Language of document : ECLI:EU:T:2021:801

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

11 novembre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pension – Transfert des droits à pension nationaux – Décision fixant le nombre d’annuités – Compétence liée – Recours en annulation et en indemnité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Absence d’engagement d’une procédure en manquement – Irrecevabilité – Demande d’injonction – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire T‑77/21,

QC, représenté par Me F. Moyse, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Martin, B. Mongin et Mme M. Brauhoff, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de l’avis de fixation des droits à pension du 6 avril 2020, et, d’autre part, à obtenir réparation des préjudices matériel et moral que le requérant aurait subis,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, QC, a travaillé pendant une durée totale de 48 ans auprès de différents employeurs : du 5 avril 1972 au 30 avril 1989, à la Caja de Ahorros de Madrid (Caisse d’épargne de Madrid, Espagne), en cotisant auprès de l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (Institut national de la sécurité sociale, Espagne) (ci-après l’« INSS » ou l’« autorité nationale de sécurité sociale »), du 1er mai 1989 au 15 septembre 1996, à l’Office européen des brevets (OEB), en cotisant au régime de sécurité sociale de ladite organisation, du 16 septembre 1996 au 30 septembre 2000, à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en cotisant auprès du régime des pensions des institutions de l’Union européenne (ci-après le « RPIUE »), puis du 1er octobre 2000 au 30 avril 2020, à la Commission en tant que fonctionnaire, en cotisant auprès du RPIUE.

2        Le 8 mai 2000, le requérant a demandé le transfert des droits à pension acquis en Espagne au RPIUE, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

3        À la suite de divers échanges relatifs à des propositions de transfert entre le requérant et la Commission, une proposition de transfert formulée le 25 mars 2002, reprenant à son compte le dernier calcul effectué par les autorités espagnoles et fixant le nombre d’annuités à prendre en compte auprès du RPIUE à 2 ans, 10 mois et 8 jours, correspondant à un montant de 4 411 078 pesetas espagnoles (ESP) (26 511,11 euros), a finalement été acceptée par le requérant en date du 24 mai 2002, ce dernier ayant toutefois précisé qu’il se réservait un droit de recours.

4        Le transfert dudit montant de 4 411 078 ESP (26 511,11 euros), majoré des intérêts applicables de 337 962 ESP (2031,19 euros), soit un montant total de 4 749 039 ESP (28 542,30 euros), a été confirmé le 12 septembre 2002 par l’INSS. Cette décision de l’autorité nationale de sécurité sociale a été notifiée au requérant le même jour.

5        Afin de déterminer la base du calcul du montant transférable, l’INSS s’est fondée sur une loi espagnole qui prévoirait que sont pris en compte les 96 mois précédant immédiatement la date du « fait générateur », à savoir la date d’entrée au service de l’Union. Selon la même loi, lorsque la période à prendre en compte pour déterminer la base de calcul comporte des mois durant lesquels il n’était pas obligatoire de cotiser, les cotisations manquantes devraient alors être complétées sur la base, moins favorable, des cotisations minimales en vigueur à la période concernée.

6        L’INSS a pris en compte la date du 16 septembre 1996 comme « fait générateur ». Étant donné que, sur les 96 mois précédant le « fait générateur », le requérant avait travaillé 88 mois à l’OEB et avait cotisé au régime de pension de cette organisation, sur la base de la loi espagnole susmentionnée, l’INSS a intégré la période de travail pour l’OEB au calcul des cotisations correspondant à cette période en prenant pour base les assiettes minimales de cotisation et a pris en compte seulement 8 mois de cotisations, correspondant à la période d’affiliation au système espagnol de sécurité sociale, à savoir de septembre 1988 à avril 1989.

7        Le requérant a contesté devant les autorités espagnoles le calcul effectué par l’INSS du montant transférable au RPIUE, notamment concernant la période à prendre en compte pour déterminer la base dudit calcul. Selon le requérant, cette base aurait dû être la période de 96 mois de cotisations réelles dans le système espagnol entre le 1er janvier 1981 et le 30 avril 1989. À la suite du rejet par l’INSS de sa réclamation préalable, il a introduit un recours le 3 février 2003 auprès du Juzgado de lo Social no 12 de Madrid (tribunal du travail no 12 de Madrid, Espagne), juridiction devant laquelle il a obtenu gain de cause. La décision de cette juridiction a cependant été annulée, en date du 3 décembre 2003, par le Tribunal Superior de Justicia de la Communidad de Madrid (Cour supérieure de justice de la Communauté de Madrid, Espagne). Les recours postérieurs formés par le requérant devant cette juridiction en cassation et le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne) ont été déclarés irrecevables par les décisions respectives des 17 février 2005 et 3 juillet 2006.

