ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
27 avril 1999 (1)
«Fonctionnaires Refus de promotion Examen comparatif des mérites
Autres critères à prendre en considération Motivation»
Dans l'affaire T-283/97,
Germain Thinus, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes,
représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure, Françoise Parmentier et,
initialement, Ariane Tornel, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à
Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes Christine
Berardis-Kayser et Florence Duvieusart-Clotuche, membres du service juridique,
en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez
de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de ne pas promouvoir
le requérant au grade B 3 au titre de l'exercice de promotion 1997,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh,
juges,
greffier: M. A. Mair, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 janvier 1999,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- Le requérant est entré au service de la Commission le 1er juillet 1990, en qualité
de fonctionnaire stagiaire avec classement au grade B 5, échelon 3 . Il a été affecté
à l'unité 1 «santé publique» de la direction E «santé et sécurité» de la direction
générale Emploi, relations industrielles et affaires sociales (DG V), sous l'autorité
hiérarchique de M. Berlin, chef de l'unité.
- 2.
- Le 1er avril 1991, le requérant a été titularisé dans son emploi.
- 3.
- Au mois de mars 1992, M. Gouvras a été nommé chef de l'unité précitée, devenant
ainsi le supérieur hiérarchique du requérant.
- 4.
- Par décision du 6 septembre 1994, prenant effet le 1er janvier 1994, le requérant a
été promu au grade B 4, échelon 2 . Il a ensuite bénéficié d'un échelon
supplémentaire le 1er septembre 1995.
- 5.
- Au mois d'octobre 1994, le requérant a été muté à la direction F «santé publique
et sécurité au travail» de la DG V (ci-après «direction V.F»), sous l'autorité du
directeur M. Hunter.
- 6.
- Pour l'exercice de promotion 1996, le requérant a été proposé, par sa direction
(V.F), en troisième position pour une promotion au grade B 3, mais il n'a pas été
proposé par sa direction générale.
- 7.
- Par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») du
3 octobre 1996, adoptée dans le cadre de la réorganisation de la DG V, le
requérant a été affecté, avec effet au 1er septembre 1996, à l'unité 2 «budget,
coordination financière et comptabilité» de la direction G «gestion des ressources»
de la DG V (ci-après «direction V.G») , sous l'autorité de M. Prado.
- 8.
- Pour l'exercice de promotion 1997, M. Hunter, directeur de la direction V.F
(ancienne affectation du requérant) a conseillé à M. Zangl, directeur de la direction
V.G (nouvelle affectation du requérant), par lettre du 16 octobre 1996 , d'insérer
le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants. Par une
note non datée, M. Hunter a fait savoir à M. Zangl que le requérant et un autre
fonctionnaire avaient été retirés de la liste de promotion de la direction V.F afin
qu'ils puissent être pris en compte au sein de la direction V.G .
- 9.
- Le requérant n'a toutefois pas été proposé par sa direction ni par la direction
générale pour l'exercice de promotion 1997.
- 10.
- Par lettre du 18 décembre 1996, le requérant a demandé au président du comité
de promotion B de faire examiner sa situation.
- 11.
- Par lettre du 3 janvier 1997, le président du comité de promotion B a fait savoir
au requérant que son cas ferait l'objet d'un examen particulier lors de la réunion
du comité.
- 12.
- Par décision du 17 janvier 1997, prenant effet au 1er janvier 1997, le requérant a été
réaffecté, à sa demande, à la direction V.F , sous l'autorité de M. Gouvras .
- 13.
- Par lettre du 10 mars 1997, le président du comité de promotion B a informé le
requérant que son nom ne serait pas repris sur le projet de liste des fonctionnaires
jugés les plus méritants pour l'exercice 1997.
- 14.
- La liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour l'exercice de promotion
1997 arrétée par l'AIPN a été publiée aux Informations administratives n° 984 du
14 mars 1997 . Sur les quatre fonctionnaires de la DG V proposés pour une
promotion au grade B 3 , trois ont été repris sur cette liste. Le nom du requérant
n'y figurait pas .
