Language of document : ECLI:EU:C:2015:271

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 23 avril 2015 (1)

Affaire C‑110/14

Horațiu Ovidiu Costea

contre

SC Volksbank România SA

[demande de décision préjudicielle formée par la Judecătoria Oradea (Roumanie)]

«Protection des consommateurs – Notion de ‘consommateur’ au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE – Contrat de crédit conclu par une personne physique qui exerce la profession d’avocat – Remboursement du crédit garanti par un immeuble appartenant au cabinet d’avocat de l’emprunteur – Incidence des connaissances et de la profession sur la qualité de consommateur – Détermination de la destination du crédit – Contrat à double finalité, au sens du considérant 17 de la directive 2011/83/UE – Incidence du contrat accessoire sur le contrat principal»





1.        La présente demande de décision préjudicielle, introduite par la Judecătoria Oradea (Roumanie), donne à la Cour l’occasion de se prononcer sur la notion de «consommateur» au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (2), selon lequel toute personne physique qui, dans les contrats relevant de cette directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle, est un «consommateur».

2.        Bien que la notion de «consommateur» ait fait l’objet d’une interprétation jurisprudentielle dans différents domaines du droit de l’Union, la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée exhaustivement sur cette notion dans le domaine spécifique de la directive 93/13 (3), dont l’interprétation est demandée en l’espèce. Plus précisément, la présente affaire est particulière en ce qu’elle amène à s’interroger sur la qualité de consommateur d’un professionnel du droit concernant la conclusion d’un contrat de crédit dont le remboursement est garanti par un immeuble appartenant à son cabinet d’avocat individuel. Ainsi, il s’agit d’examiner, d’une part, la question de l’incidence des compétences et connaissances particulières d’une personne agissant en qualité de consommateur et, d’autre part, l’influence du rôle que cette personne joue dans le cadre d’un contrat accessoire de garantie sur sa qualité de consommateur dans le cadre d’un contrat principal de crédit.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

3.        Aux termes des cinquième, dixième et seizième considérants de la directive 93/13:

«considérant que, généralement, le consommateur ne connaît pas les règles de droit qui, dans les États membres autres que le sien, régissent les contrats relatifs à la vente de biens ou à l’offre de services; que cette méconnaissance peut le dissuader de faire des transactions directes d’achat de biens ou de fourniture de services dans un autre État membre;

[…]

considérant qu’une protection plus efficace du consommateur peut être obtenue par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives; que ces règles doivent s’appliquer à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur; que, par conséquent, sont notamment exclus de la présente directive les contrats de travail, les contrats relatifs aux droits successifs, les contrats relatifs au statut familial ainsi que les contrats relatifs à la constitution et aux statuts des sociétés;

[…]

considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués; que ceci constitue l’exigence de bonne foi; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes».

4.        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose que celle‑ci a pour objet de «rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur».

5.        L’article 2 de cette directive définit les notions de «consommateur» et de «professionnel». Aux termes de cette disposition, «[a]ux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

b)      ‘consommateur’: toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle;

c)      ‘professionnel’: toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée».

B –    Le droit roumain

6.        L’article 2 de la loi no 193/2000 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs (Legea privind clauzele abuzive din contractele încheiate între comercianţi şi consumatori), dans sa version en vigueur au moment de la conclusion du contrat de crédit qui fait l’objet du litige au principal, énonce:

«1.      Il convient d’entendre par ‘consommateur’ toute personne physique ou tout groupe de personnes physiques constitué en association qui, dans le cadre d’un contrat relevant du domaine d’application de la présente loi, agit dans des buts étrangers à ses activités commerciales, industrielles ou de production, artisanales ou libérales.

2.      Il convient d’entendre par ‘commerçant’ toute personne physique ou morale autorisée qui, dans le cadre d’un contrat relevant du domaine d’application de la présente loi, agit dans le contexte de ses activités commerciales, industrielles ou de production, artisanales ou libérales, ainsi que toute personne qui agit dans ce même cadre au nom ou pour le compte de cette première personne».

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

7.        La présente demande de décision préjudicielle a été formée dans le cadre d’un litige civil entre M. Costea, partie requérante, et SC Volksbank România SA (ci‑après «Volksbank»), partie défenderesse, et a pour objet une action déclaratoire introduite devant la Judecătoria Oradea, juridiction civile de première instance.

8.        Le requérant, M. Costea, exerce la profession d’avocat dans le domaine du droit commercial. Au cours de l’année 2008, M. Costea a conclu un contrat de crédit avec Volksbank. Selon la décision de renvoi, ce contrat a également été conclu par le cabinet d’avocat individuel «Costea Ovidiu», en qualité de caution hypothécaire. En effet, à la même date que le contrat de crédit, un contrat par lequel le cabinet d’avocat individuel «Costea Ovidiu», en tant que propriétaire d’un immeuble, est convenu avec Volksbank de garantir le remboursement du crédit susmentionné a été conclu (ci‑après le «contrat de garantie»). À cette fin, le cabinet d’avocat «Costea Ovidiu» était représenté par M. Costea. C’est précisément cette circonstance qui a permis à l’établissement bancaire défendeur de connaître la profession de l’emprunteur.

