Language of document : ECLI:EU:T:2023:64

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 13 juillet 2023 (1)

Affaire C363/22 P

Planistat Europe,

Hervé-Patrick Charlot

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Responsabilité non contractuelle – Enquête externe de l’OLAF – Transmission à des autorités judiciaires nationales d’informations relatives à des faits susceptibles de poursuites pénales avant l’issue de l’enquête – Dépôt d’une plainte par la Commission avant l’issue de l’enquête – Procédure pénale nationale – Non-lieu définitif – Notion de “violation suffisamment caractérisée” d’une règle de droit de l’Union – Préjudices moral et matériel prétendument subi par les requérants »






1.        Par le présent pourvoi, la société Planistat Europe et M. Hervé-Patrick Charlot (ci‑après ensemble les « requérants ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 avril 2022, Planistat Europe et Charlot/Commission (2), par lequel celui-ci a rejeté le recours des requérants tendant à obtenir réparation, d’une part, du préjudice que M. Charlot aurait subi en raison de la transmission par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) aux autorités nationales d’informations relatives à des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale ainsi que de la plainte déposée par la Commission européenne devant lesdites autorités et, d’autre part, du préjudice matériel que les requérants auraient subi en raison de la résiliation des contrats conclus entre Planistat Europe et la Commission européenne.

2.        Les requérants soulèvent au soutien de leur pourvoi trois moyens, tirés, en substance, des erreurs qu’aurait commises le Tribunal, premièrement, dans la détermination du fait générateur des préjudices invoqués, deuxièmement, en réfutant l’existence d’une dénonciation calomnieuse de la part de l’OLAF et de la Commission, et, troisièmement, en rejetant les arguments des requérants concernant l’existence de préjudices moral et matériel. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse du deuxième moyen du pourvoi.

3.        Ce moyen offre à la Cour l’opportunité de se prononcer sur le contrôle juridictionnel que doit effectuer le Tribunal dans le cadre d’un recours en responsabilité non contractuelle, d’une part, lorsque l’OLAF transmet des informations aux autorités judiciaires nationales et commet une prétendue dénonciation calomnieuse, alors que, ultérieurement, les juridictions nationales ont prononcé un non‑lieu contre les intéressés et, d’autre part, lorsque la Commission a déposé plainte avec constitution de partie civile dans cette affaire.

I.      Le règlement (CE) no 1073/1999

4.        Le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (3), régissait les contrôles, les vérifications et les actions entrepris par les agents de l’OLAF dans l’exercice de leurs fonctions (4). Les enquêtes effectuées par l’OLAF consistent en des enquêtes « externes », c’est-à-dire à l’extérieur des institutions de l’Union, et en des enquêtes « internes », c’est-à-dire à l’intérieur de ces institutions.

5.        L’article 9 du règlement no 1073/1999, intitulé « Rapport d’enquête et suites des enquêtes », porte sur le rapport établi à l’issue de l’enquête de l’OLAF.

6.        Aux termes de l’article 10 du règlement no 1073/1999, intitulé « Transmission d’informations par l’Office » :

« 1.      Sans préjudice des articles 8, 9 et 11 du présent règlement et des dispositions du règlement (Euratom, CE) no 2185/96 [relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers de l’Union européenne contre les fraudes et autres irrégularités], l’Office peut transmettre à tout moment aux autorités compétentes des États membres concernés des informations obtenues au cours d’enquêtes externes.

2.      Sans préjudice des articles 8, 9 et 11 du présent règlement, le directeur de l’Office transmet aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues par l’Office lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales. Sous réserve des nécessités de l’enquête, il en informe simultanément l’État membre concerné.

[…] »

II.    Les antécédents du litige

7.        Les antécédents du litige, tels que présentés aux points 2 à 18 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

8.        En 1996, Eurostat a créé un réseau de points de vente d’informations statistiques (datashops). Dans les États membres, ces datashops, dénués de la personnalité juridique, étaient en principe intégrés dans les instituts nationaux de statistique (ci-après les « INS ») à l’exception de la Belgique, de l’Espagne et du Luxembourg où ils étaient gérés par des sociétés commerciales. À cette fin, des conventions tripartites ont été conclues entre Eurostat, l’Office des publications de l’Union européenne (OP) et l’entité abritant le datashop.

9.        De 1996 à 1999, Planistat Europe, dirigée par M. Charlot, a bénéficié de contrats-cadres signés avec Eurostat pour diverses prestations de services incluant notamment la mise à disposition de personnel au sein des datashops.

10.      À partir du 1er janvier 2000, Planistat Europe s’est vu confier la gestion des datashops de Bruxelles (Belgique), de Madrid (Espagne) et de Luxembourg, et devait verser à la Commission l’intégralité du chiffre d’affaires réalisé dans ces trois datashops.

11.      En septembre 1999, le service d’audit interne d’Eurostat a réalisé un rapport faisant état d’irrégularités dans la gestion des datashops assurée par Planistat Europe.

12.      Le 17 mars 2000, la direction générale du contrôle financier de la Commission a transmis ledit rapport à l’OLAF.

13.      Le 18 mars 2003, à la suite d’une enquête interne ayant pour objet d’examiner les modalités de mise en place du réseau des datashops, les circuits de facturation, l’utilisation de l’enveloppe financière et l’implication éventuelle de fonctionnaires de l’Union, l’OLAF a décidé d’ouvrir l’enquête externe OF/2002/0510 visant Planistat Europe.

14.      Le 19 mars 2003, l’OLAF a transmis aux autorités judiciaires françaises une information relative à des faits susceptibles, selon lui, de recevoir une qualification pénale dans le cadre de l’enquête en cours (ci‑après la « note du 19 mars 2003 »). Sur cette base, le 4 avril 2003, le procureur de la République de Paris (France) a ouvert devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris (France) une information judiciaire pour recel et complicité d’abus de confiance.

15.      Le 16 mai 2003, cette transmission a été évoquée dans la presse et a fait l’objet de questions écrites adressées à la Commission par des députés européens.

16.      La Commission et l’OLAF ont publié plusieurs communiqués de presse, dont seulement deux mentionnaient Planistat Europe. Ainsi, le communiqué de presse de la Commission du 9 juillet 2003 faisait pour la première fois référence à Planistat Europe tandis que, dans celui du 23 juillet 2003, la Commission confirmait sa décision de résilier les contrats conclus avec Planistat Europe.

17.      Le 10 juillet 2003, la Commission a déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile auprès du procureur de la République de Paris pour délit d’abus de confiance et tous autres délits qui auraient pu se déduire des faits énoncés dans la plainte.

18.      Le 10 septembre 2003, M. Charlot a été mis en examen des chefs d’abus de confiance et de recel d’abus de confiance.

19.      Le 25 septembre 2003, l’OLAF a clôturé tant l’enquête interne IO/2000/4097 que l’enquête externe OF/2002/0510.

20.      Le 9 septembre 2013, le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris a rendu, à l’égard de l’ensemble des personnes mises en examen dans le cadre de la procédure pénale, une ordonnance de non‑lieu contre laquelle la Commission a interjeté appel.

