Language of document : ECLI:EU:T:2015:612

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 septembre 2015 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché mondial des tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d’ordinateur – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Accords et pratiques concertées en matière de prix, de répartition des marchés, de capacités et de production – Droits de la défense – Preuve de la participation à l’entente – Infraction unique et continue – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Proportionnalité – Amendes – Pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑82/13,

Panasonic Corp., établie à Kadoma (Japon),

MT Picture Display Co. Ltd, établie à Matsuocho (Japon),

représentées par Mes R. Gerrits et A.‑H. Bischke, avocats, M. M. Hoskins, QC, et Mme S. K. Abram, barrister,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan, M. Kellerbauer et Mme G. Koleva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2012) 8839 final de la Commission, du 5 décembre 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.437 – Tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d’ordinateur), en ce qu’elle vise les requérantes, ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, N. J. Forwood et E. Bieliunas, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Requérantes et produit concerné

1        Les requérantes, Panasonic Corp., anciennement, à l’époque des faits Matsushita Electric Industrial Co. Ltd (ci-après « MEI » ou « Panasonic ») et MT Picture Display Co. Ltd, anciennement, à l’époque des faits, Matsushita Toshiba Picture Display Co. Ltd (ci-après « MTPD »), font partie d’un groupe d’entreprises qui produit et commercialise des produits électroniques et électriques. MEI, la société mère du groupe, a changé sa raison sociale en Panasonic le 1er octobre 2008.

2        Jusqu’à l’exercice fiscal 2000, une des filiales à part entière de MEI, Matsushita Electronics Corp. (ci-après « MEC »), établie au Japon, fabriquait et commercialisait des tubes à rayons cathodiques (ci-après les « CRT »). En Avril 2001, MEC a fusionné avec MEI, et, à compter de cette date, cette dernière a directement exercé l’activité concernant les CRT. Le 31 mars 2003, MEI a transféré l’ensemble de ladite activité à MTPD, entreprise commune créée avec Toshiba Corp. Jusqu’au 31 mars 2007, MTPD était détenue à 64,5 % par MEI et à 35,5 % par Toshiba, date à laquelle cette dernière a transféré sa participation à MEI, de sorte que MTPD est devenue une filiale à part entière de MEI et a changé sa raison sociale en MT Picture Display.

3        Les CRT sont des enveloppes en verre sous vide contenant un canon à électrons et un écran fluorescent, généralement équipées d’un dispositif interne ou externe pour accélérer et dévier les électrons. Lorsque des électrons émis par le canon à électrons touchent l’écran fluorescent, de la lumière est produite et crée l’image sur l’écran. À l’époque des faits, il existait deux types de CRT, à savoir les tubes cathodiques couleur pour écrans d’ordinateur (colour display tubes, ci-après les « CDT ») et les tubes cathodiques couleur pour téléviseurs (colour picture tubes, ci-après les « CPT »). Les CDT et les CPT sont des composants individuels qui sont combinés avec un châssis et d’autres composants nécessaires pour produire un écran d’ordinateur ou un téléviseur en couleur. Ils se déclinent en un certain nombre de dimensions différentes (petits, moyens, grands et jumbo), exprimées en pouces .

4        Dès sa création, MTPD a produit et commercialisé des CPT. Les dernières ventes de CPT par MTPD dans l’Espace économique européen (EEE) ont eu lieu au cours de l’exercice fiscal 2006. MTPD n’a jamais fabriqué de CDT, mais en a commercialisé une petite quantité en dehors de l’EEE, dont la totalité consistait en des ventes de stocks de MEI. Les ventes de CPT dans l’EEE ont été essentiellement réalisées par MTPD. En outre, des CPT fabriqués au Japon, aux États-Unis et dans le Sud-Est asiatique ont été commercialisés dans l’EEE. Les entités légales intervenant dans ces ventes étaient : MTPD, MT Picture Display Malaysia, MT Picture Display Thailand, MT Picture Display Indonesia, MT Picture Display America (Ohio) et MT Picture Display America (New York). Toutes ces filiales à part entière de MTPD ont progressivement fermé au cours des années 2006 et 2007, les parts de MTPD Germany ayant quant à elles été vendues à des tiers le 1er juillet 2007, et MTPD ainsi que MEI ont arrêté la production et la commercialisation des CRT.

 Procédure administrative

5        La présente procédure a été ouverte à la suite d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur l’immunité d’amendes »), déposée le 23 mars 2007 par Chunghwa Picture Tubes Co. Ltd.

6        Samsung SDI Co. Ltd, Samsung SDI Germany GmbH, Samsung SDI (Malaysia) Berhad, (ci-après, prises ensemble, « Samsung SDI »), MEI, Koninklijke Philips Electronics NV (ci-après « Philips ») et Thomson SA ont déposé des demandes de clémence, conformément à la communication sur l’immunité d’amendes.

7        Le 23 novembre 2009, la Commission des Communautés européennes a adopté une communication des griefs adressée aux requérantes ainsi qu’à Chunghwa Picture Tubes, Chunghwa Picture Tubes (Malaysia) Sdn. Bhd, CPTF Optronics Co. Ltd (ci-après, prises ensemble, « Chunghwa »), Samsung SDI, Philips, LG Electronics, Inc. (ci-après « LGE »), PT LG Electronics Indonesia Ltd, LG Electronics European Holding BV, Thomson, Toshiba, [confidentiel] (2), [confidentiel] et MTPD et a tenu une audition les 26 et 27 mai 2010 avec l’ensemble des destinataires de cette communication.

8        À la suite de cette audition, les requérantes et Toshiba ont déposé des observations supplémentaires et ont présenté des éléments de preuve concernant la question d’une prétendue influence déterminante exercée par elles sur le comportement de MTPD sur le marché.

9        Par lettre du 4 mars 2011, la Commission a adressé une demande de renseignements, notamment aux requérantes, conformément à l’article 18, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), les invitant à fournir des informations sur leurs ventes et sur leur chiffre d’affaires global. Celles-ci ont déféré à cette demande par lettre du 20 avril suivant.

 Décision attaquée

10      Par décision C (2012) 8839 final, du 5 décembre 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.437 – Tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d’ordinateur) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a constaté que les principaux producteurs à l’échelle mondiale de CRT avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’EEE (ci-après l’« accord EEE ») en participant à deux infractions séparées, constituant chacune une infraction unique et continue. Ces infractions concernaient, d’une part, le marché des CDT (ci-après l’« entente CDT ») et, d’autre part, le marché des CPT (ci-après l’« entente CPT »). Elles se seraient déroulées respectivement entre le 24 octobre 1996 et le 14 mars 2006 et entre le 3 décembre 1997 et le 15 novembre 2006 et se seraient traduites par des accords et des pratiques concertées entre les producteurs de CRT en vue de fixer les prix, de partager les marchés et les clients par l’attribution de volumes de ventes, de clients et de parts de marché, de restreindre la production, d’échanger des informations commerciales sensibles et de contrôler la mise en œuvre des accords collusoires.

11      S’agissant de l’entente CPT, qui est la seule visée par le recours, la Commission a considéré que les participants étaient convenus des prix cibles ou des prix planchers pour différentes dimensions de CPT, qu’ils s’étaient efforcés de maintenir un écart de prix entre des produits identiques commercialisés en Europe et en Asie et qu’ils avaient minutieusement contrôlé les accords de tarification. Ils auraient également conclu des accords définissant quel producteur communiquerait une hausse de prix à quel client. Les producteurs de CPT seraient, par ailleurs, convenus de leurs parts de marché et se seraient mis d’accord sur des restrictions de production coordonnées afin de réduire l’excédent de l’offre et d’augmenter ou de maintenir les prix. En outre, ils auraient échangé des informations commerciales sensibles concernant la production et la capacité prévues, les ventes réalisées et planifiées, les prévisions relatives aux demandes futures, la tarification et la stratégie des prix, les conditions générales de vente, les clients ainsi que les négociations des prix et des volumes avec ces derniers.

12      Aux considérants 123 et 124 de la décision attaquée, il a été relevé que, au terme d’une période initiale pendant laquelle les CPT avaient fait l’objet de discussions au cours des mêmes réunions que celles portant sur les CDT, des réunions multilatérales régulières appelées les « CPT glass meetings » avaient commencé à être organisées formellement dès l’automne 1998, initialement en Asie (ci-après les « réunions verre asiatiques »), entre les entreprises asiatiques constituant le noyau de l’entente, à savoir Chunghwa, Samsung SDI, [confidentiel], [confidentiel] et LGE (ci-après les « cinq entreprises »), sur une base mensuelle ou trimestrielle, réunions auxquelles s’étaient ajoutés des contacts bilatéraux et des échanges d’informations fréquents entre producteurs à l’échelle mondiale. Puis, à compter de 1999, les entreprises asiatiques se seraient employées à élargir le cercle des membres de l’entente afin d’y inclure tous les principaux producteurs asiatiques, de même que les producteurs européens. Elles auraient ainsi été rejointes par [confidentiel], MEI, Philips, Thomson et Toshiba. La participation des entreprises européennes, Philips et Thomson, aurait été prouvée à partir du lancement, au printemps 1999, d’une procédure antidumping en Europe concernant l’importation de CPT asiatiques de 14 pouces. Depuis lors, des éléments de preuve attesteraient également la tenue de réunions multilatérales (ci-après les « réunions verre ») en Europe (ci-après les « réunions verre européennes »). Par ailleurs, dans les années 2002-2003, les réunions verre asiatiques auraient changé de forme et auraient alors été organisées en deux plates-formes, destinées aux producteurs de CPT implantés en Asie, et comprenant, d’une part, des réunions entre Samsung SDI, MTPD et le groupe LG Philips Displays (ci-après le « groupe LPD », en lieu et place de LGE et de Philips, qui lui avaient cédé leur activité dans le domaine des CPT), dites « SML », lesquelles portaient en majeure partie sur les CPT de dimensions moyenne et extralarge, et, d’autre part, des réunions du Sud-Est asiatique, entre Samsung SDI, le groupe LPD, MTPD, Chunghwa et [confidentiel], dites « ASEAN », portant en majeure partie sur les CPT de petite et de moyenne dimensions.

13      La Commission a relevé que, bien que les réunions verre européennes relatives aux CPT aient été organisées et conduites séparément des réunions tenues en Asie, les filiales des mêmes entreprises et, à titre occasionnel, les mêmes collaborateurs avaient participé à des réunions avec des concurrents tant en Europe qu’en Asie. Ainsi, la Commission a considéré que les réunions verre européennes et les réunions verre asiatiques étaient interconnectées, dans la mesure où les mêmes sujets y étaient examinés et où le même type d’informations y étaient échangées, et ce en dépit du fait que les documents s’y rapportant ne décrivaient pas l’existence d’une organisation centrale conjointe. À cet égard, la Commission a indiqué que les réunions verre européennes étaient une extension des réunions verre asiatiques et qu’elles se concentraient plus particulièrement sur les conditions de marché et les prix en Europe, alors que les contacts établis dans le contexte de l’entente CPT en Asie étaient de nature mondiale et portaient donc également sur l’Europe. Par ailleurs, les accords concernant le marché européen auraient été conclus dans le cadre de réunions qui auraient eu lieu tant en Europe qu’en Asie et les prix pratiqués auraient fait l’objet d’un suivi régulier, les prix asiatiques ayant été utilisés comme indicateurs lors de l’examen du niveau des prix européens.

14      Enfin, s’agissant de l’implication des requérantes dans l’entente CPT, premièrement, la Commission a constaté que MEI y avait participé, tant directement que par le biais de ses filiales MEC, Matsushita Electronics Europe GmbH (devenue Matsushita Display Devices Germany GmbH, ci-après « EMEC ») et Matsushita Electronics Corporation Malaysia Sdn. Bhd (devenue Matsushita Display Devices Malaysia, ci-après « MMEC »), en entretenant des contacts bilatéraux avec la plupart des cinq entreprises, et ce dès 1997, étant précisé que le premier contact documenté date du 15 juillet 1999, dans le cadre desquels se tenaient les mêmes types de discussions que lors de certaines réunions verre européennes et réunions verre asiatiques. Deuxièmement, elle a relevé que, à compter du 1er avril 2003, MTPD, sur laquelle MEI et Toshiba auraient exercé une influence déterminante, avait poursuivi de manière ininterrompue la participation de ses sociétés mères à l’entente CPT, tant en échangeant des informations commerciales sensibles les concernant, lors de contacts bilatéraux avec les entreprises participant aux réunions verre européennes, qu’en assistant aux réunions SML et ASEAN, de portée mondiale, tenues en Asie. Par conséquent, d’une part, la Commission a conclu que Panasonic était responsable de l’infraction commise par MEI, tant directement que pour avoir exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de ses filiales pendant la totalité de la durée de leur participation à l’entente CPT. D’autre part, elle l’a tenue conjointement et solidairement responsable avec Toshiba de l’infraction commise par MTPD, à compter de la création de cette dernière.

15      S’agissant du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006»).

16      Tout d’abord, pour déterminer le montant de base de l’amende, la Commission a considéré que, aux fins d’établir la valeur des ventes des biens en relation avec l’infraction, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, il convenait de prendre en compte la moyenne de la valeur annuelle des ventes « réelles » pendant toute la durée de l’entente CPT, composée, d’une part, des ventes liées aux CPT vendus directement aux clients situés dans l’EEE par l’un des destinataires de la décision attaquée (ci-après les « ventes directes EEE ») et, d’autre part, des ventes liées aux CPT intégrés au sein d’un même groupe à un produit final et vendus ensuite par l’un des destinataires de la décision attaquée aux clients situés dans l’EEE (ci-après les « ventes directes EEE par le biais de produits transformés »). D’après les considérants 1021, 1026 et 1029 de ladite décision, la première vente « réelle » de CPT – vendus en tant que tels ou intégrés à des produits finals – correspondait à la vente intervenue dans l’EEE au cours de la période de l’entente CPT et effectuée par l’un des destinataires de la décision attaquée à un client externe. En revanche, la Commission n’a pas pris en compte les « ventes indirectes », correspondant à la valeur des CPT vendus par l’un des destinataires de la décision attaquée à des clients situés hors de l’EEE, qui les auraient ensuite intégrés à des produits finals qu’ils auraient vendus dans l’EEE.

