Language of document : ECLI:EU:C:2024:154

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 22 février 2024 (1)

Affaire C76/22

QI

contre

Santander Bank Polska S.A.

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Woli w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie‑Wola, siégeant à Varsovie, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 2014/17/UE – Contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel – Article 25, paragraphe 1 – Remboursement anticipé du crédit – Réduction du coût total du crédit – Notion de “coût total du crédit pour le consommateur” – Méthode de calcul de la réduction »






1.        L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE (2) prévoit le droit pour le consommateur emprunteur d’un crédit relatif à un bien immobilier à usage résidentiel de rembourser celui-ci intégralement ou partiellement avant l’expiration du contrat (avec réduction des intérêts et des frais dus pour la durée résiduelle du contrat).

2.        La Cour s’est déjà prononcée sur la réduction du coût total du crédit en faveur du consommateur à la suite du remboursement anticipé dans ce type de contrats (3). Elle devra également le faire prochainement concernant l’autre terme de l’équation : l’(éventuelle) indemnisation du prêteur pour les coûts directement encourus du fait de ce remboursement (4).

3.        La juridiction qui a introduit le présent renvoi préjudiciel demande que certaines clarifications lui soient fournies en ce qui concerne le droit du consommateur. Elle souhaite en particulier savoir selon quelle méthode la réduction de frais faisant partie du coût total du crédit est calculée lorsque le remboursement anticipé a lieu.

I.      Le cadre juridique : la directive 2014/17

4.        Le considérant 66 de la directive 2014/17 dispose :

« La possibilité pour les consommateurs de rembourser leur crédit avant l’échéance du contrat de crédit peut jouer un rôle important dans le marché unique, en y renforçant la concurrence et en y favorisant la libre circulation des personnes ainsi qu’en contribuant à apporter pendant la durée du contrat de crédit la souplesse requise pour promouvoir la stabilité financière conformément aux recommandations du Conseil de stabilité financière. Il existe cependant des différences importantes dans les principes et les conditions de remboursement de crédit appliqués au niveau national, notamment les conditions dans lesquelles un remboursement anticipé peut avoir lieu. Il est nécessaire, tout en reconnaissant la diversité des mécanismes de financement hypothécaire et la gamme des produits existants, d’édicter au niveau de l’Union certaines normes relatives au remboursement anticipé du crédit, afin que les consommateurs aient la possibilité de s’acquitter de leurs obligations avant la date prévue dans le contrat de crédit et qu’ils aient suffisamment confiance pour comparer les offres afin de sélectionner les produits les mieux adaptés à leurs besoins. Il conviendrait, par conséquent, que les États membres garantissent aux consommateurs, soit par voie législative ou règlementaire, soit par d’autres moyens tels que des clauses contractuelles, un droit au remboursement anticipé. Les États membres devraient néanmoins pouvoir définir les conditions d’exercice de ce droit. Ces conditions peuvent notamment consister à limiter ce droit dans le temps, à prévoir un traitement différent selon le type de taux débiteur ou à prévoir un nombre restreint de circonstances dans lesquelles le droit peut être exercé. Si le remboursement anticipé intervient dans une période pour laquelle le taux débiteur est fixe, l’exercice du droit pourrait être subordonné à l’existence d’un intérêt légitime chez le consommateur, précisé par l’État membre. Un tel intérêt légitime pourrait exister, par exemple, en cas de divorce ou de chômage. Les conditions fixées par les États membres peuvent prévoir que le prêteur a droit à une indemnisation équitable et objectivement justifiée pour les coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit. Si les États membres prévoient que le prêteur a droit à une indemnisation, il devrait s’agir d’une indemnisation équitable et objectivement justifiée pour les coûts directement encourus du fait du remboursement anticipé du crédit conformément à la réglementation nationale en matière d’indemnisation. L’indemnisation ne devrait pas dépasser la perte financière du prêteur. »

5.        Conformément à l’article 25 de cette directive :

« 1. Les États membres veillent à ce que le consommateur ait, avant l’expiration d’un contrat de crédit, le droit de s’acquitter, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu dudit contrat. Dans ce cas, le consommateur a droit à une réduction du coût total du crédit pour le consommateur correspondant aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat.

2.      Les États membres peuvent prévoir que l’exercice du droit visé au paragraphe 1 est soumis à certaines conditions. Ces conditions peuvent notamment consister à limiter ce droit dans le temps, à prévoir un traitement différent selon le type de taux débiteur ou [le] moment où le consommateur exerce son droit et à prévoir un nombre restreint de circonstances dans lesquelles le droit peut être exercé.

3.      Les États membres peuvent prévoir que le prêteur a droit à une indemnisation équitable et objective, lorsque cela s’avère justifié, pour les éventuels coûts directement supportés du fait du remboursement anticipé du crédit, mais n’impose pas de pénalité au consommateur. À cet égard, l’indemnisation ne dépasse pas la perte financière du prêteur. Dans ces conditions, les États membres peuvent prévoir que l’indemnisation ne peut dépasser un certain niveau ou qu’elle ne peut être autorisée que pour une certaine durée.

4.      Lorsqu’un consommateur souhaite s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu d’un contrat de crédit avant l’expiration dudit contrat, le prêteur lui communique sans tarder après réception de la demande, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à l’examen de cette faculté. Au minimum, ces informations chiffrent les conséquences qui s’imposeront au consommateur s’il s’acquitte de ses obligations avant l’expiration du contrat de crédit et formulent clairement les hypothèses utilisées. Ces hypothèses sont raisonnables et justifiables.