9.        Le 24 mai 2013, M. Costea a formé le recours à l’origine du litige au principal contre Volksbank, demandant la constatation du caractère abusif de la clause relative à la commission de risque inscrite au point 5, sous a), du contrat de crédit (4), ainsi que la restitution des sommes perçues par la banque à ce titre. M. Costea a fondé ses arguments sur sa qualité de consommateur et invoqué les dispositions de la loi no 193/2000, qui a transposé la directive 93/13 en droit roumain. Plus particulièrement, M. Costea estime que la clause relative à la commission de risque n’a pas fait l’objet d’une négociation, mais a été imposée unilatéralement par la banque. Le requérant en a déduit que cette clause revêtait un caractère abusif et estime, par ailleurs, que la garantie hypothécaire qui accompagnait le contrat de crédit avait éliminé ce risque. Dans la décision de renvoi, le juge ne s’exprime ni au sujet du contenu de la clause ni au sujet de son éventuel caractère abusif (5).

10.      La Judecătoria Oradea a considéré qu’il était nécessaire de procéder à l’interprétation de l’article 2, sous b), de la directive 93/13 et a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Aux fins de la définition de la notion de ‘consommateur’, l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit‑il être interprété comme incluant ou comme excluant de cette définition une personne physique exerçant la profession d’avocat qui conclut un contrat de crédit avec une banque, sans que le but du crédit soit précisé dans ce contrat, qui mentionne la qualité de caution hypothécaire du cabinet d’avocat de ladite personne physique?»

11.      Volksbank, les gouvernements roumain, italien, des Pays‑Bas et la Commission européenne ont formulé des observations écrites dans le cadre de la procédure devant la Cour. Au cours de l’audience, qui s’est tenue le 28 janvier 2015, les parties ont été invitées à concentrer leurs plaidoiries sur l’incidence du contrat accessoire de garantie sur la qualité de consommateur, ainsi que sur l’utilité, aux fins de la présente affaire, des indications quant à la qualification juridique des contrats à double finalité que donne le considérant 17 de la directive 2011/83/UE (6). M. Costea, le gouvernement roumain et la Commission ont présenté des observations orales.

III – Observations liminaires

12.      À titre liminaire, il est nécessaire de souligner que, alors que, dans la décision de renvoi, la juridiction nationale fait observer que le texte du contrat ne précise nullement la destination du crédit, le gouvernement roumain comme la Commission ont souligné, dans leurs observations écrites, le fait que le contrat de crédit conclu avec Volksbank contient une clause destinée à identifier l’objet du contrat, dans laquelle il est signalé que le crédit a été octroyé pour «la couverture des dépenses courantes personnelles». Ce fait n’est pas contesté par Volksbank et a également été corroboré par M. Costea lors de l’audience.

13.      À cet égard, bien que la juridiction de renvoi pose sa question en rapport avec une situation dans laquelle la destination du crédit n’est pas précisée, je considère que la discordance entre la demande de décision préjudicielle et les observations présentées devant la Cour ne saurait faire obstacle à ce que celle‑ci apporte une réponse utile à la question préjudicielle posée.

14.      En effet, selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (7).

15.      Par ailleurs, en ce qui concerne, plus particulièrement, les prétendues lacunes et erreurs contenues dans la décision de renvoi, selon une jurisprudence constante, il appartient non pas à la Cour, mais à la juridiction nationale, d’établir les faits qui ont donné lieu au litige et d’en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre (8).

16.      En l’espèce, la question préjudicielle est posée dans le cadre d’un litige spécifique dont la résolution dépend de l’interprétation de la notion de «consommateur» au sens de la directive 93/13. En outre, la décision de renvoi donne des éléments suffisants pour que la Cour puisse apporter une réponse utile à la juridiction nationale.

IV – Analyse

17.      Compte tenu des différents éléments pertinents pour apporter une réponse utile à la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi, sur lesquels les parties ont également concentré leurs plaidoiries, mon analyse portera sur la notion de «consommateur» dans la directive 93/13, ainsi que sur l’incidence que d’autres éléments, tels que la référence aux contrats à double finalité dans la directive 2011/83 et le rapport entre le contrat principal (le contrat de crédit) et le contrat de garantie, ont sur cette notion.

A –    La notion de «consommateur» dans la directive 93/13

18.      En dehors des instruments spécifiques visant à rapprocher les législations destinées à la protection des consommateurs, la notion de «consommateur» apparaît de manière transversale dans de multiples domaines du droit de l’Union, tels que ceux du droit de la concurrence (9), de la coopération judiciaire civile (10), de la politique commune de l’agriculture et de la pêche (11), ainsi que dans d’autres domaines dans lesquels il existe des mesures de rapprochement des législations (12). À cet égard, les nombreux instruments de droit dérivé destinés à la protection des consommateurs ne donnent pas non plus une conception univoque de la notion de «consommateur» (13). Il s’agit donc d’une notion présente dans de nombreuses sphères de l’activité normative de l’Union européenne, mais dont le droit primaire ne délimite pas les contours précis (14), et dont le potentiel en tant que catégorie permettant d’identifier certains sujets n’est pas monolithique, mais varie selon chacun des instruments de droit dérivé pertinents. Ainsi, la notion de «consommateur» ne fait pas l’objet d’une approche uniforme dans tous les instruments, qui appartiennent à des domaines juridiques différents et visent des finalités diverses: il s’agit d’une notion opérationnelle et dynamique, définie par le renvoi au contenu de l’acte législatif en question (15).

19.      En l’espèce, la Cour est appelée à interpréter la notion de «consommateur» dans le cadre de la directive 93/13. Pour ce faire, il apparaît clairement que le point de départ doit être le libellé de l’article 2, sous b), de cette directive, qui définit la notion de «consommateur».

