Language of document : ECLI:EU:T:2009:111

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 avril 2009 (*)

« Recours en annulation − Règlement (CE) n° 248/2008 − Régime des quotas laitiers − Augmentation des quotas nationaux de lait − Absence d’affectation individuelle − Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑217/08,

Bundesverband Deutscher Milchviehhalter eV, établie à Bonn (Allemagne),

Romuald Schaber, demeurant à Petersthal (Allemagne),

Stefan Mann, demeurant à Eberdorfergrund (Allemagne),

Walter Peters, demeurant à Körchow (Allemagne),

représentés par Mes W. Renner et O. Schniewind, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme Z. Kupčová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes H. Tserepa‑Lacombe et M. Vollkommer, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 248/2008 du Conseil, du 17 mars 2008, modifiant le règlement (CE) n° 1234/2007 en ce qui concerne les quotas nationaux de lait (JO L 76, p. 6),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. M. Ciucă, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige et procédure

1        La première partie requérante, le Bundesverband Deutscher Milchviehhalter eV, est une association regroupant des éleveurs de vaches laitières, originaires de l’ensemble du territoire de la République fédérale d’Allemagne, et qui a pour objet la représentation des intérêts des producteurs de lait en activité sur ledit territoire, afin d’améliorer leur situation économique et sociale. Les autres parties requérantes, MM. Romuald Schaber, Stefan Mann et Walter Peters, sont des exploitants agricoles, spécialisés dans l’élevage de bétail laitier, qui exercent leurs activités en Allemagne.

2        Le 17 mars 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 248/2008 modifiant le règlement (CE) n° 1234/2007 en ce qui concerne les quotas nationaux de lait (JO L 76, p. 6).

3        Le règlement n° 248/2008 comporte les considérants suivants :

« (1) L’annexe IX du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement ‘OCM unique’) [JO L 299, p. 1] établit les quotas nationaux de lait pour sept périodes de douze mois, à compter du 1er avril 2008, dans le cadre du régime de quotas laitiers pour la maîtrise de la production.

(2)      L’article 66, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1234/2007 prévoit que ces quotas sont fixés sous réserve d’une éventuelle révision en fonction de la situation générale du marché et des conditions particulières existant dans certains États membres.

(3)      Le Conseil a demandé que la Commission réalise un rapport sur les perspectives de marché, une fois que les réformes de 2003 portant sur l’organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers auront été pleinement mises en œuvre en vue d’évaluer l’opportunité d’une allocation de quotas supplémentaires.

(4)      Le rapport a été réalisé et sa conclusion est que la situation actuelle des marchés communautaire et mondial et les projections relatives à leur situation jusqu’en 2014 justifient une augmentation supplémentaire des quotas de 2 % afin de faciliter la production de quantités plus importantes de lait à l’intérieur de la Communauté et de satisfaire les exigences du marché en matière de produits laitiers.

(5)      Il est approprié, en conséquence, d’augmenter les quotas de tous les États membres indiqués à l’annexe IX du règlement (CE) n° 1234/2007 de 2 % à compter du 1er avril 2008. »

4        L’article 1er du règlement n° 248/2008 prévoit que le point 1 de l’annexe IX du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO L 299, p. 1), est remplacé par un texte figurant en annexe et mentionnant, pour chacun des États membres, les nouveaux quotas laitiers nationaux. En ce qui concerne l’Allemagne, le quota de 28 281 784, 697 tonnes a été remplacé par un quota de 28 847 420, 391 tonnes, ce qui représente une augmentation de 565 635, 694 tonnes.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2008, les parties requérantes ont introduit le présent recours.

6        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 24 septembre 2008, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

7        Les parties requérantes ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 10 novembre 2008.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 septembre 2008, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 7 novembre 2008, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le 5 janvier 2009, la Commission a déposé son mémoire en intervention limité à la recevabilité.

 Conclusions des parties

9        Les parties requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        annuler le règlement n° 248/2008 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

10      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner les parties requérantes aux dépens.

 En droit

11      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par le Conseil sans ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

12      Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que le recours est irrecevable au motif que les parties requérantes ne sont pas directement et individuellement concernées par le règlement n° 248/2008, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

13      Les parties requérantes contestent cette allégation et prétendent, au contraire, qu’elles ont qualité pour agir.

14      Elles indiquent que, selon une jurisprudence constante, les associations sont habilitées à introduire un recours, même si elles ne sont pas destinataires d’un acte communautaire, lorsqu’elles représentent les intérêts de leurs membres et que ceux-ci sont eux-mêmes habilités à introduire un recours, ce qui est incontestablement le cas en l’espèce de l’association requérante.