17      La Commission a, par ailleurs, relevé que Panasonic et Toshiba avaient participé à l’entente CPT avant la création de MTPD et qu’elles avaient continué à y participer après la création de cette dernière, et ce par son intermédiaire. Elle a ainsi considéré que, même s’il n’y avait pas eu d’interruption dans la participation des requérantes à l’entente CPT, il convenait de distinguer deux périodes pour calculer le montant des amendes infligées à celles-ci, à savoir, d’une part, la période antérieure à la création de MTPD, au titre de laquelle Panasonic et Toshiba seraient tenues individuellement responsables en raison de leur participation directe à l’entente CPT et, d’autre part, la période postérieure à la création de MTPD, au titre de laquelle Panasonic et Toshiba seraient tenues conjointement et solidairement responsables avec MTPD. En ce qui concerne la période antérieure à la création de MTPD, la Commission a pris en compte la valeur moyenne des ventes « réelles » individuelles des sociétés mères, alors que pour la période postérieure à sa création, elle a pris en compte la valeur des ventes de MTPD, afin de refléter le pouvoir économique de ladite entreprise. Ces dernières ventes comprenaient tant les ventes directes EEE réalisées par MTPD que les ventes directes EEE par le biais de produits transformés entre MTPD, d’une part, et Panasonic et Toshiba, d’autre part.

18      Quant à la valeur des ventes utilisée pour calculer le montant additionnel compris dans le montant de base, imputé par la Commission à chacune des sociétés mères de MTPD, il a été établi en tenant compte non seulement de la moyenne de la valeur annuelle des ventes individuelles de CPT réalisées par chaque société mère avant la création de MTPD, mais aussi d’une fraction des ventes de CPT réalisées par cette dernière, correspondant à la participation actionnariale détenue par chaque société mère dans son capital.

19      À cet égard, la Commission a estimé que, eu égard à la gravité de l’infraction, la proportion de la valeur des ventes devant être prise en considération aux fins de la détermination du montant de base correspondait, pour l’ensemble des entreprises concernées, à 18 %, s’agissant de l’entente CPT, et à 19 %, s’agissant de l’entente CDT, multipliée par la durée de leur participation respective à l’infraction, sur une base proportionnelle et arrondie au mois inférieur. Par ailleurs, indépendamment de la durée de participation des entreprises à l’entente CPT et afin de les dissuader d’adhérer à des accords horizontaux de fixation de prix et de partage de marchés, la Commission a inclus, dans le montant de base des amendes à infliger à Panasonic et à Toshiba, le montant additionnel résultant du pourcentage de 18 appliqué à la valeur des ventes pertinentes pour l’entente CPT.

20      En outre, la Commission a considéré qu’il n’existait pas de circonstances aggravantes ni de circonstances atténuantes justifiant l’ajustement du montant de base. De surcroît, la Commission a constaté qu’il n’existait aucune circonstance exceptionnelle susceptible de justifier l’octroi d’une réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes en raison d’une coopération effective de leur part fournie en dehors du cadre de la communication sur l’immunité d’amendes.

21      Enfin, eu égard au fait que le chiffre d’affaires des requérantes a été considéré comme particulièrement important, au-delà des biens auxquels se rapportait l’infraction, la Commission a appliqué un multiplicateur de dissuasion de 20 % aux montants des amendes à infliger à celles-ci.

22      Les articles 1er et 2 du dispositif de la décision attaquée se lisent comme suit :

« Article [premier]

[…]

2.       Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 […] TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, durant les périodes indiquées, à un complexe unique et continu d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des [CPT] :

[…]

c)      Panasonic [...] du 15 juillet 1999 au 12 juin 2006 ;

d)      Toshiba [...] du 16 mai 2000 au 12 juin 2006 ;

e)      [MTPD] du 1er avril 2003 au 12 juin 2006 ;

[…]

Article 2

[…]

2.       En ce qui concerne l’infraction visée à l’article 1[er, paragraphe 2], les amendes suivantes sont infligées :

[…]

f)      Panasonic […] : 157 478 000 [euros]

g)      Toshiba […] : 28 048 000 [euros]

h)      Panasonic […], Toshiba […] et [MTPD], conjointement et solidairement responsables : 86 738 000 EUR

i)      Panasonic […] et [MTPD], conjointement et solidairement responsables : 7 885 000 [euros]

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent été attribuée.

25      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2014, les requérantes ont présenté des observations sur la duplique. La Commission a présenté ses observations sur ce document par lettre du 28 février suivant. Ces deux pièces ont été versées au dossier par décision du président de chambre du 7 mars 2014.

26      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, de poser certaines questions aux parties. Il a été déféré à cette demande dans le délai imparti.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 11 novembre 2014. Lors de celle-ci, il a été décidé d’inviter les parties à déposer leurs observations éventuelles sur l’arrêt de la Cour du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, Rec), dans un délai de dix jours à compter de la date de prononcé de ce dernier, délai qui a été prorogé au 28 novembre 2014 à l’égard de la Commission, à la demande de celle-ci.

28      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 28 novembre 2014, la Commission a déféré à cette demande. Les requérantes n’ont pas déposé d’observations.

29      Par décision prise le 28 novembre 2014, il a été décidé de ne pas verser au dossier de l’affaire un document déposé par la Commission, relatif au procès-verbal de l’audience.

30      La phase orale de la procédure a été clôturée le 5 décembre 2014.

31      Par une ordonnance du 26 mai 2015, le Tribunal a décidé la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 62 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

32      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a invité les parties à déposer leurs observations éventuelles sur les conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire InnoLux/Commission (C‑231/14 P, Rec). Il a été déféré à cette demande dans le délai imparti. Les parties ont ensuite présenté leurs observations sur les réponses fournies dans le cadre de ladite mesure d’organisation de la procédure et, en particulier, sur le calcul et le montant des amendes.

33      La phase orale de la procédure a été clôturée le 10 juillet 2015.

34      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle conclut que MEI ou MTPD ont violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE ;

–        annuler ou réduire de manière appropriée les amendes infligées à Panasonic ou à MTPD ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

36      Par leur premier chef de conclusions, les requérantes visent à obtenir l’annulation de la décision attaquée pour autant qu’elle les concerne et, par leur deuxième chef de conclusions, elles visent la suppression ou la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées par ladite décision.

 Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

37      À l’appui de leur premier chef de conclusions, les requérantes soulèvent trois moyens.

38      Le premier moyen est tiré de la violation des droits de la défense et du droit d’être entendu.

39      Le deuxième moyen est tiré de ce que la Commission n’aurait pas prouvé que MEI avait ou aurait dû avoir connaissance de l’existence ou du contenu de l’entente CPT s’agissant de la période antérieure à la création de MTPD.

40      Le troisième moyen est tiré de ce que la Commission n’aurait pas établi que les requérantes avaient ou auraient dû avoir connaissance de l’existence ou du contenu de l’entente CPT s’agissant de la période postérieure à la création de MTPD et qu’elles ont participé à une infraction unique et continue.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit d’être entendu

41      Les requérantes observent, à titre liminaire, que leur implication dans l’entente doit être divisée en deux périodes, à savoir la période antérieure au 10 février 2003 et la période postérieure à cette date, qui correspond à la date de la première réunion multilatérale de l’entente CPT, à laquelle, d’après la décision attaquée, une entité dénommée « Matsushita-Toshiba » aurait participé avant la création de MTPD.

42      En ce qui concerne la période antérieure au 10 février 2003, les requérantes font valoir que la conclusion de la décision attaquée selon laquelle MEI aurait participé à l’entente CPT globale repose uniquement sur des contacts bilatéraux sporadiques, que cette dernière a eus avec ses concurrents. Elles affirment par ailleurs que, au regard de la jurisprudence, l’existence de contacts bilatéraux ne suffit pas à établir une telle participation, mais que, pour ce faire, la Commission aurait dû prouver que MEI savait ou aurait dû savoir que lesdits contacts s’inscrivaient dans un plan global recouvrant tous les éléments de l’entente CPT. À cet égard, elles estiment que la communication des griefs n’a ni identifié ni établi les faits spécifiques, contenus dans les éléments de preuve invoqués par la Commission, censés établir que MEI avait connaissance de ladite entente.

43      En effet, selon les requérantes, la communication des griefs décrivait simplement des discussions bilatérales impliquant MEI sans pour autant contenir d’allégation de fond quant à sa connaissance de l’existence ou du contenu de l’entente CPT ou quant à son choix qualifié de « stratégique » d’y participer par le biais de contacts collusoires bilatéraux. Les requérantes soutiennent, par conséquent, que, en examinant ces questions pour la première fois dans la décision attaquée et en prenant appui sur des preuves non invoquées dans la communication des griefs, la Commission aurait enfreint leurs droits de la défense, puisqu’elles n’auraient pas eu l’opportunité de faire connaître utilement leur point de vue. Ainsi, la décision attaquée devrait être annulée en ce qu’elle constate une infraction pour cette période.

44      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

45      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, ainsi que le fait valoir la Commission, la distinction établie par les requérantes entre la période antérieure au 10 février 2003 et la période postérieure à cette date est artificielle et s’écarte de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 918 à 922 de ladite décision, cette dernière distingue deux périodes s’agissant de la participation des requérantes à l’entente, aux fins de l’imputation de la responsabilité aux entités juridiques pertinentes du groupe, à savoir, d’une part, la période antérieure à la création de MTPD, lors de laquelle MEI aurait participé à l’entente tant directement que par le biais de ses filiales et, d’autre part, la période postérieure à la création de MTPD, lors de laquelle cette dernière aurait poursuivi de manière ininterrompue la participation de MEI à l’entente.

46      S’agissant de la date du 10 février 2003, le considérant 387 de la décision attaquée la décrit comme correspondant à la date de la première réunion multilatérale en 2003, pour laquelle des preuves documentaires existent, ayant donné lieu à un échange de données et à des discussions sur la rentabilité, les ventes, les prix, les clients, la production, les parts de marché et la demande mondiale entre Samsung SDI, le groupe LPD et « Matsushita-Toshiba ». Force est de relever, d’une part, que, ainsi que l’affirment les requérantes, l’entité MTPD n’avait pas encore été créée à cette date et, d’autre part, que la décision attaquée fait référence à une entité dénommée « Matsushita-Toshiba ».

47      Dans ces circonstances, sans préjudice de la pertinence éventuelle de la réunion du 10 février 2003 dans le contexte de l’appréciation globale des éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la Commission pour démontrer que MEI ou MTPD avaient participé aux pratiques concertées relatives à l’entente CPT, la date de cette réunion ne saurait servir de ligne de démarcation aux fins de la détermination de l’implication des requérantes dans l’entente en question. À cet égard, en effet, la décision attaquée retient le 31 mars 2003 comme correspondant à la date de transfert des activités CRT de MEI et de ses filiales respectives à MTPD et opère ainsi une distinction entre la participation des requérantes à l’entente CPT avant et après cette date.

48      S’agissant de la violation alléguée par les requérantes dans le cadre du présent moyen, il y a lieu de rappeler ensuite que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union européenne, qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure à caractère administratif (arrêts de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 94, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 270). À cet égard, le règlement n° 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Une telle communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union, qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir au prononcé d’une sanction. Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir arrêt du Tribunal du 2 février 2012, Dow Chemical/Commission, T‑77/08, non publié au Recueil, point 110, et la jurisprudence citée).

49      Toutefois, cette indication peut être donnée de manière sommaire et la décision finale ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 14), car cette communication constitue un document préparatoire, dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 70).

50      La Commission doit, en effet, être en mesure de tenir compte, dans sa décision, des réponses des entreprises concernées à la communication des griefs. À cet égard, elle doit pouvoir non seulement accepter ou rejeter les arguments des entreprises concernées, mais aussi procéder à sa propre analyse des faits avancés par celles-ci, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu’en droit, son argumentation à l’appui des griefs qu’elle maintient. Aussi, ce n’est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu’une violation des droits de la défense devra être constatée (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 94 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T‑39/92 et T‑40/92, Rec. p. II‑49, points 49 à 52).

51      Tel n’est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision finale ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises concernées s’étaient déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 103).

52      Il convient donc d’examiner, au regard de ces principes, d’une part, si, ainsi que l’affirment les requérantes, la Commission a considéré, pour la première fois dans la décision attaquée, en prenant appui sur des preuves non invoquées dans la communication des griefs, que celles-ci avaient ou auraient dû avoir connaissance de l’existence ou du contenu de l’entente CPT et qu’elles ont effectué le choix dit « stratégique » d’y participer par le biais de contacts bilatéraux. Dans une telle hypothèse, il conviendrait d’examiner si une telle conclusion suffit à constater une violation des droits de la défense.

53      En l’espèce, premièrement, il importe de relever que contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission ne s’est pas bornée, dans la communication des griefs, à décrire les contacts bilatéraux auxquels elles avaient participé, mais les a examinés et en a déduit que MEI avait participé à une infraction unique et continue, en échangeant des informations commerciales sensibles avec deux des principaux participants aux réunions verre tant européennes qu’asiatiques, à savoir Chunghwa et Samsung SDI, afin de conclure des arrangements anticoncurrentiels et de les contrôler. En particulier, aux points 215, 216 et 239 de la communication des griefs, il a été constaté que, à compter du 15 juillet 1999, MEI avait été impliquée dans l’entente CPT. À cet égard, plusieurs comptes rendus de réunions verre asiatiques tenues en 1999 démontreraient la manière dont le noyau du groupe aurait tenté d’influencer d’autres sociétés, dont MEI, et de les inciter à se joindre à la hausse de prix convenue préalablement, lors de la réunion multilatérale du 15 avril 1999 en Corée, entre Chunghwa, Samsung SDI, LGE et [confidentiel]. Le point 240 de ladite communication indique que MEI s’est réunie avec Samsung SDI les 6 septembre et 2 novembre 1999 pour discuter des prix et de la production planifiés pour l’année 2000 et que, le 7 septembre 1999, Chunghwa a informé MEI de l’évolution de la hausse des prix convenue lors de la réunion multilatérale du 15 avril 1999, à la suite de quoi MEI aurait répondu qu’elle augmenterait ses prix pour les CPT de 20 pouces au mois d’octobre suivant. Elle aurait, en outre, confirmé cette position lors d’une réunion bilatérale ultérieure, le 14 septembre 1999.

54      Par ailleurs, aux points 262 à 269 de la communication des griefs, il est indiqué que, après le 14 septembre 1999, MEI, puis, à compter du 1er avril 2003, MTPD auraient régulièrement échangé des informations par le biais de réunions ou d’autres contacts établis avec Thomson, Philips, Samsung SDI, Toshiba, le groupe LPD, Chunghwa et [confidentiel] concernant les ventes mondiales et les capacités de production ou les tendances du marché. À cet égard, la note en bas de page n° 746 de ladite communication contient des précisions sur la teneur des échanges menés entre concurrents lors de chaque réunion et des références aux déclarations orales des participants.