- 15.
- La liste des fonctionnaires promus par l'AIPN en 1997 a été publiée aux
Informations administratives n° 989 du 4 avril 1997. Les trois fonctionnaires de la
DG V qui étaient sur la liste des plus méritants ont été promus. Ces derniers
avaient déjà été proposés par la DG V pour une promotion en 1996.
- 16.
- Le 20 juin 1997, le requérant a introduit auprès de l'AIPN une réclamation au titre
de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés
européennes (ci-après «statut»), contre la décision de ne pas le promouvoir au
grade B 3 pour l'exercice de promotion 1997.
- 17.
- Lors de sa réunion du 28 août 1997, le groupe interservices a examiné la
réclamation du requérant, en présence de son conseil.
- 18.
- Par lettre du 1er septembre 1997, le conseil du requérant a demandé à Mme Haukka,
administrateur à la direction générale Personnel et administration (DG IX),
communication des motifs justifiant la décision de préférer des fonctionnaires ayant
obtenu des rapports de notation contenant au maximum sept «excellent» alors que
celui du requérant en contenait dix. Dans cette lettre, le conseil du requérant
affirmait que le seul élément avancé lors de la réunion du groupe interservices était
une ancienneté supérieure dans le grade.
- 19.
- L'AIPN ne s'étant pas prononcée sur la réclamation introduite le 20 juin 1997,
celle-ci a fait l'objet, le 20 octobre 1997, d'une décision implicite de rejet.
Procédure et conclusions des parties
- 20.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 1997, le requérant a
introduit le présent recours.
- 21.
- Par décision du 20 novembre 1997, la Commission a rejeté explicitement la
réclamation du requérant. Cette décision, qui lui a été transmise le 27 novembre
1997, exposait les motifs de sa non-promotion. Ainsi, se basant sur les rapports de
notation, mais aussi sur d'autres aspects des mérites des fonctionnaires susceptibles
d'être promus, la Commission avait considéré que les mérites du requérant étaient
comparables à ceux des fonctionnaires préférés. Elle avait décidé de promouvoir
ces derniers en raison du fait qu'ils figuraient déjà l'année précédente sur la liste
des plus méritants et en raison de leur âge et de leur ancienneté supérieure dans
le grade.
- 22.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir
la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
- 23.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leur réponses aux questions
posées par le Tribunal à l'audience du 26 janvier 1999.
- 24.
- Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade B 3
au titre de l'exercice de promotion 1997,
condamner la Commission aux dépens.
- 25.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme non fondé,
statuer sur les dépens comme de droit.
Sur le fond
- 26.
- Le requérant invoque deux moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est
tiré de la violation de l'article 45 du statut, d'une erreur manifeste d'appréciation,
de la violation de la procédure de promotion et de la violation du principe d'égalité
de traitement. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l'obligation de
motivation.
Sur le premier moyen tiré de la violation de l'article 45 du statut, d'une erreur
manifeste d'appréciation, de la violation de la procédure de promotion et de la
violation du principe d'égalité de traitement
Arguments des parties
- 27.
- La Commission, selon le requérant, aurait commis une violation de l'article 45 du
statut, de la procédure de promotion et du principe d'égalité de traitement ainsi
qu'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle a préféré d'autres
fonctionnaires lors de l'exercice de promotion 1997 alors qu'il était
substantiellement plus méritant que ces derniers.
- 28.
- Le requérant soutient qu'il aurait dû être proposé par la direction V.G et sa
direction générale, figurer sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants et
être promu au grade B 3 pour l'exercice 1997.
- 29.
- A cet égard, le requérant fait valoir, en premier lieu, que la Commission a violé
l'article 45 du statut en retenant l'ancienneté comme critère déterminant lors de
l'adoption de sa décision de promotion. En effet, selon l'arrêt du Tribunal du 29
février 1996, Lopes/Cour de justice (T-280/94, RecFP p. II-239, point 138), ce ne
serait qu'à mérites égaux que l'AIPN peut prendre en considération, à titre
subsidiaire, l'ancienneté.