20.      Il ressort de cette disposition que le domaine dans lequel l’individu agit est pertinent pour définir tant le consommateur que le professionnel. Ainsi, l’article 2, sous b), de la directive 93/13 dispose que «toute personne physique qui, dans les contrats relevant de cette directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle» est un consommateur. À l’inverse, aux termes de l’article 2, sous c), «toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée […]» est un professionnel.

21.      À cet égard, la jurisprudence de la Cour a montré que l’opposition entre les notions de «professionnel» et de «consommateur» n’était pas entièrement symétrique (toutes les personnes qui ne peuvent être considérées comme des professionnels ne sont pas nécessairement des consommateurs), étant donné, notamment, que les personnes morales ne sauraient être considérées comme des consommateurs au sens de l’article 2 de la directive 93/13 (16). En l’espèce, il ne fait aucun doute que M. Costea ait conclu le contrat de crédit en qualité de personne physique, et non en qualité de représentant de son cabinet.

22.      Les doutes au sujet de la qualité de consommateur de M. Costea à l’origine du renvoi préjudiciel sont dus au fait que M. Costea exerce la profession d’avocat. Tous les intéressés qui ont présenté des observations écrites et orales, à l’exception de Volksbank, estiment que la profession exercée par une personne physique n’a aucune incidence pour apprécier si cette personne peut être considérée comme un consommateur au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13. En revanche, Volksbank signale que, pour pouvoir estimer qu’une personne est un consommateur, il faudrait non seulement apprécier l’existence d’un critère objectif – qui découle du libellé de l’article 2, sous b), de la directive 93/13 –, mais également tenir compte d’un critère subjectif lié à l’esprit de la directive, qui vise à protéger le consommateur en tant que partie faible qui ignore généralement les dispositions légales. Ainsi, selon Volksbank, la présomption selon laquelle le consommateur est placé dans une situation inégale peut être réfutée s’il apparaît que celui‑ci dispose de l’expérience et des informations nécessaires pour se protéger lui‑même.

23.      Eu égard à la définition qui figure à l’article 2 sous b), de la directive, interprété de manière systématique au regard des autres dispositions de celle‑ci, et à la lumière de l’interprétation jurisprudentielle de la notion de «consommateur» dans d’autres instruments du droit de l’Union, je considère que l’argumentation de Volksbank ne saurait être accueillie.

24.      En effet, l’élément central de la notion de «consommateur» telle que définie dans cette directive se réfère à un élément qui peut être clairement délimité: la situation du contractant dans la transaction juridique en question. À cet égard, comme la Cour l’a souligné dans l’arrêt Asbeek Brusse et de Man Garabito, il faut tenir compte du fait que c’est «par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle, que la directive définit les contrats auxquels elle s’applique» (17).

25.      L’importance, en tant qu’élément déterminant de la qualité de consommateur, du domaine d’activité dans lequel l’opération en question s’inscrit est également confirmée par la jurisprudence de la Cour relative à d’autres instruments relatifs à la protection des consommateurs qui contiennent des définitions de la notion de «consommateur» analogues à celle de l’article 2, sous b), de la directive 93/13. Ainsi, dans l’arrêt Di Pinto (18), la Cour a interprété la notion de «consommateur» dans le cadre de la directive 85/577 (19) et souligné que le critère d’application de la protection résidait précisément dans le lien qui unissait les transactions faisant l’objet du démarchage réalisé auprès de commerçants – qui avait pour objet d’inciter à la conclusion d’un contrat de publicité relatif à la vente de leur fonds de commerce – à l’activité professionnelle du commerçant, de sorte que celui‑ci ne pouvait prétendre à l’application de la directive que si l’opération pour laquelle il était démarché excédait le cadre de ses activités professionnelles (20).

26.      Ainsi, le libellé de la directive 93/13 et la jurisprudence qui interprète aussi bien cet instrument que la directive 85/577 semblent tendre vers une notion de «consommateur» à la fois objective et fonctionnelle: il s’agit donc, en ce qui concerne une personne déterminée, non pas d’une catégorie consubstantielle et immuable (21), mais, au contraire, d’une qualité appréciable en fonction de la situation dans laquelle une personne se trouve dans le cadre d’une transaction juridique ou opération particulière parmi les nombreuses transactions ou opérations qu’il est susceptible de réaliser au quotidien. Comme l’a souligné l’avocat général Mischo dans l’affaire Di Pinto, au sujet de la notion de «consommateur» au sens de l’article 2 de la directive 85/577, les personnes visées par cette disposition «ne sont pas définies in abstracto, mais selon ce qu’elles font in concreto», de telle manière que, dans différentes situations, une même personne peut avoir tantôt la qualité de consommateur, tantôt celle de professionnel (22).

27.      Cette conception du consommateur en tant qu’acteur d’une transaction juridique déterminée, qui réunit à la fois et selon les cas des éléments aussi bien objectifs que fonctionnels, est également confirmée dans la convention de Bruxelles, dans laquelle la Cour a également interprété la notion de «consommateur», bien que, comme je l’indiquerai plus avant, l’analogie doive être nuancée pour interpréter la directive 93/13, étant donné que ces deux instruments normatifs ont des objets différents. Ainsi, dans l’arrêt Benincasa (23), la Cour a jugé que, pour déterminer si une personne agit en qualité de consommateur, «il y a lieu de se référer à la position de cette personne dans un contrat déterminé, en rapport avec la nature et la finalité de celui‑ci, et non pas à la situation subjective de cette même personne. […] [U]ne seule et même personne peut être considérée comme un consommateur dans le cadre de certaines opérations et un opérateur économique dans le cadre d’autres opérations» (24).