8        Le 1er décembre 2004, à la suite de la réforme du statut de la même année, la Commission a recalculé les droits à pension du requérant, correspondant au montant de 4 749 039 ESP (28 542,30 euros) préalablement transférés en septembre 2002 par l’INSS. Elle a notifié au requérant que le nombre d’annuités à prendre en compte au titre du transfert dans le décompte de ses droits à pension dans le RPIUE avait été augmenté à 3 ans et 1 mois.

9        Le 5 septembre 2006, le requérant a introduit une plainte auprès de la direction générale (DG) « Emploi, affaires sociales et inclusion » (ci-après la « DG “Emploi”») de la Commission, pour violation du droit de l’Union par le Royaume d’Espagne. La DG « Emploi » a rejeté la plainte du requérant par décision du 22 septembre 2006 et transféré cette dernière à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (ci-après le « PMO ») qui, à son tour, a rejeté la plainte par une décision du 6 octobre 2006. Le requérant a introduit une deuxième plainte le 25 janvier 2010, qui a été rejetée par la DG « Emploi » par décision du 10 mars 2010. Une troisième plainte, introduite le 7 mai 2010, a donné lieu à une mise en demeure adressée le 1er octobre 2012 au gouvernement espagnol pour violation des articles 45 et 48 TFUE. La Commission a finalement décidé de classer la plainte à la suite des échanges entre ses services et en a informé le requérant le 27 février 2014. Le requérant a également saisi le Médiateur européen et déposé une pétition auprès du Parlement européen, sans obtenir de suite favorable à ses demandes.

10      À l’occasion de la mise à la retraite du requérant, le PMO lui a adressé un avis de fixation des droits à pension en date du 6 avril 2020, fixant ces derniers à 65,50 %.

11      Le 6 juillet 2020, le requérant a introduit une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de l’avis précité. La Commission n’a pas répondu à ladite réclamation dans un délai de quatre mois, formant ainsi, au 8 novembre 2020, une décision implicite de rejet conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2021, le requérant a introduit le présent recours. Par acte séparé du même jour, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat, qui lui a été accordé le 19 mars 2021.

13      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 23 avril 2021, régularisé le 12 mai 2021, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure. Le requérant a présenté ses observations sur cette exception d’irrecevabilité le 25 juin 2021.

14      Dans la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision implicite de rejet de la réclamation du 8 novembre 2020 ;

–        ordonner le recalcul de ses droits à pension avec effet au 1er mai 2020 sur la base de l’ensemble des cotisations réelles dans le système social espagnol ;

–        lui allouer le paiement de la différence entre le montant qu’il devrait obtenir au titre d’une pension de vieillesse et le montant qu’il a effectivement perçu depuis le 1er mai 2020 jusqu’à la date de recalcul des droits à pension ou jusqu’à la future annulation de la décision implicite de rejet attaquée, montant auquel il conviendrait d’ajouter les intérêts aux taux appliqués par la Banque centrale européenne (BCE) ;

–        lui allouer le montant de 25 000 euros au titre du dommage matériel ;

–        lui allouer le montant de 50 000 euros au titre du dommage moral ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

16      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours recevable.

 En droit

17      En vertu de l’article 130 du règlement de procédure, lorsque, par acte séparé, le défendeur demande au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence, sans engager le débat au fond, ce dernier doit statuer sur la demande dans les meilleurs délais, le cas échéant après avoir ouvert la phase orale de la procédure. En outre, en vertu de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

18      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur les conclusions en annulation 

19      Il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 63 et jurisprudence citée). La décision implicite de rejet de la réclamation du 8 novembre 2020, dont le requérant demande l’annulation, n’ayant pas de contenu autonome, les présentes conclusions en annulation doivent être regardées comme étant dirigées contre l’avis de fixation des droits à pension du 6 avril 2020 (ci-après la « décision attaquée »).