- 30.
- Or, contrairement à ce que soutient la Commission, il existerait des différences
substantielles entre ses mérites et ceux des trois fonctionnaires promus. Les
rapports de notation ne pourraient pas être considérés comme comparables et la
Commission aurait retenu comme critère déterminant la seule ancienneté.
- 31.
- A l'appui de son affirmation, le requérant fait valoir, tout d'abord, que son dernier
rapport de notation, relatif à la période 1993/1995, lui accordait dix appréciations
«excellent» et quatre appréciations «très bon». Par contre, les rapports de notation
des trois fonctionnaires promus ne contiendraient, respectivement, que sept«excellent», six «très bon» et un «bon», six «excellent» et huit «très bon», et sept
«excellent» et six «très bon». D'ailleurs, son supérieur hiérarchique pendant la
dernière période de notation serait intervenu avec insistance pour appuyer sa
promotion pour l'exercice 1997.
- 32.
- Le requérant fait valoir ensuite que l'évolution de sa carrière montre une nette
progression de ses mérites.
- 33.
- Son rapport de notation pour la période 1991/1993 précisait dans les appréciations
analytiques qu'il possédait des «connaissances parfaitement adéquates non
seulement à ses fonctions propres mais aussi en rapport avec d'autres tâches qui
lui sont confiées du fait du manque de personnel de grade 'A».
- 34.
- Son rapport de notation pour la période 1993/1995 lui attribuait cinq «excellent»
supplémentaires par rapport à la notation précédente. Ce rapport faisait à nouveau
état de «connaissances parfaitement adéquates non seulement à ses fonctions
propres mais aussi en rapport avec d'autres tâches qui lui sont confiées». Le
notateur aurait également regretté «le retard considérable apporté à la carrière de
M. Thinus, notamment pour sa promotion en B 4, empêchant ainsi sa hiérarchie
de lui exprimer la reconnaissance de ses compétences». En conséquence, il a été
un des fonctionnaires proposés par sa direction pour une promotion au grade B 3
pour l'exercice 1996.
- 35.
- En second lieu, le requérant relève qu'il a travaillé sous les ordres de cinq
supérieurs hiérarchiques différents depuis son recrutement, ce qui aurait influencé
négativement sa carrière. En particulier, son changement d'affectation au sein de
la DG V l'aurait privé d'une chance d'être promu.
- 36.
- En troisième lieu, le requérant invoque le principe de protection de la confiance
légitime. Selon lui, il pouvait légitimement espérer être à tout le moins proposé
pour une promotion après les diverses interventions de son supérieur hiérarchique,
le directeur de la direction V.F, M. Hunter.
- 37.
- La Commission fait valoir, en premier lieu, pour ce qui est de l'argument du
requérant selon lequel ses mérites ne seraient pas comparables à ceux des
fonctionnaires qui lui ont été préférés, qu'en fait la différence entre leurs mérites
était marginale et que l'AIPN a donc pris en considération l'ancienneté à titre
subsidiaire.
- 38.
- Même si l'intéressé bénéficiait d'appréciations légèrement meilleures que celles des
trois autres fonctionnaires finalement promus, le directeur général de la DG V
aurait considéré, au vu notamment des commentaires figurant dans leurs rapports
de notation et compte tenu du fait qu'ils avaient déjà été présentés l'année
précédente par la direction générale, que leurs mérites étaient tout au plus
comparables. En effet, ces trois fonctionnaires figuraient en 4e, 5e et 6e places sur
la liste des fonctionnaires de la DG V proposés pour une promotion vers le grade
B 3 en 1996 , mais n'avaient pu être promus. Ils avaient, par ailleurs, tous été
proposés par leurs directions respectives en 1995, en 1996 et en 1997 . En outre, le
requérant disposait d'une ancienneté dans le grade de trois années seulement, alors
que les fonctionnaires de la DG V finalement promus avaient une ancienneté de
sept, six et cinq années.