15      S’agissant, plus particulièrement, de la condition tenant à l’affectation individuelle, les parties requérantes font valoir que la jurisprudence admet que cette condition est satisfaite, dans l’hypothèse d’un recours en annulation introduit contre un règlement, lorsque :

–        le nombre et l’identité des personnes concernées sont déjà connus au moment de l’adoption du règlement en cause et que ce dernier représente donc, selon des critères objectifs, un ensemble de décisions individuelles ;

–        des droits de participation, d’information et d’intervention sont accordés à l’intéressé dans la procédure conduisant à l’adoption du règlement, droits qui l’individualisent de manière spécifique ;

–        le règlement porte atteinte à certains droits spécifiques au requérant ou à une partie déterminable des destinataires de la norme, qui les distinguent donc du groupe des destinataires.

16      Les parties requérantes indiquent que, au moment de l’adoption du règlement n° 248/2008, les producteurs de lait concernés étaient parfaitement connus. Il ne s’agirait donc pas d’un règlement général concernant un nombre indéterminé de citoyens de l’Union européenne, mais d’un règlement qui modifierait exclusivement et définitivement la position juridique des actuels producteurs de lait de l’Union européenne. Le cercle de personnes concernées est, selon les parties requérantes, clairement défini et la question de savoir dans quelle mesure d’autres personnes dans la même situation sont également affectées par l’augmentation des quotas de lait serait dénuée d’importance.

17      La condition tenant à l’affectation individuelle serait également satisfaite lorsque l’acte communautaire attaqué affecte, d’une manière certaine et actuelle, la situation juridique des personnes qu’il concerne en restreignant leurs droits et en leur imposant des obligations.

18      Or, les éleveurs de bétail laitier, dont les revenus dépendraient du prix du lait, seraient affectés d’une manière certaine et actuelle par l’augmentation des quotas nationaux de lait prévue par le règlement n° 248/2008, et ce du fait d’une détérioration durable de leur situation financière. En effet, l’augmentation desdits quotas aurait pour conséquence directe un accroissement des quantités de lait produites, ce qui entraînerait une pression sur le prix du lait, lequel aurait déjà fortement chuté en Allemagne. Différentes études internationales mettraient en évidence cet impact négatif du règlement n° 248/2008 sur le marché du lait. Une telle situation aboutirait à limiter le droit fondamental des parties requérantes à la liberté professionnelle et à la propriété.

19      En outre, compte tenu d’une « structure de production régionalement caractéristique », les parties requérantes seraient particulièrement dépendantes des droits que leur conférerait la réglementation en matière de quotas laitiers, ce qui les distinguerait clairement du groupe des destinataires généraux de la norme.

20      Les parties requérantes font ainsi valoir qu’une partie de la production laitière européenne provient, notamment dans le sud de l’Allemagne, de petites exploitations familiales qui produisent dans le respect de la tradition et des ressources naturelles, avec un petit nombre de têtes de bétail. Une augmentation des quotas entraînerait une offre largement excédentaire et donc une baisse considérable du prix du lait et des revenus de ces petits producteurs, dont les coûts de production seraient déjà supérieurs à ceux des grandes exploitations, ce qui conduirait à une cessation d’activité desdits producteurs.

21      Les parties requérantes allèguent, enfin, que la recevabilité du présent recours est indispensable pour leur assurer une protection juridictionnelle effective, garantie par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1), et par la jurisprudence communautaire.

22      Elles relèvent, à cet égard, que le système juridique allemand ne prévoit pas que les règlements communautaires puissent être soumis à un contrôle juridictionnel. L’absence de voie de recours direct contre une mesure communautaire prise sous forme de règlement ne serait pas compensée par la compétence de la Cour pour apprécier la validité de l’acte communautaire sur renvoi préjudiciel d’une juridiction nationale ou par la possibilité d’introduire une action en dommages et intérêts pour responsabilité non contractuelle, conformément à l’article 235 CE et à l’article 288, deuxième alinéa, CE.