20      Au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation des articles 45 et 48 TFUE, de l’article 77 du statut, de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du même statut, de l’article 6 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1) ainsi que du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2). Dans le cadre de ce moyen, le requérant fait valoir, en substance, que la Commission a validé une méthode de calcul utilisée par l’INSS qui est incompatible avec le droit de l’Union et le prive de l’intégralité de ses droits à pension.

21      La Commission soutient, à l’appui de son exception d’irrecevabilité, que le recours est irrecevable pour deux motifs.

22      En premier lieu, la Commission indique que la décision attaquée ne fait pas grief au requérant en ce qui concerne sa situation juridique relative au transfert des droits à pension. Selon la Commission, c’est une décision de 2002 fixant le nombre d’annuités reconnues auprès du RPIUE à la suite du transfert des droits à pension acquis auprès du système de sécurité sociale espagnol qui constituerait l’acte faisant grief concernant les droits du requérant relatifs audit transfert.

23      En second lieu, la Commission estime que, même à supposer que la décision attaquée fasse grief en ce qui concerne le transfert des droits à pension du requérant, le recours serait irrecevable. Il viserait, en effet, en réalité à contester la validation de la méthode de calcul des droits à pension appliquée par les autorités nationales aux fins du transfert en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Or, cette méthode de calcul relèverait du droit national et, de ce fait, échapperait au contrôle juridictionnel du Tribunal.

24      Le requérant conteste les arguments de la Commission.

25      En premier lieu, concernant la nature de la décision attaquée, le requérant indique que la Commission admet elle-même que la décision de 2002, qu’elle invoque comme étant l’acte qui aurait dû être attaqué, ne figure pas au dossier personnel du requérant. Or, le requérant fait valoir que c’est une décision du PMO, qui relève de la Commission, qui aurait dû être adoptée afin de fixer la bonification d’annuités. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal, ce serait la décision adoptée une fois réalisé le transfert du capital représentant les droits à pension acquis par l’intéressé avant son entrée en fonction (ci-après la « décision adoptée une fois le transfert réalisé »), qui pourrait violer les droits de celui-ci. Le requérant indique que la décision adoptée une fois le transfert réalisé est la décision attaquée, dans la mesure où aucune autre décision en ce sens ne lui a été communiquée auparavant par la Commission.

26      À titre subsidiaire, le requérant précise que même si, par extraordinaire, la décision attaquée ne devait pas être considérée comme constituant la décision adoptée une fois le transfert réalisé, la décision attaquée lui ferait grief. En effet, selon le requérant, il s’agit de la décision fixant ses droits à pension et le montant de la pension qu’il perçoit mensuellement. Ainsi, elle affecte directement ses droits et sa situation financière et ladite décision ne saurait être déterminée sur la base d’un calcul et de données contraires aux principes fondamentaux du droit de l’Union.

27      En second lieu, le requérant considère erronée l’affirmation de la Commission, selon laquelle il contesterait en réalité une décision de l’autorité nationale relative au calcul du montant de ses droits à pension à transférer au RPIUE. Il fait valoir qu’il a bien attaqué une décision de la Commission qui valide le transfert du capital représentant ses droits à pension acquis avant son entrée en fonction et qui détermine ses droits et le montant de sa pension. Le requérant précise que, dès lors que la décision émane de la Commission, celle-ci peut faire l’objet d’un contrôle du Tribunal. En outre, il indique que, bien que les autorités nationales disposent d’un large pouvoir d’appréciation, la Commission conserve malgré tout l’obligation de veiller au respect des dispositions du traité FUE. Le requérant en conclut que la Commission n’est pas en droit de valider une décision d’une autorité nationale de sécurité sociale qui est contraire au droit de l’Union et que le Tribunal peut, par conséquent, contrôler la décision attaquée.

28      Il convient d’emblée d’observer que, dans la mesure où le requérant indique expressément qu’il n’entend pas contester la décision de l’INSS relative au calcul de ses droits à pension à transférer au RPIUE, mais la décision de la Commission qui s’est fondée sur celle-ci, le contrôle de la légalité de ladite décision de la Commission relève de la compétence exclusive du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 42). Le requérant soutient ainsi que la Commission a violé le droit de l’Union lorsqu’elle a, dans la décision attaquée, validé le calcul résultant de la méthode utilisée par l’autorité nationale de sécurité sociale. Il y a donc lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission dans l’exception d’irrecevabilité, le Tribunal est compétent pour examiner la légalité de la décision attaquée.

