l’avancement sur l’échelle salariale attachée à cet emploi et des conséquences de la fixation de ladite date pour son classement sur cette échelle ainsi que pour le calcul de son salaire et de sa pension de retraite.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 «a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement».

4        L’article 2 de cette directive, intitulé «Concept de discrimination», prévoit:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.      Aux fins du paragraphe 1:

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

[...]»

5        L’article 3 de ladite directive, intitulé «Champ d’application», dispose, à son paragraphe 1:

«Dans les limites des compétences conférées à [l’Union], la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

a)      les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;

[...]

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

[...]»

6        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la même directive, intitulé «Justification des différences de traitement fondées sur l’âge»:

«Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a)      la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

b)      la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

[...]»

 Le droit autrichien

7        L’article 3 du règlement de 1963 sur les rémunérations au sein des chemins de fer [Bundesbahn‑Besoldungsordnung 1963 (BGBl. 170/1963)], intitulé «Date de référence aux fins de l’avancement», dispose:

 «(1) La date de référence aux fins de l’avancement doit être déterminée en ce sens que – à l’exception des périodes antérieures à l’âge de 18 ans révolus et sous réserve des dispositions restrictives des paragraphes 4 à 7 – sont réputées précéder le jour de l’engagement:

a)      les périodes mentionnées au paragraphe 2, dans leur intégralité,

b)      les autres périodes, pour moitié.

 (2)   Conformément au paragraphe 1, sous a), doivent être réputées précéder le jour de l’engagement:


 1.      la durée accomplie dans un emploi représentant au moins la moitié du temps prescrit pour les travailleurs à temps complet dans le cadre d’une relation de travail au sein des chemins de fer autrichiens. Il en est de même pour la durée accomplie dans un emploi dans le cadre d’une relation de travail au sein des chemins de fer d’un Land ou des chemins de fer privés, à laquelle un règlement de service comparable au règlement de service des fonctionnaires des chemins de fer autrichiens est applicable.


 [...]»

8        L’article 1480 du code civil (Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch) dispose:

 «Les créances relatives à des prestations annuelles arriérées, en particulier d’intérêts, [...] tombent en déchéance en trois ans; le droit en tant que tel se prescrit par non-usage pendant trente ans.»


 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        Le 25 novembre 1974, M. Pohl a rejoint la société prédécesseur en droit d’ÖBB. Il a été recruté par cette société dans un emploi permanent le 1er juillet 1977. À cette occasion, la date de référence aux fins de l’avancement de M. Pohl sur l’échelle salariale attachée à l’emploi qu’il occupait a été fixée, par ladite société, au 12 novembre 1971. À cette fin, les périodes de service effectuées auprès de cette société ont été réputées précéder son recrutement pour leur intégralité. Les autres périodes de service effectuées à partir de l’âge de 18 ans auprès de différentes entreprises situées en Autriche n’ont été prises en compte qu’à concurrence de la moitié de leur durée. Les périodes de service accomplies avant l’âge de 18 ans n’ont pas été prises en compte lors de la détermination de la date de référence.

10      Après avoir été mis à la retraite temporaire le 4 mars 2002, M. Pohl a été mis à la retraite définitive le 4 mars 2005. Au terme de son dernier avancement, qui a eu lieu le 1er janvier 2002, M. Pohl a été classé à l’échelon de salaire 15.

11      Par une action introduite le 2 août 2011 à l’encontre d’ÖBB devant le Landesgericht Innsbruck (tribunal de première instance d’Innsbruck), M. Pohl a demandé qu’il soit constaté qu’il avait atteint le 1er janvier 2002 l’échelon de salaire 16. Il a demandé, à titre subsidiaire, qu’ÖBB soit condamnée à lui payer, à compter du 1er janvier 2002 jusqu’au 4 mars 2002, la différence de salaire entre l’échelon 16 et l’échelon 15 et, à partir du 5 mars 2002, la différence entre les prestations de retraite qu’il a perçues et celles dues en vertu de l’échelon 16.

12      M. Pohl soutenait, en substance, que les périodes de service qu’il a accomplies avant l’âge de 18 ans ainsi que celles accomplies après l’âge de 18 ans et jusqu’au 24 novembre 1974 auraient dû être prises en compte pour leur totalité lors de la détermination de la date de référence aux fins de son avancement sur l’échelle salariale attachée à l’emploi qu’il occupait au sein d’ÖBB. Si ces périodes d’activité avaient été prises en considération en vue de fixer cette date de référence, il en serait résulté, en application des dispositions pertinentes du règlement de 1963 sur les rémunérations au sein des chemins de fer, que M. Pohl aurait été classé à l’échelon de salaire 16 avant sa mise à la retraite temporaire le 4 mars 2002.