21.      Par arrêt du 23 juin 2014, la cour d’appel de Paris (France) a rejeté le recours de la Commission en confirmant l’ordonnance de non‑lieu.

22.      Par arrêt du 15 juin 2016, la Cour de cassation (France) a rejeté le pourvoi formé par la Commission, mettant ainsi un terme à la procédure judiciaire.

23.      Le 10 septembre 2020, les requérants ont adressé à la Commission une lettre de mise en demeure lui enjoignant de leur verser la somme de 11,6 millions d’euros en réparation de préjudices prétendument subis en raison, notamment, de la plainte déposée et des communiqués de presse publiés sur le sujet.

24.      Le 15 octobre 2020, la Commission a rejeté la demande des requérants en considérant que les conditions pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne n’étaient pas réunies.

III. Les conclusions formulées par les parties et la procédure devant la Cour

25.      Les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler l’arrêt attaqué pour autant qu’il a déclaré prescrite une partie de l’action des requérants et en ce qu’il a rejeté l’action en responsabilité non contractuelle de la Commission ;

–        accueillir les conclusions présentées en première instance ;

–        condamner la Commission à reconnaître publiquement qu’elle a commis une erreur d’appréciation à l’égard de la société Planistat Europe et de son dirigeant ;

–        condamner la Commission aux dépens des deux instances.

26.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi, et

–        condamner les requérants aux dépens.

27.      Conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, celle-ci a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries.

IV.    Analyse

28.      Par leur deuxième moyen, soulevé à titre subsidiaire et qui fait l’objet des présentes conclusions, les requérants font valoir que le Tribunal a commis des erreurs relatives à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Ce moyen est divisé en trois branches. La première est tirée, en substance, de l’erreur du Tribunal relative à l’illégalité du comportement diffamatoire de l’OLAF et de la Commission à l’égard des requérants, la deuxième est tirée de l’erreur relative à l’illégalité du comportement de l’OLAF et la troisième est tirée de l’erreur relative à l’illégalité du comportement de la Commission.

29.      Je propose d’inverser l’analyse de ces branches. Dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième de ces branches, il convient d’analyser les obligations de l’OLAF lorsque celui-ci dénonce des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale et les obligations de la Commission qui se joint à la procédure nationale. Il me semble donc utile d’entamer mon analyse par ces branches, pour ensuite me pencher sur le caractère prétendument diffamatoire et calomnieux de cette dénonciation qui fait l’objet de la première branche du deuxième moyen.

A.      Sur la deuxième branche du deuxième moyen

30.      Par la deuxième branche, qui se subdivise en deux griefs, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 84 à 104 de l’arrêt attaquée, que le comportement de l’OLAF, en particulier la transmission aux autorités françaises des informations relatives à des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, n’a pas violé les principes de bonne administration et de confidentialité.

1.      Sur le premier grief

31.      Les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur, au point 88 de l’arrêt attaquée, en estimant que l’OLAF disposait déjà, le 19 mars 2003, des informations ou des éléments permettant de considérer que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale. Selon les requérants, l’OLAF savait pertinemment que les irrégularités relevées par le rapport de l’audit interne d’Eurostat n’avaient pas donné lieu au moindre détournement de fonds. Or, dès lors que les juridictions françaises ont constaté l’absence de préjudice au budget de l’Union, la constatation figurant au point 88 de l’arrêt attaqué serait manifestement erronée. En transmettant des informations fausses aux autorités françaises, l’OLAF n’aurait pas pris suffisamment de précautions, ce qui constituerait une violation de son devoir de vérification des données et donc du principe de bonne administration.

32.      Selon la Commission, par leurs arguments, les requérants cherchent à obtenir un réexamen des faits, sans toutefois prétendre que ceux-ci ont été dénaturés et sans identifier l’erreur de droit qu’aurait commis le Tribunal.

33.      Quant au fond, ces arguments seraient en tout état de cause non fondés. À cet égard, s’agissant de la transmission de la note par l’OLAF, le Tribunal aurait, aux points 87 et 89 de l’arrêt attaqué, relevé à juste titre qu’il a tenu compte, d’une part, du fait que les informations contenues dans ladite note étaient le résultat d’une enquête ayant commencé en 1999 sur la base d’un rapport d’audit réalisé par Eurostat et, d’autre part, du fait que l’enquête OF/2002/0510 constituait le volet externe de l’enquête interne IO/2000/4097. Quant à l’allégation selon laquelle l’OLAF savait pertinemment que les irrégularités relevées par le rapport de l’audit interne d’Eurostat n’avaient pas donné lieu au moindre détournement de fonds, une telle allégation, n’ayant pas été invoquée en première instance, serait irrecevable (5). En outre, selon la Commission, le fait que les juridictions françaises sont parvenues à une autre conclusion que l’OLAF quant à l’existence d’un éventuel détriment au budget de l’Union ne saurait remettre en cause l’enquête de l’OLAF. Le fait que les juridictions françaises ont constaté l’absence de détriment au budget de l’Union ne permettrait pas, à lui seul, de démontrer que l’OLAF a commis une faute à l’égard des requérants qui aurait violée le principe de bonne administration.

34.      Avant d’entamer l’analyse de la recevabilité du premier grief, je me dois d’observer que, pour autant que les requérants soutiennent que l’OLAF a commis une dénonciation calomnieuse et une diffamation, ils répètent l’argument qu’ils ont également exposé dans le cadre de la première branche du deuxième moyen et que je vais examiner dans le cadre de cette branche (6). Or, il résulte clairement des points 60 à 66 du pourvoi que, par la deuxième branche de ce moyen, les requérants visent à établir la violation du principe de bonne administration en raison d’un manque de diligence de la part de l’OLAF pour avoir, d’une part, transmis des informations de manière précipitée aux autorités nationales et, d’autre part, divulgué des informations à la presse.

a)      Sur la recevabilité

35.      Par leur premier grief, les requérants font valoir que l’OLAF a envoyé la note du 19 mars 2003 sans qu’il y ait eu suffisamment d’indices de comportement répréhensible de la part des requérants, ce qui constituerait une violation du principe de bonne administration. Compte tenu des arguments de la Commission et aux fins de la recevabilité de ce grief, j’observe que, dans leur requête en première instance, les requérants ont déjà invoqué la violation du principe de bonne administration et la violation de la présomption d’innocence en raison d’une couverture médiatique prétendument irrégulière par l’OLAF (7).

36.      En outre, il me semble que l’argumentation figurant aux points 60 à 66 du pourvoi et dirigée contre les points 87 et 88 de l’arrêt attaqué ne constitue pas une simple répétition de leurs arguments en première instance, mais vise à démontrer les erreurs dont seraient entachés ces points de l’arrêt attaqué. À l’évidence, les requérants visent en effet à démontrer que, en considérant auxdits points de l’arrêt attaqué que l’OLAF disposait déjà, le 19 mars 2003, des informations ou des éléments permettant de considérer que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale, le Tribunal a fait une mauvaise application du principe de bonne administration.

