Language of document : ECLI:EU:C:2017:909

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 28 novembre 2017 (1)

Affaire C57/16 P

ClientEarth

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Demande d’accès au projet de rapport d’analyse d’impact, au rapport d’analyse d’impact et à l’avis du comité d’analyse d’impact – Présomption générale de confidentialité – Refus d’accorder l’accès – Documents législatifs »






I.      Introduction

1.        Le présent pourvoi s’inscrit dans le cadre d’un recours en annulation formé devant le Tribunal de l’Union européenne par ClientEarth contre deux décisions de la Commission européenne lui refusant l’accès à des documents. Plus précisément, par une décision du 1er avril 2014, la Commission a refusé à la requérante l’accès à un rapport d’analyse d’impact concernant un projet d’instrument contraignant définissant le cadre stratégique des procédures d’inspection et de surveillance basées sur les risques et relatives à la législation environnementale de l’Union européenne, ainsi qu’à un avis du comité d’analyse d’impact. En outre, par une décision du 3 avril 2014, la Commission a, également, refusé à la requérante l’accès à un projet de rapport d’analyse d’impact relatif à l’accès à la justice en matière environnementale au niveau des États membres dans le domaine de la politique environnementale de l’Union et à un avis du comité d’analyse d’impact (ci-après les « documents litigieux »).

2.        La requérante a, alors, formé un recours contre ces deux décisions, recours qui a été rejeté par le Tribunal par l’arrêt du 13 novembre 2015, ClientEarth/Commission (T‑424/14 et T‑425/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:848).

3.        Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé, en substance, que les documents litigieux relevaient de la même catégorie et qu’une présomption générale de confidentialité s’imposait dès lors que leur divulgation portait atteinte au processus décisionnel d’élaboration de proposition d’actes législatifs par la Commission.

4.        La requérante, soutenue par les gouvernements finlandais et suédois, a formé un pourvoi contre ledit arrêt.

5.        Dans le cadre de ce pourvoi, la Cour va être amenée à se prononcer principalement sur la question de savoir si une institution peut fonder son refus d’accès à des analyses d’impact sur une présomption générale de confidentialité, compte tenu de la nature même de ces analyses. Ainsi, elle devra examiner si, lorsqu’elle élabore des actes liés à la procédure législative, la Commission intervient en qualité de législateur. Cet examen amènera la Cour à se prononcer sur l’équilibre nécessaire entre le principe de transparence, l’amélioration du débat public, l’indépendance de la Commission et la confidentialité des informations, telles que ces notions ressortent du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (2).

6.        Dans les présentes conclusions, nous expliquerons les raisons pour lesquelles nous pensons que l’arrêt attaqué doit être annulé.

II.    Le cadre juridique

A.      Le règlement n° 1049/2001

7.        Les considérants 2 et 6 de ce règlement énoncent :

« (2)      La transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. La transparence contribue à renforcer les principes de la démocratie et le respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont définis à l’article 6 du traité UE et dans la [c]harte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[...]

(6)      Un accès plus large aux documents devrait être autorisé dans les cas où les institutions agissent en qualité de législateur, y compris sur pouvoirs délégués, tout en veillant à préserver l’efficacité du processus décisionnel des institutions. Dans toute la mesure du possible, ces documents devraient être directement accessibles. »

8.        L’article 2, paragraphes 1 et 4, dudit règlement prévoit ce qui suit :

« 1.      Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[...]

4.      Sans préjudice des articles 4 et 9, les documents sont rendus accessibles au public soit à la suite d’une demande écrite, soit directement sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre. En particulier, les documents établis ou reçus dans le cadre d’une procédure législative sont rendus directement accessibles conformément à l’article 12. »

9.        Aux termes de l’article 4, paragraphes 3 et 6, du règlement n° 1049/2001 :

« 3.      L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[...]

6.      Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées. »

10.      L’article 12, paragraphe 2, de ce règlement indique que, « [e]n particulier, les documents législatifs, c’est-à-dire les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci, devraient être rendus directement accessibles, sous réserve des articles 4 et 9 ».

B.      Le règlement n° 1367/2006

11.      Les considérants 7 et 15 du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement [ (3)] (4), énoncent :

« (7)      [...][L]es dispositions relatives à l’accès à l’information environnementale devraient s’appliquer aux institutions et organes communautaires qui agissent dans l’exercice de pouvoirs législatifs.

[...]

(15)      Lorsque le règlement [...] n° 1049/2001 prévoit des exceptions, celles-ci devraient s’appliquer sous réserve des dispositions plus spécifiques du présent règlement relatives aux demandes d’accès aux informations environnementales. Les motifs de refus en ce qui concerne l’accès aux informations environnementales devraient être interprétés de manière restrictive, en tenant compte de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présente pour le public et du fait que les informations demandées ont ou non trait à des émissions dans l’environnement. Les termes “intérêts commerciaux” couvrent les accords de confidentialité conclus par des institutions ou des organes dans le cadre d’activités bancaires. »

12.      L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement dispose :

« 1.      Le présent règlement a pour objet de contribuer à l’exécution des obligations découlant de la convention [d’Aarhus], en établissant des dispositions visant à appliquer aux institutions et organes communautaires les dispositions de la convention, notamment :

a)      en garantissant au public le droit d’accès aux informations environnementales reçues ou établies par les institutions ou organes communautaires et détenues par eux et en fixant les conditions essentielles et les modalités pratiques de l’exercice de ce droit ;

b)      en veillant à ce que les informations environnementales soient progressivement rendues disponibles et diffusées auprès du public afin de parvenir à une mise à disposition et une diffusion systématiques aussi larges que possible. À cette fin, il convient de promouvoir l’utilisation, entre autres, des technologies de télécommunications informatiques et/ou électroniques, lorsqu’elles sont disponibles [.] »

13.      Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement :

« 1.      Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

d)      “information environnementale”, toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant :

[...]

iii)      les mesures (y compris les mesures administratives), telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points i) et ii), ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments ;

iv)      les rapports sur l’application de la législation environnementale ;

v)      les analyses coût-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point iii) ;

[...] »

14.      L’article 3 du règlement n° 1367/2006 indique :

« Le règlement [...] n° 1049/2001 s’applique à toute demande d’accès à des informations environnementales détenues par des institutions ou organes communautaires, sans discrimination fondée sur la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d’une personne morale, sans discrimination concernant le lieu où elle a son siège officiel ou un véritable centre d’activités.

Aux fins du présent règlement, le terme “institution” dans le règlement [...] n° 1049/2001 signifie “institution ou organe communautaire”. »

15.      L’article 6 de ce règlement prévoit :

« 1.      En ce qui concerne les dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement [...] n° 1049/2001, à l’exception des enquêtes, notamment celles relatives à de possibles manquements au droit communautaire, la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. Pour ce qui est des autres exceptions prévues à l’article 4 du règlement [...] n° 1049/2001, les motifs de refus doivent être interprétés de manière stricte, compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation et du fait de savoir si les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement.

2.      Outre les exceptions prévues à l’article 4 du règlement [...] n° 1049/2001, les institutions et organes communautaires peuvent refuser de mettre à disposition des informations environnementales si la divulgation de ces informations nuit à la protection de l’environnement auquel les informations se rapportent, comme les sites de reproduction des espèces rares. »

III. Les faits à l’origine de l’affaire

16.      La requérante est un organisme à but non lucratif ayant pour objet la protection de l’environnement.

17.      Le 20 janvier 2014, elle a formulé, auprès de la Commission, deux demandes d’accès à des documents, en vertu du règlement n° 1049/2001. Ainsi que nous l’avons vu, la première de ces demandes tendait à avoir accès au rapport d’analyse d’impact réalisé par la Commission au sujet de la mise en œuvre du pilier « accès à la justice » de la convention d’Aarhus, tandis que la seconde demande visait à obtenir l’accès à l’analyse d’impact réalisée par la Commission au sujet de la révision du cadre juridique européen des inspections et de la surveillance environnementales au niveau national et au niveau de l’Union.