29      Quant au moyen unique du requérant, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la nature de la décision attaquée et donc sur le motif d’irrecevabilité qui s’y rapporte soulevé par la Commission, il convient de rappeler que, lorsqu’un acte national s’intègre dans le cadre d’un processus de décision de l’Union et, du fait de la répartition des compétences opérée dans le domaine considéré, lie l’instance de décision de l’Union et détermine, par conséquent, les termes de la décision de l’Union à intervenir, les irrégularités dont cet acte national est éventuellement entaché ne peuvent, en aucun cas, affecter la validité de la décision de l’instance de l’Union (voir ordonnance du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement, T‑215/07 R, EU:T:2007:344, point 91 et jurisprudence citée).

30      Or, en matière de droits à pension, il ressort de la jurisprudence que les modalités de calcul de ce montant relèvent de la seule compétence de l’autorité nationale ou internationale qui administre le régime de pension auquel l’intéressé a été affilié antérieurement à son entrée en service auprès des institutions de l’Union (arrêt du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottili/Commission, 75/88, 146/88 et 147/88, EU:C:1989:410, point 17).

31      En effet, les décisions relatives, d’une part, au calcul du montant des droits à pension à transférer et, d’autre part, à la conversion de ces droits en annuités à prendre en compte dans le régime de pension de l’Union se situent dans des ordres juridiques différents et relèvent chacune des contrôles juridictionnels propres à ces ordres. Seules les autorités et juridictions nationales sont compétentes pour connaître des demandes ou des contentieux relatifs aux décisions portant calcul des droits acquis par les fonctionnaires de l’Union dans les régimes nationaux de pensions et il appartient aux fonctionnaires intéressés de porter de telles demandes ou de tels contentieux devant ces autorités et juridictions, conformément aux procédures prévues par le droit national applicable (voir arrêt du 18 décembre 2008, Belgique et Commission/Genette, T‑90/07 P et T‑99/07 P, EU:T:2008:605, point 57 et jurisprudence citée).

32      En cas de transfert des droits à pension, l’institution de l’Union n’a d’autre obligation que de transformer en annuités à prendre en compte dans son propre régime de pension le montant de l’équivalent actuariel, établi par l’organisme gestionnaire du régime de pension antérieur en fonction des droits acquis dans ce régime (arrêt du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottili/Commission, 75/88, 146/88 et 147/88, EU:C:1989:410, point 17). Lorsque, ce faisant, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et des dispositions générales adoptées en vue de son exécution, cette institution détermine concrètement le nombre d’annuités à reconnaître à l’intéressé dans le régime de pension de l’Union à la suite du transfert du capital représentant ses droits à pension acquis dans un autre régime, elle exerce une compétence liée et ne dispose donc d’aucune marge d’appréciation (arrêt du 13 octobre 2015, Teughels/Commission, T‑131/14 P, EU:T:2015:778, point 38).

33      Il résulte de ce qui précède que, lors de la fixation du nombre d’annuités reconnues auprès du RPIUE en fonction du montant des droits à pension à transférer calculés par l’autorité nationale de sécurité sociale, la Commission n’avait pas le pouvoir d’examiner une éventuelle incompatibilité avec le droit de l’Union de l’acte par lequel cette autorité a calculé ledit montant. C’était aux juridictions espagnoles de connaître des éventuelles irrégularités entachant ledit acte et il ressort d’ailleurs des écritures du requérant qu’il les en a saisies.

34      Il ne saurait en conséquence être reproché à la Commission de ne pas avoir, dans la décision attaquée, contrôlé la compatibilité dudit acte avec le droit de l’Union. Le moyen unique du requérant doit donc être rejeté. Partant, les conclusions en annulation sont donc manifestement dépourvues de tout fondement en droit.

 Sur les conclusions indemnitaires

35      Le requérant demande au Tribunal, dans ses conclusions indemnitaires, de condamner la Commission à lui payer diverses indemnités ou sommes en réparation des préjudices matériel et moral qu’il prétend avoir subis.

36      En particulier, par son troisième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de lui allouer le paiement de la différence entre le montant qu’il devrait obtenir au titre d’une pension de vieillesse et le montant qu’il a effectivement perçu depuis le 1er mai 2020 jusqu’à la date du recalcul des droits à pension ou jusqu’à la future date d’annulation de la décision attaquée, montant auquel il conviendrait d’ajouter les intérêts aux taux appliqués par la BCE.