37.      Par ailleurs, il convient de comprendre l’argumentation des requérants comme alléguant qu’il résulte de l’arrêt Commission/De Esteban Alonso, C‑591/19 (8), que, dès lors que la transmission des informations aux autorités nationales constitue une faculté, l’OLAF était obligé d’agir avec précaution afin de respecter le principe de bonne administration. En d’autres termes, selon les requérants, l’absence d’obligation de transmettre le rapport de l’OLAF aux autorités nationales implique une obligation de vérifier les résultats de l’enquête, ce que le Tribunal aurait dû faire.

38.      En conséquence, je propose à la Cour de considérer le premier grief comme étant recevable.

b)      Sur le fond

39.      Le premier grief de la deuxième branche du deuxième moyen est dirigé contre les points 82 à 92 de l’arrêt attaqué. À ces points, le Tribunal a estimé qu’il résultait de l’article 10 et du considérant 13 du règlement no 1073/1999 que l’OLAF est en droit de saisir l’autorité judiciaire, y compris avant la fin de l’enquête externe, s’il estime disposer d’informations ou d’éléments pouvant justifier l’ouverture d’une enquête judiciaire ou constituer des éléments de preuve utiles à une telle enquête (9). Le Tribunal a relevé que, étant donné que la note du 19 mars 2003 était basée sur le rapport d’audit interne d’Eurostat daté de septembre 1999 et qu’elle incluait les circonstances et les faits pertinents, l’OLAF disposait déjà, le 19 mars 2003, des informations ou des éléments permettant de considérer que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale. Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait aucune indication d’une violation du principe de bonne administration ou d’un principe de délai raisonnable (10).

40.      Selon les requérants, dès lors que les juridictions françaises ont pu constater l’absence de préjudice au budget de l’Union, une telle conclusion serait manifestement erronée, ce qui constituerait une violation du principe de bonne administration. À cet égard, il me paraît utile d’analyser, en premier lieu, si la règle de droit dont se prévalent les requérants a pour objet de conférer des droits aux particuliers, en deuxième lieu, la dénonciation des faits effectuée par l’OLAF et son obligation de diligence et, en troisième lieu, le contrôle juridictionnel appliqué à cette dénonciation des faits.

1)      Sur la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit

41.      Il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante qu’un droit à réparation est reconnu dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par la personne lésée. Quant à la deuxième condition, la Cour a également rappelé que le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (11). Une telle violation est établie lorsqu’elle implique une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’autorité de l’Union (12).

42.      S’agissant de la règle dont la méconnaissance est alléguée, les requérants invoquent l’obligation de diligence (13). À cet égard, il résulte de la jurisprudence que cette obligation, inhérente au droit à une bonne administration consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige de l’administration de l’Union qu’elle agisse avec soin et prudence (14), et constitue une règle de droit conférant des droits aux particuliers (15). J’estime, par conséquent, que les requérants invoquent la violation d’une règle ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (16).

2)      Sur la dénonciation des faits par l’OLAF et l’obligation de diligence

43.      Il ressort du considérant 1 du règlement no 1073/1999 que les enquêtes de l’OLAF ont comme but la protection des intérêts financiers de l’Union et la lutte contre la fraude et toute autre activité illégale préjudiciable aux intérêts financiers de l’Union (17). Aux termes du considérant 5 de ce règlement, la responsabilité de l’OLAF concerne, au-delà de la protection des intérêts financiers, l’ensemble des activités liées à la sauvegarde d’intérêts de l’Union contre des comportements irréguliers susceptibles de poursuites administratives ou pénales. C’est donc pour atteindre ces objectifs que l’OLAF effectue les enquêtes internes et externes dont les résultats sont présentés dans un rapport d’enquête, selon l’article 9 du règlement no 1073/1999, et que l’OLAF transmet des informations aux autorités nationales et aux institutions, conformément à l’article 10 de ce règlement.

44.      D’une part, il convient de constater que, en l’espèce, la transmission des informations par l’OLAF semble avoir été exécutée pendant le déroulement d’une enquête externe (18) sur la base de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1073/1999 (19). Selon cette disposition, « l’Office peut transmettre à tout moment aux autorités compétentes des États membres des informations obtenues au cours d’enquêtes externes » (20), ce qui fait que, dans le cadre d’enquêtes externes, la dénonciation des faits auxdites autorités est seulement une faculté (21). Cette faculté est exercée par l’OLAF à la lumière de son obligation de protéger de manière effective les intérêts financiers de l’Union conformément à l’article 280 CE (devenu l’article 325 TFUE) (22). Il s’agit donc, à mon sens et à première vue, de l’exercice régulier des compétences de l’OLAF pour la protection des intérêts financiers de l’Union (23). Il s’ensuit que l’acte de transmission des informations aux autorités nationales ne peux pas être constitutif, en tant que tel, d’un comportement illégal.

45.      D’autre part, il importe de noter qu’il résulte du considérant 13 du règlement no 1073/1999 que les conclusions de l’OLAF contenues dans un rapport final ne sauraient aboutir d’une manière automatique à l’ouverture de procédures judiciaires, dès lors que les autorités compétentes sont libres de décider de la suite à donner au rapport final et sont donc les seules autorités à pouvoir arrêter des décisions susceptibles d’affecter la situation juridique des personnes à l’endroit desquelles le rapport aurait recommandé l’engagement de telles procédures (24). En effet, les éléments apportés par l’OLAF peuvent être complétés et vérifiés par les autorités nationales, qui disposent d’un éventail plus large de pouvoirs d’investigations que cet office.

46.      À cet effet, il importe de souligner que la Cour a déjà jugé qu’aucune disposition n’interdit « expressément à l’institution concernée de saisir l’autorité judiciaire avant la fin de l’enquête de l’OLAF, si elle estime disposer d’informations ou d’éléments pouvant justifier l’ouverture d’une enquête judiciaire ou constituer des éléments de preuve utiles à une telle enquête » (25). Dès lors que les autorités nationales sont libres de décider d’une ouverture éventuelle d’une enquête judiciaire, je propose d’entendre cette condition en ce sens que l’OLAF disposait des informations ou des éléments permettant de considérer que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale.

47.      Toutefois, le pouvoir de saisir les autorités nationales ainsi attribué à l’OLAF, d’une part, doit être tempéré par la disposition de l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, dont il résulte que les rapports dressés par l’OLAF constituent, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux, des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire. Il en découle à mon avis, mutatis mutandis, que les informations récoltées par l’OLAF dans le cadre d’une enquête jouissent d’un certain degré de crédibilité. D’une manière générale, je suis d’avis que la prudence s’impose dès lors que, dans le cadre d’une transmission d’information de l’OLAF aux autorités nationales, cet office n’agit pas en tant que lanceur d’alerte quelconque, mais en tant qu’office doté de pouvoirs d’enquête et que cette transmission a lieu entre deux autorités dotés de tels pouvoirs (26). D’autre part, il convient de prendre en compte que le fait de saisir les autorités nationales peut servir de base pour des procédures judiciaires, civiles et pénales. Or, la Cour a déjà jugé que, dans le domaine pénal, les droits fondamentaux garantis par la Charte doivent être respectés par les États membres non seulement lors des procédures pénales, mais aussi au cours de la phase de l’enquête préliminaire, dès l’instant où la personne concernée se trouve accusée (27). Il est évident que les institutions et les organes de l’Union sont liés par les mêmes exigences que les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Il s’ensuit qu’il est nécessaire d’établir que, dans le contexte de l’exercice de la transmission des informations aux autorités nationales, l’OLAF a agi avec tout le soin et toute la prudence requis, de sorte à ne pas enfreindre l’obligation de diligence et de respecter les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, en vue de déterminer si ces informations et éléments sont suffisants pour justifier la dénonciation des faits en cause.