55      Au demeurant, au même point 269 de la communication des griefs, il est précisé que MEI elle-même aurait soumis des documents à la Commission permettant de conclure que des données avaient été échangées entre concurrents et qu’elles avaient été utilisées par elle pour suivre la stratégie de ces derniers et adapter son comportement sur le marché.

56      De surcroît, au point 297 de la communication des griefs, il est indiqué que MEI était impliquée dans la hausse coordonnée des prix en 2000, par le biais de contacts bilatéraux établis avec Chunghwa le 21 juin 2000.

57      Deuxièmement, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, il est indiqué, en substance, que l’objet des contacts bilatéraux mentionnés était anticoncurrentiel, que les pratiques d’échanges d’informations décelées faisaient partie intégrante de l’entente CPT, que les données échangées avaient une portée mondiale et que des références explicites étaient faites à l’Europe. Ainsi, au considérant 499 de la décision attaquée, la Commission a conclu que, sur la base de ces éléments, qui corroboraient les déclarations orales faites par les demandeurs de clémence, il était établi que, contrairement à leur argumentation en réponse à la communication des griefs, bien qu’elles y aient participé principalement par le biais de contacts bilatéraux, les requérantes avaient connaissance du comportement infractionnel dans sa totalité, lequel englobait également tant les réunions verre asiatiques que les réunions verre européennes. De même, au considérant 505 de la décision attaquée, afin de répondre à l’argument de MEI sur sa connaissance des accords généraux de l’entente CPT, la Commission a indiqué que les contacts anticoncurrentiels de cette entreprise avec des concurrents auxquels il est fait référence dans la communication des griefs confirmeraient qu’elle devait être consciente du contexte plus large des accords de l’entente CPT, ainsi que le démontreraient les exemples cités aux considérants 506 et 507 de ladite décision, desquels il ressortirait que les contacts bilatéraux reflétaient les réunions verre et que des références explicites à ces dernières y étaient faites.

58      Force est de constater que les éléments de preuve essentiels sur lesquels s’est appuyée la Commission dans la communication des griefs sont repris dans la décision attaquée (considérants 249, 315 à 319 et 506 à 508). Si cette dernière contient des explications supplémentaires sur la portée de ces éléments, notamment quant au fait qu’ils établissent la connaissance de l’existence de l’entente CPT par les requérantes, elle ne le fait que dans le but de réfuter leur argumentation invoquée en réponse à la communication des griefs. Ainsi que le souligne la Commission, les requérantes ont manifestement compris la portée de la communication des griefs, comme cela ressort de leur réponse du 22 février 2010 à ladite communication, dans laquelle elles se défendent spécifiquement contre l’allégation selon laquelle elles avaient eu ou auraient dû avoir connaissance de l’entente globale. En effet, eu égard au fait que, dans la communication des griefs, la Commission a constaté que les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue, elle a implicitement, mais nécessairement, considéré qu’elles en avaient connaissance.

59      Il ressort ainsi de la décision attaquée que la constatation selon laquelle les requérantes avaient connaissance de l’existence de l’entente ne reposait pas sur de nouveaux éléments de preuve. Par ailleurs, cette circonstance a été retenue par la Commission afin de compléter le raisonnement développé dans la décision attaquée, en réponse à l’argument avancé par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs, selon lequel elles n’avaient pas connaissance des activités collusoires des principaux participants à l’infraction. Il s’ensuit que la Commission n’a pas opposé aux requérantes, dans la décision attaquée, d’éléments dont elles n’auraient pas été informées et qu’elles ont pu faire valoir utilement leurs arguments à cet égard dans le cadre de la procédure administrative.

60      Partant, la décision attaquée satisfait aux exigences requises par la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, dans la mesure où les éléments de preuve essentiels sur lesquels s’est appuyée la Commission pour conclure que les requérantes avaient connaissance de l’existence de l’entente CPT, à savoir les déclarations orales effectuées par les entreprises ayant demandé la clémence et les preuves documentaires de contacts bilatéraux, étaient contenus dans la communication des griefs.

61      Troisièmement, il y a lieu d’observer que la constatation de la Commission selon laquelle les requérantes avaient choisi de participer à l’entente CPT par le biais de contacts bilatéraux et auraient résolument opté pour cette stratégie, laquelle aurait été formulée pour la première fois au considérant 498 de la décision attaquée, vise à réfuter l’argumentation avancée par elles dans leur réponse à la communication des griefs tendant à démontrer que MEI n’avait pas participé à l’entente. Au demeurant, cette constatation constitue une simple déduction des éléments de preuve dont la Commission disposait dans le dossier, ainsi qu’il ressort du considérant 1088 de la décision attaquée, et son bien-fondé sera examiné dans le cadre du deuxième moyen. En tout état de cause, les requérantes n’expliquent pas en quoi cette prétendue omission viole leurs droits de la défense, de sorte que leurs arguments sur ce point sont inopérants.

62      Il s’ensuit que, sans préjudice du bien-fondé de la qualification de l’infraction et de la participation des requérantes à celle-ci, dont l’examen suppose de vérifier si la Commission a effectivement établi que les requérantes avaient connaissance de l’existence de l’entente, et qui fera l’objet d’un examen dans le cadre des deuxième et troisième moyens du recours, il y a lieu de constater que, dans la communication des griefs, la Commission a identifié les faits établissant la participation de MEI à l’infraction alléguée et a pris position sur les éléments constitutifs de cette dernière, en constatant que les pratiques collusoires dans lesquelles MEI était impliquée faisaient partie d’une infraction unique et continue.

63      Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que la violation alléguée des droits de la défense et du droit d’être entendu n’est pas établie. Partant, le premier moyen doit être rejeté.

64      Il convient d’examiner les deuxième et troisième moyens ensemble.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de ce que la Commission n’aurait pas prouvé que les requérantes avaient connaissance de l’existence ou du contenu de l’entente et qu’elles ont participé à une infraction unique et continue

65      Dans le cadre du deuxième moyen, qui porte sur la période antérieure à la création de MTPD, les requérantes prétendent que les preuves sur lesquelles s’appuie la décision attaquée, à savoir les déclarations orales des entreprises ayant demandé la clémence, les preuves documentaires des contacts bilatéraux et des réunions de l’European Electronic Component Manufacturers Association (association européenne des fabricants de composants électroniques, ci-après l’« EECA ») ainsi que la liste des contacts entre concurrents, qui figure à l’annexe 2.2 de la décision attaquée, n’étayent pas les conclusions selon lesquelles MEI connaissait ou aurait dû connaître l’existence ou le contenu de l’entente CPT et avait effectué le choix stratégique de participer à cette entente par le biais de contacts bilatéraux. Elles estiment que ces preuves sont, en tout état de cause, erronées.

66      Dans le cadre du troisième moyen, qui porte sur la période postérieure à la création de MTPD, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré que MTPD avait participé à une infraction unique et continue concernant le marché européen, ni qu’elle connaissait ou aurait dû connaître l’existence d’une entente CPT en Europe. À cet égard, elles soutiennent que les arguments de la Commission reposent principalement sur la participation de MTPD à des réunions multilatérales en Asie, à savoir les réunions SML et ASEAN, qui se concentraient sur les ventes asiatiques. Or, les requérantes estiment que la Commission n’a pas démontré que ces réunions, qui avaient un objet régional, faisaient partie d’une infraction unique et continue englobant les réunions verre européennes, ni que MTPD, en tant que participante auxdites réunions, cherchait à servir les objectifs spécifiques des accords de l’entente CPT, énoncés, lors d’une réunion verre européenne, dans les « règles d’or », lesquelles ne s’appliquaient pas aux réunions SML et ASEAN. Enfin, elles considèrent que la Commission n’a pas établi le lien de complémentarité nécessaire entre les arrangements asiatiques et les arrangements européens à compter de l’organisation des réunions SML et ASEAN, lui permettant de constater qu’ils étaient coordonnés et s’inscrivaient dans un plan global, poursuivant un objectif unique.

67      La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

68      Il ressort des écritures des parties que celles-ci s’opposent sur la valeur probante des preuves retenues dans la décision attaquée pour considérer que les requérantes avaient participé à l’entente CPT.

69      Il convient de rappeler que, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte, en particulier, de l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes (voir arrêt du Tribunal du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T‑68/09, Rec, point 57, et la jurisprudence citée).

70      Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la Commission doit apporter des éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction à l’article 101 TFUE (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 86) et, d’autre part, que l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une telle infraction (voir arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Kaimer e.a./Commission, T‑379/06, non publié au Recueil, point 47, et la jurisprudence citée). Dans ce cadre, il incombe notamment à la Commission d’établir tous les éléments permettant de conclure à la participation d’une entreprise à une telle infraction et à sa responsabilité pour les différents éléments qu’elle comporte (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 86). Il s’ensuit que la participation d’une entreprise à une entente ne saurait être inférée d’une spéculation opérée sur le fondement d’éléments imprécis (voir arrêt Soliver/Commission, point 69 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

71      Il y a ainsi lieu de vérifier si les éléments de preuve retenus par la Commission dans la décision attaquée sont suffisamment crédibles, précis et concordants pour fonder la ferme conviction que les requérantes ont participé à l’entente CPT. À cette fin, il convient de distinguer la période antérieure à la création de MTPD et la période postérieure à celle-ci.

–       Sur la période antérieure à la création de MTPD

72      À titre liminaire, il convient de relever qu’il est constant entre les parties que MEI n’a pas participé aux réunions verre européennes, mais qu’elle a noué des contacts bilatéraux, principalement avec trois participants aux réunions verre, tant européennes qu’asiatiques, à savoir Chunghwa et Samsung SDI, dès 1997, et Philips, à compter de 1999.

73      À cet égard, si les requérantes ne contestent pas que ces contacts aient effectivement eu lieu et qu’ils aient comporté des échanges d’informations commerciales sensibles, elles affirment néanmoins que, compte tenu de leur caractère sporadique et irrégulier et du fait qu’ils n’étaient prétendument pas liés à l’entente CPT, lesdits contacts ne permettent pas de conclure que MEI avait connaissance de l’existence ou du contenu de ladite entente. Elles soutiennent, en particulier, qu’aucun des contacts bilatéraux ne faisait allusion à la réunion des cinq entreprises du 15 avril 1999, que MEI ne vendait pas de CPT de 14 et de 20 pouces en Europe avant l’exercice fiscal de 2003 et que, par conséquent, lesdits contacts ne se rapportaient pas à l’EEE.

74      Premièrement, il convient de rappeler que, s’agissant des conditions dans lesquelles un échange d’informations entre concurrents peut être considéré comme contraire aux règles de la concurrence, les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception, inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (voir arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 32, et la jurisprudence citée).

75      Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur ce marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir arrêt T‑Mobile Netherlands e.a., point 74 supra, point 33, et la jurisprudence citée).

76      Il s’ensuit que l’échange d’informations entre concurrents est susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir arrêt T‑Mobile e.a., point 74 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

77      Partant, les requérantes ne sauraient contester le fait que nouer des contacts bilatéraux comportant des échanges d’informations commerciales sensibles avec des entreprises concurrentes sur le même marché restreint le jeu normal de la concurrence et peut aboutir à la constatation d’une infraction. Ainsi, leur affirmation récurrente selon laquelle lesdits contacts étaient purement bilatéraux ou impliquaient simplement un échange d’informations est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

78      Deuxièmement, il y a lieu d’observer, s’agissant de l’existence d’un lien entre les contacts bilatéraux et l’entente CPT globale, que les requérantes examinent de manière fragmentaire chaque élément de preuve fondant l’appréciation de la Commission, dans la décision attaquée, relativement à leur participation à l’infraction, afin de démontrer que leur connaissance de l’entente CPT n’a prétendument pas été établie. Or, même s’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission doit faire état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir arrêts du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, points 43 et 72, et la jurisprudence citée, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 217, et la jurisprudence citée), chacune des preuves apportées par elle ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit, en effet, que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et Groupe Danone/Commission, précité, point 218 ; voir également, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 51 supra, points 768 à 778 et, en particulier, point 777).

79      Par ailleurs, il importe de relever qu’il est usuel que les activités que des pratiques et accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices, qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 51).

80      Ensuite, il y a lieu de relever que les accords et les pratiques concertées visés à l’article 101, paragraphe 1, TFUE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l’infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées. Par conséquent, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l’infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l’ensemble de l’infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 70 supra, points 79 et 80, et arrêt du Tribunal du 6 mars 2012, UPM-Kymmene/Commission, T‑53/06, non publié au Recueil, point 53).

81      Ainsi, une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 74 supra, point 83, et UPM-Kymmene/Commission, point 80 supra, point 52).

82      Cependant, l’existence d’une infraction unique et continue ne signifie pas nécessairement qu’une entreprise participant à l’une ou à l’autre de ces manifestations puisse être tenue pour responsable de l’ensemble de cette infraction. Encore faut-il que la Commission démontre que cette entreprise connaissait les activités anticoncurrentielles à l’échelle européenne des autres entreprises ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir. La seule identité d’objet entre un accord auquel a participé une entreprise et une entente globale ne suffit pas pour imputer à cette entreprise la participation à l’entente globale. En effet, il y a lieu de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’applique pas, à moins qu’il y ait une concordance de volontés entre les parties concernées (voir arrêt Soliver/Commission, point 69 supra, point 62, et la jurisprudence citée).

83      Dès lors, ce n’est que si l’entreprise, lorsqu’elle participe à un accord, a su ou aurait dû savoir que, ce faisant, elle s’intégrait dans une entente globale que sa participation à l’accord concerné peut constituer l’expression de son adhésion à cette même entente (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T‑28/99, Rec. p. II‑1845, point 45 ; du 16 novembre 2011, Low & Bonar et Bonar Technical Fabrics/Commission, T‑59/06, non publié au Recueil, point 61, et du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T‑208/06, Rec. p. II‑7953, point 144). Autrement dit, il doit être établi que ladite entreprise entendait contribuer, par son propre comportement, aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt Soliver/Commission, point 69 supra, point 63, et la jurisprudence citée).

