Language of document : ECLI:EU:T:2012:534

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 octobre 2012(*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation d’assistance technique au gouvernement de la Syrie – Rejet de la candidature – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑183/10,

Sviluppo Globale GEIE, établie à Rome (Italie), représentée par Mes F. Sciaudone, R. Sciaudone et A. Neri, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Erlbacher, en qualité d’agent, assisté de Me P. Manzini, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 14 février 2010 de ne pas admettre la candidature soumise par la requérante dans le cadre de l’appel d’offres restreint EUROPEAID/129038/C/SER/SYR (JO 2009/S 223‑319862), visant la fourniture de services d’assistance technique en faveur du gouvernement syrien destinés à favoriser le processus de décentralisation et de développement local,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, M. Prek et Mme M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Sviluppo Globale GEIE, est un groupement européen d’intérêt économique qui agit en tant que partenaire principal d’un consortium composé par le Ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique italien), la Presidenza del Consiglio dei Ministri (la présidence du Conseil des ministres italienne), Diadikasia Business Consultants SA, Public Administration International Ltd, BNB Consulting Ltd Şti, l’association Yerel Yönetimler Eğitim Derneği et Tarabein Engineering Group.

2        Par un avis de marché du 19 novembre 2009, publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne (JO S 223), sous la référence 2009/S 223-319862, la Commission des Communautés européennes, agissant par l’intermédiaire de sa délégation à Damas (Syrie), a lancé un appel d’offres restreint visant à la prestation de services d’assistance technique en vue de soutenir le programme de décentralisation et de développement local en Syrie.

3        Le point 7 de l’avis de marché énonce ce qui suit :

« Description du marché :

Fourniture d’une assistance technique dans le domaine de la décentralisation et du développement local en soutenant le gouvernement syrien (ministère de l’administration locale de la République arabe syrienne), dans son processus de décentralisation et de renforcement de la modernisation municipale. Il s’agira de soutenir les autorités locales en renforçant leurs capacités de façon adaptée, notamment dans les domaines suivants :

–        accès aux services par le biais d’un développement local et d’une gouvernance locale intégrés et efficaces,

–        renforcement des unités administratives,

–        système d’information de gestion financière au niveau municipal,

–        investissements publics,

–        systèmes de suivi et outils de collecte de données,

–        gestion des ressources humaines.

L’assistance technique couvrira également le lancement du Centre pour le développement durable. »

4        Le point 17 de l’avis de marché stipule ce qui suit :

« Nombre de candidats qui seront présélectionnés :

Sur la base des candidatures reçues, 4 à 8 candidats seront invités à présenter une offre détaillée dans le cadre du marché en objet. Si le nombre de candidats éligibles satisfaisant aux critères de sélection est inférieur au minimum de 4, le pouvoir adjudicateur pourra inviter les candidats qui satisfont aux critères à présenter une offre. »

5        Le point 21 de l’avis de marché établit ce qui suit :

« Critères de sélection :

[…]

[…] En cas de candidature présentée par un consortium, lesdits critères seront valables pour l’ensemble de celui-ci :

1) […]

2) […]

3) Capacité technique du candidat :

a)      le candidat doit avoir mené à bien, au cours des 3 dernières années, au minimum 2 projets (finalisés à la date of tendering) d’un budget au moins équivalent à 3 500 000 EUR chacun dans des domaines en rapport avec le présent marché.

[…]

Si plus de 8 candidats éligibles satisfont aux critères de sélection ci-dessus, ils sera procédé à une réévaluation de leurs points forts et de leurs points faibles afin de déterminer les 8 meilleures candidatures. Lors de la réévaluation, seuls seront pris en compte les critères suivants :

1)      nombre et montant des projets réalisés dans le domaine du présent marché au cours des 3 dernières années ;

2)      nombre d’années d’expérience dans les pays MEDA. »

6        Le 15 janvier 2010, le consortium dont fait partie la requérante a déposé sa candidature au marché public litigieux. Sa candidature décrivait un total de quinze projets répondant, selon la requérante, aux critères techniques de sélection prévus dans l’avis de marché.

7        Par lettre du 14 février 2010, la Commission a informé la requérante de sa décision de ne pas inscrire le consortium sur la liste restreinte des candidats présélectionnés au motif que sa candidature ne répondait pas aux critères techniques de sélection établis au point 21.3, sous a), de l’avis de marché (ci-après la « décision attaquée »). Elle lui a fait également savoir que, des douze candidatures reçues, six avaient été inscrites sur la liste restreinte.