48.      La question qui se pose ensuite est celle de savoir quel contrôle le Tribunal doit exercer, afin de vérifier si ces informations ou éléments sont constitutifs d’une telle transmission.

3)      Le contrôle par le Tribunal des informations ou des éléments transmis par l’OLAF

49.      Comme le Tribunal doit vérifier, dans le cadre de la transmission des informations aux autorités nationales, si l’OLAF pouvait valablement disposer d’informations ou d’éléments susceptibles de recevoir une qualification pénale (28), il doit établir, à mon sens, que cet office a transmis aux autorités nationales des informations qui apparaissaient vraisemblables (29). En effet, cette notion de vraisemblance implique que le juge de première instance vérifie que l’OLAF disposait, au moment de la transmission d’informations aux autorités nationales, de plus d’éléments qu’un simple doute, sans pour autant exiger une preuve caractérisée qui ne nécessite plus d’actes d’enquête (30). Partant, en l’espèce, le caractère desdites informations ne se présumait pas (31), si bien qu’il incombait au Tribunal d’examiner le contenu de la note du 19 mars 2003.

50.      À cet égard, j’observe que les requérants ont mis en avant deux arguments en première instance. D’une part, ils ont soutenu que le principe de bonne administration avait été violé en raison d’une transmission d’informations intervenue de manière précipitée (32). À cet effet, pour autant que les requérants reprochent à la Commission d’avoir manqué de diligence en raison de la courte durée entre l’audit d’Eurostat 1999 et la note du 19 mars 2003, comme je l’ai déjà indiqué, en vertu de l’obligation de diligence, considéré conjointement avec le principe de la bonne administration consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, l’administration doit avec soin et impartialité, examiner tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Or, il est évident que la durée de temps en cause ne permet de conclure ni à une diligence particulière ni à une absence de diligence, de sorte que le Tribunal n’a pas commis d’erreur à cet égard.

51.      D’autre part, pour autant que les requérants ont fait valoir en première instance que la Commission était « soumise à un devoir de vérification des données pouvant avoir une incidence sur le résultat, dans la mesure où le document en question reprocherait aux parties requérantes des irrégularités graves et pourrait emporter des conséquences économiques sérieuses à leur égard », il convient de comprendre leur argumentation en ce sens que l’OLAF n’a pas satisfait à son devoir de vérifier des données pouvant avoir une incidence sur le résultat auquel parviennent les autorités nationales (33). Les requérants ont, en substance, soutenu que l’illégalité en cause était la conséquence de la violation de l’obligation de diligence et qu’il appartenait à l’OLAF (et/ou la Commission) de vérifier les informations qu’il transmettait aux autorités nationales (34).

52.      À cet égard, ainsi que j’ai déjà indiqué (35), j’estime que, dans le cadre d’un recours au titre de l’article 340 TFUE, le caractère vraisemblable des informations transmises par l’OLAF ne se présume pas (36), de sorte qu’il incombait au Tribunal d’examiner le contenu de la note du 19 mars 2003 et de vérifier si les informations transmises apparaissaient vraisemblables (37). À cet effet, il appartenait au Tribunal d’établir si l’OLAF disposait des indices matériels suffisamment précis démontrant qu’il y avait des raisons plausibles d’estimer que les informations transmises contiennent des faits susceptibles de qualification pénale. J’ajouterais que la discrétion des autorités nationales quant à l’ouverture d’une procédure nationale n’enlève rien à l’obligation pour l’OLAF de transmettre des informations vraisemblables et pour le Tribunal de devoir vérifier si les informations transmises répondaient à cette exigence. Le fait qu’il existe un éventuel « décalage » entre les informations transmises aux autorités nationales par l’OLAF et les constatations des juridictions nationales ne saurait constituer une violation du droit de bonne administration, dès lors que les autorités nationales, qui ne sont nullement liées par les conclusions de l’OLAF, mènent un examen indépendant et impartial des faits et des questions juridiques.

53.      En l’espèce, je dois relever que, au point 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, d’une part, s’est borné à constater qu’il ressortait de la note du 19 mars 2003 que les informations qui y sont contenues étaient le résultat d’une enquête ayant commencé sur la base d’un rapport d’audit interne d’Eurostat daté de septembre 1999, soit près de trois ans et demi auparavant, et, d’autre part, a constaté que ladite note exposait le cadre institutionnel dans lequel celle-ci s’inscrivait, présentait l’historique des faits visés par l’enquête en partant de la création du réseau des datashops dans les années 1995 et 1996, expliquait les relations financières au sein de ce réseau et détaillait les constatations faites au cours de l’enquête. Au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que l’OLAF disposait déjà, le 19 mars 2003, des informations ou des éléments permettant de considérer que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale.

54.      Or, il me semble que, ce faisant, le Tribunal n’a pas démontré qu’il a vérifié la vraisemblance des informations transmises aux autorités nationales. En effet, en décrivant brièvement la procédure ayant abouti à la décision de transmettre les informations aux autorités nationales et le contenu de la note du 19 mars 2003, l’arrêt attaqué vise à exposer que l’OLAF lui-même pouvait considérer que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale. Toutefois, j’estime qu’il incombait au Tribunal lui-même de vérifier les informations et les éléments de fait, afin d’établir s’il était vraisemblable que les faits en cause soient susceptibles de recevoir une qualification pénale.

55.      Ainsi, j’estime que le Tribunal a commis une erreur en ne vérifiant pas la vraisemblance des informations et des éléments de fait transmis par l’OLAF aux autorités nationales. Je propose donc à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué à cet égard, en jugeant qu’il incombait au Tribunal, en tant que juge en première instance, d’examiner si les informations transmises par l’OLAF aux autorités françaises dans la note du 19 mars 2003 permettaient de considérer qu’il était vraisemblable que les faits en cause étaient susceptibles de recevoir une qualification pénale.

2.      Sur le second grief

56.      Les requérants invoquent une atteinte à la réputation de M. Charlot en raison de fuites à la presse provenant de l’OLAF. Les requérants font référence à des articles parus en mai et juin 2003 dans certains journaux de langue allemande, mentionnant le nom de Planistat Europe. En raison de ces prétendues fuites, l’OLAF aurait violé l’obligation de confidentialité en vertu de l’article 8 du règlement nº 1073/1999 et le principe de bonne administration.