13      L’action de M. Pohl a été rejetée en première instance par le Landesgericht Innsbruck.

14      M. Pohl a interjeté appel contre cette décision devant la juridiction de renvoi.

15      S’agissant de la détermination de la date de référence aux fins de l’avancement de M. Pohl sur l’échelle salariale, cette juridiction estime qu’il convient de faire une distinction en fonction du moment où il a atteint l’âge de 18 ans. L’exclusion des périodes de service qui précèdent cette date pour le calcul de la date de référence lors de son recrutement dans un emploi permanent pourrait constituer une discrimination directe fondée sur l’âge. La prise en compte des périodes de service à concurrence seulement de la moitié de leur durée à partir de l’âge de 18 ans jusqu’au 24 novembre 1974 pourrait être contraire au principe général du droit de l’Union d’égalité de traitement ainsi qu’à l’interdiction de discrimination qui figure à l’article 45 TFUE.

16      En outre, la juridiction de renvoi fait observer que, en vertu du délai de prescription applicable en vertu du droit national, le droit de M. Pohl de demander la réévaluation de la date de référence est prescrit. Elle en déduit que, selon le droit national, les droits que M. Pohl poursuit en l’espèce afin d’obtenir un versement complémentaire de rémunération et de pension sont également prescrits.

17      Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Innsbruck a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le droit de l’Union en vigueur actuellement, en particulier

1.      le principe général du droit de l’Union d’égalité de traitement,

2.      le principe général d’interdiction de toute discrimination fondée sur l’âge, au sens de l’article 6, paragraphe 3, TUE et de l’article 21 de la [Charte],

3.      l’interdiction de discrimination qui découle de la libre circulation des travailleurs prévue à l’article 45 TFUE,

4.      la directive [2000/78],

s’opposent-ils à une réglementation nationale, d’origine partiellement législative et partiellement conventionnelle, qui a été intégrée à un contrat individuel de travail par accord des parties, en vertu de laquelle les périodes de service des travailleurs dans le domaine du transport ferroviaire, lorsqu’elles ont été accomplies avant l’âge de 18 ans, ne sont pas prises en compte et, lorsqu’elles ont été accomplies après l’âge de 18 ans, ne sont prises en compte que pour moitié, dans la mesure où elles n’ont pas été effectuées dans une entreprise nationale ‘quasi publique’ ou auprès de l’employeur national contre lequel l’action est intentée en tant que tel, sans prendre en compte les compétences et connaissances acquises concrètement par le travailleur?

2)      Si la première question appelle une réponse affirmative: le fait que les périodes de service calculées aient été acquises du 1er décembre 1965 au 24 novembre 1974, à savoir longtemps avant l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union et la première décision relative au principe de droit de l’Union d’égalité de traitement, joue-t-il un rôle dans le calcul de la rémunération arriérée, en prenant en considération, conformément au droit de l’Union, les périodes de service non prises en compte auparavant (dans leur totalité avant l’âge de 18 ans et pour moitié à partir de l’âge de 18 ans et jusqu’à l’entrée en service du requérant auprès de la partie défenderesse)?

3)      Si la première question appelle une réponse affirmative: le droit de l’Union actuellement en vigueur et notamment le principe d’effectivité s’opposent-ils à des dispositions nationales en matière de prescription en vertu desquelles serait entièrement prescrit le droit d’un travailleur puis retraité à un versement complémentaire de rémunération puis de retraite par son employeur qui découle d’une prise en compte, conformément au droit de l’Union et au sens de la première question, de périodes de service acquises à l’étranger et avant l’âge de 18 ans, dont l’intéressé ne disposait pas en vertu du droit national et qu’il ne pouvait faire valoir objectivement qu’à compter du prononcé des arrêts du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund (C‑195/98, Rec. p. I‑10497), et du 18 juin 2009, Hütter (C‑88/08, Rec. p. I‑5325)?

4)      Si la première question appelle une réponse affirmative: un employeur appartenant au secteur du transport ferroviaire, disposant de plus de 40 000 salariés et d’une organisation comportant plusieurs échelons hiérarchiques et présente sur tout le territoire, doit-il, en raison de son devoir de sollicitude qui résulte du droit de l’Union en vigueur actuellement et notamment de l’effet horizontal du principe général d’égalité de traitement et/ou du principe de non-discrimination découlant de la libre circulation des travailleurs, informer ses salariés et les représentants du personnel d’arrêts de la Cour qui ont fait l’objet d’une diffusion également dans la presse quotidienne, qui font apparaître qu’une prise en compte par l’employeur de périodes de service est contraire au droit de l’Union, et qui peuvent conduire notamment à un versement complémentaire de rémunération?»