5.      Si le remboursement anticipé intervient dans une période durant laquelle le taux débiteur est fixe, les États membres peuvent prévoir que l’exercice du droit visé au paragraphe 1 est subordonné à l’existence d’un intérêt légitime chez le consommateur. »

II.    Les faits, le litige et les questions préjudicielles

6.        Le 15 septembre 2017, QI a conclu, en tant que consommatrice, un contrat de crédit en vue de l’acquisition d’un logement avec le prédécesseur légal de Santander Bank Polska S.A. (ci-après « Santander Bank »), d’un montant de 106 600 zlotys polonais (PLN).

7.        Le contrat prévoyait un délai de remboursement du crédit de 360 mois et contenait une « commission liée à l’octroi du crédit » correspondant à 2,50 % du montant prêté (5). La commission était qualifiée d’élément du coût total du crédit.

8.        Le 4 avril 2019 (soit 19 mois après la conclusion du contrat), QI a remboursé de manière anticipée l’intégralité du crédit.

9.        Selon QI, Santander Bank devait lui rembourser une partie de la commission liée à l’octroi du crédit, correspondant à une période de 341 mois. Elle a estimé son montant à 2 462,78 PLN, qu’elle a réclamé à Santander Bank.

10.      Le 20 juillet 2020, Santander Bank a rejeté la réclamation de QI. Elle a fait valoir que la commission liée à l’octroi du crédit consistait en un paiement unique et était exclue de l’obligation de restitution proportionnelle.

11.      Par précaution, Santander Bank a indiqué que, si la commission liée à l’octroi du crédit était partiellement remboursable, la quotité à restituer devrait être proportionnelle non pas au rapport entre les périodes, mais à la rémunération attendue par le prêteur pour l’utilisation du financement par le consommateur.

12.      Dans ce contexte, le Sąd Rejonowy dla track y-Woli w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie-Wola, siégeant à Varsovie, Pologne), appelé à trancher le litige, a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)       L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE doit-il être interprété de la même manière que l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48/CE, c’est-à-dire en ce sens que le droit pour le consommateur d’obtenir une réduction du coût total du crédit hypothécaire en cas de remboursement anticipé dudit crédit couvre la totalité des frais imposés au consommateur, y compris la commission liée à l’octroi du prêt ?

2)      L’obligation, prévue à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE, de réduire le coût total du crédit hypothécaire en cas de remboursement anticipé du crédit hypothécaire doit-elle être interprétée en ce sens que le coût total dudit crédit doit être réduit proportionnellement au rapport existant entre, d’une part, la durée de la période allant du jour du remboursement anticipé du crédit au jour initialement convenu pour ce remboursement et, d’autre part, la durée de la période, initialement convenue, allant du jour de la libération du crédit au jour de son remboursement intégral, ou bien faut-il considérer que la réduction du coût total du crédit hypothécaire doit être proportionnelle au manque à gagner du prêteur, c’est-à-dire au rapport entre les intérêts restant à verser après le remboursement anticipé du crédit (dus pour la période allant du jour suivant celui du remboursement intégral effectif au jour du remboursement intégral initialement convenu) et les intérêts dus pour toute la durée du contrat de crédit initialement convenue (depuis le jour de la libération du crédit jusqu’au jour convenu pour son remboursement intégral) ? »

III. La procédure devant la Cour

13.      La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 5 février 2022.

14.      La procédure devant la Cour a été suspendue dans l’attente du prononcé de l’arrêt dans l’affaire C‑555/21, UniCredit Bank Austria.

15.      Cet arrêt ayant été rendu le 9 février 2023, la Cour l’a porté à la connaissance de la juridiction de renvoi en lui demandant si, au vu de son contenu, elle maintenait sa demande de décision préjudicielle.

16.      Le 22 mars 2023, la juridiction de renvoi a répondu à la Cour qu’elle maintenait sa demande de décision préjudicielle.

17.      Des observations écrites ont été présentées par QI, Santander Bank, les gouvernements polonais, tchèque, italien et portugais ainsi que la Commission européenne.

18.      La tenue d’une audience n’a pas été jugée indispensable.

IV.    Analyse

A.      Les méthodes de calcul de la réduction du coût total du crédit, dans l’hypothèse où le montant de la commission liée à l’octroi du crédit ferait partie de l’obligation de remboursement

19.      À la demande de la Cour, les présentes conclusions porteront seulement sur la seconde question préjudicielle.

20.      En toute logique, la Cour ne devra répondre à cette question que si elle considère que la commission liée à l’octroi du crédit est un coût qui relève de la réduction prévue à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, ce qui fait l’objet de la première question préjudicielle.

21.      Je prendrai donc comme hypothèse de travail la réponse affirmative à la première question. Si elle était négative, mes réflexions seraient superflues.

22.      La juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 doit être interprété en ce sens qu’il prévoit une méthode de calcul de la réduction (6) du coût total du crédit (ou d’un poste faisant partie de ce coût total) lorsque le consommateur rembourse sa dette envers le prêteur de manière anticipée.

23.      En particulier, elle interroge la Cour sur la conformité à la directive 2014/17 de deux critères, ou méthodes, afin de déterminer dans quelle mesure la commission liée à l’octroi du crédit serait réduite, de manière proportionnelle, en cas de remboursement anticipé (7).