8        Par lettre du 15 février 2010, la requérante a demandé à la Commission de réexaminer la décision attaquée ainsi que de lui transmettre des informations précises et détaillées concernant les critères de sélection utilisés lors de l’évaluation de sa candidature et de celle des soumissionnaires inscrits sur la liste restreinte.

9        Par lettre du 7 mars 2010, la Commission a informé la requérante qu’elle avait procédé à un nouvel examen de la décision attaquée, dont le résultat a permis de confirmer le rejet de sa candidature de la procédure de passation du marché public litigieux.

10      Par lettre du 23 mars 2010, la requérante a sollicité de la Commission, en vertu de l’article 6 du règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), une copie tant du rapport du comité d’évaluation que du reste des documents concernant la procédure de sélection des candidats et l’établissement de la liste restreinte. Par ailleurs, la requérante a demandé des clarifications sur la composition du comité d’évaluation et, en particulier, sur l’identité et le profil professionnel de chacun de ses membres.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 2010, la requérante a introduit le présent recours.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à la Commission de produire les procès-verbaux du comité d’évaluation ayant trait à la liste restreinte ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      Dans le cadre de son recours, la requérante a introduit une demande d’annulation de la décision attaquée ainsi qu’une demande visant l’adoption d’une mesure d’instruction.

15      À l’appui de sa demande d’annulation, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de l’existence d’erreurs d’interprétation et d’erreurs manifestes d’appréciation, ainsi que de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence. Le second moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation.

16      Dans la mesure où l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, autonome par rapport à la question du bien-fondé de l’acte litigieux, qui doit notamment permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 63), il convient d’examiner, en premier lieu, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

17      Selon la requérante, la Commission a violé l’obligation de motivation en ce que, bien qu’elle lui ait indiqué, dans la décision attaquée et dans la lettre du 7 mars 2010, que sa candidature ne respectait pas les critères techniques de sélection établis au point 21.3, sous a), de l’avis de marché, elle n’a pas exposé les raisons concrètes d’une telle appréciation. En particulier, la requérante souligne que la décision attaquée ne fait aucune référence au contenu de sa candidature et que la lettre du 7 mars 2010 ne contient pas d’informations précises à l’égard du rejet de sa candidature de la procédure de passation du marché public litigieux.

18      La Commission conteste les arguments de la requérante et considère qu’elle a rempli l’obligation de motivation qui lui incombait en vertu des dispositions applicables. En particulier, elle fait valoir qu’elle a communiqué à la requérante, dans sa lettre du 14 février 2010, la raison pour laquelle sa candidature n’avait pas été inscrite sur la liste restreinte du marché public litigieux et qu’elle a fourni, dans sa lettre du 7 mars 2010, des éclaircissements plus précis sur les motifs qui fondaient sa décision. La Commission ajoute que, même si sa motivation était succincte, dans la mesure où les critères prévus au point 21.3, sous a), de l’avis de marché avaient un caractère objectif et étaient facilement vérifiables, la requérante était en mesure de comprendre pourquoi sa candidature n’avait pas été admise dans la liste restreinte.

19      Dans le cadre d’une procédure de passation des marchés publics comme celle en cause, les dispositions réglementaires qui déterminent le contenu de l’obligation de motivation incombant au pouvoir adjudicateur à l’égard du candidat ou soumissionnaire qui n’a pas été retenu sont l’article 100, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et l’article 149, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), dans leur version applicable aux faits d’espèce.

20      Il résulte de ces dispositions ainsi que d’une jurisprudence constante que le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation si, tout d’abord, il se contente de communiquer immédiatement à tout candidat écarté les motifs du rejet de sa candidature et, ensuite, fournit aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, non publié au Recueil, point 111, et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑300/07, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée).

21      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE selon laquelle il convient de faire apparaître d’une manière claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts Evropaïki Dynamiki/OEDT, précité, point 112, et Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 50, et la jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il convient de constater, tout d’abord, que la candidature de la requérante a été écartée après la phase de sélection du marché public litigieux et non après la phase d’attribution de ce marché. Dans ces circonstances, elle ne peut pas être considérée comme étant un soumissionnaire ayant présenté une offre recevable au sens de la jurisprudence citée au point 20 ci-après.