37      Le requérant demande au Tribunal, par son quatrième chef de conclusions, de lui allouer le versement d’une indemnité de 25 000 euros, au titre du dommage matériel qu’il aurait subi en raison des procédures qu’il a dû engager devant les autorités espagnoles, la Commission, le Parlement et le Médiateur.

38      Par son cinquième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de lui allouer une indemnité d’un montant de 50 000 euros au titre du préjudice moral qu’il aurait subi, dans la mesure où il a dû continuer à travailler pour les services de l’Union jusqu’à ses 65 ans alors qu’il aurait dû avoir droit à une pension de vieillesse à l’âge de 62 ans et 2 mois et en raison du fait qu’il a effectué des démarches pendant 20 ans afin de faire valoir ses droits.

39      Enfin, le requérant semble invoquer un préjudice résultant du refus de la Commission d’ouvrir une procédure en constatation de manquement contre le Royaume d’Espagne.

40      La Commission soutient que les troisième à cinquième chefs de conclusions sont irrecevables dans la mesure où ils sont étroitement liés aux conclusions en annulation.

41      Concernant le préjudice résultant du refus de la Commission d’ouvrir une procédure d’infraction contre le Royaume d’Espagne, la Commission relève qu’elle n’est pas tenue d’engager une telle procédure, mais qu’elle dispose au contraire d’un « pouvoir d’appréciation discrétionnaire » excluant le droit pour les particuliers d’exiger d’elle qu’elle prenne une position dans un sens déterminé, ce qui rendrait ce chef de conclusions également irrecevable.

42      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant indique en réponse aux arguments de la Commission que, le recours étant recevable, les demandes indemnitaires le sont également.

43      À cet égard, s’agissant des troisième à cinquième chefs de conclusions, il convient de préciser que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation, qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables soit comme non fondées (voir ordonnance du 31 mars 2020, AP/FEI, T‑155/19, non publiée, EU:T:2020:136, point 49 et jurisprudence citée).

44      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que tel est manifestement le cas en l’espèce pour les troisième à cinquième chefs de conclusions. Ceux-ci se rapportent, en effet, au montant perçu au titre de la pension de vieillesse du requérant, aux frais engagés pour les procédures introduites afin d’obtenir la reconnaissance de ses droits à pension et au préjudice moral prétendument subi en raison de l’absence de vérification de la part de la Commission de la compatibilité avec le droit de l’Union de la méthode de calcul de ses droits à pension utilisée par les autorités nationales, ce qui a eu pour conséquence l’absence de reconnaissance de l’intégralité de ses droits à pension. Ces chefs de conclusions doivent en conséquence être rejetés comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

45      Quant au préjudice qui résulterait du refus de la Commission d’ouvrir une procédure d’infraction contre le Royaume d’Espagne, il suffit de relever que, dans la mesure où la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, sa décision de ne pas engager une telle procédure n’est, en tout état de cause, pas constitutive d’une illégalité, de sorte qu’elle n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (ordonnance du 7 juillet 2021, Anthrakefs/Allemagne e.a., T‑16/21, non publiée, EU:T:2021:474, point 15).

46      Par conséquent, un tel chef de conclusions indemnitaires doit être rejeté comme étant irrecevable (ordonnance du 16 février 2021, Ungureanu/Commission, T‑753/19, non publiée, EU:T:2021:90, point 27).

47      Partant, les demandes indemnitaires du requérant sont en partie manifestement dépourvues de tout fondement en droit et en partie irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonné le recalcul des droits à pension du requérant

48      Selon une jurisprudence constante, le Tribunal ne saurait adresser des injonctions aux administrations (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 155 et jurisprudence citée).

49      Or, en sollicitant du Tribunal qu’il ordonne le recalcul de ses droits à pension, le requérant demande précisément qu’une injonction soit adressée à la Commission. Le deuxième chef de conclusions doit donc être rejeté en raison de l’incompétence manifeste du Tribunal pour en connaître.

50      Au vu de tout ce qui précède, le présent recours doit être rejeté, en partie, comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, en partie, comme étant irrecevable et, en partie, en raison de l’incompétence manifeste du Tribunal pour en connaître.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en partie comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, en partie comme étant irrecevable et en partie en raison de l’incompétence manifeste du Tribunal pour en connaître.

2)      QC est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 novembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

H. Kanninen


*      Langue de procédure : le français.