18      Par lettre du 17 juillet 2013, la juridiction de renvoi a transmis à la Cour une ordonnance de l’Oberster Gerichtshof du 27 juin 2013, par laquelle cette juridiction a décidé de soumettre à la Cour plusieurs questions préjudicielles portant sur une problématique similaire à celle en cause dans la présente affaire.

19      À la suite de la réception de cette lettre, la Cour a invité la juridiction de renvoi à lui indiquer si elle souhaitait modifier ou retirer, en partie ou en totalité, les questions posées aux termes de son ordonnance du 28 août 2012.

20      En réponse à cette demande, la juridiction de renvoi a déféré, par décision parvenue au greffe de la Cour le 22 août 2013, une question préjudicielle supplémentaire, qui est rédigée comme suit:

«Le droit de l’Union en vigueur actuellement, en particulier

1.      la directive [2000/78],

2.      le principe général d’effectivité,

3.      le principe général de la protection de la confiance légitime,

s’oppose-t-il à une réglementation nationale, d’origine législative, du 27 décembre 2011, applicable rétroactivement à compter du 1er janvier 2004, qui supprime des droits fondés sur le droit de l’Union, et notamment sur l’arrêt [Hütter, précité,] à la prise en compte, sans discrimination en raison de l’âge, des périodes de service accomplies avant l’âge de 18 ans, ainsi que les droits à rémunération qui en résultent, en prolongeant, par la fixation d’une nouvelle date de référence aux fins de l’avancement, en même temps d’un an le délai permettant d’accéder à l’échelon supérieur dans chacun des trois premiers échelons de solde?»

 Sur la troisième question préjudicielle

21      Par sa troisième question, à laquelle il convient de répondre en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, et, en particulier, le principe d’effectivité, s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soumettant à un délai de prescription trentenaire, qui commence à courir à compter de la conclusion de la convention sur la base de laquelle la date de référence aux fins de l’avancement a été fixée ou à partir du classement à un échelon de salaire erroné, le droit pour un salarié de demander une réévaluation des périodes de service devant être prises en compte en vue de la fixation de cette date de référence.

22      Cette juridiction s’interroge en particulier sur la question de savoir s’il doit être admis que ce délai de prescription commence à courir non pas à compter de la conclusion de la convention dans le cadre de laquelle la date de référence a été fixée ou à partir du classement à un échelon de salaire erroné, mais à compter des dates de prononcé respectives des arrêts précités Österreichischer Gewerkschaftsbund et Hütter.

23      Il est de jurisprudence constante que, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la pleine sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, pour autant que lesdites modalités ne soient pas moins favorables que celles régissant les recours similaires fondés sur le droit interne (principe de l’équivalence) et qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêt du 8 septembre 2011, Q-Beef et Bosschaert, C‑89/10 et C‑96/10, Rec. p. I‑7819, point 32 et jurisprudence citée).

24      À cet égard, il y a lieu de relever que le droit de l’Union ne prévoit pas de règles relatives aux délais impartis pour former un recours en ce qui concerne le principe de l’égalité de traitement.

25      Il s’ensuit qu’il appartient à chaque État membre concerné de régler, au sein de son ordre juridique interne, une telle modalité procédurale, sous réserve du respect des principes de l’équivalence et d’effectivité.

26      S’agissant du principe d’équivalence, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, celui-ci requiert que l’ensemble des règles applicables aux recours s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux, similaires, fondés sur la méconnaissance du droit interne (arrêt du 15 avril 2010, Barth, C‑542/08, Rec. p. I‑3189, point 19 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, il ressort du dossier soumis à la Cour que le délai de prescription trentenaire prévu par le droit national s’applique indépendamment du fait que la violation du droit invoquée relève du droit de l’Union ou du droit national.

28      Dès lors, une telle règle de prescription ne saurait être considérée comme contraire au principe d’équivalence.

29      En ce qui concerne le principe d’effectivité, la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit de l’Union de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique, dans la mesure où de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Barth, précité, point 28 et jurisprudence citée).