18.      Par lettre du 13 février 2014, la Commission a rejeté la seconde demande. Elle a précisé, à cette occasion, que cette demande portait sur un « [r]apport d’analyse d’impact concernant un projet d’instrument contraignant définissant le cadre stratégique des procédures d’inspection et de surveillance basées sur les risques et relatives à la législation environnementale de l’[Union] », ainsi que sur l’avis du comité d’analyse d’impact rendu sur ce rapport. Ce rejet a été fondé sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

19.      Par lettre du 17 février 2014, la Commission a, également, rejeté la première demande. Elle a précisé, à cette occasion, que cette demande portait sur un « projet de rapport d’analyse d’impact sur l’accès à la justice en matière environnementale au niveau des États membres dans le domaine de la politique environnementale de l’[Union] », ainsi que sur l’avis du comité d’analyse d’impact rendu sur ce projet. Ce rejet a été fondé sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de ce règlement.

20.      Le 4 mars 2014, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, la requérante a formulé deux demandes confirmatives auprès de la Commission.

21.      Par lettres du 24 mars 2014, la Commission a informé la requérante que, conformément à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, le délai de réponse à ces demandes confirmatives était prolongé de quinze jours ouvrables.

22.      Par lettres du 1er et du 3 avril 2014, la Commission a confirmé le refus d’accès aux documents litigieux sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 (ci-après les « décisions litigieuses »).

23.      Dans les décisions litigieuses, en premier lieu, la Commission a, tout d’abord, relevé que, dans le contexte de discussions et de négociations en vue de l’adoption, par elle, d’initiatives législatives relatives aux inspections et à la surveillance en matière environnementale et à l’accès à la justice en cette même matière, elle avait entamé des analyses d’impact qui étaient encore en cours. Elle a précisé, à cet égard, que les analyses d’impact étaient destinées à aider la préparation de telles initiatives et que les choix stratégiques (« policy choices ») figurant dans une initiative législative seraient soutenus par le contenu d’une analyse d’impact.

24.      Ensuite, selon la Commission, la divulgation, à ce stade, des documents litigieux porterait gravement atteinte à ses processus décisionnels en cours, dès lors qu’elle affecterait sa marge de manœuvre et réduirait sa capacité à trouver des compromis. De surcroît, une telle divulgation risquerait d’engendrer des pressions extérieures qui pourraient entraver les difficiles processus décisionnels lors desquels devrait régner un climat de confiance. La Commission s’est référée, en outre, aux dispositions de l’article 17, paragraphe 1 et paragraphe 3, troisième alinéa, TUE.

25.      À cet égard, d’une part, dans la décision du 1er avril 2014, la Commission a insisté sur le fait que les inspections et la surveillance constituaient un élément clé de la mise en œuvre des politiques publiques, domaine dans lequel les institutions tentent, depuis 2001, d’attirer l’attention et de promouvoir une action à l’échelle de l’Union, et sur le fait que la discussion devait être préservée de facteurs d’influence externe dès lors qu’une telle influence affecterait la qualité du contrôle sur les États membres.

26.      D’autre part, dans la décision du 3 avril 2014, la Commission a mis l’accent sur la nature sensible de la question relative à l’accès à la justice en matière environnementale, sur les possibles divergences de vues entre États membres ainsi que sur le fait que dix années s’étaient écoulées depuis sa proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 2003, relative à l’accès à la justice en matière d’environnement (5).

27.      Enfin, la Commission a ajouté, dans les décisions litigieuses, que différents documents relatifs aux deux analyses d’impact en cours étaient d’ores et déjà disponibles sur Internet et que tous les autres documents relatifs auxdites analyses d’impact seraient publiés lors de l’adoption des propositions législatives par le collège des commissaires.

28.      Au regard de ces éléments, la Commission a conclu, dans les décisions litigieuses, que l’accès aux documents demandés devait être refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, dès lors que les processus décisionnels étaient à un stade précoce et sensible (« at a very early and delicate stage »).

29.      En deuxième lieu, la Commission a considéré qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait la divulgation des documents demandés. À cet égard, elle a observé que l’Union était tenue de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement et, par voie de conséquence, de la santé humaine. Cet objectif pourrait être atteint grâce à un accès non discriminatoire à la justice en matière environnementale. Toutefois, d’une part, la Commission ne s’estimait pas en mesure de déterminer en quoi la divulgation, à ce stade, des documents demandés aiderait les personnes vivant dans l’Union à influencer indirectement l’environnement dans lequel elles vivaient, l’accès à la justice étant déjà possible devant les juridictions nationales et les processus décisionnels en cause ne tendant qu’à l’amélioration de cet accès. En outre, la Commission a ajouté qu’une consultation publique avait été organisée en 2013, lors de laquelle les parties intéressées, dont la société civile, avaient pu contribuer à la définition des grandes lignes des propositions. D’autre part, selon la Commission, la divulgation à ce stade porterait atteinte aux processus décisionnels et affecterait la possibilité d’atteindre le meilleur compromis possible. En outre, pour elle, l’intérêt public serait mieux assuré par la possibilité de poursuivre les processus décisionnels en cause en l’absence de toute pression extérieure.

30.      En troisième lieu, la Commission a écarté la possibilité d’accorder un accès partiel au sens de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, dès lors que les documents demandés étaient couverts par l’exception dans leur intégralité.

31.      Suite à ce refus de divulgation, le 11 juin 2014, ClientEarth a introduit deux recours tendant à l’annulation respective de la décision du 1er avril 2014 (affaire T-425/14) et de celle du 3 avril 2014 (affaire T-424/14).

32.      ClientEarth reprochait à la Commission d’avoir conclu, à tort, à l’existence d’un risque d’atteinte grave à ses processus décisionnels et à l’absence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents litigieux, par la première branche d’un moyen unique.

33.      Par la seconde branche de ce moyen, ClientEarth a fait valoir que la Commission avait violé son obligation de motivation.

34.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les recours de ClientEarth.

IV.    Les conclusions des parties

35.      Par son pourvoi, ClientEarth demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes.

36.      Par décision du président de la Cour du 12 juillet 2016, les gouvernements finlandais et suédois ont été admis à intervenir dans la présente procédure au soutien de la requérante.

37.      La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de ClientEarth aux dépens.

V.      L’examen du pourvoi

A.      Observations liminaires

38.      Lors de l’audience qui s’est tenue le 3 juillet 2017, la Commission a indiqué qu’elle avait publié une communication le 28 avril de la même année dans laquelle elle signifiait que l’initiative « accès à la justice » en matière environnementale était achevée et abandonnée sans suite législative. Elle a, en outre, précisé que, à la suite de la publication de cette communication, elle avait publié le 28 juin 2017 l’un des documents litigieux, à savoir le projet de rapport d’analyse d’impact relatif à l’accès à la justice en matière environnementale (6), pour lequel elle avait refusé, par décision du 3 avril 2014, la demande d’accès formulée par ClientEarth.

39.      Selon une jurisprudence constante, l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (7). Dans la mesure où l’un des documents litigieux, auquel ClientEarth souhaite avoir accès, a été rendu public, une partie du recours que cette dernière a intenté est devenue sans objet ; il n’y a plus lieu de statuer sur la demande concernant l’accès au projet de rapport d’analyse d’impact relatif l’accès à la justice en matière environnementale.

40.      Dès lors, nous pensons que la Cour doit prononcer un non-lieu à statuer concernant la demande d’annulation de la décision du 3 avril 2014 en ce qu’elle vise l’accès au projet de rapport d’analyse d’impact relatif l’accès à la justice en matière environnementale.

B.      Notre appréciation

41.      ClientEarth, à l’appui de son pourvoi, invoque deux moyens. Par son premier moyen, elle reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en reconnaissant l’existence d’une présomption générale de confidentialité en faveur des documents litigieux.

42.      Par son second moyen, qu’elle invoque à titre subsidiaire, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas, aux points 133 à 163 de l’arrêt attaqué, l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents litigieux.