84      L’entreprise concernée doit ainsi connaître la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale (voir arrêt Soliver/Commission, point 69 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

85      En l’espèce, force est de relever, tout d’abord, qu’il ressort des comptes rendus des réunions bilatérales auxquelles a participé MEI pendant cette période que leur objet était anticoncurrentiel et qu’il recoupait celui des réunions verre asiatiques et des réunions verre européennes. En effet, à l’instar de ces dernières, les contacts bilatéraux impliquaient des échanges d’informations en matière de prix, de ventes, de stratégies commerciales, de capacités et de plans prévisionnels de production de CPT entre leurs principaux producteurs, ce que les requérantes ne contestent pas, au demeurant.

86      Par ailleurs, il importe de constater, d’une part, que les filiales à part entière directes et indirectes de MEI, à savoir MEC, EMEC et MMEC, ont eu des contacts bilatéraux de même nature avec la plupart des entreprises qui ont participé aux réunions verre asiatiques ou aux réunions verre européennes, notamment Chunghwa, Samsung SDI, Philips et Thomson. D’autre part, lesdits contacts ont eu lieu pendant la même période que celle durant laquelle se sont déroulées lesdites réunions verre avec les mêmes participants.

87      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des considérants 258 à 274 et 277 à 302 de la décision attaquée que, durant la période initiale de l’entente, qui s’est étendue de 1997 à 1999, les cinq entreprises et, dans une moindre mesure, [confidentiel], face à l’excédent d’offre de CPT de 14 pouces et au risque de produire à perte, se sont entendues sur un prix plancher pour les CPT de 14, 20 et 21 pouces, sur leurs parts de marché ainsi que sur la restriction de la production au niveau mondial.

88      En particulier, selon le considérant 277 de la décision attaquée, le 15 avril 1999, Chunghwa, Samsung SDI, LGE et [confidentiel] se sont rencontrées en Corée, ont réexaminé la situation de l’offre et de la demande au niveau mondial et ont considéré que la pénurie mondiale de production de CPT de petite et moyenne dimensions, escomptée lors du troisième trimestre, constituait une opportunité pour augmenter leurs prix. Les participants ont ainsi arrêté un nouvel accord sur les prix des CPT de 14, 20 et 21 pouces pour le troisième trimestre de 1999 et sont convenus des modalités pour communiquer la hausse des prix à chacun de leurs « clients spéciaux ».

89      En 2000, les principaux participants à l’entente, rejoints par Philips et Thomson, ont continué à se rencontrer régulièrement pour conclure des accords tant en Asie qu’en Europe. Ainsi, entre le 18 janvier et le 17 novembre 2000, ils se sont réunis à plusieurs reprises pour comparer les prix des CPT de 14, 20 et 21 pouces sur les marchés asiatique et européen, et sont convenus des principes et des modalités afin d’augmenter les prix et de contrôler la mise en œuvre de cette augmentation à l’échelle mondiale et, en particulier, en Europe (considérants 327 à 357 de la décision attaquée).

90      Pendant cette même période, MEI ou ses filiales ont eu des contacts bilatéraux, les 15 juillet et 6 septembre 1999 avec Samsung SDI, les 7 et 14 septembre 1999 avec Chunghwa, le 2 novembre 1999 avec Samsung SDI, le 19 mai 2000 avec Philips, le 21 juin 2000 avec Chunghwa, les 28 juin, 2 octobre et 12 décembre 2000 avec Samsung SDI, ainsi que les 1er avril et 21 juin 2000 avec Thomson.

91      Les requérantes affirment que, même si MEI savait que certaines formes de réunions multilatérales avaient lieu, aucune preuve ne démontrerait qu’elle connaissait les sujets discutés, ni que ces réunions concernaient l’Europe. À cet égard, elles relèvent, d’une part, que le compte rendu de la réunion du 2 novembre 1999 entre Samsung SDI et MEI indique que le seul prix discuté à cette occasion concernait celui des CPT de 15 pouces, qui étaient donc d’une taille différente de ceux abordés lors de la réunion verre asiatique du 15 avril 1999, et, d’autre part, que ni MEI ni MMEC n’auraient jamais vendu de CPT de 15 pouces en Europe.

92      Or, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, les réunions bilatérales auxquelles elles ont participé n’avaient pas une portée différente des réunions verre asiatiques et des réunions verre européennes, mais reflétaient les discussions menées lors de celles-ci. En effet, il résulte de l’examen des comptes rendus des réunions bilatérales que, d’une part, leur portée territoriale dépassait le cadre asiatique, puisqu’elles impliquaient des discussions à l’échelle mondiale, lesquelles comportaient plusieurs références au marché européen. D’autre part, les types de CPT généralement discutés lors de ces réunions ne se limitaient pas à une seule dimension ou à des dimensions différentes de celles visées par les réunions verre. Enfin, si certaines de ces réunions bilatérales impliquaient non pas MEI, mais ses filiales, à savoir MMEC ou EMEC, force est de constater qu’il s’agissait de filiales à part entière contrôlées par elle, ce que les requérantes ne contestent pas, au demeurant.

93      En particulier, le compte rendu de la réunion bilatérale entre MEI, représentée par EMEC, et Samsung SDI, représentée par SEB, du 15 juillet 1999 (considérant 282 de la décision attaquée), fait état d’échanges de données sur les prix en vigueur des CPT de 28 pouces, lesquelles concernaient le marché européen. De surcroît, des discussions ont été menées sur « une collaboration, plutôt qu’une concurrence », entre SEB et EMEC, dans le cadre du lancement de CPT de cette dimension, afin de faire face aux stratégies agressives de Philips et de Thomson. Selon les requérantes, la collaboration entre ces entreprises n’était pas anticoncurrentielle, mais plutôt d’ordre technique, dès lors qu’elle portait sur « la normalisation de la dimension mécanique des [CRT/CPT] », ce que confirmerait la déclaration orale de Samsung SDI du 15 février 2008. Or, ainsi que l’a constaté la Commission dans la décision attaquée, il n’en demeure pas moins que, conformément à ladite déclaration et ainsi qu’il ressort du compte rendu de cette réunion, un échange de données entre concurrents a tout de même eu lieu sur l’avenir du marché européen. D’ailleurs, dans le contexte de cette collaboration, le compte rendu de cette réunion mentionne que la production de SEB et les ventes de MEI, s’agissant des CPT de 21 pouces, se sont stabilisées, ce que les requérantes ne contestent pas.

94      De même, ainsi que l’a constaté la Commission, au considérant 283 de la décision attaquée, le compte rendu de la réunion du 6 septembre 1999 entre Samsung SDI et MMEC démontre que, contrairement aux arguments des requérantes, des informations commerciales sensibles ont été échangées entre concurrents pour l’année 2000 concernant leurs plans de production mondiaux et les prix, s’agissant de plusieurs dimensions de CPT, y compris celle des CPT de 20 pouces. À cet égard, les données relatives aux prévisions de production de CPT de 20, de 21 et de 25 pouces concernaient également l’usine de Samsung SDI, située en Allemagne. Par ailleurs, les participants à cette réunion se sont interrogés sur le lancement, aux environs du mois d’août de l’année 2000, de CPT de 28 pouces en Europe. La circonstance que les prix pour cette dernière dimension de CPT n’ont pas été mentionnés est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que ceux des CPT d’autres dimensions, à savoir de 15, de 21, de 25 et de 29 pouces, l’ont été. Concernant les CPT de 21 pouces, une mention selon laquelle le prix était identique ou inférieur à celui pratiqué par MMEC apparaît à la dernière page du compte rendu de ladite réunion. Enfin, ainsi qu’il a été relevé au considérant 507 de la décision attaquée, Samsung SDI a informé MMEC non seulement de ses propres plans prévisionnels de production, mais aussi de ceux d’autres concurrents, en lui faisant part d’une restriction de la production des lignes de CPT de 14 pouces en faveur des CDT, en raison d’une pénurie éventuelle, s’agissant de l’offre des CPT de cette dimension, et d’une baisse de rentabilité conséquente. C’est donc à bon droit que la Commission a constaté que le procès-verbal de cette réunion et celui de la réunion verre asiatique du 15 avril 1999 convergeaient sur ce point (voir point 88 ci-dessus).

95      Quant à la réunion du 7 septembre 1999 entre Chunghwa et MMEC, celle-ci avait pour objet un échange d’informations sur le marché et visait, notamment, d’une part, à apprécier l’état de la production et des ventes de CPT par MMEC et, d’autre part, à informer cette dernière de l’augmentation récente des prix. À cet égard, Chunghwa aurait expliqué en détail l’augmentation des prix concernant les CPT de 20 pouces et la quasi-totalité des producteurs se seraient alignés. Le représentant de MMEC a, quant à lui, indiqué qu’un plan visant à augmenter les prix dès le mois d’octobre suivant avait déjà été mis en place en interne, alors qu’aucun changement n’était prévu pour les CPT de 21 pouces. Par ailleurs, la réunion du 14 septembre 1999, qui a suivi, avait également pour objet de communiquer une augmentation des prix à MMEC et portait, notamment, sur les CPT de 21 pouces. Il doit d’ailleurs être relevé que le compte rendu y afférent comporte une mention selon laquelle l’objectif était de « poursuivre les actions et le travail entrepris, avec l’espoir d’augmenter la compréhension mutuelle et de rendre l’industrie plus saine ».

96      En outre, le compte rendu de la réunion du 2 novembre 1999 entre Samsung SDI et MEI, mentionnée au considérant 283 de la décision attaquée, contient une interrogation de l’entreprise ETC, une division de MEC fabriquant des CPT, sur l’opportunité de participer ou non à une « réunion des cinq entreprises » ainsi que sur la nécessité de « contacter le siège » à ce sujet. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, cette réunion n’avait pas uniquement pour objet les CPT de 15 pouces, le prix des CPT de 21 pouces ayant également été mentionné dans ledit compte rendu à travers l’expression suivante : « 21 pouces : 51-53 [dollars des États-Unis] »

97      Par ailleurs, lors de la réunion du 21 juin 2000, dont la teneur est décrite au considérant 344 de la décision attaquée, Chunghwa a informé MMEC des récentes hausses de prix pour les CPT de 20 et de 21 pouces en Asie, ce que les requérantes ne contestent pas, au demeurant. De surcroît, ainsi qu’il ressort du compte rendu de cette réunion, le directeur exécutif de MMEC a promis de prendre des mesures pour annoncer la hausse des prix des CPT de 20 et de 21 pouces aux clients de son entreprise. Par la suite, lors d’un contact avec Samsung SDI, le 28 juin 2000, MMEC lui a fait part de l’augmentation de 1 à 2 dollars des États-Unis (USD), soit de 0,73 à 1,46 euros, à laquelle elle aurait procédé, avec MEI, pour les CPT de 20 et de 21 pouces.

98      Enfin, les comptes rendus des réunions des 2 octobre et 12 décembre 2000 entre MEI et Samsung SDI comportaient des références à l’examen de la capacité de production mondiale de CPT prévue pour 2001, y compris celle de Samsung SDI en Allemagne et en Hongrie. Par ailleurs, le compte rendu de la réunion du 12 décembre 2000 faisait allusion à une réunion de l’industrie, prévue pour la fin de ce même mois de décembre ou pour le mois de janvier de l’année suivante, laquelle devait porter sur les CPT principalement de petite et de moyenne dimensions.

99      Partant, il ressort des comptes rendus des réunions bilatérales, lus dans leur globalité, que lesdites réunions portaient sur toutes les dimensions de CPT, à savoir 14, 15, 17, 20, 21, 25, 28, 29 et 32 pouces. L’allégation suivant laquelle les réunions verre asiatiques n’ont porté que sur les CPT de 14, de 20 et de 21 pouces est donc sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. De surcroît, ainsi que le soutient la Commission, il ressort de la réponse du 12 février 2009 donnée par les requérantes à une demande de renseignements du 19 janvier 2009 qu’elles ont vendu, avant le 10 avril 2003, des CPT de dimensions différentes, parmi lesquels figuraient ceux de 21 pouces, dans plusieurs États membres de l’Union.

100    Au vu de ce qui précède, l’affirmation des requérantes selon laquelle, bien que des CPT de 21 pouces aient été évoqués lors des réunions bilatérales, ces dernières n’étaient pas liées aux réunions verre asiatiques et, en particulier, à celle du 15 avril 1999, eu égard au fait qu’elles avaient un objet différent, ne saurait prospérer. En effet, ainsi que le soutient, à juste titre, la Commission, l’approche des requérantes consistant en l’appréciation isolée de chaque élément de preuve est fragmentaire. Or, il ressort d’une lecture combinée des comptes rendus des réunions bilatérales qu’elles ont comporté des discussions sur la fixation des prix ainsi que des échanges d’informations sur les prévisions futures de production et les volumes des ventes de CPT au niveau mondial, au même titre que les réunions verre asiatiques et, notamment, celle du 15 avril 1999.

101    Le fait que, lors de plusieurs des réunions bilatérales, notamment celles du 7 septembre 1999 et du 21 juin 2000 (points 95 et 97 ci-dessus), MEI avait été informée du contexte d’augmentation des prix par ses concurrents et avait même indiqué qu’elle s’alignerait sur eux démontre qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par eux dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque, au sens de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus. En effet, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 344 de la décision attaquée, ces éléments de preuve établissent à suffisance de droit non seulement que MEI a participé à la hausse de prix coordonnée, mais aussi qu’elle a échangé des informations commerciales sensibles concernant ses plans de production et ses volumes de ventes avec ses concurrents. Au demeurant, les requérantes admettent qu’elles savaient que des réunions multilatérales avaient lieu.

102    Quant aux autres réunions bilatérales, qui se sont tenues pendant la même période et se sont poursuivies jusqu’à la fin de l’année 2002, entre MEI ou ses filiales, d’une part, et Samsung SDI, Philips, Thomson, Toshiba ou le groupe LPD, d’autre part, mentionnées au considérant 317 de la décision attaquée, les requérantes admettent qu’elles ont comporté des échanges d’informations entre concurrents. Elles se bornent, toutefois, à affirmer que ces échanges étaient purement bilatéraux et qu’ils ne mentionnaient pas d’arrangement plus large, ni d’autres producteurs de CPT. Or, ces arguments doivent être écartés comme inopérants, compte tenu du fait qu’il a été constaté que MEI avait connaissance de l’existence de l’entente CPT avant cette date.

103    À cet égard, il convient de rappeler que, afin que la condition de la connaissance par une entreprise des comportements infractionnels des autres participants à l’infraction unique et continue soit satisfaite, la jurisprudence n’exige pas qu’il soit établi que cette entreprise avait, ou devait avoir, connaissance des comportements infractionnels tels que mis en œuvre par les participants initiaux à l’infraction, ni qu’elle y ait adhéré dès l’origine de cette infraction. Elle n’indique pas davantage que ladite condition de connaissance ne saurait être établie que si cette entreprise a contribué à l’infraction unique et continue par un mécanisme identique à celui initialement mis en œuvre (arrêt de la Cour du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié au Recueil, point 54).