24.      En vertu du premier critère, le ratio de la réduction est le quotient obtenu en divisant :

–        la durée (en jours) de la période comprise entre le jour suivant la date du remboursement anticipé et la date prévue dans le contrat pour le remboursement total du crédit

–        par la durée (en jours) de la période comprise entre la date de la libération du crédit et la date initialement fixée pour son remboursement intégral (8).

25.      Conformément au second critère, la réduction serait proportionnelle au rapport (quotient) entre :

–        les intérêts perdus par le créancier (ceux de la période comprise entre le jour du remboursement anticipé et la date initialement convenue pour le remboursement intégral) et

–        les intérêts dus pour toute la durée du contrat (pour la période comprise entre la date de libération du crédit et la date convenue pour le remboursement intégral) (9).

26.      QI défend la première méthode indiquée, arguant que la seconde n’est pas réalisable. Elle indique que, sur le marché polonais, les prêts hypothécaires sont des crédits à taux d’intérêt variables. Il n’est donc pas possible de déterminer avec certitude les intérêts que le prêteur s’attendait à obtenir après la date à laquelle le remboursement anticipé du prêt a eu lieu (10).

27.      La Commission, favorable au même critère, fonde son opinion sur le fait que la directive 2014/17 ne contient de référence à aucune méthode en particulier. Elle déduit de ce silence que, « dans l’esprit du législateur de l’Union, cette réduction est conçue comme la simple conséquence du remboursement anticipé de sorte que son calcul ne présente pas de difficultés » (11).

28.      Pour les gouvernements polonais, italien et portugais, la directive 2014/17 n’a pas entendu réglementer ce point, ce qui est donc laissé au soin de chaque État membre (12). À partir de cette observation commune :

–        le gouvernement polonais opte pour la proportionnalité linéaire, qui, en tant que méthode « plus compréhensible et transparente pour les consommateurs, facile à appliquer et prévisible », répond bien à l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs (13) ;

–        le gouvernement italien ne se prononce pas, sauf pour exclure que le critère de calcul doive être unique pour tous les coûts soumis à réduction en vertu de l’article 25 de la directive 2014/17 ; il exclut également que cet hypothétique critère unique doive correspondre à la proportionnalité linéaire (14) ;

–        le gouvernement portugais laisse la question ouverte (15).

29.      Santander Bank préconise l’utilisation de la seconde méthode, car elle est proportionnelle à la perte de bénéfices du prêteur (16).

30.      Pour les raisons que j’exposerai, je suis d’avis que la directive 2014/17 n’opte pour aucun des deux critères proposés. En réalité, elle n’éablit pas la méthode aux fins de calculer la partie du coût total du crédit à réduire (ou à restituer, selon le cas) lorsque le consommateur s’acquitte de ses obligations par anticipation.

31.      D’une certaine manière, cette position rejoint celle exprimée par la juridiction de renvoi en ce qui concerne la seconde question préjudicielle lorsqu’elle a indiqué maintenir sa demande de décision préjudicielle. Dans sa réponse du 22 mars 2023, la juridiction de renvoi a affirmé qu’elle maintenait sa demande, étant donné que « les deux options présentées concernant la réduction des frais peuvent être considérées comme valables », tout en ajoutant qu’elle « penche en faveur d’une réduction proportionnelle ».

B.      Sur l’interprétation de la directive 2014/17

1.      L’argumentation littérale

32.      Il n’existe aucune instruction dans le texte de la directive 2014/17 sur la manière dont est calculée la réduction du coût total d’un crédit qui est remboursé avant le délai convenu.

33.      L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 indique uniquement l’objet de la réduction (le coût total du crédit), les postes sur lesquelles la réduction opère (intérêts et autres frais) et la délimitation temporelle de ceux-ci (durée résiduelle du contrat).

34.      Cet article 25, à son paragraphe 4, ordonne de fournir au consommateur qui souhaite procéder au remboursement anticipé les « informations nécessaires à l’examen de cette faculté ». Il précise ensuite le contenu minimal de ces informations, sans évoquer aucun critère de calcul.

35.      L’article 13 de la directive 2014/17, relatif aux informations générales de base que le prêteur doit fournir concernant le contrat de crédit, indique, à son paragraphe 1, sous k), qu’elles incluent les « conditions directement liées à un remboursement anticipé », sans préciser lesquelles.

36.      Il n’y a pas non plus d’indication d’une méthode spécifique de calcul dans la fiche d’information standardisée européenne (FISE) (17), dont le point 9 porte sur le droit au remboursement anticipé et oblige à définir, s’il y a lieu, les conditions de son exercice (18).

2.      Les travaux préparatoires

37.      La réglementation européenne en matière de crédit à la consommation a commencé avec l’adoption de la directive 87/102/CEE (19), qui a été suivie par la directive 2008/48/CE (20). Toutefois, ce n’est qu’avec la directive 2014/17 qu’un cadre réglementaire commun a été mis en place pour les contrats de crédit à la consommation garantis par une hypothèque ou par une sûreté comparable sur des biens immobiliers à usage résidentiel.

38.      Ces trois directives prévoient le droit du consommateur au remboursement anticipé du prêt (21). À cet égard, les travaux préparatoires respectifs s’accordent sur le fait que :

–        la consécration d’un tel droit par un instrument européen a fait l’objet de controverses, compte tenu, d’une part, des différentes solutions adoptées dans les États membres et, d’autre part, de la difficulté de trouver un équilibre entre tous les intérêts en présence (22) ;

–        il n’y a pas eu de débat sur la réduction du coût total du crédit accompagnant un remboursement anticipé de ce dernier. Cette réduction, qui se veut « équitable » dans la directive 87/102, s’applique, dans les deux autres directives, sur des intérêts et des frais qui ont été précisément définis par la Cour pour chacune d’entre elles (23).