23      S’agissant du renvoi préjudiciel, les parties requérantes soulignent qu’il faudrait enfreindre une mesure d’une autorité allemande chargée de la mise en œuvre du régime des quotas laitiers afin de provoquer l’adoption d’une décision nationale faisant grief à l’éleveur concerné. Il ne serait aucunement garanti qu’une décision administrative lui soit adressée, rendant ainsi impossible le déclenchement de la procédure de renvoi préjudiciel. Contrairement à l’allégation du Conseil, les marges de manœuvre des autorités nationales dans la mise en œuvre des quotas nationaux ne permettraient pas d’obtenir une protection juridique effective contre l’augmentation desdits quotas et aucune conclusion ne pourrait, par ailleurs, être tirée pour le cas d’espèce du fait que, dans d’autres affaires, des juridictions nationales aient posé des questions préjudicielles à la Cour.

24      Outre le fait que le renvoi préjudiciel est, jusqu’à un certain point, laissé à la discrétion de la juridiction de renvoi, qui peut ne pas saisir la Cour en raison d’une appréciation juridique erronée, les parties requérantes font valoir que la procédure préjudicielle entraîne un ralentissement considérable et préjudiciable de la procédure ainsi que des frais supplémentaires très élevés.

25      Le recours en responsabilité ne constituerait pas non plus une possibilité de protection juridique appropriée, dans la mesure où il ne pourrait aboutir qu’au dédommagement du préjudice causé par l’application du règlement n° 248/2008, sans écarter ce dernier du droit communautaire applicable.

 Appréciation du Tribunal

26      Il convient d’examiner, en premier lieu, la recevabilité du recours en ce qu’il est introduit par les trois exploitants agricoles.

27      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, « [t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement ».

28      Les requérants font valoir, en substance, que le règlement n° 248/2008 doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles dont ils sont les destinataires en tant que membres d’un cercle restreint d’opérateurs économiques concernés.

29      Le critère de distinction entre le règlement et la décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l’acte en question, en appréciant la nature de l’acte attaqué et, en particulier, les effets juridiques qu’il vise à produire ou produit effectivement (arrêt de la Cour du 24 février 1987, Deutz und Geldermann/Conseil, 26/86, Rec. p. 941, point 7 ; ordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C‑10/95 P, Rec. p. I‑4149, point 28, et du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C‑87/95 P, Rec. p. I‑2003, point 33). Un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit ses effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (ordonnance du Tribunal du 11 septembre 2007, Honig‑Verband/Commission, T‑35/06, Rec. p. II‑2865, point 39).

30      En l’espèce, le Tribunal relève que le règlement n° 248/2008 modifie le règlement n° 1234/2007, et ce en augmentant les quotas, prévus pour chaque État membre, pour la production de lait et d’autres produits laitiers commercialisés durant sept périodes consécutives de douze mois débutant le 1er avril 2008.

31      Il importe de souligner que, selon l’article 66, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007, les quotas nationaux susmentionnés sont répartis entre les producteurs, en distinguant les livraisons et les ventes directes. Chaque producteur peut ainsi disposer, à la date du 1er avril 2008, d’un ou de deux quotas individuels, respectivement pour la livraison et la vente directe, égaux à la ou aux quantités de référence individuelles attribuées à la date du 31 mars 2008, sans préjudice des transferts, des cessions et des conversions de quotas prenant effet à la date du 1er avril 2008 (article 67, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1234/2007).

32      L’article 65, sous c), du règlement n° 1234/2007 définit le producteur comme l’agriculteur dont l’exploitation est située sur le territoire géographique d’un État membre, qui produit et commercialise du lait ou se prépare à le faire à très bref délai.

33      Il apparaît ainsi que le règlement n° 248/2008, lu en combinaison avec l’acte qu’il modifie, s’applique à des situations déterminées objectivement et produit ses effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir les agriculteurs qui, sur le territoire de l’Union européenne, actuellement ou potentiellement, produisent et commercialisent du lait.

34      En tout état de cause, à supposer même que, au moment de l’adoption du règlement n° 248/2008, l’identité des requérants ait été effectivement connue du Conseil, il résulte d’une jurisprudence constante que la portée générale et, partant, la nature normative d’un acte ne sont pas mises en cause par la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause en relation avec la finalité de ce dernier (arrêts de la Cour du 11 juillet 1968, Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, 6/68, Rec. p. 595, 605, et du 29 juin 1993, Gibraltar/Conseil, C‑298/89, Rec. p. I‑3605, point 17 ; ordonnance du Tribunal du 8 juillet 1999, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑12/96, Rec. p. II‑2301, point 32).