- 39.
- La Commission souligne, par ailleurs, que les rapports de notation des
fonctionnaires proposés ainsi que celui du requérant ont été élaborés par des
notateurs distincts au sein de la DG V, ce qui confirme le caractère relatif des
appréciations analytiques dans les différentes rubriques des rapports de notation.
- 40.
- En second lieu, quant à l'argument du requérant selon lequel ses changements
d'affectation au sein de la DG V auraient influencé négativement sa carrière, la
Commission relève que deux des trois fonctionnaires proposés ont, comme lui, fait
l'objet d'une mutation au sein de la DG V lors de la restructuration de celle-ci en
septembre 1996. Or, certaines directions, dont celle à laquelle appartenait le
requérant en septembre 1996, n'ont pas manqué de proposer à la promotion pour
l'exercice 1997 des fonctionnaires émanant d'autres directions.
- 41.
- Enfin, pour ce qui est de la prétendue violation du principe de confiance légitime,
la Commission rappelle que le statut ne confère aucun droit à une promotion,
même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être
promus (arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP
p. II-83, point 50) . Le requérant ne saurait, dès lors, invoquer la confiance légitime
qu'il aurait placée dans les notes adressées par son ancien directeur à son nouveau
directeur en l'absence d'une promesse précise émanant de l'AIPN compétente pour
les promotions.
Appréciation du Tribunal
- 42.
- Selon une jurisprudence constante, aux fins de l'examen comparatif des mérites à
prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion prévue à
l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation et, dans ce
domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir
si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l'administration à son
appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de
son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc
substituer son appréciation des qualifications et mérites des fonctionnaires à celle
de l'AIPN (voir arrêts de la Cour du 21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81,
Rec. p. 1245, points 9 et 13, et du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324/85,
Rec. p. 529, point 6, et du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, Rec. p. II-603, point 19, et du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94,
RecFP p. II-739, point 66 ).
- 43.
- C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner si, en l'espèce, la
comparaison des mérites a été réalisée correctement.
- 44.
- Pour ce qui est des appréciations analytiques contenues dans les rapports de
notation, il ressort du dossier administratif que le requérant a trois «excellents» de
plus que deux des fonctionnaires promus, et quatre de plus que le troisième
fonctionnaire promu . En effet, son dernier rapport de notation, relatif à la période
1993/1995, lui accorde dix appréciations «excellent» et quatre appréciations «très
bon». Les rapports de notation des trois fonctionnaires qui lui ont été préférés
contiennent, respectivement, sept «excellent», six «très bon» et un «bon», sept
«excellent» et six «très bon», et six «excellent» et huit «très bon».
- 45.
- Quant aux appréciations d'ordre général, le rapport de notation du requérant
mentionne expressément le fait que le niveau des tâches qui lui sont confiées
dépasse largement le cadre des fonctions normalement attachées à celles d'un
fonctionnaire de niveau B. Pour ce qui est de ses qualités professionnelles, le
notateur a signalé son sens aigu des responsabilités, un grand esprit d'initiative, une
remarquable disponibilité et un réel pragmatisme. Quant à ses qualités humaines
et relationnelles, le notateur souligne son esprit de collaboration, son intelligence,
son ambition du travail bien fait et son respect de la hiérarchie.
- 46.
- Les rapports de notation des fonctionnaires promus font référence, en ce qui
concerne M. X, à la contribution très significative apportée aux travaux de l'unité,
à son autonomie remarquable, à ses excellentes connaissances et à sa disponibilité
permanente à aider ses collègues. Pour M. Y, le rapport indique qu'il a montré un
sens de l'initiative et des responsabilités élevé, que sa compréhension des tâches
à accomplir est excellente et que la qualité de son travail est de haut niveau. Enfin,
pour ce qui est de M. Z, son rapport indique qu'il a fait preuve d'une très bonne
performance, que son travail est toujours soigné, de très bonne qualité et dans les
délais impartis. Ledit rapport souligne l'efficacité avec laquelle il a fait face à un
élargissement de ses responsabilités et à une charge de travail accrue ainsi que son
excellente organisation .