104    Au demeurant, la circonstance que les requérantes avaient connaissance de l’entente CPT ressort également, ainsi que la Commission l’a constaté aux considérants 550 et 551 de la décision attaquée, des déclarations orales de Samsung SDI du 13 février 2008 et de Philips du 8 avril 2008, dont les requérantes ne contestent pas l’exactitude. À cet égard, les requérantes ne contestent pas que, selon lesdites déclarations, bien que les entreprises japonaises, dont MEI, n’aient pas participé aux réunions verre asiatiques ou aux réunions verre européennes, elles avaient connaissance des discussions entre les cinq entreprises, dès lors qu’elles étaient tenues informées de leur issue par le biais des réunions bilatérales.

105    En revanche, les requérantes soutiennent que les déclarations orales en cause ne fournissent aucun détail sur la nature ou la portée de la prétendue connaissance, par EMEC ou MEI, des discussions entre les cinq entreprises et qu’elles se bornent à confirmer l’existence de contacts bilatéraux entre MEI ou ses filiales, d’une part, et Samsung SDI, Philips et Thomson, d’autre part. Par ailleurs, elles estiment qu’il ne ressortirait pas desdites déclarations, ni de celle de Chunghwa du 16 mars 2009 que la prétendue participation de MEI à l’entente CPT se rapportait non aux seuls CDT, mais également aux CPT, ni dans quelle mesure lesdites entreprises avaient été tenues informées du contenu et du résultat des réunions verre asiatiques.

106    Or, d’une part, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort de l’examen des éléments de preuve recensés par la Commission, les requérantes connaissaient la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente CPT.

107    D’autre part, force est de constater que, ainsi que le relève la Commission dans ses écritures et qu’il est précisé dans la décision attaquée, sans que les requérantes ne le contestent utilement, durant les premières années de l’entente, les réunions verre asiatiques couvraient tant les CPT que les CDT. Ainsi, l’allégation suivant laquelle MEI a été mentionnée dans les déclarations orales en rapport avec des discussions portant sur les CDT est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. En tout état de cause, d’après la déclaration de Samsung SDI, du 20 juin 2008, dont ni la fiabilité ni l’exactitude ne sont contestées par les requérantes, les contacts bilatéraux entre MEI et ses concurrents portaient tant sur les CDT que sur les CPT.

108    De même, il ressort de la déclaration orale de Chunghwa du 28 novembre 2007, non contestée sur ce point par les requérantes, que, durant les premières années de l’entente, à savoir, de l’année 1994 à l’année 2000, les réunions verre asiatiques portaient tant sur les CPT que sur les CDT.

109    Dans la mesure où plusieurs des participants à l’entente CPT ayant coopéré avec la Commission ont confirmé la participation des requérantes à celle-ci, le degré requis de corroboration de leurs déclarations est moindre, aussi bien en termes de précision qu’en termes d’intensité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, Rec. p. II‑2959, points 123 et 124).

110    Il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commission a constaté, au considérant 552 de la décision attaquée, que, contrairement aux dénégations de MEI, les aveux explicites de Chunghwa, Samsung SDI et Philips, auxquels il est fait référence aux considérants 548 à 551 de ladite décision, sont cohérents avec le reste des éléments de preuve du dossier.

111    Partant, la participation de MEI aux seuls contacts bilatéraux qui ont eu lieu pendant cette période ne permet pas de considérer qu’elle ignorait l’existence des arrangements collusoires qui avaient cours.

112    Troisièmement, il convient de relever que, outre les contacts bilatéraux entretenus par MEI et ses concurrents avant la création de MTPD, celle-ci a également participé aux réunions de l’EECA, qui se tenaient à Bruxelles, sur une base trimestrielle. Dans ce contexte, selon le considérant 293 de la décision attaquée, lors de la réunion qui s’est tenue le 26 novembre 1999 – et donc après la date retenue comme date du début de la participation de MEI à l’entente – en présence de Philips, Samsung SDI, EMEC, [confidentiel], [confidentiel], et Thomson, les participants ont, notamment, examiné leurs plans de production pour l’année 2000 par dimension, s’engageant ainsi dans des discussions de nature anticoncurrentielle. Si les requérantes ne contestent pas que EMEC ait assisté à cette réunion, elles font valoir qu’il s’agissait d’une simple réunion du secteur de l’industrie, laquelle a pu dévier trop loin, en ce que des niveaux de production ont été discutés ou, tout au plus, de la preuve d’un échange d’informations isolé, laquelle, par ailleurs, n’était pas mentionnée dans le corps de la communication des griefs. Or, il ressort du compte rendu de la réunion du 26 novembre 1999 que les participants ont échangé des données sur leurs estimations du volume des ventes de CPT (WCPTS) et sur la production de téléviseurs (CTV) de différentes dimensions sur le marché européen, pour l’année en cours et pour l’année 2000.

113    Ainsi, contrairement aux affirmations des requérantes, la réunion du 26 novembre 1999 ne s’est pas limitée aux activités du groupe de travail en tant qu’association professionnelle, mais a comporté des échanges d’informations commerciales sensibles entre concurrents. Par ailleurs, d’après les déclarations orales de Philips du 27 novembre 2007 et du 8 avril 2008, les réunions de l’EECA étaient assimilées aux réunions verre européennes, qui les précédaient ou les suivaient, sous forme de discussions dans un bar ou lors d’un dîner, et étaient structurées à l’instar de ces dernières, en trois paliers.

114    Quant à la prétendue violation des droits de la défense des requérantes, tirée de ce que cette réunion de l’EECA n’a pas été citée dans la communication des griefs comme un élément démontrant que MEI connaissait l’existence de l’entente CPT globale, il importe de relever que, au point 100 de ladite communication, la Commission a mentionné lesdites réunions dans leur ensemble comme ayant eu lieu avant et après certaines réunions verre européennes et a indiqué que les entreprises présentes avaient ouvertement examiné des capacités détaillées, des informations sur les prix, le calendrier et la planification des arrêts de production ainsi que les taux de chargement. Par conséquent, les requérantes ne sauraient valablement faire valoir que la Commission ne pouvait tenir compte de ces réunions dans la décision attaquée et déduire de leur coïncidence temporelle avec les réunions verre européennes qui les précédaient ou les suivaient, qu’elles avaient connaissance de l’entente globale, ni a fortiori, qu’elles n’ont pas eu la possibilité de s’exprimer avant l’adoption de cette décision sur la teneur desdites réunions.

115    Eu égard à ce qui précède et dans la mesure où la Commission a établi à suffisance de droit que MEI avait connaissance de l’existence de l’entente à compter du 15 juillet 1999, il convient de rejeter comme inopérants les arguments des requérantes selon lesquels, dans la décision attaquée, la Commission aurait tenu compte, à tort, des contacts noués par elles avec Chunghwa, Samsung SDI ou Philips entre le 9 avril 1997 et le 17 mars 1999, à savoir avant la date retenue comme date de leur adhésion à l’entente. En tout état de cause, s’il ne saurait être tenu compte d’éléments antérieurs à la période pendant laquelle les requérantes étaient impliquées dans l’entente pour leur imputer une responsabilité, ces éléments pourraient néanmoins permettre de corroborer la constatation de la Commission selon laquelle elles avaient connaissance, à ce stade, de l’existence de l’entente (voir, en ce sens, arrêt Team Relocations e.a./Commission, point 103 supra, points 55 et 56).

–       Sur la période postérieure à la création de MTPD

116    Selon la décision attaquée, à partir du 1er avril 2003, MEI a continué à participer à l’entente CPT par le biais de MTPD.

117    À titre liminaire, il importe de relever que les requérantes ne contestent pas que MEI, en tant qu’actionnaire majoritaire de MTPD, exerçait une influence déterminante sur cette dernière. En revanche, les requérantes contestent que les réunions multilatérales tenues en Asie, ASEAN et SML, auxquelles a participé MTPD, se soient inscrites dans un plan coordonné englobant les réunions verre européennes et poursuivant les mêmes objectifs que les accords conclus lors de ces réunions.

118    À cet égard, il est constant entre les parties que MTPD n’a participé à aucune des réunions verre européennes. En revanche, d’après la Commission, MTPD a entretenu des contacts bilatéraux réguliers avec les trois principaux participants auxdites réunions, à savoir Samsung SDI, le groupe LPD et Thomson, dans le but de coordonner leur action. Elle aurait ainsi participé activement aux accords sur la fixation des prix en Europe.

119    En premier lieu, il doit être relevé que les requérantes ne sauraient utilement faire valoir que la Commission a constaté de manière générale et abstraite que les réunions verre européennes et les réunions verre asiatiques avaient le même objet.

120    En effet, la Commission a rappelé, premièrement, que les trois séries de réunions organisées en Asie – en l’occurrence les réunions verre, SML et ASEAN – ainsi que les réunions tenues en Europe avaient porté sur le même type de restrictions, à savoir la fixation des prix et la planification des ventes, qui impliquaient un échange d’informations sensibles. Deuxièmement, les gammes des produits concernés, à savoir les CPT de toutes dimensions, auraient été similaires dans les réunions prises dans leur globalité. Troisièmement, il y aurait eu un chevauchement des champs géographiques dans les discussions de plusieurs réunions, dans la mesure où les réunions ASEAN et SML avaient une portée mondiale, de sorte qu’elles incluaient l’EEE ou comportaient des références à l’Europe. De la même manière, la Commission a relevé que les réunions verre européennes comportaient des références à l’Asie. Quatrièmement, les réunions SML et ASEAN, qui étaient une extension des réunions verre asiatiques, se seraient déroulées pendant la même période que les réunions européennes, qui ont eu lieu de 1999 à 2005. Cinquièmement, les différentes catégories de réunions organisées, à savoir les réunions verre européennes, les réunions verre asiatiques ainsi que les réunions SML et ASEAN, auraient impliqué, dans une large mesure, les mêmes participants. Sixièmement, les parties à l’entente CPT visaient à maintenir un écart de prix raisonnable entre des produits identiques commercialisés dans l’EEE et en Asie et à augmenter les prix en Europe. Ainsi, la Commission a constaté que la portée de l’entente CPT comprenait l’EEE et que cette entente avait été mise en œuvre sur ce territoire, compte tenu des ventes directes EEE et des ventes directes EEE par le biais de produits transformés de CPT.

121    Ainsi qu’il résulte de la décision attaquée, la Commission a examiné le contexte dans lequel avaient eu lieu les trois séries de réunions en Asie, à savoir les réunions verre asiatiques, SML et ASEAN, ainsi que leurs comptes rendus pour en déduire, à bon droit, qu’elles présentaient des liens de complémentarité avec les réunions verre européennes et étaient donc interconnectées. À cet égard, il ressort des considérants 287 et 288 de ladite décision que la première réunion multilatérale européenne, du 2 octobre 1999, à Glasgow (Royaume-Uni), a eu lieu à la suite d’appels lancés par Samsung SDI lors d’une réunion multilatérale, tenue le 21 septembre 1999 à Taiwan, entre Chunghwa, Samsung SDI, LGE, [confidentiel] et Philips, visant à renforcer davantage la coopération avec le marché européen et à ce que les entreprises participant à l’entente organisent des réunions régulières pour échanger des informations sur le marché et fixer les prix. En effet, des préoccupations avaient été exprimées quant au niveau des prix pratiqués en Europe pour les CPT de 14 pouces, considéré comme trop bas par rapport aux prix asiatiques. Lors d’une réunion ultérieure, tenue le 27 octobre 1999 en Thaïlande et mentionnée aux considérants 251 et 290 de la décision attaquée, les entreprises asiatiques se sont félicitées de la tendance à l’augmentation des prix sur les marchés européen et américain grâce à une réduction des capacités de production par les fabricants de CPT en Asie.

122    Ainsi que le démontrent, notamment, les considérants 289, 292 à 302, 347, 348, 355 à 368, 371, 378 à 381, 383, 392 et 399 de la décision attaquée, plusieurs autres réunions verre européennes ont été organisées avant celle du 21 novembre 2003, tenue à Amsterdam entre Samsung SDI, Thomson et le groupe LPD, lors de laquelle ont été résumées les « règles d’or ». Ces règles prévoyaient, notamment, que « les prix [devaient] être fixés chaque trimestre », sans « opérations ponctuelles ou prix spéciaux », que, « dans l’hypothèse d’un décroissement de la demande globale, toutes les parties réduir[aie]nt leur production du même pourcentage », ainsi qu’« un contrôle croisé des jours de fermeture ». Les réunions verre européennes précédant celle du 21 novembre 2003 portaient principalement sur le suivi des résolutions de hausse des prix convenues préalablement et sur l’examen de la situation du marché de l’époque et de la situation future au niveau mondial ainsi que du niveau des prix et des lignes de production. Il s’ensuit que, comme l’affirme la Commission, à juste titre, les « règles d’or » n’étaient qu’une concrétisation des règles qui avaient déjà été définies lors des réunions précédentes. En outre, bien que de telles règles ne semblent pas avoir été formellement édictées par rapport aux réunions asiatiques, elles ne concernaient pas uniquement les réunions européennes, contrairement à ce que font valoir les requérantes. En effet, il ressort des comptes rendus des réunions asiatiques que les participants comparaient la situation des marchés en Europe et en Asie et s’entendaient régulièrement pour aligner leurs prix et leurs capacités. Selon le considérant 486 de la décision attaquée, les participants aux réunions asiatiques ont également discuté et sont convenus des réductions de capacité qui faciliteraient les efforts de hausse de prix des membres de l’entente dans l’EEE et ont défini des cibles en matière de parts de marché et de quotas de fourniture à l’échelle mondiale. En outre, les prix pratiqués dans une région étaient utilisés comme référence pour convenir des prix dans une autre région. De même, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, les lignes directrices sur les prix convenues lors des réunions ASEAN ne s’appliquaient pas uniquement aux ventes de CPT en Asie.