35      Or, en l’espèce, les requérants sont affectés par les dispositions du règlement n° 248/2008, lu en combinaison avec le règlement n° 1234/2007 qu’il modifie, en vertu d’une situation objectivement déterminée par ces actes, à savoir en leur qualité de producteurs de lait dont l’exploitation est située sur le territoire de l’Union européenne.

36      Il s’ensuit que l’acte attaqué a une portée générale et constitue un règlement au sens de l’article 249 CE.

37      Toutefois, le fait que l’acte attaqué a, par sa nature, un caractère normatif et ne constitue pas une décision au sens de l’article 249 CE ne suffit pas, en soi, à exclure la possibilité pour les requérants d’introduire un recours en annulation contre celui-ci.

38      En effet, dans certaines circonstances, même un acte normatif s’appliquant à la généralité des opérateurs économiques intéressés peut concerner directement et individuellement certains d’entre eux (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑2501, point 13, et du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, point 19).

39      Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon la jurisprudence, une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement que si elle est atteinte, par l’acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire de la décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36).

40      En l’espèce, les requérants, loin d’être individualisés par des qualités qui leur sont particulières ou par une situation de fait qui les caractérise, sont affectés par le règlement n° 248/2008 en leur qualité objective de producteurs de lait dont l’exploitation est située sur le territoire de l’Union européenne, et ce au même titre que tout autre opérateur économique actif dans ce secteur.

41      Aucun des arguments avancés par les requérants ne permet de remettre en cause cette appréciation.

42      Les requérants font valoir, premièrement, que la condition tenant à l’affectation individuelle est satisfaite lorsque des « droits de participation, d’information et d’intervention sont accordés à l’intéressé dans la procédure conduisant à l’adoption du règlement ».

43      Force est de constater qu’il s’agit là d’une simple allégation à caractère général et que les requérants ne font état d’aucune disposition de la réglementation communautaire applicable leur conférant une position procédurale spécifique de nature à les individualiser.

44      Les requérants font valoir, deuxièmement, que l’augmentation des quotas nationaux de lait, prévue par le règlement n° 248/2008, aboutira à une détérioration de leur situation financière du fait d’une baisse du prix du lait.

45      Il suffit de constater que le préjudice économique prétendument causé aux requérants par le règlement n° 248/2008, à le supposer établi, ne les affecterait qu’en leur qualité objective de producteur communautaire de lait et ne saurait être de nature à les caractériser par rapport à tout autre producteur communautaire de lait concerné par ledit règlement.

46      De même, le fait que les requérants puissent être particulièrement touchés en tant qu’éleveurs de bétail laitier disposant de petites exploitations, situées dans des régions montagneuses, et soumis à des coûts de production élevés n’est pas une circonstance suffisante pour les individualiser au sens de l’article 230 CE. Outre le fait qu’une telle situation est celle, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, d’un grand nombre d’opérateurs concernés au même titre que les requérants par le règlement n° 248/2008, il y a lieu de rappeler, en tout état de cause, que la circonstance qu’un acte normatif puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’est pas de nature à les caractériser par rapport à tous les autres opérateurs concernés, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (arrêt du Tribunal du 22 février 2000, ACAV e.a./Conseil, T‑138/98, Rec. p. II‑341, point 66, et ordonnance du Tribunal du 21 mars 2003, Établissements Toulorge/Parlement et Conseil, T‑167/02, Rec. p. II‑1111, point 63), ce qui est incontestablement le cas en l’espèce.

47      Il y a lieu de relever que, au titre de la prétendue incidence économique négative du règlement n° 248/2008, les requérants excipent également d’une restriction à la liberté professionnelle ainsi qu’au droit de propriété, circonstance qui, à la supposer établie, ne les caractérise pas par rapport à tout autre opérateur économique concerné par le règlement n° 248/2008.

48      Par ailleurs, cette allégation des requérants n’est pas de nature à établir l’existence de droits subjectifs spécifiques, au sens de l’arrêt Codorníu/Conseil, point 38 supra, auxquels le règlement n° 248/2008 aurait porté atteinte, tout producteur communautaire de lait étant susceptible d’invoquer une restriction identique à celle visée au point précédent.

49      Les requérants prétendent, enfin, que leur droit fondamental à une protection juridictionnelle effective exige qu’ils soient considérés comme étant individuellement concernés.