57.      Selon la Commission, s’agissant de la prétendue fuite par l’OLAF du contenu de la note du 19 mars 2003, il s’agit d’allégations factuelles et, à défaut de dénaturation, étrangères à l’objet d’un pourvoi. En tout état de cause, les articles de presse à l’appui de l’allégation des requérants ne permettent pas d’établir une violation d’une obligation de confidentialité, dès lors que, dans ces articles, il y aurait seulement des références à des éléments ayant été rendus publics lorsqu’une députée allemande du Parlement européen a posé une question écrite le 13 mai 2003, soit avant la publication des articles en question (38). Partant, les allégations concernant les fuites ne démontrent pas une violation, et encore moins une violation suffisamment caractérisée, de l’obligation de confidentialité de l’OLAF.

58.      À cet égard, pour autant que, par leur second grief, les requérants reprochent à l’OLAF d’avoir divulgué des informations à la presse (39), il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit identifier avec précision les points de motifs critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée et indiquer de façon précise les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (40). En l’espèce, je constate que les requérants ne font référence à aucune erreur de droit ni à aucun point de l’arrêt attaqué, de sorte que je propose à la Cour de rejeter ce grief comme manifestement irrecevable.

B.      Sur la troisième branche du deuxième moyen

59.      Par la troisième branche du deuxième moyen, qui se subdivise en trois griefs, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir commis, au point 114 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit lorsqu’il a conclu que la Commission n’avait pas commis de faute en déposant une plainte contre X devant les juridictions françaises et en s’y constituant partie civile.

1.      Sur le premier grief

60.      Les requérants soutiennent que la Commission a procédé à une dénonciation calomnieuse à l’égard de Planistat Europe et de son dirigeant. La Commission conteste quant à elle la recevabilité de ce grief.

61.      À cet égard, j’observe que les requérants ont omis d’identifier l’erreur de droit dont serait entaché le raisonnement du Tribunal. Comme il est indiqué plus haut, il résulte de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée, ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (41). Ne répond pas à ces exigences un moyen qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entachée la décision attaquée, se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal. Enfin, en ce qui concerne la notion de dénonciation calomnieuse, je renvoie à mon analyse sur la première branche du deuxième moyen (42).

2.      Sur le deuxième grief

62.      Selon les requérants, le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que la Commission n’avait pas commis de faute en déposant une plainte contre X devant les juridictions françaises et en s’y constituant partie civile. Plus particulièrement, les requérants reprochent, en substance, à la Commission d’avoir agi de manière précipitée lorsqu’elle a introduit la plainte sans attendre la clôture de l’enquête de l’OLAF. Le Tribunal aurait commis une erreur en reconnaissant, au point 111 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait le droit de présenter la plainte, alors que l’exercice d’un tel droit serait, dans les circonstances de l’espèce, « abusif ». La Commission aurait dû s’assurer au préalable de la véracité des informations faisant l’objet de la plainte.

63.      À titre liminaire, comme je l’ai déjà indiqué, en l’espèce, l’OLAF a transmis les informations aux autorités française sur la base de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1073/1999 (43) et cette transmission constitue l’exercice de ses compétences en vue de protéger les intérêts financiers de l’Union en vertu de l’article 280 CE (devenu l’article 325 TFUE) (44). En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’aucune disposition de ce règlement n’interdit expressément à la Commission de saisir l’autorité judiciaire avant la fin de l’enquête de l’OLAF, si elle estime disposer d’informations ou d’éléments pouvant recevoir une qualification pénale (45). Dès lors, ainsi que le fait valoir la Commission, il aurait été contraire à l’objectif poursuivi par l’article 280 CE d’attendre la clôture formelle de l’enquête de l’OLAF, dans la mesure où ce dernier avait déjà pu, à l’issue de trois ans d’enquête, réunir des informations qu’il a transmises aux autorités compétentes en cours d’enquête sur la base de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1073/1999 (46).

64.      S’agissant de l’argument des requérants tiré de la violation du principe du respect d’un délai raisonnable en ce que la Commission s’est constituée partie civile de manière précipitée, ainsi que le Tribunal l’a souligné à juste titre au point 108 de l’arrêt attaqué, la violation de ce principe, à la supposer établie, ne saurait engager la responsabilité non contractuelle de la Commission qu’en tant qu’elle serait une cause de préjudice en raison d’un écoulement excessif du temps (47). En outre, il conviendrait d’établir que l’éventuelle violation dudit principe affecte la capacité des requérants de se défendre effectivement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que ceux-ci pouvaient se défendre devant les juridictions nationales. Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en considérant que la Commission n’a pas violé ce même principe en se constituant partie civile avant d’avoir reçu le rapport final dans le cadre de l’enquête externe.

65.      Pour ce qui est de l’argument des requérants selon lequel il incombait à la Commission de passer en revue le travail effectué par l’OLAF, il convient de noter que cet office agit en toute indépendance (48). Ainsi, en application de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 1999/352 et de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement nº 1073/1999, c’est à l’OLAF directement qu’ont été attribuées les compétences de la Commission en matière d’enquêtes administratives externes en vue de renforcer la lutte contre la fraude, contre la corruption et contre toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, ainsi qu’aux fins de la lutte antifraude concernant tout autre fait ou activité d’opérateurs en violation de dispositions de l’Union. Dès lors, la Commission ne saurait, sans empiéter sur les compétences de l’OLAF, être obligée de procéder à la vérification des informations transmises par l’OLAF.

66.      Enfin, les requérants avancent que la Commission n’aurait pas dû porter plainte, dès lors qu’il existait des « circonstances tout à fait exceptionnelles » y faisant obstacle. Ce dernier argument n’ayant pas été invoqué dans le cadre de la requête, il est, selon moi, irrecevable.

3.      Sur le troisième grief

67.      Par leur troisième grief, les requérants font valoir que la Commission a causé la médiatisation de cette plainte, violant ainsi le principe de bonne administration. La Commission excipe de l’irrecevabilité de ce grief.

68.      Force est de constater que, par ce grief, les requérants omettent d’indiquer l’erreur dont serait entaché le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt attaqué. Ainsi, le grief est irrecevable.

69.      Par conséquent, je propose à la Cour de rejeter la troisième branche du deuxième moyen comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

C.      Sur la première branche du deuxième moyen

70.      Par la première branche du deuxième moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal aurait dû reconnaître l’existence de la dénonciation calomnieuse commise par l’OLAF et la Commission, qui relève de la notion de diffamation et constitue à la fois une infraction pénale et une faute civile dans 25 des 27 pays de l’Union. Le Tribunal aurait commis une erreur, en considérant, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, que les requérants se sont fondés, afin d’invoquer l’existence d’une dénonciation calomnieuse, sur des dispositions de droit pénal français, sur la jurisprudence des juridictions françaises ainsi que sur la doctrine française.

71.      Selon les requérants, le Tribunal aurait dû examiner ces arguments à la lumière du droit à la vie privée et du droit à la bonne administration, consacrés respectivement à l’article 7 et à l’article 41 de la Charte. Les requérants n’auraient cité la jurisprudence nationale concernant la dénonciation calomnieuse qu’à titre d’exemple, afin de démontrer qu’une telle faute enfreint les principes généraux communs aux droits des États membres.