- 47.
- La comparaison des qualifications et mérites des fonctionnaires promus et du
requérant, tels qu'ils ressortent des rapports de notation, démontre donc qu'ils sont
équivalents et on ne peut pas considérer que les différences dans les appréciations
analytiques constituent des différences substantielles.
- 48.
- Toutefois, pour procéder à l'examen des mérites des fonctionnaires susceptibles
d'être promus, l'AIPN n'est pas tenue de prendre uniquement en considération
leurs rapports de notation mais peut également fonder son appréciation sur
d'autres aspects desdits mérites, tels que d'autres informations concernant leur
situation administrative et personnelle, de nature à relativiser l'appréciation portée
uniquement au vu des rapports de notation (arrêts du Tribunal du 25 novembre
1993, X/Commission, T-89/91, T-21/92 et T-89/92, Rec. p. II-1235, points 49 et 50,
et du 5 mars 1998, T-221/96, Manzo-Tafaro/Commission, RecFP p. II-307, point
18).
- 49.
- L'AIPN peut enfin, à titre subsidiaire, prendre en considération, comme critère de
sélection pour les promotions, l'âge des fonctionnaires susceptibles d'être promus
et leur ancienneté dans le grade ou dans le service et, à égalité de qualifications et
de mérites de ces fonctionnaires, ces éléments peuvent même constituer un facteur
décisif dans le choix de l'AIPN (voir arrêts Baiwir/Commission, précité, point 143,
et Manzo-Tafaro/Commission, précité, point 17).
- 50.
- En l'espèce, il y a lieu de comparer la régularité avec laquelle les fonctionnaires ont
été proposés, non seulement par leur directeur général, mais aussi par leurs
directions respectives, critère dont le requérant a lui-même reconnu la validité lors
de l'audience. Il ressort du dossier administratif que, depuis leur dernière
promotion, MM. X, Y et Z avaient toujours été proposés par leurs directions
respectives et par leur directeur général. Par contre, pour l'exercice de promotion
1996, le requérant n'a pas été proposé par sa direction générale.
- 51.
- En ce qui concerne le critère de l'ancienneté dans le grade, il y a lieu de constater
que le requérant avait trois ans d'ancienneté, tandis que les fonctionnaires promus
en avaient respectivement sept, six et cinq.
- 52.
- Quant à l'argument du requérant selon lequel le fait de ne pas avoir été proposé
pour l'exercice 1997 par sa propre direction ou par sa direction générale serait la
conséquence de plusieurs changements d'affectation au sein de la DG V, il n'est
justifié par aucun élément.
- 53.
- En outre, il y a lieu de relever que deux des trois fonctionnaires promus avaient,
comme le requérant, fait l'objet d'une mutation au sein de la DG V lors de la
restructuration de celle-ci en septembre 1996 et que la propre direction du
requérant avait proposé à la promotion pour l'exercice 1997 des fonctionnaires
provenant d'autres directions.
- 54.
- Il y a lieu, dès lors, de conclure que le directeur général, au vu des mérites
respectifs de MM. X, Y et Z et du requérant, compte tenu des possibilités depromotions en 1997 et du fait que celui-ci n'avait que trois ans d'ancienneté, a pu
à bon droit considérer ne pas devoir le proposer pour l'exercice de promotion 1997.
- 55.
- Pour ce qui est du principe de protection de la confiance légitime, le seul argument
invoqué par le requérant est tiré du fait que son supérieur hiérarchique était
intervenu plusieurs fois pour appuyer sa promotion.
- 56.
- Or, selon une jurisprudence constante, si tout fonctionnaire est en droit de se
prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, il ne peut, toutefois,
invoquer ce principe que s'il a obtenu de l'administration des assurances précises
tenant compte des dispositions statutaires (arrêt du Tribunal du 12 mai 1998,
Wenk/Commission, T-159/96, RecFP p. II-593, point 91)
- 57.