43.      Le premier moyen est divisé en cinq branches, qu’il convient de traiter de la manière suivante.

1.      Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal n’aurait pas tenu compte de la nature spécifique des documents litigieux pour accorder un accès le plus large possible à ces documents

a)      Argumentation des parties

44.      ClientEarth, soutenue par les gouvernements finlandais et suédois, considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant, aux points 100 à 106 de l’arrêt attaqué, que le principe d’accès le plus large possible du public aux documents des institutions n’est pas applicable aux documents litigieux dans la mesure où la Commission, lorsqu’elle élabore une analyse d’impact en vue de la soumission d’une proposition législative, n’agit pas en qualité de législateur, peu importe, à cet égard, la nature des documents en cause.

45.      En premier lieu, selon la requérante, le Tribunal aurait dû tenir compte du fait que ces documents, les analyses d’impact, font partie intégrante du processus législatif et, plus particulièrement, de la décision de soumettre ou non une proposition législative. Elle estime que, quand bien même la Commission, lorsqu’elle élabore ce type de documents, n’agirait pas formellement en qualité de législateur, il n’en resterait pas moins que ces documents constitueraient le fondement d’une proposition législative.

46.      Le gouvernement finlandais cite, à ce titre, la jurisprudence de la Cour selon laquelle « [l]a transparence à cet égard contribue à renforcer la démocratie en permettant aux citoyens de contrôler l’ensemble des informations qui ont constitué le fondement d’un acte législatif. En effet, la possibilité, pour les citoyens, de connaître les fondements des actions législatives est une condition de l’exercice effectif, par ces derniers, de leurs droits démocratiques » (8). Il considère que, en vertu de cette jurisprudence, l’élément central dont il faut tenir compte n’est pas tant la qualité de législateur de l’institution qui a adopté le document dont il est demandé l’accès que la nature même de ce document, qui est susceptible de former la base de la législation future.

47.      Quant au gouvernement suédois, il estime que la Commission, lorsqu’elle rédige des analyses d’impact, agit en qualité de législateur étant donné qu’elle prépare et élabore des propositions d’actes de nature législative.

48.      En conséquence, la requérante ainsi que les gouvernements finlandais et suédois considèrent que, conformément au considérant 6 du règlement n° 1049/2001 et à la jurisprudence de la Cour, un accès le plus large possible aux documents tels que les documents litigieux devrait justement être accordé aux citoyens de l’Union.

49.      En second lieu, la requérante estime que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 106 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence de la Cour ne justifie pas la reconnaissance de présomptions générales s’appliquant aux documents législatifs ou aux documents afférents à d’éventuelles propositions législatives.

50.      La Commission, au contraire, soutient que, au moment où l’accès aux documents litigieux a été demandé, aucune proposition législative n’avait été présentée et donc aucun document législatif n’existait alors. Elle fait remarquer, à cet égard, que, lorsque la proposition politique est adoptée ou bien abandonnée, ce type de document est alors rendu public et les citoyens peuvent, dès lors, en prendre connaissance afin de contrôler l’ensemble des informations qui constituent le fondement de l’action législative de l’Union.

51.      Par ailleurs, la Commission considère que, quand bien même les documents litigieux devraient être qualifiés de « législatifs » au sens de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, il n’en reste pas moins que cette disposition s’applique sans préjudice des articles 4 et 9 de ce règlement, ainsi que le Tribunal l’aurait constaté au point 105 de l’arrêt attaqué. Ainsi, la reconnaissance de l’existence d’une présomption générale de confidentialité dans un contexte législatif ne serait pas exclue, comme l’a indiqué le Tribunal au point 106 de l’arrêt attaqué en citant l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (9).

b)      Appréciation

52.      Nous rappelons que l’article 15, paragraphe 3, TFUE et l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») consacrent le droit d’accès aux documents des institutions. En vertu de l’article 1er du règlement n° 1049/2001, ce dernier vise à définir les principes, les conditions et les limites de ce droit d’accès. À cet égard, étant donné que l’accès aux documents des institutions est le principe, toute exception à ce principe doit être interprétée strictement (10).

53.      C’est ainsi que l’article 4 de ce règlement établit une liste des exceptions au droit d’accès aux documents des institutions parmi lesquelles figure celle invoquée par la Commission pour refuser l’accès aux documents litigieux dans l’affaire au principal. Lorsque la Commission décide de refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant aux questions de savoir comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par cette disposition (11). Puis, il incombe à l’institution de vérifier qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document concerné nonobstant l’atteinte à l’intérêt protégé à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 (12).

54.      La Cour a, toutefois, admis qu’il était loisible à l’institution concernée de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents afin de justifier comment l’accès à ces documents pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 de ce règlement. À cet égard, elle doit préciser sur quelles considérations d’ordre général elle fonde sa présomption selon laquelle la divulgation porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par les exceptions prévues à cette disposition. Pour ce faire, elle n’est pas tenue d’effectuer une appréciation concrète du contenu de chacun de ces documents (13).

55.      Pour autant, l’application d’une présomption générale de confidentialité n’exclut pas le droit pour les personnes ayant fait la demande d’accès au document concerné de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par ladite présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant cette divulgation (14).

56.      À ce jour, la Cour a admis cinq présomptions générales de confidentialité. Ainsi, une présomption générale de confidentialité a été retenue concernant l’accès aux documents du dossier administratif relatifs à une procédure de contrôle des aides d’État (15), l’accès à des mémoires déposés par une institution dans le cadre d’une procédure juridictionnelle (16), la demande d’accès aux documents échangés entre la Commission et les parties notifiantes ou des tiers dans le cadre d’une procédure de contrôle des opérations de concentration entre entreprises (17), la demande d’une organisation à but non lucratif d’obtenir l’accès à un dossier administratif relatif à une procédure en manquement au stade de la procédure précontentieuse (18), et la demande visant à obtenir l’accès à un ensemble de documents figurant dans un dossier relatif à une procédure d’application de l’article 81 CE, devenu article 101 TFUE (19).

57.      Dans le cadre de l’activité législative, le principe de transparence joue un rôle accru. En effet, si le considérant 4 et l’article 1er du règlement n° 1049/2001 confèrent au public un droit d’accès aux documents des institutions dont l’effet doit être le plus large possible, le considérant 6 de ce même règlement indique qu’un accès plus large à ces documents doit être autorisé précisément lorsque les institutions agissent en qualité de législateur. Ainsi, la Cour a déjà indiqué que « [l]a transparence à cet égard contribue à renforcer la démocratie en permettant aux citoyens de contrôler l’ensemble des informations qui ont constitué le fondement d’un acte législatif. En effet, la possibilité, pour les citoyens, de connaître les fondements des actions législatives est une condition de l’exercice effectif, par ces derniers, de leurs droits démocratiques » (20).

58.      La mise en balance de l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, de l’intérêt général à ce que le document dont l’accès est demandé soit rendu accessible est d’une pertinence toute particulière lorsque l’institution agit en sa qualité de législateur (21).

59.      Dès lors, compte tenu des éléments qui précèdent, la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si, au vu de la nature des documents litigieux dont la divulgation est demandée, le Tribunal pouvait valablement admettre une présomption générale de confidentialité à leur égard.

60.      Il ressort de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré, au point 102 de cet arrêt, que, « s’il est vrai que le pouvoir de proposer l’adoption d’actes législatifs au sens de l’article 289, paragraphe 3, TFUE revient, en principe et sauf disposition contraire, à la Commission, conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 2, TUE, il n’en demeure pas moins que, conformément à l’article 14, paragraphe 1, TUE et à l’article 16, paragraphe 1, TUE, ce sont le Parlement et le Conseil qui exercent, conjointement, la fonction législative. De même, il ressort de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE que constitue un acte législatif tout acte adopté par une procédure législative, c’est-à-dire, d’une part, tout règlement, toute directive ou toute décision adoptés en vertu de la procédure législative ordinaire exposée à l’article 294 TFUE conjointement par le Parlement et le Conseil sur proposition de la Commission et, d’autre part, tout règlement, toute directive ou toute décision adoptés en vertu d’une procédure législative spéciale, c’est-à-dire, selon le cas, par le Parlement avec la participation du Conseil ou par celui-ci avec la participation du Parlement ».