72.      La Commission estime que ces arguments sont irrecevables à défaut d’avoir été invoqués en première instance. Selon elle, dans le cadre de leur requête devant le Tribunal, les requérants ont soutenu l’existence d’une dénonciation calomnieuse et ont explicitement fait référence au code pénal français et à la jurisprudence nationale y afférente. Les requérants auraient argué clairement, devant le Tribunal, de l’illégalité du comportement de l’OLAF et de la Commission en raison d’une dénonciation calomnieuse (49).

73.      S’agissant de la recevabilité de la première branche, en premier lieu, la Commission soutient, en substance, que la Cour a été saisie, aux termes de cette première branche, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal, dans la mesure où les requérants auraient invoqué la diffamation pour la première fois dans leur pourvoi.

74.      À cet égard, s’agissant de la question de savoir si l’argumentation des requérants portait sur la notion de dénonciation calomnieuse ou sur celle de diffamation, j’observe que, dans leur requête en première instance, ils ont fait valoir que la dénonciation calomnieuse, à savoir la transmission des informations aux autorités judiciaires françaises, était accompagnée d’une communication diffamatoire, à savoir les fuites à la presse relatives à cette transmission (50). D’une part, pour autant qu’ils ont critiqué la transmission de la note du 19 mars 2003 et le dépôt de plainte avec constitution de partie civile ont été effectués à leur encontre par la Commission le 10 juillet 2003, ils ont invoqué la dénonciation calomnieuse à leur égard (51). D’autre part, pour autant que les requérants ont critiqué les prétendues fuites médiatiques commises par l’OLAF et par la Commission, je note qu’ils ont fait référence, certes de manière laconique, à des communiqués de presse « diffamatoires », en violation du droit de la présomption d’innocence de la personne concernée (52).

75.      Partant, je propose à la Cour de constater que les requérants ont déjà avancé en première instance l’argumentation relative à la fois à la dénonciation calomnieuse et à la diffamation. Toutefois, l’argumentation relative à la diffamation semble porter uniquement sur l’allégation relative à la fuite des informations à la presse (53) et non en tant que transmission d’information de l’OLAF et de la Commission aux autorités nationales. Par ailleurs, en ce qui concerne les questions de savoir si la dénonciation calomnieuse constitue une notion voisine de la diffamation ou relève directement de celle-ci et si elle constitue une violation des articles 7 et 41 de la Charte, j’estime que ces interrogations relèvent du fond de l’affaire que je vais examiner ci-après (54).

76.      En deuxième lieu, la Commission soutient, en substance, que la requête en première instance ne permet d’identifier aucune argumentation relative à l’existence d’une diffamation en violation d’une disposition ou d’un principe général de droit de l’Union.

77.      À cet égard, il suffit de relever que, d’une part, le petitum de la requête introductive d’instance se réfère à la violation suffisamment caractérisée du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, des droits de la défense, du droit à la présomption d’innocence et de l’obligation de confidentialité. Il est, à mon sens, évident que les requérants ont fait référence aux principes généraux du droit de l’Union, tels que concrétisés par la Charte (55). D’autre part, la lecture de l’argumentation contenue dans la requête en première instance ne fait que conforter cette appréciation, dès lors, que, s’agissant, notamment, des allégations liées à la dénonciation calomnieuse, les requérants ont invoqué l’atteinte à la réputation ou à l’honneur et donc à la vie privée d’une personne, au sens de la liberté d’expression consacrée à l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (56). En outre, dans leur réplique en première instance, ils ont conclu à l’atteinte à la réputation d’une personne, laquelle relève du respect de la vie privée (57), ainsi qu’au droit à la bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte (58). J’en déduis que la Commission ne saurait valablement considérer que la violation du droit de l’Union est un argument nouveau présenté au stade du pourvoi.

78.      En troisième lieu, quant à la question de savoir si la première branche du deuxième moyen fondée sur la diffamation est prescrite, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu. En l’occurrence, il apparaît que le moyen fondé sur la diffamation en raison de fuites à la presse est prescrit dès lors que ce dommage a été causé instantanément.

79.      En effet, dans l’hypothèse où l’investigation de l’OLAF et la transmission du rapport de cette investigation sont couvertes par le principe de confidentialité, telle que consacrée à l’article 8 du règlement no 1073/1999, le dommage de la violation de ce principe survient dès la divulgation des éléments confidentiels. Dès lors, il y a lieu de distinguer selon que le dommage survient en raison de la dénonciation calomnieuse ou en raison de la diffamation, si bien que pour cette dernière la faute est acquise indépendamment du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation. Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 60 de l’arrêt attaqué, que les éventuels résultats des procédures judiciaires nationales ne sont pas susceptibles d’affecter l’introduction d’un recours en responsabilité non contractuelle, de sorte que la faute de diffamation était acquise indépendamment du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation.

80.      Il s’ensuit que les requérants auraient dû demander la réparation de ce dommage dans un délai de cinq ans à partir de la publication des propos prétendument diffamatoires, qui ont été tenus entre mai et juillet 2003. Je propose donc à la Cour d’accueillir cette exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

81.      En ce qui concerne le fond de la première branche du deuxième moyen, les requérants remettent en cause l’appréciation par le Tribunal de l’argumentation relative à la dénonciation calomnieuse.

82.      Aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué, qui s’inscrivent dans la partie de cet arrêt relative à l’examen de l’illégalité du comportement de l’OLAF et de la Commission en raison d’une dénonciation calomnieuse, le Tribunal constate que les requérants se sont fondés sur des dispositions de droit pénal français, sur la jurisprudence des juridictions françaises ainsi que sur la doctrine française en la matière. Il relève que, s’il est vrai que les juridictions de l’Union ont une compétence exclusive pour statuer sur les recours en réparation d’un dommage imputable aux institutions de l’Union, l’interprétation et l’encadrement juridique en droit pénal français des faits allégués par les requérants ne relèvent pas de la compétence du juge de l’Union. Dans ces circonstances, le Tribunal a rejeté comme étant inopérants les arguments des requérants tirés de l’existence d’une dénonciation calomnieuse.

83.      Il convient d’observer que le raisonnement du Tribunal, aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué, procède d’une lecture de la requête, selon laquelle les requérants n’ont avancé que des arguments à l’appui du droit national. Or, ainsi que je l’ai déjà exposé dans la partie relative à l’irrecevabilité, il me semble établi que les requérants ont invoqué le droit de l’Union et notamment les principes généraux de celui-ci (59). Aux termes de la requête en première instance, la dénonciation calomnieuse qu’auraient commises l’OLAF et la Commission est contraire au devoir de sollicitude (60) et au droit à une bonne administration consacrés à l’article 41 de la Charte (61).

84.      En tout état de cause, même en l’absence de références explicites aux principes généraux de droit de l’Union, je suis d’avis qu’il appartient au Tribunal de procéder, conformément au principe iura novit curia, à l’examen desdits principes (62). Enfin, dès lors que la dénonciation calomnieuse constitue une notion peu voire non développée en droit de l’Union, il est tout à fait compréhensible que, afin de définir sa portée, les parties illustrent leur propos avec les jurisprudence et doctrine nationales, d’autant plus que les principes généraux de droit, qui ont été réaffirmés dans la Charte, résultent, pour partie, des traditions communes des États membres (63).