28.      En définitive, nous sommes en présence d’une notion objective et fonctionnelle, dont la manifestation dépend d’un seul critère: l’inclusion de la transaction juridique en cause dans le cadre d’activités étrangères à l’exercice professionnel. En effet, comme l’a souligné le gouvernement roumain, la directive n’établit aucun critère supplémentaire pour déterminer la qualité de consommateur. Il s’agit, en outre, d’une notion définie de manière situationnelle, c’est‑à‑dire en rapport avec une transaction juridique concrète (25). Par conséquent, l’on ne saurait priver une personne de la possibilité de se trouver dans la situation d’un consommateur à l’égard d’un contrat ne relevant pas de son activité professionnelle en raison de ses connaissances générales ou de sa profession, mais il convient de tenir compte exclusivement de sa situation par rapport à une opération juridique concrète.

29.      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de Volksbank fondés sur l’esprit de la directive 93/13 et, plus particulièrement, sur divers considérants du préambule de celle‑ci (26). Certes, selon une vision systématique de la directive 93/13, les notions de «vulnérabilité» et de «situation d’infériorité», en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, constituent la raison d’être de cette directive, puisque l’on part d’une situation dans laquelle le consommateur adhère à des conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles‑ci (27). Néanmoins, ces idées de vulnérabilité et d’infériorité, qui sous‑tendent, en général, l’ensemble du droit de la protection des consommateurs au niveau de l’Union (28), n’ont pas été matérialisées dans les actes normatifs concrets qui régissent la notion de «consommateur» en tant que conditions nécessaires selon la définition de cette notion en droit positif. Ainsi, ni la définition de la notion de «consommateur» ni aucune autre disposition de la directive 93/13 ne subordonnent l’existence de la qualité de consommateur dans une situation précise à l’absence de connaissance, à la désinformation ou à une situation effective d’infériorité.

30.      En effet, la possibilité de contester, dans chaque cas concret, la qualité de consommateur en invoquant des éléments liés à l’expérience, aux études, à la profession, voire à l’intelligence du consommateur, irait à l’encontre de l’effet utile de la directive 93/13. Plus particulièrement, les avocats (ou titulaires d’une licence en droit, ainsi que d’autres professionnels) seraient privés de protection dans de multiples aspects de leurs opérations privées. Comme le souligne le gouvernement roumain, même lorsque le niveau de connaissances de la personne en question peut être comparable à celui du prêteur, cela n’a aucune incidence sur son pouvoir de négociation, qui reste identique à celui qu’aurait toute autre personne physique face à un professionnel.

31.      Certes, la Cour a estimé, dans l’affaire Šiba (29), que «les avocats disposent d’un niveau élevé de compétences techniques que les consommateurs ne possèdent pas nécessairement» (30). Néanmoins, ces considérations se référaient à une situation dans laquelle l’avocat en question «fourni[ssait], à titre onéreux, un service juridique au profit d’une personne physique agissant à des fins privées» et était donc un professionnel au sens de l’article 2, sous c), de la directive 93/13 (31).

32.      En outre, une interprétation telle que celle que propose Volksbank aurait pour conséquence de nier la qualité de consommateur à toutes les personnes qui, au moment de la conclusion d’un contrat, auraient reçu une assistance juridique ou professionnelle d’une autre nature (32).

33.      Par ailleurs, la Cour avait rejeté l’influence des connaissances ou de la situation concrète de la personne en question dans d’autres domaines que celui de la directive 93/13, lorsque la condition objective selon laquelle l’activité ne doit pas relever du domaine professionnel de la personne en question faisait défaut. Tel a été le cas concernant la directive 85/577, au sujet de laquelle la Cour, dans l’arrêt Di Pinto, démontre que, lorsque la personne agit dans le cadre de ses activités professionnelles, une absence effective de connaissances dans le cas concret ne remet pas en cause sa qualité de professionnel (33).

34.      Pour conclure, je considère que la notion de «consommateur» au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut une personne physique qui exerce la profession d’avocat et conclut un contrat de crédit avec une banque, alors qu’un immeuble appartenant au cabinet d’avocat individuel de cette personne figure, par ailleurs, en tant que garantie hypothécaire dans le cadre de ce contrat, lorsque, compte tenu de tous les éléments de preuve dont le juge national dispose, il s’avère que cette personne a agi à des fins ne s’inscrivant pas dans le cadre de son activité professionnelle.

B –    La notion de «consommateur» s’agissant des contrats à double finalité

35.      En marge des considérations qui précèdent, j’estime que, pour répondre à la présente question préjudicielle, il est utile de traiter la question des «contrats à double finalité», étant donné, notamment, que cette question porte expressément sur un contrat dans lequel la finalité du crédit n’a pas été précisée.

36.      À cette fin, le gouvernement roumain comme le gouvernement des Pays‑Bas ont signalé l’utilité de l’arrêt Gruber pour déterminer si, en l’espèce, M. Costea a la qualité de consommateur (34). La Commission, pour sa part, a signalé, aussi bien dans ses observations écrites que lors de l’audience, l’importance du considérant 17 de la directive 2011/83. Ce considérant et l’arrêt Gruber se réfèrent tous deux, dans des domaines différents, aux contrats à double finalité.

37.      Les critères permettant de déterminer si un contrat relève du domaine personnel ou professionnel sont différents dans l’arrêt Gruber et dans la directive 2011/83. Comme je l’indiquerai plus avant, je considère que le critère pertinent dans les circonstances du cas d’espèce est celui de la directive 2011/83.