39.      La proposition d’adopter un critère uniforme pour le calcul de ladite réduction n’a été faite que par rapport à la directive 87/102, en vue de son éventuelle réforme (24). Sauf erreur de ma part, elle n’a pas été reprise dans les négociations de la directive 2008/48 ni dans celles de la directive 2024/17, concernant les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel (25).

3.      Le contexte

40.      L’interprétation systématique ne permet pas non plus d’identifier un critère spécifique aux fins de chiffrer la réduction du coût total du crédit visée à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17.

41.      J’ai expliqué ailleurs que la directive 2014/17 contient une réglementation incomplète des contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et qu’elle procède, à quelques exceptions près, à une harmonisation minimale (26).

42.      En ce qui concerne le remboursement anticipé du crédit, le législateur européen reconnaît le droit à ce que le consommateur le fasse et à ce que cela s’accompagne d’une réduction du coût total dû. En revanche, il confie aux États membres la manière de garantir ce droit (27) et leur permet d’en conditionner l’exercice, en leur reconnaissant une large marge d’action à cet égard (28).

43.      Bien que la méthode de calcul du réajustement du coût total du crédit ne figure pas expressément parmi les matières relevant de la compétence de chaque législateur national, j’estime qu’il s’agit de l’une d’entre elles :

–        d’une part, parce que l’énumération de ces matières est faite à titre d’exemple (29);

–        d’autre part, parce que l’absence de toute mention de ce calcul contraste avec la manière détaillée dont la directive 2014/17 régit la détermination d’autres valeurs (30).

44.      La lecture de l’article 25 de la directive 2014/17, considéré dans son ensemble, ne permet pas non plus de dégager une méthode spécifique de calcul de la réduction litigieuse en l’espèce.

45.      Il ne me semble pas approprié de déduire la consécration du critère de la « courbe des intérêts » de la mention, à l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17 (31), d’un droit à indemnisation du prêteur (32). Ce paragraphe permet à chaque législateur national de décider de l’existence ou non de ce droit.

46.      La préférence pour l’autre méthode, c’est-à-dire pour la proportionnalité linéaire, parce qu’elle est (prétendument) simple (33), voire la « plus simple » pour le consommateur (34), me semble exclue au vu de l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2014/17.

47.      En vertu de cette disposition, le prêteur a un devoir d’information envers le consommateur qui exprime son intention de rembourser le crédit de manière anticipée. Concrètement, le professionnel doit « [a]u minimum [...] chiffre[r] les conséquences qui s’imposeront au consommateur s’il s’acquitte de ses obligations avant l’expiration du contrat de crédit et formule[r] clairement les hypothèses utilisées ».

48.      En imposant cette obligation au prêteur, le législateur européen reconnaît la difficulté intrinsèque des calculs liés au remboursement anticipé du crédit. Il exclut dans le même temps que ce soit le consommateur qui doive les effectuer (35), ce qui, à mon avis, contredit la prédilection exclusive pour un certain critère de calcul uniquement parce qu’il est réputé simple ou le plus simple.

49.      Enfin, dans une perspective contextuelle plus large, je rappelle que la directive 2008/48 n’opte pas non plus pour une méthode spécifique de calcul et que la Cour, dans le cadre de l’interprétation de celle-ci, ne s’est pas non plus prononcée à cet égard (36).

4.      La finalité

50.      La directive 2014/17 harmonise les aspects concernant les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel afin de « faciliter l’avènement d’un marché intérieur [de tels] contrats […] fonctionnant sans heurts, tout en garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs ». Elle vise également à « garantir que les consommateurs souhaitant souscrire ce type de contrat puissent le faire en toute confiance, en sachant que les prêteurs avec lesquels ils traitent agissent de manière professionnelle et responsable » (37).

51.      Dans le même ordre d’idées, elle tente d’« établir un marché intérieur plus transparent, efficace et compétitif grâce à des contrats de crédit cohérents, flexibles et équitables relatifs aux biens immobiliers tout en encourageant la viabilité des prêts et des emprunts et l’inclusion financière, entraînant ainsi un niveau élevé de protection des consommateurs » (38).

52.      Dans ce cadre, admettre le remboursement d’un crédit avant l’échéance du contrat « renfor[ce] la concurrence et […] favoris[e] la libre circulation des personnes » et fournit « la souplesse requise pour promouvoir la stabilité financière conformément aux recommandations du Conseil de stabilité financière ». Au service de ces objectifs, il est permis au consommateur de sélectionner des produits adaptés à ses besoins également pendant la durée du contrat (39).

53.      Je ne crois pas que l’on puisse déduire, directement ou indirectement, de ces objectifs une méthode spécifique pour le calcul de la réduction du coût total du crédit, d’autant moins que la directive 2014/17 elle-même reconnaît des différences importantes entre les États membres « dans les principes et les conditions de remboursement de crédit » et indique expressément l’intention de les respecter (40).

54.      En particulier, je ne vois pas dans l’objectif consistant à atteindre un « niveau élevé de protection des consommateurs » un soutien suffisant en faveur du choix d’une méthode et de l’exclusion de l’autre. Il ne me semble pas qu’il faille obligatoirement déduire de cette finalité une prédilection du législateur européen pour un critère de calcul de la réduction (en théorie plus compréhensible et plus facile à mettre en œuvre pour le consommateur) parmi tous les critères admissibles.  