30      S’agissant de la question de savoir si les dates de prononcé respectives des arrêts précités Österreichischer Gewerkschaftsbund et Hütter ont une incidence sur le point de départ d’un délai de prescription fixé par le droit national, il convient de rappeler que l’interprétation que, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, la Cour donne d’une règle du droit de l’Union éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. En d’autres termes, un arrêt préjudiciel a une valeur non pas constitutive, mais purement déclarative, avec la conséquence que ses effets remontent, en principe, à la date de l’entrée en vigueur de la règle interprétée (arrêt du 12 février 2008, Kempter, C‑2/06, Rec. p. I‑411, point 35 et jurisprudence citée).

31      S’agissant du point de départ du délai de prescription, la Cour a précisé qu’il relève, en principe, du droit national et que l’éventuelle constatation par la Cour de la violation du droit de l’Union est, en principe, sans incidence sur ce point de départ (voir, en ce sens, arrêt Q-Beef et Bosschaert, précité, point 47 et jurisprudence citée).

32      Partant, les dates respectives de prononcé des arrêts précités Österreichischer Gewerkschaftsbund et Hütter sont sans incidence sur le point de départ du délai de prescription en cause dans l’affaire au principal et, dès lors, sont sans pertinence pour apprécier le respect, dans le cadre de cette affaire, du principe d’effectivité.

33      Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, selon le droit national, ce point de départ correspond à la date de la conclusion de la convention sur la base de laquelle la date de référence a été fixée ou du classement à un échelon de salaire erroné, à savoir, dans l’affaire au principal, le 25 novembre 1974. La juridiction de renvoi fait observer à cet égard que, au regard du droit national, le droit pour M. Pohl de demander une réévaluation de la date de référence est prescrit depuis le 24 novembre 2004, soit bien longtemps avant l’introduction de la procédure au principal, le 2 août 2011.

34      Il ne saurait être contesté qu’un tel délai constitue un délai raisonnable de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique, au sens de la jurisprudence rappelée au point 29 du présent arrêt.

35      De surcroît, eu égard au fait que le recours de M. Pohl porte, en substance, sur la légalité de son dernier avancement sur l’échelle salariale, qui a eu lieu le 1er janvier 2002, il convient de constater que, en application du droit national, celui-ci disposait encore de près de trois ans afin d’introduire son recours contre la décision portant sur son dernier avancement sur cette échelle.

36      Au demeurant, à supposer que M. Pohl ait pu fonder ses prétentions sur l’article 45 TFUE ou sur la directive 2000/78, il y a lieu de relever que, d’une part, cet article aurait pu être invoqué devant les juridictions autrichiennes dès le 1er janvier 1995, date de l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union, soit pendant une période de presque dix ans avant l’échéance du délai de prescription en cause au principal, et, d’autre part, le délai de transposition de la directive 2000/78 a expiré le 3 décembre 2003, ce qui laissait à M. Pohl une période de près d’un an pour introduire un recours visant à faire valoir ses droits devant lesdites juridictions. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, dans l’affaire au principal, le délai de prescription trentenaire prévu par le droit national, qui a commencé à courir à compter de la conclusion de la convention sur la base de laquelle la date de référence a été fixée ou à partir du classement à un échelon de salaire erroné, n’a pas été de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits que M. Pohl tire, le cas échéant, du droit de l’Union.

37      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que le droit de l’Union, et, en particulier, le principe d’effectivité, ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soumettant à un délai de prescription trentenaire, qui commence à courir à compter de la conclusion de la convention sur la base de laquelle la date de référence aux fins de l’avancement a été fixée ou à partir du classement à un échelon de salaire erroné, le droit pour un salarié de demander une réévaluation des périodes de service devant être prises en compte en vue de la fixation de cette date de référence.

38      Eu égard, d’une part, à la réponse apportée à la troisième question et, d’autre part, à la constatation de la juridiction de renvoi selon laquelle le droit pour M. Pohl de demander une réévaluation de la date de référence et, par conséquent, son recours contre la décision portant sur son dernier avancement sur l’échelle salariale sont, en application du délai de prescription trentenaire prévu par le droit national, prescrits depuis le 24 novembre 2004, il n’y a pas lieu de répondre aux autres questions posées.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

Le droit de l’Union, et, en particulier, le principe d’effectivité, ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soumettant à un délai de prescription trentenaire, qui commence à courir à compter de la conclusion de la convention sur la base de laquelle la date de référence aux fins de l’avancement a été fixée ou à partir du classement à un échelon de salaire erroné, le droit pour un salarié de demander une réévaluation des périodes de service devant être prises en compte en vue de la fixation de cette date de référence.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.