61.      Le Tribunal poursuit, au point 103 dudit arrêt, en indiquant qu’« [i]l s’ensuit que, lorsqu’elle prépare et élabore une proposition d’acte, fût‑il de nature législative, la Commission n’agit pas elle‑même en qualité de législateur, dès lors que, d’une part, ce processus de préparation et d’élaboration est nécessairement un processus préalable à la procédure législative à proprement parler, lors duquel, par ailleurs, la nature même de l’acte à proposer doit être déterminée, et que, d’autre part, ce sont le Parlement et le Conseil qui exercent la fonction législative ».

62.      Au point 105 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, répondant à l’un des arguments de la requérante, précise que, « même à supposer que les documents demandés doivent être qualifiés de “documents législatifs” au sens dudit article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, il y a lieu de relever que cette disposition s’applique seulement “sous réserve des articles 4 et 9” du même règlement [...]. Or, ainsi que cela a été constaté aux points 97 et 99 [de cet arrêt], lors de l’application de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, la Commission est en droit de présumer que la divulgation des documents demandés porte, en principe, gravement atteinte au processus décisionnel d’élaboration d’une proposition politique, aussi longtemps qu’elle n’a pas pris de décision à ce dernier titre ».

63.      S’il est vrai que la Commission ne saurait être qualifiée strictement de « législateur », nous pensons néanmoins que son rôle dans le processus législatif en fait, sinon un quasi-législateur, du moins un acteur législatif indispensable sans l’impulsion duquel l’activité législative de l’Union serait inexistante. En effet, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt du 14 avril 2015, Conseil/Commission (22), « en vertu de l’article 17, paragraphe 2, TUE, un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que “sur proposition de la Commission”, en dehors de l’hypothèse [...] où les traités en disposent autrement » (23). C’est à elle qu’il revient « de décider de présenter, ou non, une proposition d’acte législatif, hormis le cas [...] où elle serait tenue, en vertu du droit de l’Union, de présenter une telle proposition. Au titre de ce pouvoir, en cas de présentation d’une proposition d’acte législatif, il revient également à la Commission, qui, conformément à l’article 17, paragraphe 1, TUE, promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin, de déterminer l’objet, la finalité ainsi que le contenu de cette proposition » (24).

64.      Par ailleurs, au vu de la lettre même de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, ainsi que de l’économie de ce règlement et de l’objectif qu’il poursuit, nous pensons que ce n’est pas tant la qualité de l’institution qui est déterminante aux fins d’un droit d’accès plus large aux documents de l’Union que la nature même de ces documents.

65.      En effet, cet article, qui fait écho au considérant 6 dudit règlement – qui, nous le rappelons, prévoit un accès plus large aux documents dans les cas où les institutions agissent en qualité de législateur –, prévoit que « les documents législatifs, c’est-à-dire les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci, devraient être rendus directement accessibles, sous réserve des articles 4 et 9 ».

66.      Ainsi que nous l’avons rappelé au point 57 des présentes conclusions, la transparence en matière législative contribue à renforcer la démocratie en permettant aux citoyens de contrôler l’ensemble des informations qui ont constitué le fondement d’un acte législatif. En effet, la possibilité, pour les citoyens, de connaître les fondements des actions législatives est une condition de l’exercice effectif, par ces derniers, de leurs droits démocratiques.

67.      Or, la Commission étant à l’origine des actes législatifs, les documents qu’elle prépare et élabore dans le cadre du processus législatif sont précisément les fondements de ces actions législatives que les citoyens sont en droit de connaître. C’est donc bien pour ces documents qu’un accès plus large doit être accordé, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, lu en combinaison avec le considérant 6 de ce dernier.

68.      Les analyses d’impact, ainsi que les rapports qui y font suite, se situent exactement dans cette catégorie de documents. En effet, afin de déterminer l’objet, la finalité et le contenu d’une proposition législative, la Commission a recours, notamment, à des analyses d’impact qui permettent une appréciation concrète et documentée des données de la situation, ainsi qu’une évaluation des conséquences prévisibles de l’adoption, le cas échéant, d’une telle législation. Ainsi qu’il ressort des lignes directrices concernant l’analyse d’impact (25), « [l]’analyse d’impact est un ensemble d’étapes logiques à suivre lors de la préparation de propositions législatives. C’est un processus au cours duquel sont réunies, à l’intention des décideurs politiques, des informations sur les avantages et inconvénients des options politiques envisageables, par le biais d’un examen de leurs impacts potentiels. Les résultats de ce processus sont résumés et présentés dans le rapport d’[analyse d’impact] » (26).

69.      En conséquence, il ne fait pas de doute, pour nous, que les analyses d’impact et les rapports d’analyse d’impact doivent bénéficier d’un accès plus large, conformément aux dispositions du règlement n° 1409/2001. La présomption générale de confidentialité ne peut donc pas leur être appliquée.

70.      En effet, les documents pour lesquels la Cour a reconnu l’existence d’une présomption générale de confidentialité se référaient tous soit à une procédure administrative soit à une procédure juridictionnelle en cours (27).

71.      La situation en l’espèce est tout autre.

72.      Nous sommes ici dans le cadre d’un processus à caractère législatif, et non dans le cadre d’une procédure administrative ou juridictionnelle, pour lequel le législateur de l’Union lui-même entend assurer une transparence accrue (28). De là découle, précisément, un droit d’accès aux documents des institutions sans lequel cette transparence voulue n’existerait pas. La Cour n’a pas manqué d’en rappeler les raisons dans l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (29), lorsqu’elle a indiqué que « c’est précisément la transparence [dans le processus législatif] qui, en permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, contribue à conférer aux institutions une plus grande légitimité aux yeux des citoyens européens et à augmenter la confiance de ceux-ci. De fait, c’est plutôt l’absence d’information et de débat qui est susceptible de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens, non seulement quant à la légalité d’un acte isolé, mais aussi quant à la légitimité du processus décisionnel dans son entièreté » (30).

73.      Les États membres, dès l’adoption du traité de Maastricht, ont pris conscience de l’importance de ce principe et ont invité la Commission à soumettre rapidement au Conseil un rapport sur des mesures visant à accroître l’accès du public à l’information dont disposent les institutions (31). S’en est suivie l’insertion de l’article 255 CE dans le traité d’Amsterdam, devenu article 15 TFUE et, surtout, la consécration avec l’article 42 de la Charte qui érige le droit d’accès aux documents des institutions en un droit fondamental.

74.      L’existence d’une présomption générale de confidentialité est une exception à ce droit fondamental et doit donc s’interpréter de manière restrictive, ainsi que la Cour l’a rappelé à plusieurs reprises et, notamment, dans l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (32).

75.      En outre, nous avons vu que, conformément aux dispositions du règlement n° 1049/2001, la Commission conserve le droit de refuser l’accès à ses documents si elle justifie, dans un cas concret, d’un risque d’atteinte grave au processus décisionnel et si elle vérifie qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur à la divulgation de ces documents. Or, décider de l’application d’une présomption générale de confidentialité dans un cas comme celui de l’espèce reviendrait, en réalité, à inverser l’équilibre du système mis en place par ce règlement. En effet, la Commission pourrait se dispenser de justifier le refus d’accès auxdits documents de manière concrète et individuelle et fonder ce refus sur des considérations d’ordre général. Par ailleurs, il appartiendrait à celui qui souhaite avoir accès aux documents de la Commission de prouver la présence d’un tel intérêt public supérieur. Cela aboutirait, en fait, à un renversement de la charge de la preuve, le tout paraissant incompatible avec l’article 42 de la Charte, avec la jurisprudence de la Cour précédemment mentionnée dans les présentes conclusions ainsi qu’avec la volonté même du législateur de l’Union concernant les documents législatifs.