85.      Ainsi, j’estime que, en jugeant que les requérants ont visé la violation des normes de droit national, le Tribunal a fait une lecture trop formelle et restrictive de la requête et de la réplique en première instance, qui contiennent des références explicites aux principes généraux de droit de l’Union et aux dispositions de la Charte. Je propose donc à la Cour d’accueillir la première branche du deuxième moyen et de constater que le Tribunal a commis une erreur, en considérant, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, que les requérants se sont fondés, afin d’invoquer l’existence d’une dénonciation calomnieuse, sur des dispositions de droit pénal français, sur la jurisprudence des juridictions françaises ainsi que sur la doctrine française.

86.      Enfin, par souci de complétude, je ferai quelques observations relatives à la question de savoir si la dénonciation calomnieuse peut éventuellement constituer une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

87.      Il est à noter que la dénonciation calomnieuse ne semble pas trouver de source normative directe dans les dispositions du droit secondaire de l’Union. Pour déterminer les caractéristiques d’un comportement infractionnel à des fins d’établir la violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, il convient d’examiner les traditions communes des États membres.

88.      À cet égard, la dénonciation calomnieuse constitue un délit puni par les codes pénaux de plusieurs États membres (64), de sorte qu’il est possible de considérer qu’il s’agit d’une tradition commune des États membres. Elle consiste à porter à la connaissance de l’autorité un acte ou un fait inexistant répréhensible et punissable (65). Toutefois, toutes les dénonciations ne sont pas forcément calomnieuses. En effet, la dénonciation calomnieuse se caractérise classiquement par la fausseté des faits rapportés et par l’intention calomnieuse du dénonciateur (66). Autrement dit, l’inadvertance ou la négligence ne suffit pas à constituer l’élément intentionnel du délit. Dès lors, si les requérants parviennent à établir, en première instance, que l’OLAF a intentionnellement transmis réellement des informations fausses aux autorités nationales, alors les faits d’une dénonciation calomnieuse peuvent être établis. Un tel comportement pourrait alors porter atteinte aux droits individuels fondamentaux de la personne dénoncée et il appartiendrait au Tribunal, afin de déterminer s’il s’agit d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, d’examiner si la prétendue dénonciation calomnieuse pourrait éventuellement constituer une violation des droits fondamentaux consacrés par la Charte, violation qui, en application de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, doit être interprétée selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

89.      Au vu des éléments qui précèdent, je propose à la Cour d’accueillir partiellement la première branche du deuxième moyen, en ce que le Tribunal a refusé d’examiner l’argumentation des requérants relative à une dénonciation calomnieuse.

V.      Sur le recours devant le Tribunal

90.      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel n’est pas le cas en l’espèce, le Tribunal n’ayant pas examiné la vraisemblance des informations et les éléments de fait transmis par l’OLAF aux autorités nationales, ni le contenu de ceux-ci, ni encore l’intention de cette transmission.

VI.    Les dépens

91.      L’affaire devant être, d’après mon analyse, renvoyée au Tribunal, il y a lieu de réserver, en conséquence, les dépens conformément à l’article 137 du règlement de procédure applicable à la procédure en pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement.

VII. Conclusion

92.      Eu égard aux considérations qui précèdent, et sans préjuger du bien‑fondé d’autres moyens du pourvoi, je propose à la Cour d’annuler partiellement l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 avril 2022, Planistat Europe et Charlot/Commission (T‑735/20, EU:T:2022:220) en ce que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsque, d’une part, il n’a pas vérifié la vraisemblance des informations et les éléments de fait transmis par l’Office européen de lutte antifraude aux autorités nationales et, d’autre part, il a omis d’examiner l’argumentation des requérants relative à une éventuelle dénonciation calomnieuse. Je propose que la Cour réserve les dépens.


1      Langue originale : le français.


2      T‑735/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:220.


3      JO 1999, L 136, p. 1.


4      Ce règlement, applicable ratione temporis aux faits de l’espèce, a été abrogé et remplacé par le règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par [l’OLAF] (JO 2013, L 248, p. 1).


5      En tout état de cause, la Commission soutient que ladite allégation est contredite par les termes mêmes du rapport final d’enquête qui font état d’un montant versé irrégulièrement à Planistat Europe, dès lors que l’enquête aurait établi que cette société a participé activement à la création d’une réserve occulte qui lui a permis, par un système de fausse facturation, de bénéficier notamment de ressources financières non prévues dans les conditions de marché. Cette constatation confirmerait d’ailleurs celle du rapport d’audit d’Eurostat (voir annexes A. 11, p. 550 à 552, et A. 13, p. 569).


6      Voir point 88 des présentes conclusions.


7      Points 57 et suiv. de la requête en première instance.


8      Arrêt du 10 juin 2021 (EU:C:2021:468, point 61).


9      Voir points 82 à 86 de l’arrêt attaqué.


10      Voir points 87 à 92 de l’arrêt attaqué.


11      Arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts (C‑234/02 P, EU:C:2004:174, point 49 et jurisprudence citée).


12      Voir, en ce sens, arrêts du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 37), et du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, (C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30). Par exemple, lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 54).


13      S’agissant du contrôle juridictionnel exercé sur les prétendues violations commises par l’OLAF, voir Inghelram, J. F. H., Legal and Institutional Aspects of the European Anti-fraud Office (OLAF) – An Analysis with a Look Forward to a European Public Prosecutor’s Office, Europa Law Publishing, Zutphen, 2011, p. 203, et Groussot, X., Popov, Z., « What’s wrong with OLAF ? Accountability, due process and criminal justice in European anti-fraud policy », Common Market Law Review, vol. 47, 2010, p. 605 à 643. Sur le recours en indemnité, voir Inghelram, J. F. H., « Judicial review of investigative acts of the European Anti-Fraud Office (OLAF) : a search for balance », Common Market Law Review, 49, 2012, p. 616 à 617.


14      Voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P (EU:C:2008:726, points 92 et 93).


15      Voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission (T‑333/10, EU:T:2013:451, point 93).


16      Voir, par analogie, en ce qui concerne la règle d’impartialité, arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03 (EU:T:2006:110, points 102 et 103).


17      Voir, en ce sens, Inghelram, J. F. H., Legal and Institutional Aspects of the European Anti-Fraud Office (OLAF), Europa Law Publishing, Amsterdam, 2011, en particulier p. 107.


18      Sur la conduite d’une enquête externe, voir Inghelram, J. F. H., Legal and Institutional Aspects of the European Anti-Fraud Office (OLAF). An Analysis with a Look Forward to a European Public Prosecutor’s Office, cité à la note 13 des présentes conclusions, p. 65 et suiv.


19      Voir point 84 de l’arrêt attaqué.


20      Italique ajouté par mes soins.


21      Voir, à cet égard, article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, aux termes duquel l’OLAF doit transmettre aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales.


22      Voir, également, considérant 1 du règlement no 1073/1999.


23      Voir, également, pouvoirs conférés à l’OLAF, définis expressément et en détail par la décision 1999/352/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 28 avril 1999, instituant l’[OLAF] (JO 1999, L 136, p. 20).