38.      Dans l’arrêt Gruber (35), la Cour a penché pour une interprétation restrictive de la notion de «consommateur» dans les situations relatives à des contrats à double finalité. L’interprétation en question privilégie le critère de la marginalité: une personne ne saurait se prévaloir des règles de compétence spécifiques relatives aux consommateurs prévues par la convention de Bruxelles «sauf si l’usage professionnel est marginal au point d’avoir un rôle négligeable dans le contexte global de l’opération en cause, le fait que l’aspect extraprofessionnel prédomine étant sans incidence à cet égard» (36). En outre, dans ce contexte, la Cour a établi que la charge de la preuve incombe à la personne qui entend se prévaloir des articles 13 à 15 de la convention de Bruxelles (37).

39.      Le considérant 17 de la directive 2011/83, dont le libellé est bien différent, opte pour un critère basé sur la finalité prédominante: «en cas de contrats à double finalité, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette personne devrait également être considérée comme un consommateur».

40.      Ainsi, tandis que, selon le critère de la marginalité de l’arrêt Gruber, l’inclusion du contrat dans le domaine personnel requiert que l’usage professionnel soit si ténu qu’il puisse être considéré comme insignifiant, la directive 2011/83 opte pour une solution plus équilibrée, au moyen du critère de la finalité prédominante dans le contexte global du contrat.

41.      Comme l’a indiqué la Commission lors de l’audience, l’application de la jurisprudence Gruber dans le cadre de l’interprétation de la directive 93/13 doit être accueillie avec prudence. En effet, la jurisprudence de la Cour qui interprète la notion de «consommateur» au sens tant de l’article 13 de la convention de Bruxelles que de l’article 15 du règlement no 44/2001 révèle une approche restrictive, compte tenu, sans aucun doute, du fait que ces dispositions supposent des exceptions au critère général de compétence basé sur le domicile du requérant et doivent donc être interprétées strictement (38). Ainsi, l’application restrictive de la notion de «consommateur» dans les contrats à double finalité ne semble pas être automatiquement transposable par analogie aux règles spécifiques destinées à la protection des consommateurs, telles que la directive 93/13 (39).

42.      De surcroît, ce n’est pas par hasard que le considérant 17 de la directive 2011/83 adopte une approche différente de celle adoptée dans l’arrêt Gruber. En effet, au cours des négociations relatives à cette directive, le Parlement européen a présenté un amendement qui proposait expressément de modifier la définition de la notion de «consommateur» pour l’étendre à «toute personne physique qui […] agit à des fins qui, pour l’essentiel, n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale» (40). Au cours des négociations qui ont suivi, le Parlement a accepté de maintenir la définition du terme «consommateur» et supprimé l’expression «pour l’essentiel», à la condition que, au considérant destiné à clarifier la définition de la notion de «consommateur», à l’origine basée sur l’arrêt Gruber (41), le mot «marginale» soit remplacé par le mot «prédominante» (42).

43.      En définitive, eu égard tant aux différentes fonctions que la notion de «consommateur» remplit dans les divers actes normatifs qu’à la constatation qui découle des travaux préparatoires, j’estime que le considérant 17 de la directive 2011/83 consacre le critère de la finalité prédominante dans le contexte général du contrat.

44.      En ce qui concerne la présente affaire, je suis enclin à considérer, à l’instar du gouvernement roumain et de la Commission, que le recours à l’éclaircissement apporté par le considérant 17 de la directive 2011/83 pour interpréter la notion de «consommateur» s’impose également dans le cadre de la directive 93/13. En effet, cette appréciation est justifiée, compte tenu de la finalité commune et du lien explicite qui unissent ces deux instruments. Ainsi, la directive 2011/83 est un acte qui modifie la directive 93/13 (43). En outre, la notion de «consommateur» est énoncée de manière presque identique dans ces deux instruments, la seule différence étant que, tandis que la directive 93/13 fait uniquement référence à l’«activité professionnelle», la directive 2011/83 fait référence à l’«activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale».

45.      Partant, pour savoir si une personne peut être considérée comme un consommateur aux fins de la directive 93/13 dans des circonstances dans lesquelles il existe des indices montrant que le contrat en cause poursuit une double finalité, de telle manière qu’il n’apparaît pas clairement que ce contrat ait été exclusivement conclu à des fins soit personnelles, soit professionnelles, le critère de la finalité prédominante offre un outil permettant de déterminer, en examinant l’ensemble des circonstances qui entourent le contrat en cause – au‑delà d’un critère purement quantitatif – (44) et en appréciant les moyens de preuve objectifs dont la juridiction nationale dispose, dans quelle mesure les fins professionnelles ou non professionnelles prédominent dans le cas d’un contrat précis.

46.      Bien que tant la Commission que M. Costea aient indiqué, lors de l’audience, que la description des faits fournie par le juge national ne révèle aucun élément qui permette d’estimer que nous sommes en présence d’un contrat à double finalité, il appartient à la juridiction de renvoi de clarifier la situation de fait concernant la destination du crédit au moyen des éléments de preuve dont elle dispose, parmi lesquels se trouvent, sans doute, les spécifications prévues par le contrat lui‑même, dont le contenu pourrait bien fonder la présomption selon laquelle nous sommes en présence d’un crédit destiné à des fins personnelles.