- Dans le cas d'espèce, en l'absence d'une promesse précise émanant de l'AIPN
compétente pour les promotions, l'intervention du supérieur hiérarchique du
requérant ne saurait être considérée comme une assurance précise d'être promu.
- 58.
- En tout état de cause, dans le cadre d'une décision de promotion, l'AIPN doit
respecter les critères définis par le statut et doit procéder à un examen comparatif
des mérites en application de son article 45. Il s'ensuit qu'une telle promesse, à la
supposer établie, n'aurait pu créer une confiance légitime dans le chef du
requérant, étant donné qu'elle aurait été donnée sans tenir compte des dispositions
statutaires applicables (arrêts du Tribunal, Wenk/Commission, précité, point 92, et
du 26 octobre 1993, Weißenfels/Parlement, T-22/92, Rec. p. II-1095, point 92).
- 59.
- Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas violé le
principe de protection de la confiance légitime.
- 60.
- Il résulte de tout ce qui précède que, bien que les mérites du requérant soient
remarquables, l'AIPN a exercé ses attributions conformément aux dispositions de
l'article 45 du statut, en restant dans des limites non critiquables et sans user de son
pouvoir de manière erronée.
- 61.
- Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.
Sur le second moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation
Arguments des parties
- 62.
- Le requérant rappelle la jurisprudence du Tribunal selon laquelle l'AIPN n'est pas
tenue de motiver les décisions de promotion à l'égard des fonctionnaires non
promus, mais en revanche elle est tenue de motiver sa décision portant rejet de la
réclamation d'un fonctionnaire non promu, la motivation de cette décision de rejet
étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la
réclamation était dirigée (arrêt du Tribunal du 11 juin 1996, Anacoreta
Correia/Commission, T-118/95, RecFP p. II-835, point 82).
- 63.
- Or, la seule motivation en sa possession résiderait dans la lettre du 10 mars 1997
du président du comité de promotion formulée comme suit :
«Je regrette de vous informer que le comité n'a pas pu placer votre nom sur le
projet de liste des fonctionnaires jugés le plus méritants pour l'exercice 1997.»
- 64.
- Cette note ne lui permettrait pas d'apprécier le bien-fondé de la décision attaquée .
- 65.
- D'ailleurs, ce ne serait que lors de la communication du mémoire en défense qu'il
aurait pu prendre connaissance des appréciations analytiques reprises dans les
rapports de notation des fonctionnaires qui lui ont été préférés .
- 66.
- Le défaut de motivation aurait persisté malgré la demande qu'il a adressée à
plusieurs reprises à l'AIPN tendant à ce qu'il soit informé sur les motifs justifiant
la décision de ne pas le promouvoir, en particulier lors de la réunion du groupe
interservices du 28 août 1997 et dans la lettre du 1er septembre 1997 adressée à
Mme Haukka, administrateur à la DG IX .
- 67.
- La Commission fait valoir, en premier lieu, qu'une motivation expresse a été
apportée dans la décision de rejet explicite de la réclamation adoptée par l'AIPN
le 21 novembre et notifiée au requérant le 27 novembre 1997, même si celui-ci n'a
pas attendu cette notification pour introduire son recours, qu'il a déposé quelques
jours à peine après l'expiration du délai au terme duquel l'absence de décision de
l'AIPN vaut rejet implicite .
- 68.
- En second lieu, la Commission considère que, en tout état de cause, le requérant
était en mesure de connaître la plupart des raisons ayant motivé le choix de l'AIPN
et notamment le fait que, contrairement aux autres fonctionnaires de la DG V
finalement promus, il était le seul à ne pas avoir fait l'objet d'une proposition de
sa direction générale au cours des exercices précédents. Il savait, en outre, comme
l'aurait reconnu son conseil, qu'il bénéficiait d'une ancienneté inférieure dans le
grade .
- 69.