24      Voir, en ce sens, ordonnances du 13 juillet 2004, Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission (T‑29/03, EU:T:2004:235, point 37) ; du 21 juin 2017, Inox Mare/Commission (T‑289/16, EU:T:2017:414, point 22), et du 22 janvier 2018, Ostvesta/Commission (T‑175/17, EU:T:2018:49, point 29 et jurisprudence citée.


25      Voir arrêt du 10 juin 2021, Commission/De Esteban Alonso (C‑591/19 P, EU:C:2021:468, point 57).


26      À cet égard, je tiens à rappeler que, compte tenu du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, la coopération entre l’OLAF et les autorités nationales revêt une certaine confiance et a donc une incidence probatoire sérieuse.


27      Voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2019, Dzivev e.a. (C‑310/16, EU:C:2019:30, point 33).


28      J’estime que, comme je l’ai déjà indiqué au point 46 ci-dessus, si l’arrêt du 10 juin 2021, Commission/De Esteban Alonso (C‑591/19 P, EU:C:2021:468, point 57), fait uniquement référence à la nécessité « d’ouverture d’une enquête judiciaire ou [de] constituer des éléments de preuve utiles à une telle enquête », je suis néanmoins d’avis que le critère pertinent devrait être la disposition des éléments à caractère illégal, dès lors que la nécessité d’ouverture de procédure judiciaire relève des autorités nationales.


29      Voir, par analogie, libellé de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999.


30      Voir, en ce sens et par analogie, Mascala, C. La fonction de l’apparence vraisemblable dans l’enquête pénale, dans Juge et Apparence(s) [en ligne]. Presses de l’Université Toulouse Capitole, Toulouse, 2010. http://books.openedition.org/putc/293. Selon l’auteur, la notion d’apparence vraisemblable correspond à un état qui se situe entre le simple doute qui est insuffisant pour déclencher l’enquête pénale ou en effectuer certains actes et la preuve caractérisée qui ne nécessite plus d’actes d’enquête.


31      Voir, Groussot. X., et Popov, Z., « What’s wrong with OLAF ? Accountability, due process and criminal justice in European anti-fraud policy », Common Market Law Review, vol 47, p. 605 à 643.


32      Voir, notamment, point 86 de la requête en première instance.


33      Voir, également, point 74 de la réponse de la Commission en première instance.


34      Dans ces conditions, j’estime que le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte, tel qu’invoqué par les requérants, constitue l’expression de droits spécifiques au sens de cette disposition, à savoir le droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement et, partant, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Dès lors, ce droit doit, en l’espèce, être qualifié de norme ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.


35      Voir point 49 ci-dessus.


36      Voir, Groussot., X., et Popov, Z., « What’s wrong with OLAF ? Accountability, due process and criminal justice in European anti-fraud policy », Common Market Law Review, vol 47, p. 605 à 643.


37      Voir point 88 de l’arrêt attaqué.


38      Annexe A.18, p. 669 à 675.


39      Voir points 67 à 69 du pourvoi.


40      Arrêts du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission (C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 42), et du 8 juin 2017, Dextro Energy/Commission (C‑296/16 P, EU:C:2017:437, point 60).


41      Voir point 58 des présentes conclusions.


42      Voir points 81 et 88 des présentes conclusions.


43      Voir point 84 de l’arrêt attaqué.


44      Il convient de préciser que la transmission litigieuse est distincte de l’hypothèse d’une présentation des éléments de preuves, envisagée à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999.


45      Voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2021, Commission/De Esteban Alonso (C‑591/19 P, EU:C:2021:468, points 56 et 57).


46      À cet égard, il importe de noter que la Commission invoque le délai de prescription de six ans, prévu par la législation française pour l’engagement de poursuites, pour expliquer qu’elle était obligée de déposer une plainte dans les meilleurs délais une fois que l’OLAF avait pu établir les faits, faute de courir le risque que des poursuites pénales en France soient prescrites, au moins en partie. Selon la Commission, l’article 113‑8 du code pénal français exige, pour les délits commis hors du territoire français, que les poursuites exercées à la requête du ministère public soient précédées d’une plainte de la victime. En l’espèce, le délai de prescription de six ans prévu à l’article 8 du Code de procédure pénale français pour l’engagement de poursuites aurait déjà commencé à courir, dès lors que les faits remontaient aux années 1996 à 1999.


47      Voir, par analogie, arrêt du 9 juin 2016, CEPSA/Commission (C‑608/13 P, EU:C:2016:414, point 61).


48      Voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission (T‑48/05, EU:T:2008:257, point 299).


49      La Commission s’appuie, par ailleurs, sur un extrait du rapport d’audience devant le Tribunal, qui ferait référence à la dénonciation calomnieuse et non pas à la calomnie ou à la diffamation.


50      Points 37 à 40 de la requête en première instance. Voir, également, distinction aux points 62 et 63 de la requête en première instance.


51      Voir, notamment, points 37, 43, 44, et 56 de la requête en première instance.


52      Voir, notamment, points 59 et 69 de la requête en première instance, qui évoquent les fuites de presse.


53      Voir, notamment, contexte du point 110 de la requête en première instance.


54      Voir points 81 à 88 des présentes conclusions.


55      En particulier, la référence au devoir de sollicitude et au principe de bonne administration, qui lient de prime abord l’administration de l’Union, révèle l’intention des requérants de prendre appui sur des principes généraux de l’Union.


56      Voir, notamment, point 110 de la requête en première instance.


57      Point 27 de la requête en première instance.


58      Point 29 de la requête en première instance.


59      Voir points 74 et 75 des présentes conclusions.


60      Point 56 de la requête en première instance.


61      Point 58 de la requête en première instance.


62      Voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C‑301/19 P, EU:C:2021:39, point 54). Par ailleurs, le Tribunal a lui-même considéré que, selon la jurisprudence, la recevabilité d’un moyen ne dépend pas de l’utilisation d’une terminologie particulière, ni de l’invocation de règles ou de principes de droit concrets. Il a relevé qu’il appartient au juge de l’Union d’identifier les dispositions pertinentes et de les appliquer aux faits qui lui sont présentés par les parties, quand bien même les parties ne se seraient pas référées aux dispositions en cause ou auraient même invoqué des dispositions différentes (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, Italie et Espagne/Commission, T‑124/13 et T‑191/13, EU:T:2015:690).


63      Voir points 87 à 88 des présentes conclusions.


64      À titre d’illustration, voir, en droit allemand, article 164 du Strafgesetzbuch (code pénal) ; en droit français, article 226‑10 du code pénal ; en droit letton, articles 290 et 298 du Krimināllikums (loi pénale), et, en droit slovaque, paragraphe 345 du zákon 300/2005 Z.z., Trestný zákon (code pénal). Voir, également, arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543), relatif à la dénonciation calomnieuse en Italie.


65      Voir, par exemple, article 226‑10 du code pénal français.


66      Voir dispositions citées à la note en bas de page 64 des présentes conclusions. Voir, également, Ceccaldi, S., « Sur la nature conjecturale de l’élément moral : l’exemple de la dénonciation calomnieuse », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, vol. 2, no 3, p. 587 à 598.