47.      Pour conclure, je considère que, dans l’hypothèse où le juge national estimerait qu’il n’apparaît pas clairement qu’un contrat ait été exclusivement conclu à des fins soit personnelles, soit professionnelles, la partie contractante en question doit être considérée comme un consommateur si la finalité professionnelle ne prédomine pas dans le contexte global du contrat, compte tenu de l’ensemble des circonstances et de l’appréciation des moyens de preuve dont le juge national dispose et qu’il lui appartient d’examiner.

C –    Le rapport entre le contrat principal et le contrat accessoire

48.      Enfin, il faut encore savoir quelle incidence la circonstance selon laquelle le contrat principal de crédit a été garanti par un immeuble destiné à l’activité professionnelle de l’emprunteur pourrait avoir sur la qualité de consommateur de M. Costea.

49.      À cet égard, les observations du gouvernement roumain comme celles de la Commission insistent sur l’absence d’incidence du contrat de garantie sur le contrat de crédit. Ces observations ont insisté, tout comme les observations orales que M. Costea a présentées au cours de l’audience, sur la qualité de tiers du cabinet d’avocat individuel «Costea Ovidiu» par rapport au contrat de crédit et indiqué que le simple fait qu’un immeuble appartenant à ce cabinet constitue la garantie du contrat de crédit ne signifie pas que ce cabinet soit devenu une partie au contrat de crédit.

50.      Comme l’ont indiqué les parties dans leurs observations présentées devant la Cour, je considère qu’il existe deux rapports juridiques distincts: d’une part, celui qui lie M. Costea, en tant que personne physique – en qualité d’emprunteur –, et la banque et, d’autre part, celui qui lie le cabinet d’avocat individuel «Costea Ovidiu» – en tant que caution hypothécaire – et la banque. Ces deux rapports juridiques doivent être envisagés de manière autonome, de sorte que le second – qui revêt, en outre, un caractère accessoire – n’a aucune incidence sur la nature du premier.

51.      À cet égard, la jurisprudence de la Cour offre quelques indications au sujet du rapport entre les contrats qui peuvent être considérés comme accessoires et leurs contrats principaux respectifs, tant dans le cadre de la directive 85/577 que dans celui du règlement no 44/2001. Ainsi, en ce qui concerne la première directive susmentionnée, la Cour a jugé, dans l’arrêt Dietzinger (45), que, eu égard au caractère accessoire des contrats de cautionnement, l’article 2, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 85/577, qui définit la notion de «consommateur», «doit être interprété en ce sens qu’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique n’agissant pas dans le cadre d’une activité professionnelle est exclu du champ d’application de la directive lorsqu’il garantit le remboursement d’une dette contractée par une autre personne agissant, quant à elle, dans le cadre de son activité professionnelle» (46). La Cour s’est prononcée dans le même sens lorsqu’elle a interprété l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, en concluant, dans l’arrêt Česká spořitelna (47), que cet article «doit être interprété en ce sens qu’une personne physique ayant des liens professionnels étroits avec une société, tels que la gérance ou une participation majoritaire dans celle‑ci, ne saurait être considérée comme un consommateur au sens de cette disposition lorsqu’elle avalise un billet à ordre émis pour garantir les obligations qui incombent à cette société au titre d’un contrat relatif à l’octroi d’un crédit» (48).

52.      Néanmoins, en l’espèce, nous sommes dans la situation inverse. En effet, l’éventuel aspect professionnel pourrait uniquement se rapporter au contrat accessoire, dans la mesure où M. Costea a conclu le contrat de garantie en tant que représentant légal de son cabinet d’avocat individuel. Par conséquent, contrairement aux affaires Dietzinger et Česká spořitelna, en l’espèce, il n’y a pas lieu d’appliquer la maxime accesorium sequitur principale, en ce sens que les effets du contrat accessoire devraient connaître le sort de ceux du contrat principal, mais il convient de prendre en considération chacun de ces rapports juridiques individuellement, pour pouvoir constater les différentes fonctions qu’un même individu y remplit. En effet, ce qui est déterminant, en l’espèce, ce n’est pas d’établir la qualité de représentant légal de M. Costea dans le cadre du contrat de garantie, comme contrat accessoire, mais de savoir quelle est sa situation dans le cadre du contrat de crédit, qui constitue le contrat principal.

53.      Ainsi, le fait que M. Costea a signé le contrat de garantie comme représentant du cabinet d’avocat n’a aucune incidence négative sur la qualité de consommateur de M. Costea à l’égard du contrat de crédit principal. Au contraire, eu égard à la jurisprudence précitée, l’on pourrait même éventuellement soutenir que le contrat accessoire de garantie était sous l’influence du contrat principal (49).

54.      Pour toutes ces raisons, je considère que le rôle qu’une personne physique a joué, en tant que représentant légal de son cabinet d’avocat individuel, dans la conclusion d’un contrat accessoire de garantie n’a aucune incidence sur sa qualité de consommateur concernant un contrat principal de crédit.

V –    Conclusion

55.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par la Judecătoria Oradea de la manière suivante:

La notion de «consommateur», au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut une personne physique qui exerce la profession d’avocat et conclut un contrat de crédit avec une banque, alors qu’un immeuble appartenant au cabinet d’avocat individuel de cette personne figure, par ailleurs, en tant que garantie hypothécaire dans le cadre de ce contrat, lorsque, compte tenu de tous les éléments de preuve dont le juge national dispose, il s’avère que cette personne a agi à des fins ne s’inscrivant pas dans le cadre de son activité professionnelle.