123    À cet égard, si, certes, ainsi que le font valoir les requérantes et que cela a été relevé au considérant 130 de la décision attaquée, les prix des CPT étaient généralement plus élevés en Europe qu’en Asie, en raison des coûts de production et des droits de douane à l’importation sur les CPT en provenance d’Asie, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort des comptes rendus des réunions examinées aux considérants 251, 252, 294 et 295 de ladite décision, il existait une corrélation entre les prix pratiqués sur les deux continents. Ainsi, premièrement, les prix européens des CPT étaient régulièrement suivis lors des réunions verre asiatiques, deuxièmement, les prix asiatiques étaient utilisés comme indicateurs lors de l’examen du niveau des prix européens et de la conclusion d’accords sur la fixation des prix, troisièmement, les réductions de capacité en Asie ont facilité les efforts de hausse des prix en Europe et, quatrièmement, la coopération des producteurs asiatiques était considérée comme essentielle pour la fixation des prix en Europe.

124    Il en résulte que c’est à bon droit que la Commission a constaté que, dès les premières années de l’entente, les participants s’étaient efforcés de maintenir un écart de prix entre des produits identiques commercialisés en Europe et en Asie et s’étaient attachés à augmenter le prix européen, et que le maintien d’un tel écart semble avoir été une préoccupation particulière des entreprises asiatiques, afin que leurs importations d’Asie ne compromettent pas leur propre production en Europe ainsi que leurs tentatives d’y atteindre des prix plus élevés.

125    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, le niveau de production et les prix en Asie ont eu un impact sur les prix européens. D’ailleurs, ainsi qu’il a été relevé dans la décision attaquée, plusieurs participants asiatiques de l’entente ont disposé de lignes de production en Europe pendant l’essentiel de la période au cours de laquelle les concurrents se rencontraient dans le cadre de réunions. En outre, il ressort de la décision attaquée que certaines filiales européennes informaient leur siège central asiatique de la situation du marché et des accords conclus dans le cadre de l’entente CPT en Europe et inversement, ce que les requérantes ne contestent pas, au demeurant.

126    En second lieu, force est de relever que les requérantes ne contestent ni que les comptes rendus des réunions ASEAN comportaient certaines références au marché européen, ni que les discussions ont porté sur la fixation ou la hausse des prix, ni qu’il a été procédé à des échanges d’informations commerciales sensibles entre concurrents. En effet, elles confirment que les notes de Chunghwa sur les réunions des 16 février et 16 mars 2004 attestent qu’une augmentation des prix a été discutée et que sa mise en œuvre a été contrôlée. Elles tentent, néanmoins, de démontrer que seuls quelques accords isolés sur les prix auraient été conclus lors desdites réunions et d’en minimiser la portée, au motif que celles-ci ne se seraient pas concentrées entièrement sur l’Europe. Elles affirment, à cet égard, d’une part, que les réunions ASEAN avaient une portée régionale et, d’autre part, que les quelques références aux prix européens, figurant dans la décision attaquée (considérants 429, 437 et 443) et visant à relier les accords de prix conclus en Asie à l’Europe, n’établissent pas que les réunions en question faisaient partie d’une infraction unique et continue. Or, contrairement aux affirmations des requérantes et ainsi que le fait valoir la Commission et qu’il ressort de leurs comptes rendus, certaines de ces réunions, dont celles du 5 septembre 2003 et des 16 février, 16 mars et 5 novembre 2004, comprenaient, hormis des références à un accord sur les prix, couvrant l’Europe, à l’égard de clients spécifiques et dont la mise en œuvre a été minutieusement contrôlée, des discussions sur l’offre et la demande futures, les lignes de production et les capacités et concernaient le marché mondial, en ce compris l’EEE. Aussi, de tels échanges d’informations commercialement sensibles entre concurrents, comme ceux qui ont eu lieu lors des réunions des 18 juin 2004 et 6 décembre 2005, constituent des pratiques concertées pouvant permettre la restriction de production et l’attribution de parts de marché. À cet égard, l’absence d’accords formels sur ces deux derniers aspects de l’infraction est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, conformément à la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus. Par ailleurs, ainsi que le soutient la Commission, le fait qu’une partie des discussions se rapportait à l’Asie s’explique par la circonstance que la plupart des installations de production étaient situées dans cette région.

127    Quant aux réunions SML, les requérantes prétendent que la décision attaquée ne contient que quelques références très limitées à la conclusion d’accords sur les prix en Europe et que les comptes rendus desdites réunions démontreraient que les discussions sur l’Europe étaient séparées de celles portant sur l’Asie. Ainsi, elles indiquent que, parmi les treize réunions qui ont eu lieu pendant la période comprise entre le 10 février 2003 et le 12 juin 2006 et sur lesquelles ladite décision s’appuie, celle-ci invoquerait seulement deux cas isolés et circonscrits de fixation réelle de prix concernant l’Europe et limités aux CPT de 32 pouces, à savoir les réunions du 28 novembre 2003 et du 10 décembre 2004, pour un seul trimestre dans le premier cas et deux trimestres dans le second. Par ailleurs, en matière de répartition de parts de marché et de restriction de la production, la décision attaquée se bornerait à faire référence respectivement aux réunions du 10 février 2003, à laquelle MTPD n’aurait pas participé, et du 12 décembre 2005. Partant, la Commission n’aurait pas été en mesure de prouver que les réunions SML s’inscrivaient dans un plan coordonné englobant les réunions verre européennes.

128    Il suffit de constater que les requérantes ne contestent pas que MTPD a participé à toutes les réunions SML, à l’exception de la première d’entre elles, qui s’est tenue le 10 février 2003 et qui est mentionnée au considérant 387 de la décision attaquée.

129    Force est de relever que les requérantes ne contestent pas que les entreprises présentes auxdites réunions, dont MTPD, ont échangé des informations concernant l’Europe et ont analysé la situation à l’échelle mondiale, Europe comprise, lors de certaines de ces réunions, à savoir celles des 24 juillet et 28 novembre 2003, des 6 mai et 10 décembre 2004 et des 26 septembre et 12 décembre 2005. Par ailleurs, elles ne contestent pas les conclusions de la décision attaquée selon lesquelles les participants à ces réunions ont discuté de l’opportunité de contrôler les prix sur le marché européen, y inclus ceux des CPT de petite et de moyenne dimensions, et constaté la nécessité de contrôler la production et de coordonner la fermeture d’usines européennes. En outre, elles admettent que deux de ces réunions, à savoir celles du 28 novembre 2003 et du 10 décembre 2004, ont explicitement porté sur la fixation des prix en Europe (voir point 127 ci-dessus). Il s’ensuit que les arguments des requérantes selon lesquels les lignes directrices sur les prix convenues lors d’autres réunions SML, telle que celle du 24 juillet 2003, concernaient uniquement l’Asie, sont dénués de pertinence.

130    En outre, la circonstance alléguée que ces réunions ne concernaient qu’un seul ou seulement deux trimestres est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, eu égard au fait que les réunions SML avaient lieu sur une base régulière et que, hormis celle du 10 février 2003, MTPD a participé à l’ensemble desdites réunions, ainsi qu’aux réunions ASEAN, sur une période s’étendant au moins du 25 avril 2003 jusqu’au 10 novembre 2006.

131    Les requérantes ne sauraient pas non plus utilement affirmer que les échanges d’informations sur l’Europe s’inscrivaient dans le cadre d’une discussion générale sur le marché, sans rapport avec l’entente CPT globale, dès lors que des données commerciales sensibles ont été échangées entre participants au cours des réunions SML, lesquelles visaient explicitement la capacité et la production des usines européennes, les prix de certaines dimensions de CPT pour des trimestres précis, les ventes, l’offre et la demande sur ce marché.

132    Quant à la prétendue absence de convergence entre les prix fixés pour les CPT en Asie et en Europe, il suffit de relever que celle-ci, à la supposer établie, ne permet pas de remettre en cause l’existence d’une infraction unique et continue. En effet, d’une part, les lignes directrices fixées en matière de prix devaient tenir compte des conditions prévalant sur chaque marché. D’autre part, ainsi que l’indique la Commission dans ses écritures et que semblent d’ailleurs l’admettre les requérantes, cette divergence s’explique par le fait que certains comptes rendus faisaient référence aux prix minima ou prix planchers, en dessous desquels il ne fallait pas vendre, alors que d’autres faisaient référence aux prix cibles.

133    S’agissant des arguments des requérantes selon lesquels aucun accord n’a été conclu, dans le cadre des réunions SML, sur la répartition des parts de marché et la restriction de production en matière de CPT, force est de constater qu’il ressort des comptes rendus de plusieurs de ces réunions que les participants y ont échangé des données sur la production, les ventes et les capacités ainsi que sur leurs prévisions à l’échelle mondiale pour cette période de l’infraction, lesquelles étaient susceptibles d’être utilisées pour calculer les parts de marché des entreprises participantes ainsi que pour le suivi de l’accord, et qu’ils ont fixé des lignes directrices sur les prix à l’échelle mondiale pour des CPT de différentes dimensions.

134    Enfin, les requérantes ne sauraient valablement faire valoir que la conclusion, figurant aux considérants 422 et 426 de la décision attaquée, selon laquelle MTPD a activement participé aux accords de fixation des prix en Europe et de restriction de la production pendant la dernière phase de l’entente CPT (2004 à 2006) repose uniquement sur quelques contacts isolés, tels que la réunion bilatérale du 26 janvier 2004, qui s’est tenue en Allemagne entre MTPD Germany et Samsung SDI, et la réunion multilatérale européenne, du 16 février 2004, entre Samsung SDI, Thomson et le groupe LPD. En effet, l’allégation suivant laquelle MTPD n’a assisté qu’à une seule réunion bilatérale en Europe et qu’elle n’a pas assisté aux réunions verre européennes est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’elle entretenait des contacts réguliers avec les principaux participants à l’entente, dans le cadre desquels elle échangeait des informations commerciales sensibles, et que tant elle-même que MEI étaient tenues informées de la teneur desdites réunions et des discussions au niveau mondial.

135    D’ailleurs, ainsi que l’affirme la Commission dans ses écritures, le compte rendu de la réunion verre européenne du 4 décembre 2003, qui s’est tenue à Paris entre Samsung SDI, Thomson et le groupe LPD, juste avant la réunion bilatérale du 26 janvier 2004 entre MTPD Germany et Samsung SDI, mentionnait expressément MTPD en ce qui concerne les discussions sur les prix des CPT de 32 pouces, et indiquait qu’il était opportun de « l’impliquer dans cet accord et de convenir avec elle de la même approche », et contenait, en outre, des tableaux présentant un « plan de ventes » la concernant pour 2004. Cette indication conforte la conclusion selon laquelle MTPD avait connaissance de l’existence des réunions verre européennes, même s’il elle n’y a pas participé.

136    Au demeurant, les requérantes ne contestent pas que, ainsi que l’indiquent les considérants 422 et 423 de la décision attaquée et qu’il ressort de son compte rendu, l’objet de la réunion du 26 janvier 2004, visant à s’entendre sur les prix et la stratégie de l’offre, était anticoncurrentiel. Elles se bornent à soutenir qu’il ressort du compte rendu de cette réunion que MTPD a refusé de participer à un accord de fixation des prix avec le groupe LPD, Samsung SDI et Thomson parce que « les informations n’étaient pas crédibles ». Or, même si la mention selon laquelle MTPD ne souhaitait pas coopérer avec le groupe LPD et Thomson figure dans ledit compte rendu, ainsi que l’indique d’ailleurs la décision attaquée, le reste de ce compte rendu ne démontre pas que MTPD s’est retirée des pratiques collusoires. Au contraire, il prouve que MTPD s’est entendue avec Samsung SDI sur les volumes de ventes à des clients spécifiques ainsi que sur les prix et que ces deux entreprises étaient prêtes à coopérer pour remplacer Thomson en tant que fournisseur. D’ailleurs, ainsi que l’affirme la Commission, cette mention montre que la possibilité de coopérer avec le groupe LPD et Thomson, qui participaient aux réunions verre européennes, a été évoquée et que, dès lors, MTPD avait connaissance de l’existence d’une coopération au niveau européen.

137    De même, nonobstant le fait que MTPD n’a pas participé à la réunion multilatérale du 16 février 2004, entre Samsung SDI, le groupe LPD et Thomson, elle ne saurait soutenir qu’elle ne pouvait prévoir que Samsung SDI échangerait les chiffres communiqués par elle lors de la réunion du 26 janvier précédent avec le groupe LPD et Thomson, d’autant que ces chiffres concernaient les volumes de production et de vente prévus pour Philips, sur la base d’une quantité de CPT fournis conjointement par LPD, MTPD, Thomson et Samsung SDI.

138    Il ressort d’ailleurs des considérants 413 à 415 de la décision attaquée que, au cours de la dernière phase de l’entente CPT, s’étendant de l’année 2004 à novembre 2006, outre les réunions SML et ASEAN, qui étaient les principaux forums multilatéraux, plusieurs contacts ad hoc portant sur les plans de vente et de production mondiaux ont eu lieu, notamment en Europe, impliquant MTPD et des participants aux réunions verre européennes, tels que Samsung SDI, le groupe LPD et Thomson. À cet égard, la note en bas de page n° 1074 mentionne des réunions bilatérales d’échange d’informations, qui ont eu lieu entre le groupe LPD et MTPD, le 6 décembre 2004 ainsi que les 21 février et 8 juillet 2005. De surcroît, selon cette même note, MTPD aurait joint des documents à sa réponse à la demande d’informations de la Commission, dont il ressortirait que les informations provenant de ses concurrents, relatives aux capacités de production des fabricants de CRT et datées de novembre 2006, ainsi que des données mondiales, des plans en matière de ventes, d’offre et de production et des prévisions de la demande, relatives aux CRT pour téléviseurs et datées d’avril 2005, avaient été présentées à MTPD, ce que les requérantes ne contestent pas, au demeurant.

139    En outre, ainsi qu’il a été constaté au considérant 434 de la décision attaquée, relatif à la réunion SML du 6 mai 2004, et qu’il ressort du compte rendu de cette dernière, toutes les grandes régions géographiques et les résultats des ventes et prévisions pour 2005 ont été examinés par les participants à cette réunion. À cet égard, la note en bas de page n° 1122 de la décision attaquée indique que les discussions sur les capacités mondiales et sur les prévisions de ventes ont continué à être une caractéristique constante des réunions SML tout au long de la dernière période de l’entente, comme le prouveraient les comptes rendus des réunions des 18 mai et 10 décembre 2004, des 15 mars, 30 juin et 26 septembre 2005 et des 31 mars, 12 juin et 10 novembre 2006. Des discussions similaires ont également eu lieu dans le cadre de plusieurs réunions bilatérales, comme celle qui s’est tenue entre Samsung SDI et MTPD, le 19 avril 2006. Ces constatations n’ont pas été remises en cause par les requérantes.