23      Ensuite, il y a lieu de relever que la Commission a communiqué à la requérante, par lettre du 14 février 2010, l’information suivante :

« […] votre candidature n’a pas été présélectionnée aux fins de préparer une offre détaillée pour ce contrat pour [les] raisons suivantes […]

[…] votre candidature n’a pas été considérée comme ayant satisfait aux critères de capacité technique [en particulier le critère 3a)]

Pour votre information, nous avons reçu 12 candidatures en réponse à l’avis de marché, dont 6 ont été présélectionnées. La liste restreinte a été publiée sur le site Internet ‘https://webgate.ec.europa.eu/europeaid/online-services/index.cfm?do=publi.welcome’. »

24      Enfin, la Commission lui a transmis, par lettre du 7 mars 2010, les explications suivantes :

« Suite à votre demande concernant la raison pour laquelle votre société n’a pas été présélectionnée, le comité d’évaluation a décidé de réexaminer votre dossier.

Après le réexamen, le comité d’évaluation confirme que votre consortium ne remplissait pas entièrement les critères de sélection, en particulier en ce qui concerne le critère 3a) qui établit que le candidat a réalisé avec succès au moins deux projets (comme projets finalisés à la date of tendering) dont le budget s’élevait au minimum à 3 500 000 euros chacun dans des domaines en rapport avec le présent contrat au cours des trois dernières années.

Permettez-moi de vous rappeler la description du contrat telle qu’indiquée dans l’avis de marché :

Fourniture d’une assistance technique dans le domaine de la décentralisation et du développement local en soutenant le gouvernement syrien (ministère de l’administration locale de la République arabe syrienne), dans son processus de décentralisation et de renforcement de la modernisation municipale. Il s’agira de soutenir les autorités locales en renforçant leurs capacités de façon adaptée, notamment dans les domaines suivants :

–        accès aux services par le biais d’un développement local et d’une gouvernance locale intégrés et efficaces,

–        renforcement des unités administratives,

–        système d’information de gestion financière au niveau municipal,

–        investissements publics,

–        systèmes de suivi et outils de collecte de données,

–        gestion des ressources humaines.

L’assistance technique couvrira également le lancement du Centre pour le développement durable.

Par conséquent, votre candidature n’a pas été considérée comme satisfaisant le critère précédent de capacité technique 3a) […] »

25      Il ressort des points qui précèdent que, dans une première lettre, datée du 14 février 2010, la Commission a communiqué à la requérante sa décision de rejeter sa candidature de la procédure du marché public litigieux et lui a indiqué qu’elle ne satisfaisait pas au point 21.3, sous a), de l’avis de marché. La Commission l’a, en outre, informée qu’elle avait reçu douze candidatures, dont seulement six faisaient partie de la liste restreinte, et lui a indiqué le site Internet à partir duquel elle pouvait trouver le nom des soumissionnaires faisant partie de cette liste.

26      Ultérieurement, par une seconde lettre, datée du 7 mars 2010 et adressée à la requérante en réponse à une demande expresse effectuée par cette dernière, la Commission a rappelé que sa candidature avait été exclue parce qu’elle ne satisfaisait pas au point 21.3, sous a), de l’avis de marché, et lui a énoncé le contenu dudit point. En outre, la Commission a réitéré à la requérante la description du contrat figurant au point 7 de l’avis de marché.

27      Le Tribunal considère, en premier lieu, que, malgré les informations contenues dans les lettres précédentes, la requérante n’a pas reçu, conformément à la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus, une réponse de la part de la Commission faisant apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement suivi lors de l’adoption de la décision attaquée.

28      En effet, il importe de relever que, dans la lettre du 14 février 2010, la Commission s’est bornée à communiquer à la requérante que sa candidature ne pouvait être inscrite sur la liste restreinte du marché public litigieux. Bien que la requérante ait pu comprendre, à la lumière de cette lettre, quel était le point de l’avis de marché que, selon la Commission, sa candidature ne respectait pas, à savoir le point 21.3, sous a), relatif aux critères techniques de sélection, la communication de la Commission était dépourvue de toute motivation, son contenu ne révélant pas le raisonnement qui se trouvait à la base d’une telle appréciation.