76.      Au surplus, contrairement à ce que soutient la Commission, nous pensons que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 106 de l’arrêt attaqué en indiquant que, dans l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (33), « la Cour a, pour la première fois, énoncé la possibilité pour une institution de se fonder sur des présomptions générales » au bénéfice de documents législatifs. En effet, le Tribunal vise, précisément, les points 46, 47 et 50 de cet arrêt. Or, ces points s’insèrent dans les explications fournies par la Cour quant au déroulement de l’examen que doit effectuer l’institution concernée par une demande d’accès aux documents et quant au contenu de la motivation qui doit suivre. Ce n’est que par la suite que la Cour entame l’examen des moyens invoqués par les requérants. Le simple rappel effectué par la Cour aux points 46, 47 et 50 ne peut donc pas être compris comme énonçant la possibilité pour une institution de se fonder sur des présomptions générales dans un tel cas.

77.      Par conséquent, au vu des éléments qui précèdent, nous sommes d’avis que, en concluant aux points 100 à 106 de l’arrêt attaqué que la Commission pouvait valablement se fonder sur une présomption générale de confidentialité pour refuser l’accès aux documents litigieux, le Tribunal a commis une erreur de droit.

2.      Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une application prétendument erronée de la jurisprudence de la Cour

a)      Argumentation des parties

78.      Selon ClientEarth, soutenue par les gouvernements finlandais et suédois, le Tribunal, aux points 55 à 127 de l’arrêt attaqué, aurait procédé à une application erronée de la jurisprudence de la Cour portant sur la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité. Ainsi, le Tribunal aurait omis de prendre en compte le fait que la Cour a déjà jugé qu’il avait commis une erreur de droit en admettant l’extension du périmètre de la présomption générale de confidentialité à des études relatives à la conformité de la législation de différents États membres au droit de l’environnement de l’Union. La Cour avait alors mis l’accent sur « l’exigence d’interprétation et d’application strictes d’une telle présomption, laquelle constitue, en effet, une exception à l’obligation d’examen concret et individuel, par l’institution concernée, de chaque document visé par une demande d’accès [...] ainsi que, d’une manière plus générale, au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents détenus par les institutions de l’Union » (34).

79.      En reconnaissant la présomption générale de confidentialité au bénéfice des analyses d’impact, le Tribunal n’aurait pas tenu compte de cette exigence et aurait négligé la nature fondamentale du principe de transparence consacré par le traité, ainsi que par le règlement n° 1049/2001.

80.      Par ailleurs, la requérante reproche au Tribunal d’avoir déduit de la jurisprudence de la Cour, au point 67 de l’arrêt attaqué, qu’une présomption générale de confidentialité peut être reconnue lorsque le « bon déroulement » de la procédure en question l’exige, alors même que les affaires dans lesquelles une telle présomption a été reconnue concernaient uniquement des documents afférents à une procédure juridictionnelle ou administrative en cours – la Commission, dans ce dernier cas, agissant en sa qualité de gardienne des traités et en tant qu’organe d’exécution du droit de l’Union –, et que de telles présomptions ont été reconnues sur la base du principe de l’égalité des armes ou de considérations similaires, ou bien parce que l’accès à de tels documents risquait de porter directement atteinte aux intérêts de l’institution concernée, en compromettant sa capacité à se défendre efficacement, ou aux intérêts des tiers à ce que la confidentialité des informations transmises à la Commission soit préservée.

81.      En outre, la requérante et le gouvernement finlandais estiment que, dans les affaires dans lesquelles la Cour a reconnu l’existence d’une présomption générale de confidentialité, cette dernière a justifié cette reconnaissance par le fait que l’application d’une telle présomption générale était expressément justifiée par l’existence d’une réglementation spécifique limitant d’une façon ou d’une autre l’accès aux documents ou prévoyant que l’accès des tiers à ces documents n’était pas accordé (35).

82.      Selon la requérante, l’application par le Tribunal de la jurisprudence de la Cour est, également, erronée étant donné que les documents litigieux ne concernent pas une procédure administrative dans laquelle il incombe à la Commission de veiller au respect du droit de l’Union ni une procédure juridictionnelle, que l’accès à ces documents ne saurait porter atteinte à des intérêts normalement protégés par la jurisprudence de la Cour au moyen d’une présomption générale, comme l’égalité des armes, et que cet accès ne favoriserait pas les intérêts d’une tierce partie en particulier, ClientEarth étant une organisation non gouvernementale ayant pour but de protéger l’environnement et ne cherchant pas à promouvoir des intérêts privés.

83.      La Commission rétorque qu’il ne résulte en aucun cas de la jurisprudence de la Cour relative à la reconnaissance de présomptions générales de confidentialité une règle selon laquelle la Commission, pour appliquer de telles présomptions, devrait agir en tant qu’organe d’exécution du droit de l’Union. Elle estime, au contraire, que le Tribunal a correctement appliqué cette jurisprudence en considérant, aux points 68 à 75, 78 et 97 de l’arrêt attaqué, que la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité pour des documents tels que les documents litigieux suppose, d’une part, que ces documents appartiennent à une seule et même catégorie de documents et, d’autre part, que, compte tenu des règles régissant la préparation, par la Commission, de propositions politiques, l’accès aux documents demandés porterait gravement atteinte à cette procédure particulière tant qu’elle est en cours.

84.      En outre, la Commission soutient, contrairement à ce que la requérante laisserait entendre, que l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 prévoit justement que l’efficacité du processus décisionnel des institutions constitue un intérêt propre, dont la protection peut justifier des exceptions à l’accès du public aux documents.

b)      Appréciation

85.      Selon la requérante, le Tribunal aurait effectué une application erronée de la jurisprudence relative aux présomptions générales de confidentialité.

86.      Au point 66 de l’arrêt attaqué, le Tribunal indique qu’« il ressort de la jurisprudence [de la Cour] que, pour qu’une présomption générale soit valablement opposée à la personne qui demande l’accès à des documents sur le fondement du règlement n° 1049/2001, il est nécessaire que les documents demandés fassent partie d’une même catégorie de documents ou soient d’une même nature ». Puis, au point 67 de cet arrêt, il estime qu’« il découle de cette jurisprudence que l’application des présomptions générales est essentiellement dictée par l’impérative nécessité d’assurer le fonctionnement correct des procédures en question et de garantir que leurs objectifs ne soient pas compromis. Ainsi, la reconnaissance d’une présomption générale peut être fondée sur l’incompatibilité de l’accès aux documents de certaines procédures avec le bon déroulement de celles-ci et sur le risque qu’il soit porté atteinte à celles-ci, étant entendu que les présomptions générales permettent de préserver l’intégrité du déroulement de la procédure en limitant l’ingérence des tierces parties ». Le Tribunal poursuit en indiquant que « [l]’application de règles spécifiques prévues par un acte juridique relatif à une procédure conduite devant une institution de l’Union pour les besoins de laquelle les documents demandés ont été produits est l’un des critères de nature à justifier la reconnaissance d’une présomption générale ».

87.      Il ressort de ce qui précède que le Tribunal semble estimer que, aux fins de l’application d’une présomption générale de confidentialité, trois critères doivent être pris en compte, à savoir que les documents appartiennent à une même catégorie ou soient de même nature, que l’accès à ces documents entrave le bon déroulement de la procédure concernée et qu’il existe un texte législatif régissant spécifiquement les modalités d’accès aux documents demandés, ce dernier critère n’étant pas, pour le Tribunal, un critère décisif (36).

88.      Il est incontestable qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de l’application d’une présomption générale de confidentialité, les documents en question doivent être de même nature (37). En revanche, s’il est vrai que, dans les cinq cas dans lesquels la Cour a reconnu de telles présomptions (38), était en jeu le bon déroulement d’une procédure spécifique, nous ne pensons pas que ces présomptions puissent s’appliquer dans toutes sortes de procédures, en ce comprise la procédure législative. En effet, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission (39), « [d]ans toutes les affaires [dans lesquelles une présomption générale de confidentialité a été acceptée], le refus d’accès en cause portait sur un ensemble de documents clairement circonscrits par leur appartenance commune à un dossier afférent à une procédure administrative ou juridictionnelle en cours » (40).