Dans l’hypothèse où le juge national estimerait qu’il n’apparaît pas clairement qu’un contrat ait été exclusivement conclu à des fins soit personnelles, soit professionnelles, la partie contractante en question doit être considérée comme un consommateur si la finalité professionnelle ne prédomine pas dans le contexte global du contrat, compte tenu de l’ensemble des circonstances et de l’appréciation des moyens de preuve dont le juge national dispose et qu’il lui appartient d’examiner.

Le rôle qu’une personne physique a joué, en tant que représentant légal de son cabinet d’avocat individuel, dans la conclusion d’un contrat accessoire de garantie n’a aucune incidence sur sa qualité de consommateur concernant un contrat principal de crédit.


1 – Langue originale: l’espagnol.


2 – JO L 95, p. 29.


3 – La Cour a interprété cette notion en rapport avec cette directive dans l’arrêt Cape et Idealservice MN RE (C‑541/99 et C‑542/99, EU:C:2001:625).


4 – Il ressort des documents versés au dossier qu’il s’agit d’une clause figurant à la section «Conditions spéciales» du contrat et intitulée «Commission de risque», qui correspond à 0,22 % du solde du crédit et doit être payée mensuellement aux dates d’échéance sur toute la durée du contrat.


5 – La pratique de Volksbank consistant à stipuler des clauses de commission de risque dans les contrats de crédit a donné lieu à plusieurs affaires devant la Cour. Dans l’arrêt SC Volksbank România (C‑602/10, EU:C:2012:443), la Cour a jugé que la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133, p. 66) doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’une mesure nationale (en l’occurrence, l’ordonnance d’urgence du gouvernement 50/2010, Monitorul Oficial al României, partie I, no 389 du 11 juin 2010) visant à transposer cette directive en droit interne inclue dans son champ d’application matériel des contrats de crédit ayant pour objet l’octroi d’un crédit garanti par un bien immobilier, alors même que de tels contrats sont expressément exclus du champ d’application matériel de ladite directive. Les juridictions roumaines ont posé des questions préjudicielles dans cinq autres affaires qui ont, néanmoins, été radiées à la suite du retrait de ces questions [ordonnances SC Volksbank România (C‑47/11, EU:C:2012:572); SC Volksbank România (C‑571/11, EU:C:2012:726); SC Volksbank România (C‑108/12, EU:C:2013:658); SC Volksbank România (C‑123/12, EU:C:2013:460) et SC Volksbank România (C‑236/12, EU:C:2014:241)]. Dans l’arrêt Matei (C‑143/13, EU:C:2015:127), la Cour a eu l’occasion d’interpréter l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 en rapport avec certaines clauses stipulées dans des contrats de crédit conclus entre un professionnel et des consommateurs et prévoyant une «commission de risque».


6 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 304, p. 64).


7 – Voir, parmi de nombreux autres exemples, arrêt Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 27 et jurisprudence citée).


8 – Voir, notamment, arrêts Traum (C‑492/13, EU:C:2014:2267, point 19) et PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160, point 40).


9 – Articles 102, sous b), TFUE et 107, paragraphe 2, sous a), TFUE.


10 – Article 13 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32; version consolidée publiée au JO 1998, C 27, p. 1; ci‑après la «convention de Bruxelles») et article 15 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 12, p. 1).


11 – Articles 39, paragraphe 1, sous c), TFUE et 40, paragraphe 2, TFUE.


12 – Voir, notamment, directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») (JO L 178, p. 1).


13 – Néanmoins, la notion de «consommateur» apparaissait définie de manière similaire, mais pas identique, dans certains instruments, tels que les directives 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31, p. 131) et 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO L 144, p. 19) – abrogées par la directive 2011/83 –, ainsi que la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO L 158, p. 59) et la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis‑à‑vis des consommateurs dans le marché intérieur (JO L 149, p. 22). Cette dernière se réfère, en outre, à la notion de «consommateur moyen», qui, selon l’interprétation de la Cour, «est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques […]» (considérant 18). Pour une comparaison de la notion de «consommateur» dans divers instruments, voir Ebers, M., «The notion of ‘consumer’», Consumer Law compendium, www.eu‑consumer‑law.org.


14 – Sur les différentes fonctions de la notion de «consommateur» et le sens large qu’il faut donner à cette notion conformément à sa fonction dans certains articles du traité FUE, voir Mortelmans, K., et Watson, S., «The Notion of Consumer in Community Law: A Lottery?», dans Lonbay, J. (ed.), Enhancing the Legal Position of the European Consumer, BIICL, 1996, p. 36 à 57.


15 – Tenreiro, M., «Un code de la consommation ou un code autour du consommateur? Quelques réflexions critiques sur la codification et la notion du consommateur», dans Krämer, L., Micklitz, H.‑W., et Tonner, K. (eds.), Law and diffuse Interests in the European Legal Order. Liber amicorum Norbert Reich, p. 349.


16 – Arrêt Cape et Idealservice MN RE (C‑541/99 et C‑542/99, EU:C:2001:625, point 16).


17 – C‑488/11, EU:C:2013:341, point 30.


18 – C‑361/89, EU:C:1991:118.


19 – Directive abrogée par la directive 2011/83, dont l’article 2 définissait le «consommateur» comme «toute personne physique qui, pour les transactions couvertes par la présente directive, agit pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle».


20 – Arrêt Di Pinto (C‑361/89, EU:C:1991:118, point 15).


21 – Pour citer l’avocat général Jacobs, «[i]l n’existe pas de statut personnel de consommateur ou de non‑consommateur; ce qui compte, c’est de déterminer en quelle qualité le client a agi lorsqu’il a conclu un contrat particulier» [point 34 de ses conclusions présentées dans l’affaire Gruber (C‑464/01, EU:C:2004:529)].