140    Eu égard à ce qui précède, les indices sur lesquels la Commission s’est fondée démontrent, à suffisance de droit et sans méconnaître les exigences dictées par l’arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission (T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 92), invoqué par les requérantes, que les réunions SML, ASEAN et les contacts bilatéraux auxquels MTPD a participé s’inscrivaient dans un plan global poursuivant un objectif identique à celui des réunions européennes, de sorte qu’il peut être considéré que cette dernière a participé à une infraction unique et continue sur le marché mondial des CPT.

141    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que les réunions verre asiatiques, SML et ASEAN, d’une part, et les réunions verre européennes, d’autre part, ne regroupaient pas les mêmes participants. À cet égard, ainsi que le relève la Commission et qu’il ressort des considérants 123 à 130 de la décision attaquée, les premières réunions asiatiques multilatérales, organisées formellement dès 1998, impliquaient les cinq entreprises, auxquelles ont été associés, à compter de 1999, des participants ayant des installations de production en Europe, tels que MEI. Durant la phase intermédiaire de l’entente, Samsung SDI, le groupe LPD et MTPD ont participé aux réunions SML et ASEAN, alors que Chunghwa et [confidentiel] n’ont participé qu’aux réunions ASEAN. Enfin, entre 2004 et 2006, Samsung SDI, le groupe LPD et Thomson ont participé aux réunions verre européennes.

142    Or, ainsi qu’il résulte de l’examen du deuxième moyen, même si MEI n’a participé à aucune des réunions verre asiatiques ou des réunions verre européennes avant le 1er avril 2003, elle a été tenue informée de leur teneur par le biais de contacts bilatéraux entretenus avec Samsung SDI, Chunghwa, Philips, LGE, remplacée plus tard par le groupe LPD, [confidentiel] ou Thomson. Par ailleurs, d’après les considérants 129 et 254 de la décision attaquée, les filiales de ces mêmes entreprises et, à titre occasionnel, les mêmes collaborateurs participaient aux réunions avec des concurrents, tant en Europe qu’en Asie. À cet égard, à la note en bas de page n° 180 de la décision attaquée (considérant 129), il a été relevé, notamment, que M. M., qui participait régulièrement aux réunions européennes pour le compte de Philips et du groupe LPD, a assisté, par exemple, à la réunion du 21 septembre 1999, en Asie. Cette réunion s’est tenue entre Chunghwa, Samsung SDI, LGE, [confidentiel] et Philips.

143    Par ailleurs, M. S., qui a été directeur régional du groupe LPD pour l’Europe, de 1997 à 1999 et de 2001 à 2003, et pour l’Asie-Pacifique, de 1999 à 2001, a participé à de nombreuses réunions asiatiques, en l’occurrence en 1999, en 2000 et en 2001. M. Mo. [confidentiel], a assisté à la fois aux réunions européennes des 2 octobre et 11 novembre 1999 et aux réunions asiatiques des 7 mars, 15 avril et 1er juin 1999. En outre, M. C., de Chunghwa, participait aux réunions européennes, mais était aussi informé du résultat des réunions organisées en Asie. Enfin, les filiales européennes en rendaient également compte à leur siège en Asie.

144    Les requérantes affirment que ces éléments de preuve sont antérieurs au 10 février 2003 et n’établissent pas que MM. S. et C. aient assisté à une quelconque réunion européenne ou que ces personnes aient assisté tant aux réunions SML ou ASEAN qu’aux réunions européennes. Or, cet argument est inopérant, dans la mesure où il a été établi que les requérantes avaient noué des contacts avec les participants aux réunions européennes après cette date et qu’elles étaient impliquées dans les réunions asiatiques, SML et ASEAN, qui poursuivaient le même objectif.

145    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter les deuxième et troisième moyens comme non fondés, sans qu’il y soit nécessaire, en tout état de cause, d’examiner la prétendue violation des droits de la défense invoquée par les requérantes, en ce que la Commission se serait notamment appuyée sur une liste de réunions énumérées dans une annexe de la décision attaquée pour établir qu’elles avaient connaissance de l’existence ou du contenu de l’entente CPT et qu’elles y avaient participé par le biais de contacts bilatéraux.

146    Partant, le premier chef de conclusions des requérantes, visant à l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où elle les concerne, doit être rejeté.

 Sur le deuxième chef de conclusions, tendant à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

 Observations liminaires

147    Dans la requête, au soutien de leur deuxième chef de conclusions, les requérantes ont soulevé un moyen unique, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans le calcul du montant de l’amende.

148    Or, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure visée au point 32 ci-dessus, les requérantes ont demandé au Tribunal, à titre principal, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de relever d’office un moyen tiré de l’incompétence territoriale de la Commission pour infliger une amende à des entreprises participant à une entente impliquant la vente de produits en dehors de l’EEE, tels que les ventes EEE par le biais de produits transformés, dès lors qu’il s’agirait d’un moyen d’ordre public. À titre subsidiaire, et conformément à l’article 48, paragraphe 2, alinéa premier, du règlement de procédure du 2 mai 1991, elles ont sollicité l’autorisation de soulever ce moyen en tant que moyen nouveau, qui serait fondé sur des éléments de droit qui se seraient révélés au cours de la procédure, résultant de l’analyse effectuée par l’avocat général Wathelet dans ses conclusions sous l’affaire InnoLux/Commission (point 32 supra).

149    Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de la demande des requérantes, il suffit de constater qu’un tel moyen ne saurait en tout état de cause prospérer, dès lors que, par arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission (C‑231/14 P, Rec), la Cour a validé l’appréciation du Tribunal selon laquelle, lorsque des entreprises établies en dehors de l’EEE, mais qui produisent des biens qui sont vendus dans l’EEE à des tiers, se concertent sur les prix qu’elles consentent à leurs clients établis dans l’EEE et mettent en œuvre cette concertation en vendant à des prix effectivement coordonnés, elles participent à une concertation qui a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, au sens de l’article 101 TFUE, que la Commission est territorialement compétente à poursuivre (arrêt du Tribunal du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, Rec, point 58).

150    Par ailleurs, s’agissant de la détermination de la valeur des ventes aux fins du calcul du montant de l’amende à infliger du fait d’une telle violation, la Cour a confirmé l’appréciation du Tribunal selon laquelle la Commission pouvait tenir compte des ventes de produits finis réalisées par une entreprise dans l’EEE à des tiers indépendants, lorsque les ventes internes du produit concerné par l’infraction avaient été réalisées en dehors de l’EEE (arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, point 149 supra, point 74).

151    Au vu de ce qui précède, la demande des requérantes doit être écartée.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans le calcul du montant de l’amende

152    Ce moyen s’articule en deux branches. Dans le cadre de la première branche, les requérantes font valoir que la décision attaquée a enfreint le principe de proportionnalité, aux motifs que la méthodologie utilisée aux fins du calcul du montant de l’amende a eu pour effet d’attribuer une valeur abusivement gonflée aux ventes intragroupes. Dans le cadre de la seconde branche, elles soutiennent que l’amende qui leur a été infligée ne tient pas compte de leur implication marginale dans l’entente.

–       Sur la méthodologie utilisée pour la détermination de la valeur des ventes

153    Les requérantes prétendent que la méthodologie utilisée dans la décision attaquée pour le calcul de la valeur des ventes directes dans l’EEE par le biais de produits transformés est incorrecte et a abouti à une amende disproportionnée par rapport à l’impact réel de ces ventes sur le marché. À cet égard, premièrement, elles relèvent que, selon la demande de renseignements de la Commission du 4 mars 2011 la valeur de ces ventes devait être calculée comme étant la moyenne de la valeur des ventes directes dans l’EEE pendant la même période, multipliée par le nombre de CPT concernés. Elles font ainsi valoir que la méthodologie de la Commission partait de la prémisse erronée selon laquelle la valeur moyenne des CPT intégrés dans des produits transformés était identique à la valeur moyenne des ventes directes de CPT dans l’EEE. Or, cette approche ne tiendrait pas compte du fait que, en ce qui concerne Panasonic, les CPT intégrés dans des produits transformés par le groupe étaient généralement d’une taille plus réduite et donc d’une valeur économique inférieure à ceux vendus directement à des tiers dans l’EEE, ainsi que l’établirait le rapport d’un cabinet de conseil en économie de la concurrence, annexé à la réponse à la demande de renseignements de la Commission, formulée par les requérantes le 20 avril 2011. Deuxièmement, les requérantes soutiennent que, à la différence de l’approche préconisée par la Commission, qui était fondée uniquement sur la période pendant laquelle les CPT étaient vendus à des tiers, la méthodologie qu’elles avaient proposée était plus précise, dans la mesure où elle était fondée sur une moyenne pondérée tenant compte tant de la période que de la taille des CPT incorporés dans les téléviseurs de Panasonic. Bien que la Commission n’ait pas nié l’exactitude des données fournies par les requérantes, celles-ci lui reprochent de ne pas les avoir prises en compte aux fins du calcul du montant de l’amende qui leur a été infligée par la décision attaquée.

154    La Commission fait valoir que les lignes directrices de 2006 n’imposent pas de tenir compte de l’incidence réelle sur le marché d’une infraction à l’article 101 TFUE. Par ailleurs, elle relève que les requérantes proposent une méthode alternative non pas parce qu’elle est plus précise, mais seulement parce qu’il s’avère qu’elle donne une valeur des ventes inférieure et, partant, une amende inférieure. Or, la Commission soutient qu’elle n’est nullement tenue de choisir une méthode particulière qui entraînerait une amende inférieure, mais seulement d’appliquer les lignes directrices de 2006 d’une manière qui reflète adéquatement la réalité de l’infraction dans son ensemble.

155    À cet égard, s’agissant du contrôle exercé par le juge de l’Union sur les décisions de la Commission en matière de concurrence, il convient de rappeler que la compétence de pleine juridiction habilite cette juridiction à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, afin de modifier, par exemple, le montant de l’amende (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 86, et la jurisprudence citée).

156    Il découle, certes, de la jurisprudence de la Cour que l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêts de la Cour Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 51 supra, point 617, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 152). Si le Tribunal entend s’écarter spécifiquement à l’égard de l’une de ces entreprises de la méthode de calcul suivie par la Commission et qu’il n’a pas remise en cause, il est nécessaire qu’il s’en explique dans l’arrêt (arrêts de la Cour du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C‑338/00 P, Rec. p. I‑9189, point 146, et du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié au Recueil, point 46).

157    Il convient, ensuite, de rappeler que, en vertu du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger sur le fondement de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE.

158    Ainsi qu’il a été rappelé au point 16 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée que, afin de déterminer le montant de base des amendes, la Commission a pris en compte la proportion des ventes directes de CPT – vendus en tant que tels ou par le biais de produits transformés – intervenues dans l’EEE, pendant toute la durée de l’infraction, et qui étaient le fait d’un des destinataires de ladite décision, multipliées par le nombre d’années de leur participation à l’infraction (considérants 1020, 1021, 1034, 1042 et 1056).

159    La Commission a relevé, au considérant 1022 de la décision attaquée, que, bien que la prise en compte des ventes directes intervenues dans l’EEE par le biais de produits transformés ait conduit à l’inclusion de ventes intragroupes pour certaines des parties, y compris les sociétés mères des entreprises communes, le fait de se concentrer sur la première vente réalisée dans l’EEE du produit concerné par l’infraction – qu’il ait été transformé ou non – à un client ou à une entreprise qui ne faisait pas partie de l’entreprise fournisseur garantissait l’absence de discrimination entre les entreprises intégrées verticalement et celles qui ne l’étaient pas.

160    En outre, au considérant 1026 de la décision attaquée, la Commission a observé que, en se concentrant sur la valeur des ventes directes dans l’EEE ainsi que sur la valeur des ventes directes intervenues dans l’EEE par le biais de produits transformés, son objectif consistait à inclure en permanence dans la valeur des ventes les produits ayant fait l’objet de l’entente seulement s’ils étaient vendus pour la première fois à un client externe aux entreprises cartellisées et étant situé dans l’EEE. Elle a, en outre, souligné qu’elle n’avait pas pris en compte la valeur du produit transformé dans son ensemble, mais seulement la valeur des CPT qui y étaient intégrés. Enfin, aux considérants 1027 et 1028 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, dans la mesure où la concertation sur les volumes et la restriction de la production avaient concerné l’ensemble de la production et des ventes réalisées par les participants, les ventes aux clients intragroupes faisaient partie des discussions de l’entente.

161    Il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas la prise en compte des ventes intragroupes ou des ventes directes par le biais de produits transformés pour le calcul du montant de l’amende qui leur a été infligée, mais qu’elles mettent en cause l’exactitude du calcul de la valeur de ces ventes par la Commission, tel qu’il résulte de la décision attaquée. Elles affirment, à cet égard, avoir signalé cela dans leur réponse du 20 avril 2011 à la demande de renseignements de la Commission du 4 avril 2011.

162    Lors de l’audience, les requérantes ont précisé qu’elles avaient fourni des chiffres précis à la Commission, lesquels tenaient compte, dans la mesure du possible, du nombre de CPT intégrés, en fonction de leur dimension et de leur prix, par année concernée. Par ailleurs, les requérantes ont réitéré leur argumentation selon laquelle, bien que la Commission n’ait pas contesté l’exactitude de ces données, elle n’en aurait pas tenu compte, sans fournir de justification.

163    La Commission a confirmé ne pas contester l’exactitude des données en cause, mais a fait valoir que le fait d’appliquer une méthodologie différente aux requérantes par rapport aux autres destinataires de la décision attaquée, qui n’avaient pas soumis de telles données, aurait abouti à une violation du principe d’égalité de traitement. Elle a, en outre, déclaré que, dans l’hypothèse où le Tribunal devrait considérer que les chiffres présentés par les requérantes étaient plus précis, elle ne s’opposerait pas à ce que le calcul effectué par celles-ci fût utilisé pour recalculer le montant de l’amende.