29      Ensuite, dans la lettre du 7 mars 2010, la Commission s’est contentée de répéter ce qu’elle avait déjà indiqué à la requérante dans la lettre précédente. Certes, elle a rappelé le contenu du point 21.3, sous a), et du point 7 de l’avis de marché. Toutefois, la seule reproduction littérale de ces deux dispositions dans la lettre du 7 mars 2010 ne saurait être considérée comme étant suffisante aux fins de constater que la Commission a satisfait à son obligation de motivation.

30      Par ailleurs, il convient de souligner que la Commission n’a pas effectué une mise en relation des projets décrits par la requérante dans sa candidature avec les trois critères énoncés au point 21.3, sous a), de l’avis de marché. En particulier, elle n’a pas expliqué lequel, parmi ces trois critères, n’était pas satisfait par lesdits projets. Dans ces circonstances, la requérante n’était pas en mesure de savoir si la raison du rejet de sa candidature de la procédure de passation du marché public litigieux concernait le nombre minimal de projets exécutés, leur budget, leur achèvement dans les délais prévus ou encore les domaines dans lesquels ils avaient été exécutés.

31      À l’encontre des constatations précédentes, la Commission fait valoir, notamment, que, étant donné le caractère objectif des critères techniques de sélection de l’avis de marché, il suffisait à la requérante d’examiner sa candidature à la lumière des indications fournies pour comprendre les raisons du rejet de celle-ci. Cet argument ne saurait être retenu.

32      Il convient de relever que, conformément au point 21.3, sous a), de l’avis de marché, les candidats participant à la phase de sélection du marché public litigieux devaient exposer dans leurs candidatures respectives au moins deux projets remplissant les trois critères suivants : premièrement, ils devaient être en lien avec les domaines visés par le marché public litigieux, deuxièmement, ils devaient être achevés à la date of tendering et, troisièmement, ils devaient bénéficier d’un budget supérieur à 3 500 000 euros.

33      Or, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, les critères techniques de sélection prévus au point 21.3, sous a), de l’avis de marché n’étaient pas vérifiables sur la base d’une simple lecture de la candidature de la requérante.

34      S’agissant du premier critère technique, à savoir celui selon lequel les projets décrits dans les candidatures devaient présenter un lien avec les domaines visés par le marché public litigieux, force est de constater que celui-ci était susceptible d’être appliqué sur la base d’une marge d’appréciation très ample de la part de la Commission. Dans ces circonstances, même si la Commission a, dans la lettre du 7 mars 2010, reproduit le contenu intégral du point 7 de l’avis de marché, relatif à la description du contrat, il n’aurait pas suffi à la requérante d’effectuer une comparaison entre le contenu de sa candidature et celui de cette lettre pour constater lesquels des projets qui y étaient exposés n’étaient pas, selon la Commission, liés aux domaines visés par le marché public en cause.

35      Il convient de rappeler, à cet égard, que, lorsque, comme en l’espèce, une institution européenne dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; arrêts du Tribunal du 5 mars 2002, Le Canne/Commission, T‑241/00, Rec. p. II‑1251, points 53 et 54, et Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 45).

36      S’agissant du deuxième critère technique, à savoir celui selon lequel les projets décrits dans les candidatures des soumissionnaires devaient être achevés avant la date of tendering, il y a lieu de relever que cette dernière expression était susceptible d’être interprétée de plusieurs manières. À titre d’illustration, il convient de relever que la requérante l’a interprétée comme étant la date à laquelle les soumissionnaires ont présenté leurs candidatures respectives. Tous les projets décrits dans sa candidature respectaient, dès lors, cette date. En revanche, la Commission indique dans son mémoire en défense que cette expression devait être interprétée comme étant la date de publication de l’avis de marché.

37      Il n’y a pas lieu d’examiner, dans le cadre du présent recours, quelle était l’interprétation qu’il aurait convenu d’adopter pour l’expression « date of tendering » de l’avis de marché. Or, le simple fait que la requérante et la Commission divergent quant à l’interprétation de cette expression démontre que la vérification du deuxième critère de sélection technique de l’avis de marché ne pouvait pas être effectuée sur la base d’une simple comparaison entre les lettres reçues par la requérante et sa candidature.