89.      Dans cet arrêt, rendu quelques mois avant l’arrêt attaqué, la Cour semble, au contraire, avoir clairement limité le recours aux présomptions générales de confidentialité aux cas dans lesquels les documents dont la divulgation a été demandée s’inscrivent dans une procédure administrative ou juridictionnelle en cours. À cet égard, ainsi que le rappelle ClientEarth, la Cour a expressément écarté l’extension du périmètre de la présomption de confidentialité aux études relatives à la conformité de la législation de différents États membres au droit de l’environnement de l’Union, effectuées par une entreprise, à la demande et pour le compte de la Commission, qui, à la date d’envoi de la décision de refus d’accès à ces études, n’étaient pas afférentes à la phase précontentieuse d’une procédure en manquement (41).

90.      Par ailleurs, ainsi que nous l’avons vu aux points 72 à 75 des présentes conclusions, il ressort non seulement des textes du droit primaire et du droit dérivé, mais aussi de la jurisprudence de la Cour, que le droit d’accès aux documents des institutions, émanation du principe de transparence, est un droit dont les exceptions doivent être interprétées d’autant plus strictement qu’il s’agit d’un droit fondamental et que nous avons ici affaire à des documents législatifs.

91.      Dès lors, si le Tribunal, aux points 58 à 61 de l’arrêt attaqué, a correctement rappelé la jurisprudence de la Cour concernant l’exigence d’interprétation stricte des exceptions au droit d’accès aux documents des institutions, il n’en a toutefois pas, selon nous, tiré les conséquences qui s’imposaient au vu de la nature particulière des documents litigieux.

92.      Dès lors, en effectuant aux points 55 à 127 une application erronée de la jurisprudence de la Cour, le Tribunal a commis une erreur de droit.

3.      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a considéré que l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE constitue une base légale pour l’établissement d’une présomption générale de confidentialité au bénéfice des documents litigieux

a)      Argumentation des parties

93.      Par la deuxième branche du premier moyen, ClientEarth, soutenue par les gouvernements finlandais et suédois, estime que le Tribunal ne pouvait s’appuyer sur l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE pour fonder une présomption générale de confidentialité en faveur des documents litigieux. Elle estime, en premier lieu, qu’une transparence accrue du processus décisionnel renforce l’indépendance de la Commission et n’a pas pour effet, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 55 à 99 de l’arrêt attaqué, de la rendre plus vulnérable aux influences et aux pressions externes de toute nature, l’empêchant ainsi d’exercer le rôle qui lui est confié, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE, en toute indépendance et dans l’intérêt général.

94.      La requérante considère, à l’inverse, que, ainsi que la Cour l’aurait indiqué au point 45 de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (42), une transparence accrue renforcerait la légitimité, l’efficacité et la responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. L’accès du public à des documents tels que les documents litigieux permettrait donc non seulement de mieux résister aux pressions externes, dans la mesure où la transparence du processus d’analyse d’impact rendrait ces pressions plus visibles au monde extérieur, mais également de permettre aux citoyens de mieux comprendre les enjeux du processus décisionnel et de susciter, le cas échéant, un débat, sans pour autant porter atteinte à l’indépendance de la Commission ni à l’espace de réflexion dont elle doit bénéficier.

95.      Par ailleurs, ClientEarth soutient que la Cour aurait clairement indiqué aux points 62 et 63 de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (43) qu’une institution ne peut refuser l’accès et opposer l’atteinte portée à son indépendance au simple motif que l’accès aux documents pourrait faire courir un risque de pression externe.

96.      En second lieu, la requérante estime que l’article 17 TUE ne saurait constituer une base générale permettant à la Commission de s’opposer à l’accès à ses documents au motif que leur divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel. Elle considère, en effet, qu’une telle approche risquerait d’avoir pour conséquence d’étendre de manière excessive l’exception au droit d’accès des documents des institutions, dans la mesure où il suffirait à la Commission de se prévaloir de l’article 17 TUE pour refuser un tel droit. ClientEarth cite, à cet égard, les points 43 à 45 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans les affaires ClientEarth/Commission et ClientEarth et PAN Europe/EFSA (44). La requérante ajoute qu’une telle approche, si elle était confirmée par la Cour, irait à l’encontre du principe selon lequel toute exception à l’exercice du droit d’accès est d’interprétation stricte.

97.      La Commission répond que, contrairement à ce que soutient la requérante, les règles régissant la préparation et l’élaboration de propositions politiques par la Commission ne prévoit pas que cette dernière le fasse dans un dialogue constant avec les parties intéressées. Elle indique au contraire que, ainsi que le Tribunal l’a justement reconnu aux points 79 à 84 et 96 de l’arrêt attaqué, si un tel dialogue permanent était instauré, notamment à la suite de la publication de documents tels que les documents litigieux, elle ne disposerait pas d’un espace de délibération autonome suffisant et elle serait dans l’incapacité de décider en pleine indépendance, comme le prévoit l’article 17, paragraphe 3, TUE.

98.      Quant à l’argument de la requérante consistant à dire que la compréhension du processus décisionnel ne nuira pas à l’indépendance de la Commission, cette dernière rétorque que, si la demande d’accès aux documents litigieux vise à la bonne compréhension de ce processus, la requérante ou toute autre partie intéressée peut très bien attendre la publication de ces documents une fois ce processus terminé, soit parce qu’une proposition législative a été faite soit parce que l’initiative a été abandonnée.

b)      Appréciation

99.      La requérante reproche au Tribunal, en substance, d’avoir jugé que le recours, par la Commission, à une présomption générale de confidentialité afin de refuser l’accès aux documents litigieux était justifié dans la mesure où « une telle présomption générale s’impose eu égard aux règles régissant la préparation et l’élaboration, par la Commission, de propositions politiques, y compris, le cas échéant, de propositions d’actes législatifs » (45).

100.  Après avoir rappelé, aux points 79 à 82 de cet arrêt, le rôle de la Commission dans le processus législatif, le Tribunal a indiqué que la Commission devait pouvoir agir en toute indépendance et au service de l’intérêt général lorsqu’elle prépare et élabore des propositions politiques (46). Après avoir expliqué la fonction des analyses d’impact et admis que de telles analyses s’inscrivent dans un objectif de transparence et d’ouverture du processus décisionnel de la Commission tendant à la préparation et à l’élaboration de propositions politiques et dans un objectif de participation des parties intéressées audit processus (47), le Tribunal en a déduit que, une fois les parties intéressées consultées et les informations recueillies, la Commission devait pouvoir bénéficier d’un espace de réflexion afin de décider en toute indépendance, sans pression extérieure ni même influence de la part des tiers, des initiatives politiques à proposer (48). Plus précisément, le Tribunal a jugé au point 95 de cet arrêt qu’« il importe [...] de protéger [le] pouvoir d’initiative [de la Commission en matière législative] de toute emprise d’intérêts publics ou privés qui tenteraient, en dehors des consultations organisées, de contraindre la Commission à adopter une initiative politique, à la modifier, voire à y renoncer, et qui prolongeraient, voire compliqueraient, ainsi la discussion au sein de cette institution ».

101. C’est ainsi que, au point 96 dudit arrêt, le Tribunal a considéré que, « dès lors que le rapport d’analyse d’impact comporte, ainsi que cela ressort du point 88 [de l’arrêt attaqué], une comparaison des différentes options politiques envisagées à ce stade, la divulgation de ce rapport, fût‑ce à l’état de projet, ainsi que des avis rendus par le comité d’analyse d’impact à cet égard comporte un risque accru que des tiers tentent, en dehors de la consultation publique organisée par la Commission, d’exercer de manière ciblée une influence sur le choix, par la Commission, d’une option politique et le sens de la proposition politique que celle‑ci est amenée à adopter. Les mêmes personnes ou organismes ayant soumis des observations lors de la consultation publique, s’ils avaient accès immédiatement aux documents de l’analyse d’impact, pourraient présenter de nouvelles observations ou critiques des options et hypothèses envisagées, en soutenant précisément que leur point de vue n’a pas été suffisamment ou dûment pris en considération, alors que la Commission doit pouvoir bénéficier, après la phase publique de consultation, d’un espace de réflexion autonome, temporairement éloigné des influences et des pressions externes de toute nature ».