164    Il y a lieu de relever que, ainsi qu’il a été indiqué au considérant 1032 de la décision attaquée, les destinataires de ladite décision avaient été invités, par lettre du 4 mars 2011, à utiliser des données spécifiques sur leurs ventes directes dans l’EEE et leurs ventes directes dans l’EEE par le biais de produits transformés comme base de calcul de la valeur de leurs ventes et avaient été informés de la manière selon laquelle il convenait de calculer l’ensemble des chiffres requis. Il ressort des instructions, fournies dans l’annexe I de cette lettre en vue de pouvoir répondre au questionnaire prévu à cet effet, que la méthode de calcul préconisée par la Commission en ce qui concernait les ventes directes dans l’EEE par le biais de produits transformés reposait sur la moyenne de la valeur des ventes directes dans l’EEE réalisées pendant la même période, multipliée par le nombre de CPT concernés. À défaut de ventes directes dans l’EEE pendant la période pertinente, ou dans l’hypothèse où celles-ci n’auraient pas été représentatives, les entreprises concernées étaient invitées à contacter la Commission afin de discuter d’une méthode de calcul alternative.

165    Force est de constater qu’il découle de la réponse des requérantes du 20 avril 2011 à la demande de renseignements de la Commission que celles-ci ont proposé une méthode alternative de calcul de la valeur des ventes directes dans l’EEE par le biais de produits transformés, laquelle était exposée dans un rapport économique du 19 avril 2011, établi par RBB Economics (voir point 153 ci-dessus) et se trouvant annexé à ladite réponse. Cette méthode de calcul consistait à prendre en compte la moyenne pondérée des CPT associés auxdites ventes, en fonction de leur taille réelle et de la période concernée, en ayant recours aux chiffres fournis par les requérantes. Dans ce rapport, la valeur des ventes directes dans l’EEE par le biais de produits transformés était calculée en associant à chaque taille de téléviseur vendu pendant la période de l’infraction la valeur moyenne des CPT de mêmes dimensions. À défaut de ventes de CPT de taille identique pendant une période déterminée, les données utilisées par ledit rapport étaient fondées sur la moyenne pondérée de la valeur de l’ensemble des CPT vendus pendant cette période, toutes dimensions confondues, s’alignant en cela sur la méthode de la Commission.

166    Selon les requérantes, leur approche conduirait à des résultats plus précis et plus proches de la réalité, alors que la méthodologie employée par la Commission pourrait avoir pour effet d’attribuer des prix de CPT de large dimension à des téléviseurs de dimensions plus petites.

167    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, aux termes du paragraphe 15 des lignes directrices de 2006, en vue de déterminer la valeur des ventes d’une entreprise, la Commission est tenue d’utiliser les meilleures données disponibles de cette entreprise. Or, dès lors que la Commission disposait de données reflétant de manière plus exacte la valeur des ventes directes dans l’EEE par le biais de produits transformés, ce qu’elle a d’ailleurs admis lors de l’audience, il suffit de constater qu’elle s’est écartée de ces lignes directrices en ce qui concerne le calcul du montant de base des amendes infligées aux requérantes, sans fournir de justification.

168    Or, la Cour a déjà jugé que les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre, dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement. En effet, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 209 et 211). Cependant, bien que la Commission soit tenue de respecter le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle applique les règles indicatives qu’elle s’est imposées, celui-ci ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode de calcul spécifique du montant des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction, mais examinent au cas par cas les situations qui leur sont soumises en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit afférentes à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2013 Quinn Barlo e.a./Commission, point 156 supra, point 53).

169    Il y a donc lieu, pour le Tribunal, de tenir compte, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, aux fins de la fixation du montant des amendes infligées aux requérantes, des chiffres fournis par celles-ci lors de la procédure administrative, dont l’exactitude n’a pas été contestée par la Commission. Or, il importe de relever, à cet égard, que, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure visées au point 32 ci-dessus, les requérantes ont précisé que les chiffres reproduits dans la requête relatifs à la valeur totale des ventes de Panasonic jusqu’au 31 mars 2003 englobaient, à tort, également les ventes effectuées en juillet 1999 et ont fourni des données rectifiées sur ce point, lesquels n’ont pas été contestés par la Commission.

170    Il ressort de ce qui précède que la première branche doit être accueillie.

–       Sur l’existence de circonstances atténuantes

171    Les requérantes soutiennent que leur rôle a été extrêmement limité, étant donné que toutes les parties s’accordent sur le fait que, jusqu’au 10 février 2003, MEI n’a participé à aucune des réunions verre asiatiques, européennes, SML ou ASEAN. De même, après cette date, MTPD n’aurait participé à aucune réunion multilatérale européenne.

172    La Commission conteste cette argumentation.

173    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’octroi d’une diminution du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes est nécessairement lié aux circonstances de l’espèce, qui peuvent amener la Commission à ne pas l’accorder à une entreprise partie à un accord illicite. En effet, la reconnaissance du bénéfice d’une circonstance atténuante, dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait une infraction, ne saurait avoir pour conséquence d’ôter l’effet dissuasif à l’amende infligée et de porter atteinte à l’effet utile de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, points 104 et 105, et la jurisprudence citée).

174    Il y a lieu de rappeler qu’il ressort également de la jurisprudence que les lignes directrices que la Commission adopte énoncent une règle de conduite dont elle ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement, lequel s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 15 octobre 2009, Audiolux e.a., C‑101/08, Rec. p. I‑9823, point 54, et la jurisprudence citée).

175    Le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 indique ce qui suit :

« Le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que :

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission. Ceci ne s’appliquera pas aux accords ou pratiques de nature secrète (en particulier les cartels) ;

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence ;

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ; le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne sera pas considéré comme une circonstance atténuante, puisque cette circonstance est déjà reflétée dans le montant de base ;

–        lorsque l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la [coopération de 2002] et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer ;

–        lorsque le comportement anticoncurrentiel a été autorisé ou encouragé par les autorités publiques ou la réglementation. »

176    Ainsi qu’il ressort du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission n’a aucune obligation de toujours prendre en compte séparément chacune des circonstances atténuantes énumérées : elle « peut » réduire le montant de base. Si les circonstances énumérées dans la liste figurant au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 sont certainement parmi celles qui peuvent être prises en compte par la Commission dans un cas donné, celle-ci n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique dès qu’une entreprise avance des éléments de nature à indiquer la présence d’une de ces circonstances, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction du montant de l’amende au titre des circonstances atténuantes devant être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. En effet, l’adoption des lignes directrices n’a pas privé de pertinence la jurisprudence antérieure selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction des circonstances de l’espèce. Ainsi, en l’absence d’indication de nature impérative dans les lignes directrices en ce qui concerne les circonstances atténuantes qui peuvent être prises en compte, il convient de considérer que la Commission a conservé une certaine marge pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes (voir arrêt du Tribunal du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié au Recueil, point 240, et la jurisprudence citée).

177    En l’espèce, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait dû prendre en considération la non-participation de MEI et de MTPD aux réunions verre européennes, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il résulte de l’analyse des deuxième et troisième moyens, que la Commission a considéré, à bon droit, que les requérantes avaient participé, par le biais de contacts bilatéraux, à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, étendue à l’ensemble du territoire de l’EEE, consistant en des accords et des pratiques concertées visant à s’entendre sur les prix et la production ainsi qu’à échanger des informations commerciales sensibles entre concurrents. Compte tenu du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, la Commission pouvait considérer, au vu de l’ensemble de ces éléments, que le bénéfice de circonstances atténuantes n’était pas justifié.

178    Les requérantes n’ont pas davantage établi qu’elles s’étaient opposées à l’entente au point d’en perturber le bon fonctionnement, standard qui est pourtant imposé par la jurisprudence afin de reconnaître une absence de mise en œuvre de l’entente justifiant une réduction du montant de l’amende au titre des circonstances atténuantes. En effet, selon la jurisprudence, la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle s’est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause. Le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents pour partager les marchés est établie, ne s’est pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger (voir arrêt Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, point 176 supra, point 248, et la jurisprudence citée).

179    Il s’ensuit que la Commission n’a pas dépassé les limites du pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière en ne retenant pas, à titre de circonstance atténuante qui justifierait une réduction du montant de l’amende, le fait, à le supposer établi, que les requérantes n’ont pas participé à tous les éléments constitutifs de l’entente en cause. En effet, s’agissant de la responsabilité pour l’infraction en tant que telle, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une entreprise n’a pas directement participé à tous les éléments constitutifs d’une entente globale ne saurait la disculper de la responsabilité de l’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, s’il est établi, comme en l’espèce, qu’elle devait nécessairement savoir, d’une part, que la collusion à laquelle elle participait s’inscrivait dans un plan global et, d’autre part, que ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Chalkor/Commission, T‑21/05, Rec. p. II‑1895, point 91, et la jurisprudence citée).

180    Par ailleurs, les requérantes n’expliquent pas en quoi, en ne leur reconnaissant pas le bénéfice d’une circonstance atténuante de ce fait, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité ou le principe d’égalité de traitement.

181    Même à supposer que, par leur argumentation, les requérantes visent à établir que leur rôle était exclusivement passif dans l’entente, il y a lieu de relever, d’une part, que, comme l’indique la Commission dans la duplique, si cette circonstance était expressément mentionnée en tant que circonstance atténuante éventuelle dans les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), elle ne figure plus parmi les circonstances atténuantes pouvant être retenues en application des lignes directrices de 2006. Ainsi, cela manifeste un choix politique délibéré de ne plus « encourager » le comportement passif des participants à une infraction aux règles de concurrence. Or, ce choix relève de la marge d’appréciation de la Commission dans la détermination et la mise en œuvre de la politique de concurrence.

182    D’autre part, la position « exclusivement passive ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction implique, par définition, l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 167). Il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente de même que l’existence de déclarations expresses quant au rôle joué par cette entreprise dans l’entente et émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction, en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce (voir arrêt Cheil Jedang/Commission, précité, point 168, et la jurisprudence citée).

183    Or, en l’espèce, les requérantes ont participé à un nombre non négligeable de réunions de l’entente, dont le caractère anticoncurrentiel a été établi, et ont reconnu avoir fourni certaines informations à leurs concurrents. Quand bien même ces informations auraient été erronées ou disponibles par ailleurs, les requérantes n’en ont pas moins donné l’impression à leurs concurrents qu’elles prenaient part à l’entente et ont, ainsi, contribué à l’encourager. En outre, aucun des participants à l’entente en cause n’a indiqué que les requérantes avaient adopté un « profil bas » au cours de l’infraction. Pour ces raisons, il ne peut être considéré que leur rôle a été exclusivement passif.

184    Au demeurant, ainsi que l’a constaté la Commission au considérant 1069 de la décision attaquée, la part de marché prétendument marginale de MTPD dans l’EEE se reflétait dans la valeur de ses ventes et ne devait pas être prise en compte séparément aux fins du calcul du pourcentage du montant de base de l’amende à infliger.

185    Il s’ensuit que la Commission n’a pas dépassé les limites du pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière en ne retenant pas, à titre de circonstance atténuante justifiant une réduction du montant de l’amende, le prétendu rôle exclusivement passif et marginal des requérantes.

186    Dans ces conditions, le Tribunal constate qu’aucun autre motif pouvant se rattacher à l’argumentation des requérantes développée à l’appui de la présente branche ne permet de considérer que les montants des amendes seraient inappropriés, compte tenu, d’une part, de la gravité et de la durée de l’infraction que les requérantes ont commise et, d’autre part, de la nécessité d’imposer aux requérantes des amendes d’un montant dissuasif.

187    Le Tribunal estime, par ailleurs, qu’aucun motif lié à un moyen d’ordre public qu’il est tenu de soulever d’office (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, Rec. p. I‑12789, point 104), ne justifie en outre qu’il fasse usage de son pouvoir de réformation pour supprimer ou réduire le montant des amendes.

188    Par suite, la seconde branche du moyen invoqué à l’appui du deuxième chef de conclusions, tendant à la suppression ou à la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes, doit être rejetée.

 Sur l’exercice de la compétence de pleine juridiction et sur la détermination finale du montant des amendes infligées aux requérantes

189    Il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté à l’issue de l’examen de la première branche invoquée par les requérantes à l’appui de leur deuxième chef de conclusions, la Commission s’est écartée du paragraphe 15 des lignes directrices de 2006 lors de la fixation du montant de base des amendes infligées à celles-ci, sans fournir de justification objective. Il convient, pour le Tribunal, conformément à la jurisprudence citée au point 155 ci-dessus, de tenir compte de cette circonstance dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction.

190    Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant le montant des amendes à infliger aux requérantes sur la base des données relatives à la valeur des ventes qu’elles ont fournies en réponse à la demande de renseignements de la Commission et qu’elles ont reproduites dans leurs écritures devant le Tribunal, telles que précisées dans leurs réponses aux questions visées aux points 32 et 169 ci-dessus. Le montant ainsi établi s’élève à 128 866 000 euros, en ce qui concerne Panasonic, pour sa participation directe à l’entente CPT, avant la création de MTPD ; à 82 826 000 euros, en ce qui concerne l’amende infligée solidairement et conjointement à Panasonic, Toshiba et MTPD, et à 7 530 000 euros, en ce qui concerne l’amende infligée solidairement et conjointement à Panasonic et MTPD.

 Sur les dépens

191    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs chaque partie supporte ses propres dépens.

192    En l’espèce, la première branche du moyen unique invoqué par les requérantes à l’appui de leur deuxième chef de conclusions, visant à la réformation de la décision attaquée, a été accueillie par le Tribunal. Dès lors, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant des amendes infligées par l’article 2, paragraphe 2, sous f), h) et i), de la décision C (2012) 8839 final de la Commission, du 5 décembre 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.437 – Tubes cathodiques pour téléviseurs et écrans d’ordinateur), est fixé à 128 866 000 euros, en ce qui concerne Panasonic Corp., pour sa participation directe à l’infraction concernant le marché des tubes cathodiques couleur pour téléviseurs, à 82 826 000 euros, en ce qui concerne Panasonic, Toshiba Corp. et MT Picture Display Co. Ltd, conjointement et solidairement, et à 7 530 000 euros, en ce qui concerne Panasonic et MT Picture Display, conjointement et solidairement.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2015.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Requérantes et produit concerné

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit d’être entendu

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de ce que la Commission n’aurait pas prouvé que les requérantes avaient connaissance de l’existence ou du contenu de l’entente et qu’elles ont participé à une infraction unique et continue

– Sur la période antérieure à la création de MTPD

– Sur la période postérieure à la création de MTPD

Sur le deuxième chef de conclusions, tendant à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

Observations liminaires

Sur le moyen unique, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans le calcul du montant de l’amende

– Sur la méthodologie utilisée pour la détermination de la valeur des ventes

– Sur l’existence de circonstances atténuantes

Sur l’exercice de la compétence de pleine juridiction et sur la détermination finale du montant des amendes infligées aux requérantes

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2 Données confidentielles occultées.