38      Par ailleurs, il y a lieu de relever que si la Commission estimait que l’expression « date of tendering » devait être interprétée comme correspondant à une date antérieure à celle considérée par la requérante, de sorte que les projets décrits dans la candidature de cette dernière ne pouvaient pas être comptés parmi ceux ayant été achevés dans le délai imparti, elle aurait dû l’indiquer dans les lettres adressées à la requérante et non, pour la première fois, dans ses écritures devant le Tribunal. En l’espèce, il convient de relever que, en raison du manque d’information suffisante communiquée dans le cadre de la procédure administrative, l’interprétation de la Commission de l’expression « date of tendering » n’a été connue par la requérante, pour la première fois, que par le biais du mémoire en défense du présent recours, et la requérante n’a pu remettre en cause cette interprétation qu’au stade de la réplique.

39      S’agissant du troisième critère technique de sélection, à savoir celui portant sur le montant budgétaire minimal alloué à ces projets, force est de constater que prima facie tous les projets, tels que décrits par la requérante, dépassaient le montant de 3 500 000 euros indiqué dans l’avis de marché. Or, si la Commission considérait, ainsi qu’elle le fait valoir dans son mémoire en défense, que certains des projets de la requérante ne remplissaient pas ce critère parce qu’ils étaient, en réalité, la somme de plusieurs projets d’un budget inférieur, elle aurait dû l’indiquer dans les lettres qu’elle a fait parvenir à la requérante et non, pour la première fois, dans le cadre du mémoire en défense. À nouveau, cela n’a permis à la requérante d’avancer des arguments concrets contre l’appréciation de la Commission qu’au stade de la réplique.

40      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la requérante fait valoir que, dans la mesure où la Commission n’a pas développé davantage les raisons pour lesquelles sa candidature ne satisfaisait pas aux critères techniques de sélection prévus dans l’avis de marché, elle n’a pas reçu, d’une manière claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission, ce qui lui aurait permis de connaître les justifications de la décision de ne pas inscrire sa candidature dans la liste restreinte du marché litigieux. Par ailleurs, elle ne pouvait pas non plus agir en justice sans savoir quels étaient ces motifs. Il convient de souligner, à cet égard, que le droit à une bonne administration prévue par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1) entraîne l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions et que cette motivation ne constitue pas seulement, de façon générale, l’expression de la transparence de l’action de l’administration, mais elle doit également permettre au particulier de décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile pour lui de saisir une juridiction. Il existe donc un rapport étroit entre l’obligation de motivation et le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective ainsi que le droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

41      En deuxième lieu, il convient de rappeler que le juge de l’Union n’est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis que si l’institution compétente satisfait à son obligation de motiver de façon suffisante ses décisions (arrêts Technische Universität München, précité, point 14 ; Le Canne/Commission, précité, points 53 et 54, et Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 54).

42      En l’espèce, à la lumière des arguments soulevés par la requérante dans le cadre de son premier moyen, il n’est pas possible d’examiner, sur la base des informations contenues dans les lettres des 14 février et 7 mars 2010, le bien-fondé de la décision attaquée.

43      Il est vrai que, ainsi qu’il a déjà été indiqué, la Commission explique, dans son mémoire en défense, quelle est l’interprétation qu’il convenait d’adopter pour l’expression « date of tendering » ainsi que la manière dont elle a apprécié le lien des projets décrits par la requérante avec les domaines visés par le contrat. Cependant, le contrôle de la légalité doit se faire sur la motivation des informations reçues dans le cadre de la procédure administrative du marché public, et non sur les motifs qui, pour la première fois, sont avancés dans le cadre du recours devant le Tribunal. À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la motivation ne peut être explicitée pour la première fois et a posteriori devant le juge (voir, en ce sens, arrêt VIP Car Solutions/Parlement, précité, point 76).

44      Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation empêchant la requérante de connaître les raisons fondant une telle décision et le Tribunal de contrôler sa légalité.

45      En conséquence, il convient d’accueillir le présent moyen.

46      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire ni d’examiner le moyen de la requérante tiré de l’existence d’erreurs d’interprétation et d’erreurs manifestes d’appréciation, ainsi que de la violation du principe d’égalité de traitement et de transparence ni de se prononcer sur la demande de mesures d’instruction avancée par la requérante.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, dès lors que la décision attaquée est annulée, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 14 février 2010 de ne pas admettre la candidature soumise par la requérante dans le cadre de l’appel d’offres restreint EUROPEAID/129038/C/SER/SYR (JO 2009/S 223‑319862), visant la fourniture de services d’assistance technique en faveur du gouvernement syrien destinés à favoriser le processus de décentralisation et de développement local, est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Sviluppo Globale GEIE.

Dittrich

Prek

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.