55.      Une tout autre chose est que des circonstances tenant à cette réduction, telles que son mode de calcul, ne sauraient conduire, de jure ou de facto, à annuler le droit au remboursement lui-même ou à dissuader d’exercer ce droit (41).

56.      La directive 2014/17 reconnaît la faible éducation financière du consommateur qui contracte un crédit pour un bien immobilier à usage résidentiel (42). Partant de cette prémisse, elle fait d’une information de qualité à la charge du professionnel le centre de gravité de la protection du consommateur (43).

57.      En particulier, la directive 2014/17 décharge le consommateur des calculs relatifs au remboursement anticipé d’un crédit et confie sa protection en la matière aux règles établissant l’obligation de lui expliquer, de manière transparente (44), comment la réduction du coût total du crédit sera établie.

58.      La directive 2014/17 ordonne expressément que, lorsque le consommateur demande à exercer son droit au remboursement anticipé du crédit, le prêteur lui fournisse sans délai, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à l’examen de cette faculté. Celles-ci doivent indiquer, au minimum, les conséquences financières du remboursement, en expliquant clairement d’où elles proviennent (45).

59.      Dans l’exécution de cette obligation, comme de toute autre obligation liée à l’exécution du contrat, le professionnel est soumis aux règles de conduite prescrites par l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2014/17 (46). Le consommateur bénéficie, en outre, de la protection que lui confèrent d’autres directives (47).

C.      La nécessité de préciser la méthode de calcul de la réduction dans le contrat de crédit

60.      La directive 2014/17 n’entend pas que le consommateur se charge de calculer la réduction qui accompagne un remboursement anticipé du crédit. J’estime, en tout état de cause, que l’emprunteur est en droit de savoir à l’avance comment l’opération sera réalisée et, une fois exécutée, de vérifier comment elle a été effectuée.

61.      Le mandat d’information prévu à l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2014/17 ne garantit pas à lui seul ce droit, puisqu’il n’est activé que lorsque le consommateur demande à procéder à un remboursement anticipé du crédit. Littéralement, la FISE n’inclut pas la description du critère de calcul qui sera appliqué à la réduction en temps voulu (48).

62.      Concernant des domaines proches de celui qui nous occupe, tel que celui régi par la directive 2008/48, la Cour :

–        a déclaré que le prêteur doit transmettre au consommateur une « copie du contrat de crédit ainsi que toutes les informations relatives au remboursement du crédit qui ne figurent pas dans le contrat lui‑même mais qui sont nécessaires aux fins, d’une part, de vérifier le calcul du montant correspondant à la réduction du coût total du crédit à laquelle ce consommateur peut prétendre à la suite de son remboursement anticipé et, d’autre part, de lui permettre d’exercer une éventuelle action en recouvrement de ce montant » (49) ;

–        a indiqué, relativement à l’indemnité liée au remboursement anticipé du crédit, que le contrat doit « indiquer le mode de calcul de cette indemnité d’une manière concrète et facilement compréhensible pour un consommateur moyen, de manière à ce que celui-ci puisse déterminer le montant de l’indemnisation due en cas de remboursement anticipé sur la base des renseignements fournis dans ce contrat » (50).

63.      J’estime que cette jurisprudence est transposable à la réduction du coût total du crédit prévue à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17. Ainsi, dès la conclusion du contrat, le consommateur saura avec certitude : a) qu’il a le droit de rembourser le prêt de manière anticipée et b) comment le coût total du crédit sera réajusté, c’est-à-dire les paramètres de réajustement du coût total du crédit si, à l’avenir, il décide de s’acquitter de ses obligations par anticipation.

D.      L’application de ces considérations au cas d’espèce

64.      Si la Cour accepte l’approche que je préconise, elle pourra constater que la directive 2014/17 ne privilégie pas (ni n’impose ni n’interdit) l’un des critères que la juridiction de renvoi décrit dans sa seconde question préjudicielle. En conséquence, la décision de cette juridiction devra être fondée sur des arguments d’une autre teneur.

65.      Dans ses décisions de renvoi et de confirmation de la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi se prononce en faveur d’une réduction qui soit « proportionnel[le] au rapport entre la période durant laquelle le contrat ne sera pas exécuté (en raison du remboursement anticipé) et la période initialement convenue, pendant laquelle le contrat devait s’appliquer » (51).

66.      Le gouvernement polonais indique que telle est la formule suivie par d’autres juridictions de cet État membre et que le droit national ne contient aucune disposition relative au calcul du réajustement du coût total du crédit (52).

67.      Que cette formule soit, parmi les deux énoncées, la plus simple, voire la plus compréhensible par un consommateur moyen (53), n’en fait pas la seule autorisée par la directive 2014/17. J’insiste sur le fait que cette directive n’impose pas une solution de préférence à l’autre, mais n’interdit pas non plus l’application « par défaut » de celle que la juridiction de renvoi semble préférer.

E.      La limitation dans le temps des effets des arrêts de la Cour

68.      Selon le gouvernement italien, une décision de la Cour qui interprèterait l’article 25 de la directive 2014/17 en ce sens qu’il prescrit un ou plusieurs critères spécifiques pour calculer le montant de la réduction du coût total du crédit pourrait entraîner, dans un avenir immédiat, l’invalidité ou l’inefficacité de clauses, convenues dans des contrats de crédit immobilier, prévoyant d’autres critères.