22 – Point 19 des conclusions de l’avocat général Mischo présentées dans l’affaire Di Pinto (C‑361/89, EU:C:1990:462). Dans cette affaire, l’avocat général Mischo a proposé que les commerçants démarchés à leur domicile pour la vente de leur fonds de commerce bénéficient de la qualité de consommateur. La Cour n’a pas suivi cette orientation.


23 – C‑269/95, EU:C:1997:337.


24 – Ibidem (point 16). En conclusion, la Cour a jugé qu’«un demandeur qui a conclu un contrat en vue de l’exercice d’une activité professionnelle non actuelle mais future ne peut être considéré comme un consommateur» (point 19). L’avocat général s’est prononcé dans le même sens en indiquant que «[…] [c]’est précisément l’activité en cause – et non, j’insiste sur ce point, la situation personnelle préexistante du sujet – qui constitue le facteur que l’article 13 de la convention de Bruxelles prend en considération afin d’instaurer un régime spécifique de compétence juridictionnelle pour certains contrats» [point 49 des conclusions de l’avocat général Ruiz‑Jarabo Colomer présentées dans l’affaire Benincasa (C‑269/95, EU:C:1997:78)].


25 – Denkinger, F., Der Verbraucherbegriff, De Gruyter Recht, Berlin, 2007, p. 287 et suiv.


26 – Plus particulièrement, sur les quatrième à sixième, huitième à dixième, douxième, seizième et vingt‑quatrième considérants.


27 – Arrêts Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, point 31) et Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 39 ainsi que jurisprudence citée).


28 – Voir, à cet égard, le «programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d’information des consommateurs» de 1975 (JO C 92, p. 1, p. 65) et la résolution du Conseil du 19 mai 1981 concernant un deuxième programme de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d’information des consommateurs (JO C 133, p. 1, p. 6).


29 – C‑537/13, EU:C:2015:14.


30 – Ibidem (point 23).


31 – Ibidem (point 24).


32 – À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a jugé, au point 65 de l’arrêt Rampion et Godard (C‑429/05, EU:C:2007:575), que le fait d’être représenté par un avocat n’avait aucune incidence sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48) selon laquelle cette disposition peut être appliquée d’office par une juridiction nationale.


33 – Ainsi, la Cour a considéré qu’«[i]l y a tout lieu de croire, en effet, qu’un commerçant, normalement avisé, connaît la valeur de son fonds et celle de chacun des actes que nécessite sa vente, de sorte que, s’il s’engage, ce ne saurait être de manière inconsidérée et sous le seul effet de la surprise» [arrêt Di Pinto (C‑361/89, EU:C:1991:118, point 18)].


34 – Voir arrêt Gruber (C‑464/01, EU:C:2005:32), rendu dans une affaire concernant l’achat et l’installation de tuiles dans une ferme qui était également le domicile familial de M. Gruber.


35 – C‑464/01, EU:C:2005:32.


36 – Ibidem (point 54). Mise en italique par mes soins.


37 – Ibidem (point 46).


38 – Voir, notamment, arrêts Shearson Lehman Hutton (C‑89/91, EU:C:1993:15, point 18) et Gabriel (C‑96/00, EU:C:2002:436, point 39).


39 – Voir, à ce sujet, Reich, N., Micklitz, H.‑W., Rott, P., et Tonner, K., European Consumer Law, 2édition, Intersentia, 2014, p. 53.


40 – Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs, commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, du 22 février 2011, A7‑0038/2011, p. 36, amendement no 59. Mise en italique par mes soins.


41 – Document 10481/11 du Conseil, du 20 mai 2011, p. 3.


42 – Document 11218/11 du Conseil, du 8 juin 2011, p. 5.


43 – La directive 2011/83 remplace les directives 85/577 et 97/7 et modifie les directives 93/13 et 1999/44/CE. S’agissant de la directive 93/13, la proposition [COM (2008) 614 final] de la Commission prévoyait son abrogation complète et son intégration dans la nouvelle directive, mais, en fin de compte, à l’article 32 de la directive 2011/83 le législateur s’est contenté d’insérer un nouvel article 8 bis, relatif aux dispositions plus strictes que les États membres peuvent adopter pour assurer la protection des consommateurs, dans la directive 93/13.


44 – Le critère de la finalité prédominante entraîne indubitablement une certaine complexité dans son application pratique. Voir, à ce sujet, Loacker, L. D., «Verbraucherverträge mit gemischter Zwecksetzung», Juristenzeitung, 68, 2013, p. 234 à 242.


45 – C‑45/96, EU:C:1998:111.


46 – Ibidem (point 23). Néanmoins, l’application de la maxime accesorium sequitur principale n’a pas été considérée comme suffisante pour estimer que le champ d’application de la directive 87/102 comprenait un contrat de cautionnement conclu en garantie du remboursement d’un crédit, alors que ni la caution ni le bénéficiaire du crédit n’avaient agi dans le cadre de leur activité professionnelle. Voir, à cet égard, arrêt Berliner Kindl Brauerei (C‑208/98, EU:C:2000:152).


47 – C‑419/11, EU:C:2013:165.


48 – Ibidem (point 40).


49 – Néanmoins, le critère de l’accessoire comme élément permettant de déterminer l’applicabilité du droit de l’Union a ses limites. Voir, à cet égard, point 65 des conclusions de l’avocat général Léger présentées dans l’affaire Berliner Kindl Brauerei (C‑208/98, EU:C:1999:537), point 65.