102. Tout d’abord, ainsi que nous l’avons vu précédemment, nous ne pensons pas qu’une institution puisse recourir à une présomption générale de confidentialité concernant des documents législatifs, tels que les documents litigieux.

103. Comme le fait valoir la requérante, cette appréciation semble, par ailleurs, confirmée par la jurisprudence de la Cour. En effet, dans l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (49), la Cour a jugé, concernant une affaire portant sur le refus d’accès à un document législatif, que « c’est précisément la transparence à cet égard qui, en permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, contribue à conférer aux institutions une plus grande légitimité aux yeux des citoyens européens et à augmenter la confiance de ceux-ci. De fait, c’est plutôt l’absence d’information et de débat qui est susceptible de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens, non seulement quant à la légalité d’un acte isolé, mais aussi quant à la légitimité du processus décisionnel dans son entièreté » (50).

104. Ensuite, la Cour a retenu que « [e]n ce qui concerne l’argument [...] selon lequel l’indépendance [du] service juridique [du Conseil] serait remise en cause par une possible divulgation des avis juridiques émis par ce dernier dans le cadre de procédures législatives, il doit être constaté que cette crainte est au cœur même des intérêts protégés par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001. En effet, cette exception vise précisément à protéger l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets ». La Cour a poursuivi en indiquant que, « [t]outefois, il y a lieu de relever que le Conseil s’est, à cet égard, fondé, tant devant le Tribunal que devant la Cour, sur de simples affirmations, aucunement étayées par des argumentations circonstanciées. Or, à la lumière des considérations qui suivent, il n’apparaît aucun véritable risque, raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique, d’atteinte audit intérêt » (51).

105. Enfin, la Cour, au point 64 de ce même arrêt, a jugé que, « [s]’agissant d’éventuelles pressions exercées en vue d’influer sur la teneur d’avis exprimés par le service juridique du Conseil, il suffit de relever que, à supposer même que les membres de ce service juridique subissent des pressions illégitimes à une telle fin, ce seraient ces pressions, et non la possibilité de divulgation des avis juridiques, qui mettraient en cause l’intérêt de cette institution à recevoir des avis juridiques francs, objectifs et complets, et il incomberait à l’évidence au Conseil de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin ».

106. Il ressort, selon nous, de cette jurisprudence que, s’il est vrai que la Commission, tout comme le Conseil, doit pouvoir bénéficier d’un espace de réflexion loin de toute pression extérieure afin de préserver son indépendance en matière législative, et que, à ce titre, elle peut justifier le refus d’accès à un document législatif sur le fondement de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, il lui incombe toutefois de démontrer qu’il existe un véritable risque, raisonnablement prévisible et non purement hypothétique, d’atteinte au processus décisionnel.

107. Dès lors, il nous paraît incompatible avec cette jurisprudence d’admettre qu’une institution puisse se prévaloir d’une présomption générale de confidentialité afin de refuser l’accès à un document législatif alors même que, ainsi que nous l’avons vu, elle est fondée à justifier cette présomption par des considérations d’ordre général. Du reste, nous pensons que, dans l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (52), la Cour a précisément écarté la possibilité d’avoir recours à une présomption générale de confidentialité concernant les avis juridiques, documents législatifs, puisqu’elle a jugé au point 57 de cet arrêt que « c’est à tort que le Tribunal a considéré qu’il existe un besoin général de confidentialité en ce qui concerne les avis du service juridique du Conseil relatifs à des questions législatives ».

108. Par conséquent, en concluant au point 97 de l’arrêt attaqué que « la Commission est en droit de présumer, sans procéder à un examen concret et individuel de chacun des documents établis dans le cadre de la préparation d’une analyse d’impact, que la divulgation de ces documents porte, en principe, gravement atteinte à son processus décisionnel d’élaboration d’une proposition politique », le Tribunal a commis une erreur de droit.

4.      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal n’aurait pas vérifié l’existence d’une atteinte spécifique, concrète et effective à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001

a)      Argumentation des parties

109. Par la troisième branche du premier moyen, ClientEarth fait valoir, soutenue en cela par le gouvernement suédois, que le Tribunal a commis une erreur de droit en reconnaissant une présomption générale de confidentialité en faveur des documents litigieux sans vérifier le risque que la divulgation de ce type de documents porte une atteinte spécifique, concrète et effective à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

110. En effet, la requérante estime que, conformément à la jurisprudence de la Cour, les institutions de l’Union ne peuvent refuser l’accès à leurs documents que si elles fournissent des explications quant à la question de savoir comment l’accès à ces documents pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception (53), et ce même si l’institution en question se fonde sur une présomption générale concernant une catégorie de document. La requérante considère que ce préalable est nécessaire afin que chaque citoyen soit en mesure de connaître les raisons pour lesquelles sa demande a été refusée, ainsi que pour garantir que c’est uniquement lorsque l’accès aux documents demandés porte spécifiquement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement qu’une exception au principe de l’accès le plus large possible est justifiée.

111. Or, ClientEarth soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 96 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait se fonder sur des considérations d’ordre général et hypothétique pour refuser l’accès aux documents litigieux. En effet, la requérante estime qu’il ne suffirait pas d’affirmer, ainsi que le Tribunal l’aurait admis, que la divulgation porterait spécifiquement et effectivement atteinte au processus décisionnel de l’institution concernée dès lors qu’un tiers pourrait tenter d’exercer une influence sur les décisions politiques qui sont définies dans le rapport d’analyse d’impact. Une telle justification d’ordre général et hypothétique pourrait être alors invoquée de manière abusive par la Commission aux fins de la justification du refus d’accès à tous ses documents.

112. Le gouvernement finlandais ajoute que, selon lui, toute divulgation d’informations contenues dans les documents litigieux ne peut pas être considérée automatiquement comme portant une « atteinte grave » aux processus décisionnels de la Commission au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement.

113. La Commission répond, en premier lieu, que le Tribunal a expliqué au point 96 de l’arrêt attaqué quel était le risque objectif, réel et spécifique qu’impliquerait la divulgation des documents litigieux pour ses processus décisionnels. Ainsi, ce risque résiderait dans le fait qu’une telle divulgation permettrait aux personnes ayant déjà soumis des observations lors de la consultation publique de présenter de nouvelles observations ou critiques et de porter atteinte, ainsi, à l’espace de réflexion autonome dont la Commission doit pouvoir bénéficier. En second lieu, la Commission fait valoir que, ainsi que le Tribunal l’a indiqué au point 120 de l’arrêt attaqué, la requérante ignore la principale caractéristique et l’objet de la présomption générale qui, une fois reconnue, permet justement à la Commission de se fonder sur des motifs de refus à caractère général et de faire l’économie d’un examen concret et individuel des documents demandés.

b)      Appréciation

114. Nous comprenons que la requérante estime que, lorsqu’une institution refuse l’accès à des documents sur la base d’une présomption générale de confidentialité, elle doit, toutefois, vérifier si la divulgation de ce type de documents risque de porter une atteinte spécifique, concrète et effective à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001. Elle soutient, en réalité, que l’examen que l’institution est amenée à faire doit être le même que celui qu’elle doit faire lorsqu’elle procède à un examen individuel et concret du document.