69.      Ce gouvernement estime qu’une déclaration de la Cour en ce sens pourrait susciter un nouveau courant de contentieux, tant judiciaires qu’extrajudiciaires. Il demande donc à la Cour de limiter dans le temps les effets d’un arrêt ayant une telle teneur, de manière à ce qu’il produise ses effets ex nunc (54).

70.      Si la Cour était d’accord avec ma proposition, la demande du gouvernement italien deviendrait sans objet. En tout état de cause, j’estime que la limitation des effets de l’arrêt de la Cour dans le temps préconisée par ce gouvernement ne serait pas appropriée, car, comme dans l’affaire C‑555/21, UniCredit Bank Austria (55), il n’a pas été démontré que les conditions requises à cet égard par la jurisprudence de la Cour sont réunies (56).

V.      Conclusions

71.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la seconde question préjudicielle du Sąd Rejonowy dla Warszawy-Woli w Warszawie (tribunal d’arrondissement de Varsovie‑Wola, siégeant à Varsovie, Pologne) comme suit :

L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010

doit être interprété en ce sens que :

lorsque le consommateur exerce le droit de s’acquitter, intégralement ou partiellement, des obligations découlant du contrat du crédit avant l’expiration de celui-ci, cette disposition n’établit pas une méthode concrète de calcul de la réduction du coût total du crédit en ce qui concerne les frais dus pour la durée résiduelle du contrat.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).


3      Arrêt du 9 février 2023, UniCredit Bank Austria (C‑555/21, ci-après l’« arrêt UniCredit Bank Austria », EU:C:2023:78), concernant l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17.


4      Affaire VR Bank Ravensburg-Weingarten, pendante, dans laquelle j’ai présenté mes conclusions le 28 septembre 2023 (C‑536/22, EU:C:2023:721).


5      La commission s’élevait à 2 600 PLN.


6      Ou du calcul de la restitution, si le crédit a déjà été remboursé.


7      Il s’agit de trouver le ratio de la réduction qui, multiplié par la valeur de la commission, donnera le chiffre à déduire du coût total du crédit.


8      Dans cette méthode, la proportionnalité est « pure » ou « linéaire ».


9      La méthode semble correspondre au critère de la « courbe des intérêts », conformément auquel, comme l’explique de manière simplifiée le gouvernement italien au point 26 de ses observations, « la quotité des coûts à rembourser est calculée en comparant les intérêts ordinaires restant à payer au moment du remboursement anticipé au total des intérêts prévus par le plan d’amortissement du crédit ». La doctrine établit un lien entre cette méthode et le critère du « coût amorti » utilisé pour l’évaluation comptable d’instruments financiers.


10      Observations écrites de QI, point 11. Elle ajoute que, par analogie avec ce qui a été jugé dans l’arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A. (C‑212/20, EU:C:2021:934), relatif à la détermination du cours d’achat et de vente d’une devise étrangère dans un prêt hypothécaire indexé sur cette devise, le consommateur qui conclut un contrat de crédit relatif à un bien immobilier à usage résidentiel doit avoir la possibilité de calculer lui-même la réduction du coût total du crédit lorsqu’il exerce son droit au remboursement anticipé.


11      Observations de la Commission, point 39.


12      Il me semble que c’est également la position du gouvernement tchèque, bien qu’il ne l’affirme pas explicitement.


13      Observations du gouvernement polonais, points 34 et 35. Au point 38, il souligne, comme QI, l’absence, sur le marché polonais du crédit hypothécaire, d’offres de prêts à taux fixe pour toute la durée du contrat.


14      Observations du gouvernement italien, points 37 à 42. Dans le même sens, dans sa proposition de réponse à la seconde question préjudicielle, le gouvernement tchèque indique que le calcul de la réduction doit prendre en considération « la nature du coût concerné, la nature du service lié à ce coût et le mode de remboursement de ce coût en lien avec la prestation du service ».


15      Observations du gouvernement portugais, points 37 et 38.


16      Observations de Santander Bank, points 27 et suiv. L’argumentation est surtout de nature économique. Sur le plan juridique, Santander Bank se fonde sur les références à l’indemnisation du prêteur figurant au considérant 66 et à l’article 25, paragraphe 3, de la directive 2014/17. Il n’est, selon elle, pas clair que la question soit tranchée dans le texte de la directive.


17      Annexe II de la directive 2014/17. Le considérant 40 de cette directive explique que, au moyen de la FISE, des informations personnalisées sont fournies au consommateur sur le contrat de crédit qu’il souscrit. Il ajoute que la fiche, dans le modèle prévu par ladite directive, a été révisée afin de garantir qu’elle « soit claire et compréhensible et contienne toutes les informations jugées pertinentes pour les consommateurs ».


18      Le point 9 de la partie A de la FISE ne contient pas de références textuelles à la réduction du coût du crédit. L’exigence d’indiquer, le cas échéant, une méthode de calcul porte sur les « frais de sortie ». Dans la partie B de la fiche, qui détaille les instructions pour la compléter, la section 9 identifie ces frais de sortie comme étant l’indemnisation éventuellement prévue en faveur du prêteur. Pour les raisons que j’indiquerai aux points 60 et suiv. des présentes conclusions, la manière dont l’éventuelle réduction pour remboursement anticipé sera calculée doit également être communiquée au consommateur qui envisage de conclure un contrat de crédit.