50      À cet égard, après avoir rappelé que le droit à une protection juridictionnelle effective fait partie des principes généraux de droit qui découlent des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qu’il a également été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, la Cour a indiqué que le traité CE, par ses articles 230 CE et 241 CE, d’une part, et par son article 234 CE, d’autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge communautaire. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes communautaires de portée générale ont la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit, de manière incidente en vertu de l’article 241 CE, devant le juge communautaire, soit devant les juridictions nationales, et d’amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêts de la Cour Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 39 supra, points 39 et 40, et du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, points 29 et 30).

51      Contrairement à ce qu’affirment les requérants, la circonstance selon laquelle aucune voie de recours national ne serait effective dans le cas d’espèce ne saurait, à la supposer établie, justifier une modification, par la voie juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établi par les articles 230 CE, 234 CE et 241 CE, tel que rappelé au point précédent. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la recevabilité d’un recours en annulation devant le juge communautaire ne saurait dépendre de la question de savoir s’il existe une voie de recours devant une juridiction nationale permettant l’examen de la validité de l’acte dont l’annulation est demandée (voir, en ce sens, arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 39 supra, points 43 et 46, et Commission/Jégo-Quéré, point 50 supra, points 33 et 34 ; ordonnance du Tribunal du 12 janvier 2007, SPM/Commission, T‑447/05, Rec. p. II‑1, point 82). En aucun cas, une telle circonstance ne permet de déclarer recevable un recours en annulation formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE (ordonnance de la Cour du 1er février 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, C‑301/99 P, Rec. p. I‑1005, point 47), étant rappelé qu’il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 39 supra, point 41).

52      Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a affirmé, le fait pour un justiciable de ne pas être admis à introduire un recours en annulation à l’encontre des mesures qu’il conteste n’implique pas qu’il soit privé d’un accès au juge, puisque le recours en responsabilité non contractuelle prévu à l’article 235 CE et à l’article 288, deuxième alinéa, CE reste ouvert si ces mesures sont de nature à engager la responsabilité de la Communauté (arrêt de la Cour du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, point 82, et ordonnance SPM/Commission, point 51 supra, point 83).

53      Dans ces conditions, l’argumentation des requérants fondée sur le droit à une protection juridictionnelle effective doit être rejetée.

54      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que les requérants ne peuvent être considérés comme individuellement concernés par le règlement n° 248/2008. Dans la mesure où l’une des conditions de recevabilité posée par l’article 230, quatrième alinéa, CE n’est pas satisfaite, il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument du Conseil, soutenu par la Commission, selon lequel les requérants ne seraient pas directement concernés par ledit règlement.

55      S’agissant, en second lieu, de la recevabilité du recours en ce qu’il est introduit par l’association requérante, il convient de rappeler qu’une association professionnelle constituée pour la défense et pour la représentation des intérêts de ses membres est recevable à introduire un recours en annulation dans trois types de situation, à savoir, premièrement, lorsqu’une disposition légale lui reconnaît expressément une série de facultés à caractère procédural, deuxièmement, lorsque l’association représente les intérêts d’entreprises qui, elles-mêmes, seraient recevables à agir, et troisièmement, lorsque l’association, elle-même, est individualisée en raison de l’atteinte à ses intérêts propres en tant qu’association, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (voir ordonnance du Tribunal du 8 septembre 2005, ASAJA e.a./Conseil, T‑295/04 à T‑297/04, Rec. p. II‑3151, point 50, et la jurisprudence citée).

56      En l’espèce, l’association requérante soutient uniquement que le recours est recevable en ce qu’elle représente les intérêts des producteurs de lait en activité en Allemagne dont la qualité pour agir contre le règlement n° 248/2008 serait incontestable.

57      Or, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus à l’égard des requérants, éleveurs de bétail laitier en Allemagne, le règlement n° 248/2008 affecte sans distinction tous les producteurs de lait actuels et à venir dans la Communauté et l’association requérante ne fournit aucun élément permettant de considérer que ses membres seraient néanmoins recevables à agir contre ce règlement, comme étant individuellement et directement concernés par celui‑ci.

58      Il y a lieu de relever, à cet égard, que l’association requérante s’est simplement contentée, dans ses écritures, de renvoyer aux considérations développées à propos de la situation des requérants, dont il a été constaté le défaut d’affectation individuelle au point 54 ci-dessus.

59      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit donc être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. En l’espèce, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Bundesverband Deutscher Milchviehhalter eV, MM. Romuald Schaber, Stefan Mann et Walter Peters supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil.


3)      La Commission supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 22 avril 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’allemand.