115. Nous ne partageons pas cet avis. Nous rappelons que, selon une jurisprudence constante, « il est loisible [à l’institution concernée] de se fonder, [afin de refuser l’accès à des documents], sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature » (54). La présomption générale de confidentialité permet donc à l’institution qui s’en prévaut de justifier le refus d’accès à des documents par l’atteinte que porterait, en règle générale, la divulgation de ce type de document. C’est ainsi que la Cour a reconnu que cette atteinte pouvait être une atteinte aux droits de la défense ou à l’égalité des armes, ou encore une atteinte globale aux procédures juridictionnelles.

116. D’ailleurs, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (55), que « la Commission peut se fonder sur la présomption que la divulgation de mémoires déposés dans le cadre de procédures juridictionnelles pendantes porte atteinte à ces procédures au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, [du règlement n° 1049/2001] et que, dès lors, elle peut, tout au long de telles procédures, opposer un refus à une demande d’accès ayant pour objet de tels documents, sans être tenue d’en effectuer un examen concret » (56). De même, dans l’arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission (57), la Cour a jugé, au sujet de documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’État, qu’« il n’incombait pas en l’espèce au Tribunal d’examiner la question de savoir si la divulgation du contenu des documents demandés par Sea Handling était de nature à porter préjudice à des intérêts protégés, le Tribunal étant seulement tenu de vérifier si la Commission était fondée à considérer que ces documents relevaient d’une enquête menée dans le cadre d’une procédure de contrôle des aides d’État »(58). Elle a considéré que, « [e]n effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé à juste titre au point 65 de [son] arrêt [du 25 mars 2015, Sea Handling/Commission (T‑456/13, non publié, EU:T:2015:185)], l’exigence de vérifier si une telle présomption générale s’applique réellement à un cas d’espèce ne saurait être interprétée en ce sens que l’institution devrait examiner individuellement tous les documents dont la divulgation est demandée, dès lors que cette exigence priverait cette présomption générale de son effet utile » (59).

117. La raison d’être d’une telle présomption repose, précisément, sur la possibilité de présumer que la divulgation d’un type de documents porterait atteinte à l’un des intérêts protégés, sans devoir passer par un examen concret et individuel de ces documents. C’est également la raison pour laquelle cette exception au droit d’accès aux documents des institutions doit, ainsi que nous l’avons vu, être interprétée d’autant plus strictement.

118. Pour ces raisons, nous estimons que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en ne vérifiant pas l’existence d’une atteinte spécifique, concrète et effective à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

5.      Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit en ce que la reconnaissance, par le Tribunal, d’une présomption générale de confidentialité au bénéfice des documents litigieux aboutit à rendre cette présomption irréfragable

119. ClientEarth, soutenue par le gouvernement finlandais, soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 113 à 127 de l’arrêt attaqué, en établissant des critères qui rendent la présomption générale de confidentialité irréfragable. Plus particulièrement, en jugeant, au point 120 de cet arrêt, que les arguments de la requérante tirés, notamment, de l’absence de démonstration d’un risque réel de pression publique, du caractère non sensible des documents litigieux et de l’absence de pertinence du fait que les processus décisionnels se trouvent à un stade précoce, n’étaient aucunement de nature à renverser cette présomption générale, au motif que ces arguments ne visaient qu’à critiquer le caractère général des motifs retenus dans les décisions litigieuses et qu’ils n’apportaient pas d’éléments concrets permettant de renverser ladite présomption générale, le Tribunal aurait rendu cette présomption irréfragable.

120. La Commission répond que, par ses arguments, la requérante méconnaît précisément la nature même de la présomption générale de confidentialité de ce type de documents. Par ailleurs, elle estime que, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que le Tribunal a indiqué qu’il n’existait aucun élément concret permettant de renverser cette présomption générale démontre bien que cette dernière est réfragable, mais que, en l’espèce, c’est la requérante qui n’a pas démontré en quoi la divulgation des documents demandés ne porterait pas atteinte aux processus décisionnels de la Commission.

121. Dans la mesure où nous pensons que le Tribunal a commis une erreur de droit en reconnaissant l’existence d’une présomption générale de confidentialité en faveur des documents litigieux, nous estimons qu’il n’y a pas lieu de répondre à la cinquième branche du premier moyen.

122. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous estimons que le premier moyen est fondé et que, dès lors, l’arrêt attaqué doit être annulé.

123. Par conséquent, il ne nous paraît pas nécessaire d’examiner le second moyen, présenté à titre subsidiaire par la requérante.

VI.    Sur les dépens

124. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, ClientEarth ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et la Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens.

125. En outre, en tant que parties intervenantes, la République de Finlande et le Royaume de Suède supportent chacun leurs propres dépens, conformément à l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement de procédure.

VII. Conclusion

126. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation de la décision du 3 avril 2014 par laquelle la Commission européenne a refusé l’accès au projet de rapport d’analyse d’impact relatif à l’accès à la justice en matière environnementale au niveau des États membres dans le domaine de la politique environnementale de l’Union européenne.

2)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 novembre 2015, ClientEarth/Commission (T‑424/14 et T‑425/14, EU:T:2015:848), est annulé.

3)      La Commission est condamnée aux dépens.

4)      La République de Finlande et le Royaume de Suède supportent leurs propres dépens.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2001, L 145, p. 43.


3      JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus ».


4      JO 2006, L 264, p. 13.


5      COM(2003) 624 final.


6      Ce document est disponible à l’adresse Internet suivante : http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/10102/2017/EN/SWD-2017-255-F1-EN-MAIN-PART-1.PDF.


7      Voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 26 et jurisprudence citée).


8      Voir arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 45 et 46), ainsi que du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671, points 32 et 33).


9      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


10      Voir arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 35 et 36).


11      Voir arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 71 et 72), ainsi que du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 31).


12      Voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 44).


13      Voir arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671, points 72 et 73 ainsi que jurisprudence citée).


14      Voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 62).


15      Arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376).


16      Arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541).


17      Arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob (C‑404/10 P, EU:C:2012:393).


18      Arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738).


19      Arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112).


20      Voir arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 46), ainsi que du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 33).


21      Voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe (C‑280/11 P, EU:C:2013:671, points 32 et 33).


22      C‑409/13, EU:C:2015:217.


23      Voir point 68 de cet arrêt.


24      Voir point 70 dudit arrêt.


25      Lignes directrices concernant l’analyse d’impact, de la Commission, du 15 janvier 2009 [SEC(2009) 92].


26      Voir p. 5 de ces lignes directrices.


27      Voir arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission (C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 78).


28      Voir article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, lu en combinaison avec le considérant 6 de ce dernier.


29      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


30      Voir point 59 de cet arrêt.


31      Voir déclaration n° 17, relative au droit d’accès à l’information, annexée au traité de Maastricht.


32      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


33      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


34      Voir arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission (C‑612/13 P, EU:C:2015:486, points 80 et 81).


35      ClientEarth cite, à ce titre, l’arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112). Le gouvernement finlandais cite, notamment, les arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob (C‑404/10 P, EU:C:2012:393), du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding (C‑477/10 P, EU:C:2012:394), et du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738).


36      Voir points 76 et 77 de l’arrêt attaqué.


37      Voir, notamment, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50).


38      Voir point 56 des présentes conclusions.


39      C‑612/13 P, EU:C:2015:486.


40      Voir point 78 de cet arrêt.


41      Voir points 77 à 82 dudit arrêt.


42      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


43      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


44      C‑612/13 P et C‑615/13 P, EU:C:2015:219.


45      Voir point 78 de l’arrêt attaqué.


46      Voir points 83 et 84 de cet arrêt.


47      Voir points 85 à 93 dudit arrêt.


48      Voir point 94 de l’arrêt attaqué.


49      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


50      Voir point 59 de cet arrêt.


51      Voir points 62 et 63 dudit arrêt.


52      C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374.


53      Arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64).


54      Voir arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50), du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 74), du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 45), et du 27 février 2014, Commission/EnBW (C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 65).


55      C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541.


56      Voir point 146 de cet arrêt.


57      C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557.


58      Voir point 68 de cet arrêt.


59      Voir point 69 dudit arrêt.