- Enfin, et dans l'hypothèse où l'on considérerait que le contexte dans lequel est
intervenue la décision ne constitue pas une motivation suffisante, la Commission
soutient que, en l'espèce, le requérant n'a aucun intérêt légitime à solliciter une
telle annulation pour vice de forme. En effet, une annulation de la décision de non-promotion prise par l'AIPN ne pourrait que donner lieu à une décision identique
quant au fond. A cet égard, la Commission fait référence à l'arrêt du Tribunal du
27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice (T-156/89, Rec. p. II-407, points 130
à 143).
- 70.
- Le requérant réfute l'argument de la Commission selon lequel il aurait dû attendre
la notification explicite de rejet, qui lui a été notifiée le 27 novembre 1997. Il serait
de jurisprudence constante que l'absence totale de motivation d'une décision ne
pourrait être couverte par des explications fournies par l'AIPN après l'introduction
d'un recours. A ce stade, de telles explications ne rempliraient plus leur fonction.
En effet, l'obligation de motivation, qui résulte des dispositions combinées des
articles 25, deuxième alinéa, et 90, paragraphe 2, du statut, aurait pour but, d'une
part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé
du rejet de sa non-promotion et l'opportunité d'introduire un recours devant le
Tribunal et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle (arrêt du
Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec p. II-121, point 40).
- 71.
- Enfin, quant à l'argument de la Commission selon lequel il était en mesure de
connaître la plupart des raisons ayant motivé le choix de l'AIPN, le requérant
rappelle que, lors de la réunion du groupe interservices, le seul élément avancé, à
la demande de son conseil, a été une ancienneté supérieure dans le grade. Même
si le représentant de la DG V a fait référence à des critères objectifs pris en
considération lors de l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires
promouvables, il aurait toutefois refusé de les communiquer.
- 72.
- Le requérant conclut que la décision attaquée est entachée d'une absence totale
de motivation, qui ne peut être couverte par des explications fournies après le
dépôt du recours en annulation.
Appréciation du Tribunal
- 73.
- Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motivation, inscrite à l'article 25,
premier alinéa, du statut, a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une
indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l'acte lui faisant grief et
l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de
permettre à ce dernier d'exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en
fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l'acte, de la nature
des motifs invoqués et de l'intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des
explications (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94,
RecFP p. II-77, points 31 et 32, et Lopes/Cour de justice, précité, point 148).
- 74.
- Il est également de jurisprudence constante que l'AIPN n'est pas tenue de motiver
les décisions de promotion à l'égard des fonctionnaires non promus, mais qu'elle
est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d'un
fonctionnaire non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée
coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était
dirigée (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec.
p. I-225, point 13, et arrêt Anacoreta Correia/Commission, précité, point 82).
- 75.
- En cas d'absence totale de motivation avant l'introduction d'un recours, il est de
jurisprudence que ladite absence ne peut être couverte par des explications
fournies par l'AIPN après l'introduction du recours. A ce stade, de telles
explications ne rempliraient plus leurs fonctions. L'introduction d'un recours met
donc un terme à la possibilité d'une réponse explicite à une réclamation après
l'expiration du délai statutaire de quatre mois prévu à cette fin par l'article 90,
paragraphe 2, troisième tiret (arrêt Volger/Parlement, précité, point 40).
- 76.
- Toutefois, s'il s'avère que les éléments dont le requérant disposait avant
l'introduction du recours constituaient, au moins, un début de motivation, il sera
nécessaire d'examiner si un tel défaut de motivation a été pallié en cours d'instance
puisqu'il est de jurisprudence que, dans un tel cas, des précisions complémentaires
peuvent être apportées en cours d'instance (arrêt du Tribunal du 17 mai 1995,
Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. II-335, point 36).
- 77.
- Enfin, il ressort de la jurisprudence que, pour juger du caractère suffisant d'une
motivation, il y a lieu de la replacer dans le contexte dans lequel s'est inscrite
l'adoption de l'acte attaqué (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre
e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 16, et arrêt Benecos/Commission,
précité, point 33).
- 78.