19      Directive du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48).


20      Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66). La directive 2008/48 sera à son tour abrogée avec effet au 26 novembre 2026 par l’article 47 de la directive (UE) 2023/2225 du Parlement européen et du Conseil, du 18 octobre 2023, relative aux contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 2008/48/CE (JO L, 2023/2225).


21      Article 8 de la directive 87/102, article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48 et article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17. La (nouvelle) directive 2023/2225 reprend l’interprétation donnée par la Cour dans l’arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor (C‑383/18, EU:C:2019:702) concernant les frais relativement auxquels s’applique la réduction du coût total du crédit : voir considérant 70 et article 29, paragraphe 1, de la directive 2023/2225.


22      La discussion sur le droit du consommateur de s’acquitter de ses obligations avant le délai convenu est étroitement liée au droit à indemnisation du prêteur, qui est lui‑même loin d’être pacifique. Ajoutons que le remboursement anticipé peut avoir des répercussions au-delà des parties au contrat : voir deuxième rapport du Parlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit aux consommateurs [COM (2002) 0443 – C5‑0420/2002 – 2002/0222(COD)], document A5‑0224/2004, amendements 96 à 100. Il y est mis en garde contre les éventuelles conséquences négatives d’un remboursement anticipé et gratuit à l’égard des consommateurs « respectueux », étant entendus comme tels ceux qui maintiennent le contrat jusqu’à l’échéance convenue. Dans le domaine du crédit hypothécaire, l’analyse d’impact accompagnant le livre blanc sur l’intégration des marchés du crédit hypothécaire de l’UE, document SEC(2007) 1683, annexe III, p. 60 et 61, se prononce sur les conséquences systémiques liées à des indemnisations trop basses pour le prêteur.


23      Voir arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor (C‑383/18, EU:C:2019:702), pour la directive 2008/48, et arrêt UniCredit Bank Austria, pour la directive 2014/17. Conformément à cette jurisprudence, dans le cas du crédit hypothécaire, le droit à réduction n’inclut pas les frais qui, indépendamment de la durée du contrat, sont mis à charge du consommateur en faveur soit du prêteur, soit de tiers au titre de prestations ayant déjà été exécutées intégralement au moment où le remboursement anticipé a lieu. En revanche, dans le cadre du crédit à la consommation, la réduction porte sur tous les frais imposés au consommateur. Le considérant 70 de la directive 2023/2225 précise l’exclusion de certains frais et taxes payés directement à des tiers.


24      Sous l’empire de la directive 87/102, chaque État était libre de déterminer la quantité de la réduction. Le premier rapport de la Commission sur la mise en œuvre de l’instrument, datant de 1995, fait état de la suggestion, par un État membre, de définir la réduction équitable « either by setting a percentage or a formula for its calculation » : COM(95) 117 final, point 192. Le rapport de 1996 se contente de rappeler que la directive ne fait pas obstacle aux méthodes de calcul existant déjà dans les États membres : COM(96) 79 final, point 55.


25      Bien que les travaux préparatoires à la directive 2023/2225 ne montrent pas de discussion sur ce point, le considérant 70 de cette directive indique que « [l]a réduction du coût total du crédit pour le consommateur devrait être proportionnelle à la durée restante du contrat de crédit [...] » (mise en italique par mes soins). Cette précision, qui, selon moi, suggère la volonté de consacrer pro futuro la méthode de proportionnalité linéaire en matière de crédit à la consommation, n’apparaît pas dans des textes antérieurs à la réunion informelle interinstitutionnelle qui a eu lieu le 1er décembre 2022.


26      Voir mes conclusions dans l’affaire VR Bank Ravensburg‑Weingarten (C‑536/22, EU:C:2023:721, point 19).


27      Par voie législative ou règlementaire ou par d’autres moyens tels que des clauses contractuelles (considérant 66 de la directive 2014/17).


28      Dans certaines circonstances, des restrictions peuvent être imposées au point d’exclure l’exercice du droit. Voir celles énumérées au considérant 66 de la directive 2014/17 : « Les États membres devraient [...] pouvoir définir les conditions d’exercice de ce droit [au remboursement anticipé]. Ces conditions peuvent notamment consister à limiter ce droit dans le temps, à prévoir un traitement différent selon le type de taux débiteur ou à prévoir un nombre restreint de circonstances dans lesquelles le droit peut être exercé. Si le remboursement anticipé intervient dans une période pour laquelle le taux débiteur est fixe, l’exercice du droit pourrait être subordonné à l’existence d’un intérêt légitime chez le consommateur, précisé par l’État membre. Un tel intérêt légitime pourrait exister, par exemple, en cas de divorce ou de chômage. [...] »


29      Il ne me semble pas que le considérant 66 de la directive 2014/17, qui utilise des formules ouvertes même lorsqu’il se réfère à des limites à l’exercice du droit au remboursement anticipé du crédit par les États membres, puisse être compris autrement.


30      En particulier, le taux annuel effectif global à l’annexe I.


31      Et dans la deuxième partie du considérant 22 de cette directive.


32      Voir, en ce sens, décision de renvoi (point 74) et observations de Santander Bank (points 28 et 29).


33      Observations de la Commission, point 39.


34      Observations du gouvernement polonais, points 34 et 35.


35      Une autre question est celle de la vérification de ces calculs par le consommateur : voir points 60 et suiv. des présentes conclusions.