- En premier lieu, pour ce qui est de la motivation dont le requérant disposait avant
l'introduction de son recours, il y a lieu de relever que la lettre du 10 mars 1997 du
président du comité de promotion est dépourvue de toute motivation car elle se
borne à affirmer que le requérant n'a pas été placé sur la liste des fonctionnaires
jugés les plus méritants pour l'exercice 1997.
- 79.
- Néanmoins, il découle de la lettre du 1er septembre 1997 envoyée par le conseil du
requérant à Mme Haukka, que le requérant a été informé, lors de la réunion du
groupe interservices, du fait que les fonctionnaires promus avaient des rapports de
notation contenant au maximum sept «excellent» et une ancienneté dans le grade
supérieure à la sienne.
- 80.
- Dès lors, il ne saurait être question d'une absence totale de motivation. La
motivation fournie par la Commission ne saurait cependant être considérée comme
suffisante, l'AIPN n'ayant pas indiqué au requérant le motif individuel et pertinent
justifiant sa non-promotion, et ceci malgré les demandes réitérées du conseil de
ce dernier (arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec.
p. II-201, point 25, et Benecos/Commission, précité, point 35).
- 81.
- C'est dans ce contexte qu'il y a lieu, en second lieu, de vérifier si les précisions
complémentaires qui ont été apportées par la Commission en cours d'instance ontpu pallier cette insuffisance de motivation (arrêt Benecos/Commission, précité,
point 36).
- 82.
- A cet égard, il y a lieu de constater que, dans sa réponse explicite à la réclamation
du requérant, reçue par celui-ci le 27 novembre 1997, la Commission a précisé les
motifs pour lesquels elle avait rejeté la promotion du requérant, à savoir le fait que
l'AIPN, considérant les mérites du requérant comparables à ceux des trois
fonctionnaires proposés, avait décidé de promouvoir ces derniers en raison du fait
qu'ils figuraient déjà l'année précédente sur la liste des plus méritants, et en raison
de leur âge et de leur ancienneté supérieure dans le grade. En outre, dans son
mémoire en défense, la Commission a mentionné un élément supplémentaire
d'appréciation qui manquait au requérant, à savoir les appréciations d'ordre
général des fonctionnaires promus.
- 83.
- Eu égard à ce qui précède, le Tribunal considère que le moyen tiré de l'insuffisance
de motivation a, dès lors, été rendu sans objet par les explications que la
Commission a données en cours d'instance (arrêts Vela Palacios/CES, précité, point
27, et Benecos/Commission, précité, point 38).
- 84.
- De surcroît, le moyen de fond soulevé par le requérant à l'encontre de la décision
attaquée ayant été rejeté, il y a lieu de constater que l'annulation de cette décision
pour défaut de motivation ne pourrait que donner lieu à l'intervention d'une
nouvelle décision, identique à celle du 20 novembre 1997, de rejet explicite de sa
réclamation.
- 85.
- Par conséquent, ce moyen doit être rejeté.
Sur les dépens
- 86.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en
vertu de l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans
les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.
- 87.
- Néanmoins, en ce qui concerne les dépens du requérant, le Tribunal relève que
celui-ci a été obligé d'introduire le présent recours afin d'obtenir une motivation
complète de la décision portant rejet de sa promotion. Le Tribunal estime, en
conséquence, qu'il y a lieu, au vu des conclusions du requérant et de la
Commission, de condamner la Commission à rembourser les dépens exposés par
le requérant jusqu'à la date de réception de la décision de rejet de la réclamation.
Les dépens exposés par le requérant postérieurement à cette date seront supportés
par lui-même (arrêt Wenk/Commission, précité, points 128 et 129).
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission supportera ses propres dépens et les dépens exposés par le
requérant jusqu'à la date de réception par celui-ci de la décision de rejet de
sa réclamation. Le requérant supportera les dépens qu'il a dû exposer à
partir de la date de réception de la décision de rejet de sa réclamation.
Cooke García-Valdecasas
Lindh
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
J. D. Cooke