36      L’arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor (C‑383/18, EU:C:2019:702, point 24), reprend les deux interprétations de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48 proposées par la juridiction de renvoi, les défenderesses et d’autres parties intéressées. Alors que la première interprétation mettrait l’accent sur le type de frais concernés par la réduction du coût total du crédit, la seconde indiquerait également la méthode de calcul pour appliquer la réduction, qui consisterait à « prendre en compte la totalité des frais supportés par le consommateur puis à en réduire le montant proportionnellement à la durée résiduelle du contrat ». L’arrêt retient une réduction qui inclut tous les frais imposés au consommateur, mais pas la référence à la proportionnalité. Voir, dans la note en bas de page 25 des présentes conclusions, le changement de situation après l’adoption de la directive 2023/2225.


37      Considérant 5 de la directive 2014/17.


38      Considérant 6 de la directive 2014/17.


39      Considérant 66 de la directive 2014/17.


40      Considérant 66 de la directive 2014/17.


41      Le rapport final de l’étude d’évaluation de la directive 2014/17 établi par la direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés de capitaux (Commission européenne), Risk & Policy Analysts (RPA), de novembre 2020, indique qu’il n’est pas rare que les consommateurs ignorent combien ils épargneraient en remboursant leur crédit de manière anticipée (p. 9). Toutefois, il reconnaît ensuite la difficulté de lier l’exercice, encore limité en pratique, du droit au remboursement à un facteur concret. Il ne mentionne en aucun cas la méthode de calcul de la réduction du coût total du crédit comme étant problématique : voir point 5.2.7. de ce rapport. Il fait par ailleurs observer que la raison habituelle pour laquelle le consommateur ne procède pas à un remboursement anticipé est qu’il ne peut pas se le permettre : voir p. 170 dudit rapport.


42      Elle qualifie ce manque de connaissances comme l’un des problèmes du marché du crédit hypothécaire au sein de l’Union (quatrième considérant). Le chapitre 2 de la directive 2014/17, intitulé « Éducation financière », contient des dispositions obligeant les États membres à promouvoir des mesures encourageant l’éducation des consommateurs quant aux responsabilités que comporte la conclusion d’un crédit hypothécaire.


43      Grâce à la directive 2014/17, le consommateur est destinataire d’informations à plusieurs stades du processus d’octroi d’un crédit, de la publicité à l’exécution du contrat. L’importance d’informer le consommateur (emprunteur) à ce dernier stade est corroborée, outre par l’article 25 de cette directive, par son article 27, qui impose au prêteur un devoir d’information quant aux modifications du taux débiteur et à leurs conséquences sur les paiements futurs. Ces deux dispositions figurent dans le même chapitre de la directive 2014/17, intitulé « Bonne exécution des contrats de crédit et exercice des droits connexes ».


44      La Cour a interprété l’exigence de transparence, par exemple dans l’arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A. (C‑212/20, EU:C:2021:934, points 38 et suiv.), en ce qui concerne l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29). Cette affaire portait sur une clause contractuelle relative au cours d’achat et de vente d’une devise étrangère dans un contrat de prêt hypothécaire indexé sur cette devise. Voir également arrêts cités au point 62 des présentes conclusions.


45      Article 25, paragraphe 4, de la directive 2014/17. Selon moi, l’obligation de communiquer les modalités de détermination de la réduction prévue au paragraphe 1 de cet article existe avant même que l’emprunteur ne demande à exercer son droit au remboursement anticipé, même si la directive ne le prévoit pas expressément : voir points 60 et suiv. des présentes conclusions.


46      Il agit « d’une manière honnête, impartiale, transparente et professionnelle, en tenant compte des droits et des intérêts des consommateurs ».


47      Je pense notamment à la directive 93/13 et à la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149 p. 22).


48      Voir note en bas de page 18 des présentes conclusions.


49      Arrêt du 12 octobre 2023, Z. (Droit d’obtenir un duplicata du contrat de crédit) (C‑326/22, EU:C:2023:775, point 30). Cette affaire portait sur l’interprétation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48.


50      Arrêt du 9 septembre 2021, Volkswagen Bank e.a. (C‑33/20, C‑155/20 et C‑187/20, EU:C:2021:736), relatif à l’article 10, paragraphe 2, sous r), de la directive 2008/48.


51      Décision de renvoi, point 72.


52      Observations du gouvernement polonais, point 34.


53      La notion de consommateur n’est pas définie par la directive 2014/17. Je n’ai pas de raisons de croire qu’elle s’écarte de celle communément utilisée dans la jurisprudence relative à la protection du consommateur, qui identifie le consommateur moyen comme le consommateur « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ». Les obligations d’information du prêteur mentionnées aux points précédents des présentes conclusions sont bien entendu exigibles.


54      Observations du gouvernement italien, points 43 et 44.


55      Dans cette affaire, le gouvernement italien avait formulé une demande analogue. Au point 92 des conclusions que j’ai présentées dans ladite affaire (EU:C:2022:742), j’ai indiqué que, « [s]i la Cour devait suivre la thèse que je défends, il serait inutile de faire droit à la demande du gouvernement italien quant à l’éventuelle limitation des effets de l’arrêt dans le temps. Au demeurant, je considère qu’une telle limitation ne serait pas appropriée, car il n’est pas établi que les conditions (en particulier les répercussions économiques graves) exigées par la jurisprudence de la Cour à cet égard soient remplies ».


56      Voir, notamment, arrêts du 17 mars 2021, Academia de Studii Economice din București (C‑585/19, EU:C:2021:210, points 78 à 81) ; du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, point 132), ou du 26 octobre 2021, PL Holdings (C‑109/20, EU:C:2021:875, point 60).